N° 90
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XIII
FRANCOPHONIE
Par M. Jacques LEGENDRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
1
)
(1999-2000).
Lois de finances
.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La francophonie a-t-elle un avenir ?
La francophonie existe puisqu'elle tient sommet.
Cette année encore, une cinquantaine de délégations
officielles, conduites parfois par leur chef d'Etat ou de gouvernement, se sont
rassemblées.
C'était cette fois, à l'Amérique du Nord, et plus
précisément à la ville de Moncton, Canada, Nouveau
Brunswick, d'accueillir ce grand rassemblement dans une cité bilingue,
symbolique de cette Acadie qui fut la première terre d'accueil des
colons français d'Amérique du Nord, mais qui porte le nom du
général anglais qui organisa leur déportation -le Grand
Dérangement- en 1755.
Ce fut sans doute une revanche de l'histoire et un moment d'émotion, de
fierté légitime pour l'admirable peuple acadien.
Mais le feu d'artifice final ne peut pas dissimuler ce demi-échec d'un
sommet confus où le thème choisi -la jeunesse- fut souvent
éclipsé par un débat plus " médiatique "
sur la composition même du sommet, et le plus ou moins grand respect des
Droits de l'Homme par certains des Etats représentés.
Il en est résulté une impression de confusion, qui amène
à s'interroger sur l'organisation des prochains sommets.
Mais l'ambiguïté, voire le désenchantement, ne
procède pas seulement d'un sommet nébuleux.
Comment ne pas s'interroger sur la place particulière du
français, fédérateur du mouvement francophone quand tant
d'événements survenus cette année illustrent la
difficulté d'être, de rayonner, d'une langue qui tend à
devenir, selon l'expression d'Antoine Compagnon, " une langue comme les
autres ".
Les exemples abondent :
Septembre 1999
Le groupe Renault, dont l'Etat détient 44,2 % du capital,
décide de s'acculturer en adoptant l'usage exclusif de l'anglais pour
ses comptes-rendus de comité de direction, c'est-à-dire les
rapports rédigés chaque semaine par la direction
générale et répercutés dans les différentes
directions du groupe.
Au même moment, à Strasbourg, la société
française Aérospatiale Matra et la société
allemande Daimler Chrysler fusionnent. Elles donnent à la nouvelle
société un nom anglais : EADS (European Aeronautic Defence
and Space Company) et la cérémonie inaugurale, en présence
du Chancelier allemand et du Premier ministre français débute par
un exposé ... en anglais ! La constitution d'EADS est
incontestablement importante pour assurer l'avenir de l'industrie
aéronautique européenne. Mais était-il indispensable que
cette victoire industrielle franco-allemande illustre en même temps
l'abaissement linguistique de deux pays qui se préoccupent pourtant
d'affirmer la place de leurs langues en Europe ?
Lundi 27 septembre
Christian Noyer, vice-président français de la Banque centrale
européenne (BCE), est auditionné par la commission des affaires
monétaires du Parlement européen, à Bruxelles. Il choisit
de s'exprimer en anglais, alors que la traduction simultanée
était disponible dans les onze langues de l'Union et qu'un seul pays de
la zone Euro, l'Irlande, a l'anglais pour langue officielle.
Le journal Libération du 29 septembre, qui rapporte le fait, donne
l'explication suivante : " en fait, Christian Noyer est
représentatif de l'élite française : la
quasi-totalité des fonctionnaires hexagonaux présents dans les
institutions européennes a depuis longtemps rendu les armes face
à la langue anglaise, au-delà des discours incantatoires sur la
" défense du français ".
Octobre 1999
Le film de Luc Besson " Jeanne d'Arc " s'affiche dans toutes les
villes de France, et passe en avant-première au Sénat. Surprise.
La version originale est en anglais et Luc Besson refuse d'y voir un
problème.
Pas plus d'ailleurs que Claude Berri, qui ne cachait pas son intention de
produire des films en version originale de langue anglaise si cela pouvait
aider à les faire programmer aux États-Unis. Ces mêmes
cinéastes, pourtant, réclament à corps, et, à cri
la protection du cinéma français au nom de l'exception culturelle
et il y a un an Claude Lelouch et Claude Miller félicitaient le
gouvernement d'avoir retiré la France des négociations de
l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), puis
déclaraient " le cinéma et la civilisation ne sont pas
seulement un enjeu économique, ils sont aussi un enjeu de civilisation
et d'identité. Quel serait l'intérêt d'un monde sans
conteurs d'histoires, dépossédé de son imaginaire, de ses
langues ? Face à la machine décérébrante d'un
certain cinéma hollywoodien, les cinémas nationaux sont autant de
cinémas identitaires. C'est là que le cinéma opère
cette fusion magique jamais démentie entre argent et création,
entre marché et imaginaire. "
Quand Jeanne d'Arc parle anglais, le film est-il uniquement un film
français ?
3 novembre 1999
Le Monde rend compte du treizième Mondial de la publicité
francophone. Le constat est sans appel : " La publicité
francophone face à son déclin ". Le bilan décevant du
treizième Mondial de la publicité francophone incite les
publicitaires, chaque année moins nombreux à utiliser le
français, à se mobiliser pour trouver une nouvelle raison
d'être à cette forme de communication qui relève
désormais du militantisme.
Il existe pourtant de bonne raisons de faire la publicité en
français. Ibrahim Tabet, président de l'agence Stratégie
Moyen-Orient, basée à Beyrouth, Le Caire et Djeddah,
déclare : "
On est en train de subir
l'hégémonie culturelle américaine. Dans notre
publicité coexistent une langue maternelle commune, l'arabe, une langue
de culture, le français, une langue de communication, l'anglais... Au
Liban, l'utilisation de l'arabe et du français régresse au profit
de l'anglais ... Trente à quarante pour cent de la population parlent
français, mais face à la fascination des jeunes pour les
États-Unis, la culture française n'est plus
considérée comme moderne. Ce qui est " in ", c'est
désormais de communiquer en anglais.
"
Ces faits sont graves.
Il est impossible de ne pas les évoquer quand il faut
réfléchir à notre action en faveur de la francophonie.
