Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
OUDIN (Jacques)
AVIS 68 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
Fichier au format Acrobat ( 732 Ko )Table des matières
- INTRODUCTION
-
PROLOGUE :
LA PROTECTION SOCIALE REPRÉSENTE 30 % DE
L'ÉCONOMIE FRANÇAISE -
CHAPITRE PREMIER :
LES LOIS DE FINANCEMENT S'INSCRIVENT DANS
L'ENSEMBLE DES FINANCES PUBLIQUES-
I. LES FINANCES SOCIALES DÉGRADENT LES FINANCES
PUBLIQUES
- A. LES FINANCES SOCIALES, PREMIER POSTE DES FINANCES PUBLIQUES
- B. UNE DYNAMIQUE DES FINANCES SOCIALES À L'ENCONTRE DE CELLE DES FINANCES DE L'ETAT
-
II. L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA
SÉCURITÉ SOCIALE MONTRE LE POIDS DES INCERTITUDES
- A. L'AMÉLIORATION APPARENTE ET FRAGILE DU RÉGIME GÉNÉRAL DE SÉCURITÉ SOCIALE
- B. LE DÉPASSEMENT DES OBJECTIFS EN EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1998
- C. LES INTENTIONS NON SUIVIES D'EFFETS DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1999
-
D. LES ÉLÉMENTS FINANCIERS DU PROJET DE LOI
DE FINANCEMENT POUR 2000 : FINANCER À TOUT RISQUE LES 35 HEURES AU
DÉTRIMENT DES RETRAITES
- 1. Dépenses et recettes en progression sensible
- 2. Les conséquences de la couverture maladie universelle
- 3. Le solde dégradé par des dépenses nouvelles
-
4. Les dangereuses mesures de recettes
-
a) La soumission à impositions sociales des
grosses indemnités de licenciement (article 2 A)
- (1) Les différences entre le régime social et le régime fiscal actuel des indemnités de rupture de contrat
- (b) Régime social
- (ii) La fraction des indemnités de rupture de contrat correspondant à des dommages et intérêts n'entre pas dans l'assiette des cotisations sociales
- (iii) Le cas des indemnités versées aux mandataires sociaux
- (2) Le dispositif " Hollande - Cahuzac " aligne les régimes fiscal et social soumis à la CSG
- (a) Le dispositif fiscal (article 2 bis du PLF pour 2000)
- (i) Le cas des salariés
- (ii) Le cas des mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises
- (b) Le dispositif social proposé par l'article 2A du présent projet de loi de financement
- (i) Le renforcement de l'assujettissement à la CSG
- (ii) L'assujettissement de la fraction imposable des indemnités de licenciement aux cotisations de sécurité sociale
- (3) L'utilité d'une correction concernant la CSG
- b) Le spectre de la progressivité sur la CSG (article 2 C)
-
a) La soumission à impositions sociales des
grosses indemnités de licenciement (article 2 A)
- E. LES DIFFICULTÉS COMPTABLES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
- III. LA LOI DE FINANCEMENT ET LA LOI DE FINANCES ENTRETIENNENT DES LIENS ÉTROITS
-
I. LES FINANCES SOCIALES DÉGRADENT LES FINANCES
PUBLIQUES
-
DEUXIEME CHAPITRE :
LE NON FINANCEMENT DES 35 HEURES PÈSE SUR L'ENSEMBLE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT-
I. LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ
SOCIALE CONFISQUÉE PAR LE DÉBAT SUR LE NON-FINANCEMENT DES
35 HEURES
- A. DE L'ERREUR DES 35 HEURES À LA CRÉATION DU FONDS
- B. UNE " USINE À GAZ " PLEINE D'INCERTITUDES
- C. LE MAUVAIS NON-FINANCEMENT D'UNE MAUVAISE MESURE
-
II. LE NON FINANCEMENT DES 35 HEURES REPOSE SUR DES
PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES NOUVEAUX3333 Voir pour les autres
mesures que sont les heures supplémentaires,le transfert de droits sur
les alcools et celui de droits sur les tabacs supra dans le commentaire de
l'article 2 et infra dans le commentaire sur le fonds de réserve pour
les retraites.
-
A. LA CONTRIBUTION SOCIALE SUR LES
BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS : UN IMPÔT SUR
L'IMPÔT PÉRENNE, CONCENTRÉ, ÉVOLUTIF ET
AFFECTÉ (ARTICLE 3)
- 1. Une taxe pérenne, évolutive, concentrée et affectée
- 2. Une fiscalité toujours plus élevée pour les moyennes et grandes entreprises françaises
- B. LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES : DU DOUBLE DIVIDENDE À L'IMPÔT DE RENDEMENT (ARTICLE 4)
-
A. LA CONTRIBUTION SOCIALE SUR LES
BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS : UN IMPÔT SUR
L'IMPÔT PÉRENNE, CONCENTRÉ, ÉVOLUTIF ET
AFFECTÉ (ARTICLE 3)
-
I. LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ
SOCIALE CONFISQUÉE PAR LE DÉBAT SUR LE NON-FINANCEMENT DES
35 HEURES
-
TROISIEME CHAPITRE :
L'ABSENCE DE VÉRITABLES POLITIQUES SOCIALES CONDUIT À NE PRENDRE QUE DES DEMI-MESURES-
I. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D'ASSURANCE
MALADIE N'EST TOUJOURS PAS RÉALISÉE
- A. LA POURSUITE DES TRANSFERTS DE DÉPENSES DE L'ETAT VERS LA CNAMTS
- B. LE NOUVEAU MODE DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE : UNE MESURE INCOMPLÈTE ET TROP COMPLEXE
-
C. LES NOUVEAUX MODES DE RÉGULATION
SPÉCIALISÉS
- 1. Le tarif de prise en charge des dispositifs médicaux à usage individuel (article 23)
- 2. L'encadrement des dépenses d'indemnités journalières et des frais de transport (article 18)
- 3. Contrôle des assurés ayant un niveau de prescriptions trop élevé (article 19)
- 4. Respect des objectifs de dépenses par les établissements et services médico-sociaux (article 25)
- D. LA FAUSSE NÉGOCIATION DE LA POLITIQUE DU MÉDICAMENT
- E. LA TENTATIVE DE RÉFORME DE L'HOSPITALISATION PRIVÉE : LA QUESTION OUVERTE DE L'HOSPITALISATION PUBLIQUE
- F. L'ONDAM POUR 2000 : 30 MILLIARDS DE FRANCS SUPPLÉMENTAIRES ET UNE ASTUCE COMPTABLE
-
II. LA RÉFORME DES RETRAITES EN RESTE À DE
LA POUDRE AUX YEUX
- A. L'AFFECTATION DES EXCÉDENTS DE LA CNAVTS À LA COQUILLE VIDE ET ERRANTE DU FONDS DE RESERVE POUR LES RETRAITES
-
B. LES HAUSSES DE DÉPENSES EN FAVEUR DES
RETRAITÉS, RÉVÉLATRICES DE L'IMMOBILISME
- 1. La revalorisation des retraites : un taux arbitraire pour une absence de réforme (article 11)
- 2. Les règles de cumul emploi retraite : un nouveau délai, un nouveau rapport (article 12)
- 3. L'intégration de la CARGE dans la CIPAV : les petits pas de l'intégration des caisses au gré de leurs difficultés (article 13)
- C. L'URGENCE DE VÉRITABLES RÉFORMES POUR UN SYSTÈME À BOUT DE SOUFFLE ET PORTEUR D'INÉGALITÉS
- III. LES DÉPENSES FAMILIALES AUGMENTENT SANS AMBITION
- IV. LE RISQUE DE L'AMIANTE PÈSE SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL
-
V. LA POLITIQUE DE TRÉSORERIE LAISSE PERSISTER
LES ABERRATIONS DES ANNÉES PASSÉES
- A. LA SIMPLIFICATION DES MESURES DE TRÉSORERIE ENTRE L'ACOSS ET LES URSSAF (ARTICLE 29)
- B. LA RATIFICATION DU DÉCRET DE RELÈVEMENT DU PLAFOND D'AVANCES DE TRÉSORERIE (ARTICLES 29 bis ET 30)
- C. LE LANCINANT PROBLEME DE LA CNRACL
-
I. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D'ASSURANCE
MALADIE N'EST TOUJOURS PAS RÉALISÉE
-
CONCLUSION : LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE
RAPPORTEUR POUR AVIS
- 1. La part collective du financement de la protection sociale doit désormais se stabiliser
- 2. Il faut raisonner dans la globalité des finances publiques
- 3. La sincérité et la lisibilité du financement de la protection sociale doivent devenir des objectifs majeurs
- 4. Il faut en finir avec l'opinion selon laquelle toute capacité de financement doit aller à la couverture de nouvelles dépenses
- 5. Il faut tirer les conséquences des écarts financiers constatés
- 6. La réforme des retraites n'est toujours pas mise en oeuvre
- 7. Il faut affecter les excédents à venir en priorité à la réduction de la dette sociale et à la baisse des prélèvements sociaux.
- 8. Il faut hâter l'adaptation de nos structures et outils de santé aux évolutions en cours
- EXAMEN EN COMMISSION
-
ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNALITES ET ORGANISMES CONSULTÉS PAR VOTRE
RAPPORTEUR POUR AVIS -
ANNEXE 2 :
LISTE DES SIGLES UTILISÉS
N° 68
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1999
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M.
Jacques OUDIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.)
: 1835
,
1873
,
1876
et T.A.
368
Sénat :
40
,
58
(1999-2000)
Sécurité sociale. |
INTRODUCTION
Le tiers
du produit intérieur brut, des prélèvements obligatoires
toujours élargis et augmentés, des dépenses toujours
croissantes, des nouveaux besoins toujours couverts, tel est le paysage des
finances sociales de notre pays.
Et pourtant, la période de croissance économique que connaissent
la France et l'Europe, les mutations profondes de notre société,
les gains d'efficacité que permettent les évolutions
technologiques constituent autant d'atouts que les années passées
auraient enviés.
1999 et 2000 apparaîtront comme des moments exceptionnels, deux
années favorables pour engager notre système de protection
sociale sur la voie de la réforme que tous appellent. Le constat de la
fin d'un système a déjà été fait. Les
grandes réformes du Gouvernement Juppé ont jeté les bases
et les structures d'une nouvelle approche de la protection sociale. Le temps
est venu de réaliser dans ce cadre les changements nécessaires.
Demain, les nouveaux médicaments rendront coûteux et inutile le
séjour à l'hôpital pour bien des pathologies ; demain,
les défis du vieillissement conduiront à penser
différemment les services aux personnes âgées, les modes de
logement, la conception de la mort même ; demain, les actifs ne
pourront plus prendre en charge, seuls et dans les conditions actuelles, les
retraites d'une partie croissante de la population.
Pour engager ces réformes de fond, il faut faire des choix. Il est
facile de ne pas choisir quand les recettes budgétaires sont là.
Il est dramatique de ne pas choisir quand on en a la possibilité, la
connaissance, le devoir.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
sera celui de l'occasion ratée, celui où il était possible
d'engager les réformes de fond de l'assurance maladie, de
l'hôpital public, des retraites. Il restera comme celui d'un non
financement des 35 heures qui grève durablement l'équilibre des
finances sociales.
C'est pourquoi votre rapporteur pour avis estime que ce projet de loi de
financement est muet pour l'économie et la société
françaises d'aujourd'hui, et profondément inadapté pour
celles de demain.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est celui des non réformes et du non financement. Pas celui du courage et ni celui du volontarisme.
PROLOGUE :
LA PROTECTION SOCIALE
REPRÉSENTE 30 % DE
L'ÉCONOMIE
FRANÇAISE
En 1998, la France a dépensé 2. 623,7 milliards de francs au titre de la protection sociale (3.081,7 milliards de francs si on inclut les dépenses de transferts) et y aura consacré 2.639,8 milliards de francs de ressources. Les dépenses de protection sociale représentaient donc 30,6 % du PIB 1( * ) , et les recettes 30,8 %. Ces masses considérables se répartissent en plusieurs agrégats et en plusieurs catégories de dépenses et recettes.
A. LES DIFFÉRENTS COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE
La
protection sociale
regroupe l'ensemble des assurances sociales
auxquelles s'ajoutent les régimes d'intervention des administrations
(par exemple le logement, les handicapés, le RMI, etc.), les
régimes d'employeurs et les régimes de la mutualité, de la
retraite supplémentaire et de la prévoyance.
Les
assurances sociales
ajoutent à l'indemnisation du
chômage la
sécuritésociale
.
Cette dernière recouvre : le régime général de
sécuritésociale (CNAMTS / AT, CNAVTS, CNAF), les fonds
spéciaux (par exemple le FSV), les régimes directs, le
régime des salariés agricoles, les autres régimes
particuliers de salariés, les régimes complémentaires, les
régimes des exploitants agricoles et les régimes des non
salariés non agricoles.
La loi de financement de la sécurité sociale couvre quant
à elle un champ encore différent qui ne se superpose pas à
ces trois agrégats. Elle concerne en effet, pour les dépenses,
tous les régimes de base comptant plus de 20 000 assurés, et,
pour les recettes, l'ensemble des régimes de base.
Le champ de la protection sociale couvre ainsi les différents risques et
moments de la vie humaine :
• santé ;
• vieillesse et survie ;
• maternité et famille ;
• emploi ;
• logement ;
• pauvreté et exclusion sociale.
Le compte de la protection sociale montre une augmentation constante des
moyens consacrés par la Nation à ce titre
: le taux de
progression des emplois comme des ressources est toujours supérieur au
taux de croissance du PIB sur la période 1995 / 1998, comme le montre le
tableau de la page suivante.
Sur cette période, le solde de la protection sociale s'est
redressé grâce à une évolution plus favorable des
ressources que des dépenses (évolution annuelle moyenne des
dépenses hors transfert de 3,1 % contre 3,9 % pour les recettes).
L'analyse des dépenses révèle la part à peu
près constante de chaque ligne, à l'exception des frais
financiers qui diminuent suite à la reprise de la dette sociale par la
CADES. Les prestations sociales en nature ont tendance à augmenter plus
vite que celles en espèces. Les dépenses de transferts augmentent
très fortement suite aux nombreuses interventions de l'Etat.
Les ressources montrent le pendant de cette intervention croissante par la
très forte progression des impôts et taxes affectés. Cette
hausse révèle également l'opération de transfert
d'une partie des cotisations sociales sur la CSG.
La signification du solde doit être nuancée. En effet, l'adoption
par l`INSEE du nouveau système de comptabilité nationale en base
95, fondé sur le principe des droits constatés, permet de prendre
en compte les admissions en non valeur et, ainsi, de révéler la
fragilité et la relativité des concepts utilisés :
Du solde de la protection sociale au solde comptable
(en milliards de francs)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Solde |
- 42,3 |
- 21,2 |
- 11,6 |
16,1 |
Admissions en non valeur |
- 2,0 |
- 9,8 |
- 15,6 |
- 14,3 |
Solde comptable |
- 44,3 |
- 31 |
- 27,2 |
1,8 |
Source : comptes de la protection sociale, Drees.
Evolution du compte de la protection sociale
(en millions de francs et %)
|
1995 |
1996 |
96/95 |
1997 |
97/96 |
1998 |
98/97 |
EMPLOIS |
|
|
|
|
|
|
|
Prestations de protection sociale |
2 268 658 |
2 357 733 |
3,9 |
2 425 229 |
2,9 |
2 495 829 |
2,9 |
Prestations sociales, dont : |
2 021 644 |
2 103 851 |
4,1 |
2 166 778 |
3,0 |
2 229 188 |
2,9 |
. Prestations en espèces |
1 532 834 |
1 595 951 |
4,1 |
1 642 821 |
2,9 |
1 685 188 |
2,6 |
. Prestations en nature |
735 824 |
761 782 |
3,5 |
782 408 |
2,7 |
810 640 |
3,6 |
Prestations de services sociaux |
247 014 |
253 882 |
2,8 |
258 451 |
1,8 |
266 641 |
3,2 |
Frais de gestion |
94 231 |
98 368 |
4,4 |
100 624 |
2,3 |
103 880 |
3,2 |
Transferts |
398 608 |
438 907 |
10,1 |
456 126 |
3,9 |
457 945 |
0,4 |
Frais financiers |
16 421 |
5 197 |
- 68,4 |
6 092 |
17,2 |
3 548 |
- 41,8 |
Autres dépenses |
17 839 |
18 836 |
5,6 |
18 464 |
- 2,0 |
20 455 |
10,8 |
Total des emplois |
2 795 757 |
2 919 041 |
4,4 |
3 006 535 |
3,0 |
3 081 657 |
2,5 |
Total des emplois hors transferts |
2 397 149 |
2 480 134 |
3,5 |
2 550 409 |
2,8 |
2 623 712 |
2,9 |
RESSOURCES |
|
|
|
|
|
|
|
Cotisations |
1 749 434 |
1 827 982 |
4,5 |
1 836 737 |
0,5 |
1 751 118 |
- 4,7 |
Impôts et taxes affectés |
168 336 |
177 031 |
5,2 |
232 941 |
31,6 |
416 613 |
78,8 |
Transferts |
398 608 |
438 907 |
10,1 |
456 126 |
3,9 |
457 945 |
0,4 |
Contributions publiques |
354 675 |
376 217 |
6,1 |
388 732 |
3,3 |
391 871 |
0,8 |
Produits financiers |
24 264 |
23 878 |
- 1,6 |
21 765 |
- 8,8 |
22 979 |
5,6 |
Autres recettes |
58 068 |
53 890 |
- 7,2 |
58 603 |
8,7 |
57 256 |
- 2,3 |
Total des ressources |
2 753 385 |
2 897 905 |
5,2 |
2 994 904 |
3,3 |
3 097 782 |
3,4 |
Total des ressources hors transferts |
2 354 777 |
2 458 998 |
4,4 |
2 538 778 |
3,2 |
2 639 837 |
4,0 |
SOLDE |
- 42 372 |
- 21 136 |
|
- 11 631 |
|
16 125 |
|
Evolution moyenne annuelle.
Source : Compte de la protection sociale - Drees.
Les différentes composantes de la protection sociale contribuent de
façon distincte à cette amélioration
générale.
Source : Compte de la protection sociale.
L'amélioration du régime général et surtout la
forte progression de l'excédent du champ de la protection
complémentaire (régimes complémentaires ainsi que les
mutuelles et institutions de prévoyance compris sous le label autres
régimes) compensent ainsi la disparition progressive de
l'excédent de l'Unedic.
B. LES PRESTATIONS SOCIALES
Elles constituent 82 % du montant total des emplois de protection sociale et s'élevaient à près de 2.500 milliards de francs en 1998.
Evolution des prestations de protection sociale par risque
Montants en millions de francs courants |
1995 |
1996 |
96/95 |
1997 |
97/96 |
1998 |
98/97 |
98/95 (1) |
Santé |
762.579 |
791.638 |
3,8 |
805.285 |
1,7 |
833.828 |
3,5 |
3,0 |
Vieillesse - survie |
976.141 |
1.018.340 |
4,3 |
1.050.463 |
3,2 |
1.083.770 |
3,2 |
3,5 |
Maternité - Famille |
235.178 |
242.611 |
3,2 |
254.262 |
4,8 |
253.769 |
- 0,2 |
2,6 |
Emploi |
194.788 |
203.603 |
4,5 |
204.908 |
0,6 |
207.416 |
1,2 |
2,1 |
Logement |
72.313 |
72.358 |
0,1 |
79.416 |
9,8 |
83.456 |
5,1 |
4,9 |
Pauvreté - Exclusion sociale |
27.659 |
29.183 |
5,5 |
30.895 |
5,9 |
33.590 |
8,7 |
6,7 |
Ensemble des prestations |
2.268.658 |
2.357.733 |
3,9 |
2.425.229 |
2,9 |
2.495.829 |
2,9 |
3,2 |
(1)
Evolution annuelle moyenne
Source : Annexe G au PLFSS 2000.
Sur l'ensemble de la période, ce sont donc les prestations en faveur de
la pauvreté et de l'exclusion sociale puis celles en faveur du logement
qui connaissent la plus forte hausse. En revanche, la part consacrée
à la maternité et à la famille et celle consacrée
à l'emploi tendent à ralentir, la première sous l'effet
d'une baisse des dépenses en 1998, la seconde de l'amélioration
relative de la situation de l'emploi. Cependant, l'évolution globale
reste conditionnée aux trois quarts par la santé et la vieillesse
/ survie : la moitié de la hausse des dépenses de protection
sociale vient de ce dernier poste et 40 % de la santé.
En 1998, la part respective de chaque agrégat dans ces dépenses
était de 77 % pour les régimes de sécurité sociale
(dont 45 points pour le seul régime général), de 5 % pour
l'indemnisation du chômage, 4 % pour les régimes de la
mutualité, de retraite supplémentaire et de prévoyance, 11
% pour les régimes d'intervention des pouvoirs publics, 2,5 % pour les
régimes d'employeurs et 0,5 % pour les régimes d'intervention
sociale des ISBLSM.
En leur sein, la part des prestations sous condition de ressources augmente
légèrement, de 13,4 % en 1995 à 13,7 % en 1998
essentiellement par la progression des prestations chômage et des
prestations familiales sous condition de ressources (hors allocations
familiales et AGED en 1998), et par celle de la part globale des prestations
logement et pauvreté / exclusion sociale, toutes soumises à ces
conditions.
Le poids très important des prestations sociales dans l'économie
française se retrouve bien entendu sur le revenu des ménages. Le
taux de socialisation des revenus, qui compare les prestations sociales au
revenu disponible brut des ménages, montre une progression sur la
période, marque avec certain ralentissement en 1998, alors même
que la part des prestations dans le PIB augmente. Cela vient d'une plus forte
progression du revenu disponible brut des ménages que le PIB.
Taux de socialisation des revenus
(en %)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Prestations de protection sociale / RDB ajusté |
36,5 |
37,1 |
37,0 |
36,8 |
Transferts de biens et services non marchands individuels / RDB ajusté |
8,2 |
8,4 |
8,4 |
8,4 |
Prestations sociales et transferts en nature / RDB ajusté |
44,7 |
45,5 |
45,4 |
45,2 |
Source : Compte de la protection sociale - Drees
Comptes nationaux - Insee
Prestations de protection sociale en 1998
(en millions de francs)
|
Assurances sociales |
|
Régimes de la |
Régimes |
Régimes |
|
||||||
|
Régimes de la
sécurité
|
Régime
|
Total |
Régimes
|
mutualité, de la retraite sup-plémentaire et de la prévoyance |
d'inter-vention sociale des pouvoirs publics |
d'interven-tion sociale des ISBLSM |
TOTAL |
||||
RISQUES |
Régime général |
Autres régimes |
Total |
|
|
|
|
|
|
|
||
SANTE |
568.366 |
125.685 |
694.051 |
0 |
694.051 |
14.001 |
75.235 |
49.719 |
822 |
833.828 |
||
Maladie |
466.970 |
103.944 |
570.914 |
0 |
570.914 |
12.554 |
69.587 |
9.074 |
822 |
662.951 |
||
Invalidité |
71.535 |
12.363 |
83.898 |
0 |
83.898 |
304 |
5.442 |
40.645 |
0 |
130.289 |
||
Accidents du travail |
29.861 |
9.378 |
39.239 |
0 |
39.239 |
1.143 |
206 |
0 |
0 |
40.588 |
||
VIEILLESSE-SURVIE |
359.175 |
674.965 |
1.034.140 |
58 |
1.034.198 |
693 |
25.797 |
23.082 |
0 |
1.063.770 |
||
Vieillesse |
337.843 |
565.885 |
903.728 |
0 |
903.728 |
693 |
11.756 |
16.098 |
0 |
932.275 |
||
Survie |
21.332 |
109.080 |
130.412 |
58 |
130.470 |
0 |
14.041 |
6.984 |
0 |
151.495 |
||
MATERNITE-FAMILLE |
174.414 |
1.877 |
176.291 |
0 |
176.291 |
21.950 |
1.006 |
53.974 |
548 |
253.769 |
||
Maternité |
29.391 |
1.626 |
31.017 |
0 |
31.017 |
0 |
217 |
0 |
0 |
32.234 |
||
Famille |
145.023 |
251 |
145.274 |
0 |
145.274 |
21.950 |
789 |
53.974 |
548 |
225.535 |
||
EMPLOI |
0 |
3.845 |
3.845 |
122.884 |
126.729 |
25.928 |
0 |
54.759 |
0 |
207.416 |
||
Chômage |
0 |
3.845 |
3.845 |
112.263 |
116.108 |
25.928 |
0 |
34.015 |
0 |
176.051 |
||
Insertion et réinsertion professionnelle |
0 |
0 |
0 |
10.621 |
10.621 |
0 |
0 |
20.744 |
0 |
31.365 |
||
LOGEMENT |
17.209 |
1.098 |
18.307 |
0 |
18.307 |
0 |
0 |
65.149 |
0 |
83.456 |
||
PAUVRETE-EXCLUSION SOCIALE |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
27.377 |
6.213 |
33.590 |
||
TOTAL DES PRESTATIONS |
1.119.164 |
807.470 |
1.926.634 |
122.942 |
2.049.576 |
62.572 |
102.038 |
274.060 |
7.583 |
2.495.829 |
La protection sociale dans l'Union européenne en 1996
Le poids
des dépenses de protection sociale
" La part des dépenses de protection sociale dans le PIB
s'élève à 28,7 % en moyenne dans l'Union européenne
en 1996. C'est en l'Irlande qu'elle est la plus faible (18,9 %) et en
Suède la plus élevée (34,8 %). Les pays du sud de l'Europe
(Espagne, Grèce, Italie, Portugal) consacrent généralement
une part moins importante de leur PIB à la protection sociale, alors que
les pays nordiques (Danemark, Finlande, Suède) se situent au-dessus de
la moyenne européenne.
Cette situation est pour une part importante liée au niveau de
développement, les pays les plus riches étant ceux qui
redistribuent le plus. La Suède, par exemple, avec 19 200 SPA
(parité de pouvoir d'achat, c'est à dire monnaie artificielle
reflétant en termes réels le pouvoir d`achat de chaque pays) de
PIB par habitant, en redistribue 34,8 %, alors que le Portugal avec 13 000 en
redistribue 21,6 %. Cette tendance n'est cependant pas systématique
et d'autres facteurs influent sur le niveau des dépenses sociales :
ainsi l'Italie a un niveau de PIB par tête du même ordre que celui
de la Suède, mais consacre 10 points de moins à la protection
sociale. Interviennent à cet égard des causes structurelles,
comme la pyramide des âges, la structure des ménages ou le taux de
chômage, mais aussi et surtout d'autres facteurs touchant aux
différences dans les systèmes nationaux de protection sociale,
aux solidarités familiales, etc.
Le poids des dépenses de protection sociale dans le PIB s'est accru
jusqu'en 1993 pour redescendre ensuite légèrement, sauf dans des
pays comme l'Allemagne, la Belgique, la Grèce, le Luxembourg et le
Portugal. Le ralentissement de la croissance, la progression du chômage
et de l'exclusion sociale dans la première partie de la période
ont poussé à la hausse des dépenses sociales dans le PIB.
La reprise économique, la décrue du chômage, mais
également les efforts d'ajustements budgétaires
précédant l'entrée dans l'Union monétaire
européenne, expliquent l'inversion du mouvement observée par la
suite. "
Les prestations de protection sociale par fonction
" Dans la plupart des pays, les prestations vieillesse et survie
représentent le poste le plus important : 44,8 % du total en
moyenne dans l'Europe des Quinze en 1996. Seuls quatre pays (Finlande, Irlande,
Pays-Bas et Portugal) font exception. L'Irlande avec 20 % et l'Italie avec
près de 66 % sont situées aux extrêmes de la
distribution. En Irlande, la proportion de personnes âgées est
beaucoup moins élevée que partout ailleurs dans l'Union
européenne (11 % de plus de 65 ans en 1996 contre 16 % pour l'Union
européenne). En Italie, les préretraites pour motif
économique sont classées dans cette fonction et non avec le
chômage, comme le font la plupart des pays ; en outre, la part des
retraités dans la population est plus importante que dans les autres
pays européens.
Le second poste de dépenses sociales est celui des dépenses de
santé (35,4 % pour l'ensemble de l'Union européenne).
Prépondérant dans les dépenses en Finlande, en Irlande,
aux Pays-Bas et au Portugal, il représente plus de 30 % du total des
dépenses dans les autres pays, à l'exception du Danemark (28,4 %)
et de l'Italie (28,6 %).
Les prestations liées à la famille représentent
globalement 7,9 % du total des prestations dans l'Union européenne.
Parmi les pays y consacrant une part assez importante de leurs dépenses
(plus de 10 %), on trouve à côté du Luxembourg, de
l'Irlande et de l'Autriche, les pays du Nord de l'Europe,
caractérisés par l'importance des prestations en nature
dispensées par les services sociaux. La part des allocations logement
est généralement faible (2 % en moyenne), sauf au Royaume-Uni
(7,2 %) où ces prestations sont ciblées sur les ménages
démunis. "
La structure de financement de la protection sociale (hors transferts)
" En 1996, les deux tiers du financement de la protection sociale dans
l'Union européenne sont assurés, en moyenne, par les cotisations
sociales ; le solde est constitué principalement des contributions
publiques et des impôts et taxes affectés. Bien que ces sources de
financement soient communes à l'ensemble des pays, leur poids relatif
varie en fonction de l'histoire et des logiques institutionnelles des
systèmes de protection sociale. On classe schématiquement les
pays en deux groupes : ceux dits de tradition bismarckienne où
le système reposait sur une assurance, souvent sur une base
professionnelle, et les pays de tradition beveridgienne où le
système a pris originellement la forme d'une aide universelle sans
préalable de versement de cotisations. Le premier groupe serait
plutôt formé de pays de l'Europe continentale ; dans le
second, on retrouverait les pays nordiques, l'Irlande et le Royaume-Uni. Les
autres pays européens se rattachent à l'une ou l'autre tradition.
Aujourd'hui, le deux systèmes sont en voie de rapprochement, en
particulier du fait de l'accroissement du financement fiscal dans les pays
où prédominent les cotisations. C'est particulièrement net
pour la France où la part des cotisations a baissé de 8 points
entre 1996 et 1998.
Entre 1990 et 1996, la part des cotisations a diminué de 1,5 point pour
l'ensemble des pays de l'Union européenne. Au sein des cotisations
sociales, la part des cotisations versées par les employeurs reste
prépondérante, malgré un mouvement de baisse assez
généralisé, traduisant l'objectif déclaré
d'alléger les coûts de la main d'oeuvre pour favoriser l'emploi.
Le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique se situent toutefois en dehors de
cette évolution. Parallèlement, la part des cotisations
versées par les salariés, les indépendants et les
bénéficiaires de prestations sociales s'est
légèrement accrue, phénomène
particulièrement net dans les pays nordiques et aux Pays-Bas. Dans
d'autres pays, comme en France, en Irlande et au Royaume-Uni, leur poids a
baissé du fait d'une réorientation du financement de la
protection sociale vers les recettes fiscales.
Les contributions publiques et les impôts et taxes affectés
pèsent en moyenne européenne pour près de 32 % dans les
recettes de protection sociale en 1996, contre moins de 29 % en 1990. Le
mouvement de hausse est assez général dans les pays où la
part des cotisations était importante ; à l'inverse, au
Danemark, l'introduction de nouvelles cotisations pour alimenter des fonds du
marché du travail en 1994 a contribué à réduire la
part largement prépondérante des contributions publiques et des
impôts et taxes affectés. "
Source : " Les comptes de la protection sociale en 1998 ", in
Etudes et résultats
, n° 36, octobre 1999, Drees,
Ministère de l'emploi et de la solidarité.
CHAPITRE PREMIER :
LES LOIS DE FINANCEMENT
S'INSCRIVENT DANS
L'ENSEMBLE DES FINANCES PUBLIQUES
I. LES FINANCES SOCIALES DÉGRADENT LES FINANCES PUBLIQUES
Auditionné le 27 octobre 1999 par la commission des
affaires
sociales, le premier président de la Cour des comptes, Monsieur Pierre
Joxe, a estimé qu'il était
" désormais
nécessaire d'établir un budget consolidé des
collectivités publiques correspondant à l'ensemble des
prélèvements obligatoires "
. Votre commission des
finances se réjouit de cette prise de position qui rejoint sa conviction
profonde et ancienne selon laquelle il convient de prendre en compte l'ensemble
des finances publiques dans une vision statique (les comptes consolidés
de la collectivité) et dynamique (les évolutions respectives de
chaque poste de dépenses et recettes) afin d'en examiner la
cohérence.
Cette tentative d'analyse globale montre de toute évidence que la France
ne mène pas une politique financière cohérente, puisque
tandis que des efforts, au moins d'affichage, sont réalisés pour
les finances de l'Etat, dépenses et recettes de la protection sociale,
qui représentent plus de 30 % du PIB contre moins de 19 % pour le budget
de l'Etat (pour les dépenses), connaissent une dynamique exponentielle.
A. LES FINANCES SOCIALES, PREMIER POSTE DES FINANCES PUBLIQUES
1. Le poids des dépenses sociales dans les finances publiques
Il
est aujourd'hui impossible de raisonner seulement en termes de finances de
l'Etat pour appréhender de façon satisfaisante les finances
publiques.
L'état retraçant l'effort social de la Nation rend compte du
rapport relatif entre les dépenses sociales et les dépenses de
l'Etat. Le champ des dépenses sociales ne correspond pas exactement avec
celui de la protection sociale puisque en sont exclus les efforts individuels.
Evolution comparée des dépenses sociales et du budget de l'Etat
(en milliards de francs)
|
1996 |
1997 |
1996 / 1997 |
1998 |
1997 / 1998 |
Dépenses sociales |
2.270 |
2. 336 |
+ 2,9 % |
2.400 |
+ 2,8 % |
Budget de l'Etat |
1.642 |
1.655 |
+ 0,8 % |
1.674 |
+ 1,1 % |
Dépenses sociales / budget de l'Etat |
138,2 % |
141,1 % |
- |
143,3 % |
- |
Source : Etat retraçant l'effort social de la
Nation
annexé au projet de loi de finances pour 2000
Les comptes de la Nation montrent que les prestations sociales et transferts,
premier poste de dépenses des administrations publiques, ont vu leur
part augmenter de façon continue depuis 1992.
Structure des emplois consolidés des administrations
publiques
en comptabilité nationale
(en %)
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Dépenses de fonctionnement et d'investissement |
43,3 |
42,7 |
42,3 |
42,0 |
42,3 |
42,0 |
42,0 |
42,1 |
42,3 |
Prestations sociales et transferts |
49,8 |
50,2 |
50,5 |
50,5 |
50,0 |
50,6 |
50,7 |
51,0 |
51,0 |
Coopération internationale courante |
0,8 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
0,5 |
Intérêts versés |
6,1 |
6,4 |
6,5 |
6,8 |
7,1 |
6,8 |
6,6 |
6,3 |
6,1 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source : Insee/Comptes de la Nation base 1995 ;
années 1999 et 2000 : rapport économique, social et
financier annexé au projet de loi de finances pour 2000.
Malgré ce poids très important, on peut douter que les
administrations publiques poursuivent un objectif précis d'utilisation
de ces masses financières. La situation du secteur de la santé,
de la famille, de la vieillesse, du chômage, de la pauvreté
montrent que les besoins nouveaux ne sont pas couverts alors même que la
part collective de ceux-ci n'a jamais cessé de croître.
De plus, cette augmentation incessante ne permet pas pour autant
d'améliorer la redistribution sociale, dont le taux est passé de
29,7 % en 1996 à 29,2 % en 1998.
Taux de redistribution sociale par risque
(en %)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Santé |
9,8 |
10,0 |
9,8 |
9,7 |
Vieillesse - survie |
12,6 |
12,8 |
12,8 |
12,7 |
Maternité - Famille |
3,0 |
3,0 |
3,1 |
3,0 |
Emploi |
2,6 |
2,6 |
2,5 |
2,4 |
Logement |
0,9 |
0,9 |
1,0 |
1,0 |
Pauvreté - Exclusion sociale |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
Prestations totales |
29,3 |
29,7 |
29,6 |
29,2 |
Source : Compte de la protection sociale - Drees.
Comptes nationaux - Insee.
Il serait donc erroné de voir dans la hausse des dépenses
sociales le fruit d'une politique ou le signe d'une amélioration
sociale. Elle n'est que le résultat de l'incapacité de la
puissance publique à réaliser les choix sociaux d'aujourd'hui qui
passent par une dépense maîtrisée et mieux orientée
vers les attentes des Français, comme les nouvelles pathologies ou les
soins dentaires en matière de santé, la dépendance et la
réforme des retraites en matière de vieillesse.
Ces dépenses passent pour l'essentiel hors du budget de l'Etat mais
l'étude ce dernier permet de conforter ce constat de la part croissante
du social dans la dépenses publique.
2. Le poids des dépenses sociales dans le budget de l'Etat
Le poids
des dépenses sociales dans le budget de l'Etat peut se mesurer de trois
façons différentes.
Le premier moyen renvoie à l'augmentation relative de la part des
ministères sociaux dans l'ensemble du budget. Le budget de l'emploi et
de la solidarité sera en 2000 le troisième budget derrière
celui de l'éducation nationale et celui des charges communes. Il
dépassera celui de la défense et connaîtra la
quatrième plus forte progression de l'ensemble des postes
budgétaires à structure constante : + 4,3 % en passant de
243,24 à 253,64 milliards de francs.
Il se voit ensuite à la dynamique des impôts et taxes
affectés à la protection sociale. Ils passeront en 2000 de 478,2
milliards de francs à 547,3 milliards de francs, soit une hausse de
14,5 % résultant pour les deux tiers du transfert de 39,5 milliards de
francs de droits sur les tabacs dans le cadre des 35 heures.
Impôts et taxes
Ressources 2000 affectées à la sécurité
sociale
|
Jaune PLF |
PLFSS 2000 |
Impôts et taxes affectés figurant au " Jaune " |
512.227 |
511.595 |
Impôts et taxes affectés en 2000 à la sécurité sociale, FSV inclus |
474.407 |
475.575 |
Contribution sociale généralisée |
365.900 |
365.900 |
Prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital |
11.300 |
11.300 |
Contribution sociale de solidarité sur les sociétés |
17.850 |
19.152 |
Alcools |
19.181 |
19.056 |
Tabacs |
47.799 |
47.799 |
Auto |
5.980 |
5.974 |
Hydrocarbures |
25 |
23 |
Primes d'assurance contre les accidents du travail |
120 |
120 |
Contributions diverses des laboratoires et distributeurs de spécialités pharmaceutiques |
3.086 |
3.086 |
Taxes d'aide au commerce et à l'artisanat (part ORGANIC et CANCAVA) |
|
|
Taxe prévoyance |
2.780 |
2.780 |
Droits de plaidoirie |
86 |
85 |
Recettes affectées à d'autres organismes concourant au financement de la sécurité sociale |
36.020 |
36.020 |
Contribution pour le remboursement de la dette sociale |
28.520 |
28.520 |
Taxe générale sur les activités polluantes |
3.250 |
3.250 |
Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés |
4.250 |
4.250 |
Impôts et taxes affectés à d'autres organismes |
1.800 |
0 |
Contribution des organismes de protection sociale complémentaire(1) |
1.800 |
|
Prélèvements ne figurant pas au " Jaune " |
28.170 |
28.022 |
Taxes spécifiques affectées au BAPSA (dont TVA nette), cf. " bleu BAPSA " |
28.022 |
28.022 |
Prélèvement sur les régimes de prestations familiales, cf. " bleu des voies et moyens " (2) |
148 |
|
Contribution de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi |
6.900 |
6.900 |
Total général |
547,297 |
546,517 |
Source : produit des impositions affectées
à
des organismes de sécurité sociale annexé au projet de loi
de finances 2000
(1) les mutuelles " maladie " ne relèvent pas du champ des
LFSS, ni a fortiori de la sécurité sociale.
(2) Prélèvement indiqué pour mémoire constituant
une dépense de la CNAF.
Enfin, ce poids est révélé par l'augmentation croissante
des contributions publiques aux différents régimes de protection
sociale. Il s'agit de l'ensemble des versements de l'Etat aux régimes de
protection sociale, prélevés sur les recettes fiscales. Cela
recouvre :
• les subventions d'équilibre des régimes d'intervention
sociale des pouvoirs publics (comme le RMI, les allocations logement) et des
assurances sociales (comme la branche vieillesse du régime
spécial des mines, la caisse de retraite des marins, les régimes
de la RATP ou de EDF / GDF) ;
• les versements correspondant au financement de certaines prestations
versées par des organismes de protection sociale, comme l'AAH
versée par la CNAF.
Ces contributions publiques ont augmenté de 10,5 % entre 1995 et
1998 pour s'élever cette année-là à
391,9 milliards de francs.
Contributions publiques reçues par les différents régimes
(en milliards de francs)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1995 / 1998 |
Régime général de la sécurité sociale et fonds spéciaux |
23,2 |
24,7 |
24,9 |
26,9 |
+ 16 % |
Régimes d'indemnisation du chômage |
9,5 |
3,7 |
3,1 |
1,7 |
- 82 % |
Régimes d'intervention sociale des pouvoirs publics |
275,8 |
305,8 |
315,4 |
319,7 |
+ 16 % |
Autres régimes de sécurité sociale |
46,3 |
42 |
45,3 |
43,6 |
- 6 % |
Total |
354,7 |
376,2 |
388,7 |
391,9 |
+ 10,5 % |
Source : compte de la protection sociale, Drees
A ces dépenses directes s'ajoutent des dépenses de transferts qui
correspondent le plus souvent au remboursement par l'Etat de certains
allégements de charges sociales. Par exemple, les cotisations prises en
charge par l'Etat représentaient 62,7 milliards de francs en 1998 et
s'élèveront à 83 milliards de francs en 2000,
principalement à cause des versements du fonds de financement des 35
heures.
Le montant global des transferts donne aussi une idée des
débudgétisations réalisées en matière
sociale. Jusque en 1994, l'Etat prenait en charge le financement de
l'allocation du Fonds national de solidarité. Maintenant, il est
à la charge du Fonds de solidarité vieillesse soit une
dépense de transfert de 75 milliards de francs en 2000.
Or toutes ces dépenses sont financées par des
prélèvements obligatoires qui, du même coup, augmentent
également.
3. Le poids croissant des prélèvements sociaux dans les prélèvements obligatoires
Alors que les prélèvements obligatoires français battent des records en Europe, notre pays connaît un mouvement contradictoire : les prélèvements au profit de l'Etat ne cessent de diminuer tandis que ceux au profit de la protection sociale ne cessent de croître.
a) Les prélèvements obligatoires au profit des administrations de sécurité sociale dépassent ceux au profit de l'Etat
En 1998, les administrations de sécurité sociale avaient reçu 1 763,2 milliards de francs de prélèvements obligatoires contre 1 471,3 milliards de francs pour l'Etat. Elles sont à l'origine de la hausse du montant de ces prélèvements depuis 1997.
Montant des prélèvements obligatoires en France depuis 1997
(en milliards de francs)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
1997/2000 |
Impôts après transferts (1) |
2.200,9 |
2 450,6 |
2 542 |
2 619,4 |
+ 19 % |
Administrations publiques centrales |
1.454,2 |
1 . 504,5 |
|
|
|
dont Etat |
1.389,1 |
1.436,2 |
|
|
|
APUL |
471,7 |
492,8 |
|
|
|
ASSO |
218,1 |
400,9 |
|
|
|
Union européenne |
56,9 |
52,3 |
|
|
|
Cotisations sociales effectives (2) |
1 . 491,1 |
1 . 397,4 |
1 . 456,2 |
1 . 493 |
+ 0,1 % |
Etat |
33,7 |
35,1 |
|
|
|
ASSO |
1 457,5 |
1 362,3 |
|
|
|
Total des prélèvements obligatoires effectifs |
3.6922,1 |
3.848 |
3.996,2 |
4.1122,4 |
+ 11,4 % |
(1)
Les impôts sont comptabilisés après transferts de recettes
fiscales et nets des impôts non recouvrés.
(2) Nettes des cotisations dues non recouvrables.
Source : INSEE, Comptes nationaux pour 1997-1998, PLF pour 1999-2000.
b) Les prélèvements sociaux augmentent plus vite que l'ensemble des prélèvements obligatoires
Les
prélèvements obligatoires en France connaissent une
évolution contrastée qui est liée à leur mode de
calcul. En effet, le taux de prélèvement obligatoire est
calculé en rapportant le montant total prélevé au montant
du produit intérieur brut. Comme de nombreux impôts et taxes sont
assis sur l'activité de l'année précédente, ce mode
de calcul revient à majorer les prélèvements de l'Etat en
1999 et à les minorer en 2000.
Cette précaution méthodologique mise à part, on constate
qu'alors que les prélèvements en France connaissent une certaine
stabilité sur quatre ans, la part des prélèvements sociaux
ne fait que croître.
Prélèvements obligatoires rapportés au produit intérieur brut (en %)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Etat |
17,3 |
17,2 |
17,5 |
16,9 |
dont : cotisation sociales |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
Organismes divers d'administration centrale |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
0,8 |
dont : CRDS |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
Administrations publiques locales |
5,7 |
5,8 |
5,5 |
5,3 |
Administrations de sécurité sociale |
20,4 |
20,6 |
20,9 |
21,3 |
dont : cotisations sociales |
17,7 |
15,9 |
16,1 |
15,9 |
Institutions européennes |
0,7 |
0,6 |
0,6 |
0,6 |
Total des prélèvements obligatoires |
44,9 |
44,9 |
45,3 |
44,8 |
Source : INSEE, Comptes de la Nation/base 1995.
Années 1999 et 2000 : Rapport économique,
social et financier annexé 2000...
Pour pallier en partie le biais méthodologique induit par ces effets
reports du PIB, il convient de prendre la répartition de la structure
interne des prélèvements obligatoires :
Répartition des prélèvements obligatoires (en %)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Etat |
38,5 |
38,2 |
38,6 |
37,6 |
dont : cotisation sociales |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
Organismes divers d'administration centrale |
1,8 |
1,8 |
1,7 |
1,7 |
dont : CRDS |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
0,7 |
Administrations publiques locales |
12,8 |
12,8 |
12,2 |
11,9 |
Administrations de sécurité sociale |
45,4 |
45,8 |
46,1 |
47,5 |
dont : cotisations sociales |
39,5 |
35,4 |
35,5 |
35,4 |
Institutions européennes |
1,5 |
1,4 |
1,3 |
1,2 |
Total des prélèvements obligatoires |
100 |
100 |
100 |
100 |
Source : INSEE, Comptes de la Nation/base 1995.
Années 1999 et 2000 : Rapport économique, social et
financier Projet de loi de finances 2000
Le mouvement de hausse est encore plus visible en étudiant le seul taux
de pression sociale qui regroupe l'ensemble des prélèvements
allant à la protection sociale : il passe de 24,8 % en 1995
à 25,3 % en 1998. De plus ce taux montre le mouvement de bascule
résultant de la substitution de la CSG à une partie des
cotisations sociales maladie.
Evolution du taux de pression sociale
(en %)
|
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Cotisations sociales / PIB |
22,6 |
23 |
22,3 |
20,4 |
Impôts te taxes affectés / PIB |
2,2 |
2,2 |
2,8 |
4,9 |
Taux de pression sociale |
24,8 |
25,2 |
25,1 |
25,3 |
Source : compte de la protection sociale, Drees.
c) La particularité de la France dans l'OCDE se confirme
La France est le pays de l'OCDE comme de l'Union européenne qui a le taux de prélèvements obligatoires consacrés à la protection sociale le plus élevé en Europe, qu'il s'agisse du taux brut rapporté au PIB (19,2 %) ou bien de la part de prélèvements sociaux dans l'ensemble des prélèvements obligatoires (41,6 %).
Répartition des prélèvements obligatoires sociaux dans l'OCDE (1997)
(en %)
|
Prélèvements sociaux / PIB |
Prélèvements sociaux / prélèvements obligatoires |
France |
19,2 |
41,6 |
Pays-Bas |
17,7 |
40,7 |
Suède |
15,9 |
29,8 |
Allemagne |
15,6 |
41,6 |
Italie |
15,1 |
33,5 |
Belgique |
14,8 |
31,8 |
Espagne |
12,4 |
35,1 |
Grèce (1) |
12,4 |
30,5 |
Luxembourg |
11,8 |
25,8 |
Japon (1) |
10,4 |
36,5 |
Portugal |
8,9 |
25,9 |
Etats-Unis |
7 |
24,7 |
Royaume-Uni |
6 |
17 |
Irlande |
4,5 |
12,8 |
Danemark (1) |
1,6 |
3,1 |
Union européenne |
12,2 |
28,9 |
OCDE |
9,8 |
25,1 |
(1)
Chiffres 1996/
Source : OCDE.
B. UNE DYNAMIQUE DES FINANCES SOCIALES À L'ENCONTRE DE CELLE DES FINANCES DE L'ETAT
Présentant le projet de loi de finances pour 2000, le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Monsieur
Dominique Strauss-Kahn, a indiqué que ce budget reposait, notamment, sur
un choix :
" la maîtrise des dépenses va permettre de
procéder à la plus forte baisse d'impôts depuis dix
ans "
2(
*
)
. Le budget de l'Etat augmente
ainsi de 0,9 % en dépenses à périmètre constant,
soit le niveau attendu des prix pour 2000.
Parallèlement, le champ de la loi de financement de la
sécurité sociale montre des prévisions de recettes en
hausse de 3,45 % et des objectifs de dépenses qui augmentent de 2,75 %
dans le projet initial.
Plus encore, la dynamique des finances sociales est déconnectée
de celle de l'Etat. En l'absence de mesures fortement correctrices des
dépenses, la politique menée en matière de finances
sociales aboutit à ce paradoxe qui veut que la France
prélève toujours plus, pour toujours plus de dépenses mais
toujours moins de satisfaction des attentes des Français envers leur
système de protection sociale.
1. Des dépenses et prélèvements en hausse constante
Qu'il s'agisse des dépenses et des recettes, la part de la protection sociale croît sans cesse en France à un rythme supérieur à celui de l'inflation comme de l'activité (sauf pour les dépenses de 1998). Cette tendance est plus particulièrement à l'oeuvre dans le champ du régime général.
Variation des recettes et des dépenses (consolidées) du régime général et du PIB (en %)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000** |
2001** |
2002** |
Recettes |
4,6 |
4,7 |
4,4 |
4,9 |
3,3 |
3,4 |
3,7 |
Dépenses |
3,1 |
2,9 |
2,8* |
3,8* |
2,9 |
3,1 |
3,1 |
Inflation hors tabac |
1,7 |
1,1 |
0,6 |
0,5 |
0,9 |
|
|
Consommation des ménages |
3,2 |
1,6 |
3,2 |
2,4 |
2,7 |
|
|
Croissance du PIB |
1,1 |
2 |
3,2 |
2,3 |
2,6 / 3 |
|
|
* La
mise sous condition de ressources des allocations familiales entre le
1
er
avril et le 31 décembre 1998 a pour effet
de réduire le taux de croissance des dépenses de 0,3 point
en 1998 et de l'augmenter d'autant en 1999.
** prévisions
Sources : Commission des comptes de la sécurité sociale,
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000,
rapport économique social et financier annexé au projet de loi de
finances pour 2000.
Il pourrait paraître paradoxal de critiquer l'évolution à
la hausse des dépenses et des recettes publiques affectées
à la protection sociale dans un contexte où les administrations
de sécurité sociale redressent leur solde.
Besoin/capacité de financement des administrations publiques
(% PIB)
|
|
|
|
|
Hypothèse prudente (4) |
Hypothèse favorable (5) |
||
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2001 |
2002 |
Etat |
- 3,3 |
- 3,0 |
- 2,7 |
- 2,4 |
- 2,2 |
- 2,0 |
- |
- |
ODAC (1) |
+ 0,7 |
+ 0,15 |
+ 0,1 |
+ 0,15 |
+ 0,2 |
+ 0,2 |
- |
|
APUL (2) |
+ 0,2 |
+ 0,15 |
+ 0,15 |
+ 0,2 |
+ 0,2 |
+ 0,3 |
- |
- |
ASSO (3) |
- 0,6 |
- 0,2 |
+ 0,15 |
+ 0,25 |
+ 0,2 |
+ 0,3 |
- |
- |
Total |
- 3,0 |
- 2,9 |
- 2,3 |
- 1,8 |
- 1,6 |
- 1,2 |
- 1,2 |
- 0,8 |
(1)
Organismes divers d'administration centrale.
(2) Administrations publiques locales.
(3) Administrations de sécurité sociale.
(4) Croissance du PIB = 2,5 % par an.
(5) Croissance du PIB = 3,0
%
par an. Le Gouvernement ne décompose
pas par secteur car il y aurait, dans cette hypothèse, des baisses de
prélèvements obligatoires différenciées.
Source : débat d'orientation budgétaire pour 2000 et projet
de loi de finances pour 2000.
Votre rapporteur pour avis estime cependant qu'il ne faut pas seulement
raisonner en terme de solde s'agissant des finances publiques.
Les niveaux
absolus atteints par notre pays pour la place de la sphère publique dans
l'économie, le poids des prélèvements obligatoires et
celui des dépenses publiques handicapent sérieusement notre
économie pour affronter l'avenir.
Il estime plus que jamais
indispensable de progresser à une réduction du bilan de la
sphère publique, de son passif comme de son actif, des dépenses,
prestations et transferts qui le composent, comme des impôts, taxes et
cotisations qui le financent.
Nouveaux prélèvements obligatoires en matière sociale depuis 1997
12
mesures sont intervenues depuis 1997 pour augmenter ou élargir un
prélèvement obligatoire social :
1. substitution de la CSG aux cotisations sociales maladies qui s'est
traduite par une hausse des prélèvements sur les revenus du
patrimoine (4,5 milliards de francs) (LFSS 1998) ;
2. passage de 6 à 8 % du taux de la taxe sur les contrats de
prévoyance supplémentaire (LFSS 1998) ;
3. déplafonnement des cotisations d'allocations familiales des non
salariés (LFSS 1998) ;
4. augmentation de la taxe sur la publicité pharmaceutique (LFSS
1998) ;
5. création de la taxe sur les ventes directes de médicaments
(LFSS 1998) ;
6. création de la taxe de santé publique sur les tabacs (LFSS
1998) ;
7. extension de l'assiette des prélèvements sur les revenus du
patrimoine et les produits de placement (LFSS 1998) ;
8. reversement sanction sur le chiffre d'affaires des entreprises
pharmaceutiques n'ayant pas signé d'accord de limitation (LFSS
1999) ;
9. contribution assise sur le chiffre d'affaires santé des organismes
de protection sociale complémentaire (loi CMU de mai 1999) ;
10. taxation des heures supplémentaires des entreprises n'ayant pas
signé d'accords de réduction du temps de travail (seconde loi 35
heures) ;
11. projet de création d'une cotisation sociale sur les
bénéfices des entreprises (PLFSS 2000) ;
12. projet d'élargissement de la taxe générale sur les
activités polluantes (PLFSS 2000).
