N° 92
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Par M. André DULAIT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Roger Husson, Christian de La Malène, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
1
)
(1999-2000).
Lois de finances.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2000 traduit
pour la deuxième année consécutive, la fusion des
ministères des Affaires étrangères et de la
Coopération. Il s'agit donc d'un budget unique, fondé sur une
nouvelle nomenclature, qui traduit l'intégration des crédits des
deux ministères.
Le budget pour 2000
est caractérisé par une
légère hausse des crédits (+ 0,64 %).
Les
crédits s'élèveront à
20,9 milliards de francs
en 2000
au lieu de 20,8 en 1999.
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées est attachée à une présentation
des crédits relevant de l'action extérieure de la France qui
permette d'isoler les moyens consacrés d'une part, à l'aide au
développement (rapport pour avis de Mme Paulette Brisepierre) et d'autre
part, aux Relations culturelles extérieures (rapport pour avis de
M. Guy Penne). En conséquence, le présent rapport pour avis
portera sur la dotation des affaires étrangères stricto sensu.
Toutefois, il est devenu cette année très difficile, voire
impossible, de maintenir une analyse à structures constantes dans tous
les domaines. Ainsi, les dotations de fonctionnement sont totalement
fusionnées, ne permettant plus les distinctions.
Avant d'aborder l'analyse des crédits inscrits, pour le Quai d'Orsay,
dans le projet de loi de finances pour 2000, votre rapporteur analysera la
poursuite de la fusion des Affaires étrangères et de la
Coopération et cherchera à en tirer les enseignements. Il
poursuivra ensuite la réflexion engagée sur l'adaptation du
réseau français à l'étranger et sur les
problèmes des personnels, en s'interrogeant sur les solutions qui
pourraient être apportées au problème spécifique des
recrutés locaux.
I. LA POURSUITE DE LA FUSION DU MINISTÈRE DE LA COOPÉRATION ET DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'année 2000 marquera l'
achèvement
de
la
fusion
entre le ministère de la Coopération et celui des
Affaires étrangères. L'ensemble de leurs moyens seront
fusionnés.
L'année 2000 ne connaîtra pas d'aussi importants changements que
l'année 1999 où l'organigramme du ministère avait
été profondément modifié avec, notamment, la
création d'une grande direction commune devant accueillir l'essentiel
des structures de coopération : la DGCID ou Direction
générale de la coopération internationale et du
développement.
La logique de fusion des deux ministères sera poursuivie en 2000 par la
fusion entre le 1
er
janvier 2000 et le 31 janvier 2001 des corps de
fonctionnaires de la Coopération et des Affaires
étrangères. Il faudra aussi essayer de faire un bilan de la
première année de la fusion et d'évaluer les
économies d'échelle qui ont pu être faites.
1. La fusion des corps de fonctionnaires entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001
Si la
fusion des services est effective depuis la publication du décret du
10 décembre 1998 portant nouvelle organisation de l'administration
centrale, la reforme ne trouvera sa pleine traduction, en matière de
personnel, qu'à partir de l'année 2000.
En 1999, pour des raisons d'organisation, une gestion séparée des
personnels de la Coopération et des Affaires étrangères a
dû être privilégiée. En revanche, l'année 2000
marquera le début de l'unification de la gestion de l'ensemble des
personnels du Département et d'une approche globale et harmonisée
en matière de recrutement et de déroulement des carrières.
La fusion des corps de fonctionnaires
ne peut se faire que
progressivement et de manière réfléchie. Elle
aura lieu
en deux temps, les fonctionnaires de catégorie A dès le
début 2000 et les fonctionnaires des catégories B et C
ensuite
.
Par ailleurs, la fusion des Affaires étrangères et de la
Coopération est l'occasion d'une réflexion statutaire d'ensemble
avec les ministères de la Fonction publique et du Budget, notamment sur
un possible regroupement des personnels d'administration centrale et de
chancellerie. L'objectif est de favoriser une gestion souple des
carrières permettant de pourvoir la pluralité des fonctions
diplomatiques et administratives en France et à l'étranger.
a) La fusion des corps de fonctionnaires de catégorie A
La
fusion des corps de fonctionnaires de catégorie A doit être
organisée dès 2000.
- Le décret permettant aux
administrateurs civils
de la
Coopération d'intégrer, à leur demande,
le corps des
conseillers et secrétaires des Affaires étrangères
,
doit être prochainement soumis au Conseil d'Etat après les avis
favorables du comité technique paritaire ministériel et du
Conseil supérieur de la Fonction publique. L'intégration devrait
être volontaire, l'ancien statut de la Coopération disparaissant
progressivement. Toutefois, le ministère des Affaires
étrangères manifeste la volonté d'y parvenir rapidement.