Comme le français pourra-t-il prétendre demeurer une grande
langue internationale s'il n'est plus parlé au sein des grandes
entreprises françaises, si la publicité exprime de moins en moins
sa créativité en français, si le monde scientifique et le
monde financier ne parlent que l'anglais, si le cinéma francophone,
même, passe à l'anglais ?
J'exprime ici une profonde inquiétude et une véritable
colère.
Il y a des évolutions qui sont inéluctables. Mais tous les faits
que je viens d'énoncer ne sont pas inéluctables ; un
cinéphile français a le droit de voir un film français en
version originale française. Un consommateur francophone
préfère sûrement un message publicitaire en français.
Allemands et Français pourraient converser dans leurs langues et donner
à une entreprise commune un nom compréhensible dans leurs deux
pays. Il s'agit de volonté et ce qui faut hélas dénoncer,
c'est d'abord la défaillance de la volonté.
Le déclin du français n'est pas irrémédiable.
J'ai cité un certain nombre de faits inquiétants.
Mais la " demande de France " reste toujours très importante
et nous ne parvenons pas à y répondre complètement.
J'étais il y a quelques semaines au Nigéria avec une mission du
Sénat. Ce pays géant de l'Afrique -120 millions d'habitants-
entend faire du français sa deuxième langue internationale
après l'anglais.
Il fait ce choix parce qu'il est entouré de pays francophones et qu'il
doit, s'il veut rayonner pleinement, s'affranchir de la barrière de la
langue en devenant suffisamment francophone -au moins au niveau de ses
élites- pour jouer pleinement son rôle en Afrique de l'Ouest. Mais
pour la francophonie, c'est une chance que nous peinons à saisir.
En Europe, nos voisins et amis allemands se préoccupent maintenant de la
place de leur langue dans les institutions européennes.
Ce printemps, à Oulu, en Finlande, Allemands et Autrichiens ont
quitté une réunion informelle des ministres de l'industrie de
l'Union européenne parce que la langue allemande -la plus parlée
dans l'Union européenne- était exclue des débats.
Nous ne devons pas nous inquiéter de cette volonté
légitime, mais y trouver au contraire un précieux appui à
notre combat en faveur du pluri-linguisme.
Car la France, quand elle milite pour la francophonie et pour le
pluri-linguisme ne livre pas un combat désespéré. Elle
exprime au contraire une exigence du XXIe siècle.
Encore faudrait-il que les responsables français en soient conscients et
qu'ils conduisent une politique linguistique volontaire et cohérente.
Dans le domaine de la langue, la cohérence et la volonté d'un
peuple peuvent triompher de la " force des choses ". La Flandre, la
Catalogne et bien sûr le Québec en apportent l'éclatante
démonstration.
La France officielle soutient officiellement la francophonie et lui consacre
des crédits importants. Mais la France des affaires, la France des
sciences, de la finance, des médias, se moque de ce combat, ne s'y
associe pas ou même s'y oppose s'il lui semble contraire à ses
intérêts particuliers.
Il est nécessaire que la France consacre à la francophonie les
moyens de ses ambitions. Mais il faut que le débat nécessaire
soit ouvert pour que l'ambition de faire de la francophonie une
réalité du XXIe siècle soit enfin partagée par tous
ceux qui ont en charge l'avenir de notre pays.
*
* *
I. LA FRANCOPHONIE DEVRAIT BÉNÉFICIER, DANS L'ORGANISATION GOUVERNEMENTALE DE NOTRE PAYS, D'UN SECRÉTARIAT D'ETAT SPÉCIFIQUE
A. L'ORGANISATION GOUVERNEMENTALE DE LA FRANCOPHONIE
Le
premier gouvernement de Lionel Jospin, constitué le 4 juin 1997, ne
comprenait pas de membre chargé de la francophonie.
Cette omission a, certes, été réparée le 25
novembre suivant, avec l'ajout de cette compétence à celles
déjà exercées par M. Charles Josselin, alors
secrétaire d'Etat à la coopération auprès du
ministre des affaires étrangères.
De plus, une importante réforme des structures des ministères des
affaires étrangères et de la coopération est intervenue au
début de l'année 1998, visant à une fusion progressive de
l'administration de la coopération au sein de celle du ministère
des affaires étrangères; votre rapporteur a toujours
été favorable à ce regroupement, qui doit permettre
à nos services présents dans les pays étrangers de relever
d'un seul et unique ministère, ce qui leur conférera plus de
cohérence et de légitimité. Mais, en contrepartie de cette
fusion, il estime qu'il
faut individualiser au sein d'un ministère
délégué tous les instruments concourant à la
promotion de la francophonie et de la culture de notre pays, en y
intégrant l'audiovisuel extérieur
. Dans le domaine qui nous
intéresse, cette fusion s'est traduite par la création de la
Direction générale de la coopération internationale et du
développement (DG-CID) ; au sein de cette DG-CID a
été créée une direction de la culture et du
français, compétente dans le domaine.
Votre rapporteur estime que seul le ministère
délégué déjà évoqué, ayant une
autorité directe et exclusive sur la DG-CID, permettrait d'obtenir une
structure opérationnelle effective pour défendre notre langue et
notre culture en France et à l'étranger
. Cette organisation
permettrait notamment une bonne articulation de ses actions avec celles
menées par le ministère de la culture, qui doivent être
déterminantes par leur exemplarité : quel crédit
notre pays peut-il obtenir dans sa volonté de défendre et
d'élargir le champ de sa langue et de sa culture à
l'étranger, alors que celles-ci sont régulièrement mises
à mal à l'intérieur même de nos frontières,
comme le montrent les quelques exemples cités dans l'introduction du
présent rapport ?
Il conviendrait également que nos actions culturelles
extérieures impliquent pleinement notre réseau audiovisuel
présent dans le monde entier, avec RFI, CFI et TV5.
Ce souhait a déjà été formulé dans l'avis
budgétaire présenté par votre rapporteur en 1999 : il
a pris une acuité toute particulière avec la publication, au mois
de février dernier, de la liste des pays inclus dans notre zone de
solidarité prioritaire (ZSP).
En effet, notre ZSP inclut désormais de nombreux pays non francophones
vers lesquels il a paru souhaitable au gouvernement d'orienter notre effort de
coopération.