A ces 12 créations ou extensions, se sont ajoutés les
excédents de recettes tirés de la croissance économique.
2. Une dynamique que vient renforcer le présent projet de loi de financement
Dans une
vision pluriannuelle des finances publiques, le projet de loi de financement de
la sécurité sociale pour 2000 révèle une tendance
à la hausse des dépenses comme des prélèvements qui
paraît peu conforme au programme pluriannuel adopté par la France
pour l'horizon 2002 de diminution des dépenses publiques et de
maîtrise des prélèvements obligatoires.
Le rapport économique, social et financier annexé au projet de
loi de finances pour 2000 le reconnaît lui-même :
" Pour l'année 1999, les prestations sociales des
administrations de sécurité sociale sont plus dynamiques que
celles prévues dans le programme pluriannuel de finances publiques.
Cette progression traduit pour partie les effets de la revalorisation des
pensions (1,2 %) qui avaient été calibrés au
1
er
janvier sur les prévisions d'inflation de l'automne
dernier et d'autre part le dépassement de l'objectif national de
dépenses d'assurance maladie. Dans le même temps, les allocations
chômage servies par les régimes sociaux ne
bénéficient pas pleinement de l'amélioration sur le
marché du travail, en raison de la hausse du montant de l'indemnisation
moyenne et de la montée en charge de l'allocation de remplacement. L'an
prochain, les prestations sociales devraient progresser à un rythme
équivalent à celui proposé dans la programmation (2,2 %).
L'objectif de dépense maladie est légèrement revu à
la hausse pour 2000 (+ 1,6 % contre + 1,3 %). "
3(
*
)
4(
*
)
Dépenses des administrations publiques et programme pluriannuel de finances publiques
(en %)
|
1999 |
2000 |
||
|
Programme pluriannuel |
PLF et PLFSS |
Programme pluriannuel |
PLF et PLFSS |
Dépenses de l'Etat |
1 |
1 |
0,3 |
0 |
ONDAM (2) |
1,4 |
2,6 |
1,3 |
1,6 |
Prestations sociales des ASSO |
1,3 |
2,7 |
2,3 |
2,2 |
(2)
Calculé en valeur et non en volume comme dans le PLFSS.
Source : rapport économique, social et financier annexé au
projet de loi de finances pour 2000
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial
présentait ainsi une hausse de périmètre de 3,45 % pour
les recettes et de 2,75 % pour les dépenses ; le passage à
l'Assemblée nationale a ramené ces chiffres à 3,15 %
et 2,5 %.
Tableau du périmètre du PLFSS 1999 / 2000
(en milliards de francs)
|
LFSS 1999 |
PLFSS 2000(*) |
Ecart |
Variation |
Objectif de dépenses |
1 806,6 |
1 851,4 |
44,8 |
+ 2,5 % |
Prévision de recettes |
1 810,9 |
1 867,7 |
56,8 |
+ 3,15 % |
(*)
Après première lecture à l'Assemblée nationale.
Source : projet de loi de financement pour 2000.
Les dépenses augmentent ainsi en partie sous le coup des
évolutions spontanées, en partie par les mesures nouvelles qui
viennent dégrader le solde du régime général. Aux 4
milliards de francs de mesures nouvelles annoncées par le Gouvernement,
il convient d'ajouter diverses mesures qu'il a négligées.
Conséquences annoncées du projet de loi de
financement de la sécurité sociale 2000
sur le solde du
régime général
(en millions de francs)
|
Maladie |
Accidents du travail |
Vieillesse |
Famille |
Total |
Solde du compte tendanciel |
- 3.700 |
650 |
6.500 |
2.550 |
6.000 |
Mesures |
1.050 |
- 60 |
- 3.850 |
- 1.140 |
- 4.000 |
- " Coup de pouce " de 0,3 % sur la BMAF |
|
|
|
- 340 |
- 340 |
- Versement des aides au logement jusqu'à 21 ans |
|
|
|
- 220 |
- 220 |
- Versement du complément familial jusqu'à 21 ans |
|
|
|
- 330 |
- 330 |
- Fonds d'action sociale CNAF |
|
|
|
- 250 |
- 250 |
- " Coup de pouce " de 0,3 % aux pensions |
- 50 |
- 60 |
- 950 |
|
- 1.060 |
- Contribution exceptionnelle des laboratoires |
1.200 |
|
|
|
1.200 |
- Fonds de modernisation des cliniques privées |
- 100 |
|
|
|
- 100 |
- Versement au fonds de réserve des retraites |
|
|
- 2.900 |
|
- 2.900 |
Solde après mesures |
- 2.650 |
590 |
2.650 |
1.410 |
2.000 |
Source :Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2000
Autres mesures du projet de loi de financement
Mesure |
Coût |
Organisme le supportant |
Transferts de charges de l'Etat vers la CNAMTS |
102,7 millions de francs en 2000 ? |
CNAMTS |
Extension des aides au logement |
135
millions de francs en 2000
|
Etat |
De même, le projet de loi de financement crée ou reçoit le bénéfice de 60 milliards de francs : 15,4 milliards de francs de nouveaux prélèvements obligatoires qui viennent s'ajouter aux 44,6 milliards de francs transférés par la loi de finances.
Les nouvelles impositions sociales en 2000
(en milliards de francs)
Impositions transférées depuis le budget de l'Etat |
44,6 |
Droits sur les tabacs 35 heures |
39,5 |
Droits sur les tabacs CMU |
3,5 |
Droits sur les tabacs amiante |
0,2 |
Taxe générale sur les activités polluantes |
2 |
Impositions créées |
15,4 |
Cotisation sociale sur les bénéfices |
4,3 |
Extension de la taxe générale sur les activités polluantes |
|
Contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires |
|
Taxation des heures supplémentaires dans les entreprises n'ayant pas signé d'accords de réduction du temps de travail |
|
Total |
60 |
De plus,
le texte est porteur d'une dynamique qui tend à la fois à
augmenter les dépenses par des guichets ouverts, à augmenter les
prélèvements et donc la part d'incertitude à la charge du
budget de l'Etat.
En effet, les deux mesures d'âge en faveur des familles présentent
un coût de 665 millions de francs la première année mais de
1,5 milliard de francs en année pleine. Quant au fonds en faveur du
retrait anticipé d'activité des victimes de l'amiante, il devrait
représenter une charge d'un milliard de francs en année pleine.
Sans parler du non-financement des 35 heures, au total, le projet de loi
de financement grève déjà de 2 milliards de francs avec
ces simples mesures le solde du régime général à
partir de 2001.
Par ailleurs, l'instauration de la couverture maladie universelle, nouveau
minimum social, comme les mécanismes de la loi 35 heures constituent des
dispositifs dont il est impossible d'évaluer avec précision la
montée en charge alors même que tout indique qu'il susciteront des
dépenses plus importantes dans l'avenir.
Or le mécanisme de non régulation de ces dépenses fait
reposer sur l'Etat et sur les prélèvements obligatoires la charge
de leur incertitude
. En effet, l'Etat accorde une subvention
d'équilibre au fonds de financement de la couverture maladie universelle
dont le reste des ressources est assuré par une contribution-taxe
versée par les organismes de protection complémentaire. La
première comme la seconde sont donc destinées à
croître. C'est d'autant plus vrai pour le prélèvement
obligatoire que celui est calé sur le coût prévisionnel de
1.500 francs par assuré complémentaire CMU, alors que tout porte
à croire que ce chiffre est sous-estimé.
Le raisonnement vaut aussi pour le fonds de financement des 35 heures.
Dorénavant celui -ci est abondé par un prélèvement
sur le Fonds de solidarité vieillesse, des prélèvements
obligatoires et une contribution de l'Etat. Cette fois, le Gouvernement a
annoncé lui-même que chacune des parts serait amenée
à augmenter, dans des proportions très importantes qui viendront
vider le fonds de réserve pour les retraites pour le premier
(contribution du FSV passant de 5,6 à 12 milliards de francs, alors que
le fonds de réserve pour les retraites est alimenté en partie par
les excédents du FSV aux 35 heures), accroître les
prélèvements obligatoires d'au moins 10 milliards de francs
pour les seconds (la TGAP et la CSB devront rapporter 25 milliards de
francs au lieu de 7,5 milliards en 2000, mais la taxation des heures
supplémentaires, destinée à rapporter 7,5 milliards de
francs, aura disparu) et les dépenses de l'Etat pour la troisième
(de 4,3 milliards de francs en 2000 à 8 milliards de francs).
Nouvelles impositions et dépenses en germe dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale
Mesures |
Surcoût par rapport à 2000 |
Organismes le supportant |
Extension des conditions d'âge des prestations familiales |
535
millions de francs
|
CNAF
|
Cessation anticipée d'activité des victimes de l'amiante |
800 millions de francs |
Branche accidents du travail |
Contribution de l'Etat au fonds de financement de la CMU |
? |
Etat |
Contribution des organismes complémentaires pour le financement de la CMU |
? |
Prélèvements obligatoires |
Droits sur les alcools |
6,4 milliards de francs |
FSV / fonds de réserve pour les retraites |
TGAP |
9,3 milliards de francs |
Prélèvements obligatoires |
CSB |
8,2 milliards de francs |
Prélèvements obligatoires |
Contribution au fonds de financement des 35 heures |
3,2 milliards de francs |
Etat |
Incertitude du financement des 35 heures |
20 milliards de francs |
Prélèvements obligatoires |
Total |
au moins 48,7 milliards de francs |
Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
*
La
vision consolidée comme la vision pluriannuelle des finances publiques
montrent que des tendances lourdes sont en oeuvre, notamment celle de
l'augmentation du champ de la sphère sociale publique et donc de
l'augmentation à venir de ses dépenses comme de ses recettes. La
présence d'un solde équilibré ne saurait justifier une
telle progression qui ne pourra que se heurter au caractère
insupportable des prélèvements nécessaires à son
maintien.
Votre rapporteur pour avis considère ainsi indispensables une
maîtrise des prélèvements sociaux et une maîtrise des
dépenses sociales, les faisant correspondre à des choix de
priorités d'avenir qui aujourd'hui ne sont pas faits.
II. L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE MONTRE LE POIDS DES INCERTITUDES
Ayant pour objectif de retracer les dépenses des régimes de base comptant plus de 20.000 cotisants et les recettes de tous les régimes de base, la loi de financement reste fortement hypothéquée par le poids du régime général : 73 % des objectifs de dépenses et 72,8 % des prévisions de recettes pour 2000. Son redressement apparent et fragile permet à la loi de financement de faire apparaître un redressement de ses comptes. Cependant l'exécution des précédents exercices montre une hausse constante des dépenses et des recettes avec laquelle ne tranche pas le projet de loi de financement pour 2000.
A. L'AMÉLIORATION APPARENTE ET FRAGILE DU RÉGIME GÉNÉRAL DE SÉCURITÉ SOCIALE
1. Le redressement apparent du régime général
Le solde du régime général connaît de façon indéniable un redressement apparent depuis 1995 puisque la variation du fonds de roulement en fin d'année passera de 67,3 milliards de francs cette année là à un excédent prévisionnel de 6 milliards de francs en 2000 avant mise en place des mesures de la présente loi de financement.
Solde du régime général (variation du fonds de roulement)
(en milliards de francs)
1985 |
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
13,4 |
- 20,0 |
- 1,4 |
- 7,3 |
- 0,4 |
- 9,6 |
- 16,6 |
- 15,3 |
- 56,4 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
- 54,8 |
- 67,3 |
- 53,2 |
- 33,8 |
- 16,5 |
- 4 (p) |
2 (p) |
+ 7 |
+ 16 |
(p)
Prévisions
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale et
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
En réalité, le solde prévisionnel pour 2000 aurait
dû s'élever à 14,1 milliards de francs.
Cependant
la commission des comptes a, avant même la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000, imputé
8,1 milliards de francs de dépenses nouvelles aux branches du
régime général : 2,5 milliards sur la branche
famille pour la prise en charge de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire et 5,6 milliards de provision pour le financement
des 35 heures qui, après bien des remous, devraient finalement abonder
le fonds de réserve pour les retraites comme cela aurait dû
être le cas depuis le début conformément aux engagements du
Gouvernement d'affecter à celui-ci l'ensemble des excédents des
comptes sociaux.
Par ailleurs, le Gouvernement dégrade ce solde dans le projet de loi
de financement et dans les mesures qu'il a annoncées puisqu'il le fait
passer de 14,1 milliards de francs à moins de 2 milliards de francs
(voir
infra
).
Enfin, il convient de rappeler que le redressement passe par une progression de
près de 38 milliards de francs de dépenses et de près
de 44 milliards de francs de recettes entre 1999 et 2000.
Comptes résumés du régime général
(En millions de francs et %)
|
1998 |
% |
1999 |
% |
2000 |
% |
2001 |
% |
2002 |
% |
CNAMTS |
||||||||||
Recettes |
577.411 |
3,3 |
602.028 |
4,3 |
631.906 |
5 |
651.422 |
3,1 |
675.678 |
3,7 |
Dépenses |
593.336 |
3,5 |
614.137 |
3,5 |
634.577 |
3,3 |
653.216 |
2,9 |
671.251 |
2,8 |
Variation FR* |
- 15.925 |
- 12.110 |
- 2.672 |
- 1.794 |
4.427 |
|||||
ACCIDENTS DU TRAVAIL |
||||||||||
Recettes |
45.723 |
3,5 |
46.599 |
1,9 |
47.916 |
2,8 |
49.187 |
2,7 |
50.489 |
2,6 |
Dépenses |
44.153 |
0,6 |
46.155 |
4,5 |
47.328 |
2,5 |
48.323 |
2,1 |
49.339 |
2,1 |
Variation FR* |
1.570 |
444 |
588 |
864 |
1.150 |
|||||
CNAMTS maladie et AT |
||||||||||
Recettes |
623.134 |
3,3 |
648.626 |
4,1 |
679.822 |
4,8 |
700.609 |
3,1 |
726.167 |
3,6 |
Dépenses |
637.489 |
3,3 |
660.293 |
3,6 |
681.906 |
3,3 |
701.539 |
2,9 |
720.590 |
2,7 |
Variation FR* |
- 14.355 |
- 11.666 |
- 2.084 |
- 930 |
5.577 |
|||||
CNAVTS |
||||||||||
Recettes |
385.386 |
5,2 |
407.700 |
5 |
416.019 |
2,8 |
431.380 |
3,7 |
447.461 |
3,7 |
Dépenses |
385.610 |
3,8 |
400.304 |
3,8 |
413.356 |
3,3 |
426.477 |
3,2 |
441.327 |
3,5 |
Variation FR* |
- 1.903 |
3.259 |
1.403 |
3.012 |
4.331 |
|||||
CNAF |
||||||||||
Recettes |
252.543 |
4,1 |
269.385 |
6,7 |
268.194 |
- 0,4 |
278.551 |
3,9 |
288.687 |
3,6 |
Dépenses |
254.446 |
- 1 |
266.126 |
4,6 |
266.791 |
0,2 |
275.539 |
3,3 |
284.356 |
3,2 |
Variation FR* |
- 1.903 |
3.259 |
1.403 |
3.012 |
4.331 |
|||||
ENSEMBLE DU REGIME GENERAL |
||||||||||
Recettes |
1.261.063 |
4,1 |
1.322.711 |
4,9 |
1.364.035 |
3,1 |
1.410.540 |
3,4 |
1.462.315 |
3,7 |
Dépenses |
1.277.545 |
2,6 |
1.326.723 |
3,8 |
1.362.053 |
2,7 |
1.403.555 |
3 |
1.446.273 |
3 |
Variation FR* |
- 16.482 |
- 4.012 |
1.982 |
6.985 |
16.042 |
|||||
APRES CONSOLIDATION DES COMPTES |
||||||||||
ENSEMBLE DU REGIME GENERAL |
||||||||||
Recettes |
1.236.175 |
4,4 |
1.296.780 |
4,9 |
1.340.137 |
3,3 |
1.386.165 |
3,4 |
1.437.398 |
3,7 |
Dépenses |
1.252.657 |
2,8 |
1.300.792 |
3,8 |
1.338.155 |
2,9 |
1.379.180 |
3,1 |
1.421.356 |
3,1 |
Variation FR* |
- 16.482 |
- 4.012 |
1.982 |
6.985 |
16.042 |
*
FR : fonds de roulement.
Source : annexe C au PLFSS 2000
2. Toujours plus de recettes et de dépenses
Les
recettes sont assises sur la masse salariale (cotisations) et sur la croissance
économique (CSG, C3S, etc.). Leur sensibilité y est à ce
point forte que l'évolution positive de l'assiette des encaissements du
secteur privé du régime général entre mai et
septembre 1999 de 0,3 point a procuré 2,7 milliards de francs de
recettes supplémentaires de la CSG.
Entre 1997 et 1998, les recettes du régime général ont
ainsi augmenté de 4,1 %, entre 1998 et 1999 de 4,9 %, et de 1999
à 2000 elles augmenteraient de 3 % pour se porter à 1 363
milliards de francs. Les dépenses, elles, ont dans les mêmes
périodes augmenté de 2,8 %, 3,8 % et 2,9 %.
Variation des recettes et des dépenses (consolidées) du régime général (en %)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000** |
2001** |
2002** |
Recettes |
4,6 |
4,7 |
4,4 |
4,9 |
3,3 |
3,4 |
3,7 |
Dépenses |
3,1 |
2,9 |
2,8* |
3,8* |
2,9 |
3,1 |
3,1 |
Ecart |
1,5 |
1,8 |
1,6 |
1,1 |
0,4 |
0,3 |
0,6 |
* La
mise sous condition de ressources des allocations familiales entre le
1
er
avril et le 31 décembre 1998 a pour effet
de réduire le taux de croissance des dépenses de 0,3 point
en 1998 et de l'augmenter d'autant en 1999.
** prévisions
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale et
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Le redressement du solde s'explique ainsi par l'écart favorable existant
entre le dynamisme des recettes et celui des dépenses. Cependant, si les
premières augmentent très fortement, le rythme de progression des
secondes n'en reste pas moins très rapide. Or les premières
bénéficient de la croissance économique, ressources d'une
certaine fragilité donc, tandis que les secondes correspondent à
des tendances lourdes, dépenses d'une certaine rigidité.
En effet, les dépenses d'assurance maladie maintiennent leur progression
à un rythme très élevé de même que les
dépenses liées à la vieillesse. Il y a dans ces deux
domaines un très fort effet de cliquet qui compromet tout retour sur le
niveau de dépenses atteint. De plus, une partie de celles-ci correspondt
à des charges structurellement croissantes comme les dépenses de
personnel de la fonction publique hospitalière.
Il ne faut donc pas seulement agir en terme de solde du régime
général mais analyser chaque composante, c'est à dire
maîtriser des dépenses trop rapidement croissantes et utiliser les
surplus de recettes à un désendettement de la
sécurité sociale. Votre rapporteur pour avis estime qu'il s'agit
là de la seule politique vertueuse qui vaille plutôt que de
s'enfermer dans la rigidité à la hausse des dépenses, la
volatilité des recettes et le maintien coûteux d'une lourde dette.
B. LE DÉPASSEMENT DES OBJECTIFS EN EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1998
La loi de financement pour 1998 a montré une hausse à la fois des dépenses (13,6 milliards de francs) et des recettes (13,4 milliards de francs) par rapport aux objectifs et prévisions assignés :
Les
dépenses de 1998
(en milliards de francs)
|
Objectifs LFSS pour 1998 |
Prévisions d'exécution (sept. 1998) |
Réalisations (septembre 1999) |
Ecart entre les réalisations et les objectifs |
Maladie-maternité-invalidité-décès |
678,5 |
686 |
687 |
8,5 |
Vieillesse-veuvage |
755 |
755,2 |
753,5 |
- 1,5 |
Accidents du travail |
50,8 |
51,1 |
51,1 |
0,3 |
Famille |
246,9 |
253 |
253,3 |
6,4 |
Total des dépenses |
1.731,2 |
1.745,3 |
1.744,8 |
13,6 |
Source : Rapport Cour des comptes.
L'écart par rapport aux objectifs de dépenses a une cause
principale : l'augmentation des dépenses d'assurance maladie de 8,5
milliards de francs, soit le montant du dépassement de l'ONDAM. Le reste
correspond au tour de passe-passe de l'allocation de rentrée scolaire,
non prise en compte en loi de financement mais finalement majorée, ce
qui occasionne une hausse des dépenses de la branche famille que doit
compenser une contribution de l'Etat.
Les recettes de 1998
(en milliards de francs)
Catégories de recettes |
|
|
|
|
Cotisations effectives |
1.034,1 |
1.045,7 |
1.042,8 |
8,7 |
Cotisations fictives |
186,9 |
186,8 |
187,1 |
0,2 |
Contributions publiques |
62,0 |
67,3 |
66,6 |
4,6 |
Impôts et taxes affectés |
403,0 |
399,6 |
401,2 |
- 1,8 |
Transferts reçus |
4,6 |
4,8 |
4,8 |
0,2 |
Revenus des capitaux |
1,3 |
1,4 |
1,4 |
0,1 |
Autres ressources |
31,1 |
32,2 |
32,5 |
1,4 |
Total des recettes |
1.723,0 |
1.737,8 |
1.736,4 |
13,4 |
Source : Rapport Cour des Comptes
En 1998, les régimes couverts par la loi de financement ont en effet
bénéficié à plein de la substitution de la CSG
à certaines cotisations d'assurance maladie : la Cour des comptes
estime le surplus de recettes occasionné par cette réforme
à 5 milliards de francs même s'il avait été
surestimé (1,8 milliard de francs de moins sur la ligne impôts et
taxes affectés). Par ailleurs, les cotisations sociales ont
généré 8,7 milliards de francs de recettes
supplémentaires par rapport aux prévisions ce qui s'explique par
la bonne tenue de la masse salariale et donc par la croissance
économique. Le gain de 4,6 milliards de francs des contributions
publiques correspond aux deux tiers de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire, qui ne figurait pas en loi de financement.
C. LES INTENTIONS NON SUIVIES D'EFFETS DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1999
Les prévisions d'exécution de loi de financement pour 1999 montrent elles aussi une progression du périmètre par rapport à ce qui avait été anticipé : 11,4 milliards de francs de recettes et 17,5 milliards de francs de dépenses en plus.
Les
objectifs de dépenses
(en milliards de francs)
|
Objectifs PLFSS pour 1999 (1) |
Prévisions d'exécution (2) |
Ecart (2)- (1) |
Maladie-maternité invalidité décès |
697,6 |
709,8 |
12,0 |
dont ONDAM |
629,9 |
643 |
13,1 |
Vieillesse-veuvage |
781,4 |
779,1 |
- 2,3 |
Accidents du travail |
53,0 |
53,5 |
0,5 |
Famille |
257,0 |
264,3 |
7,3 |
Total des dépenses |
1.789,1 |
1.806,6 |
17,5 |
Sources : annexe B au PLFSS 2000.
Les surcroîts de dépenses sont marqués une fois de plus par
l'explosion des dépenses d'assurance maladie avec 12 milliards de francs
supplémentaires. Il convient cependant de nuancer cette hausse qui
englobe l'erreur de prévision de 1998 qui pèse pour les trois
quarts de l'écart constaté. Il n'en reste pas moins que ces
dépenses connaissent une hausse extrêmement sensible, qu'on la
prenne année après année ou bien sur une période
plus longue. Par ailleurs, l'augmentation des dépenses de la branche
famille correspond en grande partie à la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire.
Les
prévisions de recettes
(milliards de francs)
|
Prévisions LFSS pour 1999 (1) |
Prévisions d'exécution (2) |
Ecart (2) - (1) |
Cotisations effectives |
1.062,9 |
1.066,3 |
4,0 |
Cotisations fictives |
194,8 |
195,0 |
0,2 |
Contributions publiques |
63,8 |
69,4 |
5,6 |
Impôts et taxes affectés |
438,7 |
139,7 |
1,0 |
Transferts reçus |
5,2 |
4,9 |
- 0,3 |
Revenus de capitaux |
1,4 |
1,6 |
0,2 |
Autres ressources |
32,6 |
33,4 |
0,8 |
Total des recettes |
1.799,5 |
1.810,9 |
11,4 |
Source : annexe B au PLFSS 2000.
L'analyse des écarts révèle à nouveau le
bénéfice de l'activité puisque les cotisations effectives
progressent de 4 milliards de francs, fruit de la croissance économique.
Le même phénomène est en oeuvre pour les impôts et
taxes affectés, grâce à des rentrées de CSG plus
importantes que prévues. Les 5,6 milliards de francs de contributions
publiques correspondent là encore à une partie du versement de
l'Etat à la CNAF pour la prise en charge de la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire.
Par ailleurs, une fois de plus, il faut constater la non exécution de
plusieurs articles de la loi votée par le Parlement. Comme le montre le
tableau suivant, onze articles de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 n'ont pas trouvé une
application satisfaisante.
Votre rapporteur pour avis déplore avec vigueur que de trop
nombreuses mesures prévues par la loi de financement pour 1999 soient
restées lettres mortes. Cela démontre une fois de plus que
l'urgence imposée au Parlement n'a d'égal que le peu
d'empressement du Gouvernement à faire appliquer le résultat de
cette précipitation.
Les retards dans l'application de la LFSS pour 1999
Mesure |
Article |
Retard |
Conséquence |
Conséquence financière |
Création du fonds de réserve pour les retraites |
2 |
|
|
2 milliards de francs non utilisés |
Contrôle des prestataires d'aide à domicile par les organismes de sécurité sociale |
5 |
|
Mesure non appliquée |
|
Application au régime général des collaborateurs occasionnels du secteur public |
15 |
|
Mesure non appliquée |
150 millions de recettes perdues pour 1999 |
Dépistage des maladie aux conséquences mortelles évitables |
|
Décrets et arrêtés non publiés |
Mesures non appliquées |
|
Gratuité des actes techniques correspondants |
|
|
|
|
Création du Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie |
21 |
Décret publié en octobre 1999 |
Pas de réunion en 1999 |
|
Missions des unions de médecins en matière d'analyse de l'évolution des dépenses médicales |
23 |
|
Mesure non appliquée |
|
Modalités d'attribution de l'allocation de remplacement au titre du mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité |
24 |
|
|
|
Création du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville |
25 |
Décret non publié |
Mesure non appliquée |
Dotation prévue pour 1999 ? |
Devis et facture du dentiste |
28 |
Arrêté non publié |
Mesure non appliquée |
|
Exercice des professionnels de santé dans les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes |
34 |
|
Mesure non appliquée |
|
Modification des règles de placement des excédents de trésorerie des différentes branches du régime général |
46 |
|
|
Aucune puisque l'ACOSS a un déficit de trésorerie |
Source : annexe B au PLFSS 2000.
D. LES ÉLÉMENTS FINANCIERS DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT POUR 2000 : FINANCER À TOUT RISQUE LES 35 HEURES AU DÉTRIMENT DES RETRAITES
Le cadrage économique de la loi de financement de la sécurité sociale paraît cette année ne pas appeler de contestation particulière. Il est, comme à l'habitude, commun au projet de loi de finances.
1. Dépenses et recettes en progression sensible
Le projet de loi de financement initial présente des objectifs de dépenses en hausse de 2,75 % et des prévisions de recettes en hausse de 3,45% par rapport aux prévisions d'exécution de 1999.
Recettes et dépenses du projet de loi de financement pour 2000
(en milliards de francs)
|
Exécution PLFSS 1997 |
Exécution PLFSS 1998 |
Prévisions d'exécution LFSS 1999 |
Prévisions PLFSS 2000 |
Ecart 1999 / 2000 |
Prévisions de recettes |
1.664,5 |
1.736,4 |
1.810,9 |
1.873,2 |
+ 3,44 % |
Objectifs de dépenses |
1.695,7 |
1.744,8 |
1.806,6 |
1.856,3 |
+ 2,75 % |
La
hausse du périmètre est presque entièrement le
résultat de l'extension du champ de la loi de financement au passage aux
35 heures et à la couverture maladie universelle.
Le champ de la loi de financement tire notamment profit des nombreux
prélèvements obligatoires nouveaux qui lui sont affectés
(cf.
supra
), mais aussi des recettes de la croissance
économique. Ainsi, le rendement de la CSG devrait-il continuer à
progresser pour apporter 12,4 milliards de plus qu'en 1999.
Rendement de la CSG
|
1998 |
1999 |
2000 |
Montant (milliards de francs) |
318,5 |
353,5 |
365,9 |
Ecart (milliards de francs) |
|
+ 35 |
+ 12,4 |
Ecart ( %) |
|
+ 11 |
+ 3,5 |
Principaux éléments de cadrage
macroéconomique - 1998-1999-2000
(Variation en volume, moyenne annuelle, en %, sauf indications
contraires)
|
1998 |
1999 |
2000 |
Environnement international |
|
|
|
PIB : |
|
|
|
OCDE hors France |
2,3 |
2,6 |
2 |
Union européenne à 15 |
2,8 |
1,9 |
2,7 |
Zone euro |
2,8 |
2 |
2,7 |
Prix à la consommation zone euro |
1,4 |
1,2 |
1,6 |
Prix moyen du pétrole importé FAB (dollars/baril) |
12,7 |
16,4 |
18 |
Cours du dollar en euros |
1,112 |
1,072 |
1,06 |
France |
|
|
|
PIB en volume |
3,2 |
2,3 |
2,6 - 3 |
PIB en valeur |
4,1 |
2,9 |
4 |
Montant du PIB (en milliards de francs) |
8.565 |
8.816 |
9.169 |
Pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages |
2,5 |
2,6 |
2,6 |
Consommation des ménages |
3,2 |
2,4 |
2,7 |
Investissement des entreprises |
6,7 |
6 |
5 |
Prix à la consommation des ménages |
|
|
|
Ensemble |
0,7 |
0,6 |
1 |
Hors tabac |
0,6 |
0,5 |
0,9 |
Masse salariale secteur privé (ENFNA) |
4 |
3,7 |
4 |
Salaire moyen par tête |
2,1 |
2,2 |
2,3 |
Effectifs salariés |
1,9 |
1,5 |
1,7 |
Exportations |
6,2 |
0,7 |
4,7 |
Importations |
8,7 |
2,1 |
4,9 |
Solde de la balance commerciale FAB/FAB (données douanières, en milliards de francs) |
154 |
102 |
102 |
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale
2. Les conséquences de la couverture maladie universelle
a) La mise en place de la CMU
Ce
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000,
mais également le projet de loi de finances pour 2000, prend acte des
nombreux changements inaugurés par la création de la couverture
maladie universelle (CMU).
Celle-ci se compose de deux parties :
• une couverture de base attribuée aux personnes exclues de tout
système de protection. Elle succède donc à l'assurance
personnelle qui donnait lieu à des financements croisés
importants et laissait cependant de côté
150.000 personnes ; cette couverture est gratuite jusqu'à un
certain niveau de ressources ;
• une couverture complémentaire accordée gratuitement sous
condition de ressources à 6 millions de personnes ; les caisses
primaires d'assurance maladie comme les organismes complémentaires
prennent alors en charge les assurés, selon un double système, un
paiement au franc le franc des dépenses engagées pour les CPAM,
un forfait de 1500 francs par assuré pour les autres.
Cette vaste réforme nécessite des circuits de financement
importants. Pour la couverture de base, la loi aménage les transferts
existants autour de l'actuelle assurance personnelle pour rendre la nouvelle
couverture de base la plus neutre financièrement possible lors de sa
première année de mise en place. Il fait ainsi disparaître
l'ensemble des cotisations versées par les départements, l'Etat,
la CNAF, le FSV et les assurés. Pour équilibrer l'ensemble, il
procède à des transferts de recettes au profit de la CNAMTS.
La CNAF transfère à la CNAMTS 28 points sur les 50 points du
produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et
produits de placement qui lui sont affectés, soit 2,7 milliards de
francs pour un allégement de 2,38 milliard de francs de dépenses.
Au total, elle supporte une perte de 320 millions de francs justifiée,
d'après le Gouvernement, par la non prise en charge de cotisations
d'assurance personnelle pendant plusieurs années, au détriment
des départements.
Pour compenser la charge actuelle de 4,05 milliards versés par les
départements et l'Etat au titre de l'aide médicale gratuite, la
CNAMTS obtient l'affectation à son profit d'une fraction du produit des
droits de consommation sur les tabacs (3,5 milliards de francs), soit une
différence de 550 millions de francs.
La CNAMTS récupère 5 points des 60 % des droits de consommation
sur les alcools affectés au FSV, soit une recette de 600 millions de
francs compensant 610 millions de dépenses supprimées par ce
dernier.
Les cotisants voient leurs cotisations se réduire, pour passer de 440
à 100 millions de francs, ce qui représente une perte de
recettes pour la CNAMTS de 340 millions de francs.
La CNAMTS doit par ailleurs prendre en charge l'intégralité du
déficit de l'assurance personnelle, actuellement réparti entre
les régimes obligatoires, soit un surcroît de dépenses de
570 millions de francs. En compensation, elle devrait percevoir 830 millions de
francs au titre de la cotisation sur les véhicules terrestres à
moteur. Les 260 millions de francs de différence aujourd'hui
perçus par les autres régimes devraient être
compensés par une subvention de l'Etat.
Enfin, la CNAMTS devra supporter le coût de l'extension du champ de la
couverture de base, estimé à 600 millions de francs.
Le financement de la couverture complémentaire est pris en charge par un
fonds spécial. Le coût total a été
évalué la première année à 1.500 francs
par an et par bénéficiaire pour 6 millions de personnes, soit
9 milliards de francs. Le financement obéit à un principe
inégal : reversement pour les organismes privés (dès
qu'un organisme prend en charge un bénéficiaire de la CMU, il
reçoit cette somme forfaitaire), remboursement au franc le franc pour
l'assurance maladie.
Les recettes de ce fonds proviennent :
• d'une contribution de 1,75 % du chiffre d'affaires des activités
" santé " des mutuelles et des compagnies d'assurance, avec un
paiement trimestriel. Cette contribution est nette des reversements aux
mêmes organismes par le fonds pour la prise en charge de
bénéficiaires de la CMU (1.500 F par affilié), chaque
organisme ne versant au fonds que la différence (ou percevant le surplus
théorique) entre sa contribution et les reversements ; sa ressource est
estimée à un montant maximum de 1,8 milliard de francs ;
• d'une subvention d'équilibre de l'Etat évaluée
ex post
, estimée en première année à 7,2
milliards de francs au moins.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
tire donc les conséquences de ces réformes. Les prévisions
de recettes tiennent ainsi compte des nouveaux prélèvements et
des nouvelles affectations de ceux qui existent.
Synthèse du financement annoncé par le
Gouvernement
pour la première année de la couverture de base de la CMU
(en milliards de francs)
Pertes de recettes et dépenses supplémentaires |
|
Recettes supplémentaires et moindres dépenses |
|
CNAF |
|
|
|
reprise de 28 points sur les 50 qu'elle touche du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et produits de placement |
2,7 |
suppression des cotisations à l'assurance personnelle |
2,38 |
|
|
Perte nette |
0,32 |
CNAMTS |
|
|
|
Perte des cotisations de la CNAF à l'assurance personnelle |
2,38 |
Affectation de 28 points sur les 50 qu'elle touche du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et produits de placement |
2,7 |
Perte des cotisations versées par l'Etat et les départements au titre de l'assurance personnelle |
4,05 |
Fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs |
3,5 |
Perte des cotisations versées par le FSV |
0,61 |
Fraction des 60 % des droits de consommation sur les alcools affectés au FSV |
0,6 |
Prise en charge du déficit de l'assurance personnelle |
0,57 |
Cotisation sur les véhicules terrestres à moteur |
0,83 |
Perte de cotisations des assurés |
0,44 |
Cotisations nouvelles des assurés |
0,1 |
Extension du champ |
0,6 |
Perte nette |
0,92 |
Départements |
|
|
|
Reprise de 95 % des sommes affectées à l'aide médicale sous forme de DGD |
8,7 |
Suspension du versement des prestations d'aide médicale |
9,15 |
Gain net |
0,45 |
|
|
Etat |
|
|
|
Subvention aux régimes spéciaux pour compenser la perte de recettes liée à l'arrêt de la cotisation sur les véhicule terrestres à moteur |
0,26 |
Perte nette |
0,26 |
b) Les craintes énoncées lors de l'examen du projet de loi restent valables
Votre
rapporteur pour avis avait lors de la discussion du projet de loi émis
plusieurs critiques de fond sur le nouveau dispositif dont il estimait qu'il
remettait en cause les principes même de notre protection sociale. Il
s'était également largement inquiété de son
coût et avait indiqué qu'il lui semblait impossible que ce dernier
se limite à ce qu'annonçait le Gouvernement.
Ces craintes commencent aujourd'hui à rejoindre la
réalité. La première concerne l'assurance maladie. Le
coût net pour la CNAMTS de la CMU devait s'élever à 900
millions de francs (soit le quart du déficit de la CNAMTS prévu
pour 2000). Il est trop tôt pour savoir si le prévisions de
consommation médicale des nouveaux assurés de base seront
respectées. En revanche votre rapporteur constate que le Gouvernement a
donné l'autorisation à la CNAMTS de procéder à
l'embauche de 1.400 agents pour assumer les nouvelles taches induites par la
mise en place de la couverture maladie universelle. Votre rapporteur pour avis
avait expliqué que la CNAMTS ne disposait pas du personnel
nécessaire et qu'il lui faudrait procéder à des embauches
ce qui engendrerait un coût non prévu par le projet de loi. Il
constate que ces embauches et donc ce coût sont bien au rendez-vous.
Par ailleurs, les organismes complémentaires reconnaissent aujourd'hui
que le forfait de 1.500 francs par assuré complémentaire sera
insuffisant. D'abord se produiront des phénomènes de rattrapage
d'autant plus explicables que les bénéficiaires auront
été exclus des soins durant longtemps. Ensuite, le Gouvernement a
refusé les propositions des organismes de protection
complémentaires visant, dans un souci d'égalité avec ceux
qui s'assurent de leur propre chef, à encadrer certaines
catégories de dépenses comme les soins dentaires ou le forfait
hospitalier. Il convient de rappeler qu'un dépassement de 15 % du
forfait prévu représente un coût pour l'Etat et les
organismes de protection complémentaire de 1,2 milliard de francs.
Enfin, la non parution des décrets d'application vient encore retarder
et compliquer les modalités d'application du texte. Votre rapporteur
pour avis avait indiqué qu'il ne lui semblait pas possible de respecter
la date prévue :
" les modalités pratiques de mise
en place de la couverture maladie universelle laissent douter de la
capacité des différents acteurs à être prêts
pour le 1
er
janvier 2000, date inscrite dans le projet de loi pour
son entrée en vigueur. "
. Il tient à redire son
pessimisme. Comme il l'avait expliqué dans son avis, votre rapporteur
remarque que la CNAMTS rencontre notamment des difficultés pratiques
insurmontables pour vérifier les conditions de ressources qui
s'appliqueront, ce qui permet de craindre que le nombre de
bénéficiaires ne soit plus élevé que prévu.
La commission des finances suivra avec une attention extrême tout
dérapage des dépenses consacrées à la couverture
maladie universelle puisque celles-ci reposeront en définitive sur les
finances de l'Etat par la subvention d'équilibre et sur les
prélèvements obligatoires, tandis que la CMU,
révélatrice des limites de la protection sociale
française, porte en germe des dérives très dangereuses de
celle-ci.
3. Le solde dégradé par des dépenses nouvelles
Le
projet de loi de financement intègre deux réformes
majeures : la couverture maladie universelle et le passage aux 35 heures
hebdomadaires. Celles-ci ont un coût élevé pour les
finances sociales, coût amené à croître dans les
années à venir.
Par ailleurs, il devait permettre d'abonder de façon substantielle le
fonds de réserve pour les retraites par le biais des excédents du
Fonds de solidarité vieillesse et des régimes sociaux. Il n'en
est rien puisque le projet de loi vient ponctionner ce fonds de réserve
avant même qu'on en connaisse les objectifs et les modes de gestion, par
le biais du prélèvement de 5,6 milliards de francs sur les droits
sur les alcools attribués au FSV (cf.
infra
) et d'un milliard de
francs sur la CSG attribués au BAPSA.
Votre rapporteur pour avis regrette profondément qu'ayant dû
choisir entre financer un fonds de réserve pour les retraites et le
passage au 35 heures, le Gouvernement ait préféré la
deuxième solution, la plus handicapante pour notre économie, la
moins favorable pour les générations futures.
Par ailleurs, le projet de loi de financement dégrade en profondeur le
solde pourtant fragile du régime général en le faisant
passer de 14,1 milliards de francs à moins de 2 milliards de
francs.
Conséquences du projet de loi de financement de la
sécurité sociale 2000
sur le solde du régime
général
(en millions de francs)
|
Maladie |
Accidents du travail |
Vieillesse |
Famille |
Total |
Solde annoncé |
- 3.700 |
650 |
6.500 |
2.550 |
+6.000 |
Réintégration
|
+ 2.554 |
+ 360 |
+ 1.010 |
+ 1.771
|
+ 5.695
|
Solde tendanciel |
- 1.146 |
+1.010 |
+7.70 |
+ 6.821 |
+ 14.195 |
Mesures |
- 1.310 |
- 60 |
- 3.210 |
- 4.657 |
- 9.237 |
- " Coup de pouce " 0, 3 % BMAF |
|
|
|
- 340 |
- 340 |
- Versement des aides au logement jusqu'à 21 ans |
|
|
|
- 220 |
- 220 |
- Versement du complément familial jusqu'à 21 ans |
|
|
|
- 330 |
- 330 |
- Fonds d'action sociale CNAF |
|
|
|
- 250 |
- 250 |
- " Coup de pouce " de 0,3 % aux pensions |
- 50 |
- 60 |
- 950 |
|
- 1.060 |
- Contribution exceptionnelle des laboratoires |
+ 1.200 |
|
|
|
+ 1.200 |
- Transfert de charges de l'Etat |
- 100 |
|
|
|
- 100 |
- Fonds de modernisation des cliniques privées |
- 100 |
|
|
|
- 100 |
- Allocation de rentrée scolaire |
|
|
|
- 2.500 |
- 2.500 |
- Fonds de réserve pour les retraites |
|
|
- 2.900 |
|
- 2.900 |
- Perte de 2% sur le revenu du patrimoine |
- 2.260 |
|
- 2.260 |
- 1.017 |
- 5.537 |
Total |
- 2.456 |
+ 950 |
+ 1.400 |
+ 2.164 |
+ 2.058 |
Source :PLFSS 2000.
Alors que le régime général a
bénéficié de surcroîts de recettes exceptionnels,
fruits de la croissance économique, et que des besoins urgents se font
sentir dans le domaine de la santé ou de la vieillesse, le Gouvernement
dégrade de plus de 12,2 milliards de francs le solde du
régime général.
Si on retire de ces 12,2 milliards ce qui va au fonds de réserve pour
les retraites, ce sont encore 3,7 milliards de francs de dépenses
nouvelles que crée le Gouvernement.
Votre rapporteur pour avis estime qu'il s'agit là d'une politique peut
responsable qui hypothèque l'avenir et qui est en incohérence
totale avec le discours du Gouvernement sur l'affectation des excédents
de la sécurité sociale au fonds de réserve pour les
retraites.
Tout débat sur l'affectation d'excédents potentiels de la
sécurité sociale ne doit se faire, selon votre rapporteur pour
avis, que entre trois solutions non exclusives :
•
la réduction de la dette sociale
car il est
économiquement équivalent de désendetter la
sécurité sociale que de mettre de l'argent de côté
pour l'avenir : avec 215 milliards de francs de dette à la CADES et
8,5 milliards de déficit de trésorerie de l'ACOSS, les
générations futures hériteront un fardeau lourd de nos
erreurs ;
• la réduction des prélèvements obligatoires
sociaux
: le projet de loi de financement crée 15,9 milliards
de francs de nouveaux prélèvements quand il
bénéficie d'un excédent potentiel du régime
général de 14,1 milliards de francs ;
• éventuellement, dans un souci d'affichage, mais en
définissant clairement les objectifs assignés et les modes de
gestion, au fonds de réserve pour les retraites.
Votre rapporteur pour avis estime que les conditions ne sont réunies ni
pour une baisse massive des prélèvements sociaux, ni pour une
mise en réserve dont on voit qu'elle serait destinée à
être ponctionnée pour d'autres dépenses comme les 35
heures.
Il estime donc préférable, pour préserver
l'avenir de nos enfants et respecter le principe posé de la
séparation comptable des branches d'affecter toute amélioration
du régime général à la diminution de l'encours de
la CADES.
De plus, le solde de l'ACOSS, malgré les excédents potentiels,
restera déficitaire fin 1999 de 8,5 milliards de francs qui
pèsent sur sa trésorerie et devraient, en bonne logique,
s'ajouter à la dette de la CADES.
Enfin, cet équilibre est fragile quand on sait qu'un point
supplémentaire de dépenses maladie représente 5 milliards
de francs de dépenses nouvelles, ou que un point de revalorisation des
pensions coûte 3,4 milliards de francs, ou encore que l'assurance
maladie compte sur une contribution de l'industrie pharmaceutique à la
régularité douteuse de 1,2 milliard de francs, à
comparer au 1,9 milliard d'excédent restant du régime
général.
Ainsi, l'heure n'est pas aux dépenses nouvelles, mais reste plus que
jamais leur maîtrise, à celle des prélèvements et
à l'utilisation de marges de manoeuvre potentielles au
désendettement de la sécurité sociale, c'est à dire
de la CADES.
4. Les dangereuses mesures de recettes
a) La soumission à impositions sociales des grosses indemnités de licenciement (article 2 A)
L'article 2 A nouveau du présent projet de loi de
financement de la sécurité sociale, qui résulte d'un
amendement de notre collègue député
M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des
finances, a pour objet de déterminer les seuils d'assujettissement aux
cotisations de sécurité sociale et à la contribution
sociale généralisée, des indemnités versées
aux salariés ou aux mandataires sociaux d'une entreprise, à
l'occasion de la cessation de leurs fonctions.
Il est le pendant de l'article 2
bis
du projet de loi de finances
pour 2000, également introduit par voie d'amendement, qui fixe les
conditions d'assujettissement de ces mêmes indemnités à
l'impôt sur le revenu. Ces conditions sont codifiées à
l'article 80
duodecies
nouveau du code général des
impôts (CGI).
Ainsi, seule la fraction des indemnités de licenciement soumise à
l'impôt sur le revenu en vertu de cet article 80
duodecies
du
CGI entrerait dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
Ce dispositif doit être analysé au regard de la jurisprudence et
de la doctrine actuelles en matière d'indemnités de rupture de
contrat qui repose sur les principes suivants :
- les indemnités de licenciement ont pour objet de réparer le
préjudice moral et financier résultant du licenciement ;
- la part conventionnelle (ou légale) de ces indemnités
correspond à la réparation du préjudice moral et doit,
à ce titre, être exonérée d'impôt sur le
revenu et de cotisations sociales ;
- la fraction qui excède le montant prévu par les accords
collectifs ou par la loi répare le préjudice financier
résultant de la perte de revenus et doit à ce titre être
incluse dans l'assiette de l'impôt sur le revenu, et, parfois, des
cotisations sociales.
Toutefois, s'agissant du régime fiscal des indemnités de
licenciement, la jurisprudence est éminemment fluctuante.
On observera que le dispositif proposé par l'article 2 A, outre
qu'il évite les désagréments liés aux fluctuations
de la doctrine, a l'avantage d'être plus souple puisqu'il fixe à
un niveau relativement élevé le seuil d'exonération (au
moins deux fois le salaire brut annuel de l'année
précédant le licenciement, dans la limite de 2,35 millions
de francs).
En revanche, s'agissant de la CSG, le dispositif actuel, plus rigoureux, serait
maintenu qui prévoit l'assujettissement à la CSG de toutes les
sommes qui excèdent le montant légal ou conventionnel des
indemnités de licenciement.
A ce titre, il mérite probablement d'être amendé par
cohérence avec le régime des cotisations sociales.
(1) Les différences entre le régime social
et le régime fiscal actuel des indemnités de rupture de contrat
(a) Régime fiscal
A
l'heure actuelle, le régime fiscal des indemnités versées
en cas de cessation d'activité des salariés est fixé
essentiellement par la doctrine de l'administration et la jurisprudence, sur la
base du principe selon lequel la fraction des indemnités de licenciement
qui a pour objet la réparation d'un préjudice autre que financier
(préjudice moral ou professionnel notamment) bénéficie
d'une exonération.
Les indemnités de départs volontaires sont en revanche imposables.
A titre de pratique, l'administration considère que l'indemnité
de licenciement correspondant au minimum fixé par la convention
collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel, ou,
à défaut, par la loi, n'est pas imposable.
Lorsqu'une indemnité plus élevée est versée en
vertu d'un accord particulier (contrat de travail, transaction, etc.) ou d'une
décision de l'employeur, le surplus est imposable sauf s'il est
établi que l'indemnité répare un préjudice autre
que la perte de salaires.
En pratique, peu d'indemnités sont déclarées et
imposées à l'impôt sur le revenu.
(b) Régime social
(i) Les indemnités de rupture de contrat entrent pour partie dans
l'assiette de la CSG et de la CRDS
Dans
l'état actuel du droit, les indemnités versées lors de la
rupture d'un contrat de travail sont soumises à la cotisation sociale
généralisée
4(
*
)
(CSG) et
à la contribution pour le remboursement de la dette sociale
5(
*
)
(CRDS) pour la fraction qui excède " le
montant prévu par la convention collective de branche, l'accord
professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la
loi ".
L'assiette de la CSG a en effet été alignée sur celle de
la CRDS par la loi de financement de la sécurité sociale pour
1997
6(
*
)
.
On notera qu'en vertu d'une circulaire du 2 février 1996 relative
à la CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement, les
indemnités de licenciement prévues dans le contrat de travail ou
déterminées dans un accord d'entreprise ne donnent lieu à
exonération que pour la part de l'indemnité versée
conformément à la convention collective ou à l'accord
professionnel ou interprofessionnel éventuellement applicable, ou,
à défaut, par la loi.
On observera également que la même circulaire substitue à
la notion de " montant prévu ", celle de montant minimum. Or,
une telle interprétation n'est pas sans conséquences dans le cas
où la loi renvoie à l'accord des parties, au juge ou à un
organisme professionnel, le soin de déterminer, au vue des circonstances
propres à chaque cas, le montant de l'indemnité due. Tel est le
cas des dommages - intérêts pour licenciement abusif, des
dommages-intérêts pour rupture anticipée par l'employeur du
contrat à durée indéterminée, de l'indemnité
de clientèle des VRP, ou de l'indemnité de licenciement des
journalistes ayant plus de quinze ans d'ancienneté.
On peut regretter que l'administration ait adopté cette
interprétation contestable tant au plan de l'équité (la
fraction ainsi assujettie à CRDS est celle qui répare un
préjudice aggravé) qu'au regard du texte de l'ordonnance du
24 juillet 1996 (le montant " prévu " par la loi est
celui fixé dans chaque cas et non le minimum.
(ii) La fraction des indemnités de rupture de contrat correspondant à des dommages et intérêts n'entre pas dans l'assiette des cotisations sociales
Pour
établir la nature des indemnités de rupture de contrat au regard
des cotisations sociales, le juge distingue tout d'abord les indemnités
légales ou conventionnelles de licenciement - qui ne sont pas
soumises à cotisations sociales -, et les indemnités
négociées ou transactionnelles - qui peuvent être
soumises à cotisations. Le juge opère ensuite un
distinguo
entre les indemnités qui ont le caractère de
dommages-intérêts et les indemnités qui constituent des
rémunérations au regard du travail accompli.
En vertu d'une jurisprudence bien établie, les indemnités
conventionnelles ou légales de licenciement ne sont pas assujetties aux
cotisations de sécurité sociale
.
A la différence de l'indemnité compensatrice de préavis
correspondant à la rémunération du travail qu'aurait
accompli le salarié s'il était resté au service de son
employeur pendant la durée du délai-congé, les
indemnités de licenciement sont destinées à
réparer, en fonction de l'ancienneté, le préjudice qu'a
subi le travailleur du fait de la perte de son emploi et ne constituent pas un
supplément de rémunération versé à raison ou
à l'occasion du travail. En conséquence, elles ne sont pas
soumises à cotisations. Ainsi en a jugé la Cour de cassation a
plusieurs reprises.
Dans un arrêt n° 661 du 9 juin 1966
7(
*
)
, la chambre civile de la Cour de cassation a ainsi
estimé
" qu'une indemnité de licenciement, bien qu'elle
ait pour origine le contrat, constitue non un revenu mais des dommages et
intérêts, c'est-à-dire la réparation d'un
préjudice, ce qui ne saurait être assimilé à un
revenu quel qu'il soit ".
De même, les indemnités versées par l'employeur aux
salariés qui
acceptent de quitter volontairement
l'entreprise
et qui ont, comme les indemnités légales ou
conventionnelles de licenciement, le caractère de
dommages-intérêts
compensant le préjudice
résultant de la rupture de leur contrat de travail et la perte
prématurée de leur emploi ne doivent pas être incluses dans
l'assiette des cotisations de sécurité sociale
8(
*
)
.
Le juge a ainsi considéré qu'un salarié subit du fait de
la cessation prématurée de son activité dans le cadre d'un
plan social, qui constitue une forme atténuée de licenciement, un
préjudice matériel et moral ; dès lors,
l'indemnité qui lui est versée a pour objet de réparer ce
préjudice et ne constitue pas la rémunération d'un
travail
9(
*
)
.
