Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

OUDIN (Jacques)

AVIS 68 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES

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Table des matières




N° 68

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1999

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : 1835 , 1873 , 1876 et T.A. 368

Sénat :
40 , 58 (1999-2000)


Sécurité sociale.

INTRODUCTION

Le tiers du produit intérieur brut, des prélèvements obligatoires toujours élargis et augmentés, des dépenses toujours croissantes, des nouveaux besoins toujours couverts, tel est le paysage des finances sociales de notre pays.

Et pourtant, la période de croissance économique que connaissent la France et l'Europe, les mutations profondes de notre société, les gains d'efficacité que permettent les évolutions technologiques constituent autant d'atouts que les années passées auraient enviés.

1999 et 2000 apparaîtront comme des moments exceptionnels, deux années favorables pour engager notre système de protection sociale sur la voie de la réforme que tous appellent. Le constat de la fin d'un système a déjà été fait. Les grandes réformes du Gouvernement Juppé ont jeté les bases et les structures d'une nouvelle approche de la protection sociale. Le temps est venu de réaliser dans ce cadre les changements nécessaires. Demain, les nouveaux médicaments rendront coûteux et inutile le séjour à l'hôpital pour bien des pathologies ; demain, les défis du vieillissement conduiront à penser différemment les services aux personnes âgées, les modes de logement, la conception de la mort même ; demain, les actifs ne pourront plus prendre en charge, seuls et dans les conditions actuelles, les retraites d'une partie croissante de la population.

Pour engager ces réformes de fond, il faut faire des choix. Il est facile de ne pas choisir quand les recettes budgétaires sont là. Il est dramatique de ne pas choisir quand on en a la possibilité, la connaissance, le devoir.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 sera celui de l'occasion ratée, celui où il était possible d'engager les réformes de fond de l'assurance maladie, de l'hôpital public, des retraites. Il restera comme celui d'un non financement des 35 heures qui grève durablement l'équilibre des finances sociales.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis estime que ce projet de loi de financement est muet pour l'économie et la société françaises d'aujourd'hui, et profondément inadapté pour celles de demain.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est celui des non réformes et du non financement. Pas celui du courage et ni celui du volontarisme.

PROLOGUE :

LA PROTECTION SOCIALE REPRÉSENTE 30 % DE

L'ÉCONOMIE FRANÇAISE

En 1998, la France a dépensé 2. 623,7 milliards de francs au titre de la protection sociale (3.081,7 milliards de francs si on inclut les dépenses de transferts) et y aura consacré 2.639,8 milliards de francs de ressources. Les dépenses de protection sociale représentaient donc 30,6 % du PIB 1( * ) , et les recettes 30,8 %. Ces masses considérables se répartissent en plusieurs agrégats et en plusieurs catégories de dépenses et recettes.

A. LES DIFFÉRENTS COMPTES DE LA PROTECTION SOCIALE

La protection sociale regroupe l'ensemble des assurances sociales auxquelles s'ajoutent les régimes d'intervention des administrations (par exemple le logement, les handicapés, le RMI, etc.), les régimes d'employeurs et les régimes de la mutualité, de la retraite supplémentaire et de la prévoyance.

Les assurances sociales ajoutent à l'indemnisation du chômage la sécuritésociale .

Cette dernière recouvre : le régime général de sécuritésociale (CNAMTS / AT, CNAVTS, CNAF), les fonds spéciaux (par exemple le FSV), les régimes directs, le régime des salariés agricoles, les autres régimes particuliers de salariés, les régimes complémentaires, les régimes des exploitants agricoles et les régimes des non salariés non agricoles.

La loi de financement de la sécurité sociale couvre quant à elle un champ encore différent qui ne se superpose pas à ces trois agrégats. Elle concerne en effet, pour les dépenses, tous les régimes de base comptant plus de 20 000 assurés, et, pour les recettes, l'ensemble des régimes de base.

Le champ de la protection sociale couvre ainsi les différents risques et moments de la vie humaine :

• santé ;

• vieillesse et survie ;

• maternité et famille ;

• emploi ;

• logement ;

• pauvreté et exclusion sociale.

Le compte de la protection sociale montre une augmentation constante des moyens consacrés par la Nation à ce titre : le taux de progression des emplois comme des ressources est toujours supérieur au taux de croissance du PIB sur la période 1995 / 1998, comme le montre le tableau de la page suivante.

Sur cette période, le solde de la protection sociale s'est redressé grâce à une évolution plus favorable des ressources que des dépenses (évolution annuelle moyenne des dépenses hors transfert de 3,1 % contre 3,9 % pour les recettes).

L'analyse des dépenses révèle la part à peu près constante de chaque ligne, à l'exception des frais financiers qui diminuent suite à la reprise de la dette sociale par la CADES. Les prestations sociales en nature ont tendance à augmenter plus vite que celles en espèces. Les dépenses de transferts augmentent très fortement suite aux nombreuses interventions de l'Etat.

Les ressources montrent le pendant de cette intervention croissante par la très forte progression des impôts et taxes affectés. Cette hausse révèle également l'opération de transfert d'une partie des cotisations sociales sur la CSG.

La signification du solde doit être nuancée. En effet, l'adoption par l`INSEE du nouveau système de comptabilité nationale en base 95, fondé sur le principe des droits constatés, permet de prendre en compte les admissions en non valeur et, ainsi, de révéler la fragilité et la relativité des concepts utilisés :

Du solde de la protection sociale au solde comptable

(en milliards de francs)

 

1995

1996

1997

1998

Solde

- 42,3

- 21,2

- 11,6

16,1

Admissions en non valeur

- 2,0

- 9,8

- 15,6

- 14,3

Solde comptable

- 44,3

- 31

- 27,2

1,8

Source : comptes de la protection sociale, Drees.

Evolution du compte de la protection sociale

(en millions de francs et %)

 

1995

1996

96/95

1997

97/96

1998

98/97

EMPLOIS

 
 
 
 
 
 
 

Prestations de protection sociale

2 268 658

2 357 733

3,9

2 425 229

2,9

2 495 829

2,9

Prestations sociales, dont :

2 021 644

2 103 851

4,1

2 166 778

3,0

2 229 188

2,9

. Prestations en espèces

1 532 834

1 595 951

4,1

1 642 821

2,9

1 685 188

2,6

. Prestations en nature

735 824

761 782

3,5

782 408

2,7

810 640

3,6

Prestations de services sociaux

247 014

253 882

2,8

258 451

1,8

266 641

3,2

Frais de gestion

94 231

98 368

4,4

100 624

2,3

103 880

3,2

Transferts

398 608

438 907

10,1

456 126

3,9

457 945

0,4

Frais financiers

16 421

5 197

- 68,4

6 092

17,2

3 548

- 41,8

Autres dépenses

17 839

18 836

5,6

18 464

- 2,0

20 455

10,8

Total des emplois

2 795 757

2 919 041

4,4

3 006 535

3,0

3 081 657

2,5

Total des emplois hors transferts

2 397 149

2 480 134

3,5

2 550 409

2,8

2 623 712

2,9

RESSOURCES

 
 
 
 
 
 
 

Cotisations

1 749 434

1 827 982

4,5

1 836 737

0,5

1 751 118

- 4,7

Impôts et taxes affectés

168 336

177 031

5,2

232 941

31,6

416 613

78,8

Transferts

398 608

438 907

10,1

456 126

3,9

457 945

0,4

Contributions publiques

354 675

376 217

6,1

388 732

3,3

391 871

0,8

Produits financiers

24 264

23 878

- 1,6

21 765

- 8,8

22 979

5,6

Autres recettes

58 068

53 890

- 7,2

58 603

8,7

57 256

- 2,3

Total des ressources

2 753 385

2 897 905

5,2

2 994 904

3,3

3 097 782

3,4

Total des ressources hors transferts

2 354 777

2 458 998

4,4

2 538 778

3,2

2 639 837

4,0

SOLDE

- 42 372

- 21 136

 

- 11 631

 

16 125

 

Evolution moyenne annuelle.

Source : Compte de la protection sociale - Drees.


Les différentes composantes de la protection sociale contribuent de façon distincte à cette amélioration générale.



Source : Compte de la protection sociale.

L'amélioration du régime général et surtout la forte progression de l'excédent du champ de la protection complémentaire (régimes complémentaires ainsi que les mutuelles et institutions de prévoyance compris sous le label autres régimes) compensent ainsi la disparition progressive de l'excédent de l'Unedic.

B. LES PRESTATIONS SOCIALES

Elles constituent 82 % du montant total des emplois de protection sociale et s'élevaient à près de 2.500 milliards de francs en 1998.

Evolution des prestations de protection sociale par risque

Montants en millions de francs courants

1995

1996

96/95

1997

97/96

1998

98/97

98/95 (1)

Santé

762.579

791.638

3,8

805.285

1,7

833.828

3,5

3,0

Vieillesse - survie

976.141

1.018.340

4,3

1.050.463

3,2

1.083.770

3,2

3,5

Maternité - Famille

235.178

242.611

3,2

254.262

4,8

253.769

- 0,2

2,6

Emploi

194.788

203.603

4,5

204.908

0,6

207.416

1,2

2,1

Logement

72.313

72.358

0,1

79.416

9,8

83.456

5,1

4,9

Pauvreté - Exclusion sociale

27.659

29.183

5,5

30.895

5,9

33.590

8,7

6,7

Ensemble des prestations

2.268.658

2.357.733

3,9

2.425.229

2,9

2.495.829

2,9

3,2

(1) Evolution annuelle moyenne

Source : Annexe G au PLFSS 2000.


Sur l'ensemble de la période, ce sont donc les prestations en faveur de la pauvreté et de l'exclusion sociale puis celles en faveur du logement qui connaissent la plus forte hausse. En revanche, la part consacrée à la maternité et à la famille et celle consacrée à l'emploi tendent à ralentir, la première sous l'effet d'une baisse des dépenses en 1998, la seconde de l'amélioration relative de la situation de l'emploi. Cependant, l'évolution globale reste conditionnée aux trois quarts par la santé et la vieillesse / survie : la moitié de la hausse des dépenses de protection sociale vient de ce dernier poste et 40 % de la santé.

En 1998, la part respective de chaque agrégat dans ces dépenses était de 77 % pour les régimes de sécurité sociale (dont 45 points pour le seul régime général), de 5 % pour l'indemnisation du chômage, 4 % pour les régimes de la mutualité, de retraite supplémentaire et de prévoyance, 11 % pour les régimes d'intervention des pouvoirs publics, 2,5 % pour les régimes d'employeurs et 0,5 % pour les régimes d'intervention sociale des ISBLSM.

En leur sein, la part des prestations sous condition de ressources augmente légèrement, de 13,4 % en 1995 à 13,7 % en 1998 essentiellement par la progression des prestations chômage et des prestations familiales sous condition de ressources (hors allocations familiales et AGED en 1998), et par celle de la part globale des prestations logement et pauvreté / exclusion sociale, toutes soumises à ces conditions.

Le poids très important des prestations sociales dans l'économie française se retrouve bien entendu sur le revenu des ménages. Le taux de socialisation des revenus, qui compare les prestations sociales au revenu disponible brut des ménages, montre une progression sur la période, marque avec certain ralentissement en 1998, alors même que la part des prestations dans le PIB augmente. Cela vient d'une plus forte progression du revenu disponible brut des ménages que le PIB.

Taux de socialisation des revenus

(en %)

 

1995

1996

1997

1998

Prestations de protection sociale / RDB ajusté

36,5

37,1

37,0

36,8

Transferts de biens et services non marchands individuels / RDB ajusté

8,2

8,4

8,4

8,4

Prestations sociales et transferts en nature / RDB ajusté

44,7

45,5

45,4

45,2

Source : Compte de la protection sociale - Drees

Comptes nationaux - Insee

Prestations de protection sociale en 1998

(en millions de francs)

 

Assurances sociales

 

Régimes de la

Régimes

Régimes

 
 

Régimes de la sécurité
sociale

Régime

d'indemni-sation

du chomage

Total

Régimes

d'em-ployeurs

mutualité, de la retraite sup-plémentaire et de la prévoyance

d'inter-vention sociale des pouvoirs publics

d'interven-tion sociale des ISBLSM

TOTAL

RISQUES

Régime général

Autres régimes

Total

 
 
 
 
 
 
 

SANTE

568.366

125.685

694.051

0

694.051

14.001

75.235

49.719

822

833.828

Maladie

466.970

103.944

570.914

0

570.914

12.554

69.587

9.074

822

662.951

Invalidité

71.535

12.363

83.898

0

83.898

304

5.442

40.645

0

130.289

Accidents du travail

29.861

9.378

39.239

0

39.239

1.143

206

0

0

40.588

VIEILLESSE-SURVIE

359.175

674.965

1.034.140

58

1.034.198

693

25.797

23.082

0

1.063.770

Vieillesse

337.843

565.885

903.728

0

903.728

693

11.756

16.098

0

932.275

Survie

21.332

109.080

130.412

58

130.470

0

14.041

6.984

0

151.495

MATERNITE-FAMILLE

174.414

1.877

176.291

0

176.291

21.950

1.006

53.974

548

253.769

Maternité

29.391

1.626

31.017

0

31.017

0

217

0

0

32.234

Famille

145.023

251

145.274

0

145.274

21.950

789

53.974

548

225.535

EMPLOI

0

3.845

3.845

122.884

126.729

25.928

0

54.759

0

207.416

Chômage

0

3.845

3.845

112.263

116.108

25.928

0

34.015

0

176.051

Insertion et réinsertion professionnelle

0

0

0

10.621

10.621

0

0

20.744

0

31.365

LOGEMENT

17.209

1.098

18.307

0

18.307

0

0

65.149

0

83.456

PAUVRETE-EXCLUSION SOCIALE

0

0

0

0

0

0

0

27.377

6.213

33.590

TOTAL DES PRESTATIONS

1.119.164

807.470

1.926.634

122.942

2.049.576

62.572

102.038

274.060

7.583

2.495.829

La protection sociale dans l'Union européenne en 1996

Le poids des dépenses de protection sociale

" La part des dépenses de protection sociale dans le PIB s'élève à 28,7 % en moyenne dans l'Union européenne en 1996. C'est en l'Irlande qu'elle est la plus faible (18,9 %) et en Suède la plus élevée (34,8 %). Les pays du sud de l'Europe (Espagne, Grèce, Italie, Portugal) consacrent généralement une part moins importante de leur PIB à la protection sociale, alors que les pays nordiques (Danemark, Finlande, Suède) se situent au-dessus de la moyenne européenne.

Cette situation est pour une part importante liée au niveau de développement, les pays les plus riches étant ceux qui redistribuent le plus. La Suède, par exemple, avec 19 200 SPA (parité de pouvoir d'achat, c'est à dire monnaie artificielle reflétant en termes réels le pouvoir d`achat de chaque pays) de PIB par habitant, en redistribue 34,8 %, alors que le Portugal avec 13 000 en redistribue 21,6 %. Cette tendance n'est cependant pas systématique et d'autres facteurs influent sur le niveau des dépenses sociales : ainsi l'Italie a un niveau de PIB par tête du même ordre que celui de la Suède, mais consacre 10 points de moins à la protection sociale. Interviennent à cet égard des causes structurelles, comme la pyramide des âges, la structure des ménages ou le taux de chômage, mais aussi et surtout d'autres facteurs touchant aux différences dans les systèmes nationaux de protection sociale, aux solidarités familiales, etc.

Le poids des dépenses de protection sociale dans le PIB s'est accru jusqu'en 1993 pour redescendre ensuite légèrement, sauf dans des pays comme l'Allemagne, la Belgique, la Grèce, le Luxembourg et le Portugal. Le ralentissement de la croissance, la progression du chômage et de l'exclusion sociale dans la première partie de la période ont poussé à la hausse des dépenses sociales dans le PIB. La reprise économique, la décrue du chômage, mais également les efforts d'ajustements budgétaires précédant l'entrée dans l'Union monétaire européenne, expliquent l'inversion du mouvement observée par la suite. "


Les prestations de protection sociale par fonction

" Dans la plupart des pays, les prestations vieillesse et survie représentent le poste le plus important : 44,8 % du total en moyenne dans l'Europe des Quinze en 1996. Seuls quatre pays (Finlande, Irlande, Pays-Bas et Portugal) font exception. L'Irlande avec 20 % et l'Italie avec près de 66 % sont situées aux extrêmes de la distribution. En Irlande, la proportion de personnes âgées est beaucoup moins élevée que partout ailleurs dans l'Union européenne (11 % de plus de 65 ans en 1996 contre 16 % pour l'Union européenne). En Italie, les préretraites pour motif économique sont classées dans cette fonction et non avec le chômage, comme le font la plupart des pays ; en outre, la part des retraités dans la population est plus importante que dans les autres pays européens.