Cette nouvelle orientation a des explications et une légitimité
qui ne me semblent pas discutables, mais elle marque clairement la distinction
qui s'opère désormais entre le champ de notre coopération,
et le champ de la francophonie.
B. LE FINANCEMENT DES ACTIONS MENÉES EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE
Ces
crédits sont d'origines très diverses, ce qui ne facilite ni leur
analyse, ni la pertinence de leur emploi.
Ils proviennent en effet, à la fois du ministère des affaires
étrangères lui-même, et d'autres ministères, pour
les actions de francophonie bilatérales menées par la France. Par
ailleurs, notre pays contribue également, par ces mêmes canaux,
à la coopération francophone multilatérale.
1. Les crédits des services du ministère des affaires étrangères
Deux
structures administratives, d'inégale importance, concourent aux actions
de francophonie bi ou multilatérales.
Le service des affaires francophones, directement rattaché au
secrétariat général du ministère des affaires
étrangères, est chargé du dossier de la francophonie
multilatérale
, et mis dans cette perspective à la disposition
du ministre délégué à la coopération et
à la francophonie.
Il a deux missions essentielles :
*
Le suivi du fonctionnement des instances de la francophonie
:
préparation et suivi des sommets de chefs d'Etat, des réunions de
la conférence ministérielle, des sessions du conseil permanent de
la francophonie. Il participe également aux commissions
spécialisées.
Le service des affaires francophones est chargé des relations de la
France avec ces instances ainsi qu'avec les cinq
" opérateurs " de la francophonie : agence de la
francophonie, agence universitaire de la francophonie (AUF,
antérieurement : AUPELF-UREF), TV5, université Senghor
d'Alexandrie, et association internationale des maires des capitales et
métropoles entièrement ou partiellement francophones (AIMF).
* Ce service est également chargé d'effectuer
le bilan de
l'utilisation des fonds affectés par la France aux opérations de
francophonie,
en coordination avec les autres services compétents en
ce domaine, dont les principaux sont la direction générale de la
coopération internationale et du développement, le
ministère de l'éducation nationale et le ministère de la
culture.
Constitué de treize agents, le service des affaires francophones
gère une ligne budgétaire d'un montant de 61 605 644
francs, dont 53 700 000 francs affectés au fonds
multilatéral unique (FMU) de la francophonie, en exécution des
décisions prises à l'occasion des conférences des chefs
d'Etat ou de gouvernement ayant en commun l'usage de la langue
française, et 7 905 644 francs de subventions diverses
destinées à soutenir l'action des associations en faveur de la
francophonie multilatérale.
Ce service bénéficiera en 2000 de crédits identiques
à ceux de 1999
, soit 61,6 millions de francs ; en effet,
l'hypothèse d'un maintien à niveau constant des engagements de la
France en faveur de la francophonie multilatérale a été
retenue.
L'évolution des crédits de ce service, ainsi que les
régulations budgétaires assassines qui les ont
régulièrement amputés, sont récapitulés dans
le tableau suivant :
1991 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
|||
|
LFI |
régul |
LFI |
régul |
LFI |
régul |
LFI |
|
48,53 |
67,30 |
64,57 |
64,10 |
62,10 |
62,7 |
58,6 |
61,60 |
61,60 |
(
en millions de francs)
Il faut relever que la tenue, tous les deux ans, des sommets francophones de
1991 (sommet de Chaillot) à 1994 (deuxième année du
Biennum du sommet de Maurice), s'est alors accompagnée d'une
augmentation des crédits.
Le Biennum consécutif au sommet de Cotonou (1995--1997) a
été moins ambitieux. Au sommet de Hanoi (novembre 1997), le chef
de l'Etat a annoncé, pour le Biennum suivant (1998-1999) le maintien des
contributions françaises antérieures, assorti d'un financement
additionnel de 43 millions de francs, dont une part a incombé au service
des affaires francophones.
En 1998 et 1999, aucune régulation n'est
intervenue, afin de permettre à ce service de respecter les engagements
pris.
C'est heureux, car les maigres crédits du service des affaires
francophones ont été durement affectés par les
annulations, le SAF a en effet été conduit à sacrifier les
crédits qu'il consacrait aux associations (22,7 millions de francs
en 1994, 10,7 millions de francs en 1995, 12,4 millions de francs en
1996, 9,35 millions de francs en 1997, 7,9 millions de francs en 1998)
pour maintenir l'enveloppe des crédits destinés à
concourir au soutien de la coopération multilatérale francophone
Ces annulations de 1997 à 1999 sont plus précisément
décrites dans le tableau suivant :
DE 1997 À 1999
(en francs)
|
dotation initiale |
reports |
annulation |
crédits ouverts |
Année 1997 |
|
|
|
|
Chapitre 42-10 art. 10 |
61 305 644 |
463 980 |
- 2 700 000 |
59 069 624 |
Année 1998 |
|
|
|
|
Chapitre 42-10 art. 10 |
61 605 644 |
70 000 |
|
61 675 644 |
Année 1999* |
|
|
|
|
Chapitre 42-11 art. 80 |
61 605 644 |
155 000 |
|
61 760 644 |
* pour 1999, situation arrêtée au 20 août 1999
2. Le financement interministériel de la francophonie
Les
crédits analysés ci-dessus ne concourent que pour une faible part
au financement des actions menées par la France en faveur de la
francophonie multilatérale.
Ceux-ci sont regroupés dans un fascicule unique, depuis l'initiative
prise en 1987 par Maurice Schumann, alors président de la commission des
affaires culturelles, de demander au gouvernement l'établissement d'un
état des crédits concourant au développement de la langue
française et à la défense de la francophonie. Cet
état est dressé par la direction du budget du ministère
des finances.
Votre rapporteur déplore vivement que ce ministère, si
compétent et diligent qu'il soit, ne lui ait fourni ce document que la
veille de la présentation de son avis budgétaire à la
commission des affaires culturelles, ce qui n'en a pas facilité la
préparation.
Le tableau suivant décrit donc les crédits affectés par
les différents ministères contributeurs à la francophonie
multilatérale.