Il en est de même pour l'indemnisation volontaire supplémentaire
allouée aux salariés en raison de leur acceptation d'un
départ anticipé de l'entreprise, qui, selon le juge,
présente le caractère de dommages-intérêts.
On notera donc avec intérêt que les
sommes allouées
à titre transactionnel
à des salariés qui renoncent en
contrepartie à réclamer des dommages-intérêts pour
rupture injustifiée du contrat de travail ne sont pas soumises à
cotisations sociales,
même pour la part de ces sommes qui
excède le montant de l'indemnité conventionnelle de
licenciement
.
Toutefois, le juge est tenu de rechercher si la somme versée dans le
cadre d'une transaction n'englobe pas des éléments de
rémunération soumis à cotisations, quelle que soit la
qualification retenue par les parties.
En revanche, les sommes versées par l'employeur lors de la
démission d'un salarié n'ont pas, en principe, la nature de
dommages-intérêts, sauf s'il est établi qu'en
réalité, la rupture du contrat de travail a été
provoquée par l'employeur
et que les sommes versées
réparent le préjudice né de la perte de l'emploi.
La Cour de cassation a, par exemple, jugé que l'indemnité
versée à un directeur général à l'occasion
de son départ de la société qui ne constitue ni le
dédommagement d'une révocation qui serait intervenue dans des
conditions abusives, ni la réparation d'un préjudice qui serait
résulté pour lui de la cessation forcée de ses fonctions,
constitue un élément de rémunération soumis
à cotisations
10(
*
)
.
(iii) Le cas des indemnités versées aux mandataires sociaux
S'agissant des mandataires sociaux, les tribunaux ont jugé que les dommages-intérêts alloués par décision de justice au président-directeur-général d'une société anonyme en réparation du préjudice subi du fait de la révocation de son mandat social ne sont pas soumises à cotisations 11( * ) .
(2) Le dispositif " Hollande - Cahuzac " aligne les régimes fiscal et social soumis à la CSG
Il est utile de revenir sur le dispositif de l'article 2 bis du projet de loi de finances pour 2000 dans la mesure où les conditions d'assujettissement aux cotisations sociales des indemnités de rupture de contrat sont strictement les mêmes (à l'exception de la CSG) que celles fixées par cet article.
(a) Le dispositif fiscal (article 2 bis du PLF pour 2000)
L'article 2
bis
du projet de loi de finances pour 2000
est
composé de deux volets.
Le
premier volet
concerne le régime fiscal applicable aux
indemnités de rupture des contrats de travail des
salariés
. Il
transpose dans la loi fiscale les principes
doctrinaux et jurisprudentiels actuels en les assouplissant
.
Le
second
règle le régime fiscal des indemnités de
toutes natures versées aux
mandataires sociaux et dirigeants de
sociétés
à l'occasion de la cessation de leurs
fonctions. Il distingue lui-même deux cas : celui du départ
volontaire des mandataires, qui occasionne le traitement fiscal le moins
favorable, et celui de la cessation forcée des fonctions, qui ne
provoque taxation qu'au delà d'un plafond de 2,35 millions de
francs.
(i) Le cas des salariés
Le
premier paragraphe du 1 de l'article 80
duodecies
pose le
principe
de
l'assujettissement
à l'impôt sur le revenu de la
fraction des indemnités de licenciement représentative de la
réparation d'un préjudice financier
(perte de revenus),
la
fraction conventionnelle ou légale de l'indemnité de
licenciement
- censée indemniser le préjudice
moral -
restant exonérée
.
Toutefois, le deuxième paragraphe du 1 atténue sensiblement ce
principe en accroissant la fraction exonérée des
indemnités de licenciement. Il prévoit enfin un
plancher
général d'imposition
pour les sommes qui excèdent
2,35 millions de francs
.
Au total, le dispositif serait le suivant :
• Les indemnités de licenciement seraient, en tout état de
cause, exonérées à hauteur de la fraction correspondant au
montant prévu par la convention collective de branche, l'accord
professionnel, ou à défaut, par la loi
12(
*
)
.
• Au delà, les indemnités ne seraient imposables que pour
la fraction qui excède la plus grande des deux sommes suivantes :
- soit la moitié des indemnités de licenciement
versées ;
- soit le double de la rémunération brute perçue
l'année précédant la rupture du contrat de travail.
Autrement dit, les indemnités de licenciement seraient soumises
à impôt, soit pour la moitié de leur montant, si ce dernier
excède le double de la rémunération brute perçue
l'année précédente, soit pour la fraction qui
excède deux fois le salaire de l'année précédente,
dans les autres cas.
Enfin, au delà d'un seuil de
2,35 millions de francs
(moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de
solidarité sur la fortune, les indemnités de licenciement
seraient automatiquement assujetties à l'impôt sur le revenu
pour la fraction qui excède ce plancher
13(
*
)
.
Pour récapituler, le seuil de déclenchement de l'imposition
serait, pour les indemnités inférieures à
2,35 millions de francs, le plus élevé des trois montants
suivants :
- montant des indemnités de licenciement conventionnelles ;
- moitié des indemnités de licenciement versées ;
- deux fois le montant du salaire brut perçu l'année
précédente.
Au delà d'un seuil de 2,35 millions de francs, toutes les
indemnités seraient taxées, quelle que soit leur nature.
Exemples :
1
er
cas
: une indemnité de licenciement de 2
millions de francs touchée par un salarié qui aurait perçu
un salaire brut d'un million de francs l'année précédente
serait exonérée d'impôt sur le revenu.
2
ème
cas
: une indemnité de licenciement
de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait
perçu un salaire brut de 800.000 F l'année
précédente serait imposable à hauteur de 400.000 F.
3
ème
cas
: une indemnité de licenciement
de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait
perçu un salaire brut de 400.000 F l'année
précédente serait imposable à hauteur de un million de
francs.
4
ème
cas
: une indemnité de licenciement
de 3 millions de francs serait imposable, quel que soit le salaire
touché l'année précédente, pour la fraction qui
excède 2,35 millions de francs, soit 650.000 F.
Enfin,
ne seraient jamais taxables
les indemnités de
départ volontaires versées dans le cadre d'un plan social ainsi
que les indemnités versées à un salarié
licencié sans cause réelle et sérieuse (article
L. 122-14-4 du code du travail).
(ii) Le cas des mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises
Le 2 de
l'article 80
duodecies
concerne les mandataires sociaux et dirigeants
d'entreprises.
Il dispose que toute indemnité versée à l'occasion de la
cessation de leurs fonctions serait imposable,
sans conditions de seuil.
Toutefois,
en cas de cessation forcée des fonctions,
notamment de
révocation, le régime serait le même que pour les
salariés, c'est-à-dire que seule la fraction des
indemnités qui excède les seuils évoqués plus haut
serait soumise à l'impôt sur le revenu.
Ces dispositions seraient applicables :
• dans les sociétés anonymes :
- au président du conseil d'administration,
- au directeur général,
- à l'administrateur provisoirement délégué,
- aux membres du directoire,
- à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance
chargé de fonctions spéciales ;
• dans les sociétés à responsabilité
limitée : aux gérants minoritaires ;
• dans les autres entreprises ou établissements passibles de
l'impôt sur les sociétés : aux dirigeants soumis au
régime fiscal des salariés ;
• dans toute entreprise : à toute personne occupant un emploi
salarié dont la rémunération totale excède la plus
faible des rémunérations allouées aux dirigeants de cette
entreprise.
(b) Le dispositif social proposé par l'article 2A du présent projet de loi de financement
L'article 2 A du présent projet de loi est le
pendant de
l'article 2
bis
du projet de loi de finances pour 2000. Il pose le
principe de l'
assujettissement des indemnités de licenciement aux
cotisations de sécurité sociale, pour la fraction qui est
elle-même soumise à l'impôt sur le revenu.
Toutefois, s'agissant de la CSG, le dispositif actuel, plus rigoureux, est
réaffirmé.
(i) Le renforcement de l'assujettissement à la CSG
Bien que
l'utilité d'une telle disposition ne soit pas établie au regard
de l'état actuel du droit, il est prévu d'assujettir à la
CSG,
" en tout état de cause "
la fraction des
indemnités de licenciement qui est soumise à l'impôt sur le
revenu en application de l'article 80
duodecies
du CGI.
Cette disposition n'apporte rien de nouveau car les indemnités de
licenciement sont actuellement soumises à la CSG pour la fraction qui
excède le montant prévu par la convention collective de branche,
l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la
loi, ce qui est plus sévère que ce que l'amendement
" Hollande " prévoit en matière d'impôt sur le
revenu.
En revanche, l'article 2 A innove en prévoyant de soumettre
explicitement à la CSG la totalité des indemnités
perçues par les mandataires sociaux et dirigeants à l'occasion de
la cessation de leurs fonction, sauf en cas de cessation forcée de ces
fonctions, où seule la fraction assujettie à l'impôt sur le
revenu entrerait dans l'assiette de la
CSG.
On constate donc que
les salariés seraient plus rigoureusement
traités que les mandataires sociaux
, puisque le seuil
d'assujettissement de leurs indemnités à la CSG serait plus bas
que celui retenu pour les mandataires sociaux.
Une telle discrimination
mérite probablement correction
.
(ii) L'assujettissement de la fraction imposable des indemnités de licenciement aux cotisations de sécurité sociale
Le
régime social des indemnités de licenciement serait totalement
calqué sur le régime fiscal
prévu par l'article
80
duodecies
du CGI résultant de l'amendement
" Hollande " , à savoir :
- pour les salariés, n'entrerait dans l'assiette des cotisations
sociales que la fraction des indemnités de licenciement assujettie
à l'impôt sur le revenu ;
- la totalité des indemnités perçues par les mandataires
sociaux et dirigeants d'entreprises entrerait dans l'assiette des cotisations
de sécurité sociale,
sauf en cas de cessation forcée
des fonctions
où seule la fraction assujettie à
l'impôt sur le revenu serait prise en compte.
Les cotisations de sécurité sociale concernées sont :
- les cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des
allocations familiales (article L. 242-1 du code de la
sécurité sociale) ;
- les assurances sociales agricoles (article 1031 du code rural) ;
- les cotisations familiales des salariés agricoles (article 1062 du
code rural) ;
- les cotisations d'assurance maladie des travailleurs agricoles (article 1154
du code rural).
(3) L'utilité d'une correction concernant la CSG
Votre
commission des finances fera connaître, à l'occasion de l'examen
du projet de loi de finances pour 2000, ses analyses sur les seuils
d'assujettissement des indemnités à l'impôt sur le revenu
retenus par l'article 2
bis
, et notamment sur le plancher
d'imposition de 2,35 millions de francs que rien ne justifie
a
priori
.
Mais dans la mesure où l'article 2 A du présent projet
renvoie, pour la soumission des indemnités de rupture de contrat aux
cotisations de sécurité sociale, aux seuils fixés à
l'article 2
bis
du projet de loi de finances, toute modification de
ces seuils à l'occasion de l'examen de l'article 2
bis
se
répercuterait automatiquement sur l'article 2 A.
En outre, si l'on met de côté les objections de principe que l'on
peut formuler à l'égard d'une législation
ad hominem,
il est déjà possible d'observer que
les critères
retenus sont relativement généreux
par rapport à ce
que la doctrine ou le juge pouvaient jusqu'à présent appliquer.
Une fois ce constat effectué, il convient dès lors de trancher la
question de savoir s'il convient d'aligner le régime social des
indemnités versées à l'occasion de la rupture d'un contrat
de travail ou de la cessation forcée des fonctions des mandataires
sociaux, sur le régime fiscal de ces indemnités.
A cette question, votre commission a répondu par la positive en
considérant que, dès lors que des indemnités s'apparentent
à un complément de rémunération - et non
à des dommages-intérêts -, et sont à ce titre
soumises à l'impôt sur le revenu, elles doivent entrer dans
l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
La soumission à l'impôt sur le revenu doit donc déclencher
l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale et
l'article 2 A.
En vertu du même raisonnement, votre commission considère qu'il
convient d'aligner l'assiette de la CSG - dont on a vu qu'elle
n'était pas modifiée par l'article 2 A pour les
salariés - sur celle des cotisations sociales.
Au total, seul le paragraphe I de l'article 2 A relatif à
l'assiette de la CSG mérite d'être corrigé.
b) Le spectre de la progressivité sur la CSG (article 2 C)
A
l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a
adopté un article 2 C prévoyant de faire passer de 160 francs
à 400 francs le seuil de mise en recouvrement de la CSG, la CRDS et du
prélèvement de 2 % sur les revenus du capital. Cet amendement a
été présenté dans un objectif de simplification et
pour alléger la charge sur les revenus les plus modestes, notamment ceux
des retraités :
" Cela évitera des complications,
notamment aux retraités non imposables "
a ainsi
précisé en séance le rapporteur pour avis notre
collègue député Monsieur Jérôme Cahuzac.
N'est en revanche pas venu en discussion un amendement de la commission des
finances rejeté par la commission des affaires sociales qui
prévoyait un montant minimum de 500 francs pour la réduction de 5
% opérée au titre des frais professionnels sur l'assiette de la
CSG.
Votre rapporteur pour avis estime que l'amendement adopté sur le
seuil de recouvrement présente le mérite de la simplification. Il
tient cependant à en souligner le coût et surtout la logique
extrêmement dangereuse. Il s'agit en réalité d'introduire
dans les prélèvements sociaux de la progressivité alors
qu'il est essentiel qu'elle en soit exclue.
En effet, ces prélèvements s'appuient sur une logique de
proportionnalité et de simplicité. Votre rapporteur pour avis
estime qu'il serait dangereux pour les recettes de la sécurité
sociale, mais aussi pour l'équilibre du système fiscal, pour la
simplicité de la CSG de remettre en cause ce principe, en tout cas au
détour d'un amendement d'apparence technique.
Les vrais questions posées par la CSG aujourd'hui sont tout autres et
résident dans sa diversité : la cohabitation de taux
différents, d'assiettes déductibles ou non du revenu imposable
devraient plus sûrement faire l'objet d'une réflexion. Il vaut
mieux élargir l'assiette en supprimant les cas particuliers qui existent
plutôt que de la compliquer et de le faire avec un coût très
lourd en termes de rendement.
E. LES DIFFICULTÉS COMPTABLES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
La
nécessité de comptes fiables pour être utilisables, clairs
pour être compréhensibles, homogènes pour être
comparables, disponibles dans des délais suffisamment courts pour
être contrôlés n'a plus besoin de démonstration.
L'année 1999 devait constituer une période de transition vers une
présentation du projet de loi de financement en encaissements /
décaissements. Il n'en est rien.
Une mission interministérielle devait rendre ses conclusions. Elle le
fera au plus tôt courant 2000, repoussant à 2001 les dispositions
législatives et à 2002 au mieux leur application.
Certaines améliorations comme Racine devait rendre les comptes plus
fiables. Racine les a rendus moins compréhensibles. Bref, comme
l'indiquait le Premier Président de la Cour des comptes devant la
commission des affaires sociales du Sénat le 27 octobre 1999 :
" il y a un travail important de pure comptabilité à
accomplir en matière de finances sociales. Ces dernières sont
encore loin d'avoir atteint la qualité et la fiabilité des
finances de l'Etat (....). En conclusion, il faudra encore beaucoup de temps
pour disposer de comptes sociaux précis et fiables. "
1. Les retards et difficultés de la modernisation de la comptabilité
Le
rapport de la commission des comptes de la sécuritésociale s'est
fait l'écho des retards et difficultés rencontrés dans la
modernisation des méthodes comptables.
Il a ainsi décrit les missions et l'activité de la Mission
interministérielle sur la comptabilité des organismes de
sécurité sociale (MIRCOSS) qui a défini un projet de plan
comptable qui devait être soumis au comité de pilotage de la
mission en octobre 1999, avant d'être transmis aux différents
organismes.
Le rapport décrit également les conséquences sur les
résultats des exercices du passage complet en comptabilité en
droits constatés du régime général depuis 1996.
Comme cela était prévu, ce passage se traduit par des
écarts importants du résultat selon les méthodes
adoptées.
Ecart du résultat du régime général selon les méthodes comptables
(en milliards de francs)
|
1997 |
1998 |
Résultat en droits constatés |
- 24,22 |
- 9,68 |
Résultat en encaissements / décaissements |
- 39,23 |
- 18,22 |
Ecart |
15,01 |
8,54 |
Source : commission des comptes de la
sécurité
sociale
Enfin, il fait état des difficultés rencontrées par
l'ACOSS à l'occasion de la mise en place du système Racine. Elles
ont occasionné une partie des erreurs de prévisions de
résultats du régime général. Il n'est pas encore
possible de diposer d'une comparaison exacte de
ce chacun aurait
été
mais on peut prendre la mesure des différences en
constatant que le changement de méthode d'affectation des encaissements
est à l'origine de 5 milliards de francs d'écarts entre les
différents régimes.
Encaissements CGSS - URSSAF
Comparaison attributions Racine/attributions forfaitaires - Année
1998
|
|
Attributions forfaitaires en trésorerie |
|
||
|
Montant (MdF) |
% |
Montant (MdF) |
% |
Ecart (MdF) |
CNAMTS (mal + CSG) |
475,047 |
43,95 |
480,866 |
44,47 |
- 5,819 |
CNAMTS/AT |
39,665 |
3,67 |
39,732 |
3,67 |
- 0,067 |
CNAVTS |
277,128 |
25,64 |
271,904 |
25,14 |
+ 5,224 |
CNAF |
163,637 |
15,14 |
166,139 |
15,36 |
- 2,502 |
Total branches |
955,477 |
|
958,641 |
|
- 3,164 |
FSV |
46,881 |
4,34 |
47,648 |
4,40 |
- 0,767 |
Cades |
17,809 |
1,65 |
17,792 |
1,65 |
+ 0,017 |
Rég. Oblig.assur.mal. |
21,428 |
1,98 |
20,891 |
1,93 |
+ 0,537 |
Sous-total A |
1.041,594 |
96,37 |
1.044,972 |
96,63 |
- 3,377 |
Autres tiers |
39,283 |
3,63 |
36,423 |
3,37 |
+ 2,860 |
Total |
1.080,877 |
100,0 |
1.081,394 |
100,0 |
- 0,517 |
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale - mai 1999.
Avantages de la comptabilité en droits constatés...
" La méthode des droits constatés
présente de nombreux avantages pour la sincérité et la
transparence des comptes :
- elle donne au résultat de l'exercice sa pleine signification en le
rendant indépendant d'événements perturbant l'encaissement
des cotisations ou le règlement des prestations : il s'agit d'une
garantie précieuse dans la perspective d'une régulation fine des
dépenses, notamment d'assurance maladie ;
- elle offre l'occasion d'harmoniser les méthodes comptables de
l'ensemble des régimes puisqu'un même événement est
traité comptablement de la même manière pour tous les
régimes : il s'agit d'une étape préalable essentielle
sur la voie d'une agrégation des comptes de la sécurité
sociale ;
- elle donne un cadre de référence comparable à celui des
régimes complémentaires et des mutuelles ;
- elle favorise enfin la transparence financière entre les
différents acteurs de la sécurité sociale en faisant
apparaître les créances et les dettes respectives de chacun :
elle devrait ainsi inciter les régimes à suivre de manière
plus attentive le recouvrement de leurs créances et à respecter
les échéances de règlement entre partenaires. "
... et difficultés de sa mise en oeuvre
" La première année du passage d'une
méthode à l'autre génère un résultat
exceptionnel dans la mesure notamment où les cotisations restant
à recouvrer sur exercices antérieurs à celui de la
réforme qui n'ont jamais pu être comptabilisés sont de
produits exceptionnels, compensés d'ailleurs en grande partie par une
provision pour créances douteuses en raison de
l'irrécouvrabilité probable de la majeure partie d'entre elles.
Le changement de réglementation comptable procure donc une
amélioration du résultat dont l'ampleur est néanmoins
difficilement prévisible. C'est la raison pour laquelle le
résultat exceptionnel dû au changement de méthode comptable
est isolé et distinct du résultat courant de l'exercice de mise
en oeuvre de la réforme. "
Source : rapport de la Cour des comptes sur la sécurité
sociale de 1998.
Les changements informatiques, notamment à l'URSSAF de Paris, ont
été à l'origine d'un montant extrêmement
élevé de ressources non affectées (52 milliards de francs)
qui ont été réparties selon des attributions forfaitaires.
Une enquête de l'IGAS sur ce point montre que ce phénomène
a eu des causes conjoncturelles mais que
" de nouveaux problèmes
ne peuvent être totalement exclus, même si la
répétition d'erreurs aussi importantes que celles ayant
affecté les années 1997 et 1998 est peu
probable. "
14(
*
)
2. Le changement du mode de répartition de la CSG (article 5)
Afin de
simplifier le mode de répartition de la CSG qui avait fait l'objet de
nombreuses critiques, le Gouvernement propose un changement qui profite en
premier lieu à la CNAVTS.
Le I de
l'article 5
modifie les règles d'affectation de la CSG
instaurées lors de la substitution de la CSG aux cotisations maladie
dans la loi de financement de 1998.
Le système mis en place à ce moment se caractérisait en
effet par sa complexité. Les régimes obligatoires d'assurance
maladie reçoivent une ressource correspondant à la part maladie
de la CSG et à 40 % des droits de consommation sur les alcools. Le
montant total est réparti en deux temps.
D'abord, il s'agit de compenser aux régimes la baisse de cotisation
d'assurance maladie résultant de la substitution. Ensuite, le solde est
attribué à la CNAMTS à concurrence de son déficit
comptable. Le solde éventuel revient aux autres caisses d'assurance
maladie selon leur déficit comptable avant attribution de la C3S.
La complexité de ce mécanisme réside dans les acomptes et
régularisations qu'il occasionne. La première
régularisation est mensuelle : chaque mois, l'ACOSS verse aux
régimes autres que la CNAMTS (pour celle-ci le versement est quotidien)
un acompte régularisé le mois suivant. La seconde
régularisation est annuelle : le calcul de ce qu'auraient dû
recevoir le régimes est fait au 30 novembre. Le ministère de la
santé établit alors la clef de répartition
définitive de l'année, ce qui permet de régulariser les
acomptes faits depuis le 1
er
janvier selon une clef provisoire
établie par l'ACOSS. Enfin, la troisième régularisation a
lieu après le 30 juin de l'année suivante, date à laquelle
les montants définitifs des recettes de cotisations restantes sont
connus et donc sont faits les calculs de répartition. Pour
l'année 1997, la répartition définitive n'a pu avoir lieu
qu'à l'automne 1999 ! Ainsi donc, la complexité avait des
effets pervers pluriannuels.
De plus, ces mécanismes suscitent des réactions en chaîne.
Si, comme c'était le cas pour la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, un équilibre prévu pour
la CNAMTS se transforme en lourd déficit, alors la CANAM qui devait
recevoir de la CSG enregistre une régularisation négative (2,9
milliards de francs en 1999) qui sera absorbée par la C3S. En
définitive, une erreur de prévision du déficit de la
CNAMTS en 1999 revient dans le système actuel à minorer les
recettes de la première partie du Fonds de solidarité vieillesse
en 2000 (au titre de la C3S) et donc du fonds de réserve pour les
retraites en 2001 !
Le nouveau système remplace le calcul de ce qu'auraient perçu les
régimes si les cotisations maladie 1997 avaient été
maintenues en une attribution forfaitaire appuyée sur les ressources de
1998, corrigées de certains effets et revalorisées selon
l'évolution de l'assiette de la CSG. Il n'y aura donc plus de
régularisation. Le solde est entièrement dévolu à
la CNAMTS.
Par ailleurs, les 40 % de droits sur les alcools iront à partir du
1
er
janvier 2000 en totalité à la CNAMTS, ce qui
représente pour elle une ressource totale de 4,9 milliards de francs
auxquels s'ajouteront les 5 % (soit 600 millions de francs)
transférés du FSV vers la CNAMTS en vertu de la loi portant
création de la couverture maladie universelle.
Ce système a le mérite de la clarté, et il sera revu dans
cinq ans ce qui paraît une bonne échéance, sept ans
après la substitution de la CSG aux cotisations maladie. De plus,
dorénavant, la ressource évoluera selon l'assiette de la CSG
alors que la précédente ressource (masse salariale) était
moins dynamique.
Il présente cependant l'inconvénient de priver les
régimes de base autres que la CNAMTS - principalement la CANAM - d'une
ressource qui venait compléter les sommes qu'ils recevaient au titre de
la C3S. Ainsi, la CNAMTS verra-t-elle ses recettes augmenter et le FSV,
bénéficiaire du solde de C3S, les siennes diminuer. La CNAMTS
bénéficie donc indirectement de la ressource que
représente la C3S.
Votre rapporteur pour avis
est favorable à toute mesure permettant
une stabilisation et une simplification des ressources des régimes
d'assurance maladie.
Il s'interroge cependant sur la cohérence du
nouveau système avec l'objectif annoncé de doter le fonds de
réserve pour les retraites de recettes importantes lui permettant de
remplir ses objectifs, qui d'ailleurs ne sont pas encore fixés en
l'absence d'indication sur sa destination exacte.
Enfin, le II de l'article 5 tire une partie des conséquences
financières de l'instauration de la couverture maladie universelle. A
partir du 1
er
janvier 2000, la CNAMTS bénéficiera de
5 % des droits de consommation sur les alcools qui étaient
auparavant attribués au FSV, soit 600 millions de francs.
3. L'urgence de l'aboutissement de la réforme
Il
devient plus que jamais indispensable que les comptes présentés
à la commission des comptes de la sécurité sociale
l'année prochaine et donc le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 (qui s'appuie sur les premiers) soient
établis en droits constatés et non plus en encaissements /
décaissements.
Votre rapporteur pour avis souhaite ainsi que le projet de loi de modernisation
de la santé du premier semestre prochain contienne les dispositions
législatives nécessaires à ce passage, indispensable pour
disposer d'outils fiables de connaissance et donc de maîtrise des
dépenses comme des recettes.
Cependant, comme l'indique le dernier rapport de la Cour des comptes, la
modernisation de la comptabilité ne saurait se résumer au passage
en droits constatés. Il s'agit d'un effort plus global en vue de
disposer de données d'une qualité identique et
élevée.
Enfin, cela ne saurait exonérer de la réflexion de fond,
esquissée par la Cour des comptes là aussi, sur la nature
même des concepts utilisés en lois de financement
15(
*
)
. S'il s'agit de prévisions, cela dépend
de la nature de l'agrégat en cause (ONDAM en droits constatés par
exemple, mais cela ne vaut pas nécessairement pour les objectifs de
dépenses et les prévisions de recettes) ; s'il s'agit
d'exécution, les droits constatés s'imposent, mais aussi des lois
rectificatives ; s'il s'agit de besoin de financement, alors il faut
utiliser les méthodes comptables en cours pour les traités
européens de Maastricht et Amsterdam.
Votre rapporteur pour avis restera très attentif en 2000 et dans les
années à venir sur la question de la comptabilité qui
montre les efforts très importants qu'ont encore à faire les
finances sociales sur le chemin de la clarté, de la fiabilité et
de la crédibilité.
III. LA LOI DE FINANCEMENT ET LA LOI DE FINANCES ENTRETIENNENT DES LIENS ÉTROITS
Il est impossible d'entretenir une vision parcellaire des finances publiques : prélèvements fiscaux et sociaux appartiennent aux prélèvements obligatoires, dette de l'Etat et dette des organismes sociaux s'ajoutent, dépenses publiques de l'Etat et dépenses des organismes sociaux se cumulent. Pour cette raison d'évidence, il paraît exclu d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances de façon autonome. Quand bien même d'aucuns souhaiteraient le faire, les liens qu'entretiennent cette année les deux textes rendraient la tâche vaine.
A. UN ESSAI DE VISION CONSOLIDÉE DES DEUX TEXTES
La seule
solution pour obtenir une vision d'ensemble des finances publiques est de
retenir les instruments comptables des comptes nationaux, ce qui n'est possible
que pour l'année n-1 (en l'occurrence 1998).
Par ailleurs, il est techniquement impossible d'agréger les lignes du
projet de loi de finances et du projet de loi de financement. La
comptabilité des organismes sociaux fait intervenir des concepts
extrêmement divers et il n'est même pas possible de comparer
dépenses et recettes d'un même projet de loi de financement
puisque les champs ne sont pas identiques.
Le tableau joint, établi à partir des comptes nationaux
prévisionnels pour 1998, apporte essentiellement des
confirmations :
la charge de la dette pèse surtout sur l'Etat (73,1 %) de
même que les dépenses d'intervention (78,6 %) tandis que les
administrations de sécurité sociale (ASSO) prennent à leur
charge 78,7 % des transferts sociaux et prestations sociales. A noter
s'agissant des dépenses que les ASSO représentent le premier
poste des dépenses publiques (39,2 % contre 38,5 % pour
l'Etat) et notamment 21,9 % des dépenses de
rémunérations du secteur public soit plus que les
collectivités locales ;
les cotisations sociales vont à 88 % aux ASSO tandis que
l'Etat reçoit 60,1 % des impôts et recettes fiscales
(à noter cependant que les ASSO bénéficient de 34,4 %
des impôts sur le revenu et le patrimoine) ; au total, les ASSO ont
40,9 % des recettes publiques.
Il est néanmoins intéressant de constater grâce à ce
tableau les ordres de grandeur de ce qui peut s'apparenter au " bilan
d'activité des administrations en comptabilité
nationale " : la sphère publique a une activité de
5.256 milliards de francs (pour un PIB 1998 de 8565 milliards de francs)
dont 38,8 % vont aux prestations sociales et 22,25 % aux
rémunérations (graphique répartition par fonctions).
De même, l'analyse des recettes montre le poids prédominant des
recettes fiscales sur les cotisations, accentué par la fiscalisation
croissante de la protection sociale qui montre l'augmentation de la
participation de l'ensemble de l'activité et non plus seulement du
facteur travail au financement des dépenses sociales (graphique
présentation par catégorie de recettes).
Au total ce premier essai de vision consolidée des finances publiques
apporte principalement un enseignement quant aux masses respectives. Il doit
être complété par des éléments de tendance
(nouveaux prélèvements sociaux, baisse des
prélèvements en faveur de l'Etat) et par des rapprochements
(budget de l'Etat / dépenses inscrites en loi de financement ;
évolution des frais de gestion des régimes sociaux par rapport
à celle des dépenses de fonctionnement de l'Etat).
Il apparaît vraiment impossible de comparer ligne à ligne les
projets de loi de finances et de financement de la sécurité
sociale pour des raisons de méthode comptable. En revanche, il faudrait
disposer un passage technique entre les mesures du projet de loi de financement
de la sécurité sociale et leurs conséquences sur les
équilibres de finances publiques au sens de Maastricht et Amsterdam.
Pour aller plus loin et étudier les tendances, il conviendrait
d'obtenir, ce que le Gouvernement ne nous a pas encore fourni malgré
plusieurs démarches, des prévisions de comptes nationaux pour
1999, 2000 et 2001.
Comptes consolidés des administrations publiques en 1998
(en milliards de francs)
|
|
|
|
|
|
|
Organismes divers d'admi-nistration centrale |
|
|
DÉPENSES |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Consommations intermédiaires |
138,8 |
29,4 % |
102,2 |
21,6% |
187,6 |
39,7% |
43,8 |
9,3% |
472,4 |
Rémunérations des salariés |
626,2 |
53,5 % |
257,1 |
21,9% |
235,8 |
20,1% |
52,4 |
4,5% |
1171,5 |
Autres dépenses de fonctionnement |
3,4 |
8,2 % |
22,2 |
53,2% |
9,5 |
22,8% |
6,6 |
15,8% |
41,7 |
Intérêts |
224,9 |
73,1 % |
6 |
1,9% |
46 |
14,9% |
30,9 |
10,0% |
307,8 |
Prestations sociales et transferts sociaux |
259,2 |
12,7 % |
1608 |
78,7% |
70,7 |
3,5% |
104,3 |
5,1% |
2042,2 |
Subventions |
71 |
60,0 % |
1,6 |
1,4% |
33,7 |
28,5% |
12,1 |
10,2% |
118,4 |
Autres transferts |
657 |
78,6 % |
40 |
4,8% |
80,9 |
9,7% |
57,8 |
6,9% |
835,7 |
Acquisition d'actifs non financiers |
45,8 |
17,1 % |
25,4 |
9,5% |
178,1 |
66,6% |
18 |
6,7% |
267,3 |
dont FBCF |
44,8 |
17,5 % |
24,4 |
9,6% |
169,8 |
66,5% |
16,4 |
6,4% |
255,4 |
TOTAL DES DEPENSES |
2026,2 |
38,5 % |
2062,5 |
39,2% |
842 |
16,0% |
325,8 |
6,2% |
5256,5 |
RECETTES |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Production et subventions d'exploitation |
27,7 |
45,0 % |
10,1 |
16,4% |
13,9 |
22,6% |
9,9 |
16,1% |
61,6 |
Impôts et transferts de recettes fiscales |
1447,3 |
60,1 % |
400,9 |
16,6% |
492,8 |
20,5% |
68,3 |
2,8% |
2409,3 |
dont taxes et impôts sur production |
978,4 |
71,0 % |
35,1 |
2,5% |
328,9 |
23,9% |
34,9 |
2,5% |
1377,3 |
dont impôts courants sur le revenu et le patrimoine |
536 |
54,2 % |
339,5 |
34,4% |
79,3 |
8,0% |
33,4 |
3,4% |
988,2 |
dont impôts en capital |
43,9 |
100,0 % |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
43,9 |
dont transferts de recettes fiscales |
-110,9 |
- |
26,3 |
- |
84,6 |
- |
0 |
- |
0 |
Cotisations sociales |
185,3 |
11,8 % |
1380 |
88,0% |
2,3 |
0,1% |
0,9 |
0,1% |
1568,5 |
Impôts et cotisations dûs non recouvrables (net) |
-11,1 |
45,3 % |
-13,4 |
54,7% |
0 |
0,0% |
0 |
0,0% |
-24,5 |
Autres transferts courants |
42,7 |
7,0 % |
198,1 |
32,7% |
175,9 |
29,0% |
189,5 |
31,3% |
606,2 |
Autres recettes |
34 |
22,4 % |
13,7 |
9,0% |
60,6 |
39,9% |
43,4 |
28,6% |
151,7 |
TOTAL DES RECETTES |
1767 |
35,2 % |
2052,8 |
40,9% |
870 |
17,3% |
334,5 |
6,7% |
5024,3 |
CAPACITÉ DE FINANCEMENT |
-259,2 |
111,6 % |
-9,7 |
4,2% |
28 |
12,1% |
8,7 |
-3,7% |
-232,2 |
Source : INSEE bases 1980 et 1995 des Comptes nationaux ;
calculs Direction de la Prévision
(1) La base 1980 corrigée pour passage au SEC 79 correspond aux
exigences du traité de Maastricht pour la présentation des
déficits publics.
(2) En 1997, la capacité de financement des administrations publiques
s'entend y compris soulte France Télécom.
Il paraît aujourd'hui indispensable d'aller au delà de cette
photographie. Il à peine imaginable que les lois de finances et les lois
de financement soient impossibles à agréger. La France
dépensera en 2000 1650 milliards de francs pour l'Etat et 1800
milliards de francs au titre des régimes de base de
sécurité sociale ; dans le même temps pour des raisons
de structures comptables, de champ méthodologique, de transferts divers
et variés, le Gouvernement n'apparaît pas en mesure de fournir une
vision globale des finances publiques de l'année à venir alors
même qu'il est obligé de le faire pour respecter ses engagements
européens.
Les prélèvements obligatoires consolidés peuvent
s'appréhender plus facilement puisque les champs se recouvrent à
peu près. La fiscalisation croissante de la sécurité
sociale, sa déconnexion grandissante des revenus du travail pour
s'élargir à l'ensemble de l'activité économique et
financière introduisent une tendance à la consolidation, au moins
dans l'esprit des Français, des prélèvements. Il
paraît alors étonnant de ne pas leur fournir une consolidation des
dépenses, ni une information sur ce que l'ensemble de la sphère
publique compte dépenser de cet argent prélevé de
manière collective.
Les deux instruments de la loi de finances et de la loi de financement
présentent donc un intérêt certain. Ils présentent
aussi de fortes limites qu'il conviendra d'améliorer.
Cette modernisation, cette évolution des instruments apparaît
comme un enjeu essentiel et votre commission des finances entend dès
aujourd'hui prendre date dans cette oeuvre d'évolution des finances
publiques : chaque Français et chaque entreprise savent ce qu'ils
paient ; il doivent aussi savoir ce à quoi cet argent sert.
Répartition par fonctions des dépenses publiques consolidées
Répartition par catégories des recettes consolidées
B. LES NOMBREUX PASSAGES DE L'UN À L'AUTRE
1. Un mouvement massif de transferts
Les deux
projets de loi organisent cette année un mouvement massif de transferts
du budget de l'Etat vers la loi de financement de la sécurité
sociale. Ils viennent s'ajouter aux mouvements existants. Ainsi en 2000, l'Etat
versera aux organismes sociaux :
• des cotisations sociales qu'il prend en charge : 83 milliards de
francs ;
• des contributions publiques d'équilibre : 62,75 milliards de
francs ;
• une partie des cotisations fictives d'employeurs.
Par ailleurs, les régimes sociaux recevront 378,3 milliards de francs
d'impôts et taxes affectés à la
sécuritésociale.
Le budget de l'Etat compte ainsi de nombreuses lignes qui servent à
financer des prestations versées par la sécuritésociale,
comme le revenu minimum d'insertion ou l'allocation pour adulte
handicapé.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
et le projet de loi de finances pour 2000 instaurent deux principaux nouveaux
transferts auxquelles s'ajoutent plusieurs autres mesures.
Le premier a pour but d'assurer les allégements de charges sociales
instaurés dans le cadre du passage aux 35 heures de travail
hebdomadaire. Ainsi l'article 29 du projet de loi de finances propose-t-il
d'affecter 39,5 milliards de francs de droits sur les tabacs au fonds de
financement prévu à l'article 2 du projet de loi de financement
de la sécurité sociale. En regard de ce transfert de recettes, le
budget de l'emploi affiche une mesure nouvelle le diminuant de 39,5 milliards
de francs correspondant aux dépenses nouvelles du fonds.
A ces montants qui représentent les sommes engagées pour la
" ristourne Juppé ", le Gouvernement ajoute le transfert du
produit de la taxe général sur les activité polluantes
(TGAP) au fonds de financement prévu à l'article 2 du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Enfin, l'Etat versera au fonds une subvention d`équilibre dont le
montant est estimé pour 2000 à un peu plus de 4 milliards de
francs.
Le second transfert important concerne la mise en oeuvre de la couverture
maladie universelle. Le projet de loi de finances prévoit le transfert
de deux recettes à ce titre : 3,5 milliards de francs de droits sur
les tabacs pour la Caisse nationale d'assurance maladie et 7,2 milliards de
francs sur le budget de la Santé et de la solidarité sous la
forme d'une subvention au fonds de financement de la couverture maladie
universelle. Par ailleurs, il met au net la " tuyauterie "
résultant de la suppression de la prise en charge de l'aide personnelle,
des contingents communaux d'aide sociale, etc.
A ces deux réformes s'ajoutent différents transferts qui
mériteraient des éclaircissements :
• le Gouvernement a annoncé sa volonté d'abonder le fonds
de réserve pour les retraites à hauteur de 4 milliards de francs
correspondant au produit de la vente des parts de caisse d'épargne sur
l'année 2000 : cette mesure ne figure cependant pas en loi de
finances ;
• le Gouvernement a annoncé sa volonté de prendre en charge
une partie de la majoration de rentrée scolaire : les 4,7 milliards
de francs correpsondant ne figurent pas en loi de finances ;
• le Gouvernement a annoncé sa volonté de verser à la
CNAF une subvention correspondant à sa participation au FASTIF pour
compenser une partie de ses dépenses nouvelles : le milliard de
francs correspondant ne figure pas en loi de finances.
Ces incertitudes sont inacceptables au regard de la sincérité
à la fois de la loi de finances et de la loi de financement de la
sécuritésociale. Soit le Gouvernement s'engage et alors il n'a
pas à attendre une loi de finances rectificative pour tirer les
conséquences de décisions qui auraient dû (et pu puisque
celles concernant la famille ont été prises en juillet et celle
sur les retraites en mai) trouver leur traduction en loi de finances. Soit le
Gouvernement ne compte pas respecter sa parole et alors l'équilibre
financier des régimes sociaux sera mis à mal. Quelle que soit la
vérité, cette non inscription en loi de finances initiale
signifie que l'un au moins des deux projets de loi n'est pas sincère.
Par ailleurs, la loi de finances prélève sur le produit de la C3S
un milliard de francs pour financer des mesures nouvelles à la charge du
BAPSA. Or le solde de la C3S est normalement affecté à la
première partie du Fonds de solidarité vieillesse puis au fonds
de réserve pour les retraites.
On ne peut que s'étonner d'une telle incohérence entre les
deux projets de loi : priorité du projet de loi de financement de
la sécurité sociale, le fonds de réserve se voit
dépourvu d'une partie de sa ressource en loi de finances !
De même, le projet de loi de finances ne tient aucunement compte des
conséquences financières des mesures adoptées en loi de
financement sur le BAPSA et qui ont pour résultat de dégrader le
solde de celui-ci par une hausse de ses dépenses. Or, le BAPSA est
légalement en équilibre, ce qui imposera bien des mesures
correctrices. Tel qu'il est présenté en loi de finances, il ne
peut en tout état de cause être considéré comme
sincère.
Autre exemple des liens étroits entretenus entre les deux textes, le
taux d'évolution des ressources fiscales. Le fonds de compensation de la
taxe professionnelle évolue comme les recettes fiscales de l'Etat. Or si
celles-ci augmentent à structure constante de 3,7 %, elles
diminuent nettes des transferts au projet de loi de financement de 0,32 %
en 2000 (du fait des transferts des droits sur les tabacs et de la TGAP).
L'Etat devra compenser les conséquences de cette baisse pour les
collectivités locales.
Plus grave, la réforme de la CNRACL
16(
*
)
aboutit à une diminution de la surcompensation versée par cette
caisse aux régimes de retraite de 3 milliards de francs en 2 ans.
Le Gouvernement s'est engagé à inscrire une somme
équivalente en loi de finances. En l'absence de cette description, la
charge pèserait sur le
dernier régime contribution au
titre
de la surcompensation, soit la CNAVTS. Votre rapporteur pour avis ne
peut que s'étonner devant une telle incertitude.
2. Une illustration : les exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux jeunes agriculteurs (article 4 bis)
Cet
article a été introduit au cours de l'examen en première
lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale par M.
Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des
finances.
M. Jérôme Cahuzac a été chargé par le Premier
ministre d'une mission temporaire de six mois auprès du Gouvernement
pour élaborer le
rapport sur les adaptations à apporter au
mode de calcul des cotisations sociales des exploitants agricoles
notamment
afin de favoriser l'installation. Ce rapport doit, selon l'article 141 de la
loi d'orientation agricole
17(
*
)
être
présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 1
er
avril 2000.
Suite à ses propres travaux et à l'annonce de cette mesure par le
Premier ministre lors de la table-ronde sur l'agriculture qui s'est tenue le
21 octobre dernier, M. Jérôme Cahuzac a donc proposé
d'introduire
une nouvelle mesure favorable aux jeunes agriculteurs
dans
le projet de loi de finances.
a) Des exonérations étendues
En vertu
d'un dispositif réglementaire
18(
*
)
, les
jeunes agriculteurs bénéficient actuellement d'une
exonération partielle de l'ensemble de leurs cotisations
sociales
19(
*
)
. Cette exonération est
applicable, à des taux dégressifs,
pendant les trois
premières années
suivant l'année de leur
installation
20(
*
)
, sous réserve qu'ils
remplissent trois conditions cumulatives : être âgés
de
21 ans au moins et 35 ans au plus
à la date de
l'affiliation ; percevoir avant l'âge limite les prestations maladie
du régime agricole ; et diriger une exploitation dont l'importance
est au moins égale au ¾ de la surface minimale d'installation
(SMI) ou, si la surface est inférieure, justifier d'une décision
d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA).
Cette exonération concerne aujourd'hui 30.000 jeunes agriculteurs pour
un coût annuel d'environ 180 millions de francs.
Afin de favoriser l'installation en agriculture et étant donné
que le basculement d'une partie des cotisations sur la CSG a fait perdre de
l'efficacité au dispositif existant, il est proposé de
revaloriser les taux d'exonération.
Relèvement des taux de réduction pour les jeunes agriculteurs
|
Exonération 1999 |
Exonération 2000 21( * ) |
Première année |
50 % plafonnée à 11.428 F |
65 % |
Deuxième année |
40 % plafonnée à 9.143 F |
55 % |
Troisième année |
20 % plafonnée à 4.572 F |
35 % |
Il est
également proposé de modifier les conditions d'accès
à ce mécanisme : les critères d'âge sont
étendus à
18 ans au moins et 40 ans au plus
; les
conditions relatives à la taille économique maximale de
l'exploitation sont renvoyées à un décret ; et la
condition relative à la perception des prestations maladie est
supprimée.
Un
plafond d'exonération
et un
plancher de cotisations
seront maintenus, déterminés par décret ; ils
permettront de limiter les pertes de recettes. En outre, comme aujourd'hui, des
dérogations aux limites d'âge fixées par la loi pourront
être apportées par décret.
Cette mesure correspondrait à de moindres recettes pour le budget annexe
des prestations agricoles (BAPSA) de l'ordre de
80 millions de
francs
22(
*
)
.
b) Les conséquences sur la loi de finances pour 2000
Votre
rapporteur pour avis approuve l'objectif
de cette mesure : favoriser
l'installation en agriculture, alors que le nombre des installations
aidées chute
23(
*
)
.
Toutefois, il remarque que cet article entraîne des pertes de ressources
pour le BAPSA et qu'
aucune mesure de financement n'est proposée
.
La levée du gage signifie-t-elle que l'Etat prend en charge cette
moindre recette par une augmentation du montant de la subvention
d'équilibre versée au BAPSA ?
Cet article nécessite une coordination, qui ne paraît à ce
jour pas a voir été prévue, dans le projet de loi de
finances. Une présentation consolidée de celui-ci et du projet de
loi de financement est plus que jamais indispensable.
C. LE POIDS DES MESURES DE LA LOI DE FINANCEMENT SUR L'ENSEMBLE DES FINANCES PUBLIQUES
1. De nouveaux prélèvements obligatoires
La loi
de financement contient de nombreuses mesures fiscales qui intéressent
de près le domaine des lois de finances.
Tout d'abord, elle crée deux nouvelles impositions qui sont fortement
liées au projet de loi de finances : l'extension de la TGAP et la
nouvelle cotisation sociale sur les bénéfices des
sociétés. La taxation des heures supplémentaires dans les
entreprises n'ayant pas signé d'accord de réduction du temps de
travail s'y ajouterait après l'adoption du second projet de loi sur les
35 heures.
L'extension de la TGAP devrait rapporter 1,2 milliard de francs
supplémentaires au fonds de financement des allégements de
charges sociales.
Quant à la nouvelle cotisation sur le bénéfice des
sociétés, elle intervient alors qu'au même moment le projet
de loi de finances propose de supprimer la surtaxe d'impôt sur les
sociétés de 10 % instaurée en juin 1997. Votre
rapporteur pour avis ne peut que rester dubitatif devant ce jeu de passe-passe
qui conduit à supprimer ici ce que l'on recrée là.
La taxation de 10 % des heures supplémentaires devrait apporter
7,5 milliards de francs au fonds.
Ensuite, la loi de financement inaugure une vaste réforme de la
cotisation sociale généralisée (CSG) de manière
à introduire une part de progressivité dans son fonctionnement.
Dans le même temps, le Gouvernement annonce une simplification de
l'impôt sur le revenu considéré comme trop complexe.
Au total, les organismes sociaux bénéficieront de plus de
60 milliards de francs de recettes nouvelles correspondant soit à
des affectations, soit à des créations, soit à des
élargissements de taxes, alors que dans le même temps le projet de
loi de finances affiche une diminution des prélèvements de 22
à 24 milliards de francs :
Produits
des nouvelles affectations, augmentations,
créations de taxes en
faveur des organismes sociaux (en milliards de francs)
Droits sur les tabacs pour les 35 heures |
39,5 |
Droits sur les tabacs pour la CMU |
3,5 |
Droits sur les tabacs pour l'amiante |
0,2 |
TGAP ancienne |
1,2 |
TGAP élargie |
1,2 |
Cotisation sociale sur les bénéfices |
4,3 |
Taxation des heures supplémentaires |
7,5 |
Taxe de 1,75 % pour financer la CMU |
1,8 |
Total |
60 |
A l'avenir, ces taxes sont destinées à augmenter puisque la TGAP et la CSB devront rapporter chacune 12,5 milliards de francs dès 2001.
2. Des dépenses futures
De
plus, la loi de financement de la sécurité sociale constitue un
facteur d'incertitude de plus en plus grand pour l'Etat qui s'est engagé
par exemple à verser deux subventions d'équilibre :
l'une pour le financement des 35 heures, l'autre pour celui de la couverture
maladie universelle. Or la première réforme n'a pas de
financement complètement bouclé, tandis que la seconde devrait
coûter bien plus cher que prévu.
Les dynamiques de ces deux textes vont donc à l'opposé.
Alors que le Gouvernement semble vouloir contenir la dépense publique et
orienter à la baisse les prélèvements obligatoires dans le
projet de loi de finances, le projet de loi de financement poursuit quant
à lui sur sa lancée de prélèvements plus nombreux,
plus massifs, destinés à croître au nom du
" dynamisme " de la recette, et de dépenses qui ne cessent
d'augmenter pour un résultat largement en deçà des
attentes des Français. Ajoutant à cela les imprécisions
stupéfiantes de la loi de finances sur les engagements pourtant fermes
du Gouvernement, votre rapporteur pour avis ne peut que se monter inquiet
devant tant d'incohérences.
DEUXIEME CHAPITRE :
LE NON FINANCEMENT DES 35
HEURES PÈSE SUR L'ENSEMBLE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT
Les 35 heures ont fait une entrée fracassante lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale. Cinq prélèvements obligatoires et le budget de l'Etat sont en effet nécessaires pour assurer un non financement d'une mesure dangereuse qui " pollue " le débat de la loi de financement et l'éloigne de son véritable objectif.
I. LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE CONFISQUÉE PAR LE DÉBAT SUR LE NON-FINANCEMENT DES 35 HEURES
L'article 2 du projet de loi de financement constitue le coeur de ce texte. Il propose en effet de créer un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, destiné à financer les mesures d'allégement de charges sociales, ainsi que les aides à la réduction du temps de travail.
A. DE L'ERREUR DES 35 HEURES À LA CRÉATION DU FONDS
1. La création du fonds de financement est le fruit de la seconde loi des " 35 heures "
Le
présent article vise à créer un
fonds de financement de
la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale
, dont l'objet est de financer :
- d'une part,
les allégements de charges sociales patronales
, qui
sont prétendument " réformées " ;
- et, d'autre part,
les aides à la réduction du temps de
travail.
En effet,
la création de ce fonds est étroitement liée
au projet de loi relatif à la réduction négociée du
temps de travail
, qui s'y réfère dans son article 2, qui
détermine le régime des heures supplémentaires, et dans
son article 11, relatif au dispositif d'allégement de cotisations
sociales (son paragraphe XVI précise que le financement de cet
allégement de charges est assuré par le fonds de financement dont
la création est prévue par le présent article).
a) Le ralliement tardif du Gouvernement à l'allégement des charges sociales
Le
Gouvernement est aujourd'hui favorable à l'allégement des charges
sociales sur les bas salaires
, à tel point qu'il propose de
créer un fonds de financement destiné à prendre en charge
les mesures d'allégement du coût du travail peu qualifié.
Il n'en a pas toujours été ainsi
, les responsables des
partis politiques de gauche ayant souvent manifesté, par le
passé, leur hostilité à cette orientation nouvelle de la
politique de l'emploi.
L'allégement de charges sociales sur les bas salaires s'est fait par
étapes, après le changement de majorité intervenu en 1993.
La loi n° 93-353 du 27 juillet 1993 relative au développement de
l'emploi et de l'apprentissage a instauré une exonération des
cotisations patronales d'allocations familiales pour les salaires
jusqu'à 1,1 SMIC et une réduction de moitié pour ceux
compris entre 1,1 et 1,2 SMIC. Cette exonération était
intégralement compensée par l'Etat.
La loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 sur l'emploi et
la formation professionnelle a repris les dispositions d'exonération de
cotisations famille sur les bas salaires en les intégrant dans un
programme pluriannuel sur cinq ans, qui a porté progressivement le seuil
à 1,5 SMIC pour l'exonération complète et 1,6 SMIC pour
l'exonération de moitié.
La loi n° 95-943 du 4 août 1995 portant diverses mesures d'urgence
pour l'emploi et la sécurité sociale a ajouté au
dispositif précédent une réduction dégressive des
cotisations patronales au titre des assurances sociales, des accidents du
travail et des allocations familiales, pour les salaires compris entre le SMIC
et 1,2 SMIC.
Ces dispositifs tendaient à alléger le coût du travail
des emplois peu qualifiés.
La loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996 a
fusionné
, à titre expérimental, jusqu'au 31
décembre 1997,
les deux dispositifs précédents. La
réduction dégressive était alors comprise entre le SMIC et
1,33 SMIC.
La loi de finances pour 1996 prévoyait que, à partir du
1
er
janvier 1998, l'exonération des cotisations d'allocations
familiales définie par la loi quinquennale, serait reprise, avec un
calendrier décalé. Les seuils de 1,5 et 1,6 SMIC
seraient atteints au 1
er
janvier 2000, tandis que la
réduction dégressive définie par la loi du 25 août
1995 serait à nouveau en vigueur.
Toutefois, le Gouvernement actuel a souhaité pérenniser le
dispositif de réduction dégressive de cotisations patronales de
sécurité sociale sur les bas salaires applicables depuis le
1
er
octobre 1996, en y apportant plusieurs modifications, et ne pas
revenir au système précédemment en vigueur.
Ainsi, l'article 115 de loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de
finances pour 1998 a-t-il abaissé le montant maximum de salaire ouvrant
droit à l'exonération de 1,33 SMIC à 1,3 SMIC. Par
ailleurs, a été annoncé le gel du montant maximal de la
réduction à son niveau actuel.