Le second poste de dépenses sociales est celui des dépenses de santé (35,4 % pour l'ensemble de l'Union européenne). Prépondérant dans les dépenses en Finlande, en Irlande, aux Pays-Bas et au Portugal, il représente plus de 30 % du total des dépenses dans les autres pays, à l'exception du Danemark (28,4 %) et de l'Italie (28,6 %).

Les prestations liées à la famille représentent globalement 7,9 % du total des prestations dans l'Union européenne. Parmi les pays y consacrant une part assez importante de leurs dépenses (plus de 10 %), on trouve à côté du Luxembourg, de l'Irlande et de l'Autriche, les pays du Nord de l'Europe, caractérisés par l'importance des prestations en nature dispensées par les services sociaux. La part des allocations logement est généralement faible (2 % en moyenne), sauf au Royaume-Uni (7,2 %) où ces prestations sont ciblées sur les ménages démunis. "


La structure de financement de la protection sociale (hors transferts)

" En 1996, les deux tiers du financement de la protection sociale dans l'Union européenne sont assurés, en moyenne, par les cotisations sociales ; le solde est constitué principalement des contributions publiques et des impôts et taxes affectés. Bien que ces sources de financement soient communes à l'ensemble des pays, leur poids relatif varie en fonction de l'histoire et des logiques institutionnelles des systèmes de protection sociale. On classe schématiquement les pays en deux groupes : ceux dits de tradition bismarckienne où le système reposait sur une assurance, souvent sur une base professionnelle, et les pays de tradition beveridgienne où le système a pris originellement la forme d'une aide universelle sans préalable de versement de cotisations. Le premier groupe serait plutôt formé de pays de l'Europe continentale ; dans le second, on retrouverait les pays nordiques, l'Irlande et le Royaume-Uni. Les autres pays européens se rattachent à l'une ou l'autre tradition. Aujourd'hui, le deux systèmes sont en voie de rapprochement, en particulier du fait de l'accroissement du financement fiscal dans les pays où prédominent les cotisations. C'est particulièrement net pour la France où la part des cotisations a baissé de 8 points entre 1996 et 1998.

Entre 1990 et 1996, la part des cotisations a diminué de 1,5 point pour l'ensemble des pays de l'Union européenne. Au sein des cotisations sociales, la part des cotisations versées par les employeurs reste prépondérante, malgré un mouvement de baisse assez généralisé, traduisant l'objectif déclaré d'alléger les coûts de la main d'oeuvre pour favoriser l'emploi. Le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique se situent toutefois en dehors de cette évolution. Parallèlement, la part des cotisations versées par les salariés, les indépendants et les bénéficiaires de prestations sociales s'est légèrement accrue, phénomène particulièrement net dans les pays nordiques et aux Pays-Bas. Dans d'autres pays, comme en France, en Irlande et au Royaume-Uni, leur poids a baissé du fait d'une réorientation du financement de la protection sociale vers les recettes fiscales.

Les contributions publiques et les impôts et taxes affectés pèsent en moyenne européenne pour près de 32 % dans les recettes de protection sociale en 1996, contre moins de 29 % en 1990. Le mouvement de hausse est assez général dans les pays où la part des cotisations était importante ; à l'inverse, au Danemark, l'introduction de nouvelles cotisations pour alimenter des fonds du marché du travail en 1994 a contribué à réduire la part largement prépondérante des contributions publiques et des impôts et taxes affectés. "


Source : " Les comptes de la protection sociale en 1998 ", in Etudes et résultats , n° 36, octobre 1999, Drees, Ministère de l'emploi et de la solidarité.

CHAPITRE PREMIER :

LES LOIS DE FINANCEMENT S'INSCRIVENT DANS

L'ENSEMBLE DES FINANCES PUBLIQUES

I. LES FINANCES SOCIALES DÉGRADENT LES FINANCES PUBLIQUES

Auditionné le 27 octobre 1999 par la commission des affaires sociales, le premier président de la Cour des comptes, Monsieur Pierre Joxe, a estimé qu'il était " désormais nécessaire d'établir un budget consolidé des collectivités publiques correspondant à l'ensemble des prélèvements obligatoires " . Votre commission des finances se réjouit de cette prise de position qui rejoint sa conviction profonde et ancienne selon laquelle il convient de prendre en compte l'ensemble des finances publiques dans une vision statique (les comptes consolidés de la collectivité) et dynamique (les évolutions respectives de chaque poste de dépenses et recettes) afin d'en examiner la cohérence.

Cette tentative d'analyse globale montre de toute évidence que la France ne mène pas une politique financière cohérente, puisque tandis que des efforts, au moins d'affichage, sont réalisés pour les finances de l'Etat, dépenses et recettes de la protection sociale, qui représentent plus de 30 % du PIB contre moins de 19 % pour le budget de l'Etat (pour les dépenses), connaissent une dynamique exponentielle.

A. LES FINANCES SOCIALES, PREMIER POSTE DES FINANCES PUBLIQUES

1. Le poids des dépenses sociales dans les finances publiques

Il est aujourd'hui impossible de raisonner seulement en termes de finances de l'Etat pour appréhender de façon satisfaisante les finances publiques.

L'état retraçant l'effort social de la Nation rend compte du rapport relatif entre les dépenses sociales et les dépenses de l'Etat. Le champ des dépenses sociales ne correspond pas exactement avec celui de la protection sociale puisque en sont exclus les efforts individuels.

Evolution comparée des dépenses sociales et du budget de l'Etat

(en milliards de francs)

 

1996

1997

1996 / 1997

1998

1997 / 1998

Dépenses sociales

2.270

2. 336

+ 2,9 %

2.400

+ 2,8 %

Budget de l'Etat

1.642

1.655

+ 0,8 %

1.674

+ 1,1 %

Dépenses sociales / budget de l'Etat

138,2 %

141,1 %

-

143,3 %

-

Source : Etat retraçant l'effort social de la Nation annexé au projet de loi de finances pour 2000

Les comptes de la Nation montrent que les prestations sociales et transferts, premier poste de dépenses des administrations publiques, ont vu leur part augmenter de façon continue depuis 1992.

Structure des emplois consolidés des administrations publiques
en comptabilité nationale

(en %)

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Dépenses de fonctionnement et d'investissement

43,3

42,7

42,3

42,0

42,3

42,0

42,0

42,1

42,3

Prestations sociales et transferts

49,8

50,2

50,5

50,5

50,0

50,6

50,7

51,0

51,0

Coopération internationale courante

0,8

0,7

0,7

0,7

0,6

0,6

0,6

0,6

0,5

Intérêts versés

6,1

6,4

6,5

6,8

7,1

6,8

6,6

6,3

6,1

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

100

Source : Insee/Comptes de la Nation base 1995 ; années 1999 et 2000 : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000.

Malgré ce poids très important, on peut douter que les administrations publiques poursuivent un objectif précis d'utilisation de ces masses financières. La situation du secteur de la santé, de la famille, de la vieillesse, du chômage, de la pauvreté montrent que les besoins nouveaux ne sont pas couverts alors même que la part collective de ceux-ci n'a jamais cessé de croître.

De plus, cette augmentation incessante ne permet pas pour autant d'améliorer la redistribution sociale, dont le taux est passé de 29,7 % en 1996 à 29,2 % en 1998.

Taux de redistribution sociale par risque

(en %)

 

1995

1996

1997

1998

Santé

9,8

10,0

9,8

9,7

Vieillesse - survie

12,6

12,8

12,8

12,7

Maternité - Famille

3,0

3,0

3,1

3,0

Emploi

2,6

2,6

2,5

2,4

Logement

0,9

0,9

1,0

1,0

Pauvreté - Exclusion sociale

0,4

0,4

0,4

0,4

Prestations totales

29,3

29,7

29,6

29,2

Source : Compte de la protection sociale - Drees.

Comptes nationaux - Insee.


Il serait donc erroné de voir dans la hausse des dépenses sociales le fruit d'une politique ou le signe d'une amélioration sociale. Elle n'est que le résultat de l'incapacité de la puissance publique à réaliser les choix sociaux d'aujourd'hui qui passent par une dépense maîtrisée et mieux orientée vers les attentes des Français, comme les nouvelles pathologies ou les soins dentaires en matière de santé, la dépendance et la réforme des retraites en matière de vieillesse.

Ces dépenses passent pour l'essentiel hors du budget de l'Etat mais l'étude ce dernier permet de conforter ce constat de la part croissante du social dans la dépenses publique.

2. Le poids des dépenses sociales dans le budget de l'Etat

Le poids des dépenses sociales dans le budget de l'Etat peut se mesurer de trois façons différentes.

Le premier moyen renvoie à l'augmentation relative de la part des ministères sociaux dans l'ensemble du budget. Le budget de l'emploi et de la solidarité sera en 2000 le troisième budget derrière celui de l'éducation nationale et celui des charges communes. Il dépassera celui de la défense et connaîtra la quatrième plus forte progression de l'ensemble des postes budgétaires à structure constante : + 4,3 % en passant de 243,24 à 253,64 milliards de francs.

Il se voit ensuite à la dynamique des impôts et taxes affectés à la protection sociale. Ils passeront en 2000 de 478,2 milliards de francs à 547,3 milliards de francs, soit une hausse de 14,5 % résultant pour les deux tiers du transfert de 39,5 milliards de francs de droits sur les tabacs dans le cadre des 35 heures.

Impôts et taxes

Ressources 2000 affectées à la sécurité sociale

 

Jaune PLF

PLFSS 2000

Impôts et taxes affectés figurant au " Jaune "

512.227

511.595

Impôts et taxes affectés en 2000 à la sécurité sociale, FSV inclus

474.407

475.575

Contribution sociale généralisée

365.900

365.900

Prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital

11.300

11.300

Contribution sociale de solidarité sur les sociétés

17.850

19.152

Alcools

19.181

19.056

Tabacs

47.799

47.799

Auto

5.980

5.974

Hydrocarbures

25

23

Primes d'assurance contre les accidents du travail

120

120

Contributions diverses des laboratoires et distributeurs de spécialités pharmaceutiques

3.086

3.086

Taxes d'aide au commerce et à l'artisanat (part ORGANIC et CANCAVA)

 
 

Taxe prévoyance

2.780

2.780

Droits de plaidoirie

86

85

Recettes affectées à d'autres organismes concourant au financement de la sécurité sociale

36.020

36.020

Contribution pour le remboursement de la dette sociale

28.520

28.520

Taxe générale sur les activités polluantes

3.250

3.250

Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

4.250

4.250

Impôts et taxes affectés à d'autres organismes

1.800

0

Contribution des organismes de protection sociale complémentaire(1)

1.800

 

Prélèvements ne figurant pas au " Jaune "

28.170

28.022

Taxes spécifiques affectées au BAPSA (dont TVA nette), cf. " bleu BAPSA "

28.022

28.022

Prélèvement sur les régimes de prestations familiales, cf. " bleu des voies et moyens " (2)

148

 

Contribution de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi

6.900

6.900

Total général

547,297

546,517

Source : produit des impositions affectées à des organismes de sécurité sociale annexé au projet de loi de finances 2000

(1) les mutuelles " maladie " ne relèvent pas du champ des LFSS, ni a fortiori de la sécurité sociale.

(2) Prélèvement indiqué pour mémoire constituant une dépense de la CNAF.


Enfin, ce poids est révélé par l'augmentation croissante des contributions publiques aux différents régimes de protection sociale. Il s'agit de l'ensemble des versements de l'Etat aux régimes de protection sociale, prélevés sur les recettes fiscales. Cela recouvre :

• les subventions d'équilibre des régimes d'intervention sociale des pouvoirs publics (comme le RMI, les allocations logement) et des assurances sociales (comme la branche vieillesse du régime spécial des mines, la caisse de retraite des marins, les régimes de la RATP ou de EDF / GDF) ;

• les versements correspondant au financement de certaines prestations versées par des organismes de protection sociale, comme l'AAH versée par la CNAF.

Ces contributions publiques ont augmenté de 10,5 % entre 1995 et 1998 pour s'élever cette année-là à 391,9 milliards de francs.

Contributions publiques reçues par les différents régimes

(en milliards de francs)

 

1995

1996

1997

1998

1995 / 1998

Régime général de la sécurité sociale et fonds spéciaux

23,2

24,7

24,9

26,9

+ 16 %

Régimes d'indemnisation du chômage

9,5

3,7

3,1

1,7

- 82 %

Régimes d'intervention sociale des pouvoirs publics

275,8

305,8

315,4

319,7

+ 16 %

Autres régimes de sécurité sociale

46,3

42

45,3

43,6

- 6 %

Total

354,7

376,2

388,7

391,9

+ 10,5 %

Source : compte de la protection sociale, Drees

A ces dépenses directes s'ajoutent des dépenses de transferts qui correspondent le plus souvent au remboursement par l'Etat de certains allégements de charges sociales. Par exemple, les cotisations prises en charge par l'Etat représentaient 62,7 milliards de francs en 1998 et s'élèveront à 83 milliards de francs en 2000, principalement à cause des versements du fonds de financement des 35 heures.

Le montant global des transferts donne aussi une idée des débudgétisations réalisées en matière sociale. Jusque en 1994, l'Etat prenait en charge le financement de l'allocation du Fonds national de solidarité. Maintenant, il est à la charge du Fonds de solidarité vieillesse soit une dépense de transfert de 75 milliards de francs en 2000.

Or toutes ces dépenses sont financées par des prélèvements obligatoires qui, du même coup, augmentent également.

3. Le poids croissant des prélèvements sociaux dans les prélèvements obligatoires

Alors que les prélèvements obligatoires français battent des records en Europe, notre pays connaît un mouvement contradictoire : les prélèvements au profit de l'Etat ne cessent de diminuer tandis que ceux au profit de la protection sociale ne cessent de croître.

a) Les prélèvements obligatoires au profit des administrations de sécurité sociale dépassent ceux au profit de l'Etat

En 1998, les administrations de sécurité sociale avaient reçu 1 763,2 milliards de francs de prélèvements obligatoires contre 1 471,3 milliards de francs pour l'Etat. Elles sont à l'origine de la hausse du montant de ces prélèvements depuis 1997.

Montant des prélèvements obligatoires en France depuis 1997

(en milliards de francs)

 

1997

1998

1999

2000

1997/2000

Impôts après transferts (1)

2.200,9

2 450,6

2 542

2 619,4

+ 19 %

Administrations publiques centrales

1.454,2

1 . 504,5

 
 
 

dont Etat

1.389,1

1.436,2

 
 
 

APUL

471,7

492,8

 
 
 

ASSO

218,1

400,9

 
 
 

Union européenne

56,9

52,3

 
 
 

Cotisations sociales effectives (2)

1 . 491,1

1 . 397,4

1 . 456,2

1 . 493

+ 0,1 %

Etat

33,7

35,1

 
 
 

ASSO

1 457,5

1 362,3

 
 
 

Total des prélèvements obligatoires effectifs

3.6922,1

3.848

3.996,2

4.1122,4

+ 11,4 %

(1) Les impôts sont comptabilisés après transferts de recettes fiscales et nets des impôts non recouvrés.

(2) Nettes des cotisations dues non recouvrables.

Source : INSEE, Comptes nationaux pour 1997-1998, PLF pour 1999-2000.

b) Les prélèvements sociaux augmentent plus vite que l'ensemble des prélèvements obligatoires

Les prélèvements obligatoires en France connaissent une évolution contrastée qui est liée à leur mode de calcul. En effet, le taux de prélèvement obligatoire est calculé en rapportant le montant total prélevé au montant du produit intérieur brut. Comme de nombreux impôts et taxes sont assis sur l'activité de l'année précédente, ce mode de calcul revient à majorer les prélèvements de l'Etat en 1999 et à les minorer en 2000.

Cette précaution méthodologique mise à part, on constate qu'alors que les prélèvements en France connaissent une certaine stabilité sur quatre ans, la part des prélèvements sociaux ne fait que croître.

Prélèvements obligatoires rapportés au produit intérieur brut (en %)

 

1997

1998

1999

2000

Etat

17,3

17,2

17,5

16,9

dont : cotisation sociales

0,4

0,4

0,4

0,4

Organismes divers d'administration centrale

0,8

0,8

0,8

0,8

dont : CRDS

0,3

0,3

0,3

0,3

Administrations publiques locales

5,7

5,8

5,5

5,3

Administrations de sécurité sociale

20,4

20,6

20,9

21,3

dont : cotisations sociales

17,7

15,9

16,1

15,9

Institutions européennes

0,7

0,6

0,6

0,6

Total des prélèvements obligatoires

44,9

44,9

45,3

44,8

Source : INSEE, Comptes de la Nation/base 1995. Années 1999 et 2000 : Rapport économique,

social et financier annexé 2000...