(en millions de francs)
|
1999 |
2000 |
||
|
AP |
DO + CP |
AP |
DO + CP |
I. Budget général |
|
|
|
|
Affaires étrangères |
445,80 |
4 803,57 |
421,00 |
5 121,21 |
Aménagement du territoire et environnement |
|
|
|
|
II. Environnement |
0,30 |
0 ,98 |
0,30 |
1,70 |
Culture et communication |
5,38 |
49,99 |
12,38 |
57,82 |
Éducation nationale, recherche et technologie |
|
|
|
|
I. Enseignement scolaire |
0,00 |
1,02 |
0,00 |
1,02 |
II. Enseignement supérieur |
0,00 |
6,10 |
0,00 |
6,10 |
III. Recherche et technologie |
8,03 |
22,53 |
8,10 |
22,60 |
Jeunesse et sports |
0,00 |
14,34 |
0,00 |
14,65 |
Justice |
0,00 |
3,00 |
0,00 |
3,00 |
Services du Premier ministre - I. Services communs |
|
|
|
|
Total I |
459,51 |
4 901,53 |
441,78 |
5 228,10 |
II. Comptes spéciaux du Trésor |
|
|
|
|
Soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie des programmes audiovisuels |
|
72,50 |
|
73,50 |
Compte d'emploi de la taxe parafiscale affectée au financement des organismes du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision |
|
165,40 |
|
285,40 |
Total II |
0,00 |
237,90 |
0,00 |
358,90 |
Total I + II |
459,51 |
5 139,43 |
441,78 |
5 587,00 |
Au
sein de cet ensemble, la part du ministère des affaires
étrangères représente environ 90 % des crédits
du budget général
: les dépenses imputées
sur ce budget comprennent :
- une part de la subvention versée à l'Agence pour l'enseignement
français à l'étranger (AEFE), calculée au prorata
des élèves étrangers dans le nombre total des
élèves scolarisés ;
- les dépenses d'intervention affectées à la
francophonie : organisation de sommets francophones, coopération
dans le domaine culturel et audiovisuel (subvention versée à
Radio France Internationale) ou scientifique ;
- les dépenses de personnel des établissements culturels pour
celles de leurs actions consacrées à la promotion et à
l'enseignement du français ;
- les contributions versées par la France à l'Agence de la
francophonie, à l'Union latine et à l'organisation des ministres
de l'éducation du sud-est asiatique ;
- les dépenses engagées par le fonds de solidarité
prioritaire et concourant à la promotion de la langue française.
Par ailleurs, les comptes spéciaux du Trésor (6,5 %), visant
à soutenir l'industrie cinématographique et les organismes
publics audiovisuels, apportent également une contribution.
Au total, la France a contribué pour environ 725 millions de francs en
1999 au financement de la francophonie multilatérale, selon la
répartition décrite ci-dessous :
TOTAL DES CONTRIBUTIONS DE LA FRANCE
À LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE
Fonds multilatéral unique |
281 MF |
TV5, y compris TV5 Afrique |
345 MF |
Autres financements |
101 MF |
TOTAL |
727 MF |
Le fonds
multilatéral unique (FMU), d'un montant de 281 millions de francs en
1999, alimente les cinq opérateurs de la francophonie
multilatérale : TV5 pour sa part a bénéficié
de 345 millions de francs en 1999, y compris TV5 Afrique et les 25 millions de
francs de concours de France Télévision à cette
chaîne. Le FMU est géré par l'Agence intergouvernementale
de la francophonie.
D'autres financements contribuent au développement de la francophonie
pour environ 100 millions de francs. Il s'agit, pour les principaux, de 465
millions de francs de contribution statutaire à l'agence de la
francophonie et 1,15 million de francs de prise en charge des locaux de cette
agence à Bordeaux, de 10 millions de francs programmés en 2000
pour l'Institut technologique du Cambodge, de 8 millions de francs pour les
programmes et le fonctionnement des deux conférences
ministérielles spécialisées permanentes de la francophonie
(éducation et jeunesse et sport), de 5 millions de francs pour l'agence
universitaire de la francophonie (la mise à disposition de personnel),
de 7,6 millions de francs pour le fonds international de la coopération
universitaire (FICU) de l'agence universitaire de la francophonie et enfin de
4,1 millions de francs de fonctionnement (sur quatre ans) affectés au
comité international des jeux de la francophonie.
Ministères |
Total |
Affaires étrangères |
241,8 millions de francs |
Éducation nationale |
23 millions de francs |
Culture |
6,2 millions de francs |
Industrie |
5 millions de francs |
Justice |
3 millions de francs |
Économie (PME-PMI) |
1 million de francs |
Travail, emploi |
0,5 million de francs |
Environnement |
0,5 million de francs |
Total |
281 millions de francs |
La contribution française représente plus de 75 % du budget total du FMU (360 millions de francs), celle du Canada environ 12 %, du Québec 4,5 %, de la Communauté française de Belgique 4 %, de la Suisse 1,6 %. Les contributions des autres pays sont peu significatives.
II. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE
A. LE SOMMET DE HANOI A PROCÉDÉ À UNE PROFONDE RÉFORME DES INSTITUTIONS FRANCOPHONES INTERNATIONALES
1. Le bilan institutionnel
Ce
sommet, tenu au mois de novembre 1997, a conduit à l'adoption d'une
nouvelle charte portant création d'un poste de secrétaire
général de la francophonie, poste qui a été
confié à M. Boutros Boutros Ghali.
Les nouvelles institutions mises en place à cette occasion sont les
suivantes :
*
Le secrétaire général de la francophonie
est
élu pour quatre ans par les chefs d'Etat et de gouvernement auxquels il
rend compte ; il préside le CPF (conseil permanent de la
francophonie) ; il est le porte-parole politique et le représentant
officiel de la francophonie sur la scène internationale, et le plus haut
responsable de l'agence de la francophonie (ex-ACCT).
Les premières actions du secrétaire général ont
visé à promouvoir l'image de la francophonie grâce à
des opérations de communication, des conférences et des
rencontres à l'occasion de ses nombreux déplacements ;
à organiser les éléments d'une coopération avec les
organisations internationales les plus importantes, dont l'ONU, l'Union
européenne, la Banque mondiale, le PNUD, la CNUCED, le Commonwealth, la
Communauté des Etats indépendants, l'OUA, la Ligue des Etats
arabes, l'Organisation des Etats américains, le CEDEAO.