Ce futur corps unique devrait prendre la dénomination de " corps
des conseillers des Affaires étrangères ", tandis qu'un
corps unique de " secrétaires des Affaires
étrangères " devrait réunir les secrétaires
adjoints et les attachés d'administration centrale des deux
ministères.
Au sein de ces futurs corps uniques des Affaires étrangères
seront maintenus les voies respectives de recrutement spécifique :
cadre d'Orient, cadre général et cadre d'administration. Leur
maintien doit assurer l'autonomie et la pérennité des
différents modes de recrutement.
- Un nouveau corps, ayant vocation à
regrouper les secrétaires
adjoints des Affaires étrangères et les attachés
d'administration centrale des Affaires étrangères et de la
Coopération,
devrait être créé le ler janvier
2000. Le décret qui a reçu l'avis favorable du Conseil de la
Fonction publique devrait être soumis prochainement au Conseil d'Etat.
Il convient de remarquer que cette fusion ne se fera vraisemblablement pas sans
heurts. Son annonce avait provoqué de vives réactions au sein des
secrétaires adjoints des Affaires étrangères. En effet,
ceux-ci sont issus d'un concours distinct de celui permettant d'accéder
aux postes d'attachés d'administration centrale, ce concours distinct
étant estimé plus prestigieux que celui des IRA (Instituts
régionaux d'administration). Fort de ce recrutement différent, il
leur est jusqu'à présent possible d'avoir une carrière,
sur certains aspects, plus proche de celle des secrétaires et
conseillers des Affaires étrangères que de celle des
attachés d'administration centrale. Certains d'entre eux
accèdent, en fin de carrière, à des postes d'ambassadeur.
C'est cette spécificité qu'ils craignent de perdre en
étant fusionnés aux corps d'attachés d'administration
centrale des Affaires étrangères et de la Coopération.
Les agents contractuels de catégorie A
, titularisés en
1999 dans l'un ou l'autre de ces corps, devraient être nommés au
ler janvier 2000, comme le reste des agents du corps auquel ils appartiennent,
dans le nouveau corps unique.
b) La fusion des corps des fonctionnaires de catégories B et C demeure à l'étude.
Les
autres corps de fonctionnaires doivent être également
fusionnés.
Il serait illogique de maintenir des statuts et des corps
différents pour les agents d'un même ministère
appelés à remplir les mêmes fonctions
.
Mais la fusion des catégories B et C touchera un nombre beaucoup plus
important de fonctionnaires, elle est donc plus complexe. Elle est encore
actuellement à l'étude. Trois options restent ouvertes :
- l'intégration des agents de la coopération dans les corps
homothétiques des Affaires étrangères ;
- une réforme similaire à celle du nouveau corps des
secrétaires des Affaires étrangères ;
- une voie intermédiaire pérennisant les corps actuels pour les
agents en fonction et proposant un nouveau corps unique pour les agents
intéressés et pour ceux qui rejoindraient à l'avenir le
ministère.
c) Incidence sur les rémunérations
La
fusion des deux ministères a conduit à l'application du
régime le plus favorable de l'un ou l'autre ministère afin
d'
harmoniser
les régimes indemnitaires de l'ensemble du
personnel
.
En administration centrale
, le régime des agents des Affaires
étrangères a été aligné à partir de
1999 sur celui, plus avantageux, des personnels de la Coopération, sauf
pour les primes des emplois à responsabilités dits
" fonctionnels ".
Les augmentations, toutes primes confondues (heures supplémentaires,
indemnisations forfaitaires pour travaux supplémentaires ou primes de
rendement), ont été les suivantes :
- pour les emplois fonctionnels de l'ex-Coopération :
+ 20 % pour un directeur, + 18 % pour un chef de service, + 20 % pour un
sous-directeur ;
- pour le personnel du ministère des Affaires
étrangères :
+ 18 % pour les attachés et attachés principaux,
secrétaires adjoints et principaux, les conservateurs, les
interprètes et les traducteurs ;
+ 30 % pour les chiffreurs, les secrétaires administratifs ou de
chancellerie, les infirmières et les assistantes sociales ;
+ 55 % pour les chargés de mission, les agents contractuels ;
+ 70 % pour les adjoints et agents administratifs et de chancellerie ;
+ 40 % pour les conducteurs.
A l'étranger
, les personnels de l'action culturelle et de
coopération bénéficieront désormais du
barème des indemnités de résidence du réseau
diplomatique et consulaire.
L'harmonisation des rémunérations du personnel contractuel reste
à effectuer.