Pour pallier en partie le biais méthodologique induit par ces effets reports du PIB, il convient de prendre la répartition de la structure interne des prélèvements obligatoires :

Répartition des prélèvements obligatoires (en %)

 

1997

1998

1999

2000

Etat

38,5

38,2

38,6

37,6

dont : cotisation sociales

0,9

0,9

0,9

0,9

Organismes divers d'administration centrale

1,8

1,8

1,7

1,7

dont : CRDS

0,7

0,7

0,7

0,7

Administrations publiques locales

12,8

12,8

12,2

11,9

Administrations de sécurité sociale

45,4

45,8

46,1

47,5

dont : cotisations sociales

39,5

35,4

35,5

35,4

Institutions européennes

1,5

1,4

1,3

1,2

Total des prélèvements obligatoires

100

100

100

100

Source : INSEE, Comptes de la Nation/base 1995. Années 1999 et 2000 : Rapport économique, social et financier Projet de loi de finances 2000

Le mouvement de hausse est encore plus visible en étudiant le seul taux de pression sociale qui regroupe l'ensemble des prélèvements allant à la protection sociale : il passe de 24,8 % en 1995 à 25,3 % en 1998. De plus ce taux montre le mouvement de bascule résultant de la substitution de la CSG à une partie des cotisations sociales maladie.

Evolution du taux de pression sociale

(en %)

 

1995

1996

1997

1998

Cotisations sociales / PIB

22,6

23

22,3

20,4

Impôts te taxes affectés / PIB

2,2

2,2

2,8

4,9

Taux de pression sociale

24,8

25,2

25,1

25,3

Source : compte de la protection sociale, Drees.

c) La particularité de la France dans l'OCDE se confirme

La France est le pays de l'OCDE comme de l'Union européenne qui a le taux de prélèvements obligatoires consacrés à la protection sociale le plus élevé en Europe, qu'il s'agisse du taux brut rapporté au PIB (19,2 %) ou bien de la part de prélèvements sociaux dans l'ensemble des prélèvements obligatoires (41,6 %).

Répartition des prélèvements obligatoires sociaux dans l'OCDE (1997)

(en %)

 

Prélèvements sociaux / PIB

Prélèvements sociaux / prélèvements obligatoires

France

19,2

41,6

Pays-Bas

17,7

40,7

Suède

15,9

29,8

Allemagne

15,6

41,6

Italie

15,1

33,5

Belgique

14,8

31,8

Espagne

12,4

35,1

Grèce (1)

12,4

30,5

Luxembourg

11,8

25,8

Japon (1)

10,4

36,5

Portugal

8,9

25,9

Etats-Unis

7

24,7

Royaume-Uni

6

17

Irlande

4,5

12,8

Danemark (1)

1,6

3,1

Union européenne

12,2

28,9

OCDE

9,8

25,1

(1) Chiffres 1996/

Source : OCDE.

B. UNE DYNAMIQUE DES FINANCES SOCIALES À L'ENCONTRE DE CELLE DES FINANCES DE L'ETAT

Présentant le projet de loi de finances pour 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Monsieur Dominique Strauss-Kahn, a indiqué que ce budget reposait, notamment, sur un choix : " la maîtrise des dépenses va permettre de procéder à la plus forte baisse d'impôts depuis dix ans " 2( * ) . Le budget de l'Etat augmente ainsi de 0,9 % en dépenses à périmètre constant, soit le niveau attendu des prix pour 2000.

Parallèlement, le champ de la loi de financement de la sécurité sociale montre des prévisions de recettes en hausse de 3,45 % et des objectifs de dépenses qui augmentent de 2,75 % dans le projet initial.

Plus encore, la dynamique des finances sociales est déconnectée de celle de l'Etat. En l'absence de mesures fortement correctrices des dépenses, la politique menée en matière de finances sociales aboutit à ce paradoxe qui veut que la France prélève toujours plus, pour toujours plus de dépenses mais toujours moins de satisfaction des attentes des Français envers leur système de protection sociale.

1. Des dépenses et prélèvements en hausse constante

Qu'il s'agisse des dépenses et des recettes, la part de la protection sociale croît sans cesse en France à un rythme supérieur à celui de l'inflation comme de l'activité (sauf pour les dépenses de 1998). Cette tendance est plus particulièrement à l'oeuvre dans le champ du régime général.

Variation des recettes et des dépenses (consolidées) du régime général et du PIB (en %)

 

1996

1997

1998

1999

2000**

2001**

2002**

Recettes

4,6

4,7

4,4

4,9

3,3

3,4

3,7

Dépenses

3,1

2,9

2,8*

3,8*

2,9

3,1

3,1

Inflation hors tabac

1,7

1,1

0,6

0,5

0,9

 
 

Consommation des ménages

3,2

1,6

3,2

2,4

2,7

 
 

Croissance du PIB

1,1

2

3,2

2,3

2,6 / 3

 
 

* La mise sous condition de ressources des allocations familiales entre le 1 er avril et le 31 décembre 1998 a pour effet de réduire le taux de croissance des dépenses de 0,3 point en 1998 et de l'augmenter d'autant en 1999.

** prévisions

Sources : Commission des comptes de la sécurité sociale, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000.


Il pourrait paraître paradoxal de critiquer l'évolution à la hausse des dépenses et des recettes publiques affectées à la protection sociale dans un contexte où les administrations de sécurité sociale redressent leur solde.

Besoin/capacité de financement des administrations publiques

(% PIB)

 
 
 
 
 

Hypothèse prudente (4)

Hypothèse favorable (5)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2001

2002

Etat

- 3,3

- 3,0

- 2,7

- 2,4

- 2,2

- 2,0

-

-

ODAC (1)

+ 0,7

+ 0,15

+ 0,1

+ 0,15

+ 0,2

+ 0,2

-

 

APUL (2)

+ 0,2

+ 0,15

+ 0,15

+ 0,2

+ 0,2

+ 0,3

-

-

ASSO (3)

- 0,6

- 0,2

+ 0,15

+ 0,25

+ 0,2

+ 0,3

-

-

Total

- 3,0

- 2,9

- 2,3

- 1,8

- 1,6

- 1,2

- 1,2

- 0,8

(1) Organismes divers d'administration centrale.

(2) Administrations publiques locales.

(3) Administrations de sécurité sociale.

(4) Croissance du PIB = 2,5 % par an.

(5) Croissance du PIB = 3,0
% par an. Le Gouvernement ne décompose pas par secteur car il y aurait, dans cette hypothèse, des baisses de prélèvements obligatoires différenciées.

Source : débat d'orientation budgétaire pour 2000 et projet de loi de finances pour 2000.


Votre rapporteur pour avis estime cependant qu'il ne faut pas seulement raisonner en terme de solde s'agissant des finances publiques. Les niveaux absolus atteints par notre pays pour la place de la sphère publique dans l'économie, le poids des prélèvements obligatoires et celui des dépenses publiques handicapent sérieusement notre économie pour affronter l'avenir. Il estime plus que jamais indispensable de progresser à une réduction du bilan de la sphère publique, de son passif comme de son actif, des dépenses, prestations et transferts qui le composent, comme des impôts, taxes et cotisations qui le financent.

Nouveaux prélèvements obligatoires en matière sociale depuis 1997

12 mesures sont intervenues depuis 1997 pour augmenter ou élargir un prélèvement obligatoire social :

1. substitution de la CSG aux cotisations sociales maladies qui s'est traduite par une hausse des prélèvements sur les revenus du patrimoine (4,5 milliards de francs) (LFSS 1998) ;

2. passage de 6 à 8 % du taux de la taxe sur les contrats de prévoyance supplémentaire (LFSS 1998) ;

3. déplafonnement des cotisations d'allocations familiales des non salariés (LFSS 1998) ;

4. augmentation de la taxe sur la publicité pharmaceutique (LFSS 1998) ;

5. création de la taxe sur les ventes directes de médicaments (LFSS 1998) ;

6. création de la taxe de santé publique sur les tabacs (LFSS 1998) ;

7. extension de l'assiette des prélèvements sur les revenus du patrimoine et les produits de placement (LFSS 1998) ;

8. reversement sanction sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques n'ayant pas signé d'accord de limitation (LFSS 1999) ;

9. contribution assise sur le chiffre d'affaires santé des organismes de protection sociale complémentaire (loi CMU de mai 1999) ;

10. taxation des heures supplémentaires des entreprises n'ayant pas signé d'accords de réduction du temps de travail (seconde loi 35 heures) ;

11. projet de création d'une cotisation sociale sur les bénéfices des entreprises (PLFSS 2000) ;

12. projet d'élargissement de la taxe générale sur les activités polluantes (PLFSS 2000).

A ces 12 créations ou extensions, se sont ajoutés les excédents de recettes tirés de la croissance économique.

2. Une dynamique que vient renforcer le présent projet de loi de financement

Dans une vision pluriannuelle des finances publiques, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 révèle une tendance à la hausse des dépenses comme des prélèvements qui paraît peu conforme au programme pluriannuel adopté par la France pour l'horizon 2002 de diminution des dépenses publiques et de maîtrise des prélèvements obligatoires.

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000 le reconnaît lui-même : " Pour l'année 1999, les prestations sociales des administrations de sécurité sociale sont plus dynamiques que celles prévues dans le programme pluriannuel de finances publiques. Cette progression traduit pour partie les effets de la revalorisation des pensions (1,2 %) qui avaient été calibrés au 1 er janvier sur les prévisions d'inflation de l'automne dernier et d'autre part le dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Dans le même temps, les allocations chômage servies par les régimes sociaux ne bénéficient pas pleinement de l'amélioration sur le marché du travail, en raison de la hausse du montant de l'indemnisation moyenne et de la montée en charge de l'allocation de remplacement. L'an prochain, les prestations sociales devraient progresser à un rythme équivalent à celui proposé dans la programmation (2,2 %). L'objectif de dépense maladie est légèrement revu à la hausse pour 2000 (+ 1,6 % contre + 1,3 %). " 3( * ) 4( * )

Dépenses des administrations publiques et programme pluriannuel de finances publiques

(en %)

 

1999

2000

 

Programme pluriannuel

PLF et PLFSS

Programme pluriannuel

PLF et PLFSS

Dépenses de l'Etat

1

1

0,3

0

ONDAM (2)

1,4

2,6

1,3

1,6

Prestations sociales des ASSO

1,3

2,7

2,3

2,2

(2) Calculé en valeur et non en volume comme dans le PLFSS.

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000


Le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial présentait ainsi une hausse de périmètre de 3,45 % pour les recettes et de 2,75 % pour les dépenses ; le passage à l'Assemblée nationale a ramené ces chiffres à 3,15 % et 2,5 %.

Tableau du périmètre du PLFSS 1999 / 2000

(en milliards de francs)

 

LFSS 1999

PLFSS 2000(*)

Ecart

Variation

Objectif de dépenses

1 806,6

1 851,4

44,8

+ 2,5 %

Prévision de recettes

1 810,9

1 867,7

56,8

+ 3,15 %

(*) Après première lecture à l'Assemblée nationale.

Source : projet de loi de financement pour 2000.


Les dépenses augmentent ainsi en partie sous le coup des évolutions spontanées, en partie par les mesures nouvelles qui viennent dégrader le solde du régime général. Aux 4 milliards de francs de mesures nouvelles annoncées par le Gouvernement, il convient d'ajouter diverses mesures qu'il a négligées.

Conséquences annoncées du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2000
sur le solde du régime général

(en millions de francs)

 

Maladie

Accidents du travail

Vieillesse

Famille

Total

Solde du compte tendanciel

- 3.700

650

6.500

2.550

6.000

Mesures

1.050

- 60

- 3.850

- 1.140

- 4.000

- " Coup de pouce " de 0,3 % sur la BMAF

 
 
 

- 340

- 340

- Versement des aides au logement jusqu'à 21 ans

 
 
 

- 220

- 220

- Versement du complément familial jusqu'à 21 ans

 
 
 

- 330

- 330

- Fonds d'action sociale CNAF

 
 
 

- 250

- 250

- " Coup de pouce " de 0,3 % aux pensions

- 50

- 60

- 950

 

- 1.060

- Contribution exceptionnelle des laboratoires

1.200

 
 
 

1.200

- Fonds de modernisation des cliniques privées

- 100

 
 
 

- 100

- Versement au fonds de réserve des retraites

 
 

- 2.900

 

- 2.900

Solde après mesures

- 2.650

590

2.650

1.410

2.000

Source :Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2000

Autres mesures du projet de loi de financement

Mesure

Coût

Organisme le supportant

Transferts de charges de l'Etat vers la CNAMTS

102,7 millions de francs en 2000 ?

CNAMTS

Extension des aides au logement

135 millions de francs en 2000

300 millions de francs à partir de 2001

Etat

De même, le projet de loi de financement crée ou reçoit le bénéfice de 60 milliards de francs : 15,4 milliards de francs de nouveaux prélèvements obligatoires qui viennent s'ajouter aux 44,6 milliards de francs transférés par la loi de finances.

Les nouvelles impositions sociales en 2000

(en milliards de francs)

Impositions transférées depuis le budget de l'Etat

44,6

Droits sur les tabacs 35 heures

39,5

Droits sur les tabacs CMU

3,5

Droits sur les tabacs amiante

0,2

Taxe générale sur les activités polluantes

2

Impositions créées

15,4

Cotisation sociale sur les bénéfices

4,3

Extension de la taxe générale sur les activités polluantes


1,2

Contribution de 1,75 % sur le chiffre d'affaires santé des organismes complémentaires


1,8

Taxation des heures supplémentaires dans les entreprises n'ayant pas signé d'accords de réduction du temps de travail


7,5

Total

60

De plus, le texte est porteur d'une dynamique qui tend à la fois à augmenter les dépenses par des guichets ouverts, à augmenter les prélèvements et donc la part d'incertitude à la charge du budget de l'Etat.

En effet, les deux mesures d'âge en faveur des familles présentent un coût de 665 millions de francs la première année mais de 1,5 milliard de francs en année pleine. Quant au fonds en faveur du retrait anticipé d'activité des victimes de l'amiante, il devrait représenter une charge d'un milliard de francs en année pleine. Sans parler du non-financement des 35 heures, au total, le projet de loi de financement grève déjà de 2 milliards de francs avec ces simples mesures le solde du régime général à partir de 2001.

Par ailleurs, l'instauration de la couverture maladie universelle, nouveau minimum social, comme les mécanismes de la loi 35 heures constituent des dispositifs dont il est impossible d'évaluer avec précision la montée en charge alors même que tout indique qu'il susciteront des dépenses plus importantes dans l'avenir.

Or le mécanisme de non régulation de ces dépenses fait reposer sur l'Etat et sur les prélèvements obligatoires la charge de leur incertitude . En effet, l'Etat accorde une subvention d'équilibre au fonds de financement de la couverture maladie universelle dont le reste des ressources est assuré par une contribution-taxe versée par les organismes de protection complémentaire. La première comme la seconde sont donc destinées à croître. C'est d'autant plus vrai pour le prélèvement obligatoire que celui est calé sur le coût prévisionnel de 1.500 francs par assuré complémentaire CMU, alors que tout porte à croire que ce chiffre est sous-estimé.

Le raisonnement vaut aussi pour le fonds de financement des 35 heures. Dorénavant celui -ci est abondé par un prélèvement sur le Fonds de solidarité vieillesse, des prélèvements obligatoires et une contribution de l'Etat. Cette fois, le Gouvernement a annoncé lui-même que chacune des parts serait amenée à augmenter, dans des proportions très importantes qui viendront vider le fonds de réserve pour les retraites pour le premier (contribution du FSV passant de 5,6 à 12 milliards de francs, alors que le fonds de réserve pour les retraites est alimenté en partie par les excédents du FSV aux 35 heures), accroître les prélèvements obligatoires d'au moins 10 milliards de francs pour les seconds (la TGAP et la CSB devront rapporter 25 milliards de francs au lieu de 7,5 milliards en 2000, mais la taxation des heures supplémentaires, destinée à rapporter 7,5 milliards de francs, aura disparu) et les dépenses de l'Etat pour la troisième (de 4,3 milliards de francs en 2000 à 8 milliards de francs).

Nouvelles impositions et dépenses en germe dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale

Mesures

Surcoût par rapport à 2000

Organismes le supportant

Extension des conditions d'âge des prestations familiales

535 millions de francs

300 millions de francs

CNAF

Etat

Cessation anticipée d'activité des victimes de l'amiante

800 millions de francs

Branche accidents du travail

Contribution de l'Etat au fonds de financement de la CMU

?

Etat

Contribution des organismes complémentaires pour le financement de la CMU

?