Le secrétaire général a également participé
à plusieurs manifestations internationales, comme la réunion de
l'ONU du 27 juillet 1998 sur les organisations régionales, ainsi que la
conférence sur la création d'une Cour criminelle internationale
(Rome, juin-juillet 1998).
Il s'est attaché à rapprocher la
francophonie d'autres aires linguistiques, comme la lusophonie, au titre de la
défense de la diversité culturelle et linguistique
, ainsi
qu'à organiser des missions d'observations des élections :
Sao Tome et Principe, Burkina Faso, Centrafrique, Gabon, Guinée, Niger,
Djibouti, Seychelles avec le Commonwealth, Togo avec l'OUA, Cambodge avec les
Nations unies, Nigéria sous l'égide de l'ONU, et Guinée
équatoriale avec l'OUA.
Il a également contribué à rechercher des solutions dans
des situations de crise : missions de bonne volonté de M. Moustapha
Niasse au Togo (octobre, novembre et décembre 1998), mission de bonne
volonté de M. Emile Derlin Zinsou en République
démocratique du Congo (2-5 octobre 1998).
Le secrétaire général a donc su s'imposer à
l'agence ; c'est sous son égide que s'est déroulée
l'évaluation de l'agence universitaire de la francophonie, et il s'est
engagé à étendre ce processus à l'ensemble des
opérateurs de la francophonie.
*
Le conseil permanent de la francophonie
(CPF) est désormais
composé des représentants personnels de tous les chefs d'Etat et
de gouvernement. Cette réforme a contribué à renforcer le
caractère représentatif de cette instance.
C'est le CPF qui, tout en conservant sa mission initiale, siège comme
Conseil d'administration de l'agence. Jusqu'à présent,
c'était la conférence qui remplissait le rôle de conseil
d'administration, mais ses réunions n'étaient pas assez
fréquentes pour assurer un fonctionnement satisfaisant.
* L'agence de la francophonie
: le sommet de Hanoi avait
donné mandat à l'administrateur général pour
préparer une réorganisation de l'agence. Ce projet de
réforme a été adopté par la conférence
ministérielle de la francophonie tenue à Bucarest les 4 et 5
décembre dernier, et vise à supprimer l'échelon des
directions générales pour lui substituer celui des directions (10
directions fonctionnelles et 2 de gestion).
L'organigramme adopté au terme de cette réforme aboutit à
un nombre plus resserré de directions dans une hiérarchie
simplifiée. Deux directions reviennent à des
Français : celle du cinéma et des médias, et celle de
la programmation et de l'évaluation.
Le bilan qu'on peut esquisser au terme de deux années de
fonctionnement de cette nouvelle organisation tient, pour l'essentiel, au
rôle important désormais joué sur la scène
internationale par le nouveau secrétaire
général
: sa légitimité, fondée sur
le prestige tiré de ses fonctions antérieures de
secrétaire général de l'ONU, son excellente connaissance
des milieux internationaux, sa stature intellectuelle, en font bien plus qu'un
" secrétaire général ".
Mais le prestige attaché à sa personne s'accompagne d'une
autonomie dans la prise de décisions, particulièrement en faveur
d'un élargissement marqué du nombre des pays admis au sein des
instances francophones, qui ne traduit peut-être pas toujours exactement
les souhaits, en la matière, des pays membres.
2. Le bilan financier
Durant
l'année 1999, deuxième année d'application des
décisions prises à Hanoi et portant sur le biennum 1998-1999,
l'essentiel des actions a porté sur :
- les inforoutes ;
- le français dans les organisations internationales ;
- l'observatoire de la démocratie.
Les crédits affectés à ces actions par l'ensemble des
ministères impliqués sont décrits dans le tableau
ci-après (voir page 20).
A ces crédits s'ajoutent :
- la contribution statutaire de la France à l'agence de la
francophonie : 64,031 millions de francs en 1999, et 1,157 million de
francs pour les locaux de l'école de la francophonie ;
- la subvention de fonctionnement de 4,35 millions de francs versée
à l'agence universitaire de la francophonie (AUF, anciennement
AUPELF-UREF) par les ministères des affaires étrangères et
de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ;
- la subvention de 0,353 million de francs versée à la CONFEMEN
(conférence des ministres de l'éducation des pays ayant le
français en partage) par les ministères des affaires
étrangères et de l'éducation nationale, de la recherche et
de la francophonie ;
- la subvention de 6,539 millions de francs versée à la CONFEJES
(conférence des ministres de la jeunesse et des sports des pays
d'expression française) par les ministères des affaires
étrangères et de la jeunesse et des sports ;
- la subvention de 4,13 millions de francs au comité international des
jeux de la francophonie versée par les ministères des affaires
étrangères et de la jeunesse et des sports ;
- les contributions françaises à TV5 versées par le
ministère des affaires étrangères (246,65 millions de
francs), et par France-télévision (255,8 millions de francs)
SOMMET
DE HANOI
CONTRIBUTION DE LA FRANCE AU FONDS MULTILATÉRAL UNIQUE EN
1999
Source : Ministère des affaires étrangères
B. LE BILAN DU SOMMET DE MONCTON EST MODESTE
La
déclaration politique et le plan d'action adoptés à
l'issue des travaux fixent pour les deux prochaines années le cadre
d'action de la francophonie. Aucune décision institutionnelle n'a
été prise au sommet de Moncton, les chefs d'Etat et de
gouvernement n'ayant pas souhaité rouvrir le débat sur la
réforme des institutions de la francophonie qui avait été
le thème central des deux sommets précédents, et en
particulier celui d'Hanoi. Le sommet de Monton a pour résultat principal
de confirmer la mission politique de la francophonie, le mouvement de
réforme ayant été engagé à Cotonou puis
à Hanoi.
- Le sommet a pris acte de l'orientation politique prise par la francophonie
depuis Hanoi ;
ainsi trois nouveaux observateurs ont été
accueillis (la Lituanie, la Slovénie et la République
tchèque) tandis que deux observateurs ont accédé au statut
de membre associé (la Macédoine et l'Albanie).