Face à cette situation, l'adoption de la proposition de loi
déposée par M. Christian Poncelet aurait permis de donner
plus d'ampleur aux créations d'emplois résultant de
l'allégement des charges sociales pesant sur les bas salaires.
L'effet sur l'emploi d'une mesure telle que la " ristourne
dégressive " est en effet incontestable.
Les industries de main
d'oeuvre du textile, du cuir et de l'habillement constituent une bonne
illustration de résultats positifs des allégements de charges.
Alors que ce secteur traversait une crise majeure - 40 % des effectifs
perdus en 15 ans, avec une accélération des pertes d'emplois
à partir de 1992, et 60.000 suppressions de postes envisagées
pour 1996 et 1997 - le plan d'exonérations sociales mis en place en mars
1996 a permis de stabiliser ces suppressions et même d'augmenter les
effectifs. Le dispositif a permis de sauvegarder 10 % des emplois dans ce
secteur, soit environ 35.000.
L'effet positif sur l'emploi de la réduction des charges sociales
fait aujourd'hui l'objet d'un très large accord, comme en
témoigne la publication, au cours de l'été 1998, du
rapport de M. Edmond Malinvaud sur cette question
24(
*
)
Le Gouvernement lui-même en convient. Ainsi, les documents
préparatoires à la conférence nationale sur l'emploi et
les salaires du 10 octobre 1997, au cours de laquelle fut annoncée
la mise en place des " 35 heures ", précisaient :
" après avoir augmenté sur la période 1970-1984,
le coût relatif du travail peu qualifié a retrouvé, au
cours des années récentes, son niveau de 1970, sous l'effet
notamment de la réduction des charges sociales pesant sur les bas
salaires ".
Ils poursuivaient :
" la relative bonne
résistance de l'emploi, dans une conjoncture peu favorable,
résulte pour partie des premiers effets de la baisse du coût du
travail au voisinage du salaire minimum ".
Sans doute faut-il voir dans la création d'un fonds de financement
des allégements de charges sociales un ralliement, malgré tout
fort tardif, du Gouvernement aux thèses défendues par le
Sénat depuis de nombreuses années.
A cet égard, il convient de souligner que les cotisations patronales ne
font pas l'objet d'une véritable " réforme " comme le
laisse entendre l'intitulé du fonds de financement, leur assiette
n'étant pas modifiée.
b) Le financement des aides à la réduction du temps de travail
Notre
collègue Louis Souvet, rapporteur pour la commission des affaires
sociales du projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail, a estimé, dans son
rapport
25(
*
)
, que ce ralliement tardif du
Gouvernement aux allégements de charges sociales résultait pour
lui de la nécessité de
" sauver les 35 heures "
.
On ne saurait mieux dire !
La réduction autoritaire du temps de travail a en effet des
conséquences négatives sur la compétitivité des
entreprises.
Le coût de la loi du 13 juin 1998 (la " première " loi)
s'élève à
11,15 milliards de francs
sur
trois ans
, en prenant en considération les crédits inscrits
au budget de l'emploi au titre des aides accordées aux entreprises pour
les inciter à passer aux 35 heures, mais aussi des aides au conseil
à la réduction du temps de travail : 3 milliards de francs
en 1998, 3,7 milliards de francs en 1999 et 4,45 milliards de francs en
2000.
Notre collègue Louis Souvet, dans son rapport précité,
estimait qu'
" on peut seulement estimer que le coût d'un
emploi créé ou préservé est égal à
146.000 francs la première année ".
Il ajoute :
" ces estimations représentent un coût
élevé, compte tenu notamment de la nature des emplois
créés (75 % des emplois créés sont des emplois
d'ouvriers ou d'employés) ".
Or, la réduction du temps de travail va pénaliser la
compétitivité des entreprises.
Le Gouvernement le reconnaît d'ailleurs lui-même. Il écrit,
dans le rapport qu'il a déposé lors du débat d'orientation
budgétaire pour 2000 :
" un maintien du salaire mensuel
lors du passage de 39 heures à 35 heures pourrait conduire à une
hausse du coût horaire de 11,4 %. Pour préserver la
compétitivité des entreprises, des contreparties salariales sont
négociées dans le cadre de la réduction du temps de
travail ".
Face à cette situation, le Gouvernement a décidé
d'étendre le dispositif d'allégement des charges sociales
,
l'article 12 du projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail proposant un nouveau barème
d'exonérations de cotisations sociales, qui fusionne la " ristourne
dégressive " et les aides forfaitaires.
Il s'agit
d'étendre le dispositif d'allégement des charges sociales de 1,3
à 1,8 SMIC.
Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale
, dont la création est proposée
par le présent article,
prendra en charge cette extension de
l'allégement des charges sociales.
2. Un fonds de financement qui s'apparente à une débudgétisation
Le fonds
de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale aura un
statut d'établissement public
national à caractère administratif.
Il pourra donc faire
l'objet de contrôles par la Cour des comptes.
Ses règles de fonctionnement comme ses personnels relèveront d'un
statut de droit public.
Un décret en Conseil d'Etat doit fixer :
- la composition du conseil d'administration, qui sera constitué de
représentants de l'Etat ;
- la composition du conseil de surveillance, qui comprendra, notamment, des
membres du Parlement et des représentants des organisations syndicales
de salariés et des organisations d'employeurs les plus
représentatives au plan national ;
- les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds.
Le statut du fonds de financement est semblable à celui du fonds de
solidarité vieillesse et à celui du fonds de financement de la
protection complémentaire de la couverture universelle du risque
maladie. En effet, comme ces deux fonds, le fonds de financement dont la
création est proposée par le présent article doit
gérer des transferts financiers entre l'Etat et les organismes sociaux.
Il est prévu que les frais d'assiette et de recouvrement des
impôts, droits, taxes et contributions mentionnés à
l'article qu'il est proposé d'insérer dans le code de la
sécurité sociale concernant les recettes du fonds, sont à
la charge dudit fonds, en proportion du produit qui lui est affecté.
Leur montant est fixé par arrêté conjoint des ministres
chargés du budget et de la sécurité sociale.
Par ailleurs, sont prévues des conventions entre le fonds de financement
et les organismes de protection sociale, d'une part, et le fonds de financement
et l'Etat, d'autre part, afin de régler leurs relations
financières respectives.
Ces conventions sont notamment destinées à garantir la
neutralité en trésorerie des flux financiers pour les organismes
de sécurité sociale. Il s'agit en effet d'éviter un
éventuel décalage entre le bénéfice de
l'exonération de cotisations patronales et sa compensation par le fonds.
Enfin, à titre transitoire, et jusqu'à la création
effective du fonds de financement, les ressources dudit fonds sont
versées à l'Agence centrale des organismes de
sécurité sociale (ACOSS) et centralisées par elle.
B. UNE " USINE À GAZ " PLEINE D'INCERTITUDES
1. Des dépenses très lourdes...
Les
dépenses du fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales de sécurité sociale sont
énumérées par le présent article.
Outre les frais de gestion administrative du fonds, ses dépenses sont
constituées par le versement, aux régimes de
sécurité sociale concernés, des montants correspondant
à la prise en charge :
- de la " ristourne dégressive " ;
- de l'extension du dispositif d'allégement des charges sociales de
1,3 à 1,8 SMIC ;
- de l'aide incitative à la réduction du temps de travail - aide
pérenne et générale, appelée
aide
structurelle
- qui prendrait la forme d'un allégement des
cotisations patronales de 4.000 francs par salarié et par an.
Les dépenses que le fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale aura à
supporter sont évaluées à
64,5 milliards de francs
en 2000 :
- 39,5 milliards de francs au titre de la " ristourne
dégressive ", auparavant prise en charge par le budget de
l'emploi ;
- 7,5 milliards de francs au titre de l'extension des exonérations de
cotisations patronales de 1,3 à 1,8 SMIC ;
- 17,5 milliards de francs, pour assurer le financement de l'aide structurelle.
Ces dépenses représentent un montant considérable. Par
ailleurs, il convient de rappeler que l'article L. 131-7 du code de la
sécurité sociale, issu de l'article 5 de la loi n° 94-637 du
25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite
" loi Veil ", dispose que
" toute mesure
d'exonération, totale ou partielle, de sécurité sociale
[...]
donne lieu à compensation intégrale aux
régimes concernés pendant le budget de l'Etat pendant toute la
durée d'application ".
En l'occurrence, le fonds de financement se substituera à l'Etat pour
compenser les exonérations de cotisations patronales proposées.
L'Assemblée nationale, à l'initiative de Mme Jacqueline Fraysse,
a adopté un amendement précisant que l'Etat garantit le
financement des allégements de charges.
Le fonds de financement devra assurer des dépenses bien plus importantes
encore,
" à terme "
, lorsque l'ensemble des entreprises
sera passé aux " 35 heures "
26(
*
)
:
- l'allégement sur les bas et moyens salaires, correspondant à
l'actuelle " ristourne dégressive " ainsi qu'à
l'extension du dispositif, représentera un coût de 65 milliards
de francs ;
- l'aide structurelle à la réduction du temps de travail se
traduira par un coût de 40 milliards de francs.
Soit un total de 105 milliards de francs.
Toutefois, il existe des incertitudes sur le montant des dépenses
assurées par le fonds de financement.
L'exposé des motifs du présent projet de loi indique que
" à terme, ses dépenses seront de l'ordre de 100 à
110 milliards de francs par an ".
Le Gouvernement lui-même ne
peut donc chiffrer avec précision le coût du dispositif qu'il
propose.
D'autre part, les modalités de financement du fonds dont le
présent article propose la création reposent sur une
incohérence conceptuelle. Alors que les " 35 heures " ont pour
objectif, dans l'esprit du Gouvernement, de créer des emplois, le
dispositif postule paradoxalement la stabilité des emplois, le montant
des crédits prévus, au titre de la " ristourne
dégressive " en particulier, n'étant pas appelé
à évoluer.
Si la réduction du temps de travail crée des emplois en grand
nombre, c'est-à-dire si les allégements de charges sociales
concernent un nombre croissant d'emplois, les dépenses prises en charge
par le fonds de financement seront bien plus élevées.
Pourtant, l'aspect le plus grave n'est pas là. La capacité
à financer ces recettes, en effet, est pour le moins incertaine.
En fait, le financement du passage aux " 35 heures " n'est pas
assuré.
2. ... et des recettes incertaines
Le volet
recettes du fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales de sécurité sociale est la source de très vives
interrogations et inquiétudes pour votre rapporteur pour avis, en raison
de son caractère extrêmement incertain.
Son homologue de l'Assemblée nationale, M. Jérôme Cahuzac,
n'est d'ailleurs pas loin de partager ce sentiment. Il estime ainsi, dans son
avis
27(
*
)
sur le présent projet de loi de
financement, que
" des garanties doivent être données sur
le financement ".
A cet égard, l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement
présenté précisément par M. Cahuzac,
précisant que
" les recettes et les dépenses du fonds
doivent être équilibrées, dans les conditions
prévues par les lois de financement de la sécurité
sociale "
n'est par fortuite.
a) Le dispositif initial du Gouvernement
•
Les recettes du fonds de financement sont énumérées par le
présent article.
Au nombre de sept dans le dispositif initial du Gouvernement, elles devaient
financer les dépenses décrites plus haut de la manière
suivante :
- les dépenses engagées au titre du financement de
la
" ristourne dégressive "
, soit
39,5 milliards de
francs
, sont assurées par l'affectation au fonds de financement
d'une
fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs
manufacturés
actuellement versé au budget de Etat ;
l'article 29 du projet de loi de finances pour 2000 permet cette affectation,
à hauteur de 85,50 % du produit de ce droit de consommation, soit
précisément 39,5 milliards de francs en 2000 ;
-
l'extension de l'exonération des cotisations patronales de 1,3
à 1,8 SMIC
, dont le coût devrait s'établir
à
7,5 milliards de francs
en 2000, ne pourra être
financée que par la
création de deux nouveaux
prélèvements, réalisée par le présent projet
de loi
:
* en premier lieu,
une contribution sociale
(article 3 du projet de
loi de financement)
, au taux de 3,3 %, sur les bénéfices des
sociétés réalisant plus de 50 millions de francs de
chiffre d'affaires
viendrait prendre le relais de la surtaxe temporaire sur
les bénéfices des sociétés instaurée en
1997
28(
*
)
, et devrait rapporter
4,3 milliards
de francs
en 2000 ;
*
en second lieu,
l' " écotaxe "
(article 4), c'est-à-dire l'extension, en 2000, de l'assiette de la
taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) aux
granulats, aux phosphates et aux produits phytosanitaires (puis à la
consommation d'énergie en 2001), serait à la charge des
entreprises et devrait engendrer un produit fiscal estimé à
3,2 milliards de francs
en 2000.
- le financement de l'aide structurelle
, soit
17,5 milliards de
francs
en 2000,
était assuré, dans le dispositif
initial du Gouvernement, de deux manières :
*
par
une dotation budgétaire
de 4,3 milliards de
francs
, qui est inscrite au budget de l'emploi pour 2000, et qui peut
être considérée comme une subvention de l'Etat au fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale (par ailleurs, 2,5 milliards de francs sont
destinés aux aides incitatives à la réduction du temps de
travail dans le cadre de la loi " Robien ", mais n'ont pas vocation
à être intégrés dans le nouveau fonds
29(
*
)
) ; l'Assemblée nationale, à
l'initiative de sa commission des finances, saisie pour avis, a adopté
un amendement précisant que la contribution de l'Etat est
déterminée
" dans les conditions fixées par la loi
de finances "
;
* par une mise à contribution des
organismes de protection
sociale, évaluée entre 11,5 et 12,5 milliards de francs
, et
dont la répartition ne s'opérait pas selon des critères
clairs et objectifs : l'UNEDIC aurait dû être mise à
contribution pour un montant compris entre 6 et 7 milliards de francs, et
les caisses de sécurité sociale à hauteur de
5,5 milliards de francs.
Il convient donc de constater que les dépenses du fonds, soit
64,5 milliards de francs en 2000, n'étaient couvertes par ses
ressources qu'à hauteur de 62,8 à 63,8 milliards de francs.
Toutefois, le produit de la taxation des heures supplémentaires,
évalué entre 5,4 et 9 milliards de francs, et qui devait assurer
la trésorerie du fonds, aurait dû permettre d'apporter le
complément de financement.
• Ce dispositif initial prévoyait ainsi une participation
financière conséquente des organismes sociaux au financement des
35 heures.
L'argument du Gouvernement consistait à affirmer que, en raison des
moindres dépenses et des suppléments de recettes
résultant, pour les régimes sociaux, des créations
d'emplois engendrées par la réduction du temps de travail, les
organismes de protection sociale devaient participer au financement des 35
heures. Le Gouvernement parlait du " recyclage " des économies
de la sécurité sociale.
Or, ce " recyclage ", parfois aussi appelé
" autofinancement ", était particulièrement
hasardeux : il constituait un véritable pari, reposant sur le
présupposé d'une corrélation quasi mécanique et
proportionnelle entre réduction du temps de travail et créations
d'emplois.
En tout état de cause, les partenaires sociaux étaient
catégoriquement opposés à cette formule, que votre
commission avait déjà critiquée dans le rapport relatif au
débat d'orientation budgétaire, et qui est contraire aux
dispositions de la loi Veil du 25 juillet 1994, selon laquelle tout
allégement de cotisations sociales décidé par l'Etat doit
être intégralement compensé.
•
Le caractère hasardeux de ce mode de financement ne se
posait donc pas tant pour 2000 que pour les années à venir.
La contribution des organismes sociaux aurait pu ne pas être supportable,
qui plus est, si les " 35 heures " ne créent pas d'emplois
à la hauteur des espérances du Gouvernement et des complexes
mécanismes financiers qu'il a échafaudés. Il n'y aurait
pas eu, dès lors, d'économies à " recycler ".
Le Gouvernement n'avait donc pas assuré le financement
ex ante
d'une mesure qu'il a pourtant imposée de manière autoritaire,
tant aux entreprises qu'aux partenaires sociaux. Le financement des 35 heures
n'était donc pas seulement incertain, il était aussi
potentiellement dangereux pour l'équilibre de la sécurité
sociale et des comptes sociaux.
b) Le bricolage, tentative pour sortir d'une impasse de financement ?
Face
à l'hostilité unanime des partenaires sociaux que n'a pas
manqué de provoquer la mise à contribution autoritaire des
organismes de protection sociale, et aux menaces qui pesaient sur l'avenir du
paritarisme en France,
le Gouvernement, reconnaissant son erreur, a
finalement renoncé à une partie de son projet initial.
Cette décision l'a cependant placé dans une situation très
inconfortable, puisque son dispositif n'était plus que partiellement
financé.
L'impasse de financement dans laquelle il s'est lui-même placé l'a
conduit à proposer une nouvelle solution.
Du " recyclage " des économies de la sécurité
sociale, qui constituait pourtant, non seulement l'aspect central du mode de
financement du passage aux 35 heures, mais également la condition du
succès de cette réduction du temps de travail, il n'est
désormais plus question.
L' " autofinancement " de la mesure n'étant plus à
l'ordre du jour, le Gouvernement a donc été contraint de trouver,
dans l'urgence, d'autres sources de financement.
Ainsi, sa solution consiste-t-elle à :
-
procéder à une
nouvelle affectation de recettes
au bénéfice du fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale, celle des
droits
sur les alcools
;
-
mobiliser
le produit de la taxation des heures
supplémentaires, également affecté au fonds de
financement.
Le produit du droit de consommation sur les alcools est aujourd'hui
affecté, à hauteur de 12 milliards de francs en 1999, au fonds de
solidarité vieillesse.
5,6 milliards de francs
au titre de ce
produit changeront d'affectation, et alimenteront le fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, en
lieu et place des provisions de même montant qui avaient
été réalisées sur les comptes des caisses du
régime général.
Les provisions qui avaient ainsi été constituées
abonderont, quant à elles, le FSV, dont les excédents qui
devraient être dégagés en 2000 devaient initialement
être affectés au fonds de réserve des retraites !
Le Gouvernement a, ainsi, renoncé à mettre les organismes
sociaux à contribution. Il a préféré les priver
d'une partie de leurs ressources et prélever, avant même qu'il
n'existe, sur le fonds de réserve pour les retraites !
Le produit de la contribution de 10 % sur les heures supplémentaires,
payée par les entreprises qui ne sont pas encore passées aux
" 35 heures ", sera affecté au fonds de financement
susmentionné, suite à la décision de ne plus
" ponctionner " l'UNEDIC.
Le Gouvernement affirme, ainsi, que le financement de son dispositif sera
assuré pour 2000.
Il est toutefois permis d'en douter
, ne serait-ce qu'en raison des
incertitudes qui pèsent sur l'évaluation du produit de la
taxation des heures supplémentaires, comme l'a rappelé notre
collègue Louis Souvet dans son rapport précité sur le
projet de loi relatif à la réduction négociée du
temps de travail. Alors que l'étude d'impact annexée à ce
dernier projet de loi évalue le produit de cette taxation à 9
milliards de francs, Mme Martine Aubry a parlé à
l'Assemblée nationale de 7,5 milliards de francs, le rapport
économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2000 a
évoqué 6 milliards de francs, et le rapport de M. Gaétan
Gorce
30(
*
)
, 5,4 milliards de francs.
Surtout, un réel problème de financement se pose pour les
années à venir.
En effet, la taxation des heures supplémentaires est par nature
provisoire, puisque l'ensemble des entreprises devront être
passées aux " 35 heures " au 1
er
janvier 2002.
Dès lors, les salariés bénéficieront des
compensations financières attachées à la
réalisation d'heures de travail supplémentaires.
Par ailleurs, il était initialement prévu que le produit de cette
taxation ne soit pas directement affecté au fonds de financement, mais
lui serve de réserve de trésorerie. Son affectation et sa nature
même viennent donc d'évoluer radicalement.
Lorsque le dispositif sera pleinement opérationnel, il manquera
environ 20 milliards de francs par an, puisque le produit de la taxation des
heures supplémentaires aura disparu.
Il apparaît d'ailleurs extrêmement important de veiller à ce
que les opérateurs du fonds ne puissent en aucun cas être
financés par emprunt ou avances :
Le fonds étant une débudgétisation de compensations aux
régimes de sécurité sociale principalement
financées par l'impôt, autoriser le fonds, établissement
public national à caractère administratif, à recourir
à l'emprunt consisterait une débudgétisation de la dette
de l'Etat qui s'ajouterait à celle des opérations prises en
charges par l'établissement, débudgétisation qui nuirait
à la clarté des comptes de l'Etat ;
Le fonds supportant exclusivement des dépenses courantes et
répétitives, il serait de mauvaise méthode de permettre le
financement de ses opérations par recours à l'endettement ;
Les incertitudes pesant sur le financement du dispositif de compensation des
charges des 35 heures sont telles qu'il convient d'emblée d'exclure le
recours à des expédients pour assurer le financement des
dépenses prises en charge par le fonds.
Votre rapporteur pour avis estime donc essentiel que le fonds de financement ne
puisse recourir à l'emprunt et aux avances et que cette interdiction
soit expressément prévue par le projet de loi de financement.
Le financement des " 35 heures " n'est donc toujours pas
assuré, à terme. Ainsi, à une " usine à
gaz " a succédé une autre " usine à
gaz ".
C. LE MAUVAIS NON-FINANCEMENT D'UNE MAUVAISE MESURE
1. Un dispositif inacceptable
Votre
rapporteur pour avis estime inacceptable le dispositif proposé par le
Gouvernement, qu'il s'agisse de son projet initial comme de la
" solution " à laquelle il est parvenu au terme d'un
" bricolage " réalisé dans l'urgence pour sortir de
l'impasse de financement dans laquelle son propre entêtement l'avait
conduit.
Le dispositif initial du Gouvernement portait atteinte à l'autonomie
des organismes de protection sociale, gérés par les partenaires
sociaux sur une base paritaire.
En outre, si les 35 heures créaient réellement de nombreux
emplois, l'amélioration des comptes sociaux aurait dû conduire,
non à un prélèvement, mais à une
baisse du taux
des cotisations sociales.
Enfin, il convient de rappeler que
l'équilibre des comptes sociaux
reste très précaire
, la CNAMTS étant même
déficitaire en 1999 (-12,1milliards de francs) et devant l'être
encore en 2000 (-3,7 milliards de francs).
Surtout, le financement des 35 heures n'est pas assuré, qu'il
s'agisse du dispositif initial du Gouvernement comme de sa nouvelle
proposition.
Droits sur les alcools : comment vider un fonds de réserve en voie de création
La
polémique croissante sur le prélèvement prévu par
le Gouvernement de 5,5 milliards de francs sur les régimes sociaux
l'a contraint, sous la pression des partenaires sociaux, à modifier son
plan de financement et à affecter une partie du produit d'une taxe
supplémentaire au fonds : les droits sur les alcools.
Le nouveau mode de financement des 35 heures pèsera alors sur le fonds
de réserve pour les retraites. En effet, si le Gouvernement a
annoncé qu'il renonçait à prélever sur les
régimes de sécuritésociale, il a indiqué qu'il
remplacerait cette ressource par l'affectation au Fonds de financement des
allégements de charges sociales d'un montant équivalent de droits
de consommation sur les alcools.
Sans aborder la question de la nature du financement du Fonds (ressources
précaires : tabacs, alcools, pollution ; dépenses
pérennes : allégements de charges) ni de son
équilibre en année pleine (100 milliards de francs au moins), il
convient de constater que ce choix se fait non plus au détriment de
l'ensemble des régimes de sécuritésociale mais du fonds de
réserve pour les retraites.
Les droits sur les alcools transférés sont aujourd'hui
attribués au Fonds de solidarité vieillesse première
partie (FSV). Or l'excédent de ce FSV doit aller abonder le fonds de
réserve pour les retraites créé par la loi de financement
pour 1999.
Le nouveau mode de financement des 35 heures viendra donc réduire
l'excédent du FSV et ainsi réduire la ressource disponible pour
le fonds de réserve.
Par ailleurs, comme la répartition de la ponction de 5,5 milliards de
francs entre les régimes n'était pas connue, ce qui faussait
complètement les comptes établis par la Commission des comptes de
la sécuritésociale, il est impossible de savoir quelles seront
les conséquences de sa suppression régime par régime.
Par le biais du financement, le Gouvernement a choisi de privilégier
les 35 heures sur les futures retraites.
2. Des affectations de ressources pleines de risques
Votre
rapporteur pour avis n'entrera pas dans un débat théorique
portant sur la pertinence de l'affectation de recettes - le droit de
consommation sur les tabacs manufacturés - à des dépenses
- l'allégement des charges sociales - dont l'objet est sans lien avec
l'origine des ressources.
Il souhaite s'en tenir à des
considérations
concrètes
, mais pourtant essentielles.
Ainsi estime-t-il que l'affectation d'une part importante du produit du droit
de consommation sur les tabacs manufacturés au fonds de financement de
la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale
comporte le
risque d'une augmentation, soit de la fiscalité des
tabacs, soit de la consommation de tabac.
M. Alfred Recours, rapporteur du présent projet de loi pour la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale, écrit dans son rapport
31(
*
)
:
" il apparaît indispensable que
les recettes spécifiques collectées sur les ventes de tabac
soient clairement affectées à la santé ".
Il
poursuit :
" le droit de consommation sur les tabacs devrait
être intégralement affecté à la
sécurité sociale, pour lui permettre de faire face aux
dépenses générées par les pathologies attribuables
au tabac ainsi que de financer des actions de prévention et
d'éducation sanitaire ".
Or, l'affectation proposée n'a rien à voir avec un objectif de
santé publique. Le produit du droit de consommation sur les tabacs
manufacturés servira à financer, non le coût du tabagisme,
mais les " 35 heures ".
En outre, financer la " ristourne dégressive " par une
fraction de la fiscalité des tabacs permet de dégager des
ressources stables au profit du fonds de financement.
Or et compte tenu des nombreuses incertitudes que comporte le dispositif
prévu par le Gouvernement,
il est possible que l'on cherchera
à maximiser ces ressources en cas de tarissement des autres sources de
financement du fonds.
En l'espèce, l'augmentation du produit du droit de consommation sur les
tabacs serait alors une tentation à laquelle il serait bien difficile de
résister si les recettes prévues n'étaient pas au
rendez-vous, et cela notamment par le biais d'une hausse de la
fiscalité.
La même logique est, du reste, à l'oeuvre s'agissant de la TGAP.
Il s'agit, en effet, d'un impôt qui n'a qu'un prétexte
écologique puisque sa principale motivation est de fournir des recettes
pour financer le passage aux " 35 heures ".
Le Gouvernement n'a
donc pas intérêt à voir l'assiette de cet impôt se
réduire, afin d'assurer le financement de dépenses
pérennes.
3. Des incertitudes juridiques
Votre
rapporteur pour avis estime que le dispositif prévu par le
présent article est entaché d'incertitudes juridiques.
Il souhaiterait notamment attirer l'attention sur deux points.
a) La taxation des heures supplémentaires, prélèvement obligatoire
L'article 2 du projet de loi relatif à la
réduction
négociée du temps de travail prévoit, pour les entreprises
qui ne sont pas encore passées aux " 35 heures ", une
taxation, à hauteur de 10 %, des quatre premières heures
supplémentaires (de 35 à 39 heures).
Le produit de cette taxation est affecté au fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Outre des évaluations divergentes du rendement de cette taxation, que
votre rapporteur pour avis a rappelées plus haut, il convient de noter
que son régime juridique est incertain.
Dans le projet initial du Gouvernement, le produit de cette taxation devait
être affecté à la constitution d'une réserve de
trésorerie au sein du fonds de financement. M. Alfred Recours, dans son
rapport précité, la qualifie d'ailleurs de
" recette de
poche ".
Toutefois, cette contribution a désormais, dans la nouvelle proposition
du Gouvernement, un rôle crucial puisqu'elle doit permettre de
" boucler " le financement du fonds pour 2000. On notera, par
conséquent, que les "35 heures " sont financées
grâce à une
" recette de poche ".
Surtout, le rendement de cette taxation des heures supplémentaires n'a
pas vocation à être pérenne, puisque, à partir du
1
er
janvier 2002, l'ensemble des entreprises devrait être
passé aux " 35 heures ".
Cette contribution ne permet donc
pas d'assurer le financement du fonds au-delà de cette date.
Enfin, il convient de préciser que, d'après les informations
communiquées par le département des comptes nationaux de l'INSEE,
à la demande de votre rapporteur pour avis,
la taxation des heures
supplémentaires devrait être comprise dans la définition
des prélèvements obligatoires.
b) Quel périmètre pour la loi de financement de la sécurité sociale ?
Le
Gouvernement a décidé de ne pas intégrer les ressources du
fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale parmi les prévisions de recettes de la
sécurité sociale présentées à l'article 6 du
présent projet de loi.
M. Jérôme Cahuzac, dans son avis précité sur le
présent projet de loi, estime que ce choix
" pose un réel
problème au regard de la rédaction de la loi organique du 22
juillet 1996 ".
En effet, l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui
est issu de cette loi, dispose que la loi de financement
" prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des
régimes obligatoires de base et des organismes créés pour
concourir à leur financement ".
Le fonds de solidarité vieillesse entrant dans la catégorie des
" organismes créés pour concourir à leur
financement "
, et la similitude juridique entre le FSV et le fonds de
financement dont le présent article propose la création
étant grande, il semble évident que
ledit fonds entre dans la
même catégorie des
" organismes créés pour
concourir à leur financement "
, et, par conséquent, dans
le périmètre de la loi de financement de la
sécurité sociale.
Alors que la sincérité du budget de l'Etat est
altérée par les transferts de crédits considérables
décidés par le Gouvernement pour financer les
" 35 heures ", celle de la loi de financement de la
sécurité sociale l'est aussi par une comptabilisation
incomplète de ses ressources.
4. Les effets incertains d'une réduction autoritaire de la réduction du temps de travail sur les créations d'emplois
Il
semble, en effet, que la réduction autoritaire du temps de travail ne
soit pas aussi créatrice d'emplois que la ministre de l'emploi et de la
solidarité l'affirme.
Les effets incertains des " 35 heures " sur les créations
d'emplois ont en effet été relevés fort
opportunément par les services du ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Les hésitations du ministre de l'économie quant au nombre d'emplois créés par les 35 heures
Selon
une étude conjointe de l'INSEE, de la DARES
32(
*
)
et de la Direction de la prévision du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, seuls
7 % environ des 560.000 emplois créés entre juin 1997
et juin 1999 dans le secteur marchand sont dus à la
réduction du temps de travail, comme le montre le graphique
ci-après :
Ainsi, selon la Direction de la Prévision, la réduction du temps
de travail n`a créé que 40.000 emplois, soit 7,20 % du
total.
Il convient de rappeler que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, annonçait, pour la même période,
" 100.000 emplois créés ou
préservés "
grâce à la réduction du
temps de travail.
Votre commission ne peut que déplorer l'approche Gouvernementale de
la question essentielle de l'aménagement du temps de travail, qui ne
repose ni sur la discussion ni sur l'argumentation, mais seulement sur des
présupposées idéologiques.
En définitive, votre rapporteur vous propose de supprimer cet article
et, à travers lui, le non-financement sur prélèvements
obligatoires d'une mesure qui handicapera notre économie, fragilisera le
paritarisme et aura un effet très limité sur les créations
d'emplois.
II. LE NON FINANCEMENT DES 35 HEURES REPOSE SUR DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES NOUVEAUX33( * )
A. LA CONTRIBUTION SOCIALE SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS : UN IMPÔT SUR L'IMPÔT PÉRENNE, CONCENTRÉ, ÉVOLUTIF ET AFFECTÉ (ARTICLE 3)
L'article 3 du présent projet de loi institue un nouveau
prélèvement fiscal sur les entreprises, dénommé
" contribution sociale sur les bénéfices ", dont le
produit, estimé à
4,3 milliards de francs
pour 2000, est
destiné à financer les allégements de charge sur les bas
salaires consentis aux entreprises en échange de la mise en oeuvre des
35 heures.
Ce nouvel " impôt sur l'impôt ", acquitté par les
entreprises dont le chiffre d'affaires excède 50 millions de francs, a
pour conséquence de
pérenniser la hausse du taux facial de
l'impôt sur les sociétés
résultant des
dispositions de la loi portant mesures urgentes à caractère
fiscal et financier du 10 novembre 1997, pour
les grandes
sociétés
. Il se substitue en effet, de façon non
bornée dans le temps, à une contribution dont le Gouvernement
avait assuré en la créant qu'elle serait temporaire.
Il a également pour particularité d'être
extrêmement concentré
puisque moins de 2 % des
entreprises (soit 578) qui payent l'impôt sur les sociétés
fourniront plus des trois-quarts de son rendement, ce qui n'était pas le
cas de la contribution temporaire sur l'impôt sur les
sociétés, plus équitablement répartie entre les
entreprises.
Il s'inscrit enfin dans un contexte global de durcissement du régime
fiscal des moyennes et grandes entreprises qui peut s'avérer
extrêmement préjudiciable aux investissements à long terme
et dont on peut se demander s'il ne rompt pas l'égalité des
contribuables devant les charges publiques.
1. Une taxe pérenne, évolutive, concentrée et affectée
La CSB
est calquée sur la contribution temporaire sur l'impôt sur les
sociétés créée par la loi n° 97-1026
portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF)
du 10 novembre 1997, à laquelle elle est censée se substituer
pour les exercices clos à compter du 1
er
janvier 2000.
Ainsi, comme la contribution temporaire, la CSB est
un
impôt
sur l'impôt
, puisque son assiette est constituée par le
montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les
résultats imposables au taux normal (33,1/3 %) et sur ceux
imposables au taux réduit (19 %) applicable aux plus-values
à long terme.
En outre, comme la contribution temporaire, la CSB sera acquittée par
les seules entreprises dont le chiffre d'affaires excède
50 millions de francs
et qui ne font pas partie d'un groupe
d'entreprises fiscalement intégré
34(
*
)
.
La CSB se distingue toutefois de la contribution temporaire par plusieurs
aspects.
a) Une taxe pérenne
La CSB
n'a pas le caractère temporaire et exceptionnel que pouvait avoir la
contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés.
Son terme n'est pas fixé par la loi ce qui ouvre la voie à
toutes sortes d'augmentations ultérieures de son rendement, le
Gouvernement ayant déjà annoncé son intention d'y
recourir
.
Or, si l'objectif de diminution du déficit public dans la perspective du
passage à la monnaie unique pouvait justifier, à l'automne 1997,
la création d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les
sociétés
dès lors que cette contribution était
temporaire
,
la création aujourd'hui d'un impôt
pérenne sur la fraction des sociétés qui subit le plus
violemment la concurrence des entreprises étrangères est d'autant
plus contestable que la France se situe déjà parmi les pays
taxant le plus lourdement leurs entreprises
(voir infra).
On constatera en outre, pour le déplorer, que la création de ce
nouvel impôt met un terme définitif à l'effort
d'allégement des charges des entreprises qui avait été
initié par le Gouvernement Bérégovoy en 1989 et qui avait
ramené le taux de l'impôt sur les sociétés de 50
à 33,33 % en 1993.
A cet égard, votre commission des finances ne peut laisser dire que la
suppression de la contribution temporaire sur l'impôt sur les
sociétés instituée au printemps 1997 constitue un
allégement fiscal pour les entreprises. Il s'agit en effet, non pas d'un
cadeau fiscal mais de la suppression d'un impôt exceptionnel et du retour
annoncé à la situation antérieure. Un véritable
allégement fiscal consisterait, comme votre commission des finances le
préconise depuis 1996, à supprimer la surtaxe de 10 %
instituée par la loi de finances rectificative du 4 août 1995,
pour revenir au taux d'imposition de 33,1/3 %.
b) Une taxe évolutive
La CSB
se distingue également de la contribution temporaire sur l'impôt
sur les sociétés par son taux moins
élevé - 3,3 % - qui ramène le taux
facial de l'impôt sur les sociétés à 37,7 %
contre 39,9 % aujourd'hui
35(
*
)
.
Ce taux relativement faible ne doit toutefois pas faire illusion.
En
effet, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, il
était encore de 2 % au printemps, lorsque le Gouvernement
rédigeait l'actuel projet de loi de financement de la
sécurité sociale, ce qui pouvait encore être
considéré comme raisonnable. Il a été quasiment
doublé, probablement dans le but d'accroître les
allégements de cotisations patronales de sécurité sociale
consentis aux entreprises dans le cadre du passage aux 35 heures.
En outre, le Gouvernement n'a pas caché son intention de porter le
produit de la CSB à 12,5 milliards de francs en 2001, ce qui, à
rendement constant de l'impôt sur les sociétés, supposerait
au moins un triplement de son taux.
Ainsi, rien n'empêche que le taux facial de l'impôt sur les
sociétés soit demain porté de 37,7 % à
39 % voire 40 %, et qu'une partie du rendement de la CSB serve
à financer le fonds de réserve pour les retraites ou toute autre
mesure.
Votre rapporteur pour avis met en garde le Gouvernement contre une telle
politique. En effet, comme le rappelle fort justement Didier Migaud, rapporteur
général de la commission des finances de l'Assemblée
nationale
36(
*
)
, on ne saurait jouer
impunément avec un impôt au rendement aussi variable et
imprévisible que l'impôt sur les sociétés ; les
investisseurs ont besoin d'une fiscalité simple, lisible et stable,
à défaut de quoi ils ont tout lieu d'aller s'installer sous des
cieux plus cléments.
c) Une taxe excessivement concentrée sur un très petit nombre de contribuables
L'article 3 du présent projet prévoit un
mécanisme d'abattement de 5 millions de francs sur l'assiette de la
CSB qui a pour objet d'en exonérer les entreprises faiblement
bénéficiaires. Ainsi,
les entreprises dont l'impôt sur
les sociétés est inférieur à 5 millions de
francs
(c'est-à-dire dont le résultat imposable est
inférieur à 15 millions de francs)
seront
exonérées de CSB
et les autres n'y seront soumises que sur la
part de leur impôt dépassant ces 5 millions de francs.
Ce mécanisme a pour effet d'exonérer de CSB 85 % des
entreprises qui pourraient y être soumises. En effet, comme l'indique le
tableau ci-après, seules 4.200 entreprises environ, sur les
quelques 30.000 entreprises qui sont soumises à l'impôt sur
les sociétés et dont le chiffre d'affaires est supérieur
à 50 millions de francs, réalisent un bénéfice
de plus de 5 millions de francs. Ces 4.200 entreprises sont à
l'origine de plus de 88 % du rendement de l'impôt sur les
sociétés.
Comme le montre ce tableau, plus des trois quarts (75,8 %) du produit
de la CSB pèsera sur moins de 2 % des entreprises de plus de 50
millions de francs de chiffre d'affaires soumises à l'impôt sur
les sociétés.
286 entreprises seulement acquitteront 62 % du produit de la CSB et
verront leur cotisation d'impôt sur les sociétés augmenter
de près de 10 millions de francs en moyenne.
Une telle
concentration
de l'impôt apparaît
préoccupante
. Au delà de la légitime
progressivité de l'impôt, on peut en effet s'interroger sur la
compatibilité d'une telle concentration avec le principe de
l'égalité des contribuables devant les charges publiques (voir
infra). D'autant que les 4.200 entreprises visées par la CSB seront
vraisemblablement également soumises à la TGAP
créée par l'article 4 du présent projet de loi, ce qui
accroîtra encore leur fardeau fiscal.
La création d'une taxe exclusivement assise sur les grandes entreprises
contribue de surcroît à jeter l'opprobre sur ces dernières,
alors qu'elles restent, qu'on le veuille ou non, les premiers employeurs de ce
pays. A force de stigmatiser toujours les mêmes entreprises par le biais
de l'impôt, on prend le risque de se priver demain, non seulement de la
richesse fiscale qu'elles procurent, mais également des emplois qu'elles
créent.
d) Une taxe affectée
Contrairement à la contribution temporaire sur
l'impôt
sur les sociétés dont le produit venait se fondre dans les
recettes du budget général de l'Etat, la CSB est une taxe
affectée. En effet, son produit - estimé à 4,3
milliards de francs pour 2000 - abondera le " Fonds de financement de
la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale ", établissement public administratif créé
par l'article 2 du présent projet de loi, également
financé par le produit de la taxe générale sur les
activités polluantes (3,2 milliards de francs en 2000).
Certes, l'affectation du produit d'une imposition à un
établissement public est conforme à l'article 18 de l'Ordonnance
du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, comme
l'a confirmé à plusieurs reprises le Conseil
constitutionnel
37(
*
)
.
Il n'en reste pas moins que
4.200 entreprises
financeront à
elles seules les allégements de cotisations patronales de
sécurité sociale accordés à l'ensemble des
entreprises
en contrepartie de l'application de la loi sur les 35 heures.
Or, compte tenu de la structure de ces entreprises, du niveau de qualification
de leur personnel et de leur soumission à des accords de branche souvent
plus favorables que le droit commun,
il n'est pas du tout sûr qu'elles
bénéficient elles-mêmes des allégements de
charges
qui ne concerneront que les salariés dont le salaire est
inférieur ou égal à 1,8 fois le SMIC.
On rappellera en outre que les entreprises soumises à la CSB seront
vraisemblablement également assujetties à la TGAP ce qui renforce
l'argument évoqué à l'alinéa
précédent.
2. Une fiscalité toujours plus élevée pour les moyennes et grandes entreprises françaises
En première analyse, une cotisation de 3,3 % assise sur l'impôt sur les sociétés payé par les entreprises peut être jugée bénigne. Elle l'est beaucoup moins quand on remet en perspective le contexte fiscal dans lequel s'inscrit ce nouveau prélèvement, et encore moins lorsqu'on s'aventure à effectuer des comparaisons européennes.
a) Un contexte fiscal national de moins en moins favorable aux moyennes et grandes entreprises
(1) Les hausses d'impôt visant les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires
Depuis
1997, le Gouvernement a souhaité taxer les entreprises, et notamment les
plus grosses d'entre elles, pour se donner des marges de manoeuvre
budgétaires. Pour cela, il a retenu un seuil de 50 millions de francs de
chiffre d'affaires (7 millions d'euros) censé déterminer les
grandes entreprises.
Or, le critère de 7 millions d'euros de chiffre d'affaires trace la
frontière non pas entre les grandes entreprises et les PME comme il a
été plusieurs fois affirmé, mais entre les petites
entreprises et les entreprises moyennes et grandes, au sens de la
recommandation de la Commission européenne du 3 avril 1996. La
Commission européenne ne considère comme " grandes "
- par opposition aux PME - que les entreprises dont le chiffre
d'affaires excède 40 millions d'euros, soit 280 millions de francs.
Ce sont donc les entreprises moyennes et grandes qui, en acquittant une
contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés de
15 % puis de 10 %, ont permis à la France de se conformer aux
critères de Maastricht pour le passage à la monnaie unique,
en procurant un surcroît de recettes de 23,1 milliards de francs en 1997.
Cette contribution temporaire a rapporté 17,4 milliards de francs en
1998 et 12,4 milliards de francs en 1999.
Ces mêmes entreprises ont de nouveau été
sollicitées, via la très forte
augmentation du taux de la
cotisation minimale de taxe professionnelle
en 1998, pour atténuer
le coût de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe
professionnelle pour les finances publiques. Le rendement de cette cotisation
minimale a ainsi été multiplié par près de 7,
passant de 123,4 millions de francs en 1998 à 833,4 millions
de francs en 1999. Le nombre d'entreprises assujetties à la cotisation
minimale a été multiplié par quatre passant de 380
à 1.450.
Enfin, les lois de finances pour 1998 et 1999 ont accru de plus de 100 %
(185 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre
50 et 100 millions de francs) les tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle
pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires,
procurant un surcroît d'impôt de plus de 700 millions de francs.
(2) Les autres hausses d'impôt
Les
entreprises qui ont bénéficié de la réforme de
l'assiette de la taxe professionnelle dès la première
année ont subi en contrepartie une hausse de leur impôt sur les
sociétés évaluée à
2,6 milliards de
francs
pour 2000
38(
*
)
, en raison de la
moindre imputation de taxe professionnelle sur leur résultat imposable
à l'IS.
Par ailleurs, en 1999, les entreprises participatives ont vu leur cotisation
d'impôt sur les sociétés augmenter suite, pour les
sociétés bénéficiant du régime fiscal des
mères et filiales, à la soumission à l'impôt sur les
sociétés d'une quote-part des dividendes issus de leurs filiales,
et, pour les autres, à la diminution de l'avoir fiscal attaché
aux produits de participation
39(
*
)
. Ces deux
mesures de pur rendement devaient, selon les estimations fournies en 1998 par
le Gouvernement, procurer respectivement 1,2 milliard et 1,5 milliard
de francs à l'Etat. Selon le fascicule " voies et moyens "
joint au projet de loi de finances pour 2000, leur rendement a finalement
été de 4,5 milliards et un milliard de francs.
Enfin, après son examen par les députés, le projet de loi
de finances pour 2000 prévoit trois nouvelles mesures d'alourdissement
des prélèvements pesant sur les entreprises :
- la première consiste à diminuer de 45 à 40 % le
taux de l'avoir fiscal pour les personnes morales, ce qui devrait rapporter
1,5 milliard de francs dans les caisses de l'Etat ;
- la seconde prévoit de relever de 2,5 à 5 % la quote-part
des dividendes bruts soumise depuis 1999 à l'impôt sur les
sociétés, ce qui procurerait un gain fiscal de 4,2 milliard
de francs en 2000 ;
- la troisième consiste à accroître de près de
9 % le barème de la taxe sur les voitures particulières des
sociétés.
L'encadré ci-après récapitule l'ensemble des mesures qui
ont été prises depuis 1997 au détriment des moyennes et
grandes entreprises (plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires).
• MUFF 1997 : Instauration d'une contribution temporaire sur
l'impôt sur les sociétés (fixée à 15 %
pour 1997 et 1998 et à 10 % pour 1999) pour les entreprises de plus
de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;
• LFI 1998 : - Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire
annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre
d'affaires ;
- Limitation de la déductibilité des provisions pour
renouvellement ;
- Suppression de l'avantage fiscal lié à la provision pour
fluctuation des cours.
• LFI 1999 : - Quadruplement en trois ans du taux de la cotisation
minimale de taxe professionnelle qui devrait passer de 0,35 % en 1998
à 1,5 % en 2001 ;
- Rétablissement de la quote-part pour frais et charges
afférente aux dividendes versés par une
société fille à sa mère (au taux de
2,5 %) ;
- Diminution du taux de l'avoir fiscal pour les actionnaires personnes
morales ;
- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les
entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires.
b) Une fiscalité sur les entreprises de plus en plus divergente par rapport aux autres pays membres de l'Union européenne
La
divergence la plus apparente entre la France et ses partenaires, mais non la
plus pertinente, porte sur les taux de l'impôt sur les
bénéfices des sociétés. En effet, bien que le taux
facial de cet impôt, après imputation de la nouvelle CSB, soit
inférieur à ce qu'il était ces deux dernières
années, il reste supérieur au taux moyen de l'impôt sur les
sociétés dans l'Union européenne, qui a tendance à
baisser
40(
*
)
.
TAUX DE L'IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES EN 1999
Allemagne |
30 % (bénéfices distribués) +
majoration
de 5,5 % (taxe de solidarité), soit 31,65 %
|
Autriche |
34 %
|
Belgique |
39 % + majoration conjoncturelle de 3 % si
bénéfice 13 MFB, soit 40,17 %
|
Danemark |
32 % |
Espagne |
35 %
|
Etats-Unis |
35 % |
Finlande |
28 % |
France |
33,1/3 % + majoration de 10 % + contribution
temporaire de
10 % (soit
40 %
) pour les exercices clos jusqu'au 31/12/1999
|
Grande-Bretagne |
Barème progressif de 20 à 30 % |
Grèce |
35 % pour les sociétés anonymes dont les
actions
sont cotées à Athènes
|
Irlande |
Barème progressif : 25 % jusqu'à 100
000
£ et 28 % au-delà
|
Italie |
37 % pour les bénéfices distribués
|
Luxembourg |
Barème progressif de 20 à 30 % |
Norvège |
21,25 % |
Pays-Bas |
35 % |
Portugal |
37,4 % en général
|
Suède |
28 % |
Suisse |
8,5 % |
Une
hausse des taux de l'impôt sur les sociétés accroît
la propension qu'ont les entreprises, et notamment les plus grosses d'entre
elles, à optimiser leur résultat (via les restructurations de
groupe, les provisions ou la politique d'amortissement pratiquée), voire
à se délocaliser, ce qui peut avoir un effet inverse à
l'effet recherché en termes de rendement.
On objectera toutefois avec raison que la comparaison des taux de l'impôt
sur les sociétés est peu significative compte tenu des
très grandes différences d'assiette de cet impôt d'un pays
à l'autre.
C'est pourquoi l'étude du cabinet Baker Mc Kenzie réalisée
pour le compte du Gouvernement hollandais et rendue publique le 15 janvier
dernier, est intéressante. En effet, cette étude repose sur la
comparaison des taux effectifs d'imposition des entreprises pour des
investissements dont le rendement avant impôt est identique. Or, il
ressort de cette étude que
la France est le pays de l'Union
européenne dont le taux effectif d'imposition des entreprises est le
plus élevé
, pour un rendement avant impôt de 10 %.
Le tableau ci-après récapitule les résultats de
l'étude.
B. LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES : DU DOUBLE DIVIDENDE À L'IMPÔT DE RENDEMENT (ARTICLE 4)
Par ses
articles 2 et 4, le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 propose :
- l'extension de la taxe générale sur les activités
polluantes (TGAP) à de nouvelles assiettes essentiellement liées
aux pollutions de l'eau,
- et l'utilisation du produit de cette taxe au financement des
allégements de charges prévus dans le cadre de la politique de
réduction du temps de travail.
L'entrée en vigueur de ce dispositif est fixée au 1er janvier
2000.
Rappelons que la TGAP a été instituée par l'article 45 de
la loi de finances pour 1999
41(
*
)
et qu'elle
regroupe actuellement cinq taxes anciennement affectées à
l'Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie (Ademe)
pour un produit en 1999 d'environ 1,8 milliard de francs.
1. La montée en puissance de la TGAP en 2000
La
montée en puissance de la TGAP était prévue dès
l'an dernier. Taxe " universelle ", la TGAP telle que voulue par le
Gouvernement a en effet vocation à absorber au fur et à mesure la
plupart des taxes, existantes ou futures, à assiette polluante.
L'augmentation du produit de la TGAP serait toutefois particulièrement
forte dès 2000 et 2001
42(
*
)
, en raison
des besoins massifs de financement de la politique de réduction du temps
de travail décidée par le Gouvernement.
L'augmentation prévue de 78 % du produit de la TGAP entre 1999 et 2000
s'explique par :
1. l'évolution spontanée des assiettes existantes (+ 200 millions
de francs) ;
2. le relèvement des taux de deux compartiments existants, les huiles
usagées et la pollution atmosphérique (+ 100 millions de francs)
;
3. la création de nouveaux compartiments, essentiellement relatifs aux
pollutions des eaux (+ 1,1 milliard de francs).
La montée en puissance financière de la TGAP (1999-2001)
(en millions de francs)
Evaluations initiales pour 1999 |
1.935 |
Evaluations révisées pour 1999 |
1.800 |
Evaluations pour 2000 (évolution / 1999) |
3.200 (+ 78 %) |
- dont effet de l'évolution spontanée |
200 |
- dont aménagement des droits |
1.200 |
Evaluations pour 2001 (évolution / 2000) |
12.500 (+ 290 %) |
Présentation des modifications de la TGAP proposées pour 2000
Compartiment de la TGAP concerné |
Modifications 2000 |
Produit 1999 |
Produit 2000 |
COMPARTIMENTS EXISTANTS |
|||
Déchets |
sans modification |
1.422 |
1.500 |
Nuisances sonores |
sans modification |
66 |
100 |
Pollution atmosphérique |
augmentation des taux |
198 |
300 |
Huiles usagées |
augmentation des taux |
129 |
200 |
COMPARTIMENTS NOUVEAUX |
|||
Lessives et adoucissants |
nouvelle taxe |
- |
500 |
Produits phytosanitaires |
nouvelle taxe |
- |
300 |
Granulats |
nouvelle taxe |
- |
200 |
Installations classées |
incorporation de taxes existantes dans la TGAP et augmentation des taux |
- |
100 |
TOTAL |
- |
1.815 |
3.200 |
Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
a) La modification de l'existant
Il est tout d'abord prévu d'augmenter le rendement de la TGAP dans son périmètre actuel par l'augmentation des taux de la taxe sur les huiles usagées et de la taxe sur la pollution atmosphérique. L'objectif de cette modification est clairement budgétaire : il s'agit d'améliorer le rendement des taxes composant la TGAP. Ainsi, le produit de ces deux taxes connaîtrait une augmentation de plus 50 %.
Evolution des taux de la taxe sur les huiles usagées
et de la taxe sur les substances émises dans l'atmosphère
(en francs par tonne)
Assiette |
Taux 1999 |
Taux 2000 |
Augmentation |
Huiles de base |
200 |
250 |
+ 25 % |
Substances émises dans l'atmosphère
|
180 |
250 |
+ 40 % |
- acide chlorhydrique |
180 |
250 |
+ 40 % |
- oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote à l'exception du protoxyde d'azote |
|
|
|
- protoxyde d'azote (nouvelle rubrique) |
250 |
375 |
+ 50 % |
- hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils |
|
|
|
b) L'élargissement à de nouvelles assiettes polluantes
L'élargissement de la TGAP au domaine de l'eau avait
été décidé par le Gouvernement dès l'an
dernier. Toutefois, l'opposition des agences à l'intégration de
leurs redevances dans ce nouvel instrument fiscal a eu raison des projets
initiaux de Mme la ministre de l'environnement.
Il est donc prévu pour 2000, s'agissant de la TGAP
43(
*
)
, d'instaurer quatre nouveaux compartiments de cet
impôt, n'ayant pas tous intégralement trait aux pollutions de
l'eau :
- les lessives (+ 500 millions de francs),
- les produits phytosanitaires (+ 300 millions de francs),
- les granulats (+ 200 millions de francs),
- les installations classées (+ 100 millions de francs).