Prélèvements obligatoires

Droits sur les alcools

6,4 milliards de francs

FSV / fonds de réserve pour les retraites

TGAP

9,3 milliards de francs

Prélèvements obligatoires

CSB

8,2 milliards de francs

Prélèvements obligatoires

Contribution au fonds de financement des 35 heures

3,2 milliards de francs

Etat

Incertitude du financement des 35 heures

20 milliards de francs

Prélèvements obligatoires

Total

au moins 48,7 milliards de francs

Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

*

La vision consolidée comme la vision pluriannuelle des finances publiques montrent que des tendances lourdes sont en oeuvre, notamment celle de l'augmentation du champ de la sphère sociale publique et donc de l'augmentation à venir de ses dépenses comme de ses recettes. La présence d'un solde équilibré ne saurait justifier une telle progression qui ne pourra que se heurter au caractère insupportable des prélèvements nécessaires à son maintien.

Votre rapporteur pour avis considère ainsi indispensables une maîtrise des prélèvements sociaux et une maîtrise des dépenses sociales, les faisant correspondre à des choix de priorités d'avenir qui aujourd'hui ne sont pas faits.

II. L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE MONTRE LE POIDS DES INCERTITUDES

Ayant pour objectif de retracer les dépenses des régimes de base comptant plus de 20.000 cotisants et les recettes de tous les régimes de base, la loi de financement reste fortement hypothéquée par le poids du régime général : 73 % des objectifs de dépenses et 72,8 % des prévisions de recettes pour 2000. Son redressement apparent et fragile permet à la loi de financement de faire apparaître un redressement de ses comptes. Cependant l'exécution des précédents exercices montre une hausse constante des dépenses et des recettes avec laquelle ne tranche pas le projet de loi de financement pour 2000.

A. L'AMÉLIORATION APPARENTE ET FRAGILE DU RÉGIME GÉNÉRAL DE SÉCURITÉ SOCIALE

1. Le redressement apparent du régime général

Le solde du régime général connaît de façon indéniable un redressement apparent depuis 1995 puisque la variation du fonds de roulement en fin d'année passera de 67,3 milliards de francs cette année là à un excédent prévisionnel de 6 milliards de francs en 2000 avant mise en place des mesures de la présente loi de financement.

Solde du régime général (variation du fonds de roulement)

(en milliards de francs)

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

13,4

- 20,0

- 1,4

- 7,3

- 0,4

- 9,6

- 16,6

- 15,3

- 56,4

 
 
 
 
 
 
 
 
 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

- 54,8

- 67,3

- 53,2

- 33,8

- 16,5

- 4 (p)

2 (p)

+ 7

+ 16

(p) Prévisions

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.


En réalité, le solde prévisionnel pour 2000 aurait dû s'élever à 14,1 milliards de francs. Cependant la commission des comptes a, avant même la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, imputé 8,1 milliards de francs de dépenses nouvelles aux branches du régime général : 2,5 milliards sur la branche famille pour la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et 5,6 milliards de provision pour le financement des 35 heures qui, après bien des remous, devraient finalement abonder le fonds de réserve pour les retraites comme cela aurait dû être le cas depuis le début conformément aux engagements du Gouvernement d'affecter à celui-ci l'ensemble des excédents des comptes sociaux.

Par ailleurs, le Gouvernement dégrade ce solde dans le projet de loi de financement et dans les mesures qu'il a annoncées puisqu'il le fait passer de 14,1 milliards de francs à moins de 2 milliards de francs (voir infra ).

Enfin, il convient de rappeler que le redressement passe par une progression de près de 38 milliards de francs de dépenses et de près de 44 milliards de francs de recettes entre 1999 et 2000.

Comptes résumés du régime général

(En millions de francs et %)

 

1998

%

1999

%

2000

%

2001

%

2002

%

CNAMTS

Recettes

577.411

3,3

602.028

4,3

631.906

5

651.422

3,1

675.678

3,7

Dépenses

593.336

3,5

614.137

3,5

634.577

3,3

653.216

2,9

671.251

2,8

Variation FR*

- 15.925

- 12.110

- 2.672

- 1.794

4.427

ACCIDENTS DU TRAVAIL

Recettes

45.723

3,5

46.599

1,9

47.916

2,8

49.187

2,7

50.489

2,6

Dépenses

44.153

0,6

46.155

4,5

47.328

2,5

48.323

2,1

49.339

2,1

Variation FR*

1.570

444

588

864

1.150

CNAMTS maladie et AT

Recettes

623.134

3,3

648.626

4,1

679.822

4,8

700.609

3,1

726.167

3,6

Dépenses

637.489

3,3

660.293

3,6

681.906

3,3

701.539

2,9

720.590

2,7

Variation FR*

- 14.355

- 11.666

- 2.084

- 930

5.577

CNAVTS

Recettes

385.386

5,2

407.700

5

416.019

2,8

431.380

3,7

447.461

3,7

Dépenses

385.610

3,8

400.304

3,8

413.356

3,3

426.477

3,2

441.327

3,5

Variation FR*

- 1.903

3.259

1.403

3.012

4.331

CNAF

Recettes

252.543

4,1

269.385

6,7

268.194

- 0,4

278.551

3,9

288.687

3,6

Dépenses

254.446

- 1

266.126

4,6

266.791

0,2

275.539

3,3

284.356

3,2

Variation FR*

- 1.903

3.259

1.403

3.012

4.331

ENSEMBLE DU REGIME GENERAL

Recettes

1.261.063

4,1

1.322.711

4,9

1.364.035

3,1

1.410.540

3,4

1.462.315

3,7

Dépenses

1.277.545

2,6

1.326.723

3,8

1.362.053

2,7

1.403.555

3

1.446.273

3

Variation FR*

- 16.482

- 4.012

1.982

6.985

16.042

APRES CONSOLIDATION DES COMPTES

ENSEMBLE DU REGIME GENERAL

Recettes

1.236.175

4,4

1.296.780

4,9

1.340.137

3,3

1.386.165

3,4

1.437.398

3,7

Dépenses

1.252.657

2,8

1.300.792

3,8

1.338.155

2,9

1.379.180

3,1

1.421.356

3,1

Variation FR*

- 16.482

- 4.012

1.982

6.985

16.042

* FR : fonds de roulement.

Source : annexe C au PLFSS 2000

2. Toujours plus de recettes et de dépenses

Les recettes sont assises sur la masse salariale (cotisations) et sur la croissance économique (CSG, C3S, etc.). Leur sensibilité y est à ce point forte que l'évolution positive de l'assiette des encaissements du secteur privé du régime général entre mai et septembre 1999 de 0,3 point a procuré 2,7 milliards de francs de recettes supplémentaires de la CSG.

Entre 1997 et 1998, les recettes du régime général ont ainsi augmenté de 4,1 %, entre 1998 et 1999 de 4,9 %, et de 1999 à 2000 elles augmenteraient de 3 % pour se porter à 1 363 milliards de francs. Les dépenses, elles, ont dans les mêmes périodes augmenté de 2,8 %, 3,8 % et 2,9 %.

Variation des recettes et des dépenses (consolidées) du régime général (en %)

 

1996

1997

1998

1999

2000**

2001**

2002**

Recettes

4,6

4,7

4,4

4,9

3,3

3,4

3,7

Dépenses

3,1

2,9

2,8*

3,8*

2,9

3,1

3,1

Ecart

1,5

1,8

1,6

1,1

0,4

0,3

0,6

* La mise sous condition de ressources des allocations familiales entre le 1 er avril et le 31 décembre 1998 a pour effet de réduire le taux de croissance des dépenses de 0,3 point en 1998 et de l'augmenter d'autant en 1999.

** prévisions

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.


Le redressement du solde s'explique ainsi par l'écart favorable existant entre le dynamisme des recettes et celui des dépenses. Cependant, si les premières augmentent très fortement, le rythme de progression des secondes n'en reste pas moins très rapide. Or les premières bénéficient de la croissance économique, ressources d'une certaine fragilité donc, tandis que les secondes correspondent à des tendances lourdes, dépenses d'une certaine rigidité.

En effet, les dépenses d'assurance maladie maintiennent leur progression à un rythme très élevé de même que les dépenses liées à la vieillesse. Il y a dans ces deux domaines un très fort effet de cliquet qui compromet tout retour sur le niveau de dépenses atteint. De plus, une partie de celles-ci correspondt à des charges structurellement croissantes comme les dépenses de personnel de la fonction publique hospitalière.

Il ne faut donc pas seulement agir en terme de solde du régime général mais analyser chaque composante, c'est à dire maîtriser des dépenses trop rapidement croissantes et utiliser les surplus de recettes à un désendettement de la sécurité sociale. Votre rapporteur pour avis estime qu'il s'agit là de la seule politique vertueuse qui vaille plutôt que de s'enfermer dans la rigidité à la hausse des dépenses, la volatilité des recettes et le maintien coûteux d'une lourde dette.

B. LE DÉPASSEMENT DES OBJECTIFS EN EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1998

La loi de financement pour 1998 a montré une hausse à la fois des dépenses (13,6 milliards de francs) et des recettes (13,4 milliards de francs) par rapport aux objectifs et prévisions assignés :

Les dépenses de 1998

(en milliards de francs)


Branche

Objectifs LFSS pour 1998

Prévisions d'exécution (sept. 1998)

Réalisations (septembre 1999)

Ecart entre les réalisations et les objectifs

Maladie-maternité-invalidité-décès

678,5

686

687

8,5

Vieillesse-veuvage

755

755,2

753,5

- 1,5

Accidents du travail

50,8

51,1

51,1

0,3

Famille

246,9

253

253,3

6,4

Total des dépenses

1.731,2

1.745,3

1.744,8

13,6

Source : Rapport Cour des comptes.

L'écart par rapport aux objectifs de dépenses a une cause principale : l'augmentation des dépenses d'assurance maladie de 8,5 milliards de francs, soit le montant du dépassement de l'ONDAM. Le reste correspond au tour de passe-passe de l'allocation de rentrée scolaire, non prise en compte en loi de financement mais finalement majorée, ce qui occasionne une hausse des dépenses de la branche famille que doit compenser une contribution de l'Etat.

Les recettes de 1998

(en milliards de francs)

Catégories de recettes


Prévisions LFSS 1998


Prévisions d'exécution (sept. 1998)


Réalisations (septembre 1999)


Ecart entre réalisations et prévisions

Cotisations effectives

1.034,1

1.045,7

1.042,8

8,7

Cotisations fictives

186,9

186,8

187,1

0,2

Contributions publiques

62,0

67,3

66,6

4,6

Impôts et taxes affectés

403,0

399,6

401,2

- 1,8

Transferts reçus

4,6

4,8

4,8

0,2

Revenus des capitaux

1,3

1,4

1,4

0,1

Autres ressources

31,1

32,2

32,5

1,4

Total des recettes

1.723,0

1.737,8

1.736,4

13,4

Source : Rapport Cour des Comptes

En 1998, les régimes couverts par la loi de financement ont en effet bénéficié à plein de la substitution de la CSG à certaines cotisations d'assurance maladie : la Cour des comptes estime le surplus de recettes occasionné par cette réforme à 5 milliards de francs même s'il avait été surestimé (1,8 milliard de francs de moins sur la ligne impôts et taxes affectés). Par ailleurs, les cotisations sociales ont généré 8,7 milliards de francs de recettes supplémentaires par rapport aux prévisions ce qui s'explique par la bonne tenue de la masse salariale et donc par la croissance économique. Le gain de 4,6 milliards de francs des contributions publiques correspond aux deux tiers de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui ne figurait pas en loi de financement.

C. LES INTENTIONS NON SUIVIES D'EFFETS DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 1999

Les prévisions d'exécution de loi de financement pour 1999 montrent elles aussi une progression du périmètre par rapport à ce qui avait été anticipé : 11,4 milliards de francs de recettes et 17,5 milliards de francs de dépenses en plus.

Les objectifs de dépenses

(en milliards de francs)

 

Objectifs PLFSS pour 1999 (1)

Prévisions d'exécution (2)

Ecart (2)- (1)

Maladie-maternité invalidité décès

697,6

709,8

12,0

dont ONDAM

629,9

643

13,1

Vieillesse-veuvage

781,4

779,1

- 2,3

Accidents du travail

53,0

53,5

0,5

Famille

257,0

264,3

7,3

Total des dépenses

1.789,1

1.806,6

17,5

Sources : annexe B au PLFSS 2000.

Les surcroîts de dépenses sont marqués une fois de plus par l'explosion des dépenses d'assurance maladie avec 12 milliards de francs supplémentaires. Il convient cependant de nuancer cette hausse qui englobe l'erreur de prévision de 1998 qui pèse pour les trois quarts de l'écart constaté. Il n'en reste pas moins que ces dépenses connaissent une hausse extrêmement sensible, qu'on la prenne année après année ou bien sur une période plus longue. Par ailleurs, l'augmentation des dépenses de la branche famille correspond en grande partie à la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Les prévisions de recettes

(milliards de francs)

 

Prévisions LFSS pour 1999 (1)

Prévisions d'exécution (2)

Ecart (2) - (1)

Cotisations effectives

1.062,9

1.066,3

4,0

Cotisations fictives

194,8

195,0

0,2

Contributions publiques

63,8

69,4

5,6

Impôts et taxes affectés

438,7

139,7

1,0

Transferts reçus

5,2

4,9

- 0,3

Revenus de capitaux

1,4

1,6

0,2

Autres ressources

32,6

33,4

0,8

Total des recettes

1.799,5

1.810,9

11,4

Source : annexe B au PLFSS 2000.

L'analyse des écarts révèle à nouveau le bénéfice de l'activité puisque les cotisations effectives progressent de 4 milliards de francs, fruit de la croissance économique. Le même phénomène est en oeuvre pour les impôts et taxes affectés, grâce à des rentrées de CSG plus importantes que prévues. Les 5,6 milliards de francs de contributions publiques correspondent là encore à une partie du versement de l'Etat à la CNAF pour la prise en charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Par ailleurs, une fois de plus, il faut constater la non exécution de plusieurs articles de la loi votée par le Parlement. Comme le montre le tableau suivant, onze articles de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 n'ont pas trouvé une application satisfaisante.

Votre rapporteur pour avis déplore avec vigueur que de trop nombreuses mesures prévues par la loi de financement pour 1999 soient restées lettres mortes. Cela démontre une fois de plus que l'urgence imposée au Parlement n'a d'égal que le peu d'empressement du Gouvernement à faire appliquer le résultat de cette précipitation.

Les retards dans l'application de la LFSS pour 1999

Mesure

Article

Retard

Conséquence

Conséquence financière

Création du fonds de réserve pour les retraites

2


Décret non publié


Le fonds est vide

2 milliards de francs non utilisés

Contrôle des prestataires d'aide à domicile par les organismes de sécurité sociale

5


Décret non publié

Mesure non appliquée

 

Application au régime général des collaborateurs occasionnels du secteur public

15


Décret non publié

Mesure non appliquée

150 millions de recettes perdues pour 1999

Dépistage des maladie aux conséquences mortelles évitables


20

Décrets et arrêtés non publiés

Mesures non appliquées

 

Gratuité des actes techniques correspondants

 
 
 
 

Création du Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie

21

Décret publié en octobre 1999

Pas de réunion en 1999

 

Missions des unions de médecins en matière d'analyse de l'évolution des dépenses médicales

23


Décret non publié

Mesure non appliquée

 

Modalités d'attribution de l'allocation de remplacement au titre du mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité

24


Convention non conclue


Mesure non appliquée

 

Création du Fonds d'aide à la qualité des soins de ville

25

Décret non publié

Mesure non appliquée

Dotation prévue pour 1999 ?

Devis et facture du dentiste

28

Arrêté non publié

Mesure non appliquée

 

Exercice des professionnels de santé dans les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes

34


Décret non publié

Mesure non appliquée

 

Modification des règles de placement des excédents de trésorerie des différentes branches du régime général

46


Décret non publié


Mesure non appliquée

Aucune puisque l'ACOSS a un déficit de trésorerie

Source : annexe B au PLFSS 2000.

D. LES ÉLÉMENTS FINANCIERS DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT POUR 2000 : FINANCER À TOUT RISQUE LES 35 HEURES AU DÉTRIMENT DES RETRAITES

Le cadrage économique de la loi de financement de la sécurité sociale paraît cette année ne pas appeler de contestation particulière. Il est, comme à l'habitude, commun au projet de loi de finances.

1. Dépenses et recettes en progression sensible

Le projet de loi de financement initial présente des objectifs de dépenses en hausse de 2,75 % et des prévisions de recettes en hausse de 3,45% par rapport aux prévisions d'exécution de 1999.

Recettes et dépenses du projet de loi de financement pour 2000

(en milliards de francs)

 

Exécution PLFSS 1997

Exécution PLFSS 1998

Prévisions d'exécution LFSS 1999

Prévisions PLFSS 2000

Ecart 1999 / 2000

Prévisions de recettes

1.664,5

1.736,4

1.810,9

1.873,2

+ 3,44 %

Objectifs de dépenses

1.695,7

1.744,8

1.806,6

1.856,3

+ 2,75 %

La hausse du périmètre est presque entièrement le résultat de l'extension du champ de la loi de financement au passage aux 35 heures et à la couverture maladie universelle.