Le rôle de l'organisation internationale de la francophonie (OIF) a
été affirmé, et la France a proposé d'organiser en
2000 un symposium sur le bilan de la démocratie dans les pays
francophones et de mettre en place un observatoire de la démocratie.
- L'accent a été mis sur le thème de la
diversité culturelle :
les chefs d'Etat et de gouvernement ont
décidé de mettre en place un processus de concertation entre
francophones dans la perspective de l'ouverture du cycle de négociations
de l'OMC à Seattle afin de promouvoir la diversité culturelle.
La culture constituera d'ailleurs un des thèmes centraux du prochain
biennum : le dialogue entre les cultures a été retenu comme
axe du prochain sommet de Beyrouth, en 2001.
- La volonté de poursuivre la réforme des coopérations
multilatérales a été affirmée,
avec la
réforme de l'agence universitaire de la francophonie ; ce processus
d'évaluation doit être étendu à l'ensemble des
opérateurs francophones.
- L'engagement de mieux associer la jeunesse à la francophonie a
été pris.
La création d'un réseau virtuel et de
mécanismes de consultation de la jeunesse francophone a
été évoquée. Les chefs d'Etat et de gouvernement se
sont également engagés à mettre en place un programme en
faveur de la mobilité des jeunes et ont exprimé leur
volonté d'associer plus étroitement les jeunes aux travaux de
l'OIF.
Dans cette perspective, M. Boutros-Ghali a demandé à
l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dont votre rapporteur est
le secrétaire général, de mettre en place un Parlement des
jeunes de la francophonie, qui se réunira tous les deux ans, avant les
sommets.
La première réunion de ce Parlement en cours de constitution est
prévue pour 2001, avant le sommet de Beyrouth.
A l'issue du sommet de Moncton, il convient de formuler deux principales
remarques sur son bilan :
*
il faut déplorer la polémique tendancieuse qui l'a
accompagné
, et dont différents moyens d'information,
notamment en France, se sont fait les très fidèles relais,
sur
la composition de l'ensemble francophone
. Comme toutes les organisations
internationales,
cet ensemble regroupe des Etats, sans que pour autant cela
vaille approbation de l'orientation de leurs gouvernements
;
* l'élargissement progressif de la francophonie soulève -tout
comme celui de l'Union européenne- des questions sur la
compatibilité entre approfondissement et élargissement ; ce
dernier, pour être pertinent, doit respecter certains critères
précis, comme l'utilisation du français comme langue de travail
et d'expression à l'ONU. Or, votre rapporteur dispose d'informations
fiables et concordantes démontrant que certains membres de la
francophonie n'utilisent jamais notre langue dans cette enceinte, ce qui n'est
pas acceptable.
III.
LA FRANCE EST DEVENUE UNE TERRE DE MISSION POUR LA LANGUE
FRANÇAISE
Dans son rapport de l'an passé, votre rapporteur exprimait une
interrogation, dont la réponse, hélas, semble toujours être
négative : la France croit-elle à la francophonie ?
Si de nombreux exemples récents appuient le scepticisme de votre
rapporteur (adoption récente de l'anglais comme " langue
opérationnelle " par l'Eurocorps, qui ne regroupe aucun pays
anglophone, car il est formé de l'Allemagne, la Belgique, la France et
le Luxembourg ; utilisation de l'anglais par le commissaire
européen Pascal Lamy lors d'un échange avec des
représentants d'organisations non gouvernementales lors de la
réunion de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle), votre
rapporteur relève cependant que ces faits sont désormais
relatés, de façon critique, par les grands quotidiens
français.
Le rapport d'application de la loi du 4 août 1994 relative à
l'emploi de la langue française, et sur le statut du français
dans les organisations internationales (loi " Toubon ") conduit
à un constat nuancé, que ce soit en France, en Europe, et dans
les institutions internationales.
Notre pays a, par ailleurs, enfin pris l'initiative de promouvoir son
enseignement supérieur dans le monde. L'intention, excellente, ne semble
cependant pas suivie d'actions suffisamment concrètes et dynamiques.
L'accueil des étudiants étrangers en France n'est pas non plus
à la hauteur des enjeux.
C. LE FRANÇAIS EN FRANCE ET DANS LE MONDE : UN MANQUE DE VIGUEUR ET DE RÉALISME DANS LES ACTIONS MENÉES
1. L'évolution des administrations compétentes est-elle positive ?
En 1989,
les administrations chargées de la francophonie et celles
chargées de la langue française ont été
séparées mais, jusqu'en 1995 le service des affaires francophones
(SAF) et la délégation générale à la langue
française (DGLF) étaient mis à la disposition du ministre
chargé de la culture et de la francophonie. Depuis cette date, le SAF,
service du ministère des affaires étrangères, est à
la disposition du ministre chargé de la francophonie et la DGLF,
auparavant service du Premier ministre est intégrée au
ministère de la culture en 1996.
Leurs rôles respectifs sont les suivants :
- le SAF coordonne la politique étrangère de la France à
l'égard de la francophonie multilatérale, avec des aspects
linguistiques, mais aussi des enjeux économiques et politiques ;
- la DGLF observe l'ensemble des évolutions juridiques, technologiques
et économiques qui peuvent avoir des conséquences
négatives sur l'emploi du français en France et comme langue de
communication internationale ; elle répond à ces
évolutions par des actions ou propositions destinées à
préserver le rôle du français dans la cohésion
nationale et la préservation de nos intérêts internationaux.
Le ministère de la culture mène-t-il ces actions avec toute la
rigueur et l'énergie nécessaires ?Votre rapporteur n'en est
pas convaincu, non qu'il doute de la détermination de ce
ministère, mais parce que la défense du français ne
constitue qu'une infime partie de ses nombreuses compétences.
2. Un bilan nuancé de la loi " Toubon " en France
Cinq ans
après son entrée en vigueur, la loi du 4 août 1994 est
dans l'ensemble bien appliquée ; elle constitue un outil efficace
pour assurer la présence du français dans certains domaines
essentiels où le seul jeu des lois du marché risquerait de la
faire reculer.