Pour les trois premiers compartiments, il s'agit d'accises au sens du droit
communautaire, c'est à dire de taxes qui s'appliquent à un
produit commercialisé sur le marché national : les exportations
en sont donc exonérées tandis que les importations y sont
soumises.
(1) Les lessives et les adoucissants
Les
phosphates sont présents dans les préparations pour lessives en
raison de leur rôle dans le lavage et le nettoyage. Malheureusement, leur
présence excessive dans l'eau favorise l'apparition d'algues et de
bactéries qui nécessite son épuration pour la rendre
propre à la consommation .
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de créer une taxe
sur les lessives et autres produits de lavage, d'adoucissement et
d'assouplissement, progressive en fonction du taux de phosphates
incorporés.
Un amendement voté en première lecture à
l'Assemblée nationale a réduit la progressivité de ce
barème, à rendement à peu près constant.
Taux et assiettes du nouveau compartiment " lessives "
(en francs par tonne et %)
Teneur en phosphate |
Taux initialement prévus |
Taux votés à l'Assemblée nationale |
Pourcentage du marché |
- inférieure à 5 % du poids |
440 |
470 |
60 % |
- entre 5 et 30 % du poids |
570 |
520 |
20 % |
- supérieur à 30 % du poids |
700 |
570 |
20 % |
Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
S'appliquant à un marché d'environ 10 milliards
de
francs (1,1 million de tonnes de produits vendus), le produit attendu de
cette taxe est de 500 millions de francs en 2000.
L'assiette de cette nouvelle taxe est particulièrement large puisqu'il
ne s'agit pas de taxer les seules lessives contenant des phosphates mais bien
toutes les lessives ainsi que divers autres produits auxiliaires, qu'ils
contiennent ou non des phosphates.
Quant aux taux retenus, ils ne sont ni très élevés ni
très progressifs (et encore moins depuis le vote d'un amendement
modifiant le barème à l'Assemblée nationale). Cette taxe,
qui se reportera vraisemblablement en quasi-totalité sur le consommateur
final et donc pèsera sur les ménages modestes, n'aura qu'un
faible caractère dissuasif puisqu'elle majorera le prix de la lessive au
kilogramme de 47 à 57 centimes, soit une augmentation du prix d'environ
5 %.
En outre, on notera l'absence de taux à 0 % pour les produits
n'incorporant aucun phosphate qui représentent 60 % de l'ensemble des
lessives : cette situation est justifiée selon le Gouvernement par les
doutes qui subsistent sur l'innocuité des produits de substitution aux
phosphates.
Taxe à large assiette et à taux réduit, la future taxe sur
les lessives sera à l'évidence une taxe de rendement. On peut
légitimement s'interroger sur les véritables motivations du
Gouvernement : s'agit-il de dissuader l'achat des lessives sans phosphates et
de réduire l'incorporation des phosphates dans les lessives, de limiter
la consommation des lessives dans leur ensemble ou tout simplement de " fournir
" 500 millions de francs à la politique de réduction du temps de
travail ?
Enfin, il faut rappeler que les " lessiviers " ont réduit
l'incorporation des phosphates dans les lessives dans le cadre d'un accord
contractuel avec le Ministère de l'environnement conclu dans les
années 1980. Cet accord semble avoir été concluant si l'on
en croit le rapport relatif à la fiscalité de l'eau
44(
*
)
, de notre collègue député Yves
Tavernier qui note :
" les industriels de la lessive se sont
engagés dans une démarche contractuelle avec les pouvoirs
publics, laquelle a permis une forte diminution de l'incorporation de
phosphates aux lessives : le taux moyen de phosphates y est passé en dix
ans de 24 à 10 % et la consommation annuelle de phosphates par cette
industrie de 142.000 tonnes en 1985 à 64.000 en 1998. "
L'instauration de la nouvelle taxe ne risque-t-elle pas d'annihiler cet effort
?
(2) Les phytosanitaires
La
France, deuxième exportateur mondial de produits agricoles, est le
troisième consommateur de produits phytosanitaires (pesticides,
fongicides et herbicides). Or, la mauvaise ou l'excessive utilisation de
ceux-ci fait peser de nombreux risques sur la santé, notamment par le
biais de la contamination des eaux.
Afin d'inciter à des reports de consommation sur des produits moins
polluants, un barème de taxation au premier gramme,
différencié en fonction des caractéristiques
écotoxicologiques et toxicologiques des molécules est mis en
place. Seraient ainsi taxées 300 molécules sur un total de 900
admises sur le marché.
Barème différencié de taxation des substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des produits phytosanitaires et des produits assimilés
Catégorie |
Taxation (F/kg) |
Volume (tonnes) |
Produit (MF) |
Catégorie 1 |
0 |
48.000 |
- |
Catégorie 2 |
2,5 |
13.000 |
32.5 |
Catégorie 3 |
4 |
15.000 |
60.0 |
Catégorie 4 |
5,5 |
9.000 |
49.5 |
Catégorie 5 |
7 |
11.000 |
77 |
Catégorie 6 |
9 |
6.000 |
54 |
Catégorie 7 |
11 |
1.500 |
16.5 |
TOTAL |
- |
103.500 |
289.5 |
Le
produit attendu est de 300 millions de francs pour 2000.
Etant donnés les mécanismes de formation des prix agricoles, il
est peu probable que le surcoût de la taxation sera reporté sur le
consommateur final : c'est donc sur l'agriculteur que pèsera l'essentiel
de cette nouvelle taxation.
Un rapport remis à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement en mars dernier,
45(
*
)
préconise l'instauration d'une taxe élevée sur les
intrants agricoles (engrais et produits phytosanitaires) prélevée
au niveau des producteurs et ensuite redistribuée de façon
forfaitaire. Monsieur Yves Tavernier, dans son rapport
précité, indique qu'une taxe sur les produits phytosanitaires
n'aura un effet sur les comportements des agriculteurs qu'à partir de
taux de l'ordre de 15 à 20 %.
Au regard de ces préconisations, la taxation retenue est
légère. Elle représente un peu moins de 2 % du
marché annuel français des produits phytosanitaires
46(
*
)
. Néanmoins, se traduisant par l'augmentation
des coûts de production d'un secteur relativement faible, il faut
être particulièrement prudent à l'heure de la
réforme de la politique agricole commune (PAC), de la modulation des
aides, de l'éco-conditionnalité, etc. Et surtout ne pas
démobiliser le monde agricole dans ses efforts d'amélioration de
ses pratiques environnementales.
La question des distorsions de concurrence avec les autres pays agricoles de
l'Union européenne ne peut être éludée, seuls trois
pays ayant instauré une telle taxe : la Belgique, le Danemark et la
Suède. Il semble en outre que certaines productions
végétales seront particulièrement touchées comme
par exemple la pomme de terre.
Il faut rappeler qu'une large part de la pollution due aux produits
phytosanitaires provient de la non-reprise d'emballages vides, d'une mauvaise
utilisation des pulvérisateurs ou de sur-protections non
justifiées. Des actions de formation, de conseil, de collecte des
emballages vides, etc. sont donc primordiales. L'encouragement à ces
pratiques raisonnées permettrait de diminuer d'environ 15 % la
consommation de produits phytosanitaires.
Il faut également rappeler que le monde agricole ne sera que très
peu bénéficiaire des allégements de charges
financés par cette taxe. L'instauration d'une telle taxe aurait donc
dû se faire dans le cadre des redevances des agences de l'eau ou au moins
s'accompagner d'un programme de développement des bonnes pratiques
agricoles en matière d'utilisation des produits phytosanitaires.
(3) Les granulats
L'exploitation de carrières est à l'origine de
dommages à l'environnement très variés : dommages aux
paysages, bruit, poussière, nuisances secondaires liées au
transport des pondéreux, etc. Parmi les carrières, celle dites "
alluvionnaires " qui extraient des granulats dans le lit majeur des
rivières, sont la cause de dommages particuliers liés à la
perturbation des écosystèmes fluviaux.
Les carrières alluvionnaires ont été visées de
longue date par des projets de redevances des agences de l'eau. Toutefois, afin
de ne pas créer de distorsions de concurrence, le Gouvernement a
décidé de soumettre toutes les carrières à sa
nouvelle taxe.
Celle-ci est assise sur le poids des granulats minéraux naturels. Il
s'agit du sable et des cailloux ayant un diamètre maximum de
12,5 centimètres produits par les carrières. Le taux
retenu, unique au nom de l'égalité de concurrence, est de 60
centimes par tonne extraite. Une exonération est prévue pour les
granulats de recyclage ainsi que pour les granulats d'une pureté
particulière.
Le produit attendu est de 200 millions de francs pour 2000.
Le Gouvernement souhaite, par la création de cette taxe, inciter les
constructeurs à utiliser moins de granulats. Il est peu probable que la
TGAP sur les carrières réorientera les processus de production
les plus polluants vers des processus moins polluants. Le report sur des
matériaux moins polluants (granulats de recyclage par exemple) est
hautement improbable en raison des différentiels de coût qui
subsistent et le report d'activité entre carrières alluvionnaires
plus polluantes et carrières de roches massives n'est pas assuré
en raison du taux unique.
En outre, l'affectation du produit de cette taxe au fonds de financement des
35 heures ne permet pas de dégager des crédits
supplémentaires pour la réparation des dommages environnementaux.
L'instauration de ce compartiment de TGAP vise donc à pénaliser
une activité économique au motif qu'elle cause des dommages
environnementaux sans l'inciter aucunement à réduire ces
dommages.
(4) Les installations classées
L'article 17 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976
relative
aux installations classées pour la protection de l'environnement soumet
certaines installations au paiement de deux taxes en raison des
inconvénients ou dangers qu'elles peuvent représenter notamment
pour l'environnement. Les entreprises inscrites au répertoire des
métiers en sont exonérées.
Une taxe unique
est perçue sur les établissements
industriels et commerciaux et les établissements publics à
caractère industriel et commercial lors de la délivrance d'une
autorisation pour installation classée.
Une redevance annuelle
est perçue sur ces établissements
lorsqu'en raison de la nature ou du volume de leur activité, ils font
courir des risques particuliers à l'environnement et requièrent
donc des contrôles approfondis et périodiques. Cette redevance se
calcule à partir d'un taux de base auquel est appliqué un
coefficient multiplicateur compris entre 1 et 10 selon les activités de
l'installation concernée. Actuellement, 6500 établissements, les
plus dangereux, acquittent cette redevance.
Les taux de ces deux taxes n'ont pas été
réévalués depuis 1993. Il est donc prévu, selon les
recommandations du rapport de Mme Nicole Bricq
47(
*
)
, de revaloriser les taux concernés. En outre
ces taxes existantes sont intégrées au sein de la TGAP.
Revalorisation des taux prévus pour les installations classées
(en francs et %)
Type de taxation |
Taux 1999 |
Taux 2000 |
Evolution |
Taxe
unique perçue lors de l'autorisation
|
2.400 |
2.900 |
+ 21 % |
- autres entreprises inscrites au répertoire des métiers |
5.780 |
7.000 |
+ 21 % |
- autres entreprises |
12.000 |
14.600 |
+ 22 % |
Redevance annuelle |
1.800 |
2.200 |
+ 22 % |
La taxation des pollutions par les nitrates est reportée à 2001
La
pollution du sol et de l'air par les nitrates a de nombreuses
répercutions sur la santé publique. Les engrais agricoles, qui
polluent 63 % du territoire français, en sont les principaux
responsables. En effet, l'apport excessif d'éléments fertilisants
(effluents d'élevage ou engrais) par rapport à la capacité
d'épuration naturelle des sols et des cultures, entraîne des
pollutions des eaux.
- Le projet du Gouvernement
La taxation des excédents de nitrates peut prendre la forme, soit d'une
taxation des engrais au premier gramme, soit d'une taxation des seuls
excédents d'azote. Cette seconde solution requiert un contrôle
lourd (à partir d'un bilan entrée-sortie pour chaque
exploitation) mais est plus équitable car seul l'azote non
absorbé est polluant.
Cette solution a été retenue par le Gouvernement qui
prévoit d'instaurer une nouvelle redevance pour les agences de l'eau,
jugées plus à même de gérer et de contrôler ce
dispositif complexe que les services des impôts. Cette nouvelle redevance
pourrait rapporter environ 500 millions de francs par an et serait incluse dans
le projet de loi sur les agences de l'eau dont la présentation au
Parlement est prévue pour 2001.
- Les appréciations de votre commission
Il faut être prudent dans l'instauration d'une telle taxation car elle se
répercute sur les coûts de production des agriculteurs ainsi que
sur le secteur des engrais soumis à une forte concurrence
étrangère (taux de pénétration du marché
français supérieur à 40 % et pratiques supposées de
dumping ; en outre, cette industrie subira de plein fouet la taxation des
consommations intermédiaires d'énergie prévues en 2001 car
le gaz entre pour 40 % dans le prix des engrais).
Comme la taxation des produits phytosanitaires, celle des engrais agricoles est
délicate. Elle pose des questions de distorsions de concurrence en
Europe ainsi que de risques de diminution des rendements et donc du revenu
agricole.
2. L'extension annoncée de la TGAP en 2001
Afin de disposer d'environ 7,9 milliards de francs de recettes nouvelles pour financier les 35 heures, le Gouvernement devrait étendre de façon considérable la TGAP dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 sous la forme d'une éco-taxe.
a) Le projet du Gouvernement
L'objectif de cette taxation est de renforcer la lutte contre
l'effet de serre, conformément au protocole de Kyoto, et de promouvoir
une meilleure maîtrise de l'énergie. Il s'agirait de créer,
comme nouveau compartiment de la TGAP, une " accise " qui s'appliquerait aux
consommations intermédiaires d'énergie des entreprises. Seraient
donc exclues du champ de la nouvelle taxation les consommations
d'énergie des ménages et les carburants routiers usuels. 3000
entreprises seraient concernées, soit environ 3 % des
sociétés de plus de 20 salariés. Des exonérations,
atténuations et plafonnements ont été annoncés pour
les entreprises fortement consommatrices d'énergie.
Les recettes issues de cette nouvelle taxe seraient intégralement
affectées au financement de la politique des 35 heures. Sans en
connaître précisément les modalités, on sait d'ores
et déjà que cette taxation doit rapporter environ 4,9 milliards
de francs, qui ajoutés aux 3,2 milliards de francs que devrait
déjà rapporter la TGAP en 2000, devraient permettre de financer
à peu près la moitié des 25 milliards de francs
consacrés aux nouveaux allégements de charges .
b) Ce projet s'inscrit dans le cadre de la négociation européenne sur l'écotaxe
La
réflexion sur la fiscalité écologique au niveau
communautaire a été relancée en mars 1997 par une
proposition de directive restructurant le cadre communautaire de la taxation
des produits énergétiques.
Cette proposition prévoit de moderniser le système communautaire
de taxation des huiles minérales et d'étendre son champ à
l'ensemble des produits énergétiques : houilles, coke, lignite,
bitumes et produits dérivés, gaz naturel et
électricité. Des minima de taxation seraient fixés avec un
calendrier de revalorisation progressive. Des taux réduits, voire des
exonérations, pourraient être appliqués par les Etats
à certains produits ou usages jugés plus écologiques. En
outre, des " mesures " en faveur des entreprises seraient prises par la
Commission européenne afin que ce nouveau dispositif ne nuise pas
à la compétitivité des entreprises européennes.
Selon l'institut Rexecode, l'application à l'économie
française des taux évoqués ci-dessus donnerait pour
l'électricité une recette de 3,7 milliards de francs et pour les
énergies fossiles un produit de 5,6 milliards de francs. L'analyse de
Rexecode indique que ces montants (9,2 milliards de francs au total) ne sont
pas économiquement tenables et que de nombreuses exemptions devront
être mises en place.
Au Conseil européen, les questions fiscales doivent être
tranchées à l'unanimité : en raison de l'opposition de
quatre pays au sommet de Cologne (Espagne, Portugal, Grèce et Irlande),
cette proposition de directive n'a pas encore pu être adoptée.
Néanmoins, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie se sont d'ores et
déjà engagées dans la voie de l'éco-taxe.
c) Les appréciations de votre commission
Ce
projet de taxation, s'il est mis en place, entraînera une
pénalisation très forte des entreprises françaises.
L'instauration d'un tel impôt va nécessairement créer des
distorsions de concurrence entre entreprises et entre secteurs
(l'intensité énergétique varie de 1 à 50 selon les
entreprises) et entre industries nationales car en l'absence d'harmonisation au
niveau communautaire, le développement de ce type de fiscalité va
poser des problèmes de compétitivité relative entre Etats
membres.
On assisterait à un transfert massif de charges des entreprises de base
(ciment, verre, acier, aluminium, etc.), plus polluantes, vers les entreprises
de main d'oeuvre bénéficiaires des allégements de
cotisations sociales. Dans le Livre Blanc transmis aux industriels afin de
déterminer les modalités précises de cette taxation, le
Gouvernement annonce que la " réforme n'induira aucun
prélèvement net supplémentaire sur les entreprises ". Il
est d'ores et déjà certain que cela ne sera pas vrai au niveau de
chaque entreprise : les entreprises qui consomment 75 % de l'énergie
dans l'industrie n'emploient que 20 % des salariés et souvent peu de
salariés à faible qualification.
Par ailleurs, il faut rappeler que les prix de l'énergie en Europe et
plus particulièrement en France sont déjà
supérieurs de 20 à 30 % aux prix pratiqués aux Etats-Unis.
Et l'ouverture a minima du marché de l'électricité en
France ne va pas améliorer cette situation.
La sagesse aurait donc voulu que l'on attende l'adoption de la directive
européenne comme le suggère notre collègue
Sénateur Serge Lepeltier dans son rapport sur les
émissions de gaz à effet de serre
48(
*
)
.
Enfin, les effets sur l'amélioration de l'environnement seront
vraisemblablement mitigés. Tout d'abord, on peut s'interroger sur la
véritable vocation d'un tel impôt : il ne s'agit pas d'un
impôt à vocation écologique puisque sa principale
motivation est de fournir des recettes pour financer la seconde loi sur les 35
heures. En outre, les émissions de carbone liées au transport
routier seront exonérées alors qu'elles constituent
vraisemblablement le coeur du problème. Enfin, remarquons que la
consommation d'énergie des entreprises concernées
représente un tel pourcentage des coûts de production que
celles-ci sont naturellement portées à réaliser des
économies d'énergie, comme elles se sont engagées à
le faire, contractuellement avec le ministère de l'environnement.
3. L'affectation de la TGAP au budget de la sécurité sociale : de l'impôt écologique à l'impôt de rendement
a) La controverse juridique
S'appuyant sur l'article 18 de l'ordonnance organique du
2 janvier 1959
49(
*
)
, la commission des
finances de l'Assemblée nationale a estimé que le transfert de la
TGAP, recette de l'Etat, au budget de la sécurité sociale
nécessitait une disposition explicite, d'origine Gouvernementale, en loi
de finances. Peu convaincu des arguments juridiques développés
par les députés
50(
*
)
mais soucieux
de se montrer de bonne grâce, le Gouvernement a introduit par voie
d'amendement en première lecture de la loi de finances pour 2000
à l'Assemblée nationale, un article 27
bis
prévoyant le transfert explicite de la TGAP du budget de l'Etat vers
celui de la sécurité sociale.
Il paraissait en effet quelque peu cavalier et constitutionnellement douteux
que le Gouvernement transférât ce qui était jusqu'à
nouvel ordre une recette de l'Etat sans en faire état dans le projet de
loi de finances.
b) Le débat de fond : le détournement de la fiscalité écologique
(1) Une affectation pour une autre
La
TGAP a été créée en 1999 en particulier pour "
désaffecter " les taxes de l'ADEME. Aujourd'hui, que fait le
Gouvernement ? Il " affecte " la TGAP au budget de la
sécurité sociale.
Il convient de remarquer à ce stade que le transfert de la TGAP au
budget de la sécurité sociale s'analyse comme une perte d'environ
2 milliards de francs de recettes pour le budget général de
l'Etat.
Le produit de la TGAP n'aura donc conservé qu'une seule année son
caractère de recette générale du budget de l'Etat. " L'an
II de la fiscalité écologique " n'est pas même
entamé que déjà cette recette miracle est affectée
à un nouvel objet : le financement de la sécurité sociale
et en particulier, des allégements de charges décidés dans
le cadre de la politique des 35 heures.
Dans son rapport précité, M. Yves Tavernier relève que
cette nouvelle affectation
" rencontre (...) un risque inhérent
à toute affectation, y compris à la sécurité
sociale : le niveau des prélèvements à objet
environnemental doit être déterminé par la recherche d'une
efficacité intrinsèque (évaluation de leur effet dissuasif
sur les comportements pollueurs et des coûts liés aux pollutions
visées) et non par une logique de financement ;
le montant de la TGAP
ne saurait devenir la variable d'équilibre de la sécurité
sociale
".
Votre rapporteur pour avis partage cette inquiétude : la TGAP
affectée au financement des " 35 heures ", c'est l'assurance que la
logique de financement prend désormais le pas sur la logique
environnementale.
(2) A la recherche du " premier dividende "
La TGAP a été créée en 1999 sur la théorie du double dividende : la fiscalité écologique améliore d'une part l'environnement, par son effet dissuasif sur la pollution (c'est le premier dividende), et d'autre part l'emploi, par les recettes qu'elle procure et qui peuvent permettre la diminution des charges qui pèsent sur le facteur travail (c'est le second dividende).
(a) La TGAP, " machine à taxer "
Votre
rapporteur pour avis estime qu'une fiscalité écologique doit
contribuer à l'amélioration de l'environnement et que la
dispersion des objectifs nuit à leur réalisation. Or, s'il est
clair que le produit de la TGAP viendra en déduction des charges des
entreprises dans le cadre de la politique des 35 heures, il est moins que
certain que la TGAP aura un effet sur l'environnement.
La logique de financement a pris le pas sur la logique environnementale.
Un économiste, M. Guillaume Sainteny
51(
*
)
, écrit
: " Il convient de se poser la
question du but de l'utilisation d'instruments fiscaux en matière
d'environnement. Que cherche-t-on : accroître les ressources publiques ou
diminuer les atteintes à l'environnement ? ".
En effet, une taxe "
fiscale " aura une assiette large et un taux bas ; une taxe " incitative " aura
une assiette bien déterminée et un taux élevé pour
que le coût soit dissuasif. Si le but est la suppression de la pollution,
l'assiette et donc les rentrées fiscales disparaissent. Le même
économiste ajoute : " les taxes environnementales ne doivent pas
être inspirées par des motifs de financement. " On ne saurait
être plus clair.
L'an dernier, notre collègue Philippe Marini, rapporteur
général du budget, soulignait dans son rapport
général
52(
*
)
le risque
d'instauration d'une
" machine à taxer " : " Une décision
de hausse de la TGAP, impôt " écologique " serait favorablement
perçue par l'opinion publique, alors que l'objectif de cette
augmentation (...) ne serait pas forcément l'amélioration de
l'environnement mais l'augmentation des recettes de l'Etat ".
Les arbitrages rendus sur les différentes taxes prévues pour 2000
et 2001 illustrent bien la prééminence de la logique de
financement : des taux bas, sur des assiettes larges. Ces taxes acceptables par
le plus grand nombre et peu dissuasives n'ont pas vocation à
réduire la pollution mais à procurer de nouvelles ressources
publiques.
En outre, on remarquera avec intérêt que les produits de ces taxes
sont prédéterminés en fonction des besoins de financement
de la politique des 35 heures. S'agissant de la future taxe sur les
consommations intermédiaires d'énergie on peut parler d'un "
impôt de répartition " : le montant (environ 9 milliards) est
déjà choisi, le Livre Blanc envoyé aux industriels ne
servira qu'à déterminer les modalités de ce nouveau
prélèvement.
(b) La disparition du " premier dividende "
Il est
donc clair que la montée en puissance de la TGAP n'entraînera
qu'une amélioration limitée de l'environnement. Ses
différents compartiments ont en effet des effets dissuasifs faibles et
les recettes dégagées n'iront pas à l'environnement. Dans
ces conditions, peut-on encore se targuer d'atteindre un quelconque " premier
dividende environnemental " ?
Votre rapporteur pour avis rappelle qu'il est attaché au principe de
l'affectation du produit de certaines taxes, qui permet de garantir
l'utilisation environnementale des produits et d'encourager les actions de
dépollution, sur le fondement du double principe du pollueur-payeur et
du dépollué-aidé. Ce système a été
supprimé pour certaines taxes, votre rapporteur pour avis le
déplore : il lui semble légitime que les ressources issues de
l'environnement financent des actions environnementales.
(3) Peut-on espérer dégager un " deuxième dividende - emploi " contre les entreprises ?
Votre
rapporteur pour avis estime en outre que le " deuxième dividende -
emploi " est partiellement contradictoire puisque son application en 2000 et en
2001 va vraisemblablement avoir un impact négatif sur l'emploi.
C'est le cas notamment du projet de taxation des consommations
intermédiaires d'énergie. Il faut rappeler au Gouvernement que
les entreprises sont les employeurs naturels et qu'à trop les
considérer comme taxables à merci, on s'attaque directement
à l'emploi en France.
Il conviendrait donc, dans cette optique, de privilégier les
démarches coordonnées dans le cadre communautaire pour la mise en
place des taxations environnementales qui, dans le cas contraire,
pénalisent les employeurs privés établis en France par
rapport à leurs compétiteurs européens.
En définitive, votre rapporteur pour avis ne peut que condamner
l'extension d'un impôt incohérent, son affectation au financement
des 35 heures, ses perspectives d'évolution contraires à
l'urgence du besoin de baisse des prélèvements obligatoires, et
décalées avec nos échéances européennes. La
TGAP, " machine à taxer ", n'a plus qu'une fonction :
financer une mesure coûteuse, inutile, handicapante.
*
Droits
sur les tabacs prélevés sur l'Etat, droits sur les alcools
prélevés sur le fonds de réserve pour les retraites, taxe
générale sur les activités polluantes, cotisation sociale
sur les bénéfices, taxation des heures supplémentaires,
subvention d'équilibre de l'Etat, et tout cela pour n'arriver
qu'à un financement imparfait en 2000, non assuré en 2001. La
réforme d'ampleur de l'assiette des cotisations sociales réside
ainsi dans l'élargissement de l'assiette aux activités
polluantes, à la consommation d'alcools, à la consommation de
tabacs, à la multiplication des heures supplémentaires et
à des profits dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils
apparaîtront comme des rescapés de cette politique
incohérente et dangereuse.
Pour ces raisons, votre rapporteur pour avis vous propose la suppression des
articles 2, 3 et 4 relatifs au financement des 35 heures dans le projet de loi
de financement de la sécurité sociale.
TROISIEME CHAPITRE :
L'ABSENCE DE VÉRITABLES
POLITIQUES SOCIALES CONDUIT À NE PRENDRE QUE DES DEMI-MESURES
I. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE N'EST TOUJOURS PAS RÉALISÉE
Avec un
objectif de dépenses de 735 milliards de francs pour 2000, en
augmentation de 5,33 % par rapport à l'objectif prévu par la loi
de financement pour 1999, la branche
maladie/maternité/invalidité/décès constitue le
deuxième poste du projet de loi, mais aussi celui ayant connu la plus
forte hausse depuis 1997 : 72,9 milliards de francs de dépenses
supplémentaires (en progression de plus de 11 %).
La CNAMTS reste quant à elle le point noir du régime
général avec un déficit persistant qui ne se
résorbe que grâce à des recettes plus dynamiques que des
dépenses qui le sont déjà (pour 2000, dépenses en
hausse de 3,3 % et recettes de 5 %). Le déficit de la CNAMTS
s'élèvera ainsi à 12,1 milliards de francs en 1999
contre une prévision de retour à l'équilibre.
Votre rapporteur pour avis estime plus que jamais nécessaire un
effort de maîtrise des dépenses permettant de les adapter à
un rythme moins élevé de recettes et aux besoins nouveaux de la
population. Ce projet de loi de financement ne propose aucune mesure
s'inscrivant dans cette perspective.
A. LA POURSUITE DES TRANSFERTS DE DÉPENSES DE L'ETAT VERS LA CNAMTS
1. 100 millions de francs de dépenses en plus pour l'assurance maladie (articles 14 et 15)
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait transféré de l'Etat vers la CNAMTS la charge du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie que la loi contre les exclusions avait intégré au champ des institutions sociales ou médico-sociales, pour un coût estimé à 120 millions de francs. Le projet de loi de financement pour 2000 comporte trois mesures similaires qui ont un coût total de 102,7 millions de francs :
Coût des transferts de l'Etat à la CNAMTS
Mesure |
Coût annuel pour la CNAMTS |
Dépenses liées aux cures de désintoxication des personnes toxicomanes |
73 millions de francs |
Dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) |
27 millions de francs |
Dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les centres de planification ou d'éducation familiale (CDEF) |
2,7 millions de francs |
Total |
102,7 millions de francs |
Ces
transferts donnent lieu à versement d'une subvention de l'Etat
imputée sur le budget de la santé de 1999 :
• articles 20 et 30 du chapitre 47-18 pour le dépistage et le
traitement du sida et des maladies transmissibles ;
• article 10 du chapitre 47-15 pour les frais de sevrage.
Toutes ces dépenses se retrouvent incluses dans la dotation globale
annuelle des établissements de santé. Cela passe par la dotation
globale pour les centres qui en relèvent, et par une dotation
forfaitaire annuelle pour les autres.
Ces transferts sont motivés par un souci de cohérence et de
simplicité. Votre rapporteur pour avis s'interroge cependant sur
l'absence de la subvention annuelle de l'Etat puisque le projet de loi de
finances pour 2000 ne fait plus figurer ces dépenses. Si cela devait
s'avérer, il faudrait que cette charge nouvelle pour la CNAMTS se
retrouve dans le tableau récapitulant les conséquences
financières du projet de loi de financement sur les comptes du
régime général.
Par ailleurs, très attaché à la cohérence de la
lutte contre le cancer, votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer
qu'un an après l'examen de la loi de financement pour 1999 les
décrets d'application de son article 20 qui prévoyait une prise
en charge et une réorganisation du dépistage de certaines
maladies évitables dont certains cancers ne soient pas parus, rendant
inopérante cette disposition. Ce retard anormal, préjudiciable
à la santé de nos concitoyens, montre le degré
d'impréparation de mesures figurant dans les projets de loi et laisse
rêveur sur le devenir de celles qui sont soumises eu Parlement dans ce
projet de loi de financement.
2. Le cavalier social des centres de santé (article 16)
L'article 16 intègre les centres de santé dans
le code
de la santé publique. Il précise donc le statut, les missions et
le dispositif conventionnel applicable à ces centres. Ce dernier repose
sur un accord national. Aujourd'hui, la France compte près de 1500
centres de santé, employant plus de 20 000 personnes.
Ils sont gérés selon des statuts extrêmement
variés : associations, mutuelles, congrégations religieuses,
collectivités locales, caisses de sécurité sociale,
organismes divers (sociétés commerciales, fondations,
comités d'entreprise, etc.).
Le nouvel article 16 a notamment pour conséquence d'empêcher toute
création de centre de santé à but lucratif. Ceux qui
subsistent ne pourront être conventionnés et leurs tarifs
dépendront donc de ceux de l'ensemble des professions de santé.
De même, les structures dépendantes des établissements
hospitaliers devront disparaître ou voir leur financement
intégré dans la dotation globale de l'établissement
hospitalier.
Cet article présente d'autres imprécisions et difficultés
comme par exemple l'obligation de signer la convention avec une
" organisation représentative des centres de santé. "
Surtout, il ne prévoit aucun mécanisme de régulation
des dépenses alors que les centres de santé représentaient
quand même plus de 2,3 milliards de francs de dépenses
remboursées en soin de ville
.
L'accord national signé entre les centres de santé et les caisses
(prévu à l'article 17) ne prévoit en effet aucune
modalité particulière de régulation : l'accord ne
peut modifier les tarifs des honoraires, rémunération et frais
accessoires déterminés par les conventions passées avec
les particuliers et auxiliaires médicaux. Il aurait été
envisageable de lier le versement de la subvention annuelle par les caisses aux
centres (égale à une partie des cotisations sociales de leurs
praticiens et auxiliaires médicaux) à leur adhésion
à cet accord national et de prévoir au sein de celui-ci les
conditions d'une régulation financière, mais aussi de la
participation aux réseaux de sciences et efforts de prévention.
Il est ainsi possible de se demander si cet article respecte bien les
conditions de recevabilité posées par l'article L.O. 111-13 du
code de la sécurité sociale en vertu duquel ne peuvent figurer en
loi de financement de la sécurité sociale que les dispositions
qui affectent directement l'équilibre financier des régimes de
base ou qui contribuent à améliorer l'information du Parlement
sur l'application des lois de financement.
B. LE NOUVEAU MODE DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE : UNE MESURE INCOMPLÈTE ET TROP COMPLEXE
1. Une nécessité...
Le contraste est frappant : alors que les dépenses de soins de ville ne cessent d'augmenter (32,2 milliards de francs entre 1997 et 2000), les différents dispositifs de régulation mis en place ont tous disparu.
L'augmentation de l'enveloppe soins de ville de l'ONDAM
(en milliards de francs)
Réalisation 1997 |
Réalisation 1998 |
1998/1997 |
Réalisation 1999 (p) |
1999/1998 (p) |
Prévision 2000 |
1999/2000 (p) |
261,3 |
276,2 |
+ 5,7 % |
287,7 |
+ 4,2 % |
293,5 |
+ 2% |
(p) : prévisions
source : commission des comptes de la sécurité
sociale
Il paraissait donc essentiel que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 instaurât un nouveau dispositif.
La CNAMTS elle-même a souhaité cette intervention du
législateur, en interpellant les acteurs du système de
santé, les responsables du pays mais également l'ensemble des
assurés par le biais de son plan stratégique. Il avait pour
objectif de poser les bases d'un nouveau système de soins, et de
procurer 32 milliards de francs d'économies à l'assurance maladie
sur le poste des soins de ville et des médicaments, et 30 milliards de
francs à propos de l'hôpital public. Il s'agissait donc d'un plan
à vocation sanitaire autant qu'économique, cherchant à
rompre avec la logique d'opposition entre deux maîtrises dont l'une
serait médicalisée et l'autre comptable, la première
étant, dans l'objet de ses détracteurs, vouée à
l'échec et la seconde au rationnement de soins.
Votre rapporteur pour avis a salué et soutenu dans son ensemble le
plan stratégique de la CNAMTS qui lui semblait respecter le paritarisme,
correspondre aux attentes des assurés pour une meilleure prise en charge
collective des dépenses de santé, un début de correction
des inégalités, une proposition qui n'oubliait rien ni personne.
Il regrette de ce point de vue que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 n'ait pas repris davantage de mesures
contenues dans ce plan et souhaite que le Gouvernement les intègre
à la loi de modernisation sanitaire qu'il annonce pour l'année
prochaine.
2. ... à laquelle ne répond pas le dispositif du Gouvernement (article 17)
L'article 17 du projet de loi de financement propose ainsi un
nouveau mode de régulation fondé sur une logique de
délégation des compétences aux acteurs sociaux, au premier
rang desquels la CNAMTS, avec un contrôle et une intervention en cas de
défaillance du Gouvernement. Cette idée directrice ne peut que
rencontrer l'approbation de votre rapporteur pour avis. Cependant son
exécution paraît bien éloignée de la logique
initiale et ne semble pas pouvoir permettre une véritable
régulation concertée aboutissant aux deux objectifs
essentiels :
• une couverture collective sur prélèvements obligatoires
de la dépense de santé à l'évolution
maîtrisée...
• ... à même de permettre la prise en charge des
priorités futures de la politique de la santé.
a) Le dispositif du Gouvernement
(1) Le rôle pivot de l'assurance maladie
La
CNAMTS reçoit, dans le cadre de l'article 17, chaque année, la
maîtrise d'un objectif de dépenses déléguées
qui comprend :
• les soins dispensés en ville par les professions
médicales, les auxiliaires médicaux, les laboratoires ;
• les soins tarifés à l'acte et dispensés dans les
cliniques privées ;
• les honoraires des praticiens exerçant en secteur privé
à l'hôpital public ;
• les frais de transport.
Les prescriptions et les prestations en espèce sont donc exclues du
champ de ce nouvel objectif. Chaque année, la CNAMTS et les professions
de santé concernées détermineront une convention par
profession (spécialistes, généralistes, dentistes,
infirmiers, kinésithérapeutes, laboratoires, transporteurs
sanitaires, sages-femmes, orthophonistes, orthopédistes,
pédicures-podologues, médecins des centres de santé) et
trois éléments : l'objectif des dépenses, les tarifs
des honoraires, rémunérations et frais, et toute mesure de
régulation destinée à garantir que l'objectif sera bien
respecté.
L'article 17 détaille les mesures, que la CNAMTS (et une autre caisse)
peut arrêter même sans l'accord des professionnels :
" a) Toute action visant à réduire le volume des actes
non justifiés au plan médical et notamment les actions
d'information, de promotion des références professionnelles
opposables et des recommandations de bonne pratique ou d'évaluation des
pratiques ;
b) Les modifications, dans la limite de 20 %, de la cotation des actes inscrits
à la nomenclature établie pour les actes pris en charge par
l'assurance maladie auxquelles les parties à la convention peuvent
procéder. "
Ce dernier volet recouvre donc bien une possibilité de faire varier
à la fois les tarifs et la cotation des actes. Le
a)
cherche
quant à lui à obtenir une réduction du nombre d'actes
inutiles. La possibilité de faire varier de 20 % peut
s'interpréter comme l'instauration d'une lettre clef flottante.
Ce mécanisme s'inspire des initiatives ponctuelles prises directement
par le ministère de la santé et de la solidarité avec
certaines professions médicales visant à faire varier la valeur
de la nomenclature pour sanctionner un dépassement de dépenses.
Cela a joué en février 1999 pour les radiologues, en juin 1999
avec les cardiologues et pour certains actes d'ophtalmologie, mais aussi avec
les biologistes sur les exercices 1998-2000.
Ces mesures ont donné des résultats variables puisque les
dépenses des radiologues et des biologistes ont continué à
augmenter, certes de manière plus faible, tandis que pour les
cardiologues et les ophtalmologistes le ralentissement est plus marqué.
Pour permettre une régulation efficace, le texte prévoit un suivi
très précis des dépenses tous les quatre mois, afin
éventuellement de signer un avenant à la convention pour prendre
des mesures en fonction de l'évolution constatée. Chaque
rencontre fait l'objet d'un rapport de la CNAMTS, de la CANAM et de la MSA.
(2) Le contrôle de la tutelle
Le
Gouvernement prévoit bien sûr un mécanisme permettant
à la tutelle de suppléer une carence des partenaires sociaux.
Celle-ci peut intervenir dans trois cas énumérés par
l'article 17 :
• non signature de l'avenant annuel à la convention
déterminant l'objectif prévisionnel des dépenses des soins
de ville et l'objectif des dépenses déléguées ;
• non conformité des mesures proposées avec les lois et
règlements ;
• insuffisance des mesures proposées pour assurer le respect de
l'objectif
Par ailleurs, le nouveau dispositif prévoit deux allégements dans
la procédure d'approbation des conventions par la tutelle : est
instauré un mécanisme d'approbation tacite ; est
appliquée la nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêt
Syndicat des médecins libéraux et autres
du 28 juillet
1999) permettant de disjoindre une disposition contraire aux lois et
règlement de l'ensemble de la convention pour en éviter la
disparition complète.
(3) Une extension du champ de la convention
L'article 17 intègre au champ des conventions
médicales, signées avec chacune des professions, plusieurs
thèmes importants : coordination des soins, développement
des réseaux, modes de rémunération des activités
non curatives ou ne donnant pas lieu à paiement à l'acte. Il
s'agit de permettre de véritables innovations.
Par ailleurs il introduit deux nouveaux supports pour la politique
contractuelle : des accords de bon usage de soins (qui peuvent être
conclus à l'échelon régional) et des contrats de bonne
pratique médicale permettant en contrepartie aux caisses de prendre en
charge les cotisations sociales des praticiens y ayant souscrit.
En revanche, l'article 17 introduit un mécanisme de plafonnement des
dépassements des médecins exerçant en secteur à
honoraires libres, par acte ou bien pour l'ensemble des prestations.
Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville : article 20
L'article 25 de la loi de financement de la
sécurité
sociale pour 1999 a créé un fonds d'aide à la
qualité des soins de ville et l'a doté de 500 millions de francs
sans inclure cette somme dans l'ONDAM, ce que votre rapporteur pour avis avait
regretté.
Les actions financées par le fonds devaient concourir à
l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins de
médecine ambulatoire. Les aides seront attribuées à des
professionnels de santé, individuellement ou collectivement, et pourront
inciter au développement de nouveaux modes d'exercice, tels que les
réseaux de soins.
Ce fonds n'a eu aucune activité en 1999 en raison de la non parution des
décrets d'application, alors même qu'une première somme de
230 millions de francs était inscrite aux comptes de la CNAMTS à
ce titre. Créé pour cinq ans, le fonds en aura donc perdu un.
Votre rapporteur le regrette d'autant plus que certaines des mesures qu'il
devait aider, comme le développement d'applications informatiques ou la
diffusion de bonnes pratiques, restent indispensables.
Votre rapporteur pour avis déplore à nouveau que les
délais de parution des décrets rendent inopérante une
disposition cotée par le Parlement.
b) Un dispositif lourd, incomplet et dont on peut douter de l'efficacité
Ce
mécanisme repose sur un choix politique : passer de la
régulation par prescription instaurée en 1996 à une
régulation par type de dépense. L'Etat prend en charge, avec les
ARH les dépenses des établissements de santé, avec le
Comité économique des produits de santé les
médicaments et le TIPS ; les caisses prennent en charge les
dépenses de soins de ville.
Votre rapporteur pour avis prend acte de ce choix politique dont il regrette
seulement qu'il n'ait pas donné lieu à un plus large et vaste
débat au lieu de se diluer dans plusieurs textes : accord
conventionnel pour le médicament, projet de loi de financement pour les
produits de santé, les cliniques et les soins de ville, décret
pour les dotations hospitalières. Le Gouvernement souhaite afficher une
forte politique contractuelle. En réalité, cette politique
contractuelle apparaît biaisée et contourne de paritarisme qui
fonde pourtant notre système de protection sociale.
En effet, le Gouvernement prend la haute main sur les deux tiers des
dépenses de santé alors que ce sont les caisses d'assurance
maladie, au premier rang desquelles la CNAMTS, qui assurent le paiement des
prestations. La CNAMTS n'aura donc de moyens d'intervention que sur moins du
tiers des dépenses de santé : les honoraires de ville. Il
n'est plus possible dans ces conditions de parler de gestion paritaire des
dépenses d'assurance maladie mais des honoraires de ville.
De plus, le dispositif proposé diffère en de nombreux points
avec celui que réclamait la CNAMTS.
Il semble d'abord trop complexe. Les clauses de négociation tous les
quatre mois avec chaque profession risquent de se transformer en
négociation permanente et de générer des lourdeurs de
fonctionnement qui empêcheront d'avoir une vue d'ensemble et globale du
système.
Imposer un cadencement quadrimestriel au lieu du rythme annuel de la loi de
financement rend les analyses plus différentes et augmente les risques
de rupture.
Rendu tous les 4 mois, un tableau de bord n'a pas reçu le recul
statistique suffisant pour une lecture pertinente de l'évolution des
dépenses de santé. Les fluctuations infra-annuelles sont
ininterprétables (épidémies...) ; le délai
entre l'acte et son remboursement est d'un mois et demi à deux mois et
demi en moyenne, selon les professions ; la consolidation des sources
issus des différents régimes exige au moins plusieurs semaines.
En bref, des chiffres quadrimestriels peuvent offrir une indication de
tendance, mais récusés par la profession dès qu'ils
impliqueront une décision favorable, il ne constitueront pas un support
crédible au pilotage tarifaire.
Dans le même temps, tout fléchissement de la dépense sera
prétexte à revendication tarifaire ; toute hausse,
prétexte à contestation statistique. Le suivi
" conventionnel " de 34 objectifs indépendants, 3 fois par an,
précédés chacun d'une ou deux réunions qui
s'efforcent de donner corps à une discussion partenariale, ne serait
qu'une immense machine à réunions (plusieurs centaines) sans
perspective d'ensemble, faisant passer au second plan, les sujets de fond.
Lettre clef flottante : le cas des radiologue
" On ne peut éviter d'évoquer
fréquemment cité en exemple, de la régulation de la
lettre-Z des radiologues : l'évolution des remboursements
d'honoraires des médecins radiologues de 1997 à 1999 sera
probablement de l'ordre de + 6,3 % (+ 5,2 % sans les actes de scanner), alors
que l'accord passé avec l'Etat en 1999 supposait, sur la même
période, un taux de croissance comparable à celui des
médecins spécialistes (soit au maximum + 4,2 %, somme des
deux objectifs successifs pour les " soins de ville "). Or, aucune
baisse du Z n'a été décidé en août 1999 pour
assurer le respect de cet accord ".
Source : CNAMTS
Par ailleurs, il est possible de douter de la pertinence des outils de
régulation aux mains des caisses. Les professions de santé ne
voient déjà qu'un seul outil : la lettre clef flottante de
20 %. En effet, il n'existe pas dans le dispositif proposé par le
Gouvernement de règlement minimal qui s'imposerait aux partenaires en
cas d'échec des négociations. Les débats seront donc
biaisés, les professionnels de santé ne sachant pas à quoi
s'attendre en cas d'échec.
Un système législatif qui aboutirait à ce que les
lettres-clefs des professions de santé voient leur valeur
automatiquement ajustée pour tenir l'objectif des dépenses a deux
inconvénients majeurs. Jamais négocié, il conduit à
des mouvements de refus, au moins sporadiques, des professionnels de
santé dont pâtissent les assurés sociaux. Aboutissant
à des modifications arithmétiques de la lettre-clé, il
serait une source d'embarras et d'incertitude pour les assurés, pour
tous les actes dont le prix est " mémorisé " (on voit
mal la consultation passer de 115 francs à 116,35 - puis 114,50...)
Ces inconvénients ne pourraient être levés que par une
généralisation du tiers-payant, un tiers-payant concernant
à la fois la part obligatoire et complémentaire, et supposait
d'avoir réglé la question des médecins secteur 2.
Il est également très contestable de créer un nouvel outil
de référence avec l'objectif de dépenses
déléguées qui entretiendra des rapports complexes avec les
autres enveloppes existantes comme l'ONDAM soins de ville ou les
dépenses médicales. Il ne résoudra d'ailleurs pas la
question des prescriptions hospitalières, sur lesquelles les caisses
n'ont aucun moyen de contrôle alors que ces dépenses feront partie
de l'objectif des dépenses déléguées.
Fondamentalement,
ce n'est pas en morcelant les responsabilités que
l'on pourra réaliser les choix que l'évolution de la
société impose pourtant :
en raisonnant en enveloppes et
en sous-enveloppes non fongibles les unes entre elles, comment fera-t-on pour
décider des stratégies d'avenir consistant à mieux prendre
en charge certaines pathologies ou certains mode de traitement, et à
l'inverse à ne plus prendre en charge des pratiques révolues, des
spécialités superflues ou trop coûteuses ? Ces choix
répondent à des exigences sanitaires et ont des
conséquences économiques. Le morcellement ne peut conduire
qu'à un raisonnement appuyé sur l'évolution de chaque
ligne de dépenses et non pas à des remises en cause profondes.
Avec de pareils modes de régulation, on persiste dans l'évolution
actuelle : une société qui dépense de plus en plus,
prend en charge de plus en plus, et pourtant rembourse moins, ne rembourse pas
ou mal les besoins nouveaux. La France consacre sur 1997 / 2000 60 milliards de
francs de plus à l'ONDAM et en même temps n'adapte pas son
système de soins (des professions aux établissements, en passant
par les spécialités) aux changements du temps.
En conclusion, votre rapporteur pour avis ne peut que se montrer critique
envers un dispositif qui loin de nourrir la négociation risque de la
paralyser, loin de mieux adapter les dépenses risque de les figer, loin
de faire évoluer les système de soins risque de l'éloigner
davantage des besoins des Français.
C. LES NOUVEAUX MODES DE RÉGULATION SPÉCIALISÉS
Le projet de loi de financement instaure quatre nouveaux mécanismes de régulation des dépenses d'assurance maladie : pour les dispositifs médicaux à usage personnel, à l'article 23, les arrêts de travail et les prescriptions de transport, à l'article 18, les dépenses du secteur médico-social, à l'article 25, et les prestations d'un niveau trop important, à l'article 19.
1. Le tarif de prise en charge des dispositifs médicaux à usage individuel (article 23)
Le
mécanisme actuel de régulation des dépenses de dispositifs
médicaux à usage individuel passe aujourd'hui par le tarif
interministériel des prestations sanitaires (TIPS) défini
à l'article L. 162-7 du code de la sécurité sociale. Il
couvre ainsi toutes les dépenses de petits appareillages, d'accessoires,
de pansements, etc. Ce mécanisme n'a pas donné toute satisfaction
puisque la commission des comptes de la sécurité sociale a
attiré l'attention en septembre 1999 sur la forte hausse des
dépenses prises en charge à ce titre par le régime
général : elles sont passées de 775 millions de
francs en avril 1998 à 900 millions de francs en avril 1999. En 1998, la
CNAMTS a remboursé 9,8 milliards de francs au titre du TIPS. Il convient
néanmoins de relativiser ces chiffres, l'année 1999 ayant vu un
changement de périmètre avec l'intégration au TIPS des
prestations de l'Antadir (insuffisance respiratoire) auparavant incluses dans
l'objectif quantifié national des cliniques privées. La hausse
n'en reste pas moins forte.
A cette progression des dépenses s'ajoutent plusieurs dysfonctionnements
qui justifient une remise à plat du TIPS : cohabitation de
remboursement à tarif de responsabilité et prix libre, et de prix
imposés, procédure d'admission au remboursement complexe et peu
satisfaisante, remboursement de biens médicaux non inscrits
explicitement, etc.
Le Gouvernement a souhaité revoir la régulation tarifaire et y
adjoindre un double souci de cohérence vis-à-vis des
procédures existantes en matière de produits de santé et
plus particulièrement de médicaments ; comme
vis-à-vis des exigences croissantes de sécurité sanitaire.
Le nouveau dispositif sépare donc deux phases. La première
renvoie à l'évaluation du dispositif avant sa commercialisation.
Elle sera aux mains de l'Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé. Puis vient la phase économique
de l'admission au remboursement, aux mains du Comité économique
du médicament dénommé désormais Comité
économique des produits de santé. Ce dernier négociera
avec les professionnels les tarifs de remboursement et les prix des produits.
L'article 23 du projet de loi de financement lui donne des outils de
régulation par le pouvoir de signer des conventions avec les
professionnels. Par ailleurs, il pourra appliquer l'évaluation du
service médical rendu de la même manière que pour les
spécialités pharmaceutiques. Enfin, l'article prévoit que
le ministre peut se substituer au Comité économique et aux
professionnels pour la fixation du prix en cas d'échec des
négociations.
Il existe quelques différences avec les médicaments : le
Comité économique propose le prix au ministre qui décide
au bout du compte ; les délais de conventions ne sont pas
identiques ; les procédures de remise ne sont pas
détaillées ; est créé un système de
déclaration du chiffre d'affaires et de suivi des dépenses trois
fois par an.
Votre rapporteur pour avis se félicite que la régulation se porte
sur un secteur où de nombreux abus ont été
dénoncés et qui n'était pas satisfaisant. Il regrette
néanmoins que le souci de cohérence n'ait pas été
poussé à son terme qui aurait du conduire à une
assimilation des dispositifs médicaux à usage individuels aux
procédures appliquées pour les médicaments. Par ailleurs,
il regrette qu'une fois encore la régulation de dépenses
pourtant supportées par les régimes obligatoires d'assurance
maladie leur échappe.
2. L'encadrement des dépenses d'indemnités journalières et des frais de transport (article 18)
La
commission des comptes de la sécurité sociale a
dénoncé dans son rapport de septembre 1999 l'augmentation forte
et continue des dépenses engagées au titre de la prise en charge
des indemnités journalières maladie et des frais de transport.
Dépenses d'indemnités journalières de la branche
maladie du régime général
(en milliards de francs)
1997 |
1998 |
1997/1998 |
1999 |
1998/1999 |
23,21 |
24,74 |
+ 6,6 % |
26,15 |
+ 5,7 % |
Il
convient de relativiser une partie de la hausse en matière
d'indemnités journalières par la reprise économique et sa
conséquence sur l'évolution de la masse salariale : se
cumulent donc un effet prix et un effet volume. Cependant, le besoin de
l'instauration d'une régulation n'est guère discutable et faisait
partie des recommandations de la CNAMTS dans son plan stratégique.
Le nouveau dispositif étend au régime général ce
qui existe déjà pour les régimes d'assurance maladie des
travailleurs indépendants : la motivation de l'acte d'arrêt
de travail par le praticien prescripteur. Les médecins devront
désormais indiquer les
" éléments d'ordre
médical justifiant l'interruption de travail "
ainsi que, pour
les prescription de transport,
" les éléments d'ordre
médical précisant le motif du déplacement et justifiant le
mode de transport prescrit "
. Ces indications, couvertes par le secret
médical, sont bien entendu destinées au service du contrôle
médical des caisses. Par ailleurs, le médecin doit indiquer les
éléments permettant son identification.
Votre rapporteur pour avis se satisfait de cette mesure de nature à
éviter les abus et à donner aux prescripteurs des moyens de
résister aux demandes pressantes de nombreux patients en matière
d'arrêts de travail.
3. Contrôle des assurés ayant un niveau de prescriptions trop élevé (article 19)
Tous les
rapports sur la sécurité sociale et l'assurance maladie ont
dénoncé la possibilité qu'offre le système
français pour un assuré de multiplier les consultations
médicales, assorties à chaque fois de prescriptions, aux frais de
l'assurance maladie. Pour cette raison a été créé
le ticket modérateur, ont été faits les essais de carnet
de santé, a été proposée la carte vitale 2 qui
contiendra des informations à caractère médical.
En attendant cette dernière innovation technique, l'article 19 du projet
de loi de financement crée la possibilité pour le contrôle
médical de convoquer un patient ayant bénéficié de
remboursements trop importants afin de procéder à une
" évaluation de l'intérêt thérapeutique,
compte tenu de leur importance, de soins "
dispensés en dehors
des affections de longue durée.