Le champ de la loi de financement tire notamment profit des nombreux prélèvements obligatoires nouveaux qui lui sont affectés (cf. supra ), mais aussi des recettes de la croissance économique. Ainsi, le rendement de la CSG devrait-il continuer à progresser pour apporter 12,4 milliards de plus qu'en 1999.

Rendement de la CSG

 

1998

1999

2000

Montant (milliards de francs)

318,5

353,5

365,9

Ecart (milliards de francs)

 

+ 35

+ 12,4

Ecart ( %)

 

+ 11

+ 3,5

Principaux éléments de cadrage macroéconomique - 1998-1999-2000

(Variation en volume, moyenne annuelle, en %, sauf indications contraires)

 

1998

1999

2000

Environnement international

 
 
 

PIB :

 
 
 

OCDE hors France

2,3

2,6

2

Union européenne à 15

2,8

1,9

2,7

Zone euro

2,8

2

2,7

Prix à la consommation zone euro

1,4

1,2

1,6

Prix moyen du pétrole importé FAB (dollars/baril)

12,7

16,4

18

Cours du dollar en euros

1,112

1,072

1,06

France

 
 
 

PIB en volume

3,2

2,3

2,6 - 3

PIB en valeur

4,1

2,9

4

Montant du PIB (en milliards de francs)

8.565

8.816

9.169

Pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages

2,5

2,6

2,6

Consommation des ménages

3,2

2,4

2,7

Investissement des entreprises

6,7

6

5

Prix à la consommation des ménages

 
 
 

Ensemble

0,7

0,6

1

Hors tabac

0,6

0,5

0,9

Masse salariale secteur privé (ENFNA)

4

3,7

4

Salaire moyen par tête

2,1

2,2

2,3

Effectifs salariés

1,9

1,5

1,7

Exportations

6,2

0,7

4,7

Importations

8,7

2,1

4,9

Solde de la balance commerciale FAB/FAB (données douanières, en milliards de francs)

154

102

102

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

2. Les conséquences de la couverture maladie universelle

a) La mise en place de la CMU

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, mais également le projet de loi de finances pour 2000, prend acte des nombreux changements inaugurés par la création de la couverture maladie universelle (CMU).

Celle-ci se compose de deux parties :

• une couverture de base attribuée aux personnes exclues de tout système de protection. Elle succède donc à l'assurance personnelle qui donnait lieu à des financements croisés importants et laissait cependant de côté 150.000 personnes ; cette couverture est gratuite jusqu'à un certain niveau de ressources ;

• une couverture complémentaire accordée gratuitement sous condition de ressources à 6 millions de personnes ; les caisses primaires d'assurance maladie comme les organismes complémentaires prennent alors en charge les assurés, selon un double système, un paiement au franc le franc des dépenses engagées pour les CPAM, un forfait de 1500 francs par assuré pour les autres.

Cette vaste réforme nécessite des circuits de financement importants. Pour la couverture de base, la loi aménage les transferts existants autour de l'actuelle assurance personnelle pour rendre la nouvelle couverture de base la plus neutre financièrement possible lors de sa première année de mise en place. Il fait ainsi disparaître l'ensemble des cotisations versées par les départements, l'Etat, la CNAF, le FSV et les assurés. Pour équilibrer l'ensemble, il procède à des transferts de recettes au profit de la CNAMTS.

La CNAF transfère à la CNAMTS 28 points sur les 50 points du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et produits de placement qui lui sont affectés, soit 2,7 milliards de francs pour un allégement de 2,38 milliard de francs de dépenses. Au total, elle supporte une perte de 320 millions de francs justifiée, d'après le Gouvernement, par la non prise en charge de cotisations d'assurance personnelle pendant plusieurs années, au détriment des départements.

Pour compenser la charge actuelle de 4,05 milliards versés par les départements et l'Etat au titre de l'aide médicale gratuite, la CNAMTS obtient l'affectation à son profit d'une fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs (3,5 milliards de francs), soit une différence de 550 millions de francs.

La CNAMTS récupère 5 points des 60 % des droits de consommation sur les alcools affectés au FSV, soit une recette de 600 millions de francs compensant 610 millions de dépenses supprimées par ce dernier.

Les cotisants voient leurs cotisations se réduire, pour passer de 440 à 100 millions de francs, ce qui représente une perte de recettes pour la CNAMTS de 340 millions de francs.

La CNAMTS doit par ailleurs prendre en charge l'intégralité du déficit de l'assurance personnelle, actuellement réparti entre les régimes obligatoires, soit un surcroît de dépenses de 570 millions de francs. En compensation, elle devrait percevoir 830 millions de francs au titre de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur. Les 260 millions de francs de différence aujourd'hui perçus par les autres régimes devraient être compensés par une subvention de l'Etat.

Enfin, la CNAMTS devra supporter le coût de l'extension du champ de la couverture de base, estimé à 600 millions de francs.

Le financement de la couverture complémentaire est pris en charge par un fonds spécial. Le coût total a été évalué la première année à 1.500 francs par an et par bénéficiaire pour 6 millions de personnes, soit 9 milliards de francs. Le financement obéit à un principe inégal : reversement pour les organismes privés (dès qu'un organisme prend en charge un bénéficiaire de la CMU, il reçoit cette somme forfaitaire), remboursement au franc le franc pour l'assurance maladie.

Les recettes de ce fonds proviennent :

• d'une contribution de 1,75 % du chiffre d'affaires des activités " santé " des mutuelles et des compagnies d'assurance, avec un paiement trimestriel. Cette contribution est nette des reversements aux mêmes organismes par le fonds pour la prise en charge de bénéficiaires de la CMU (1.500 F par affilié), chaque organisme ne versant au fonds que la différence (ou percevant le surplus théorique) entre sa contribution et les reversements ; sa ressource est estimée à un montant maximum de 1,8 milliard de francs ;

• d'une subvention d'équilibre de l'Etat évaluée ex post , estimée en première année à 7,2 milliards de francs au moins.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 tire donc les conséquences de ces réformes. Les prévisions de recettes tiennent ainsi compte des nouveaux prélèvements et des nouvelles affectations de ceux qui existent.

Synthèse du financement annoncé par le Gouvernement
pour la première année de la couverture de base de la CMU

(en milliards de francs)


Pertes de recettes et dépenses supplémentaires

 

Recettes supplémentaires et moindres dépenses

 

CNAF

 
 
 

reprise de 28 points sur les 50 qu'elle touche du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et produits de placement

2,7

suppression des cotisations à l'assurance personnelle

2,38

 
 

Perte nette

0,32

CNAMTS

 
 
 

Perte des cotisations de la CNAF à l'assurance personnelle

2,38

Affectation de 28 points sur les 50 qu'elle touche du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et produits de placement

2,7

Perte des cotisations versées par l'Etat et les départements au titre de l'assurance personnelle

4,05

Fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs

3,5

Perte des cotisations versées par le FSV

0,61

Fraction des 60 % des droits de consommation sur les alcools affectés au FSV

0,6

Prise en charge du déficit de l'assurance personnelle

0,57

Cotisation sur les véhicules terrestres à moteur

0,83

Perte de cotisations des assurés

0,44

Cotisations nouvelles des assurés

0,1

Extension du champ

0,6

Perte nette

0,92

Départements

 
 
 

Reprise de 95 % des sommes affectées à l'aide médicale sous forme de DGD

8,7

Suspension du versement des prestations d'aide médicale

9,15

Gain net

0,45

 
 

Etat

 
 
 

Subvention aux régimes spéciaux pour compenser la perte de recettes liée à l'arrêt de la cotisation sur les véhicule terrestres à moteur

0,26

Perte nette

0,26

b) Les craintes énoncées lors de l'examen du projet de loi restent valables

Votre rapporteur pour avis avait lors de la discussion du projet de loi émis plusieurs critiques de fond sur le nouveau dispositif dont il estimait qu'il remettait en cause les principes même de notre protection sociale. Il s'était également largement inquiété de son coût et avait indiqué qu'il lui semblait impossible que ce dernier se limite à ce qu'annonçait le Gouvernement.

Ces craintes commencent aujourd'hui à rejoindre la réalité. La première concerne l'assurance maladie. Le coût net pour la CNAMTS de la CMU devait s'élever à 900 millions de francs (soit le quart du déficit de la CNAMTS prévu pour 2000). Il est trop tôt pour savoir si le prévisions de consommation médicale des nouveaux assurés de base seront respectées. En revanche votre rapporteur constate que le Gouvernement a donné l'autorisation à la CNAMTS de procéder à l'embauche de 1.400 agents pour assumer les nouvelles taches induites par la mise en place de la couverture maladie universelle. Votre rapporteur pour avis avait expliqué que la CNAMTS ne disposait pas du personnel nécessaire et qu'il lui faudrait procéder à des embauches ce qui engendrerait un coût non prévu par le projet de loi. Il constate que ces embauches et donc ce coût sont bien au rendez-vous.

Par ailleurs, les organismes complémentaires reconnaissent aujourd'hui que le forfait de 1.500 francs par assuré complémentaire sera insuffisant. D'abord se produiront des phénomènes de rattrapage d'autant plus explicables que les bénéficiaires auront été exclus des soins durant longtemps. Ensuite, le Gouvernement a refusé les propositions des organismes de protection complémentaires visant, dans un souci d'égalité avec ceux qui s'assurent de leur propre chef, à encadrer certaines catégories de dépenses comme les soins dentaires ou le forfait hospitalier. Il convient de rappeler qu'un dépassement de 15 % du forfait prévu représente un coût pour l'Etat et les organismes de protection complémentaire de 1,2 milliard de francs.

Enfin, la non parution des décrets d'application vient encore retarder et compliquer les modalités d'application du texte. Votre rapporteur pour avis avait indiqué qu'il ne lui semblait pas possible de respecter la date prévue : " les modalités pratiques de mise en place de la couverture maladie universelle laissent douter de la capacité des différents acteurs à être prêts pour le 1 er janvier 2000, date inscrite dans le projet de loi pour son entrée en vigueur. " . Il tient à redire son pessimisme. Comme il l'avait expliqué dans son avis, votre rapporteur remarque que la CNAMTS rencontre notamment des difficultés pratiques insurmontables pour vérifier les conditions de ressources qui s'appliqueront, ce qui permet de craindre que le nombre de bénéficiaires ne soit plus élevé que prévu.

La commission des finances suivra avec une attention extrême tout dérapage des dépenses consacrées à la couverture maladie universelle puisque celles-ci reposeront en définitive sur les finances de l'Etat par la subvention d'équilibre et sur les prélèvements obligatoires, tandis que la CMU, révélatrice des limites de la protection sociale française, porte en germe des dérives très dangereuses de celle-ci.

3. Le solde dégradé par des dépenses nouvelles

Le projet de loi de financement intègre deux réformes majeures : la couverture maladie universelle et le passage aux 35 heures hebdomadaires. Celles-ci ont un coût élevé pour les finances sociales, coût amené à croître dans les années à venir.

Par ailleurs, il devait permettre d'abonder de façon substantielle le fonds de réserve pour les retraites par le biais des excédents du Fonds de solidarité vieillesse et des régimes sociaux. Il n'en est rien puisque le projet de loi vient ponctionner ce fonds de réserve avant même qu'on en connaisse les objectifs et les modes de gestion, par le biais du prélèvement de 5,6 milliards de francs sur les droits sur les alcools attribués au FSV (cf. infra ) et d'un milliard de francs sur la CSG attribués au BAPSA.

Votre rapporteur pour avis regrette profondément qu'ayant dû choisir entre financer un fonds de réserve pour les retraites et le passage au 35 heures, le Gouvernement ait préféré la deuxième solution, la plus handicapante pour notre économie, la moins favorable pour les générations futures.

Par ailleurs, le projet de loi de financement dégrade en profondeur le solde pourtant fragile du régime général en le faisant passer de 14,1 milliards de francs à moins de 2 milliards de francs.

Conséquences du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2000
sur le solde du régime général

(en millions de francs)

 

Maladie

Accidents du travail

Vieillesse

Famille

Total

Solde annoncé

- 3.700

650

6.500

2.550

+6.000

Réintégration

- Contributions fonds de réserve sur les retraites
-
Allocation de rentrée scolaire

+ 2.554

+ 360

+ 1.010

+ 1.771

+ 2.500

+ 5.695

+ 2.500

Solde tendanciel

- 1.146

+1.010

+7.70

+ 6.821

+ 14.195

Mesures

- 1.310

- 60

- 3.210

- 4.657

- 9.237

- " Coup de pouce " 0, 3 % BMAF

 
 
 

- 340

- 340

- Versement des aides au logement jusqu'à 21 ans

 
 
 

- 220

- 220

- Versement du complément familial jusqu'à 21 ans

 
 
 

- 330

- 330

- Fonds d'action sociale CNAF

 
 
 

- 250

- 250

- " Coup de pouce " de 0,3 % aux pensions

- 50

- 60

- 950

 

- 1.060

- Contribution exceptionnelle des laboratoires

+ 1.200

 
 
 

+ 1.200

- Transfert de charges de l'Etat

- 100

 
 
 

- 100

- Fonds de modernisation des cliniques privées

- 100

 
 
 

- 100

- Allocation de rentrée scolaire

 
 
 

- 2.500

- 2.500

- Fonds de réserve pour les retraites

 
 

- 2.900

 

- 2.900

- Perte de 2% sur le revenu du patrimoine

- 2.260

 

- 2.260

- 1.017

- 5.537

Total

- 2.456

+ 950

+ 1.400

+ 2.164

+ 2.058

Source :PLFSS 2000.

Alors que le régime général a bénéficié de surcroîts de recettes exceptionnels, fruits de la croissance économique, et que des besoins urgents se font sentir dans le domaine de la santé ou de la vieillesse, le Gouvernement dégrade de plus de 12,2 milliards de francs le solde du régime général.

Si on retire de ces 12,2 milliards ce qui va au fonds de réserve pour les retraites, ce sont encore 3,7 milliards de francs de dépenses nouvelles que crée le Gouvernement.

Votre rapporteur pour avis estime qu'il s'agit là d'une politique peut responsable qui hypothèque l'avenir et qui est en incohérence totale avec le discours du Gouvernement sur l'affectation des excédents de la sécurité sociale au fonds de réserve pour les retraites.

Tout débat sur l'affectation d'excédents potentiels de la sécurité sociale ne doit se faire, selon votre rapporteur pour avis, que entre trois solutions non exclusives :

la réduction de la dette sociale car il est économiquement équivalent de désendetter la sécurité sociale que de mettre de l'argent de côté pour l'avenir : avec 215 milliards de francs de dette à la CADES et 8,5 milliards de déficit de trésorerie de l'ACOSS, les générations futures hériteront un fardeau lourd de nos erreurs ;

• la réduction des prélèvements obligatoires sociaux : le projet de loi de financement crée 15,9 milliards de francs de nouveaux prélèvements quand il bénéficie d'un excédent potentiel du régime général de 14,1 milliards de francs ;

• éventuellement, dans un souci d'affichage, mais en définissant clairement les objectifs assignés et les modes de gestion, au fonds de réserve pour les retraites.

Votre rapporteur pour avis estime que les conditions ne sont réunies ni pour une baisse massive des prélèvements sociaux, ni pour une mise en réserve dont on voit qu'elle serait destinée à être ponctionnée pour d'autres dépenses comme les 35 heures. Il estime donc préférable, pour préserver l'avenir de nos enfants et respecter le principe posé de la séparation comptable des branches d'affecter toute amélioration du régime général à la diminution de l'encours de la CADES.

De plus, le solde de l'ACOSS, malgré les excédents potentiels, restera déficitaire fin 1999 de 8,5 milliards de francs qui pèsent sur sa trésorerie et devraient, en bonne logique, s'ajouter à la dette de la CADES.

Enfin, cet équilibre est fragile quand on sait qu'un point supplémentaire de dépenses maladie représente 5 milliards de francs de dépenses nouvelles, ou que un point de revalorisation des pensions coûte 3,4 milliards de francs, ou encore que l'assurance maladie compte sur une contribution de l'industrie pharmaceutique à la régularité douteuse de 1,2 milliard de francs, à comparer au 1,9 milliard d'excédent restant du régime général.

Ainsi, l'heure n'est pas aux dépenses nouvelles, mais reste plus que jamais leur maîtrise, à celle des prélèvements et à l'utilisation de marges de manoeuvre potentielles au désendettement de la sécurité sociale, c'est à dire de la CADES.