Ainsi, les dispositions concernant la protection du consommateur font l'objet
d'un suivi poussé du ministère de l'économie, des finances
et de l'industrie. Les contrôles réalisés par les services
de la direction générale de la concurrence, de la consommation et
de la répression des fraudes ont augmenté en 1998, alors que dans
le même temps le nombre et la proportion des infractions
constatées diminuaient. Ce résultat démontre la prise en
compte par les entreprises des obligations que leur crée la loi en ce
qui concerne la présentation, l'affichage, le mode d'emploi des biens et
services mis à la disposition des consommateurs.
De leur côté, le Bureau de vérification de la
publicité et le Conseil supérieur de l'audiovisuel effectuent
également des vérifications, et conduisent à l'intention
des professionnels des actions d'information et de sensibilisation sur la loi
du 4 août 1994. Ceci a abouti à quelques progrès, mais
la vigilance reste de rigueur.
Dans le domaine scientifique, qu'il s'agisse des publications ou des colloques,
les obligations contenues dans la loi sont peu respectées. Pour les
manifestations internationales se déroulant en France, notamment, pour
lesquelles il n'existe pas d'organisme chargé de l'observation et du
contrôle des pratiques linguistiques,
l'application de la loi visant
à favoriser le recours au français se heurte toujours à
des réticences vivaces de la part des organisateurs.
3. L'utilisation du français dans les institutions internationales est en recul
Le bilan
n'est pas le même dans l'Union européenne et dans les autres
organismes internationaux. Dans ces derniers, on observe depuis plusieurs
années un recul continu de l'usage du français au profit de
l'anglais, qui est ainsi devenu quasiment partout, aux Nations unies et dans
les autres organisations multilatérales, la principale, voire la seule
langue de travail. Ce monolinguisme s'observe en particulier pour la
rédaction primaire des documents, pour les travaux des experts
extérieurs, pour les groupes de travail et les réunions
informelles de préparation des négociations qui se
déroulent souvent sans interprétation.
Face à la place grandissante de l'anglais, des mouvements en faveur du
plurilinguisme se manifestent dans plusieurs organisations
internationales : création d'un comité consultatif pour le
pluralisme linguistique à l'UNESCO, réaffirmation du principe de
l'égalité des langues à l'Organisation des Nations unies
pour l'alimentation et l'agriculture, par exemple.
Les mesures engagées par le gouvernement pour contrer le recul de
l'usage de notre langue portent sur le respect du statut juridique des langues
officielles et de travail, la concertation avec les autres pays francophones,
la formation linguistique des fonctionnaires internationaux et l'aide aux
services de traduction.
Rappelons que cette action est appuyée par les initiatives prises par la
francophonie multilatérale dans le prolongement du plan d'urgence pour
la relance du français adopté lors du sommet de Hanoi en novembre
1997.
4. Un effort plus marqué doit être accompli au sein des instances européennes
* Au
sein de l'Union européenne
, l'emploi du français demeure
important, mais le recul de son usage au profit de l'anglais est
particulièrement marqué depuis les adhésions en 1995 de la
Suède, de la Finlande et de l'Autriche.
La question de la place des langues de travail au sein de l'Union n'est pas
seulement posée par la France, mais l'a été aussi par
l'Allemagne et l'Autriche à l'occasion de réunions
ministérielles informelles tenues au début de la
présidence finlandaise sans interprétation en langue allemande.
Votre rapporteur constate donc avec satisfaction que l'absolue
nécessité du plurilinguisme pour le respect de la
diversité culturelle des Etats membres de l'Union commence à
être prise en compte par d'autres pays que la France.
* Une mention particulière doit être faite à l'action du
Conseil de l'Europe
, où le paritarisme entre les deux langues
officielles que sont le français et l'anglais est bien respecté.
Le Conseil de l'Europe, en effet, a lancé le projet d'une
opération dénommée " 2001, année
européenne des langues ", qui se réalisera en
coopération avec l'Union européenne.
Votre rapporteur, membre de la commission de la culture et de
l'éducation du Conseil de l'Europe, et auteur à ce titre d'un
rapport sur la diversification linguistique paru en 1998, a été
chargé de suivre la mise en oeuvre de cette opération.
D. L'ENJEU CONSTITUÉ PAR LA PLACE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS DANS LE MONDE A ÉTÉ MIEUX PRIS EN COMPTE, MAIS LES RÉSULTATS SONT ENCORE INSUFFISANTS
1. L'accueil des étudiants étrangers en France reste insuffisant et mal organisé
a) Les visas sont obtenus au terme d'un parcours administratif beaucoup trop complexe
Le
nombre de visas " étudiant " délivrés à
des ressortissants de pays appartenant à la francophonie s'est
élevé à 8 653 en 1997 et à 12 011 en 1998
(sur un total général pour le monde entier de 23 388 en 1997
et de 28 951 en 1998). Les chiffres pour 1999 ne sont pas encore
disponibles.
La répartition par zones géographiques des visas accordés
à des étudiants venant de pays francophones est la
suivante :
|
1997 |
1998 |
Balkans |
871 |
1 223 |
Amérique du Nord et Caraïbes |
1 046 |
991 |
Maghreb |
2 522 |
4 122 |
Afrique |
3 241 |
4 520 |
Asie du sud-est |
387 |
502 |
Proche Orient |
586 |
653 |
TOTAL |
8 653 |
12 011 |
Source : Ministère des affaires
étrangères
Pour être correctement appréciés, ces chiffres doivent
être situés dans un contexte mondial.
En 1998, 150 000 étudiants étrangers ont été
inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur
français, dont 123 000 dans les universités, pour un nombre
total d'étudiants inscrits (français et étrangers) de
2 120 000. Ce chiffre place la France au quatrième rang des
pays d'accueil en nombre total d'étudiants étrangers,
derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.
Cette situation est le résultat d'une lente dégradation depuis le
début des années 1990. La proportion globale d'étudiants
étrangers dans l'ensemble de la population étudiante en France
n'a cessé de décroître depuis 1990, année où
elle était de 14,6 % ; elle est en 1999 de 7 % , en
moyenne nationale.