Votre rapporteur pour avis est favorable à une telle mesure qui a un
intérêt médical (éviter les contre-indications de
l'interaction de plusieurs prescriptions) et économique (limiter le
" nomadisme médical ").
Il regrette cependant que le nouvel
article 19 soit muet sur les sanctions encourues par le
patient en cas
de non parution à la convocation et de constatation d'abus
caractérisés. Un mécanisme de contrôle sans sanction
risque ainsi de se transformer en voeu pieux
.
4. Respect des objectifs de dépenses par les établissements et services médico-sociaux (article 25)
Le secteur médico-social connaît une très forte progression de ses dépenses depuis 1997, qu'accentue le taux de 4,9 % retenu pour leur objectif d'évolution pour 2000 :
Dépenses du secteur médico-social comprises dans le champ de l'ONDAM
(en milliards de francs)
Dépenses 1997 |
Dépenses 1998 |
Variation 1997/1998 |
Dépenses 1999 |
Variation 1998/1999 |
Prévisions 2000 |
Variation 1999/2000 |
40,4 |
43 |
+ 6,4 % |
44,7 |
+ 4% |
46,9 |
+ 4,9 % |
Depuis 1997, ce secteur a multiplié également les dépassements par rapport à l'objectif inscrit dans l'ONDAM en loi de financement de la sécurité sociale :
Les dépassements du secteur médico-social
Dépenses 1997 / objectif 1997 |
Dépenses 1998 / objectif 1998 |
Dépenses 1999 / objectif 1999 |
+ 200 millions de francs |
+ 1,5 milliard de francs |
+ 800 millions de francs |
De plus,
ces dépenses font l'objet d'une très lourde inertie. Pour 1999,
99,4 % de celles consacrées aux handicapés et 99 % de celles
consacrées aux personnes âgées étaient
systématiquement reconduites.
Les dépenses de ce secteur font l'objet depuis la loi de financement
pour la sécurité sociale pour 1999 d'un mécanisme de
régulation par le système de l'enveloppe opposable. La
régulation se fait donc
a posteriori
au vu de la comparaison des
résultats de l'exercice par rapport à l'ONDAM. Une partie de ces
dépenses pèse sur les départements qui ont la charge des
structures pour adultes handicapés et personnes âgées.
Cette enveloppe nationale est répartie entre régions puis entre
départements par les préfets de région selon le
système de la dotation globale, du prix de journée et des
forfaits de soins. Le préfet notifie ainsi avec le budget le montant du
prix de journée et des forfaits qui seront admis au remboursement de
l'assurance maladie. Il peut refuser à un établissement son
habilitation pour recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou
l'autorisation de délivrer des soins remboursables.
Ce refus se fonde sur les conséquences des coûts de fonctionnement
pour les charges de l'Etat, des départements ou des organismes sociaux.
Ce dernier mécanisme ayant été supprimé par une
erreur de rédaction de l'article 52 de la loi portant création
d'une couverture maladie universelle, il était indispensable de le
réintroduire dans le code de la sécurité sociale.
Votre rapporteur pour avis rappelle à ce propos que la procédure
d'urgence - appliquée au projet de loi portant création d'une
couverture maladie universelle - ayant pour conséquence de limiter les
délais d'examen des textes par le Parlement favorise certainement ces
erreurs préjudiciables à la sécurité juridique et
à l'image de l'Etat.
Par ailleurs, tout en se réjouissant qu'un effort particulier soit
fait en faveur de ce secteur dans la loi de financement pour 2000
déplore qu'aucune mesure ne vienne sanctionner le dépassement
systématique des dépenses prévues pour ce secteur dans
l'ONDAM.
D. LA FAUSSE NÉGOCIATION DE LA POLITIQUE DU MÉDICAMENT
1. La nouvelle politique du médicament
a) La réforme de la politique du médicament (article 22bis)
Le
Gouvernement a entamé une nouvelle politique du médicament
orientée autour de trois axes.
Le premier est l'extension de l'usage des médicaments
génériques. Les pharmaciens ont reçu le pouvoir de
substitution, la profession s'étant engagée à
réaliser d'importants efforts pour obtenir une économie
substantielle dès la première année. Ceci s'est
accompagné de mesures techniques en faveur des génériques.
L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa
commission des finances, un article 22 bis permettant de faciliter
l'arrivée en officine des médicaments génériques.
Il s'agit de permettre le dépôt d'une demande d'autorisation de
mise sur le marché (AMM) pour une spécialité dont le
brevet n'est pas encore tombé dans le domaine public. Grâce
à cette mesure, un médicament générique pourra
être mis sur le marché dès la fin de l'interdiction
d'exploitation commerciale.
Votre rapporteur pour avis approuve cette clarification juridique en regrettant
qu'elle n'aborde pas la question des essais cliniques préalables
à l'AMM, eux aussi interdits et générateurs de
délais ou de délocalisations de ces expérimentations hors
de France.
Le second axe constitue en la révision du service médical rendu.
Sous l'égide du Comité économique du médicament,
l'ensemble des spécialités sera désormais
réexaminé au regard du service médical rendu par chacune.
Défini par décret
53(
*
)
, le service
médical rendu s'apprécie en tenant compte de
" l'efficacité et des effets indésirables du
médicament, de sa place dans la stratégie thérapeutique,
notamment au regard des autres thérapies disponibles, de la
gravité de l'affection à laquelle il est destiné, du
caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement
médicamenteux et de son intérêt pour la santé
publique ".
L'inscription sur la liste est valable cinq ans (et non plus trois ans),
renouvelable dès lors que le SMR reste suffisant compte tenu des
nouveaux médicaments apparus sur le marché. En revanche, ne
pourront être inscrits sur la liste, les médicaments ne
répondant pas aux critères du SMR et ceux qui sont notamment
" susceptibles d'entraîner des hausses de consommation ou des
dépenses injustifiées ". Les modalités de
remboursement des médicaments seront modifiées en
conséquence.
Ainsi, les médicaments dont le SMR n'a pas été
classé
" comme majeur ou important "
seront
remboursés à 35 % à l'instar des médicaments dit de
confort.
Une première révision a concerné environ 1100
spécialités remboursées soit un chiffre d'affaires de 28,5
milliards de francs. Les premiers résultats pourraient déboucher
sur un moindre remboursement de certaines d'entre elles.
Le troisième axe est l'accord signé avec le Syndicat national de
l'industrie pharmaceutique en juillet 1999 qui fixe le cadre global des
relations Etat / entreprises jusqu'en 2002. Il prévoit notamment une
régulation par classe médicamenteuse. De plus, les
négociations menées entre chaque laboratoire et l'Etat permettent
de revoir leur politique de prix dans un horizon pluriannuel.
b) Les effets contrastés de cette nouvelle politique
Votre
rapporteur pour avis ne peut que se féliciter des nouveaux axes de la
politique du médicament.
S'agissant des médicaments génériques, il ne peut que
répéter que favorable au droit de substitution, il estime
cependant que leur vrai développement doit passer par une
démarche volontaire des prescripteurs.
S'agissant du nouveau mode de remboursement selon le service médical
rendu, voter rapporteur pour avis reconnaît que ce nouveau système
présente une certaine logique. Cependant, il tient à exprimer
plusieurs remarques. Certes le rapport de la commission des comptes de la
sécurité sociale justifie l'utilité apparente de cette
baisse du taux de remboursement par l'évolution contrastée de la
consommation de médicaments selon le taux de remboursement :
Croissance de la dépense remboursée de
médicaments
du Régime général risque maladie (en %)
|
1998 |
1 er semestre 1999 |
Prévision 1999 |
Médicaments remboursés à 35 % |
+ 2,25 |
+ 0,55 |
+ 1 |
Médicaments remboursés à 65 % |
+ 6,15 |
+ 3,79 |
+ 4,2 |
Médicaments remboursés à 100 % |
+ 11,15 |
+ 7,40 |
+ 8 |
Total des remboursements de médicaments |
+ 8,11 |
+ 5,19 |
+ 5,7 |
Source : Commission des comptes de la
sécurité
sociale
Les conséquences de l'évaluation du service médical rendu
seront très probablement de diminuer le taux de remboursement pour de
nombreux médicaments. Cependant, cette diminution sera-t-elle vraiment
porteuse d'économies ? Il est permis d'en douter quand la
majorité de la population bénéficie d'une couverture
complète, ce qu'a parachevé la couverture maladie universelle. De
plus, cela va favoriser la tendance au déremboursement.
Votre rapporteur pour avis tient à exprimer sa vive inquiétude
sur le comportement de certains laboratoires qui préfèrent ne pas
demander l'admission au remboursement de certaines spécialités
particulièrement innovantes. Il est plus intéressant pour eux de
pouvoir fixer librement leur prix plutôt que d'intégrer un
système conventionnel qui les contraindrait.
La politique conduisant
à baisser le taux de remboursement n'est donc ni courageuse ni porteuse
d'économies. Elle risque plutôt d'augmenter l'exclusion des soins
en réservant certaines innovations thérapeutiques à ceux
qui pourront se passer d'un remboursement. Or l'avenir devrait apporter de
nombreuses innovations : il faudra bien créer le cadre
réglementaire permettant d'accueillir au remboursement ces innovations
thérapeutiques majeures.
Par ailleurs, la baisse du taux de remboursement, voire le
déremboursement de médicaments à faible efficacité
médicale mais qui peuvent avoir un fort effet
placebo
risque de
reporter les malades vers des spécialités plus coûteuses
pour l'assurance maladie.
Une nouvelle fois, cet exemple illustre bien le paradoxe de notre
société qui consacre toujours plus de sommes à la prise en
charge des dépenses de santé mais ne se met pas en mesure de
couvrir les nouveaux besoins des malades ni d'assurer une certaine
prévention.
S'agissant de la politique conventionnelle, votre rapporteur pour avis ne
peut que se réjouir d'avoir été entendu du Gouvernement
puisqu'il appelait de ses voeux dans son avis sur la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 une négociation conventionnelle
qui permette de soustraire les laboratoires à la contribution
automatique en cas de hausse des dépenses de médicament. Il
répète que les accords lui paraissent plus que jamais
préférables aux impositions et autres mesures fiscales qui ne
sont souvent que des sanctions
a posteriori,
et que ce projet de loi de
financement vient renforcer.
2. ... n'empêche pas de créer une nouvelle contribution, fruit de deux annulations (article 22)...
a) Les annulations du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat
L'article 22 du projet de loi de financement crée une
nouvelle contribution sur le chiffre d'affaire des laboratoires pharmaceutiques
réalisé en 1999 au titre des spécialités
pharmaceutiques remboursables et agréées à l'usage des
collectivités. Elle est exigible le 1
er
septembre.
Cette contribution fait suite à l'histoire émaillée de
contentieux de celle créée à l'article 12 de l'ordonnance
n° 96-51 du 24 janvier 1996 instituant trois prélèvements
à la charge de l'industrie pharmaceutique.
Le premier était assis sur les frais de prospection et d'information,
avec un taux de 5,7% ; cette contribution a rapporté 596 millions
de francs.
Le second concernait l'accroissement du chiffre d'affaire entre 1994 et 1995,
les taux variant selon un barème précis ; il a
rapporté 725 millions de francs.
Le troisième était assis sur le chiffre d'affaire au titre des
spécialités pharmaceutiques remboursables et
agréées, déduction faite des dépenses de recherche
exposées en France. Il a rapporté 1,179 milliard de francs qui
ont été recouvrés. Plusieurs laboratoires ont
attaqué pour excès de pouvoir cette contribution devant le
Conseil d'Etat. Celui-ci a décidé de surseoir à statuer
dans l'attente de la réponse de la Cour de justice des
Communautés européennes (CJCE) sur une question
préjudicielle relative à la compatibilité de cette
contribution avec le droit communautaire.
La CJCE s'est prononcée le 8 juillet 1999 et a déclaré la
non conformité de la contribution au droit communautaire. Le Conseil
d'Etat a tiré les conséquences de cette décision et, dans
un arrêt du 15 octobre 1999, a conclu à l'annulation de la
contribution instaurée par le III de l'article 12 de l'ordonnance du 24
janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement
financier de la sécurité sociale :
" considérant qu'il découle de l'interprétation
donnée par la Cour de justice des communautés européennes
dans son arrêt du 8 juillet 1999 qu'une telle contribution instaure une
inégalité de traitement susceptible de défavoriser les
entreprises ayant leur siège principal dans d'autres Etats membres et
opérant en France par le biais d'établissements secondaires,
dès lors qu'il apparaît que ce sont plus particulièrement
celles-ci qui développent leur activité de recherche hors de
France ; que cette inégalité de traitement n'est pas
justifiée au regard des stipulations du Traité instituant la
Communauté européenne sur la liberté
d'établissement ; qu'ainsi les dispositions du III de l'article 12
de l'ordonnance du 24 janvier 1996 méconnaissent les articles 52 et 28
du Traité instituant la Communauté européenne. "
L'arrêt de la CJCE du 8 juillet 1999
" 21. En conséquence, il convient de
répondre
à la première question que les articles 52 et 58 du traité
s'opposent à une réglementation d'un État membre qui,
d'une part, frappe les entreprises établies dans ce dernier et y
assurant l'exploitation de spécialités pharmaceutiques d'une
contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires hors taxes
réalisé par celles-ci au titre de certaines de ces
spécialités pharmaceutiques lors du dernier exercice d'imposition
écoulé avant la date d'adoption de cette réglementation
et, d'autre part, ne permet à ces entreprises de déduire de
l'assiette de cette contribution que les dépenses engagées au
cours du même exercice d'imposition et afférentes aux seules
opérations de recherche réalisées dans l'État
d'imposition, lorsqu'elle s'applique à des entreprises communautaires
opérant dans cet État par le biais d'un établissement
secondaire. "
Déjà dans la loi de financement de la
sécuritésociale pour 1999, le Gouvernement avait anticipé
sur une probable annulation par le Conseil d'Etat. Il avait alors prévu
à l'article 10 un dispositif créant une nouvelle contribution,
à titre rétroactif, dont les modalités techniques
prenaient en compte les arguments des laboratoires pharmaceutiques :
était supprimée la possibilité de déduction des
charges comptabilisées au titre des dépenses de recherche
réalisées en France, et en conséquence élargie
l'assiette et abaissé le taux (à 1,74 %).
Le Conseil constitutionnel a censuré cet article de la loi de
financement dans sa décision 98-404 DC du 18 décembre 1998.
L'imposition rétroactive n'est en effet permise que pour un motif
d'intérêt général suffisant. Or, le Conseil a
estimé que l'annulation d'une contribution par une décision de
justice ne constituait pas cet intérêt général
suffisant.
La décision du Conseil constitutionnel
" Sur l'article 10 :
Considérant que cet article modifie le mode de calcul d'une
contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises assurant
l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques, au
profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs
salariés, par le III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996
susvisée relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement
de l'équilibre financier de la sécurité sociale ; qu'en
vertu de cette disposition, l'assiette de la contribution, définie comme
le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France, au titre des
spécialités remboursables, par les entreprises redevables, entre
le 1er janvier et le 31 décembre 1995, pouvait être minorée
des charges comptabilisées au cours de la même période au
titre des dépenses de recherche réalisées en France ;
Considérant que l'article 10 a pour objet de supprimer cette
possibilité de déduction ; qu'en conséquence de
l'élargissement de l'assiette de la contribution qui en résulte,
son taux est abaissé à 1,47 % ; que les sommes dues par les
entreprises en application de ce dispositif seront imputées sur les
sommes acquittées en 1996, l'Agence centrale des organismes de
sécurité sociale étant chargée, selon le cas, de
recouvrer ou de reverser le solde résultant du nouveau mode de calcul de
la contribution ;
Considérant que les auteurs des deux requêtes critiquent le
caractère rétroactif de cet article, qui, selon les
députés, " va bien au-delà des textes habituels en
matière de rétroactivité fiscale ", puisqu'il "
modifie l'assiette d'un impôt déjà versé par les
sociétés, et bouleverse une situation déjà
soldée " ; que cette disposition méconnaîtrait les
exigences constitutionnelles relatives aux validations législatives et
à la rétroactivité des lois fiscales ; qu'elle serait
contraire aux principes de sécurité juridique et de confiance
légitime garantis selon eux par les articles 2 et 16 de la
Déclaration de 1789, au principe de consentement à l'impôt
garanti par l'article 14 de la même Déclaration, ainsi qu'au
principe d'annualité de la loi de financement de la
sécurité sociale ; que les sénateurs ajoutent que "
l'importance des conséquences financières de l'article 10, pour
de nombreux laboratoires français, évaluée à 66
millions de francs, n'apparaît pas proportionnée par rapport au
risque d'annulation contentieuse de l'ordonnance " du 24 janvier 1996 ;
qu'il est également fait grief à cet article d'être
entaché d'incompétence négative ; que l'article 10
violerait en outre le principe d'égalité devant les charges
publiques en raison des modifications intervenues depuis 1996 dans l'industrie
pharmaceutique, certaines entreprises ayant pu disparaître, notamment par
l'effet de fusions ou d'absorptions ;
Considérant que le principe de non-rétroactivité des
lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière
répressive ; que, néanmoins, si le législateur a la
faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne
peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt
général suffisant et sous réserve de ne pas priver de
garanties légales des exigences constitutionnelles ;
Considérant que la disposition critiquée aurait pour
conséquence de majorer, pour un nombre significatif d'entreprises, une
contribution qui n'était due qu'au titre de l'exercice 1995 et a
été recouvrée au cours de l'exercice 1996 ;
Considérant que le souci de prévenir les conséquences
financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul
de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif
d'intérêt général suffisant pour modifier
rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement
d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel,
qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est
loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives
de nature à remédier aux dites conséquences ; que,
dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs,
l'article 10 doit être déclaré contraire à la
Constitution
; "
b) Le nouveau dispositif
Le
Gouvernement propose donc, pour éviter à l'assurance maladie de
rembourser les 1,2 milliard de francs de réaliser une nouvelle
imposition qui a explicitement pour fonction de procurer une ressource
équivalente :
" afin de neutraliser les conséquences
financières d'une annulation sur les comptes de l'assurance maladie, il
est proposé de créer une contribution exceptionnelle à la
charge des laboratoires pharmaceutiques, destinée au financement de la
CNAMTS. Le produit global de cette contribution sera strictement
équivalent aux sommes remboursées du fait de
l'annulation. "
L'article 22 définit la nouvelle taxe. En seront redevables les
entreprises pharmaceutiques visées par l'article L. 596 du code de la
santé publique : les établissements français et
étrangers fabriquant, important, exploitant, distribuant en gros des
spécialités pharmaceutiques en France. En sont
exonérées les entreprises réalisant un chiffre d'affaire
inférieur à 100 millions de francs, sauf s'il s'agit d'une
filiale dépendant à 50 % au moins d'une entreprise assujettie. Le
taux de la contribution variera entre 1,2 % et 1,3 % pour que le produit
corresponde exactement à celui qui a été annulé.
L'assiette est constituée du chiffre d'affaires hors taxe de 1999 au
titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et
agréées, sans exonération pour les dépenses de
recherche. Elle devrait donc rapporter 1,2 milliard de francs.
c) Une méthode condamnable pour une validation discutable
(1) La nouvelle contribution n'est pas claire et sera porteuse d'inégalités
La
nouvelle contribution intervient alors que rien n'est prévu encore pour
le remboursement de celle qui a été annulée par
l'arrêt du Conseil d'Etat. du 15 octobre 1999.
Certaines entreprises, qui ont vu leur chiffre d'affaires augmenter
sensiblement de 1995 à 1999 verront le montant de leur contribution
dépasser de façon substantielle celui du remboursement.
De plus, les entreprises qui en seront redevables ne correspondent pas
exactement avec celles qui avaient acquitté la précédente.
En effet, l'article 10 reprend la même condition d'exonération au
seuil de 100 millions de francs. Cependant l'année de
référence ayant changé (1999 et non plus 1995), certaines
entreprises se retrouveront assujetties, qui n'avaient pas acquitté la
première contribution, et d'autres ne le seront plus alors qu'elles
bénéficieront du remboursement. Ceci apparaît d'autant plus
injuste que si la contribution instituée en 1995 l'avait
été dans des conditions légales, ces entreprises
n'auraient pas été aujourd'hui redevables de la nouvelle
contribution.
(2) Il s'agit d'une forme de validation législative
Votre
commission des finances s'oppose en principe à toute validation
législative, quelle qu'en soit la forme. Or
on peut
légitimement s'interroger sur le caractère de validation
législative de cet article 22
.
En effet, dans son exposé des motifs, le Gouvernement reconnaît
lui-même que la contribution a pour but de neutraliser les effets
financiers de l'annulation par le Conseil d'Etat de la contribution de 1996. Le
rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale pour l'assurance maladie et les accidents du
travail, Monsieur Claude Evin, la caractérise de
" contribution
exceptionnelle à vocation compensatrice "
. Le rapporteur pour
avis de la commission des finances, Monsieur Jérôme Cahuzac,
remarque quant à lui que
" cette contribution présente
des caractéristiques communes avec celle qui avait été
instaurée en 1996 puis `reconstituée' en 1999 "
,
à savoir son bénéficiaire (la CNAMTS), ses redevables
(industrie pharmaceutique), son assiette (chiffre d'affaires des
spécialités remboursables et agréées) et son
montant (1,2 milliard de francs).
L'année dernière, la commission des finances s'était fait
l'écho de ces réserves sur la contribution créée
par l'article 10 :
" votre rapporteur pour avis reste perplexe
à l'égard d'une disposition qui modifie rétroactivement
une contribution déjà perçue, dans le but de la valider
préventivement par rapport à une décision de justice
à venir "
54(
*
)
.
Cette année, votre rapporteur pour avis ne peut que se montrer
critique à l'égard d'une telle contribution
qui s'apparente
de toute évidence à une validation législative dont on
peut se demander si la raison (récupérer 1,2 milliard de
francs) sera apprécié comme un
" intérêt
général suffisant "
par le Conseil constitutionnel, et
dont les modalités, qui restent critiquables, seront
appréciées à leur juste valeur par la CJCE.
Il convient cependant de rappeler que cette contribution avait
été créée pour sanctionner la très forte
augmentation des dépenses de médicament en 1994 et 1995. La
supprimer totalement signifierait ainsi revenir sur cette sanction ce qui ne
lui paraît pas non plus souhaitable.
3. ...et de relever le seuil de la contribution exceptionnelle des laboratoires (article 21)
L'article 31 de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 avait créé une clause permanente de sauvegarde
applicable aux entreprises n'ayant pas passé convention avec le
comité économique du médicament. Elles doivent donc verser
une contribution à partir du moment où leur chiffre d'affaires
hors taxe réalisé en France au titre des
spécialités remboursables et agréées à
l'usage des collectivités s'est accru par rapport à
l'année précédente davantage que l'ONDAM.
Cette contribution rapportera en 2000 un montant évalué entre
500 millions de francs et un milliard de francs, la marge d'erreur
( !) dépendant du taux réel de dépassement de
l'ONDAM. La loi a fixé une répartition de la taxe selon trois
critères :
• le niveau brut du chiffre d'affaires pour 30% ;
• la progression du chiffre d'affaires pour 40% ;
• les frais de publicité pour 30%.
Son taux varie ainsi en fonction de ces différents critères.
Votre rapporteur pour avis avait fortement critiqué la création
de cette contribution :
" Fondamentalement, il n'apparaît
pas justifié de fixer un taux de progression des dépenses de
médicaments identique à l'ONDAM. La découverte de
nouvelles molécules et l'évolution des pratiques médicales
tendent, structurellement, à accroître la part du
médicament et à réduire celle de l'hospitalisation.
L'accroissement des dépenses de médicaments peut donc
légitimement être plus rapide que celui des dépenses de
santé, à condition de profiter aux médicaments
réellement actifs et innovants. "
De plus, cette contribution se déclenche même lorsque l'ONDAM est
respecté globalement dès lors que les dépenses de
médicament augmentent plus vite. La base décourage les efforts
d'innovation puisque les nouveaux produits, plus chers, viennent augmenter le
chiffre d'affaires. Votre rapporteur pour avis est donc favorable à la
politique conventionnelle et considère cette contribution comme
inefficace et injustifiée économiquement, sinon pour contraindre
à la passation d'accords.
L'article 20 du présent projet de loi de financement tire les
conséquences du nouveau mode de calcul de l'ONDAM. Retenir
l'évolution entre l'objectif 1999 et l'objectif 2000 aurait
élevé le seuil de déclenchement à 4,5 % au lieu des
2,5 % qui seraient la conséquence normale de la décision de
changer le mode de calcul. En fait, le Gouvernement accentue le
caractère arbitraire de cette contribution en retenant le taux de 2 %
qui n'a aucun lien avec l'ONDAM.
Votre rapporteur pour avis réitère sa condamnation de cette
contribution et en dénonce le taux arbitraire pour 2000 qui va à
l'encontre de la politique conventionnelle pourtant affichée par le
Gouvernement.
E. LA TENTATIVE DE RÉFORME DE L'HOSPITALISATION PRIVÉE : LA QUESTION OUVERTE DE L'HOSPITALISATION PUBLIQUE
L'hospitalisation n'est présente dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qu'au travers de l'article 24 qui inaugure une réforme du mode de régulation applicable aux cliniques privées.
1. Le vide de la politique hospitalière
Les
différents aspects de la politique hospitalière du Gouvernement
laissent rêveur devant le vide dont elle fait l'objet.
L'accréditation a commencé en 1999 avec seulement
40 établissements engagés. Ceux-ci suivent dans une
démarche volontaire les recommandations du manuel définitif que
l'ANAES a publié seulement à la fin du premier semestre de
l'année. Pour 2000, 200 établissements devraient entamer la
procédure : évaluation, amélioration de la
qualité, de l'organisation, de l'hygiène, de la satisfaction des
patients, de mise en place de bonnes pratiques cliniques et de
références. L'objectif de 1996 était d'avoir
accrédité l'ensemble des établissements d'ici à la
fin de 2001. Votre rapporteur craint ainsi que l'objectif ne puisse être
atteint.
Par ailleurs, l'accréditation paraît avoir surtout concerné
les bâtiments et les normes de sécurité, plus que les
éléments directement liés à la santé et aux
pratiques médicales.
La politique hospitalière brille par son absence et ses inconnues.
La première inconnue est la politique régionale. Le Parlement ne
connaît ni des schémas régionaux d'organisation sanitaire
ni des dotations hospitalières, ni, ce qui est plus grave, des
interactions entre ces deux informations. La carte des disparités
régionales est pourtant éloquente et votre rapporteur pour avis
ne peut que déplorer ce manque d'information qui ramène
l'autorisation parlementaire a un chèque en blanc.
La réforme de la pathologie constitue une seconde grande inconnue.
L'ensemble de la profession hospitalière réclame une telle
réforme. La loi sur la couverture maladie universelle a ouvert la voie
à des expérimentations de tarification par pathologie, ce dont
votre rapporteur pour avis ne pourrait que se réjouir si ces initiatives
avaient vraiment commencé.
Or force est de constater que la loi de financement est muette sur ce point. De
nombreux préalables sont en effet nécessaires comme la
réforme des systèmes d'information, afin de disposer de
données fiables et surtout comparables entre cliniques et
hôpitaux. Le PMSI, le point ISA, les pondérations pour recherche
et enseignement, autant d'instruments qui paraissent atteindre leurs limites et
pour lesquels il aurait été important que le projet de loi de
financement propose des évolutions.
a) L'inconnue de la politique régionale
(1) Les dotations régionales
Les dotations hospitalières ont été communiquées au début de l'examen en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000 à l'Assemblée empêchant les députés de se prononcer de façon attentive et nuisant fortement au travail de contrôle du Parlement. Leur lecture semble montrer une réduction des inégalités hospitalières par effet de rattrapage des régions les moins favorisées comme la Picardie.
Les
dotations régionalisées de dépenses hospitalières
pour 2000,
région par région (hors soins de longue
durée)
(en milliards de francs)
Région |
Dotations régionalisées |
Taux
d'évolution
|
Alsace |
9,17 |
2,46 |
Aquitaine |
12,05 |
2,27 |
Auvergne |
6,03 |
2,27 |
Bourgogne |
6,52 |
2,71 |
Bretagne |
13,37 |
2,39 |
Centre |
8,87 |
2,51 |
Champagne-Ardenne |
5,71 |
2,52 |
Corse |
1,03 |
2,10 |
Franche-Comté |
5,06 |
2,57 |
Ile-de-France |
59,43 |
1,25 |
Languedoc-Roussillon |
9,09 |
2,14 |
Limousin |
3,74 |
2,27 |
Lorraine |
11,96 |
2,33 |
Midi-Pyrénées |
10,60 |
1,84 |
Nord-Pas-de-Calais |
16,34 |
3,55 |
Basse-Normandie |
6,82 |
2,43 |
Haute-Normandie |
6,78 |
2,55 |
Pays de la Loire |
12,21 |
2,42 |
Picardie |
8,02 |
3,80 |
Poitou-Charentes |
6,52 |
3,78 |
Provence Alpes Côté d'Azur |
19,98 |
1,91 |
Rhône Alpes |
25,38 |
2,15 |
France Métropolitaine |
264,69 |
2,20 |
Guadeloupe |
1,67 |
3,85 |
Guyane |
0,69 |
3,87 |
Martinique |
2,14 |
3,81 |
Réunion |
2,50 |
3,90 |
DOM |
7,01 |
3,86 |
France entière |
271,69 |
2,24 |
Source : ministère de l'emploi et de la
solidarité.
Cependant le rapport de la Cour des comptes montre les limites fortes à
cette politique par dotation :
" il ne semble pas que la
méthode de répartition retenue par le ministère de
l'emploi et de la solidarité aboutisse à l'objectif
recherché c'est à dire à une réduction des
inégalités géographiques, qui tienne compte des besoins
sanitaires. Et, au sein des régions, les péréquations
entre établissements opérés par les ARH mènent
à des dotations qui dépendent de l'enveloppe régionale et
qui peuvent donc différer entre hôpitaux présentant des
coûts voisins mais situés dans des régions distinctes. Il
serait nécessaire de modifier l'ensemble des modalités de
répartition et de péréquation, en distinguant nettement ce
qui relève de l'offre de ce qui est relatif au coût. La
résorption des coûts dans les établissements où ils
sont manifestement excessifs (notamment l'AP-HP et plus
généralement l'Ile-de-france), devrait être explicitement
programmée sur plusieurs années. "
55(
*
)
.
Les indicateurs pour 1999 ont été : un indicateur de besoins
de soins tenant compte de la population, de ses caractéristiques et de
la part du secteur public ; un indicateur de performance avec le point
ISA ; un indicateur de flux entre les régions pour tenir compte des
transferts ; un indicateur de besoin de santé en liant taux de
mortalité et caractéristiques. Le principal reproche que l'on
peut faire à cette batterie de données est de s'appuyer sur des
volumes d'activité et non sur la valeur de cette activité. Comme
le note la Cour des comptes, cela ne permet pas de distinguer ce qui
relève de l'offre de ce qui relève de la performance, conduisant
à doter des régions considérées comme
sous-équipées alors qu'elles ne le sont peut-être pas tant
que cela. Enfin, la Cour regrette que les masses salariales ne soient pas
prises en compte, ce qui n'incite pas les établissements à
engager une politique de résorption de leurs sureffectifs qui
permettrait de s'engager sur la voie d'un rééquilibrage dans un
domaine où les inégalités sont le plus criantes.
(2) Les SROS 1999 / 2004
Les SROS
de nouvelle génération s'inscrivent dans le cadre des
priorités affichées par le Gouvernement : ouverture de
l'hôpital, lutte contre la douleur, personnes âgées, lutte
contre l'alcoolisme et le tabagisme, accompagnement des mourants,
sécurité sanitaire, réseaux de soins en
cancérologie et périnatalité. Chaque ARH a pu
également déterminer ses propres objectifs. Au total, les SROS
ont une large portée :
• améliorer le service sanitaire rendu à la population en
termes de qualité et de sécurité (par exemple pour les
urgences, la périnatalité, la cardiologie et les personnes
âgées) ;
• réduire les inégalités d'accès aux soins
(volet spécifique à la précarité, soins de suite et
réadaptation, cancérologie, réseaux) ;
• permettre le développement d'activité nouvelles ou
insuffisamment mises en oeuvre, comme les soins palliatifs ou la lutte contre
la douleur.
Sur le plan des restructurations, après la fermeture ou l'adaptation de
17 000 lits dans le cadre des premiers SROS 1994-1999, le Gouvernement
prévoit la suppression ou la reconversion de 24 000 lits d'ici
à 2004.
Votre rapporteur pour avis salue ces objectifs qui rejoignent ses propositions
anciennes. En revanche, il constate le décalage énorme entre ces
objectifs et les moyens mis en oeuvre.
Les fonds (FIMHO et FASMO) se mettent en place trop lentement et avec des
moyens en décalage avec les besoins (500 millions prévus pour les
deux en 2000 alors que la CNAMTS proposait dans son plan stratégique
5 milliards de francs par an). Par ailleurs, l'hôpital public
continue à bénéficier d'une forte augmentation de la
partie de l'ONDAM lui revenant (2,5 % selon le communiqué de presse sur
les SROS, 2,4 % selon les précédentes annonces). Comment penser
restructurer sans toucher aux sites et aux personnels ? Comment faire
mieux utiliser les dépenses hospitalières si on continue à
les faire progresser plus vite que la seule inflation ?
Sans ignorer que les réformes hospitalières ont un effet
financier très étalé dans le temps, votre rapporteur pour
avis estime que ces annonces de SROS aboutiront à la fois à
mécontenter (24 000 lits touchés) sans réellement
porter de fruits faute d'un affichage financier clair de maîtrise et de
réorientation des dépenses hospitalières.
b) Le poids croissant des dépenses de personnel
Il
convient de noter qu'une large partie des suppléments de dotations (2,4
% sur la réalisation de 1999 - 253,5 milliards de francs - soit 6
milliards de francs) serviront à prendre en charge les augmentations de
frais de personnel. Le prochain accord sur la CNRACL devrait ainsi
renchérir le coût des cotisations employeurs de la fonction
publique hospitalière de 365 millions de francs en 2000 (450
millions en tenant compte des établissements de long séjour et
médico-sociaux non compris dans le champ de dotations
hospitalières) et 900 millions de francs en 2001.
Par ailleurs, le simple jeu du glissement vieillesse technicité (GVT)
pour 2000 est estimé à 1,4 milliard de francs dans le champ de
l'ONDAM. L'application de l'accord salarial Zucarelli dans la fonction publique
hospitalière créera quant à lui un surcroît de
charge de 2,3 milliards de francs.
Au total, les frais de personnel
confisqueront plus de 68 % de la hausse de dotation pour 2000
. Cela
illustre une fois de plus les limites de toute politique hospitalière
qui ne prendrait pas en compte le poids des dépenses de personnel dans
la dotation. En plus, que signifie dans ce contexte contraint à
68 % par les dépenses de personnel la fière annonce du
Gouvernement qu'il déconcentrera 2,2 des 2,4 % de hausse ?
Coût des mesures de personnel pour les dépenses
hospitalières publiques
(en milliards de francs)
Total de la hausse des dotations hospitalières |
6 milliards de francs |
+ 2,4 % |
dont |
|
|
Accord Zucarrelli |
2,29 |
38,16 % |
GVT |
1,4 |
23,3 % |
CNRACL |
0,35 |
5,8 % |
Emplois jeunes |
0,05 |
0,9 % |
total personnel |
4,09 |
68,16 % |
Par ailleurs, le Gouvernement pourra d'autant moins faire l'économie d'une négociation sur la réduction du temps de travail dans le secteur hospitalier public que le secteur privé s'est engagé dans cette voie dans le cadre de la première loi sur les 35 heures. Cette négociation aura un coût sur lequel le projet de loi de financement, comme sur tant d'autres sujets, brille par son absence.
Application des 35 heures dans les établissements publics de santé
L'accord
salarial dans la fonction publique 1998-1999, qui concerne les personnels des
établissements publics de santé, reconnaît que
" la
situation des trois fonctions publiques au regard du temps de travail
présente une spécificité qui tient notamment à la
diversité extrême de la réglementation et des pratiques
ainsi qu'aux contraintes liées à la nature des missions de
service public auxquelles concourent les fonctionnaires "
. Il dispose
que
" la réflexion qui s'engagera sur le sujet... requiert une
approche nécessairement liée à l'organisation
administrative et à la qualité des services rendus à
l'usager "
et qu'en conséquence,
" il est
nécessaire de réaliser un état des lieux exhaustif de la
réglementation et des pratiques effectives concernant le temps de
travail ou les heures supplémentaires. "
Cette mission a été confiée à M. Jacques
ROCHÉ, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes,
qui a déposé son rapport en janvier 1999. La mission ROCHÉ
estime que l'application des 35 heures dans les hôpitaux publics
nécessite un délai d'au moins deux ans compte tenu d'une part des
conclusions que fait apparaître l'état des lieux et d'autre part,
des propositions à mettre en oeuvre.
L'état des lieux
Pour l'essentiel, il apparaît que :
- l'environnement réglementaire actuel s'avère inadapté et
qu'il n'a pas empêché, malgré un cadre en principe rigide,
une extrême diversité de situations développées par
accumulation de mesures ponctuelles ;
- la durée hebdomadaire du travail n'est plus qu'une
référence théorique tant les instruments de modulation
à la disposition des agents sont nombreux ;
- fautes de ligne directrice et d'un instrument de mesure uniforme, les
différentes affichées dans les durées de travail ne sont
pas lisibles et non justifiées ;
- les souplesse introduites dans l'aménagement du temps de travail n'ont
pas été suffisamment axées sur les besoins des
usagers ;
- la réduction et l'aménagement du temps de travail n'ont pas
été l'occasion d'une réflexion globale sur l'organisation
du travail.
Propositions à mettre en oeuvre
Elles découlent du constat :
- un préalable nécessaire : uniformiser, dans un cadre
législatif et réglementaire clair, la mesure du temps de travail
dans les trois fonctions publiques :
une unité de temps de travail commune l'heure
et un décompte du temps de travail commun l'année
- définir dans la réglementation la notion de durée
effective du travail ;
- assouplir et clarifier les instruments du temps de travail pour permettre un
meilleur fonctionnement des administrations :
généralisation des horaires variables, calés sur les
besoins des usagers,
introduction d'un compte épargne-temps,
refonte de la réglementation relative au travail à temps partiel.
Pour les mener à bien, il est suggéré la mise en place
d'un comité de pilotage et d'un observatoire au niveau national et de
cellules locales afin d'assurer une concertation élargie, absolument
indispensable (notamment avec les organisations syndicales).
Source : réponse au questionnaire de la commission des
finances.
c) Les fonds de modernisation sous-utilisés
Plusieurs fonds ont été mis en place depuis 1997
pour
accompagner la réforme hospitalière. On peut citer notamment le
Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO)
doté par la loi de finances pour 1998 de 500 millions de francs
d'autorisations de programme et 150 millions de francs de crédits de
paiement. Ce fonds subventionne, entre 20 et 50 %, des opérations de
modernisation ayant un caractère d'exemplarité, un effet
d'entraînement pour des actions rentables dans les trois ans et dans des
établissements dotés d'un projet d'établissement. Les
délais de décision du cabinet du ministre ont eu pour
conséquence de décourager nombre de bonnes volontés et il
faudra attendre juillet 1999 pour que les AP de 1998 soient consommées
à hauteur de 94 %
56(
*
)
. 46 dossiers ont
ainsi été retenus pour un montant moyen de participation de
l'Etat de 23 %.
En 1999, le FIMHO a reçu 250 millions de francs d'autorisations de
programme et 150 millions de francs de crédits de paiement. Cependant,
la Cour des comptes a constaté que de nombreux projets
présentés n'avaient pu être retenus pour cause de non
éligibilité. Ceci soulève la question du décalage
entre les besoins des établissements et les outils qui leur sont
proposés. En plus, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que
les ressources disponibles pour le FIMHO soient ainsi gelées ou pas
assez consommées.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a quant
à elle créé le Fonds d'accompagnement social pour la
modernisation des établissements de santé (FASMO). Ce fonds n'est
en réalité entré en fonctionnement qu'au 1
er
janvier 1999, plus d'un an après sa création. De plus, les aides
n'ont été définies que pour les personnels non
médicaux des établissements publics. Il s'agit :
• du financement du coût d'actions de conversion
professionnelle ;
• du remboursement aux établissements de la différence entre
la rémunération de l'agent recruté dans le cadre d'une
restructuration et celle d'un agent qui aurait été recruté
directement à un indice de début de carrière (une sorte de
prime à l'embauche) ;
• du versement d'une indemnité exceptionnelle d'aide à la
mobilité allant de 9 000 à 30 000 francs selon la situation
géographique et familiale ;
• d'une attribution d'une indemnité de départ volontaire (de
12 à 26 mois de traitement en fonction de l'ancienneté et du
niveau hiérarchique dans la limite de 300 000 F) ;
• d'une prise en charge des coûts de fonctionnement induits par la
mise en place de cellules d'accompagnement social dans les
établissements en cours ou en voie de restructuration (300 000 F), au
sein des ARH (220 000 F) et au niveau national (1,28 million de
francs).
Ce fonds a été doté le 29 décembre 1998 de 300
millions de francs. La dotation pour 1999 n'a toujours pas été
déterminée en raison de la mise en place pour le moins tardive de
1998. Pour l'instant il n'a engagé que 27 millions de francs au
titre de 1999 et 25,7 millions au titre de 2000.
Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter ces délais qui
montrent bien le peu de considération qu'ont les administrations pour le
Parlement qui délibère en urgence quand elles ont besoin d'un an
pour que le nouveau dispositif entre dans les faits.
2. Le nouveau mode de régulation des cliniques privées (article 24)
Les
cliniques privées ont toujours fait l'objet d'une attention
particulière du régulateur. En 1991, fut mis en place le
système de l'objectif quantifié national (OQN) opposable avec
régularisation des dépassements l'année suivante. Ce
mécanisme a permis une augmentation du nombre de regroupements
d'établissements et de fermetures de lits.
L'instauration de l'ONDAM et le processus de régionalisation ont permis
la création d'objectifs quantifiés régionaux (OQR) par
discipline. Cette trop grande finesse statistique a été
délicate à mettre en oeuvre et la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998 a ajusté le système en
régionalisant un OQR global, charge ensuite à l'ARH de le
répartir entre disciplines. L'impossibilité de mise en place de
ce mécanisme a contraint le Gouvernement et la profession à
négocier en mars 1998 un nouveau mécanisme, distinguant dans
l'OQN une enveloppe d'efficience et une enveloppe accompagnant la mise en
oeuvre de contrats d'objectifs et de moyens.
L'article 24 du projet de loi de financement inaugure un nouveau mode de
tarification des cliniques privées qui s'apparente à un nouveau
mode de régulation de leurs dépenses. Il s'agit pour le
Gouvernement de mieux prendre en compte l'activité médicale dans
la tarification et de confier aux ARH et à la profession la
responsabilité de la régulation.
Le système repose sur deux sortes d'accords. Au niveau national, le
ministère de la solidarité négociera chaque année
avec les organisations professionnelles les évolution de l'objectif
quantifié national, sa ventilation dans chaque région et la marge
de manoeuvre dont disposera chaque ARH. Puis les ARH et les
représentants des organisations dans la région négocieront
l'application des règles de modulation tarifaire.
L'article 24 prévoit les modalités techniques de ce
système. Il contient aussi une validation de l'arrêté
d'avril 1999 qui avait permis à l'Etat de déterminer,
après l'échec des négociations, un OQN 1999 en baisse par
rapport à celui de 1998 pour sanctionner les dépassements
intervenus. La profession contestait ces dépassements en indiquant
qu'ils provenaient en grande partie de la hausse du prix des consommations
intermédiaires sur lequel elles n'ont aucune prise, et de transferts
d'activité de l'hôpital vers les cliniques.
Enfin, il propose la création d'un Fonds pour la modernisation des
cliniques privées, géré par la Caisse des
dépôts et consignations, abondé par une participation des
régimes obligatoires d'assurance maladie fixée par décret.
Il a pour but de subventionner des opérations concourant à
l'adaptation de l'offre de soins hospitaliers, au niveau régional. La
subvention est d'ailleurs mise en oeuvre par les ARH.
La partie hospitalisation privée de l'ONDAM pour 2000 devrait
présenter une hausse par rapport aux réalisations de 1999 de
2,2 % (contre 2,4 % pour l'hospitalisation publique).
Votre rapporteur pour avis se montre plutôt favorable à un
renforcement de la cohérence de la politique en matière
d'hospitalisation publique et privée au niveau des ARH. Il
considère que cette déconcentration et le choix d'une politique
contractuelle vont dans un sens positif. Il s'interroge néanmoins sur la
cohérence avec la volonté du Gouvernement de confier la
maîtrise de l'ONDAM à la CNAMTS.
De plus, il espère que le nouveau fonds verra effectivement le jour
avant la fin de l'année civile 2000 et pourra fonctionner le plus
tôt possible. On peut d'ailleurs s'interroger sur la cohérence de
cette " politique de fonds "
puisque les clinique privées
sont déjà éligibles au FASMO. Votre rapporteur pour avis
se demande enfin si la fixation par décret de la participation des
régimes obligatoires d'assurance maladie (100 millions de francs), est
bien conforme à l'esprit du paritarisme.
F. L'ONDAM POUR 2000 : 30 MILLIARDS DE FRANCS SUPPLÉMENTAIRES ET UNE ASTUCE COMPTABLE
Le présent projet de loi de financement introduit une innovation majeure dans la détermination de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie en calculant ce dernier non plus à partir de l'objectif retenu par la loi de financement pour 1999 mais à partir des dépenses effectivement réalisées en 1999, ce qui incitent à gommer les dépassements passés.
1. L'ONDAM reste un instrument à améliorer
L'ONDAM
a été créé pour instaurer un cadre de
régulation des dépenses d'assurance maladie en 1996. Il ne
constitue pas une enveloppe exhaustive pour les assurés sociaux :
en cas de dépassement, les droits aux soins ne sont pas suspendus. En
revanche, il s'impose aux professionnels de santé qui peuvent être
sanctionnés pour son non respect.
La détermination et le suivi de l'ONDAM soulèvent plusieurs
difficultés méthodologiques qui viennent en atténuer la
portée. L'ONDAM recouvre les dépenses d'assurance maladie des
branche maladie-maternité et accidents du travail-maladies
professionnelles. Les prestations en espèces de la première et
celles de la seconde qui sont liées à une incapacité
temporaire en sont donc exclues.
L'ONDAM se répartit ensuite entre quatre agrégats, qui
constituent autant de sous-objectifs, eux-mêmes subdivisés :
• les soins de ville comprennent les dépenses des médecins
libéraux (spécialistes et généralistes) et les
autres dépenses de ville (dentistes, auxiliaires de santé,
médecins salariés, etc.) ;
• les établissements sanitaires : ceux sous dotation globale,
les autres établissements sanitaires et les honoraires du secteur
public ;
• le secteur médico-social, c'est à dire les
établissements pour l'enfance inadaptée et les adultes
handicapés ainsi que ceux pour personnes âgées ;
• les cliniques privées : celles sous objectif
quantifié national, anciennement à prix de journée
préfectoral et celles hors objectif quantifié national ;
• s'ajoutent à ces agrégats les dépenses pour les
ressortissants français à l'étranger et celles
réalisées dans les DOM.
Passage des dépenses par branche des régimes de
base à l'objectif national
de dépenses d'assurance maladie
(milliards de francs)
|
branche
|
branche
|
Total |
emplois de l'ensemble des régimes de base dans la nomenclature des comptes de la sécuritésociale |
|
|
|
dépenses à déduire |
|
|
|
frais de gestion |
- 37,5 |
- 5,7 |
- 43,1 |
transferts versés |
- 27,9 |
- 7,5 |
- 35,3 |
frais financiers |
- 0,8 |
0,0 |
- 0,8 |
autres dépenses |
- 1,7 |
- 0,1 |
- 1,9 |
solde des opérations avec les DOM |
- 7,2 |
0,1 |
- 7,2 |
prestations |
681,2 |
46,1 |
712,8 |
prestations à déduire : |
|
|
|
prestations de services sociaux |
- 10,9 |
0,0 |
-11,0 |
prestations extra-légales |
- 3,5 |
0,0 |
- 3,6 |
prestations sociales légales |
666,8 |
46,1 |
712,8 |
prestations légales hors champ : |
|
|
|
invalidité-décès |
- 26,0 |
0,0 |
- 26,0 |
incapacité permanente (accidents du travail) |
0,0 |
- 30,9 |
- 30,9 |
indemnités journalières maternité |
- 12,6 |
0,0 |
- 12,6 |
objectif Métropole assurance maladie |
628,1 |
15,2 |
643,3 |
dépenses DOM |
14,6 |
0,3 |
14,9 |
objectif national d'assurance maladie |
642,7 |
15,5 |
658,3 |
Source : annexe C au PLFSS 2000
Plusieurs dépenses se retrouvent exclues de l'ONDAM alors qu'elles
devraient normalement y figurer,
au premier rang desquelles plusieurs fonds
mis en place pour la restructuration du système de santé. C'est
aussi le cas pour certaines actions de prévention : les
vaccinations anti-grippales, contre la rougeole, les oreillons, la
rubéole et l'hépatite B prises en charge par le Fonds national de
prévention, d'éducation et d'information pour la santé
n'entrent pas dans l'ONDAM, alors que les vaccinations contre la coqueluche en
font partie. Certaines dépenses du Fonds national d'action sanitaire et
sociale du régime général n'entrent pas dans l'ONDAM alors
qu'elles servent à prendre en charge certains remboursements
complémentaires de soins. Le FORMMEL qui aide les médecins
à mettre en place les bonnes pratiques médicales et
l'informatisation, le FASMO,
" destiné à abonder dans les
faits l'enveloppe hospitalière "
57(
*
)
, le Fonds d'aide à la qualité des soins
de ville sont exclus du champ de l'ONDAM alors que leurs dépenses ont un
lien direct avec l'assurance maladie. La Cour des comptes également
critiqués à plusieurs reprises l'exclusion de l'ONDAM des
dépenses des caisses au titre de la prise en charge de cotisations
sociales des médecins du secteur I.
Par ailleurs, même si le présent projet de loi de financement
instaure un mécanisme de régulation des produits relevant du
TIPS,
plusieurs dépenses incluses dans l'ONDAM restent non
encadrées
: plus de 31 milliards de francs en 1999 selon
la Cour des comptes soit 13,6 % du total des dépenses
exécutées en ville et 5 % du montant de l'ONDAM.
Le suivi de l'ONDAM reste aussi un véritable problème
méthodologique qui souligne les imperfections de cet instrument.
La
Cour des comptes souligne dans son dernier rapport combien ce suivi est
difficile en l'absence de circuits homogènes et de stabilisation des
frontières de l'ONDAM qui contraint à un rebasage chaque
année pour comparer des structures constantes.
Surtout, le suivi de l'exécution repose sur les seules données du
régime général, alors que la part de la CNAMTS dans
l'ONDAM n'est pas stable et varie fortement entre les composantes de l'ONDAM.
De plus, la CNAMTS ne présente pas ses données par secteur et
profession, conformément aux agrégats de l'ONDAM, mais par acte
ce qui contraint à affiner et retraiter les données. De ce point
de vue la non mise en place du Conseil pour la transparence des statistiques de
l'assurance maladie prévu par la loi de financement pour 1999 occasionne
un nouveau retard pour la correction des données.
2. L'évolution de l'ONDAM depuis 1997 : 60 milliards de francs de dépenses supplémentaires
Depuis son premier exercice, 1997, l'ONDAM a vu son montant augmenter de près de 60 milliards de francs soit plus de 10 % :
La réalité de l'ONDAM
(en milliards de francs)
|
Montant |
Ecart |
ONDAM réalisé 1997 |
599,5 |
|
ONDAM réalisé 1998 |
623,6 |
+ 24,1 |
ONDAM réalisé 1999 |
643 |
+ 19,4 |
ONDAM prévu 2000 |
658,3 |
+ 15,3 |
Total |
|
+ 58,8 |
Cette hausse intègre une partie d'évolution " normale ", conforme aux votes émis par le Parlement dans chaque loi de financement, et une partie du dépassement, soit 13,1 milliards de francs en trois ans.
Les dépassement de l'ONDAM
(en milliards de francs)
|
Dépassement cumulé |
Dépassement de l'année |
1997 |
- 0,5 |
- 0,5 |
1998 |
+ 9,8 |
+ 10,3 |
1999 |
+ 13,1 |
+ 3,3 |
Ce
dépassement est pour l'essentiel imputable à l'agrégat
soins de ville : 13 milliards de francs. Ceux-ci résultent en
grande partie d'un dépassement des prescriptions par rapport à
l'objectif. Les honoraires connaissent eux aussi un dérapage mais
celui-ci est moins élevé.
Il conviendrait d'ailleurs
d'analyser plus précisément la part des dépenses non
régulières, à commencer par celles du
" 3
ème
marché des médicaments "
en très forte progression.
Au total, la hausse proposée pour 2000 est de 2,5 % par rapport aux
dépenses réalisées en 1999 et de 4,5 % par rapport
à l'objectif fixé en loi de financement pour 1999
.
3. Les limites du nouveau mode de calcul de l'ONDAM
Le
nouveau mode de calcul reprend certaines critiques émises les
années précédentes, à commencer par celles de votre
rapporteur pour avis qui qualifiait l'ONDAM 1999 de
" peu
réaliste "
. En effet, il paraissait difficile d'opposer aux
professions de santé un objectif dont il était certain, au regard
des dépassements précédents qu'il ne serait pas
respecté. Le problème n'était donc pas l'ONDAM mais
l'absence de sanction de son non respect.
De ce point de vue, il convient de saluer le changement du mode de calcul.
En revanche il est plus difficile d'accepter d'une part l'absence totale de
sanction des dépassements constatés, d'autre part la poursuite
d'une progression à un rythme élevé, masquée par
des astuces de présentation, enfin le biais méthodologique
utilisé cette année pour les sous-objectifs.
a) L'absence de sanction des dépassements
En
effet, les professionnels de santé sont, avec le nouveau mode de calcul,
en quelque sorte absous des dépassements passés qui
s'élèvent pourtant à plus de 13 milliards de francs. Cela
vient altérer fortement la crédibilité de la
volonté de faire respecter l'objectif et de réaliser une
maîtrise des dépenses de santé.