4. Les dangereuses mesures de recettes

a) La soumission à impositions sociales des grosses indemnités de licenciement (article 2 A)

L'article 2 A nouveau du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui résulte d'un amendement de notre collègue député M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances, a pour objet de déterminer les seuils d'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale et à la contribution sociale généralisée, des indemnités versées aux salariés ou aux mandataires sociaux d'une entreprise, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions.

Il est le pendant de l'article 2 bis du projet de loi de finances pour 2000, également introduit par voie d'amendement, qui fixe les conditions d'assujettissement de ces mêmes indemnités à l'impôt sur le revenu. Ces conditions sont codifiées à l'article 80 duodecies nouveau du code général des impôts (CGI).

Ainsi, seule la fraction des indemnités de licenciement soumise à l'impôt sur le revenu en vertu de cet article 80 duodecies du CGI entrerait dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

Ce dispositif doit être analysé au regard de la jurisprudence et de la doctrine actuelles en matière d'indemnités de rupture de contrat qui repose sur les principes suivants :

- les indemnités de licenciement ont pour objet de réparer le préjudice moral et financier résultant du licenciement ;

- la part conventionnelle (ou légale) de ces indemnités correspond à la réparation du préjudice moral et doit, à ce titre, être exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales ;

- la fraction qui excède le montant prévu par les accords collectifs ou par la loi répare le préjudice financier résultant de la perte de revenus et doit à ce titre être incluse dans l'assiette de l'impôt sur le revenu, et, parfois, des cotisations sociales.

Toutefois, s'agissant du régime fiscal des indemnités de licenciement, la jurisprudence est éminemment fluctuante.

On observera que le dispositif proposé par l'article 2 A, outre qu'il évite les désagréments liés aux fluctuations de la doctrine, a l'avantage d'être plus souple puisqu'il fixe à un niveau relativement élevé le seuil d'exonération (au moins deux fois le salaire brut annuel de l'année précédant le licenciement, dans la limite de 2,35 millions de francs).

En revanche, s'agissant de la CSG, le dispositif actuel, plus rigoureux, serait maintenu qui prévoit l'assujettissement à la CSG de toutes les sommes qui excèdent le montant légal ou conventionnel des indemnités de licenciement.

A ce titre, il mérite probablement d'être amendé par cohérence avec le régime des cotisations sociales.

(1) Les différences entre le régime social et le régime fiscal actuel des indemnités de rupture de contrat
(a) Régime fiscal

A l'heure actuelle, le régime fiscal des indemnités versées en cas de cessation d'activité des salariés est fixé essentiellement par la doctrine de l'administration et la jurisprudence, sur la base du principe selon lequel la fraction des indemnités de licenciement qui a pour objet la réparation d'un préjudice autre que financier (préjudice moral ou professionnel notamment) bénéficie d'une exonération.

Les indemnités de départs volontaires sont en revanche imposables.

A titre de pratique, l'administration considère que l'indemnité de licenciement correspondant au minimum fixé par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel, ou, à défaut, par la loi, n'est pas imposable.

Lorsqu'une indemnité plus élevée est versée en vertu d'un accord particulier (contrat de travail, transaction, etc.) ou d'une décision de l'employeur, le surplus est imposable sauf s'il est établi que l'indemnité répare un préjudice autre que la perte de salaires.

En pratique, peu d'indemnités sont déclarées et imposées à l'impôt sur le revenu.

(b) Régime social
(i) Les indemnités de rupture de contrat entrent pour partie dans l'assiette de la CSG et de la CRDS

Dans l'état actuel du droit, les indemnités versées lors de la rupture d'un contrat de travail sont soumises à la cotisation sociale généralisée 4( * ) (CSG) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale 5( * ) (CRDS) pour la fraction qui excède " le montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ".

L'assiette de la CSG a en effet été alignée sur celle de la CRDS par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 6( * ) .

On notera qu'en vertu d'une circulaire du 2 février 1996 relative à la CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement, les indemnités de licenciement prévues dans le contrat de travail ou déterminées dans un accord d'entreprise ne donnent lieu à exonération que pour la part de l'indemnité versée conformément à la convention collective ou à l'accord professionnel ou interprofessionnel éventuellement applicable, ou, à défaut, par la loi.

On observera également que la même circulaire substitue à la notion de " montant prévu ", celle de montant minimum. Or, une telle interprétation n'est pas sans conséquences dans le cas où la loi renvoie à l'accord des parties, au juge ou à un organisme professionnel, le soin de déterminer, au vue des circonstances propres à chaque cas, le montant de l'indemnité due. Tel est le cas des dommages - intérêts pour licenciement abusif, des dommages-intérêts pour rupture anticipée par l'employeur du contrat à durée indéterminée, de l'indemnité de clientèle des VRP, ou de l'indemnité de licenciement des journalistes ayant plus de quinze ans d'ancienneté.

On peut regretter que l'administration ait adopté cette interprétation contestable tant au plan de l'équité (la fraction ainsi assujettie à CRDS est celle qui répare un préjudice aggravé) qu'au regard du texte de l'ordonnance du 24 juillet 1996 (le montant " prévu " par la loi est celui fixé dans chaque cas et non le minimum.

(ii) La fraction des indemnités de rupture de contrat correspondant à des dommages et intérêts n'entre pas dans l'assiette des cotisations sociales

Pour établir la nature des indemnités de rupture de contrat au regard des cotisations sociales, le juge distingue tout d'abord les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement - qui ne sont pas soumises à cotisations sociales -, et les indemnités négociées ou transactionnelles - qui peuvent être soumises à cotisations. Le juge opère ensuite un distinguo entre les indemnités qui ont le caractère de dommages-intérêts et les indemnités qui constituent des rémunérations au regard du travail accompli.

En vertu d'une jurisprudence bien établie, les indemnités conventionnelles ou légales de licenciement ne sont pas assujetties aux cotisations de sécurité sociale .

A la différence de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à la rémunération du travail qu'aurait accompli le salarié s'il était resté au service de son employeur pendant la durée du délai-congé, les indemnités de licenciement sont destinées à réparer, en fonction de l'ancienneté, le préjudice qu'a subi le travailleur du fait de la perte de son emploi et ne constituent pas un supplément de rémunération versé à raison ou à l'occasion du travail. En conséquence, elles ne sont pas soumises à cotisations. Ainsi en a jugé la Cour de cassation a plusieurs reprises.

Dans un arrêt n° 661 du 9 juin 1966 7( * ) , la chambre civile de la Cour de cassation a ainsi estimé " qu'une indemnité de licenciement, bien qu'elle ait pour origine le contrat, constitue non un revenu mais des dommages et intérêts, c'est-à-dire la réparation d'un préjudice, ce qui ne saurait être assimilé à un revenu quel qu'il soit ".

De même, les indemnités versées par l'employeur aux salariés qui acceptent de quitter volontairement l'entreprise et qui ont, comme les indemnités légales ou conventionnelles de licenciement, le caractère de dommages-intérêts compensant le préjudice résultant de la rupture de leur contrat de travail et la perte prématurée de leur emploi ne doivent pas être incluses dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale 8( * ) .

Le juge a ainsi considéré qu'un salarié subit du fait de la cessation prématurée de son activité dans le cadre d'un plan social, qui constitue une forme atténuée de licenciement, un préjudice matériel et moral ; dès lors, l'indemnité qui lui est versée a pour objet de réparer ce préjudice et ne constitue pas la rémunération d'un travail 9( * ) .

Il en est de même pour l'indemnisation volontaire supplémentaire allouée aux salariés en raison de leur acceptation d'un départ anticipé de l'entreprise, qui, selon le juge, présente le caractère de dommages-intérêts.

On notera donc avec intérêt que les sommes allouées à titre transactionnel à des salariés qui renoncent en contrepartie à réclamer des dommages-intérêts pour rupture injustifiée du contrat de travail ne sont pas soumises à cotisations sociales, même pour la part de ces sommes qui excède le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement .

Toutefois, le juge est tenu de rechercher si la somme versée dans le cadre d'une transaction n'englobe pas des éléments de rémunération soumis à cotisations, quelle que soit la qualification retenue par les parties.

En revanche, les sommes versées par l'employeur lors de la démission d'un salarié n'ont pas, en principe, la nature de dommages-intérêts, sauf s'il est établi qu'en réalité, la rupture du contrat de travail a été provoquée par l'employeur et que les sommes versées réparent le préjudice né de la perte de l'emploi.

La Cour de cassation a, par exemple, jugé que l'indemnité versée à un directeur général à l'occasion de son départ de la société qui ne constitue ni le dédommagement d'une révocation qui serait intervenue dans des conditions abusives, ni la réparation d'un préjudice qui serait résulté pour lui de la cessation forcée de ses fonctions, constitue un élément de rémunération soumis à cotisations 10( * ) .

(iii) Le cas des indemnités versées aux mandataires sociaux

S'agissant des mandataires sociaux, les tribunaux ont jugé que les dommages-intérêts alloués par décision de justice au président-directeur-général d'une société anonyme en réparation du préjudice subi du fait de la révocation de son mandat social ne sont pas soumises à cotisations 11( * ) .

(2) Le dispositif " Hollande - Cahuzac " aligne les régimes fiscal et social soumis à la CSG

Il est utile de revenir sur le dispositif de l'article 2 bis du projet de loi de finances pour 2000 dans la mesure où les conditions d'assujettissement aux cotisations sociales des indemnités de rupture de contrat sont strictement les mêmes (à l'exception de la CSG) que celles fixées par cet article.

(a) Le dispositif fiscal (article 2 bis du PLF pour 2000)

L'article 2 bis du projet de loi de finances pour 2000 est composé de deux volets.

Le premier volet concerne le régime fiscal applicable aux indemnités de rupture des contrats de travail des salariés . Il transpose dans la loi fiscale les principes doctrinaux et jurisprudentiels actuels en les assouplissant .

Le second règle le régime fiscal des indemnités de toutes natures versées aux mandataires sociaux et dirigeants de sociétés à l'occasion de la cessation de leurs fonctions. Il distingue lui-même deux cas : celui du départ volontaire des mandataires, qui occasionne le traitement fiscal le moins favorable, et celui de la cessation forcée des fonctions, qui ne provoque taxation qu'au delà d'un plafond de 2,35 millions de francs.

(i) Le cas des salariés

Le premier paragraphe du 1 de l'article 80 duodecies pose le principe de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu de la fraction des indemnités de licenciement représentative de la réparation d'un préjudice financier (perte de revenus), la fraction conventionnelle ou légale de l'indemnité de licenciement - censée indemniser le préjudice moral - restant exonérée .

Toutefois, le deuxième paragraphe du 1 atténue sensiblement ce principe en accroissant la fraction exonérée des indemnités de licenciement. Il prévoit enfin un plancher général d'imposition pour les sommes qui excèdent 2,35 millions de francs .

Au total, le dispositif serait le suivant :

• Les indemnités de licenciement seraient, en tout état de cause, exonérées à hauteur de la fraction correspondant au montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel, ou à défaut, par la loi 12( * ) .

• Au delà, les indemnités ne seraient imposables que pour la fraction qui excède la plus grande des deux sommes suivantes :

- soit la moitié des indemnités de licenciement versées ;

- soit le double de la rémunération brute perçue l'année précédant la rupture du contrat de travail.

Autrement dit, les indemnités de licenciement seraient soumises à impôt, soit pour la moitié de leur montant, si ce dernier excède le double de la rémunération brute perçue l'année précédente, soit pour la fraction qui excède deux fois le salaire de l'année précédente, dans les autres cas.

Enfin, au delà d'un seuil de 2,35 millions de francs (moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune, les indemnités de licenciement seraient automatiquement assujetties à l'impôt sur le revenu pour la fraction qui excède ce plancher 13( * ) .

Pour récapituler, le seuil de déclenchement de l'imposition serait, pour les indemnités inférieures à 2,35 millions de francs, le plus élevé des trois montants suivants :

- montant des indemnités de licenciement conventionnelles ;

- moitié des indemnités de licenciement versées ;

- deux fois le montant du salaire brut perçu l'année précédente.

Au delà d'un seuil de 2,35 millions de francs, toutes les indemnités seraient taxées, quelle que soit leur nature.

Exemples :


1 er cas : une indemnité de licenciement de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait perçu un salaire brut d'un million de francs l'année précédente serait exonérée d'impôt sur le revenu.

2 ème cas : une indemnité de licenciement de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait perçu un salaire brut de 800.000 F l'année précédente serait imposable à hauteur de 400.000 F.

3 ème cas : une indemnité de licenciement de 2 millions de francs touchée par un salarié qui aurait perçu un salaire brut de 400.000 F l'année précédente serait imposable à hauteur de un million de francs.

4 ème cas : une indemnité de licenciement de 3 millions de francs serait imposable, quel que soit le salaire touché l'année précédente, pour la fraction qui excède 2,35 millions de francs, soit 650.000 F.

Enfin, ne seraient jamais taxables les indemnités de départ volontaires versées dans le cadre d'un plan social ainsi que les indemnités versées à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse (article L. 122-14-4 du code du travail).

(ii) Le cas des mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises

Le 2 de l'article 80 duodecies concerne les mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises.

Il dispose que toute indemnité versée à l'occasion de la cessation de leurs fonctions serait imposable, sans conditions de seuil.

Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, le régime serait le même que pour les salariés, c'est-à-dire que seule la fraction des indemnités qui excède les seuils évoqués plus haut serait soumise à l'impôt sur le revenu.

Ces dispositions seraient applicables :

• dans les sociétés anonymes :

- au président du conseil d'administration,

- au directeur général,

- à l'administrateur provisoirement délégué,

- aux membres du directoire,

- à tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales ;

• dans les sociétés à responsabilité limitée : aux gérants minoritaires ;

• dans les autres entreprises ou établissements passibles de l'impôt sur les sociétés : aux dirigeants soumis au régime fiscal des salariés ;

• dans toute entreprise : à toute personne occupant un emploi salarié dont la rémunération totale excède la plus faible des rémunérations allouées aux dirigeants de cette entreprise.

(b) Le dispositif social proposé par l'article 2A du présent projet de loi de financement

L'article 2 A du présent projet de loi est le pendant de l'article 2 bis du projet de loi de finances pour 2000. Il pose le principe de l' assujettissement des indemnités de licenciement aux cotisations de sécurité sociale, pour la fraction qui est elle-même soumise à l'impôt sur le revenu.

Toutefois, s'agissant de la CSG, le dispositif actuel, plus rigoureux, est réaffirmé.

(i) Le renforcement de l'assujettissement à la CSG

Bien que l'utilité d'une telle disposition ne soit pas établie au regard de l'état actuel du droit, il est prévu d'assujettir à la CSG, " en tout état de cause " la fraction des indemnités de licenciement qui est soumise à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du CGI.

Cette disposition n'apporte rien de nouveau car les indemnités de licenciement sont actuellement soumises à la CSG pour la fraction qui excède le montant prévu par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, ce qui est plus sévère que ce que l'amendement " Hollande " prévoit en matière d'impôt sur le revenu.

En revanche, l'article 2 A innove en prévoyant de soumettre explicitement à la CSG la totalité des indemnités perçues par les mandataires sociaux et dirigeants à l'occasion de la cessation de leurs fonction, sauf en cas de cessation forcée de ces fonctions, où seule la fraction assujettie à l'impôt sur le revenu entrerait dans l'assiette de la CSG.

On constate donc que les salariés seraient plus rigoureusement traités que les mandataires sociaux , puisque le seuil d'assujettissement de leurs indemnités à la CSG serait plus bas que celui retenu pour les mandataires sociaux. Une telle discrimination mérite probablement correction .

(ii) L'assujettissement de la fraction imposable des indemnités de licenciement aux cotisations de sécurité sociale

Le régime social des indemnités de licenciement serait totalement calqué sur le régime fiscal prévu par l'article 80 duodecies du CGI résultant de l'amendement " Hollande " , à savoir :

- pour les salariés, n'entrerait dans l'assiette des cotisations sociales que la fraction des indemnités de licenciement assujettie à l'impôt sur le revenu ;

- la totalité des indemnités perçues par les mandataires sociaux et dirigeants d'entreprises entrerait dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, sauf en cas de cessation forcée des fonctions où seule la fraction assujettie à l'impôt sur le revenu serait prise en compte.

Les cotisations de sécurité sociale concernées sont :

- les cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales (article L. 242-1 du code de la sécurité sociale) ;

- les assurances sociales agricoles (article 1031 du code rural) ;

- les cotisations familiales des salariés agricoles (article 1062 du code rural) ;

- les cotisations d'assurance maladie des travailleurs agricoles (article 1154 du code rural).

(3) L'utilité d'une correction concernant la CSG

Votre commission des finances fera connaître, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, ses analyses sur les seuils d'assujettissement des indemnités à l'impôt sur le revenu retenus par l'article 2 bis , et notamment sur le plancher d'imposition de 2,35 millions de francs que rien ne justifie a priori .