Les croquis suivants décrivent l'évolution géographique
des étudiants étrangers en France de 1992 à 1998 :
Source : Ministère des affaires étrangères
Le Ministère des affaires étrangères précise
qu'il : " n'intervient en matière de statut de ces
étudiants que pour la délivrance de leurs visas
" étudiants ". Pour se voir accorder un tel visa,
l'étudiant doit posséder une attestation d'inscription ou de
préinscription dans un établissement d'enseignement
supérieur et faire la preuve de la suffisance de ses ressources.
Arrivé en France, il doit obtenir une carte de séjour
" étudiant ", le visa de long séjour n'étant pas
suffisant. La nouvelle réglementation mise en place en application de la
loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour
des étrangers en France et au droit d'asile n'a pas modifié ces
principes. Elle a, en revanche, simplifié les procédures et
introduit la nécessité de motivation d'un refus de visa pour les
étudiants.
A la lecture de ces précisions, on mesure qu'il reste un long chemin
à parcourir pour parvenir à une simplification des
procédures d'accès à notre enseignement supérieur.
C'est d'ailleurs le rôle que s'est assignée l'agence Edufrance.
b) Le déclin du nombre de bourses accordées aux étudiants étrangers doit être enrayé
De 1993 à 1998, le nombre total de ces bourses accordées par les ministres des affaires étrangères et de la coopération n'a cessé de décliner, selon les indications chiffrées suivantes :
Années |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Nombre de bourses |
24 065 |
23 069 |
25 563 |
23 413 |
23 545 |
23 023 |
Pour
remédier à cette préoccupante restriction
financière, le programme " Eiffel " a été
élaboré et fonctionne depuis le début de l'année
1999.
Présenté par le ministère comme " un programme de
bourses d'excellence, destiné à former des décideurs
étrangers des administrations et des entreprises ", il doit
être renforcé, mais il faut saluer cette décision opportune.
L'évolution géographique des étudiants
bénéficiaires de bourses depuis dix ans aboutit au constat
suivant :
* la croissance importante du nombre de boursiers en provenance de l'Europe de
l'Est (de 1 810 à 3 885), la part des boursiers de cette
région du monde passant de 7,1 % à 17,1 % de l'ensemble
des boursiers. Cette évolution est le résultat de la politique
très volontariste de formation des cadres de cette région,
résultant du passage à l'économie de marché et de
la construction d'un état de droit ;
* une légère croissance de la part de l'Afrique du Nord (de
27 % en 1987 à 30 % en 1998) ;
* une légère croissance de la part de l'Asie (5,9 % en 1989
à 6,99 % en 1998) qui traduit un intérêt récent
de la France envers cette zone ;
* une décroissance nette de la part de toutes les autres
régions : Afrique francophone, Amérique du Nord et du Sud et
Europe occidentale (de 22,4 % en 1989à 18,9 % en 1998).
2. L'agence Edufrance, dont la création était fort opportune, ne remplit pas encore pleinement sa mission
Crée en novembre 1998 pour répondre à une
demande solvable en forte croissance, qui s'exprime sur un marché
très compétitif, l'agence Edufrance est un groupement
d'intérêt public, associant les ministères des affaires
étrangères et de l'éducation nationale, de la recherche et
de la technologie.
Cette agence regroupe des établissements français d'enseignement
supérieur qui souhaitent mettre en valeur leur savoir-faire et leurs
compétences dans le cadre de leur politique d'ouverture internationale.
Elle a reçu pour principale mission de renforcer la place de la France
sur le marché mondial de la formation en contribuant à la
promotion de l'offre française dans ce domaine.
En 1999, Edufrance a reçu une contribution de 5 millions de francs de
chacun de ses ministères de tutelle ; le montant de cette
contribution pour 2000 n'est pas encore fixé.
Les actions menées depuis la création de l'agence sont
extrêmement modestes, et surtout inadaptées au but visé par
Edufrance, qui est de se situer en position favorable sur le marché
international de l'enseignement supérieur.
Le bilan de l'agence est ainsi présenté par le ministère
des affaires étrangères :
- "
un site web
(www.edufrance.fr)
en trois langues
(français-anglais-espagnol) a été ouvert pour permettre
aux étudiants et aux responsables étrangers d'avoir accès
aux informations sur l'enseignement supérieur français, les
établissements d'accueil, les programmes offerts et les
possibilités de financement ;
- un "
kit expo
" a été réalisé
pour la mise en place des stands français-type à
l'étranger, ainsi qu'un ensemble documentaire pour accompagner les
opérations de promotion (brochures et plaquettes sur support papier,
documents sur support audiovisuel) ;
-
un catalogue des formations spécifiques
(produits de formation
pour étudiants étrangers) proposées par les
établissements, établi à partir de l'inventaire
effectué par l'agence, a été élaboré.
A la fin de l'année 1999, l'agence a ainsi apporté son concours
à la promotion de l'offre française de formation dans plus de
60 manifestations organisées à l'étranger. "
La présentation quelque peu satisfaite de ces actions est assez
déconcertante, et sans rapport avec les exigences auxquelles l'agence
devra répondre si elle veut efficacement concurrencer les grands acteurs
opérant sur le marché qu'elle veut pénétrer,
à savoir les universités américaines.
Le succès de celles-ci auprès des étudiants
étrangers tient au moins autant au système " clé en
mains " qu'elles offrent à l'étudiant qui s'inscrit dans une
d'entre elles qu'à la qualité de leur enseignement. En effet,
outre les formalités d'inscription et de séjour, ces
universités offrent un ensemble complet de services en matière
d'hébergement, de loisirs et d'insertion sociale et culturelle, qui rend
l'expatriation aussi attractive que facile d'accès.
Tant que l'enseignement supérieur français, qui jouit d'une
estime méritée pour son bon niveau ne saura pas se
" vendre " de cette manière à l'étranger, il ne
pourra espérer attirer à lui la demande solvable
constituée par de nombreux étudiants, fortunés ou non, qui
cherchent à se former dans les meilleurs établissements mondiaux.
Il reste donc à l'agence Edufrance un grand effort d'adaptation
à accomplirce marché, si elle veut espérer occuper une
place significative sur ce marché.