2. Quel bilan tirer de la fusion des deux ministères ?
Le bilan
de la fusion des deux ministères semble particulièrement
délicat à établir après à peine un an
d'application de la réforme. Toutefois,
deux
éléments
semblent ressortir :
-
des doutes sur la nouvelle organisation administrative
,
-
des économies d'échelles non négligeables mais
difficilement mesurables
.
a) Les doutes sur la nouvelle organisation administrative
Dans le
rapport de l'an dernier, votre rapporteur avait présenté la
réforme de l'organigramme du ministère avec une certaine
prudence. Elle reste de rigueur aujourd'hui.
En effet, on doit se féliciter que soient enfin réunies dans des
directions communes les différentes composantes de l'action
extérieure de la France en matière diplomatique, consulaire,
culturelle, éducative, de coopération militaire et de
développement. Cessent, enfin, des séparations qui avaient, au
fil du temps, de moins en moins de sens en raison de l'évolution des
orientations diplomatiques de la France. Une meilleure coordination
était devenue indispensable pour assurer la cohérence et la
gestion d'ensemble de nos actions à l'étranger pour promouvoir
les intérêts de la France.
En revanche, les choix d'organisation administrative ne font pas
l'unanimité. S'il n'était pas cohérent de maintenir des
structures distinctes dans un ministère désormais unique,
la
création de très grandes unités administratives ne sera
pas forcément la solution la plus efficace
. Une telle organisation
risque d'être la
source de lourdeurs de gestion et de
fonctionnement
. L'efficacité d'une telle structure est une gageure
difficile à relever quand il s'agit, en outre, de
faire travailler
des personnels d'origines et de cultures différentes
.
La mise en place de ces structures s'est traduite,
en 1999, par un taux
d'engagement des dépenses anormalement bas par rapport à la
même période l'an passé
. Les taux d'engagement des
crédits en matière de coopération sont
de l'ordre de 43
%
( ancien chapitre 42-10 : chapitres 42-11, 12, 13, et chapitre
42-29).
Il sera donc important, dans les prochaines années, d'assurer le suivi
de la réforme et de poursuivre la réflexion sur l'organisation
administrative du ministère en vue d'une plus grande
efficacité.
b) Des économies d'échelle difficilement mesurables
A
nouveau,
les économies d'échelles
qui pouvaient être
attendues de la fusion
sont difficiles à évaluer et à
estimer
. Contrairement aux pratiques relatives aux fusions dans les
sociétés privées, de telles prévisions n'ont pas
été faites publiquement et leur évaluation après
coup ne semble ni systématiquement recherchée ni rendue publique.
Les économies de fonctionnement liées à la fusion ont
été
chiffrées à 35 millions de francs pour
2000
. Ce chiffre
correspond, en fait, aux économies
effectuées sur les crédits du chapitre 34-98
, sans qu'il
semble absolument certain que l'on puisse distinguer les économies
liées à la fusion et économies qui ont pu être
obtenues par ailleurs. Il restera donc dans l'avenir à mieux affiner
l'évaluation de l'impact budgétaire de la fusion et de la
globalisation des moyens des deux ministères pour déterminer plus
précisément les moyens qu'elles permettent de dégager.
La fusion des deux ministères
n'a pas entraîné, en tant
que tel, de gains de postes
. Une réduction des effectifs liée
à des économies d'échelle n'a pas été
identifiée. Par contre,
seront dégagés, en 2000, 92
supports budgétaires
permettant la création du même
nombre d'emplois. Pour des raisons de technique budgétaire, ces emplois
existaient budgétairement mais ne correspondaient pas à des
postes réels. La fusion doit permettre de les dégager et de les
activer. Il faut également remarquer que l'impact de la fusion sur le
nombre des emplois des ministères a certainement été
réduit par les diminutions d'effectifs qu'a connu le ministère
des Affaires étrangères. En effet, depuis cinq ans, ses effectifs
ont été réduits de 8 % dans le cadre du
" schéma quinquennal d'adaptation du réseau ". Votre
rapporteur s'en était inquiété à plusieurs
reprises, estimant problématique de maintenir un réseau
très ambitieux avec un effectif toujours plus réduit.
On comprend donc mieux que les emplois dégagés par la fusion ne
soient pas supprimés mais répartis dans les services qui en ont
le plus besoin, notamment celui des visas.
Il faut souhaiter qu'en cours d'année
le Parlement puisse être
informé plus complètement et plus clairement des effets de la
fusion des deux ministères sur
:
- l'efficacité du travail administratif,
-
le montant des crédits et les économies
réalisées
,
-
les emplois
.