Mais dans la mesure où l'article 2 A du présent projet renvoie, pour la soumission des indemnités de rupture de contrat aux cotisations de sécurité sociale, aux seuils fixés à l'article 2 bis du projet de loi de finances, toute modification de ces seuils à l'occasion de l'examen de l'article 2 bis se répercuterait automatiquement sur l'article 2 A.

En outre, si l'on met de côté les objections de principe que l'on peut formuler à l'égard d'une législation ad hominem, il est déjà possible d'observer que les critères retenus sont relativement généreux par rapport à ce que la doctrine ou le juge pouvaient jusqu'à présent appliquer.

Une fois ce constat effectué, il convient dès lors de trancher la question de savoir s'il convient d'aligner le régime social des indemnités versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, sur le régime fiscal de ces indemnités.

A cette question, votre commission a répondu par la positive en considérant que, dès lors que des indemnités s'apparentent à un complément de rémunération - et non à des dommages-intérêts -, et sont à ce titre soumises à l'impôt sur le revenu, elles doivent entrer dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale.

La soumission à l'impôt sur le revenu doit donc déclencher l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale et l'article 2 A.

En vertu du même raisonnement, votre commission considère qu'il convient d'aligner l'assiette de la CSG - dont on a vu qu'elle n'était pas modifiée par l'article 2 A pour les salariés - sur celle des cotisations sociales.

Au total, seul le paragraphe I de l'article 2 A relatif à l'assiette de la CSG mérite d'être corrigé.

b) Le spectre de la progressivité sur la CSG (article 2 C)

A l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un article 2 C prévoyant de faire passer de 160 francs à 400 francs le seuil de mise en recouvrement de la CSG, la CRDS et du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital. Cet amendement a été présenté dans un objectif de simplification et pour alléger la charge sur les revenus les plus modestes, notamment ceux des retraités : " Cela évitera des complications, notamment aux retraités non imposables " a ainsi précisé en séance le rapporteur pour avis notre collègue député Monsieur Jérôme Cahuzac.

N'est en revanche pas venu en discussion un amendement de la commission des finances rejeté par la commission des affaires sociales qui prévoyait un montant minimum de 500 francs pour la réduction de 5 % opérée au titre des frais professionnels sur l'assiette de la CSG.

Votre rapporteur pour avis estime que l'amendement adopté sur le seuil de recouvrement présente le mérite de la simplification. Il tient cependant à en souligner le coût et surtout la logique extrêmement dangereuse. Il s'agit en réalité d'introduire dans les prélèvements sociaux de la progressivité alors qu'il est essentiel qu'elle en soit exclue.

En effet, ces prélèvements s'appuient sur une logique de proportionnalité et de simplicité. Votre rapporteur pour avis estime qu'il serait dangereux pour les recettes de la sécurité sociale, mais aussi pour l'équilibre du système fiscal, pour la simplicité de la CSG de remettre en cause ce principe, en tout cas au détour d'un amendement d'apparence technique.

Les vrais questions posées par la CSG aujourd'hui sont tout autres et résident dans sa diversité : la cohabitation de taux différents, d'assiettes déductibles ou non du revenu imposable devraient plus sûrement faire l'objet d'une réflexion. Il vaut mieux élargir l'assiette en supprimant les cas particuliers qui existent plutôt que de la compliquer et de le faire avec un coût très lourd en termes de rendement.

E. LES DIFFICULTÉS COMPTABLES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

La nécessité de comptes fiables pour être utilisables, clairs pour être compréhensibles, homogènes pour être comparables, disponibles dans des délais suffisamment courts pour être contrôlés n'a plus besoin de démonstration.

L'année 1999 devait constituer une période de transition vers une présentation du projet de loi de financement en encaissements / décaissements. Il n'en est rien.

Une mission interministérielle devait rendre ses conclusions. Elle le fera au plus tôt courant 2000, repoussant à 2001 les dispositions législatives et à 2002 au mieux leur application.

Certaines améliorations comme Racine devait rendre les comptes plus fiables. Racine les a rendus moins compréhensibles. Bref, comme l'indiquait le Premier Président de la Cour des comptes devant la commission des affaires sociales du Sénat le 27 octobre 1999 : " il y a un travail important de pure comptabilité à accomplir en matière de finances sociales. Ces dernières sont encore loin d'avoir atteint la qualité et la fiabilité des finances de l'Etat (....). En conclusion, il faudra encore beaucoup de temps pour disposer de comptes sociaux précis et fiables. "

1. Les retards et difficultés de la modernisation de la comptabilité

Le rapport de la commission des comptes de la sécuritésociale s'est fait l'écho des retards et difficultés rencontrés dans la modernisation des méthodes comptables.

Il a ainsi décrit les missions et l'activité de la Mission interministérielle sur la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS) qui a défini un projet de plan comptable qui devait être soumis au comité de pilotage de la mission en octobre 1999, avant d'être transmis aux différents organismes.

Le rapport décrit également les conséquences sur les résultats des exercices du passage complet en comptabilité en droits constatés du régime général depuis 1996. Comme cela était prévu, ce passage se traduit par des écarts importants du résultat selon les méthodes adoptées.

Ecart du résultat du régime général selon les méthodes comptables

(en milliards de francs)

 

1997

1998

Résultat en droits constatés

- 24,22

- 9,68

Résultat en encaissements / décaissements

- 39,23

- 18,22

Ecart

15,01

8,54

Source : commission des comptes de la sécurité sociale

Enfin, il fait état des difficultés rencontrées par l'ACOSS à l'occasion de la mise en place du système Racine. Elles ont occasionné une partie des erreurs de prévisions de résultats du régime général. Il n'est pas encore possible de diposer d'une comparaison exacte de ce chacun aurait été mais on peut prendre la mesure des différences en constatant que le changement de méthode d'affectation des encaissements est à l'origine de 5 milliards de francs d'écarts entre les différents régimes.

Encaissements CGSS - URSSAF

Comparaison attributions Racine/attributions forfaitaires - Année 1998

 


Répartition comptable

Attributions forfaitaires en trésorerie

 
 

Montant (MdF)

%

Montant (MdF)

%

Ecart (MdF)

CNAMTS (mal + CSG)

475,047

43,95

480,866

44,47

- 5,819

CNAMTS/AT

39,665

3,67

39,732

3,67

- 0,067

CNAVTS

277,128

25,64

271,904

25,14

+ 5,224

CNAF

163,637

15,14

166,139

15,36

- 2,502

Total branches

955,477

 

958,641

 

- 3,164

FSV

46,881

4,34

47,648

4,40

- 0,767

Cades

17,809

1,65

17,792

1,65

+ 0,017

Rég. Oblig.assur.mal.

21,428

1,98

20,891

1,93

+ 0,537

Sous-total A

1.041,594

96,37

1.044,972

96,63

- 3,377

Autres tiers

39,283

3,63

36,423

3,37

+ 2,860

Total

1.080,877

100,0

1.081,394

100,0

- 0,517

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale - mai 1999.

Avantages de la comptabilité en droits constatés...

" La méthode des droits constatés présente de nombreux avantages pour la sincérité et la transparence des comptes :

- elle donne au résultat de l'exercice sa pleine signification en le rendant indépendant d'événements perturbant l'encaissement des cotisations ou le règlement des prestations : il s'agit d'une garantie précieuse dans la perspective d'une régulation fine des dépenses, notamment d'assurance maladie ;

- elle offre l'occasion d'harmoniser les méthodes comptables de l'ensemble des régimes puisqu'un même événement est traité comptablement de la même manière pour tous les régimes : il s'agit d'une étape préalable essentielle sur la voie d'une agrégation des comptes de la sécurité sociale ;

- elle donne un cadre de référence comparable à celui des régimes complémentaires et des mutuelles ;

- elle favorise enfin la transparence financière entre les différents acteurs de la sécurité sociale en faisant apparaître les créances et les dettes respectives de chacun : elle devrait ainsi inciter les régimes à suivre de manière plus attentive le recouvrement de leurs créances et à respecter les échéances de règlement entre partenaires. "

... et difficultés de sa mise en oeuvre

" La première année du passage d'une méthode à l'autre génère un résultat exceptionnel dans la mesure notamment où les cotisations restant à recouvrer sur exercices antérieurs à celui de la réforme qui n'ont jamais pu être comptabilisés sont de produits exceptionnels, compensés d'ailleurs en grande partie par une provision pour créances douteuses en raison de l'irrécouvrabilité probable de la majeure partie d'entre elles.

Le changement de réglementation comptable procure donc une amélioration du résultat dont l'ampleur est néanmoins difficilement prévisible. C'est la raison pour laquelle le résultat exceptionnel dû au changement de méthode comptable est isolé et distinct du résultat courant de l'exercice de mise en oeuvre de la réforme. "

Source : rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de 1998.


Les changements informatiques, notamment à l'URSSAF de Paris, ont été à l'origine d'un montant extrêmement élevé de ressources non affectées (52 milliards de francs) qui ont été réparties selon des attributions forfaitaires. Une enquête de l'IGAS sur ce point montre que ce phénomène a eu des causes conjoncturelles mais que " de nouveaux problèmes ne peuvent être totalement exclus, même si la répétition d'erreurs aussi importantes que celles ayant affecté les années 1997 et 1998 est peu probable. " 14( * )

2. Le changement du mode de répartition de la CSG (article 5)

Afin de simplifier le mode de répartition de la CSG qui avait fait l'objet de nombreuses critiques, le Gouvernement propose un changement qui profite en premier lieu à la CNAVTS.

Le I de l'article 5 modifie les règles d'affectation de la CSG instaurées lors de la substitution de la CSG aux cotisations maladie dans la loi de financement de 1998.

Le système mis en place à ce moment se caractérisait en effet par sa complexité. Les régimes obligatoires d'assurance maladie reçoivent une ressource correspondant à la part maladie de la CSG et à 40 % des droits de consommation sur les alcools. Le montant total est réparti en deux temps.

D'abord, il s'agit de compenser aux régimes la baisse de cotisation d'assurance maladie résultant de la substitution. Ensuite, le solde est attribué à la CNAMTS à concurrence de son déficit comptable. Le solde éventuel revient aux autres caisses d'assurance maladie selon leur déficit comptable avant attribution de la C3S.

La complexité de ce mécanisme réside dans les acomptes et régularisations qu'il occasionne. La première régularisation est mensuelle : chaque mois, l'ACOSS verse aux régimes autres que la CNAMTS (pour celle-ci le versement est quotidien) un acompte régularisé le mois suivant. La seconde régularisation est annuelle : le calcul de ce qu'auraient dû recevoir le régimes est fait au 30 novembre. Le ministère de la santé établit alors la clef de répartition définitive de l'année, ce qui permet de régulariser les acomptes faits depuis le 1 er janvier selon une clef provisoire établie par l'ACOSS. Enfin, la troisième régularisation a lieu après le 30 juin de l'année suivante, date à laquelle les montants définitifs des recettes de cotisations restantes sont connus et donc sont faits les calculs de répartition. Pour l'année 1997, la répartition définitive n'a pu avoir lieu qu'à l'automne 1999 ! Ainsi donc, la complexité avait des effets pervers pluriannuels.

De plus, ces mécanismes suscitent des réactions en chaîne. Si, comme c'était le cas pour la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, un équilibre prévu pour la CNAMTS se transforme en lourd déficit, alors la CANAM qui devait recevoir de la CSG enregistre une régularisation négative (2,9 milliards de francs en 1999) qui sera absorbée par la C3S. En définitive, une erreur de prévision du déficit de la CNAMTS en 1999 revient dans le système actuel à minorer les recettes de la première partie du Fonds de solidarité vieillesse en 2000 (au titre de la C3S) et donc du fonds de réserve pour les retraites en 2001 !

Le nouveau système remplace le calcul de ce qu'auraient perçu les régimes si les cotisations maladie 1997 avaient été maintenues en une attribution forfaitaire appuyée sur les ressources de 1998, corrigées de certains effets et revalorisées selon l'évolution de l'assiette de la CSG. Il n'y aura donc plus de régularisation. Le solde est entièrement dévolu à la CNAMTS.

Par ailleurs, les 40 % de droits sur les alcools iront à partir du 1 er janvier 2000 en totalité à la CNAMTS, ce qui représente pour elle une ressource totale de 4,9 milliards de francs auxquels s'ajouteront les 5 % (soit 600 millions de francs) transférés du FSV vers la CNAMTS en vertu de la loi portant création de la couverture maladie universelle.

Ce système a le mérite de la clarté, et il sera revu dans cinq ans ce qui paraît une bonne échéance, sept ans après la substitution de la CSG aux cotisations maladie. De plus, dorénavant, la ressource évoluera selon l'assiette de la CSG alors que la précédente ressource (masse salariale) était moins dynamique.

Il présente cependant l'inconvénient de priver les régimes de base autres que la CNAMTS - principalement la CANAM - d'une ressource qui venait compléter les sommes qu'ils recevaient au titre de la C3S. Ainsi, la CNAMTS verra-t-elle ses recettes augmenter et le FSV, bénéficiaire du solde de C3S, les siennes diminuer. La CNAMTS bénéficie donc indirectement de la ressource que représente la C3S.

Votre rapporteur pour avis
est favorable à toute mesure permettant une stabilisation et une simplification des ressources des régimes d'assurance maladie. Il s'interroge cependant sur la cohérence du nouveau système avec l'objectif annoncé de doter le fonds de réserve pour les retraites de recettes importantes lui permettant de remplir ses objectifs, qui d'ailleurs ne sont pas encore fixés en l'absence d'indication sur sa destination exacte.

Enfin, le II de l'article 5 tire une partie des conséquences financières de l'instauration de la couverture maladie universelle. A partir du 1 er janvier 2000, la CNAMTS bénéficiera de 5 % des droits de consommation sur les alcools qui étaient auparavant attribués au FSV, soit 600 millions de francs.

3. L'urgence de l'aboutissement de la réforme

Il devient plus que jamais indispensable que les comptes présentés à la commission des comptes de la sécurité sociale l'année prochaine et donc le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (qui s'appuie sur les premiers) soient établis en droits constatés et non plus en encaissements / décaissements.

Votre rapporteur pour avis souhaite ainsi que le projet de loi de modernisation de la santé du premier semestre prochain contienne les dispositions législatives nécessaires à ce passage, indispensable pour disposer d'outils fiables de connaissance et donc de maîtrise des dépenses comme des recettes.

Cependant, comme l'indique le dernier rapport de la Cour des comptes, la modernisation de la comptabilité ne saurait se résumer au passage en droits constatés. Il s'agit d'un effort plus global en vue de disposer de données d'une qualité identique et élevée.

Enfin, cela ne saurait exonérer de la réflexion de fond, esquissée par la Cour des comptes là aussi, sur la nature même des concepts utilisés en lois de financement 15( * ) . S'il s'agit de prévisions, cela dépend de la nature de l'agrégat en cause (ONDAM en droits constatés par exemple, mais cela ne vaut pas nécessairement pour les objectifs de dépenses et les prévisions de recettes) ; s'il s'agit d'exécution, les droits constatés s'imposent, mais aussi des lois rectificatives ; s'il s'agit de besoin de financement, alors il faut utiliser les méthodes comptables en cours pour les traités européens de Maastricht et Amsterdam.

Votre rapporteur pour avis restera très attentif en 2000 et dans les années à venir sur la question de la comptabilité qui montre les efforts très importants qu'ont encore à faire les finances sociales sur le chemin de la clarté, de la fiabilité et de la crédibilité.

III. LA LOI DE FINANCEMENT ET LA LOI DE FINANCES ENTRETIENNENT DES LIENS ÉTROITS

Il est impossible d'entretenir une vision parcellaire des finances publiques : prélèvements fiscaux et sociaux appartiennent aux prélèvements obligatoires, dette de l'Etat et dette des organismes sociaux s'ajoutent, dépenses publiques de l'Etat et dépenses des organismes sociaux se cumulent. Pour cette raison d'évidence, il paraît exclu d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances de façon autonome. Quand bien même d'aucuns souhaiteraient le faire, les liens qu'entretiennent cette année les deux textes rendraient la tâche vaine.

A. UN ESSAI DE VISION CONSOLIDÉE DES DEUX TEXTES

La seule solution pour obtenir une vision d'ensemble des finances publiques est de retenir les instruments comptables des comptes nationaux, ce qui n'est possible que pour l'année n-1 (en l'occurrence 1998).

Par ailleurs, il est techniquement impossible d'agréger les lignes du projet de loi de finances et du projet de loi de financement. La comptabilité des organismes sociaux fait intervenir des concepts extrêmement divers et il n'est même pas possible de comparer dépenses et recettes d'un même projet de loi de financement puisque les champs ne sont pas identiques.