De plus, l'affichage est trompeur. Annoncer 2,5 % de hausse pour 2000 fait
oublier que la hausse effective par rapport à la décision du
Parlement est de 4,5 %. L'affichage du taux réalisé /
réalisé ne pourra se faire qu'à partir de l'année
prochaine... si l'ONDAM 2000 est respecté.
Votre rapporteur pour avis estime d'ailleurs juste de tenir un discours
cohérent : il convient de parler soit des taux entre
dépenses réalisées soit des taux entre objectifs et non
pas de mêler les uns et les autres.
Comparaison des taux de progression de l'ONDAM depuis 1997
(en %)
|
1997 / 1998 |
1998 / 1999 |
1999 / 2000 |
1997 / 2000 |
Progression objectif / objectif |
2,26 |
2,62 |
4,5 |
9,68 |
Progression réalisé / réalisé |
4 |
3,1 |
- |
- |
Progression rebasé / objectif |
2,4 |
1 |
2,5 |
9,77 |
Quelle que soit la méthode retenue, une vérité restera indéniable : la très forte hausse de cet agrégat depuis 1998.
b) La poursuite d'une progression à rythme élevé
L'ONDAM pour 2000 augmentera donc sur un rythme de 2,5 % ou de 4,5 % selon le mode de calcul retenu. Le rythme diffère avec les agrégats :
Rythme de progression de l'ONDAM
(en milliards de francs)
|
Objectif 1999 |
Objectif 2000 |
Ecart brut |
Variation |
Métropole |
613,9 |
641,4 |
+ 27,5 |
+ 4,5 % |
Soins de ville |
274,7 |
292,1 |
+ 17,4 |
+ 6,3 % |
Hôpital public |
254 |
260,1 |
+ 6,1 |
+ 2,4 % |
Cliniques privées |
41,3 |
42,3 |
+ 1 |
+ 2,4 % |
Médico-social |
43,9 |
46,9 |
+ 3 |
+ 6,8 % |
Français à l'étranger |
0,9 |
1,2 |
+ 0,3 |
+ 33,3 % |
DOM |
13,9 |
14,2 |
+ 0,3 |
2,1 |
Marge résiduelle |
1,2 |
0,8 |
- 0,4 |
- 33,3 % |
ONDAM |
629,9 |
658,3 |
+ 28,4 |
+ 4,5 % |
Ces chiffres restent cependant théoriques, dans la mesure où les résultats 1998 sont à peine connus et où il reste trois mois à courir au titre de 1999.
c) Les astuces de présentation
La
première astuce réside dans le mode de prise en compte des
contributions et remises de l'industrie pharmaceutique. Le Gouvernement a
décidé de les considérer comme des diminutions de
dépenses alors qu'il s'agit en réalité d'une recette
supplémentaire qui doit venir compenser une dépense trop rapide.
Votre rapporteur pour avis estime indispensable dans ces conditions
d'opérer un nouveau calcul prenant en compte les montants déduits
par le Gouvernement.
Cela conduit à majorer l'objectif de 1999 de 1,2
milliard de francs et celui pour 2000 d'un montent variant entre
500 millions et un milliard de francs. Le taux de progression de l'ONDAM
passe alors de 2,5 à 2,8 / 2,9 % selon le nouveau mode de calcul.
Nouveau calcul de l'ONDAM en tenant compte de la clause de sauvegarde
(en milliards de francs)
|
1999 |
2000 |
1999 / 2000 |
Objectif initial |
629,9 |
658,3 |
+ 4,5 % |
Objectif rebasé |
639,8 |
658,3 |
+ 2,5 % |
Clause de sauvegarde |
1,2 |
0,5 / 1 |
- |
Objectif initial net |
631,1 |
658,8 / 659,3 |
+ 4,4 / + 4,5 % |
Objectif rebasé net |
641 |
658,8 / 659,3 |
+ 2,8 / + 2,9 % |
La seconde astuce réside dans le choix différencié des méthodes de calcul des sous-objectifs . En effet, le Gouvernement retient une hausse à partir de l'ONDAM rebasé pour les soins de ville et le secteur médico-social, et à partir de l'objectif pour l'hôpital et les cliniques.
Taux d'évolution retenu pour chaque agrégat de l'ONDAM en 2000
Agrégat |
Taux d'évolution |
Soins de ville (rebasé / objectif) |
+ 2 % |
Hôpital public (objectif / objectif) |
+ 2,4 % |
Cliniques privées (objectif / objectif) |
+ 2,2 % |
Médico-social (rebasé / objectif) |
+ 4,9 % |
Votre
rapporteur pour avis ne peut approuver ce choix qui est une incohérence
méthodologique fondamentale supplémentaire dans un outil
déjà contestable.
Il propose donc non seulement de retenir pour chacun la même
méthode, mais en plus de tenir compte du biais méthodologique
pesant sur les soins de ville. L'ordre des parités demeure alors, mais
avec des taux différents de ceux annoncés, et probablement plus
justes.
II. LA RÉFORME DES RETRAITES EN RESTE À DE LA POUDRE AUX YEUX
La
branche vieillesse connaît depuis 1998 un très fort redressement
de son solde qui est passé d'un déficit de 5,4 milliards de
francs en 1997 à une prévision d'excédent de
6,5 milliards de francs en 2000. Ce redressement résulte de la
conjugaison de plusieurs phénomènes :
• les réformes entreprises en 1993 de mode de calcul et de
revalorisation des pensions commencent à porter leurs fruits ;
• les évolutions démographiques contiennent les
dépenses sur des rythmes décroissants (3,8 % de hausse en
1998, 2,3 % en 2000) même s'ils restent élevés ;
• la branche a bénéficié de très fortes
recettes dues notamment au mode de calcul de la CSG et aux bonnes
rentrées des ressources tirées des revenus du patrimoine (5 % de
hausse en 1999).
Les deux derniers facteurs sont cependant purement conjoncturels et le projet
de loi de financement utilise d'ores et déjà ces marges de
manoeuvre passagères pour augmenter les dépenses
(revalorisations) et diminuer les recettes (financement des 35 heures) sans
engager la réforme en profondeur des régimes de retraite tant
attendue et annoncée.
A. L'AFFECTATION DES EXCÉDENTS DE LA CNAVTS À LA COQUILLE VIDE ET ERRANTE DU FONDS DE RESERVE POUR LES RETRAITES
L'article 10 du projet de loi de financement prévoit l'affectation au fonds de réserve pour les retraites des excédents à venir de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et en organise le versement.
1. Le fonds de réserve : une coquille vide sans mission ni ressources
a) Un fonds à l'existence virtuelle
Créé au sein du Fonds de solidarité
vieillesse
par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999 (deuxième alinéa de l'article L. 135-1 du code de la
sécurité sociale) sous la forme d'une deuxième section, le
fonds de réserve devait permettre de préparer l'avenir des
régimes de retraite par répartition. Cependant, dix mois
après sa naissance, il ne dispose ni de ressources précises, ni
de missions déterminées. Sa création a fait l'objet de
commentaires critiques de la part de vos commissions des affaires sociales et
des finances.
Les missions du fonds de réserve ne sont pas indiquées dans la
loi. Celle-ci dispose seulement que le fonds est créé au
bénéfice de la branche vieillesse du régime
général et des régime alignés. Deux options sont
théoriquement possibles : le fonds de réserve peut avoir
pour but, soit de lisser simplement l'augmentation future des cotisations
d'assurance vieillesse, soit d'engendrer des revenus suffisants pour minorer
durablement le niveau futur des cotisations. Dans le premier cas, le montant
visé s'exprime en centaines de milliards de francs. Dans le second cas,
il s'exprime en milliers de milliards de francs.
Par ailleurs, rien n'est aujourd'hui connu des modalités de gestion du
fonds. Or les sommes en cause seront considérables et leur gestion devra
faire l'objet à la fois d'un professionnalisme à toute
épreuve mais aussi de garanties strictes pour limiter les effets pervers
de ce qui sera le premier fonds de pension français : un fonds de
pension aux mains de l'Etat. La parution fin octobre d'un décret
élargissant le comité de surveillance pour tenir compte des
nouvelles missions ne permet pas de donner une existence effective au fonds.
b) Un fonds aux vraies ressources encore inconnues
Ont par
ailleurs été mises en cause les modalités de financement
particulièrement complexes du fonds et les incertitudes qui
pèsent sur les sommes effectivement disponibles. La loi de financement
pour 1999 a en effet prévu d'affecter au fonds de réserve une
fraction du produit de la contribution de solidarité sur les
sociétés (C3S), tout ou partie des excédents
éventuels du FSV et toute autre ressource affectée en vertu de
dispositions législatives. Lors des débats, la possibilité
d'une affectation du produit des privatisations et celle d'une surcotisation
ont été aussi évoquées par le Gouvernement.
Le Gouvernement avait indiqué qu'il affecterait au fonds 2 milliards de
francs en 1999 au titre des excédents de la C3S. Cependant, du fait de
la non parution des décrets d'application, rien n'est encore
réalisé.
A ces deux milliards de francs d'excédent de la C3S pourraient s'ajouter
trois à quatre milliards de francs provenant toujours de la C3S ainsi
que 4 milliards de francs issus du produit de la souscription des parts
sociales des caisses d'épargne et l'excédent de la branche
vieillesse du régime général, soit environ trois milliards
de francs.
Ce fonds devrait donc atteindre en 2000 un montant d'une quinzaine de milliards
de francs, soit à peine 0,16 % du PIB. Le Programme pluriannuel de
finances publiques de décembre 1998 prévoyait qu'à
l'horizon 2002 l'actif du fonds de réserve des retraites
s`établirait à 0,8 % du PIB avec une hypothèse de
croissance économique à 2,5 % et à 1,6 % avec
une hypothèse de croissance économique à 3 %.
Or, Jean-Michel Charpin évalue les sommes nécessaires à
" au moins trois points de PIB " en cas de fonds de lissage et
à " au moins dix points de PIB " pour un apport permanent de
revenus. Il faudrait donc une dotation entre 18 et 62 fois plus importante que
celle qui nous est proposée pour 2000. A plus long terme, l'OCDE estime
que les pensions de la période 1994-2070 ne sont pas financées
à hauteur de 100 % du PIB de 1994 et pour l'ensemble du siècle
prochain on peut évaluer l'impasse financière des retraites
à une somme comprise entre 50 et 300 % du PIB de 1998. L'actif du fonds
est manifestement hors de proportion avec les montants nécessaires.
Votre commission des finances estime toujours que plutôt que de
créer un fonds de réserve pour provisionner ces engagements de
hors-bilan de l'Etat, le Gouvernement aurait été mieux
inspiré de procéder directement à un désendettement
de l'Etat et de la sécuritésociale (CADES) : cette solution
aurait été équivalente d'un point de vue économique
et aurait évité l'étatisme qui préside à
l'instauration de ce fonds.
Ainsi, appelé à se prononcer dans l'urgence, le Parlement a
adopté la création d'un fonds dont, dix mois après, il ne
connaît ni la mission exacte (lisser ou se substituer), ni le mode de
fonctionnement (qui le gérera), ni les moyens qui lui seront
affectés. Il relève d'une volonté d'affichage qui ne
débouche aujourd'hui rien : le fonds de réserve est purement
virtuel.
Les problèmes des retraites, eux, ne le sont pas.
2. Un fonds de réserve déjà privé de ses réserves (article 10)
a) Le dispositif proposé...
L'article 10 du projet de loi de financement de la
sécuritésociale organise l'affectation des excédents de la
CNAVTS au fonds de réserve à partir de 1999.
Il indique que seront transférés au fonds les excédents de
tous les régimes dont la CNAVTS a la gestion, sauf celui des agents de
chemin de fer secondaires car il s'agit d'un régime spécial donc
situé hors du champ du fonds de réserve. L'article prévoit
la possibilité d'une provision en cours d'exercice pour ne pas attendre
la clôture des comptes. Un arrêté interministériel en
fixe alors le montant.
Pour l'an prochain, le fonds de réserve devrait donc recevoir aux termes
de l'article 10 du projet de loi de financement :
• les excédents de l'exercice comptable de la CNAVTS pour 1999,
soit 4,396 milliards de francs ;
• une provision de 2,9 milliards de francs à valoir sur les
excédents de l'exercice 2000.
b) ... reste bien en deçà des possibilités d'abondement
Les
ressources du fonds de réserve seront constituées à partir
de cette année de quatre catégories de recettes :
• une fraction des excédents disponibles de la contribution
sociale de solidarité à la charge des sociétés
(C3S) ;
• une partie des excédents de la section de solidarité du
fonds de solidarité vieillesse ;
• les excédents de la CNAVTS ;
• toute autre ressource déterminée par voie
législative.
Or pour 2000, ne viendront pour l'instant s'ajouter aux 2 milliards de francs
de solde de la C3S qui devraient être affectés en 1999 :
58(
*
)
• 6,996 milliards au titres des excédents de la CNAVTS pour 1999
et de la provision pour ceux de 2000 (2,9 + 4,096) ;
• 4 milliards de francs au titre de la vente des parts de caisse
d'épargne ;
• 5,6 milliards prélevés sur les régimes sociaux par
le biais du prélèvement social.
Cependant, le Gouvernement disposait de bien plus de catégories de
ressources, pour se conformer aux principes énoncés par le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de la
discussion sur le projet de loi sur l'épargne te la
sécurité financière au Sénat le 6 mai 1999 :
" Nous commençons à alimenter le fonds d'épargne
et nous continuerons avec des excédents de sécurité
sociale qui ne manqueront pas d'apparaître l'année
prochaine. "
En réalité, le Gouvernement fait l'impasse sur plus de 19
milliards de francs de recettes potentielles :
Les recettes sociales du fonds de réserve pour les retraites en 2000 : théorie et pratique
(en milliards de francs)
|
Montants prévus par les prévisions de la Csion des Comptes (1) |
Montants prévus après déduction des mesures contenues dans le PLFSS |
Montant versé au fonds de réserve
|
Ecart
|
Perte des revenus occasionnés par le PLFSS et le PLF |
- Au titre de la C3S |
4,1 |
3,1 * |
- |
- 4,1 |
1 * |
- Au titre de l'excèdent de la première partie du FSV |
8,4 |
2,8 |
- |
- 8,4 |
5,6 |
- Au titre de l'excèdent de la CNAVTS |
6,5 |
5,55 |
2,9 |
- 3,6 |
0,095 |
- Au titre de l'excèdent de la CNAF |
2,55 |
1,4 |
- |
- 2,55 |
1,15 |
- Au titre de l'ensemble des régime sociaux |
5,6 |
5,6 |
5,6 |
- |
- |
- Au titre de l'excédent des accidents de travail |
0,65 |
0,59 |
- |
- 0,65 |
0,06 |
Total 2000 annoncé |
27,8 |
25,64 |
8,5 |
- 19,3 |
8,66 |
*
prélèvement de un milliard de francs au profit du BAPSA
prévu en loi de finances.
Plus grave encore, le Gouvernement prive le fonds de réserve de
plusieurs sources de son financement pour un montant total en 2000 de 6,6
milliards de francs, et pour 12 milliards de francs par an à partir de
2001.
Dans le projet de loi de finances, il a décidé de prélever
un milliard sur les produits de la C3S en faveur du BAPSA, alors que le solde
de C3S sert justement à abonder le fonds de réserve.
De plus, pour financer le passage aux 35 heures, il prélève
5,6 milliards de francs de recettes du FSV au titre des droits sur les
alcools. Or ce prélèvement viendra diminuer d'autant
l'excédent du FSV et donc le montant affecté au fonds de
réserve sur les retraites. Le financement des 35 heures viendra
donc en partie fragiliser davantage le système mis en place pour venir
en aide aux régimes par répartition.
Pour 2000, le Gouvernement propose de geler les conséquences de cette
affectation sur le fonds de réserve par celle des 5,6 milliards de
francs qui devaient être prélevés sur les organismes de
sécurité sociale. Cette solution provisoire n'est pas
satisfaisante. D'une part l'affectation au fonds de réserve devrait
être cumulative : les 5,6 milliards de francs des organismes de
sécurité sociale comme ceux du FSV devaient se retrouver dans le
fonds de réserve ; il n'y en aura bien que la moitié.
D'autre part, cela ne règle rien pour l'avenir . En effet, la
dynamique des 35 heures devrait exiger, de l'aveu même du Gouvernement,
un prélèvement de 12 milliards de francs sur le FSV qui viendra
minorer d'autant l'affectation au fonds de réserve.
Le Gouvernement fait donc le choix des 35 heures plutôt que celui du
fonds de réserve qui, décidément, relève du voeu
pieux, de l'affichage politique, de la poudre aux yeux.
Au total, le projet de loi de financement et le projet de loi de finances
affecteront 12,5 milliards de francs (4 + 2,9 + 5,6) au fonds de
réserve, tout en le privant de 6,6 milliards de francs de recettes
: le solde paraît bien maigre par rapport aux annonces et aux
besoins.
B. LES HAUSSES DE DÉPENSES EN FAVEUR DES RETRAITÉS, RÉVÉLATRICES DE L'IMMOBILISME
1. La revalorisation des retraites : un taux arbitraire pour une absence de réforme (article 11)
L'article 11 du projet de loi de financement de la
sécurité sociale revient sur la rédaction de loi n°
93-936 du 22 juillet 1993 qui avait établi le mode d'indexation de
retraites :
" Un arrêté interministériel fixe :
1° Le coefficient de majoration applicable aux salaires et aux cotisations
servant de base au calcul des pensions ou rentes ;
2° Le coefficient de revalorisation applicable aux pensions
déjà liquidées.
Ces coefficients sont fixés conformément au taux
prévisionnel d'évolution en moyenne annuelle des prix à la
consommation de tous les ménages hors les prix du tabac, qui est
prévu, pour l'année civile considérée, dans le
rapport économique, social et financier annexé au projet de loi
de finances ".
L'application de ce principe a connu plusieurs variations puisque l'ajustement
se fait d'une manière différente selon le respect ou non de
l'objectif d'évolution des prix.
Taux comparé d'évolution des pensions et des prix depuis la loi du 22 juillet 1993
(en %)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Revalorisations |
|
|
|
|
|
|
|
au 1 er janvier |
2 |
1,2 |
2 |
1,2 |
1,1 |
1,7 |
0,5 |
au 1 er juillet |
|
0,5 |
|
|
|
|
|
Evolution annuelle |
2 |
1,45 |
2,25 |
1,2 |
1,1 |
1,7 |
0,5 |
Evolution des prix hors tabac |
|
|
|
|
|
|
|
prévue |
2 |
1,7 |
2,1 |
1,3 |
1,3 |
1,2 |
0,9 |
constatée |
1,4 |
1,8 |
1,9 |
1,1 |
0,8 |
0,5 |
- |
source : commission des comptes de la
sécurité
sociale et projet de loi de finances
Au 1
er
janvier 1998, les retraites ont ainsi été
revalorisées de 1,1 % au lieu d'une prévision d'inflation de
1,3%, ce qui tenait compte d'un rattrapage négatif de 0,2 % sur 1997. La
loi de financement pour 1999 a supprimé cette clause de rattrapage, ce
qui a permis une revalorisation au 1
er
janvier 1999 de 1,2 %
correspondant à l'anticipation d'inflation et sans en déduire les
0,5 % accordés en trop au titre de 1998.
Cette décision avait emporté une dépense
supplémentaire pour le régime général de 1,9
milliard de francs financée par un versement exceptionnel du Fonds de
solidarité vieillesse.
Votre rapporteur pour avis s'était
montré défavorable à cette mesure structurelle.
Pour 2000, le Gouvernement propose de remplacer ce mode d'indexation par la
fixation d'un taux arbitraire, soit une hausse de 0,5 %. Il indique que la
hausse aurait dû s'élever à 0,9 % avec l'inflation,
desquels il aurait fallu déduire 0,7 point à cause de
l'écart entre l'inflation anticipée pour 1999 (1,2 %) et celle
réalisée (0,5 %). Il qualifie donc le taux applicable pour 2000
de coup de pouce de 0,3 % pour
" faire participer les retraités
à la croissance "
. Cette mesure a un coût de 950 millions
de francs pour le régime général et 1,4 milliard de francs
pour l'ensemble des régimes.
Votre rapporteur pour avis estime que la présentation de cette hausse
comme un coup de pouce est erronée, puisque le Gouvernement a
changé son mode d'indexation l'année dernière. Le choix de
0,5 % est purement arbitraire : il n'est cohérent ni avec la loi de
1993 (qui aurait dû conduire à retenir 0,2%) ni avec la loi de
financement pour 1999 (qui aurait dû conduire à retenir 0,9 %). Ce
choix arbitraire ne tient absolument pas compte d'éventuelles
décisions sur l'avenir des régimes de retraite. Il s'agit d'un
nouvel exemple de l'urgence qu'il y a à établir une vraie
réforme des retraites et à revenir à un mode d'indexation
claire et définitif.
2. Les règles de cumul emploi retraite : un nouveau délai, un nouveau rapport (article 12)
Le cumul
d'une pension de retraite avec une activité
rémunérée est soumis à la condition de l'abandon de
l'emploi occupé lors de la demande de liquidation de la pension. S'ils
souhaitent pouvoir cumuler, les salariés doivent exercer leur
activité chez un nouvel employeur, et les non salariés, exercer
une autre profession.
Ces règles de limitation du cumul emploi-retraite ont été
fixées corrélativement à l'abaissement de l'âge de
la retraite par l'ordonnance n°82 290 du 30 mars 1982 pour le
régime général et le régime des pensions civiles et
militaires, puis ont été étendues aux professions non
salariées.
Elles ont été régulièrement reconduites, la
dernière fois par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 jusqu'au 31 décembre 1999. Pour le Gouvernement :
" ce délai d'un an permettra de procéder à une
étude spécifique sur les dispositions régissant le cumul
d'un emploi et d'une retraite dans le cadre de l'analyse confiée au
commissaire général du Plan sur la situation de l'ensemble des
régimes de retraite. "
Le rapport Charpin a ainsi estimé que les règles actuelles
souffraient de complexité, de trop nombreuses dérogations, pour
un effet très limité sur le niveau de l'emploi.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
dans son article 12 entend prolonger à nouveau ce délai d'un an.
En effet, selon le Gouvernement cette année,
" un
aménagement éventuel des règles actuelles nécessite
une réflexion approfondie. Une mission en ce sens a été
confiée à Monsieur Dominique Balamary, conseiller d'Etat, le 30
juillet 1999, par la ministre de l'emploi et de la solidarité, le
ministre de l'économie des finances et de l'industrie, le ministre de la
fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation et le secrétaire d'Etat au budget. Cette mission
consiste en une analyse des dispositions en vigueur régissant le cumul
entre un emploi et une retraite, notamment leur champ d'application, leur
cohérence avec les dispositifs de retraite progressive et de
préretraite, la pertinence des dérogations apportées au
dispositif de droit commun et la situation respective des salariés et
des non salariés. Les conclusions de ce rapport pourront conduire
à des adaptations du dispositif actuel dans le cadre plus global de la
réforme des retraites. "
Votre rapporteur pour avis voit là encore un exemple des
conséquences négatives du temps que met le Gouvernement à
proposer une véritable réforme des retraites. De rapports en
études, il sera un jour trop tard.
3. L'intégration de la CARGE dans la CIPAV : les petits pas de l'intégration des caisses au gré de leurs difficultés (article 13)
L'article 13 prévoit l'intégration de la Caisse
des
géomètres experts (CARGE) dans la Caisse interprofessionnelle de
prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) toutes les deux relevant du
régime des professions libérales au sein de la Caisse nationale
d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Les
décrets n° 99-912 et n° 99-913 du 21 octobre 1999 ont pris les
mesures réglementaires nécessaires pour cette fusion.
Cette modification contraint la CNAVPL à aider la CIPAV à
absorber la CARGE, entraînant un prélèvement sur ses
réserves dans la limite du tiers de celles-ci soit 400 millions de
francs par le biais du fonds de réserve et de compensation.
Votre rapporteur pour avis prend acte de cette décision entre
partenaires sociaux qui revient à prélever sur les
réserves d'un régime de base pour venir en aide à un
régime complémentaire.
Ceci illustre une fois de plus l'urgence d'une réforme globale des
retraites en France qui prenne en compte la diversité des situations et
ses conséquences financières.
C. L'URGENCE DE VÉRITABLES RÉFORMES POUR UN SYSTÈME À BOUT DE SOUFFLE ET PORTEUR D'INÉGALITÉS
De
très nombreux rapports, articles, débats, colloques montrent
l'urgence de la réforme d'ensemble de notre systèmes de
retraites. Les limites démographiques et techniques qu'il rencontrera
dans les quinze ans à venir rendent indispensables des décisions
rapides que le Gouvernement devait prendre à la remise du rapport du
commissaire général au plan et qu'il a remises au début de
l'année prochaine.
De nombreuses voies d'évolution sont possibles :
• allongement de la durée de cotisation ;
• assouplissement des règles d'âge de la retraite et de
durée de cotisation ;
• encouragement à des efforts individuels ou collectifs ;
• lissage des transitions par un fonds ad hoc ;
Les réformes à venir devront cependant concerner l'ensemble des
régimes de retraite, publics et privés. Le secteur privé a
accepté de lourds efforts qu'il faudra bien un jour ou l'autre
étendre au secteur public sauf à voir les écarts
déjà importants, comme le montre le tableau suivant,
s'accroître. Par ailleurs, la réflexion passe aussi par une
réflexion sur la justification de la multiplication des régimes
particuliers qui engendrent des flux de compensation extrêmement
complexes et lourds.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
illustre à de nombreuses reprises les conséquences de cet
attentisme du Gouvernement, en prévoyant des taux de progression
arbitraire des retraites, en établissant un nouvel ajustement de la
CNRACL, en intégrant une caisse de retraite à une autre, etc. Par
ailleurs, il fait preuve d'incohérences lourdes s'agissant du fonds de
réserve pour les retraites privés de nombreuses ressources par le
projet de loi de financement qui veut en même en montrer la
priorité !
Votre rapporteur pour avis estime que l'heure des décisions est venue
et que le Gouvernement ne saurait la différer davantage.
Pensions moyennes de droit direct perçues par les retraités ayant
effectué une carrière complète selon le régime de
base d'affiliation
|
Carrières complètes (2) |
|
||
Types de carrière et régimes de base versant des droits directs (1) |
Montant moyen
|
Effectifs (en %) |
Durée de la cotisation (en trimestres) |
Part
des carrières complètes
|
|
un seul régime de base : retraités unipensionnés |
|||
Salariés du secteur privé |
8.936 |
38,4 |
172 |
50,8 |
Agents de la fonction publique d'Etat |
12.314 |
5,2 |
155 |
63,7 |
Agents des collectivités locales (CNRACL) |
10.075 |
0,5 |
153 |
26,1 |
Salariés agricoles (MSA) |
5.470 |
0,8 |
168 |
41,0 |
Autre régime (EDF, SNCF, RATP, Mines, Marine) |
10.762 |
1,4 |
157 |
39,9 |
Ensemble des anciens salariés |
9.324 |
46,2 |
169 |
50,9 |
Exploitants agricoles |
2.302 |
8,4 |
167 |
62,5 |
Artisans (CANCAVA) |
4.895 |
0,2 |
174 |
45,7 |
Commerçants (ORGANIC) |
3.616 |
0,2 |
162 |
15,0 |
Professions libérales |
15.823 |
0,05 |
159 |
17,3 |
Ensemble des anciens non salariés |
2.474 |
8,9 |
167 |
57,4 |
Ensemble des unipensionnés |
8.218 |
55,1 |
169 |
51,8 |
|
Plusieurs régimes de base : retraités polypensionnés |
|||
RG et régime salarié agricole |
7.207 |
8,5 |
177 |
68,4 |
RG et régime exploitant agricole |
4.655 |
4,6 |
186 |
63,7 |
RG et régime artisan |
6.716 |
3,2 |
179 |
82,1 |
RG et régime commerçant |
7.196 |
3,5 |
178 |
60,9 |
RG et (régime fonctionnaire ou CNRACL) |
10.416 |
6,1 |
185 |
78,9 |
RG et un autre régime de base |
10.869 |
4,4 |
180 |
81,7 |
RG et deux régimes ou plus |
7.771 |
5,9 |
189 |
84,7 |
Salarié agricole et exploitant agricole |
3.931 |
3,4 |
174 |
80,5 |
Salarié agricole et expl.agricole et un autre régime |
5.384 |
3,7 |
189 |
83,4 |
Autres situations à deux régimes ou plus |
8.707 |
1,6 |
186 |
70,3 |
Ensemble des polypensionnés |
7.432 |
44 ,9 |
182 |
74,4 |
Ensemble |
7.865 |
100 |
176 |
60,0 |
(1) avantages principaux de bases et
complémentaires, hors avantages accessoires, reversion et allocation
supplémentaire du FSV
(2) carrières complètes : retraités de 60 ans ou plus
ayant cotisé 150 trimestres ou plus.
Source : annexe A du PLFSS 2000
Montants et évolutions des transferts de compensation en exercice
Toutes compensations confondues
(en KF)
|
1996 |
96/95 (%) |
1997 |
97/96 (%) |
1998 (*) |
98/97 (%) |
1999 (*) |
99/98 (%) |
Régime général |
37.162 |
- 1,2 |
35.306 |
- 5,0 |
35.341 |
0,1 |
35.556 |
0,6 |
Salariés agricoles |
- 13.130 |
- 1,4 |
- 13.423 |
2,2 |
- 13.335 |
- 0,7 |
- 13.826 |
3,7 |
Fonct. Civils |
25.904 |
2,0 |
26.193 |
1,1 |
25.647 |
- 2,1 |
26.187 |
2,1 |
Font. Militaires |
- 6.179 |
1,7 |
- 4.768 |
- 22,8 |
- 4.587 |
- 3,8 |
- 4.293 |
- 6,4 |
FSPOEIE |
- 1.421 |
2,8 |
- 1.436 |
1,0 |
- 1.507 |
5,0 |
- 1.579 |
4,8 |
CNRACL |
18.924 |
1,0 |
19.179 |
1,3 |
19.741 |
2,9 |
20.189 |
2,3 |
CANSSM |
- 16.603 |
1,6 |
- 16.803 |
1,2 |
- 16.598 |
- 1,2 |
- 16.875 |
1,7 |
SNCF |
- 8.784 |
- 1,3 |
- 8.320 |
- 5,3 |
/ 8.259 |
- 0,7 |
- 8.232 |
- 0,3 |
RATP |
40 |
- 21,1 |
115 |
ns |
124 |
8,1 |
131 |
5,7 |
ENIM |
- 2.716 |
5,2 |
- 2.723 |
0,3 |
- 2.795 |
2,7 |
- 2.883 |
3,1 |
EGF |
1.145 |
- 3,9 |
1.370 |
19,6 |
1.357 |
- 0,9 |
1.284 |
- 5,4 |
CRPCEN |
- 229 |
13,0 |
- 234 |
2,1 |
- 36 |
- 84,4 |
- 54 |
ns |
Banque de France |
152 |
4,4 |
133 |
- 12,5 |
167 |
25,5 |
169 |
1,3 |
SEITA |
- 227 |
0,4 |
- 228 |
0,5 |
- 229 |
0,5 |
- 232 |
1,6 |
CAMR |
- 644 |
- 3,8 |
- 613 |
- 4,8 |
- 581 |
- 5,1 |
- 552 |
- 5,1 |
Total salariés |
33.392 |
- 3,8 |
33.746 |
1,1 |
34.448 |
2,1 |
34.989 |
1,6 |
BAPSA |
- 31.556 |
1,3 |
- 32.213 |
2,1 |
- 33.234 |
3,2 |
- 34.267 |
3,1 |
CANAM |
2.650 |
15,5 |
3.078 |
16,2 |
3.521 |
14,4 |
4.007 |
13,8 |
ORGANIC |
- 4.396 |
1,7 |
- 4.495 |
2,3 |
- 4.616 |
2,7 |
- 4.710 |
2,0 |
CANCAVA |
- 1.533 |
1,6 |
- 1.699 |
10,9 |
- 1.801 |
6,0 |
- 1.835 |
1,9 |
CNAVPL |
2.299 |
8,0 |
2.441 |
6,2 |
2.529 |
3,6 |
2.651 |
4,8 |
CNBF |
229 |
12,1 |
254 |
11,0 |
275 |
8,1 |
297 |
7,9 |
CAMAVIC |
- 1.085 |
0,3 |
- 1.112 |
2,4 |
- 1.122 |
0,9 |
- 1.132 |
1,0 |
Total non salariés |
- 33.392 |
- 0,2 |
- 33.746 |
1,1 |
- 34.448 |
2,1 |
- 34.989 |
1,6 |
Signe
(-) : le régime reçoit, absence de signe : le
régime verse.
(*) Prévisions.
ns : non significatif.
Source : Commission de compensation
III. LES DÉPENSES FAMILIALES AUGMENTENT SANS AMBITION
En 1999,
la branche famille a poursuivi son redressement puisque son solde est
passé d'un déficit de plus de 14,5 milliards de francs en 1997
à un excédent de 3,2 milliards de francs en 1999 d'après
les comptes prévisionnels. Cette amélioration résulte de
recettes exceptionnellement élevées en 1999 (6,7 % de
hausse), alors que les dépenses se maintenaient elles aussi sur un
rythme très rapide de 4,6 %.
Ce redressement apparent est cependant déjà utilisé par le
Gouvernement qui a décidé de mettre à la charge de la
branche famille la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS)
ce qui se traduit déjà par 2,5 milliards de francs de
dépenses supplémentaires pour 2000. Par ailleurs, il
prélève sur ses recettes, pour financer les 35 heures, plus d'un
milliard de francs. Au total, le projet de loi de financement dégrade
les comptes de la branche famille de plus de 4,6 milliards de francs (1,1
milliard de dépenses diverses, 2,5 milliards de francs pour la
majoration de l'ARS et un milliard de perte de recettes).
A. LES REVALORISATIONS DE PRESTATIONS
Le projet de loi de financement contient plusieurs mesures en faveur des familles sous la forme d'une revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) et de l'extension du bénéfice de certaines prestations. Par ailleurs, il revoit entièrement le mécanisme de garantie de ressources de la branche.
1. La revalorisation de la BMAF (article 7)
Le
projet de loi de financement modifie le mode de calcul du taux d'augmentation
de la base mensuelle des allocations familiales prévu par l'article L.
551-1 du code de la sécurité sociale :
" Le montant des prestations familiales est déterminé
d'après des bases mensuelles de calcul fixées par décret,
deux ou plusieurs fois par an, de façon à compenser totalement ou
partiellement la charge que le ou les enfants représentent pour la
famille.
Ces bases mensuelles de calcul évoluent en fonction de l'augmentation
des prix et de la participation des familles aux progrès de
l'économie. Elles peuvent aussi évoluer en fonction de la
progression générale des salaires moyens ou du salaire minimum
interprofessionnel de croissance. "
Ce mécanisme a été mis entre parenthèses par la loi
du 25 juillet 1994 relative à la famille. Celle-ci a prévu
jusqu'au 31 décembre 1999 de revaloriser la BMAF selon
l'évolution des prix pour l'année à venir, en
étalant cette hausse tout au long de l'année.
A la différence de ce que fait l'article 12 du projet de loi de
financement avec les retraites, l'article 7 pérennise le mode de calcul
de la revalorisation annuelle. La BMAF détermine en effet directement 75
% des prestations familiales. En sont déconnectées les aides au
logement, l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'aide à la
famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée.
Taux comparé d'évolution de la BMAF et des prix depuis la loi du 25 juillet 1994
(en %)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Revalorisations |
|
|
|
|
|
|
|
au 1 er janvier |
2 |
1,2 |
0 |
1,42 |
1,1 |
0,71 |
0,5 |
au 1 er juin |
|
0,85 |
|
|
|
|
|
Evolution annuelle |
2 |
1,7 |
0 |
1,3 |
1,13 |
0,74 |
0,5 |
Evolution des prix hors tabac |
|
|
|
|
|
|
|
prévue |
2 |
1,7 |
2,1 |
1,3 |
1,3 |
1,2 |
0,9 |
constatée |
1,4 |
1,8 |
1,9 |
1,1 |
0,8 |
0,5 |
- |
source : commission des comptes de la
sécurité
sociale et projet de loi de finances
Le nouveau mode de calcul repose donc sur l'évolution des prix hors
tabac avec un ajustement en cas de décalage. De la même
manière que pour les pensions, l'application du nouveau système
aurait du conduire au 1
er
janvier 2000 à une hausse de 0,2 %
de la BMAF. Le projet de loi de financement donne donc un " coup de
pouce " de 0,3 point pour porter le taux d'augmentation à 0,5 %. La
majoration a un coût de 340 millions de francs d'après les annexes.
Votre rapporteur pour avis se réjouit d'une revalorisation
supplémentaire, même s'il souligne là encore le
caractère arbitraire du taux retenu, et la non application des textes :
à croire que les mécanismes ne doivent pas s'appliquer pour
réduire les dépenses et ne doivent jouer que pour les
augmenter.
2. L'extension du bénéfice du complément familial et des aides au logement (article 8)
Les
prestations familiales sont soumises à une condition d'âge des
enfants. L'article 8 prévoit d'étendre le bénéfice
du complément familial et des aides au logement.
Il simplifie d'abord le code de la sécurité sociale puisque
toutes les conditions d'âge et d'activité ont été
unifiées : sont considérés à charge les
enfants jusqu'à 20 ans inactifs ou gagnant moins de 55 % du SMIC
mensuel.
Puis, cette règle générale étant posée, il
prévoit une dérogation portée de 20 à 21 ans pour
le versement du complément familial et des aides au logement, afin
d'atténuer la suppression de toutes les allocations dès 20 ans
alors que l'âge de présence de l'enfant chez ses parents tend
à s'allonger.
Le complément familial est ainsi versé sous condition de
ressources aux familles de trois enfants et plus, âgés de trois
ans et plus. 60 000 familles ne bénéficieront pour un coût
de 330 millions de francs en 2000 et 700 millions de francs en
année pleine.
L'allocation de logement familiale (ALF) est la seule aide au logement ayant le
caractère de prestation familiale. Elle est accordée sous
condition de ressources, d'activité et de niveau du loyer. L'aide
personnalisée au logement (APL), quant à elle, fait
référence pour la définition des personnes à charge
à celle du code de la sécurité sociale. Pour toutes les
deux, le coût de cette extension sera de 200 millions de francs en 2000
et 500 millions par la suite. Cependant, elle sera également une
charge pour l'Etat qui contribue à hauteur de 50 % au financement de
l'APL : 135 millions de francs pour 2000 et 300 millions de francs
ensuite.
Au total, le coût est donc de 335 millions de francs la
première année et de 800 millions de francs en année
pleine.
L'article prévoit le cas particulier des DOM où l'ALF est servie
jusqu'à 22 ans. Ils continueront à bénéficier de
cette extension.
Votre rapporteur pour avis se félicite de cette ultime application de la
loi famille de 1994 qui tend à mieux prendre en compte la situation des
enfants après leur sortie de l'enfance. Il reconnaît cependant que
l'effort financier est très important : 1,5 milliard de francs en
année pleine au total.
B. LA TROMPERIE DE LA TRANSFORMATION DE L'ALLOCATION DE RENTRÉE SCOLAIRE EN PRESTATION FAMILIALE
1. Les 4,7 milliards de francs de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire
L'allocation de rentrée scolaire (ARS) est une prestation familiale délivrée par la Caisse nationale de allocations familiales (CNAF). Depuis plusieurs années, elle bénéficie d'une majoration exceptionnelle systématiquement reconduite, à la charge de l'Etat, figurant dans la loi de finances rectificative de l'année, et avancée par la CNAF. Le montant de la majoration était de 6,8 milliards de francs en 1999.
L'allocation de rentrée scolaire (ARS)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Montant total (F) |
1.600 |
1.600 |
1.600 |
1.600 |
dont majoration (F) |
1.180 |
1.176 |
1.173 |
1.173 |
Charge CNAF (MMF) |
2,3 |
2,35 |
2,5 |
5 |
Charge Etat (MMF) |
6,3 |
6,4 |
6,8 |
4,7 |
Coût total (MMF) |
8,6 |
8,75 |
9,3 |
9,7 |
La
direction du budget a toujours refusé d'inscrire en loi de finances
initiale cette majoration en raison de son caractère potentiel : il
n'était pas certain que l'Etat déciderait de majorer l'ARS.
Cette année, lors de la Conférence de la famille, le Premier
ministre a annoncé que cette majoration serait
pérennisée
et prise en charge progressivement par la CNAF. Le
ministre de l'emploi et de la solidarité et le rapport de la commission
des comptes de la sécurité sociale ont repris cet engagement qui
s'est traduit par la prévision d'une dépense de
2,5 milliards de francs en 2000 à la charge de la CNAF à ce
titre.
Le solde (4,7 milliards de francs au moins) devait donc en toute
logique figurer dans le projet de loi de finances pour 2000. Il n'en est
rien.
L'argument avancé jusqu'alors ne peut plus tenir puisque les annonces
ont été faites officiellement et que les premières
conséquences ont été tirées pour les comptes de la
branche famille. On peut donc estimer que cette non inscription altère
gravement la sincérité des projets de loi de finances et de
financement de la sécurité sociale pour 2000 :
• du projet de loi de finances si l'Etat a bien déjà
prévu de prendre en charge, conformément aux engagements du
Premier ministre, le solde de la majoration de l'ARS ;
• du projet de loi de financement : si l'Etat compte revenir sur sa
parole puisque, alors l'intégralité serait à la charge de
la branche famille ; si l'Etat compte respecter sa parole parce que alors
la CNAF aurait à supporter les frais de l'avance de la majoration qui ne
lui serait remboursée par l'Etat qu'à la fin de l'année.
En réalité, le risque est grand en fin d'année 2000 de
voir la part à la charge de la CNAF augmentée tandis que les
retards de paiement de l'Etat auront de toutes les façons pesé
sur la trésorerie de l'ACOSS.
2. Le milliard de francs du FASTIF
De plus,
lors de la même Conférence de la famille, le 7 juillet dernier, le
Premier ministre a annoncé que l'Etat, en contrepartie de la prise en
charge progressive par la CNAF de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire, verserait à la CNAF une subvention d'un
milliard de francs couvrant les dépenses qu'elle engage au titre du
Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles
(FASTIF).
Le ministre de l'emploi et de la solidarité a
répété cet engagement lors de la présentation du
projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il figure également dans le rapport de la commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999.
Cependant, ce transfert d'un milliard de francs ne figure ni dans le projet de
loi de finances pour 2000, ni dans les prévisions de compte pour 2000 de
la CNAF. Mme Aubry a annoncé le 21 octobre à la commission des
affaires sociales que cela figurerait dans le collectif 2000.
Il s'agit donc à la fois d'une débudgétisation, d'une
mesure altérant la sincérité de la loi de finances et de
la loi de financement :
• débudgétisation puisque l'Etat confie à un
organisme extérieur, la CNAF, une subvention finançant un
troisième organisme, le FASTIF ;
• non sincérité du projet de loi de finances 2000 :
s'il est déjà prévu de faire figurer cela en collectif
2000, pourquoi ne pas l'intégrer dans le PLF ;
• non sincérité du projet de loi de financement 2000 :
s'il est déjà prévu d'affecter ce milliard à la
CNAF pourquoi ne pas le faire figurer dans les comptes de la CNAF ; si
cela se réalise au 31 décembre 2000, comment seront alors
comptabilisés les frais financiers sur cette avance de la CNAF à
l'Etat ?
Qu'il s'agisse de la majoration de l'ARS ou de la subvention au FASTIF votre
rapporteur pour avis dénonce la non coordination et l'incohérence
des projets de loi de finances et de financement qui revient à minorer
les dépenses de l'Etat et faire peser à la fois une forte
incertitude (5,7 milliards de francs) et des frais de trésorerie sur les
comptes de la branche famille.
C. LA GARANTIE DE RESSOURCES DE LA BRANCHE FAMILLE (ARTICLE 9)
La loi
famille du 25 juillet 1994 a posé dans son article 34 le principe de la
garantie de ressources :
" Les ressources de la Caisse nationale des allocations familiales sont
au moins égales chaque année, pour la période du
1
er
janvier 1994 au 31 décembre 1998, au montant
qu'elles auraient atteint à la fin de l'année
considérée en cas de maintien des dispositions
législatives et réglementaires applicables le 1
er
janvier 1993 aux taux, à l'assiette et au champ d'application des
cotisations et contributions énumérées à l'article
L. 241- 6 du code de la sécurité sociale.
S'il est constaté par la Commission des comptes de la
sécurité sociale que les ressources de cette caisse sont
inférieures au titre d'une année civile au montant
déterminé dans les conditions définies à
l'alinéa précédent, un versement de l'Etat
équivalent à cette différence intervient selon des
modalités prévues par la loi de finances établie au titre
de l'année suivante. "
Cet article n'a jamais trouvé à s'appliquer. La question a
été évoquée s'agissant de 1998. En effet des
mesures intéressant les régimes sociaux agricoles et le champ de
compétence de l'ACOSS ont occasionné une perte de ressources pour
la CNAF :
Pertes de recettes pour la CNAF depuis 1994
(en millions de francs)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Changement du champ de compétence pour les régimes agricoles |
|
217 |
325 |
335 |
344 |
Changement de champ de compétence pour l'ACOSS |
0,3 |
5,2 |
9,5 |
16 |
33 |
TOTAL |
0,3 |
222,2 |
334,5 |
351 |
377 |
source : commission des comptes de la
sécurité
sociale
La CNAF estimait que l'article 34 de loi famille devait s'interpréter
année après année. La direction du budget quant à
elle soutenait le choix d'une appréciation globale de la situation. Le
secrétaire général de la Commission des comptes a
décidé de ne pas faire jouer la clause de garantie en raison du
basculement des cotisations sociales sur la CSG. Cette décision n'a pas
entraîné de contentieux.
L'article 9 du présent projet de loi de financement instaure un nouveau
système de garantie de ressources. Cette fois sont incluses toutes les
recettes de la CNAF sauf la subvention reçue de l'Etat pour la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire et les transferts
occasionnés par la mise en place de la couverture maladie universelle.
La garantie fera l'objet d'un calcul en 2002 par rapport aux recettes de 1997,
avec réévaluation en fonction de l'évolution du produit
intérieur brut. Le versement de l'Etat interviendrait alors dans la loi
de financement pour 2004 (et la loi de finances pour 2004).
Ce mécanisme est une garantie de ressources et non une garantie de
solde : il ne tient donc pas compte des variations de dépenses.
Votre rapporteur pour avis se réjouit de la reprise d'une disposition
inscrite dans la loi famille et figurant dans la proposition de loi relative
à la famille des sénateurs Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de
Raincourt et Josselin de Rohan (n° 396, 1998-1999), mais conteste que
dès le présent projet de loi de financement elle soit
altérée.
IV. LE RISQUE DE L'AMIANTE PÈSE SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL
A. LES EVOLUTIONS CONTRASTEES DE LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL
La
branche accidents du travail a vu son excédent passer de
1,57 milliard de francs en 1998 à 444 millions en 1999 à
cause d'une très forte progression des dépenses (+ 4,5 %)
pour des recettes augmentant moins rapidement (+ 1,9 %). Le solde
prévisionnel pour 2000 devrait s'établir à
648 millions de francs mais atteindra près d'un milliard de francs
suite au changement de mode de financement des 35 heures. En effet, la branche
accidents du travail ne bénéficiant pas du
prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine, la suppression
du prélèvement opéré par le 35 heures se traduit
par une baisse de ses dépenses de 360 millions de francs non
" compensée " par un prélèvement sur ses
recettes.
Du point de vue des dépenses, il convient de noter un redémarrage
à la hausse des accidents du travail et maladies professionnelles.
Accidents du travail
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Accidents survenus |
1.357.803 |
1.361.723 |
1.307.381 |
1.317.150 |
1.321.790 |
Accidents avec arrêt |
678.494 |
686.043 |
654.772 |
668.623 |
641.845 |
Accidents mortels |
899 |
761 |
733 |
794 |
nd |
Maladies constatées et reconnues |
10.345 |
11.367 |
13.658 |
14.737 |
9.971 |
Dont maladies mortelles |
44 |
67 |
65 |
49 |
nd |
Chiffres semi-définitifs pour 1997 et provisoires
pour
1998
Cette reprise du nombre d'accidents du travail se traduit surtout par une
croissance en volume (chiffres bruts) et non une augmentation de la
fréquence des accidents, s'expliquant en grande partie, sur ces
dernières années, par la croissance économique. Cela
soulève tout de même une question de principe sur
l'évolution des conditions de travail.
Par ailleurs, la branche devrait connaître une très forte
progression de ses dépenses à cause de la montée en
puissance du dispositif relatif aux victimes de l'amiante.
B. LE POIDS CROISSANT DU PROBLEME DE L'AMIANTE
1. L'extension du dispositif de prise en charge des victimes de l'amiante (articles 26 et 26 A)
La loi
de financement de la sécurité sociale pour 1999 a mis en place un
dispositif global de prise en charge des victimes de l'amiante, par
l'aménagement des délais de déclaration, forclusion,
prescription, et par la création d'un dispositif de cessation
anticipée d'activité.
Celui-ci est ouvert aux salariés et anciens salariés des
établissements de manufacture de l'amiante, et ceux atteints de
certaines maladies professionnelles précisées dans la loi. Ils
bénéficient d'une allocation calquée sur les
préretraites FNE, prise en charge, ainsi que les cotisations sociales
qui l'accompagnent, par un fonds de financement. Celui-ci est abondé par
l'Etat et les organismes de protection sociale accidents du travail. Les
dépenses sont liquidées par les caisses régionales
d'assurance maladie. Le comité de surveillance du fonds a
été installé le 8 juillet 1999 et les premières
demandes ont été acceptées à ce moment-là,
avec rappel jusqu'à début avril. En septembre 1999, le fonds
avait reçu 2 500 demandes et admis le versement de l'allocation à
310 personnes.
L'article 26 du projet de loi de financement étend le
bénéfice de cette allocation. En effet, plusieurs professions ont
été exposées gravement à l'amiante. 8 000 personnes
seraient concernées par cette extension selon la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale (10 000
selon celle des finances). Les nouveaux bénéficiaires devront
avoir travaillé dans secteur des établissements de flocage et de
calorifugeage à l'amiante, celui de la construction et de la
réparation navales, à quoi s'ajouteront les dockers ayant
manipulé des sacs d'amiante.
Par ailleurs, cet article modifie le mode de calcul de l'allocation en
changeant la période de référence : sont pris en
compte les douze derniers mois sans en déduire les périodes
d'activité incomplète pour raison de santé.
Enfin, sur proposition de la commission des affaires culturelles de
l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un
amendement étendant d'une année supplémentaire le
délai de forclusion des dépôts de demandes de
bénéfice de la cessation anticipée pour les victimes de
l'amiante (article 26 A).
Cette extension, qui fait suite à celles prévues dans le projet
de loi de financement initial quant aux professions
bénéficiaires, a un coût non estimé lors de la
discussion du projet de loi de financement mais paraît légitime
pour faciliter les démarches des victimes.
2. La montée en charge prévisible des dépenses du fonds
Les
ressources du fonds, aux termes de l'article 41 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, sont constituées
" d'une contribution de l'Etat et d'un versement de la branche
accidents du travail et maladies professionnelles du régime
général de la sécurité sociale au titre des charges
générales de la branche. Un arrêté des ministres
chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget
fixe annuellement les montants de ces contributions. "
Au lieu de cela, le fonds n'a reçu que 100 millions de francs
correspondant à la participation de l'Etat. Ces crédits ont
été pris sur l'article 10 " Fonds spécial de
retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans
les mines " ( !) du chapitre 47-23 du budget de la santé et de
la solidarité. La loi de finances rectificative pour 1999 pourrait
accroître cette somme. En revanche, aucun versement de la branche
accidents du travail / maladies professionnelles n'est venu
compléter cette dotation, contrairement à ce qui avait
été prévu.
La loi de finances pour 2000 modifie la forme de la dotation de l'Etat, sans
d'ailleurs que l'article 41 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999 soit corrigé en
conséquence, ce qui laisse songeur sur la cohérence de la
production législative. Elle prendra la forme d'un transfert de 0,43 %
du produit des droits sur les tabacs (article 29 du projet de loi de finances
pour 2000), ce qui devrait représenter 200 millions de francs en 2000.
Les prévisions de dépenses du fonds font état de 2000
allocataires indemnisés à la fin de l'année 1999 pour un
coût de 130 millions qui passerait à 400 millions de francs en
année pleine.
L'extension prévue à l'article 26 aurait quant à elle un
coût de 600 millions de francs en année pleine,
soit un
total de dépenses pour le fonds estimé à brève
échéance à un milliard de francs par an
.
Or si le projet de loi de finances fixe le montant de la participation de
l'Etat, les annexes au projet de loi de financement de la
sécurité sociale sont muettes sur la participation de la branche
accidents du travail maladies professionnelles
qui devrait pourtant assumer
un coût de 800 millions de francs en année pleine,
supérieur par exemple à ses excédents annoncés pour
2000. Cette absence paraît donc atteindre à la
sincérité du projet de loi de financement de la
sécurité sociale présenté au Parlement.
Par ailleurs, comment feront les caisses régionales d'assurance maladie
pour contrôler les demandes émanant des dockers ayant
été exposés à l'amiante ? De très
strictes conditions devront être posées, faute de quoi ce fonds
pourrait financer des préretraites de dockers dont le lien avec
l'amiante serait assez ténu.
Votre rapporteur pour avis, s'il considère que la solidarité
nationale doit jouer à l'égard des victimes de l'amiante, se
montre donc très critique envers l'absence de prise en compte dans les
prévisions de dépenses de la branche accidents du travail de la
participation de celle-ci au fonds de prise en charge de la cessation
d'activité des victimes de l'amiante, qui vient altérer la
sincérité du projet de loi de financement.
C. L'AMÉLIORATION DE LA RÉPARATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS SUCCESSIFS (ARTICLE 26 BIS)
En
seconde délibération, l'Assemblée nationale a
adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui
prévoit l'indemnisation des " petits accidents successifs "
soit par une rente soit par indemnité en capital.
De plus, cet amendement répare une inégalité de traitement
entre les victime d'un seul accident et celles de plusieurs accidents
légers quant au calcul du taux d'invalidité. Dorénavant en
cas d'accidents successifs, il sera tenu compte du ou des taux
d'incapacité antérieurs.
Le coût de cet amendement pour les régimes d'accidents du travail
n'a pas été chiffré.
V. LA POLITIQUE DE TRÉSORERIE LAISSE PERSISTER LES ABERRATIONS DES ANNÉES PASSÉES
Au delà de bonnes mesures de simplification, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 contient les traditionnelles ratifications du décret d'avances et fixation des plafonds pour l'année prochaine. Or, cette politique de relèvements à la hausse ne s'attaque pas aux vrais problèmes de la trésorerie de la sécurité sociale que sont les délais de paiement par l'Etat et l'absence de " loi de financement de règlement " qui permettrait de solder les comptes.
A. LA SIMPLIFICATION DES MESURES DE TRÉSORERIE ENTRE L'ACOSS ET LES URSSAF (ARTICLE 29)
Les
relations financières techniques entre chaque URSSAF et l'ACOSS sont
aujourd'hui marquées par une grande complexité technique :
1. Le cotisant verse un chèque à l'URSSAF ;
2. L'URSSAF dépose le chèque sur un compte ouvert dans un
établissement privé ;
3. L'établissement remet à l'URSSAF un chèque de
couverture ;
4. L'URSSAF dépose le chèque de couverture auprès du
correspondant local de la Caisse des dépôts et consignations qui
héberge le compte unique de disponibilités de l'ACOSS ;
5. Le correspondant local de la Caisse demande à la Banque de France un
chèque de contrepartie pour les chèques tirés hors
place ;
6. La Banque de France lui accorde un chèque de contrepartie et donc
lui fournit un crédit gratuit en attendant l'encaissement du premier
chèque, soit deux ou trois jours.
L'article 29 propose de simplifier ces relations en instaurant un virement des
comptes des URSSAF vers celui de l'ACOSS. Déjà la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu
que tout employeur redevable de plus de 6 millions de francs de cotisations
devait procéder au paiement par virement bancaire ou moyen
dématérialisé.
Cette mesure se traduira par une perte en trésorerie pour les
chèques hors place qui subsisteront, mais surtout par le gain d'une
journée de trésorerie pour l'ensemble des autres moyens de
paiement puisque les comptes de l'ACOSS seront aussitôt
crédités. Par ailleurs, cette mesure a l'avantage de permettre de
se conformer à l'obligation posée par la Banque centrale
européenne aux banques centrales nationales de supprimer les avances
gratuites, qui profitaient en réalité aux banques commerciales
hébergeant les comptes des URSSAF.
Bilan de l'individualisation de la gestion de trésorerie
" La loi du 25 juillet 1994 a institué une
individualisation de la trésorerie de chaque branche, pour lesquelles
l'ACOSS assure une gestion commune. Elle garantit un suivi de trésorerie
individualisé, le créditement de chacune des branches en fonction
de sa situation de trésorerie. Cette règle autorisait
l'externalisation de la trésorerie sous réserve de l'application
de la règle sur les excédents durables. Cette règle
exigeait qu'une branche dispose de trésorerie excédentaire tout
au long de l'année. Cette condition n'a jamais été remplie.
Ces règles relatives à la gestion de la trésorerie et
notamment à l'établissement de prévisions par branche ont
été appliquées rigoureusement depuis la loi du 25 juillet
12994 et son décret d'application n° 95-516 du 24 février
195 sur la gestion de trésorerie.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a
supprimé la notion d'excédents durables de trésorerie
mentionnée à l'article L. 225-1 du code de la
sécurité sociale. L'article 46 de cette même loi lui
substitue la notion d'excédents de trésorerie globalement
constatés. Ainsi, alors qu'auparavant une branche aurait pu externaliser
sa trésorerie pour placer, à la condition de disposer toute
l'année d'une trésorerie excédentaire, les placements sont
aujourd'hui possibles pour les seules périodes où les
trésoreries cumulées des différentes branches du
régime général présentent un excédent. Cette
nouvelle règle garantit la solidarité des branches ne
trésorerie et autorise le placement d'excédents de
trésorerie ne période de fort excédent
cumulé ".
Source : réponse au questionnaire de la commission des finances
B. LA RATIFICATION DU DÉCRET DE RELÈVEMENT DU PLAFOND D'AVANCES DE TRÉSORERIE (ARTICLES 29 bis ET 30)
La loi
de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait fixé
le plafond de trésorerie du régime général à
24 milliards de francs. Il s'est révélé insuffisant et le
décret du 7 octobre 1999, dont l'article 30 du présent projet de
la loi de financement demande la ratification, l'a porté à
29 milliards de francs.
Le profil révisé du régime général part d'un
solde négatif de 6 milliards de francs au 1
er
janvier
pour atteindre un solde négatif de 2,7 milliards de francs au 31
décembre, en passant par un point bas de - 24,1 milliards de
francs le 12 octobre. L'amélioration de fin d'année s'explique
par l'encaissement en décembre des prélèvements sociaux
sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement.
L'écart par rapport aux prévisions initiales est d'autant moins
justifiable que le régime général devrait connaître
une amélioration par rapport à ce que le Gouvernement attendait.
En réalité, une fois encore, le dépassement résulte
essentiellement de la décision du Gouvernement de majorer l'allocation
de rentrée scolaire mais de ne verser la somme correspondant à
son coût (6,2 milliards de francs) qu'après adoption de la loi de
finances rectificative pour 1999. En attendant, la trésorerie du
régime général subit les frais liés à cette
avance, ce qui explique le passage sous le seuil minimal.
Votre rapporteur pour avis écrivait l'année
dernière :
" les mêmes causes produisant les
mêmes effets, une reconduction de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire l'an prochain entraînerait une dépassement
du plafond de trésorerie du régime général,
fixé à 24 milliards de francs par l'article
36 "
59(
*
)
.
Il déplore de
ne pas avoir été entendu l'année passée car ces
ratifications montrent le peu de sincérité des projets soumis au
Parlement en matière financière.
L'année prochaine, le solde partirait d'un point négatif de
2,7 milliards de francs pour revenir à un excédent de 5,2
milliards de francs en fin d'année. A la mi octobre, le besoin de
trésorerie serait de 25,9 milliards de francs. L'année devrait
être marquée par de fortes incertitudes sur le rythme
d'encaissement des recettes suite aux changements introduits par la loi de
financement, notamment avec les fonds de financement du passage aux
35 heures et de la couverture maladie universelle.
La prise en charge partielle par la CNAF l'an prochain de la majoration et le
relèvement du plafond en 2000 à 29 milliards de francs devrait
limiter le recours à un éventuel décret de
relèvement du plafond.
Cependant, votre rapporteur pour avis
regrette, cette année avec encore plus de force, que l'Etat n'inscrive
pas la majoration de l'ARS à son budget initial et n'assure pas le
versement de sa part en temps et en heure. Il n'est pas normal que les retards
de l'Etat pèsent sur les frais financiers de l'ACOSS et donc se
répercutent sur les prélèvements sociaux des
Français.
Il se réjouit donc de l'adoption à l'Assemblée nationale
d'un amendement de la commission des finances tendant à la
" neutralité des flux financés par la trésorerie
des régimes de protection sociale "
(article 29
bis
).
Les avances de trésorerie de la Caisse des dépôts
" L'ACOSS bénéficiait depuis la
convention
ACOSS / CDC du 18 juin 1980 d'un crédit de 15 milliards de francs en cas
de besoin de trésorerie. Ce montant a été porté
à 20 milliards de francs par un avenant du 8 juillet 1998.
Ces avances sont consenties au taux du marché (EONIA) + 0,5 point
pendant 21 jours par trimestre civil. En dehors de ces périodes, il
est possible de recourir à des avances exceptionnelles pendant huit
jours sur l'année civile au EONIA + 1 point. L'ACOSS peut
éventuellement demander des avances exceptionnelles dérogatoires
en cas de nécessité. Ces dernières sont au même taux
que les précédentes.
Un protocole d'accord du 24 septembre 1996 prévoyait que l'ACOSS pouvait
disposer d'une facilité maximale de 25 milliards de francs pour la
période du 25 septembre 19996 au 1
er
janvier 1997. Ces
avances supplémentaires étaient rémunérées
à TMP + 0,5 point. Au total, l'ACOSS disposait d'un crédit de 40
milliards de francs.
Un protocole d'accord du 28 février 1997 prévoyait que l'ACOSS
pouvait disposer d'une facilité maximale de 51 milliards de francs pour
la période du 28 février 1997 au 30 septembre 1997. Ces
avances supplémentaires étaient rémunérées
à TMP + 0,45 point. Au total, l'ACOSS disposait d'un crédit de 66
milliards de francs.
Un protocole d'accord du 30 septembre 1997 jusqu'au 29 janvier 1998
prévoyait une facilité d'un maximum de 87 milliards de francs.
Ces avances supplémentaires étaient
rémunérées à TMP + 0,45 point. Au total, l'ACOSS
disposait de 92 milliards de francs.
En 1998, un nouveau protocole d'accord a autorisé une facilité de
11 milliards de francs avec la CDC afin que la sécurité sociale
puisse disposer de fonds à hauteur de 31 milliards de francs comme
autorisés par le décret n° 98-753 du 26 août 1998
portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au
régime général de sécurité sociale. cette
facilité portait le taux de TMP + 0,5 point.
En 1999, l'ACOSS a été contrainte de recourir à des
avances exceptionnelles. Elle a négocié une nouvelle
facilité de trésorerie dans le cadre d'un dépassement du
plafond de 24 milliards fixé par le Parlement dans la loi de
financement pour 1999 et du relèvement de ce plafond. "
Source : réponse au questionnaire de la commission des finances
Par ailleurs, votre rapporteur pour avis rappelle que le plafond de
trésorerie est également le fruit des déficits
passés : à partir du 1
er
janvier 2000, l'ACOSS
supportera dans ses comptes les pertes du régime général
de 1999 (4 milliards de francs), et l'écart de 4,5 milliards de francs
entre le déficit provisionné de 1998 (12 milliards de francs) et
le déficit réel (16,5 milliards de francs), soit un total
d'au moins 8,5 milliards de francs.
Il s'étonne donc que le projet de loi de financement soit muet sur
les conséquences de ces déficits résultant des erreurs de
prévisions et de politiques du Gouvernement, sinon à y
répondre par des avances de trésorerie génératrices
de frais financiers pour l'ACOSS.
C. LE LANCINANT PROBLEME DE LA CNRACL
Pour la troisième année consécutive, le projet de loi de financement autorise la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL ) à emprunter pour couvrir ses besoins de trésorerie en cours d'exercice . L'emprunt est autorisé dans la limite d'un plafond fixé à 2,5 milliards de francs.
1. L'absurdité d'une logique d'endettement
Les
difficultés financières de la CNRACL
,
caractérisées par un résultat déficitaire depuis
1992
60(
*
)
et l'épuisement des
réserves à compter de 2000,
sont, paradoxalement, dues au
ratio démographique favorable de la caisse.
En effet, en raison du caractère favorable de sa démographie, la
CNRACL participe, du fait des mécanismes de " compensation "
et de " surcompensation ", au financement des autres régimes
de retraite.
Depuis 1987, date d'entrée en vigueur de la
surcompensation, environ un tiers des ressources de la CNRACL ne sont pas
consacrées aux prestations servies aux retraités des fonctions
publiques territoriales et hospitalières, mais à
l'équilibre financiers d'autres régimes.
Par exemple, en 1998, les ressources de la caisse s'élevaient à
60,8 milliards de francs. 44,9 milliards de francs ont
été consacrés au versement des prestations tandis que
19,1 milliards de francs étaient transférés aux
autres régimes. Le résultat de l'exercice accusait un
déficit de 1,7 milliard de francs.
La CNRACL peut lisser au cours d'un exercice les versements aux régimes
qui en bénéficient des sommes qu'elle doit au titre de la
compensation et de la surcompensation, les acomptes, en fonction de la
situation de sa trésorerie. Ce " décalage " des
acomptes a porté en 1999 sur 3,016 milliards de francs.
Une utilisation plus large de la pratique du décalage des acomptes
permettrait d'éviter à la CNRACL d'avoir recours à
l'endettement pour subvenir à ses besoins de trésorerie.
Cependant, les périodes de l'année pendant lesquelles la
situation de la trésorerie de la CNRACL lui permet de verser ses
acomptes ne coïncident pas forcément avec celles au cours
desquelles le régimes bénéficiaires de la compensation et
de la surcompensation rencontrent des besoins de trésorerie. En
conséquence, depuis 1998, la CNRACL a été autorisée
à recourir à l'endettement de manière à pouvoir
satisfaire le plus rapidement possible les besoins de trésorerie des
autres régimes de sécurité sociale, et notamment des
autres régimes spéciaux.
Il apparaît donc que, d'une part, l'existence des mécanismes de
compensation et de surcompensation est à l'origine des
difficultés financières de la CNRACL et que, d'autre part, la
caisse est maintenant contrainte de recourir à l'endettement pour
permettre une gestion plus confortable des autres régimes.
La caisse n'a pas utilisé sa faculté d'emprunter en 1998. En
1999, elle s'est endettée auprès du crédit local de
France. Les frais financiers afférent à cet emprunt, qui doit
être remboursé avant la fin de l'année, se sont
élevés à 1,9 millions de francs.
En 2000, d'après les informations recueillies par votre rapporteur pour
avis auprès du ministère de l'emploi et de la solidarité,
la CNRACL fera également usage de sa faculté de recourir à
l'emprunt.
2. L'indispensable reforme des modalités de la participation de la CNRACL au système des compensations
a) La CNRACL devient structurellement déficitaire
Les
difficultés financières de la CNRACL, provoquées par les
modalités de sa participation au système des compensations, sont
aggravées par la dégradation de son ratio démographique.
Celui-ci s'établissait à 3,7 en 1987 et à 2,8 en
1997. Les projections réalisées par la Caisse des
dépôts et consignations font état d'un ratio de
2,36 en 2000, de 1,75 en 2005, de 1,43 en 2010 et de 1,2 en
2015.
Le rapporteur du groupe de travail sur la CNRACL mis en place au sein du
comité des finances locales, M. Jean-Claude Frécon,
considère que certaines réformes structurelles sont
nécessaires, notamment la modulation de la durée de cotisation et
du taux d'annuité.
Il constate cependant que l'entrée en vigueur de ces mesures n'aurait
pas d'impact à court terme, et ne permettraient donc pas à la
caisse de faire face à son besoin de financement pour 2000 et 2001,
qu'il chiffre, en l'absence de changement de la réglementation, à
6 milliards de francs, soit l'équivalent de 3 points de cotisations.
Ce besoin de financement n'existerait pas si la CNRACL ne consacrait pas le
tiers de ses ressources aux versements aux autres régimes
. Par
conséquent, il apparaît que le meilleur moyen de rétablir
l'équilibre des comptes de la caisse est de diminuer le montant de ces
versements obligatoires, et notamment les versements au titre de la
surcompensation. Leur montant est déterminé par le taux d'appel
de la surcompensation. Initialement fixé à 22 %, il a
été porté à 30 % en 1992 et à 38 % pour les
années suivantes. Les élus locaux réclament depuis
longtemps sa diminution.
Afin d'obtenir de l'Etat un geste en matière de surcompensation, le
groupe de travail constitué au sein du comité des finances locale
a proposé de répartir en trois parts l'effort nécessaire
en 2000 et en 2001 entre l'Etat, qui consentirait à baisser le taux de
la surcompensation, les collectivités locales, qui accepteraient une
majoration de leur taux de cotisation, et les agents, dont les cotisations
augmenteraient également. L'augmentation des cotisations des agents a
été jugée possible en raison des augmentations de leurs
traitement résultant de l'accord salarial dans la fonction publique de
février 1998. En outre, le taux de cotisation des agents de la fonction
publique territoriale est de 7,80 %, alors qu'il est de 10 % dans le secteur
privé.
En cette matière, les élus locaux, comme les parlementaires,
doivent se contenter de faire des propositions puisque tant la
détermination du taux de la surcompensation que celle des taux de
cotisation relèvent du pouvoir réglementaire.
b) L'équilibre devrait être atteint en 2000 et en 2001
Le
Gouvernement a partiellement entendu les préconisations des élus
locaux et a décidé de répartir l'effort entre l'Etat et
les collectivités locales :
- le taux de la surcompensation baissera de 8 % en deux ans. Il sera
porté à 34 % en 2000 et à 30 % en 2001. En d'autres
termes, l'Etat accepte de réduire le montant de la participation de la
CNRACL au financement des cinq régimes spéciaux qui
bénéficient de la surcompensation
61(
*
)
et donc, en principe, d'accroître le montant
des subventions d'équilibre versées par l'Etat à ces
régimes.
62(
*
)
Les subventions de l'Etat aux autres régimes spéciaux constituent
des crédits votés en loi de finances, inscrits aux budgets de
ministères concernés par ces régimes (par exemple, les
crédits subventions au régime de la SNCF figurent au budget du
ministère des transports, les subventions au régime des mines
sont au budget des charges communes, etc.). Le projet de loi de finances pour
2000 ne prévoit pas les ajustements nécessaires. Il conviendra
donc d'être vigilant et de s'assurer que l'Etat, dans le cadre de la loi
de finances rectificative pour 1999 ou de la loi de finances rectificative pour
2000, supporte réellement l'effort qu'il a annoncé.
Cette vigilance est d'autant plus nécessaire que l'effort de l'Etat
s'accompagnera d'une augmentation de l'effort financier des
collectivités locales.
- les taux de cotisation des collectivités locales employeurs
augmenteront de 1 % en deux ans, soit un effort de 1,1 milliard de francs, dont
550 millions de francs en 2000. Le Gouvernement n'a, en revanche, pas retenu
l'idée d'une augmentation de la participation des agents.
Ces mesures devraient permettre à la CNRACL de faire face à ses
engagements en 2000 et en 2001 :
- en 2000, le déficit prévisionnel s'élève à
3,7 milliards de francs. La baisse de 38 % à 34 % du taux de la
surcompensation minorera les charges de la caisse de 1 milliard de francs,
tandis que l'augmentation des cotisation augmentera les ressources d'autant. Le
solde, soit 1,7 milliard de francs, sera couvert par la consommation des
réserves disponibles fin 1999, soit 1,57 milliard de francs.
L'écart entre 1,7 et 1,57 disparaîtra si, comme c'est le cas ces
dernières années, le déficit réalisé se
révélait inférieur au déficit
prévisionnel ;
- en 2001, les mesures nouvelles réduiront de 4 milliards de francs le
besoin de financement de la CNRACL . Cependant, le déficit
prévisionnel s'élève aujourd'hui à 4,7 milliards de
francs. Le Gouvernement parie donc que les comptes de la CNRACL se redresseront
de 700 millions de francs d'ici à 2001.
Au total, ces mesures devraient permettre à la CNRACL de passer, dans
des conditions difficiles, le cap de 2000 et de 2001. Elles ne font toutefois
que reporter les échéances, c'est-à-dire la mise en oeuvre
de véritables réformes de structure.
A ce titre, il convient de se demander dès aujourd'hui si les
collectivités locales et leurs agents pourront encore longtemps
continuer à consacrer le tiers de leurs cotisations au financement des
prestations servies à des retraités d'autres régimes qui,
en outre, bénéficient souvent de prestations plus favorables que
celles offertes par la CNRACL.
Votre rapporteur pour avis s'étonne donc que ce " plan de
redressement " fasse ainsi l'impasse sur 700 millions de francs en misant
sur la reproduction des bonnes surprises du passé.
Cette crainte est
d'autant plus fondée que le régime général supporte
la plus grande partie des incertitudes financières.
c) ... aux conséquences financières sur le régime général
Les
mesures proposées par le redressement de la CNRACL ont de lourdes
conséquences financières sur les équilibres financiers de
la sécurité sociale et, plus particulièrement, de la
CNAMTS et de la CNAVTS.
L'effet pour l'assurance maladie résulte directement des hausses de
cotisations des hôpitaux en tant qu'employeurs soit :
450 millions de francs en 2000,
900 millions de francs en 2001.
L'effet pour l'assurance maladie est plus incertain et dépend de la
bonne application des promesses du Gouvernement. En effet, en l'absence d'une
inscription au projet de loi de finances de l'effort de l'Etat comprenant la
baisse du taux de compensation, ce sont trois milliards de francs sur 2 ans (un
milliard en 2000 et deux milliards en 2001) qui pèseront sur la CNAVTS
par le simple jeu de la compensation entre les régions. C'est pourquoi
il est particulièrement essentiel que le projet de loi de finances
prévoit de manière explicite la compensation par l'Etat de ces
trois milliards de francs.
*
La question de la CNRACL illustre à la fois les absurdités de la politique de trésorerie - emprunter à court terme pour payer les charges de l'Etat -, de la politique en matière de retraites - ne rien faire - , et de la politique d'ensemble des finances publiques - l'absence de coordination des projets de loi de finances et de financement.
CONCLUSION : LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS
Votre
rapporteur pour avis estime que le projet de loi de financement, tel qu'il
résulte des délibérations de l'Assemblée nationale
en première lecture n'est pas acceptable.
Il comporte une mesure coûteuse, qui aggrave les
prélèvements, handicape l'économie, ne fera pas diminuer
le chômage : le non financement des 35 heures.
Il n'enraye pas la hausse des dépenses.
Il n'engage pas la baisse des prélèvements obligatoires.
Il ne prépare pas les réformes nécessaires pour adapter
notre système de protection sociale à l'avenir.
Pour toutes ces raisons, votre rapporteur pour avis vous propose
d'émettre un avis négatif et s'en remet à la commission
des affaires sociales, avec laquelle une réflexion commune a, sur bien
des points, été menée, pour lui apporter les corrections
nécessaires, sous réserve de la suppression de l'ensemble des
mesures relatives aux 35 heures.
Au delà de ce projet de loi, votre rapporteur pour avis souhaiterait
émettre huit observations tournées vers l'avenir comme autant de
lignes directrices qu'il ouvre à la réflexion.
1. La part collective du financement de la protection sociale doit désormais se stabiliser
Atteignant presque 22 % du PIB, les prélèvements obligatoires sociaux ne doivent pas augmenter, en proportion de l'activité. Les hausses de dépenses supérieures à la croissance économique devront ainsi contraindre à des choix de prise en charge collective des dépenses au sein d'une enveloppe. Cela permettra de dépenser mieux.
2. Il faut raisonner dans la globalité des finances publiques
Les finances publiques constituent un tout au sein duquel doit régner une cohérence. L'approche en termes de prélèvements, d'évolution de la dépense, de dette ne peut se distinguer selon le caractère social ou étatique des intervenants. Il convient donc de progresser sur la voie d'une consolidation des comptes publics, qu'il s'agisse des réalisations comme des prévisions des dépenses comme des recettes.
3. La sincérité et la lisibilité du financement de la protection sociale doivent devenir des objectifs majeurs
Les liens étroits avec le projet de loi de finances, les difficultés à opérer la réforme comptable, les astuces techniques, tout cela ne concourt pas à la sincérité du projet de loi de financement de la sécurité sociale comme des comptes sociaux. Aujourd'hui règne une opacité inacceptable et propice à tous les excès. Il convient de s'astreindre à la clarté.
4. Il faut en finir avec l'opinion selon laquelle toute capacité de financement doit aller à la couverture de nouvelles dépenses
Les recettes supplémentaires tirées de la croissance comme de la hausse des prélèvements ont servi ces dernières années à couvrir des dépenses toujours croissantes. Il convient de rompre avec cette tendance à utiliser chaque marge de manoeuvre, qui conduit à des rythmes d'évolution des dépenses trop élevés, ne correspondant à aucun choix de politique et qui fragilise le système dans l'avenir.
5. Il faut tirer les conséquences des écarts financiers constatés
Chaque exécution de loi de financement constate des écarts très importants entre les prévisions et les réalisations. Cependant, faute de " loi de financement de règlement ", ils ne sont jamais sanctionnés et brouillent ainsi les décisions tout en pesant sur la trésorerie. Il devient indispensable d'instaurer un rendez-vous législatif de correction des écarts.
6. La réforme des retraites n'est toujours pas mise en oeuvre
L'urgence de cette réforme ne fait aucun doute. Elle devra faire de façon globale, sans épargner aucun secteur d'activité, ni négliger aucune piste.
7. Il faut affecter les excédents à venir en priorité à la réduction de la dette sociale et à la baisse des prélèvements sociaux.
Les améliorations de solde résultant de hausses des recettes doivent servir à diminuer l'encours de la dette de la CADES (recettes exceptionnelles) et le niveau des prélèvements.
8. Il faut hâter l'adaptation de nos structures et outils de santé aux évolutions en cours
Notre
système de santé va se retrouver dans les années à
venir face à un bouleversement majeur, à la hauteur de ceux qui
ont vu le développement des antibiotiques et celui des techniques
lourdes d'hospitalisation. Les innovations technologiques dans le domaine du
médicament, la baisse du coût des matériels, la progression
de la sécurité sanitaire vont conduire à une
réorientation progressive de notre système de soins, aujourd'hui
centré sur l'hôpital lieu d'hébergement et de prouesses
techniques, vers une place croissante donnée à la médecine
ambulatoire et aux structures légères.
Dans le même temps devront évoluer notre approche de la
dépendance, la place de la vieillesse dans la société, la
conception et la vision de la mort.
Ces bouleversements ne peuvent s'intégrer à l'organisation
actuelle de notre protection sociale et, plus particulièrement, de notre
système de santé. Ils entraîneront des transferts humains,
financiers, de structures très importants. Votre rapporteur pour avis
estime essentiel d'adapter dès aujourd'hui nos dépenses sociales
à ces évolutions qui se dessinent.
*
Ainsi, il convient désormais de consacrer nos efforts à une amélioration de la qualité de la dépense : dépenser mieux pour mieux satisfaire les attentes des Français et ne pas handicaper l'économie française.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 10 novembre 1999, sous la présidence de
M. Alain Lambert, la commission a procédé, à
l'
examen
du
projet
de
loi
n°
40
(1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, de
financement
de la
sécurité sociale
pour 2000
,
sur le rapport de
M. Jacques Oudin
,
rapporteur pour avis
.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a d'emblée indiqué qu'il
estimait ce projet de loi encore plus mauvais qu'il aurait pu le penser.
Rappelant le rôle que jouait la commission des finances dans l'examen des
projets de loi de financement de la sécurité sociale, il a
estimé que cette dernière devait donner une vision nette du
présent et de l'avenir : étudier au Parlement les
différents comptes sociaux, évaluer l'état des
réformes entreprises en matière de politiques sociales,
décider des ajustements nécessaires pour prendre en compte les
dérives financières. Il a observé que, sur aucun de ces
sujets, le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000 n'offrait de perspective satisfaisante : les comptes sont
brouillés ; les finances sociales n'ont pas de cohérence avec les
finances de l'Etat ; les politiques sociales sont bien loin de l'ampleur des
enjeux ; l'exercice est comme pollué par les modalités de
financement du passage aux 35 heures.
Le rapporteur pour avis a souhaité replacer le projet de loi de
financement dans le contexte plus général des finances publiques.
Il a ainsi indiqué que la protection sociale représentait en 1998
30,6 % du produit intérieur brut (PIB), et que ce projet avait une
ampleur financière supérieure à celle de la loi de
finances. Il a ensuite formulé plusieurs observations sur les
prélèvements obligatoires affectés aux administrations de
sécurité sociale : ceux-ci dépassent ceux
affectés à l'Etat ; ils connaissent une hausse ininterrompue ; la
France est le pays d'Europe qui a le plus fort taux de
prélèvements obligatoires sociaux (19,6 % contre une moyenne de
9,8 % dans les pays membres de l'Organisation pour la coopération et le
développement économiques (OCDE) et la plus forte proportion de
prélèvements sociaux dans l'ensemble des
prélèvements obligatoires (41,6 % contre une moyenne de 28,9 %
dans l'OCDE). Il a constaté que, depuis 1997, pas moins de douze
impositions et taxes sociales avaient été soit
créées, soit élargies. Il a rappelé que la
sécurité sociale avait bénéficié de recettes
exceptionnellement favorables depuis 1997, fruit de la croissance
économique et des prélèvements nouveaux. Il a
constaté en revanche que les dépenses se poursuivaient depuis
trois ans sur un rythme trop élevé, supérieur à 3 %
en moyenne et que, de ce point de vue, le Gouvernement porterait la lourde
responsabilité de n'avoir pas utilisé les recettes
supplémentaires pour engager les réformes essentielles dont a
besoin notre système de protection sociale. Il a également voulu
dénoncer par avance toute approche par le solde, estimant que son
redressement ne devait pas cacher la progression des dépenses, rigides
et pérennes, et des recettes, elles, plus volatiles.
Puis M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a mentionné les liens
très étroits unissant les projets de loi de finances et de
financement de la sécurité sociale pour 2000.
Il a indiqué que ces imbrications, non seulement rendaient presque
impossible une vision globale et cohérente des finances publiques, mais
encore retiraient toute sincérité à chacun des deux
textes. En dehors des dispositions nécessaires au financement des 35
heures, il a illustré son propos de plusieurs exemples :
- la loi de finances ne mentionne pas la part de l'Etat (4,7 milliards de
francs) dans la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) qui
figure pourtant au projet de loi de financement ;
- la loi de finances ne mentionne pas la prise en charge par l'Etat d'un
milliard de francs correspondant à la subvention de la Caisse nationale
des allocations familiales (CNAF), au Fonds d'action sociale des travailleurs
immigrés et de leur famille, dont le transfert vers le budget de l'Etat
figure pourtant au projet de loi de financement ;
- la loi de finances ne mentionne pas la prise en charge par l'Etat de la
baisse de 3 milliards de francs sur deux ans du versement de la Caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au
titre de la surcompensation, baisse qui figure pourtant dans la loi de
financement ;
- la loi de finances ne mentionne pas les conséquences
financières des diverses revalorisations de prestations et
exonérations de cotisations qui figurent pourtant au projet de loi de
financement dans le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) ;
- à l'inverse, la loi de financement ne mentionne pas le
prélèvement de 1 milliard de francs sur le produit de la
contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au
BAPSA qui figure pourtant en loi de finances.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a ainsi souligné la
nécessité, déjà mise en évidence par le
rapporteur général, de disposer d'une lecture consolidée
des finances publiques.
Il a ensuite mis en doute la fiabilité des comptes de la
sécurité sociale. Il a observé que ces observations
résultaient avant tout de l'incapacité de l'Etat à
présenter une comptabilité en droits constatés de
l'ensemble des régimes. Il a expliqué que la commission des
comptes de la sécurité sociale avait, contre tout principe,
minoré l'excédent prévisionnel du régime
général de 8,1 milliards de francs en imputant sur les comptes
des caisses des mesures figurant dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale : la participation du régime
général à hauteur de 5,6 milliards de francs au
financement des 35 heures et la part revenant à la CNAF de la majoration
de l'ARS (2,5 milliards de francs). Il a fait remarqué que la loi de
financement dégradait ainsi en réalité le compte
tendanciel de plus de 12 milliards de francs, et non pas de 4 milliards de
francs comme l'indique le Gouvernement.
Puis, le rapporteur pour avis a détaillé le mode de financement
des 35 heures en constatant que le bouleversement du dispositif lors de
l'examen par l'Assemblée nationale en première lecture avait deux
conséquences étonnantes : l'attribution de droits sur les alcools
au fonds de financement des 35 heures au lieu du fonds de solidarité
vieillesse revient à priver de 5,6 milliards de francs en 2000 et
de 12 milliards de francs par an par la suite le fonds de réserve pour
les retraites ; l'attribution de 49 % du produit du prélèvement
social de 2 % sur les revenus du patrimoine revient à remettre en cause
le mode de financement de la couverture maladie universelle (CMU), pourtant
instauré en juin dernier.
Décrivant la mise en place du fonds de financement des 35 heures et ses
dépenses futures, estimées à 65 milliards de francs en
2000 et à 105 milliards de francs en année pleine, M.
Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a expliqué que le Gouvernement
proposait de les financer l'année prochaine par cinq
prélèvements obligatoires nouveaux et une subvention de l'Etat :
transfert de droits sur les tabacs, transfert de droits sur les alcools,
transfert et élargissement de la taxe générale sur les
activités polluantes (TGAP), création d'une cotisation sociale
sur les bénéfices des sociétés (CSB),
création d'une taxe sur les heures supplémentaires, et subvention
de l'Etat prélevée sur le budget de l'emploi.
Il a prédit pour 2001 que ces différents
prélèvements obligatoires augmenteraient sensiblement puisque le
Gouvernement aurait à trouver 50 milliards de francs nouveaux pour
financer les 35 heures. Evoquant les conséquences néfastes de
cette mesure et de son mode de financement pour l'économie
française, il a indiqué qu'il en proposerait la suppression.
Le rapporteur pour avis a ensuite critiqué le Gouvernement pour le choix
d'un nouveau mode de calcul de l'objectif national d'évolution des
dépenses d'assurance maladie (ONDAM) : le projet de loi propose de
calculer son taux d'évolution par rapport, non pas aux prévisions
de l'année précédente, mais aux réalisations, ce
qui revient à afficher un taux de progression de 2,5 % quand les
dépenses augmentent en réalité de 4,5 %. Il a
estimé que cette tromperie permettait de tirer un trait sur les
dépassements des années précédentes, soit 13
milliards de francs, mais qu'il n'en restait pas moins que l'ONDAM passerait,
si les prévisions se réalisaient, de 599,5 milliards de
francs en 1997, à 658 milliards de francs en 2000.
Dénonçant d'autres astuces comptables, il a appelé de ses
voeux l'établissement d'une loi de règlement pour le financement
de la sécurité sociale qui permettrait de limiter ces
manipulations de chiffres. Rappelant que les dépenses de santé
constituaient le premier poste de dérive des dépenses sociales,
il a fortement critiqué le mode de régulation proposé
cette année par le Gouvernement, en le qualifiant de trop complexe,
d'obstacle à la concertation, et de morcellement des
responsabilités.
S'agissant de l'industrie pharmaceutique, il a émis les plus vives
réserves sur la création d'une contribution exceptionnelle des
entreprises pharmaceutiques, mesure équivalente à une
précédente contribution déjà annulée par le
Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, et la Cour de justice des
communautés européennes.
Il a dénoncé l'absence de politique hospitalière, les
retards excessifs pris pour l'utilisation des fonds de restructuration
sous-dotés par rapport aux enjeux. Il a reproché au Gouvernement
de ne pas mener de réelle politique de rattrapage des disparités
régionales en matière de dotations hospitalières.
Abordant la question des retraites, le rapporteur pour avis a fait part de ses
interrogations sur les objectifs, le mode de gestion, et la nature des
ressources du fonds de réserve pour les retraites créé il
y a un an. De ce point de vue, il a dit chercher la cohérence entre les
prélèvements sur les ressources du fonds de solidarité
vieillesse et l'apparente volonté du Gouvernement de donner la
priorité au fonds de réserve. De même, il a
déploré l'immobilisme du projet de loi sur la réforme du
système français de retraites.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a qualifié de
" sans ambition " la politique de revalorisation arbitraire de
certaines prestations familiales. Il a fait part de ses craintes pour les
ressources de la branche famille face à l'absence, dans le projet de loi
de finances, de la part de la prise en charge par l'Etat de la majoration de
l'ARS. Il a précisé que le projet de loi de financement contenait
plusieurs mesures d'élargissement du dispositif de cessation
anticipée d'activité en faveur des victimes de l'amiante pour un
coût en année pleine d'un milliard de francs.
Enfin, le rapporteur pour avis a dénoncé les aberrations de la
politique de trésorerie. Il a expliqué que l'Agence centrale des
organismes de sécurité sociale (ACOSS) devait recourir
jusqu'à 29 milliards de francs d'avances de trésorerie de la
part de la Caisse des dépôts et consignations, résultant en
partie des retards de paiement de l'Etat et du déficit cumulé du
régime général faute de mesures correctrices
(8,5 milliards de francs) à la fin de l'année 1999.
Il a évoqué le cas de la CNRACL, qui doit recourir à des
avances de trésorerie, et prélever sur ses réserves, pour
financer un versement de 20 milliards de francs au titre de la surcompensation.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a conclu en proposant à la
commission d'émettre un avis négatif sur ce projet de loi de
financement, qui augmente les prélèvements, augmente les
dépenses, n'engage aucune réforme, fragilise l'économie
française.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a remercié le
rapporteur pour avis de sa mise en perspective du projet de loi de financement,
et s'est félicité qu'ayant travaillé en liaison
étroite avec la commission des affaires sociales, il puisse formuler des
analyses similaires et montrer des approches cohérentes.
Abordant la question du fonds de réserve pour les retraites, le
rapporteur général a constaté, pour le déplorer,
que les recettes de ce fonds s'annonçaient dramatiquement insuffisantes
par rapport aux objectifs, d'ailleurs assez flous. Il a fait part de sa
surprise devant le prélèvement opéré sur ces
recettes pour le financement des 35 heures, et a donc qualifié ce fonds
de " véritable imposture ". Il a noté que ce fonds,
présenté comme un signal du Gouvernement, se retrouvait
écorné dès la première occasion venue. Il s'est
donc interrogé sur l'évolution à venir du fonds de
réserve. Il a ensuite demandé à M. Jacques Oudin les
raisons pour lesquelles la partie de la majoration de l'ARS à la charge
de l'Etat ne figurait pas en loi de finances initiale. Enfin, il a posé
une question sur la cohérence entre la politique de trésorerie du
régime général de sécurité sociale et celle
de l'Etat.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a indiqué que rien n'avait
été fait encore pour le fonds de réserve et que toutes les
possibilités étaient donc ouvertes. Pour l'ARS, il a
rappelé qu'elle figurait auparavant en loi de finances rectificative
parce que la décision de majoration n'était pas prise au moment
de l'établissement de la loi de finances initiale. Il a cependant fait
remarquer que pour 2000 la décision de pérenniser la majoration
de l'ARS avait été prise dès le mois de juillet 1999, et
qu'elle aurait ainsi dû figurer en loi de finances initiale. S'agissant
de la politique de trésorerie, il a expliqué que les retards de
paiement de l'Etat permettaient à ce dernier de faire reposer la charge
de trésorerie sur la sécurité sociale.
M. Michel Mercier a observé que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 manifestait les limites de cet
instrument juridique, qui ne contribue pas à la maîtrise des
dépenses et apparaît de plus en plus comme une seconde loi de
fiscalité sans que l'on en connaisse vraiment les affectations. Il a
estimé qu'il y avait là un complet dérapage de la
volonté initiale du législateur organique qui était de
doter le Parlement d'un outil de maîtrise des dépenses.
M. René Ballayer a fait remarquer que le texte adopté par
l'Assemblée nationale mentionnait une hausse future des droits sur les
tabacs.
M. Joseph Ostermann a estimé qu'il devenait nécessaire de
réaliser un bilan net des prélèvements obligatoires pesant
sur les entreprises, et s'est demandé comment pourrait être
atteint le montant de 12,5 milliards de francs chacune pour la CSB et la TGAP.
Le rapporteur pour avis a fait part de sa forte préoccupation devant
l'évolution des projets de loi de financement de la
sécurité sociale. Il a estimé que l'objectif vertueux
initial, qui était de fournir un cadre global d'analyse de la
dépense sociale, se transformait par le machiavélisme de l'Etat
en moyen d'échapper aux stricts encadrements qui entravent les lois de
finances. Il a regretté, de ce point de vue, que l'examen des deux
textes procède de deux commissions différentes. Il s'est
félicité pour le chemin réalisé avec la commission
des affaires sociales sur la voie de la convergence des approches et a
souligné l'importance des réflexions menées sur la
dynamique des dépenses et l'inefficacité des mécanismes de
leur maîtrise. La loi de financement lui paraît ainsi
utilisée pour seulement augmenter et créer des taxes. Il a
estimé, s'agissant de la CSB et de la TGAP, que l'on n'éviterait
pas dans les années à venir une forte augmentation de leur taux.
Il a confié ses inquiétudes sur les conséquences de ce jeu
de dupes sur les entreprises françaises dans un contexte
d'économie ouverte.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.
A l'article 2 (création du fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale), elle a adopté
un amendement de suppression.
Elle a également proposé de supprimer les articles 3 (institution
d'une contribution sociale sur les bénéfices des
sociétés) et 4 (extension de la taxe générale sur
les activités polluantes).
Enfin, la commission a décidé d'émettre un avis
négatif sur l'ensemble du projet de loi de financement de la
sécurité sociale.
ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNALITES ET
ORGANISMES CONSULTÉS PAR VOTRE
RAPPORTEUR POUR AVIS
Agence
centrale des organismes de sécurité sociale
Caisse d'amortissement de la dette sociale
Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés
Cour des comptes
Fédération nationale de la mutualité française
Institut national de la statistique et des études économiques
Mouvement des entreprises de France
M. Claude LE PEN, professeur à l'Université Paris IX - Dauphine
M. Henri GUAINO, ancien commissaire au plan
ANNEXE 2 :
LISTE DES SIGLES
UTILISÉS
AAH |
Allocation d'adulte handicapé |
AGED |
Allocation de garde d'enfant à domicile |
ALF |
Allocation de logement familial |
AMM |
Autorisation de mise sur le marché |
ANAES |
Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé |
AP-HP |
Assistance publique - Hôpitaux de Paris |
APL |
Aide personnalisée au logement |
APUL |
Administrations publiques locales |
ARH |
Agence régionale d'hospitalisation |
ARS |
Allocation de rentrée scolaire |
ASSO |
Administrations de sécurité sociale |
BAPSA |
Budget autonome des prestations sociales agricoles |
BMAF |
Base mensuelle des allocations familiales |
C3S |
Contribution sociale de solidarité sur les sociétés |
CADES |
Caisse d'amortissement de la dette sociale |
CANAM |
Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés |
CANCAVA |
Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans |
CARGE |
Caisse des géomètres experts |
CCSS |
Commission des comptes de la sécurité sociale |
CDAG |
Centre de dépistage anonyme et gratuit |
CDC |
Caisse des dépôts et consignations |
CDEF |
Centre de planification ou d'éducation familiale |
CGI |
Code général des impôts |
CIPAV |
Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse |
CJCE |
Cour de justice des Communautés européennes |
CMU |
Couverture maladie universelle |
CNAF |
Caisse nationale d'allocations familiales |
CNAMTS |
Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés |
CNAMTS/AT |
Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés/accidents du travail |
CNAVPL |
Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales |
CNAVTS |
Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés |
CNRACL |
Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales |
CPAM |
Caisse primaire d'assurance maladie |
CRAM |
Caisse régionale d'assurance maladie |
CRDS |
Contribution au remboursement de la dette sociale |
CSB |
Cotisation sociale sur les bénéfices |
CSG |
Contribution sociale généralisée |
DOM |
Département d'outre-mer |
DREES |
Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques |
EDF |
Électricité de France |
FASMO |
Fonds d'accompagnement social pour la modernisation hospitalière |
FIMHO |
Fonds d'investissement pour la modernisation hospitalière |
FNE |
Fonds national pour l'emploi |
FSV |
Fonds de solidarité vieillesse |
GDF |
Gaz de France |
GVT |
Glissement vieillesse technicité |
IGAS |
Inspection générale des affaires sociales |
INSEE |
Institut national de la statistique et des études économiques |
MIRCOSS |
Mission interministérielle sur la comptabilité des organismes de sécurité sociale |
MSA |
Mutualité sociale agricole |
OCDE |
Organisation pour la coopération et le développement économiques |
ODAC |
Organismes divers d'administration centrale |
ONDAM |
Objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie |
OQN |
Objectif quantifié national |
OQR |
Objectif quantifié régional |
ORGANIC |
Caisse de compensation de l'organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce |
PIB |
Produit intérieur brut |
PLF |
Projet de loi de finances |
PLFSS |
Projet de loi de financement de la sécurité sociale |
RATP |
Régie autonome des transports parisiens |
RDB |
Revenu disponible brut |
RMI |
Revenu minimum d'insertion |
SEC |
Système européen de comptabilité |
SMIC |
Salaire minimum interprofessionnel de croissance |
SML |
Syndicat des médecins libéraux |
SMR |
Service médical rendu |
SNCF |
Société nationale des chemins de fer français |
SNIP |
Syndicat national de l'industrie pharmaceutique |
SROS |
Schéma régional d'organisation sanitaire |
TGAP |
Taxe générale sur les activités polluantes |
TIPS |
Tarif interministériel des prestations sanitaires |
TVA |
Taxe sur la valeur ajoutée |
UNEDIC |
Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce |
URSSAF |
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales |
1
Voir liste des sigles utilisés en
annexe.
2
In Dossier de présentation du projet de loi de finances
pour 2000.
3
In Rapport économique social et financier annexé au
projet de loi de finances pour 2000, page 203.
4
Article L. 136-2 du code de la sécurité sociale.
5
Régime fixé à l'article 14 de l'ordonnance
n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette
sociale.
6
Article 10 de la loi n° 96-1160 du 27 décembre
1996.
7
Directeur régional de la sécurité sociale de
Bordeaux c/ Piquero et autres.
8
Chambre sociale de la Cour de cassation, 28 juin 1979,
n° 592.
9
Chambre sociale de la Cour de cassation, 6 octobre 1994,
n° 1296.
10
Chambre sociale de la Cour de cassation, 24 mars 1994,
n° 921
11
Chambre sociale de la Cour de cassation, 27 février
1992, n° 534
12
L'article L. 122-9 du code du travail dispose que
" le salarié lié par contrat de travail à
durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il
compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même
employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité
minimum de licenciement dont le taux et les modalités de calcul (...)
sont fixés par voie réglementaire "
.
En vertu du décret n° 91-415 du 26 avril 1991 (codifié
à l'article R. 122-2 du code précité),
" l'indemnité minimum de licenciement (...) ne peut être
inférieure à une somme calculée, par année de
service dans l'entreprise (...). Le salaire servant de base au calcul de
l'indemnité est le salaire moyen des trois derniers mois. "
13
Encore convient-il de préciser que la fraction
imposable des indemnités de licenciement peut bénéficier
du système du quotient prévu par l'article 163-O A du CGI
qui permet d'atténuer la progressivité du barème de
l'impôt.
14
In Rapport de la commission des comptes de la
sécurité sociale, septembre 1999, tome I, page 36.
15
In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité
sociale, septembre 1999, pages 96 et 97.
16
Voir la dernière partie de cet avis.
17
Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole.
18
Décret n° 85-570 du 4 juin 1985 relatif à
l'exonération partielle des cotisations dues au régime de
protection sociale des personnes non-salariées agricoles par les jeunes
agriculteurs.
19
Il s'agit des cotisations techniques et complémentaires
d'assurance maladie, invalidité et maternité, de prestations
familiales et d'assurance vieillesse. La contribution sociale
généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement
de la dette sociale (CRDS) ne sont donc pas concernées.
20
Selon le principe de l'annualité, aucune cotisation
sociale n'est due au titre de l'année au cours de laquelle débute
une activité agricole non salariée.
21
La revalorisation proposée va au-delà de la simple
compensation de l'effet - CSG qui aurait aboutit aux taux suivants : 55 %,
45 % et 35 % pour un coût d'environ 50 millions de francs.
22
Il est probable qu'elle sera étendue dans un prochain
texte à tous les " jeunes " relevant du régime social
agricole (éleveurs de chevaux et exploitants forestiers) pour un
coût supplémentaire de 10 millions de francs.
23
Moins de 7000 installations aidées en 1999, en diminution
de 15 % par rapport à 1998.
24
Rapport du Conseil d'analyse économique, " Les
cotisations sociales à la charge des employeurs : analyse
économique ", juillet 1998
25
n° 30 (1999-2000) page 244.
26
Il convient cependant de s'interroger sur l'expression
" à terme " utilisée dans l'exposé des motifs.
27
Rapport n° 1873, Assemblée nationale, commission des
finances, 11
ème
législature
28
Ainsi, le ministre de l'économie et des finances ne
fait-il que s'abstenir de prolonger une surtaxe temporaire que la ministre de
l'emploi va recréer de son côté.
29
Le coût pour le budget de l'Etat des aides à la
réduction du temps de travail sera donc, au total, de 6,8 milliards de
francs en 2000.
30
N° 1826, Assemblée nationale, 11
ème
législature
31
n° 1876, Assemblée nationale, commission des
affaires culturelles, familiales et sociales, 11
ème
législature
32
Direction de l'animation de la recherche et des études
statistiques
33
Voir pour les autres mesures que sont les heures
supplémentaires,le transfert de droits sur les alcools et celui de
droits sur les tabacs
supra
dans le commentaire de l'article 2 et
infra
dans le commentaire sur le fonds de réserve pour les
retraites.
34
Cette condition est censée être
vérifiée par les entreprises dont le capital, entièrement
libéré, est détenu, directement ou indirectement, à
75 % au moins par des personnes physiques.
35
Le taux de la contribution temporaire sur l'impôt sur
les sociétés, fixé à 15 % pour les exercices
clos entre le 1
er
janvier 1997 et le 31 décembre 1998, est
passé à 10 % pour les exercices clos entre le 1
er
janvier 1999 et le 31 décembre 1999.
36
Voir rapport AN n° 1873 pour avis, de la commission des
finances, sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000, page 30.
37
Voir notamment les décisions n° 82-140 du 28
juin 1982 et 82-152 du 14 janvier 1983.
38
Aucune estimation de l'impact de la réforme de la taxe
professionnelle sur le produit de l'impôt sur les sociétés
n'a en revanche été effectuée pour 1999.
39
L'avoir fiscal a pour objet de supprimer la double taxation des
bénéfices distribués. Or, la suppression de toute
double-imposition suppose la réunion de deux conditions : un taux
d'impôt sur les sociétés de 33 1/3 % et un avoir
fiscal de 50 %. Depuis que le taux facial de l'impôt sur les
sociétés a été porté à 36,6 %
puis à 39,9 %, la première condition n'est plus
réunie. La seconde ne l'est plus non plus depuis que le taux de l'avoir
fiscal a été ramené à 45 %.
40
On rappelle que le Royaume-Uni a fait passer son taux de 33
à 31 % (21 % pour les PME), puis 30 % et 20 % en
1999/2000, avec un taux de 10 % pour les plus petites entreprises en 2000.
L'Allemagne vise à l'horizon 2002 un taux de 35 % voire 28 %
41
Le Sénat, suivant sa commission des finances, avait
supprimé l'article relatif à la TGAP notamment au motif que ce
nouvel impôt comportait de nombreux risques pour le financement de
l'environnement.
42
+ 78 % en 2000 par rapport à 1999 et + 290 % en 2001 par
rapport à 2000.
43
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000
prévoit dans son article 31 la création d'un nouveau compte
spécial du Trésor, le fonds national de l'eau. Celui-ci
comporterait une section, le " fonds national de solidarité pour
l'eau ", dotée de 500 millions de francs par un
prélèvement sur les agences de l'eau afin de financer des actions
d'envergure nationale dans le domaine de l'eau et d'opérer des
péréquations entre agences. Une réforme plus
générale des redevances des agences de l'eau est prévue
pour 2001.
44
" La fiscalité au secours de l'eau ", par M.
Yves Tavernier au nom de la commission des finances de l'Assemblée
nationale, rapport d'information n° 1807, 1999-2000.
45
" Agriculture, monde rural et environnement : qualité
oblige "
46
Environ 13 milliards de francs.
47
" Pour un développement durable : une
fiscalité au service de l'environnement ", par Mme Nicole
Bricq, fait au nom de la Commission des finances de l'Assemblée
nationale, rapport d'information n° 1000, 1997-1998.
48
" Maîtriser les émissions de gaz à effet
de serre : quels instruments économiques ? ",
M. Serge Lepeltier, au nom de la délégation du
Sénat pour la planification, rapport n° 346, 1998-1999.
49
L'article 18 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier
1959 portant loi organique relative aux lois de finances prévoit
notamment que
" l'affectation est exceptionnelle et ne peut
résulter que d'une disposition de loi de finances, d'origine
gouvernementale (...) "
.
50
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
estime au
Journal Officiel des débats de l'Assemblée
nationale
, 2
e
séance du 19 octobre 1999, p. 7617
" qu'
il n'est donc pas nécessaire d'évoquer (le
transfert de la TGAP) dans la loi de finances
".
51
" Quelle fiscalité de l'environnement ? ",
M. Guillaume Sainteny, Revue française de finances publiques, n°
63, Septembre 1998.
52
Rapport général fait au nom de la commission des
finances du Sénat, par M. Philippe Marini, sur le projet de loi de
finances pour 1999, n° 66, 1998-1999.
53
Décret n° 99-315 du 27 octobre 1999
54
Avis de Monsieur Jacques Oudin au nom de la commission des
finances du Sénat sur le projet de loi de financement de la
Sécurité sociale pour 1999, n° 56 (1998-1999).
55
In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité
sociale, 1999, page 161.
56
In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité
sociale, 1999, page 190.
57
In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité
sociale pour 1999, page 137.
58
La Caisse des dépôts et consignations a
annoncé le 27 octobre 1999 qu'elle verserait 3 milliards de francs
au fonds de réserve, prélevés sur son résultat de
1999. Faute de support législatif, cette mesure reste cependant
théorique.
59
Avis de Monsieur Jacques Oudin au nom de la commission des
finances, n° 56 (1998-1999), page 62.
60
La CNRACL a dégagé un excédent en 1997, mais
il était artificiel : il s'explique par le versement à la
caisse de 4,5 milliards de francs en provenance des crédits de
l'allocation temporaire d'invalidité.
61
Les régimes qui bénéficient de la
surcompensation sont celui de la RATP, de la SNCF, des Mines, des marins et de
la SEITA.
62
En 2000, les modifications apportées au mode de
financement de la CNRACL (augmentation des cotisations employeurs, baisse des
taux de surcompensation) se traduiront pour l'Etat par les mouvements
suivants :
- diminution de 1 milliard de francs des versements de l'Etat, en tant que
régime de sécurité sociale, aux régimes
bénéficiaires de la surcompensation,
- augmentation de 2 milliards de francs des subventions d'équilibres
aux régimes bénéficiaires de la
surcompensation.