Le tableau joint, établi à partir des comptes nationaux prévisionnels pour 1998, apporte essentiellement des confirmations :

la charge de la dette pèse surtout sur l'Etat (73,1 %) de même que les dépenses d'intervention (78,6 %) tandis que les administrations de sécurité sociale (ASSO) prennent à leur charge 78,7 % des transferts sociaux et prestations sociales. A noter s'agissant des dépenses que les ASSO représentent le premier poste des dépenses publiques (39,2 % contre 38,5 % pour l'Etat) et notamment 21,9 % des dépenses de rémunérations du secteur public soit plus que les collectivités locales ;

les cotisations sociales vont à 88 % aux ASSO tandis que l'Etat reçoit 60,1 % des impôts et recettes fiscales (à noter cependant que les ASSO bénéficient de 34,4 % des impôts sur le revenu et le patrimoine) ; au total, les ASSO ont 40,9 % des recettes publiques.

Il est néanmoins intéressant de constater grâce à ce tableau les ordres de grandeur de ce qui peut s'apparenter au " bilan d'activité des administrations en comptabilité nationale " : la sphère publique a une activité de 5.256 milliards de francs (pour un PIB 1998 de 8565 milliards de francs) dont 38,8 % vont aux prestations sociales et 22,25 % aux rémunérations (graphique répartition par fonctions).

De même, l'analyse des recettes montre le poids prédominant des recettes fiscales sur les cotisations, accentué par la fiscalisation croissante de la protection sociale qui montre l'augmentation de la participation de l'ensemble de l'activité et non plus seulement du facteur travail au financement des dépenses sociales (graphique présentation par catégorie de recettes).

Au total ce premier essai de vision consolidée des finances publiques apporte principalement un enseignement quant aux masses respectives. Il doit être complété par des éléments de tendance (nouveaux prélèvements sociaux, baisse des prélèvements en faveur de l'Etat) et par des rapprochements (budget de l'Etat / dépenses inscrites en loi de financement ; évolution des frais de gestion des régimes sociaux par rapport à celle des dépenses de fonctionnement de l'Etat).

Il apparaît vraiment impossible de comparer ligne à ligne les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour des raisons de méthode comptable. En revanche, il faudrait disposer un passage technique entre les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale et leurs conséquences sur les équilibres de finances publiques au sens de Maastricht et Amsterdam.

Pour aller plus loin et étudier les tendances, il conviendrait d'obtenir, ce que le Gouvernement ne nous a pas encore fourni malgré plusieurs démarches, des prévisions de comptes nationaux pour 1999, 2000 et 2001.

Comptes consolidés des administrations publiques en 1998

(en milliards de francs)



Postes



Etat



Pourcentage


Administrations de la sécurité sociale


Pourcentage


Administrations publiques locales



Pourcentage

Organismes divers d'admi-nistration centrale



Pourcentage


Total administrations publiques

DÉPENSES

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Consommations intermédiaires

138,8

29,4 %

102,2

21,6%

187,6

39,7%

43,8

9,3%

472,4

Rémunérations des salariés

626,2

53,5 %

257,1

21,9%

235,8

20,1%

52,4

4,5%

1171,5

Autres dépenses de fonctionnement

3,4

8,2 %

22,2

53,2%

9,5

22,8%

6,6

15,8%

41,7

Intérêts

224,9

73,1 %

6

1,9%

46

14,9%

30,9

10,0%

307,8

Prestations sociales et transferts sociaux

259,2

12,7 %

1608

78,7%

70,7

3,5%

104,3

5,1%

2042,2

Subventions

71

60,0 %

1,6

1,4%

33,7

28,5%

12,1

10,2%

118,4

Autres transferts

657

78,6 %

40

4,8%

80,9

9,7%

57,8

6,9%

835,7

Acquisition d'actifs non financiers

45,8

17,1 %

25,4

9,5%

178,1

66,6%

18

6,7%

267,3

dont FBCF

44,8

17,5 %

24,4

9,6%

169,8

66,5%

16,4

6,4%

255,4

TOTAL DES DEPENSES

2026,2

38,5 %

2062,5

39,2%

842

16,0%

325,8

6,2%

5256,5

RECETTES

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Production et subventions d'exploitation

27,7

45,0 %

10,1

16,4%

13,9

22,6%

9,9

16,1%

61,6

Impôts et transferts de recettes fiscales

1447,3

60,1 %

400,9

16,6%

492,8

20,5%

68,3

2,8%

2409,3

dont taxes et impôts sur production

978,4

71,0 %

35,1

2,5%

328,9

23,9%

34,9

2,5%

1377,3

dont impôts courants sur le revenu et le patrimoine

536

54,2 %

339,5

34,4%

79,3

8,0%

33,4

3,4%

988,2

dont impôts en capital

43,9

100,0 %

0

0,0%

0

0,0%

0

0,0%

43,9

dont transferts de recettes fiscales

-110,9

-

26,3

-

84,6

-

0

-

0

Cotisations sociales

185,3

11,8 %

1380

88,0%

2,3

0,1%

0,9

0,1%

1568,5

Impôts et cotisations dûs non recouvrables (net)

-11,1

45,3 %

-13,4

54,7%

0

0,0%

0

0,0%

-24,5

Autres transferts courants

42,7

7,0 %

198,1

32,7%

175,9

29,0%

189,5

31,3%

606,2

Autres recettes

34

22,4 %

13,7

9,0%

60,6

39,9%

43,4

28,6%

151,7

TOTAL DES RECETTES

1767

35,2 %

2052,8

40,9%

870

17,3%

334,5

6,7%

5024,3

CAPACITÉ DE FINANCEMENT

-259,2

111,6 %

-9,7

4,2%

28

12,1%

8,7

-3,7%

-232,2

Source : INSEE bases 1980 et 1995 des Comptes nationaux ; calculs Direction de la Prévision

(1) La base 1980 corrigée pour passage au SEC 79 correspond aux exigences du traité de Maastricht pour la présentation des déficits publics.

(2) En 1997, la capacité de financement des administrations publiques s'entend y compris soulte France Télécom.


Il paraît aujourd'hui indispensable d'aller au delà de cette photographie. Il à peine imaginable que les lois de finances et les lois de financement soient impossibles à agréger. La France dépensera en 2000 1650 milliards de francs pour l'Etat et 1800 milliards de francs au titre des régimes de base de sécurité sociale ; dans le même temps pour des raisons de structures comptables, de champ méthodologique, de transferts divers et variés, le Gouvernement n'apparaît pas en mesure de fournir une vision globale des finances publiques de l'année à venir alors même qu'il est obligé de le faire pour respecter ses engagements européens.

Les prélèvements obligatoires consolidés peuvent s'appréhender plus facilement puisque les champs se recouvrent à peu près. La fiscalisation croissante de la sécurité sociale, sa déconnexion grandissante des revenus du travail pour s'élargir à l'ensemble de l'activité économique et financière introduisent une tendance à la consolidation, au moins dans l'esprit des Français, des prélèvements. Il paraît alors étonnant de ne pas leur fournir une consolidation des dépenses, ni une information sur ce que l'ensemble de la sphère publique compte dépenser de cet argent prélevé de manière collective.

Les deux instruments de la loi de finances et de la loi de financement présentent donc un intérêt certain. Ils présentent aussi de fortes limites qu'il conviendra d'améliorer.

Cette modernisation, cette évolution des instruments apparaît comme un enjeu essentiel et votre commission des finances entend dès aujourd'hui prendre date dans cette oeuvre d'évolution des finances publiques : chaque Français et chaque entreprise savent ce qu'ils paient ; il doivent aussi savoir ce à quoi cet argent sert.

Répartition par fonctions des dépenses publiques consolidées

Répartition par catégories des recettes consolidées

B. LES NOMBREUX PASSAGES DE L'UN À L'AUTRE

1. Un mouvement massif de transferts

Les deux projets de loi organisent cette année un mouvement massif de transferts du budget de l'Etat vers la loi de financement de la sécurité sociale. Ils viennent s'ajouter aux mouvements existants. Ainsi en 2000, l'Etat versera aux organismes sociaux :

• des cotisations sociales qu'il prend en charge : 83 milliards de francs ;

• des contributions publiques d'équilibre : 62,75 milliards de francs ;

• une partie des cotisations fictives d'employeurs.

Par ailleurs, les régimes sociaux recevront 378,3 milliards de francs d'impôts et taxes affectés à la sécuritésociale.

Le budget de l'Etat compte ainsi de nombreuses lignes qui servent à financer des prestations versées par la sécuritésociale, comme le revenu minimum d'insertion ou l'allocation pour adulte handicapé.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et le projet de loi de finances pour 2000 instaurent deux principaux nouveaux transferts auxquelles s'ajoutent plusieurs autres mesures.

Le premier a pour but d'assurer les allégements de charges sociales instaurés dans le cadre du passage aux 35 heures de travail hebdomadaire. Ainsi l'article 29 du projet de loi de finances propose-t-il d'affecter 39,5 milliards de francs de droits sur les tabacs au fonds de financement prévu à l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En regard de ce transfert de recettes, le budget de l'emploi affiche une mesure nouvelle le diminuant de 39,5 milliards de francs correspondant aux dépenses nouvelles du fonds.

A ces montants qui représentent les sommes engagées pour la " ristourne Juppé ", le Gouvernement ajoute le transfert du produit de la taxe général sur les activité polluantes (TGAP) au fonds de financement prévu à l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Enfin, l'Etat versera au fonds une subvention d`équilibre dont le montant est estimé pour 2000 à un peu plus de 4 milliards de francs.

Le second transfert important concerne la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle. Le projet de loi de finances prévoit le transfert de deux recettes à ce titre : 3,5 milliards de francs de droits sur les tabacs pour la Caisse nationale d'assurance maladie et 7,2 milliards de francs sur le budget de la Santé et de la solidarité sous la forme d'une subvention au fonds de financement de la couverture maladie universelle. Par ailleurs, il met au net la " tuyauterie " résultant de la suppression de la prise en charge de l'aide personnelle, des contingents communaux d'aide sociale, etc.

A ces deux réformes s'ajoutent différents transferts qui mériteraient des éclaircissements :

• le Gouvernement a annoncé sa volonté d'abonder le fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 4 milliards de francs correspondant au produit de la vente des parts de caisse d'épargne sur l'année 2000 : cette mesure ne figure cependant pas en loi de finances ;

• le Gouvernement a annoncé sa volonté de prendre en charge une partie de la majoration de rentrée scolaire : les 4,7 milliards de francs correpsondant ne figurent pas en loi de finances ;

• le Gouvernement a annoncé sa volonté de verser à la CNAF une subvention correspondant à sa participation au FASTIF pour compenser une partie de ses dépenses nouvelles : le milliard de francs correspondant ne figure pas en loi de finances.

Ces incertitudes sont inacceptables au regard de la sincérité à la fois de la loi de finances et de la loi de financement de la sécuritésociale. Soit le Gouvernement s'engage et alors il n'a pas à attendre une loi de finances rectificative pour tirer les conséquences de décisions qui auraient dû (et pu puisque celles concernant la famille ont été prises en juillet et celle sur les retraites en mai) trouver leur traduction en loi de finances. Soit le Gouvernement ne compte pas respecter sa parole et alors l'équilibre financier des régimes sociaux sera mis à mal. Quelle que soit la vérité, cette non inscription en loi de finances initiale signifie que l'un au moins des deux projets de loi n'est pas sincère.

Par ailleurs, la loi de finances prélève sur le produit de la C3S un milliard de francs pour financer des mesures nouvelles à la charge du BAPSA. Or le solde de la C3S est normalement affecté à la première partie du Fonds de solidarité vieillesse puis au fonds de réserve pour les retraites.

On ne peut que s'étonner d'une telle incohérence entre les deux projets de loi : priorité du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le fonds de réserve se voit dépourvu d'une partie de sa ressource en loi de finances !

De même, le projet de loi de finances ne tient aucunement compte des conséquences financières des mesures adoptées en loi de financement sur le BAPSA et qui ont pour résultat de dégrader le solde de celui-ci par une hausse de ses dépenses. Or, le BAPSA est légalement en équilibre, ce qui imposera bien des mesures correctrices. Tel qu'il est présenté en loi de finances, il ne peut en tout état de cause être considéré comme sincère.

Autre exemple des liens étroits entretenus entre les deux textes, le taux d'évolution des ressources fiscales. Le fonds de compensation de la taxe professionnelle évolue comme les recettes fiscales de l'Etat. Or si celles-ci augmentent à structure constante de 3,7 %, elles diminuent nettes des transferts au projet de loi de financement de 0,32 % en 2000 (du fait des transferts des droits sur les tabacs et de la TGAP). L'Etat devra compenser les conséquences de cette baisse pour les collectivités locales.

Plus grave, la réforme de la CNRACL 16( * ) aboutit à une diminution de la surcompensation versée par cette caisse aux régimes de retraite de 3 milliards de francs en 2 ans. Le Gouvernement s'est engagé à inscrire une somme équivalente en loi de finances. En l'absence de cette description, la charge pèserait sur le dernier régime contribution au titre de la surcompensation, soit la CNAVTS. Votre rapporteur pour avis ne peut que s'étonner devant une telle incertitude.

2. Une illustration : les exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux jeunes agriculteurs (article 4 bis)

Cet article a été introduit au cours de l'examen en première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale par M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac a été chargé par le Premier ministre d'une mission temporaire de six mois auprès du Gouvernement pour élaborer le rapport sur les adaptations à apporter au mode de calcul des cotisations sociales des exploitants agricoles notamment afin de favoriser l'installation. Ce rapport doit, selon l'article 141 de la loi d'orientation agricole 17( * ) être présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 1 er avril 2000.

Suite à ses propres travaux et à l'annonce de cette mesure par le Premier ministre lors de la table-ronde sur l'agriculture qui s'est tenue le 21 octobre dernier, M. Jérôme Cahuzac a donc proposé d'introduire une nouvelle mesure favorable aux jeunes agriculteurs dans le projet de loi de finances.

a) Des exonérations étendues

En vertu d'un dispositif réglementaire 18( * ) , les jeunes agriculteurs bénéficient actuellement d'une exonération partielle de l'ensemble de leurs cotisations sociales 19( * ) . Cette exonération est applicable, à des taux dégressifs, pendant les trois premières années suivant l'année de leur installation 20( * ) , sous réserve qu'ils remplissent trois conditions cumulatives : être âgés de 21 ans au moins et 35 ans au plus à la date de l'affiliation ; percevoir avant l'âge limite les prestations maladie du régime agricole ; et diriger une exploitation dont l'importance est au moins égale au ¾ de la surface minimale d'installation (SMI) ou, si la surface est inférieure, justifier d'une décision d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA).

Cette exonération concerne aujourd'hui 30.000 jeunes agriculteurs pour un coût annuel d'environ 180 millions de francs.

Afin de favoriser l'installation en agriculture et étant donné que le basculement d'une partie des cotisations sur la CSG a fait perdre de l'efficacité au dispositif existant, il est proposé de revaloriser les taux d'exonération.

Relèvement des taux de réduction pour les jeunes agriculteurs

 

Exonération 1999

Exonération 2000 21( * )

Première année

50 % plafonnée à 11.428 F

65 %

Deuxième année

40 % plafonnée à 9.143 F

55 %

Troisième année

20 % plafonnée à 4.572 F

35 %

Il est également proposé de modifier les conditions d'accès à ce mécanisme : les critères d'âge sont étendus à 18 ans au moins et 40 ans au plus ; les conditions relatives à la taille économique maximale de l'exploitation sont renvoyées à un décret ; et la condition relative à la perception des prestations maladie est supprimée.

Un plafond d'exonération et un plancher de cotisations seront maintenus, déterminés par décret ; ils permettront de limiter les pertes de recettes. En outre, comme aujourd'hui, des dérogations aux limites d'âge fixées par la loi pourront être apportées par décret.

Cette mesure correspondrait à de moindres recettes pour le budget annexe des prestations agricoles (BAPSA) de l'ordre de 80 millions de francs 22( * ) .

b) Les conséquences sur la loi de finances pour 2000

Votre rapporteur pour avis approuve l'objectif de cette mesure : favoriser l'installation en agriculture, alors que le nombre des installations aidées chute 23( * ) .

Toutefois, il remarque que cet article entraîne des pertes de ressources pour le BAPSA et qu' aucune mesure de financement n'est proposée . La levée du gage signifie-t-elle que l'Etat prend en charge cette moindre recette par une augmentation du montant de la subvention d'équilibre versée au BAPSA ?

Cet article nécessite une coordination, qui ne paraît à ce jour pas a voir été prévue, dans le projet de loi de finances. Une présentation consolidée de celui-ci et du projet de loi de financement est plus que jamais indispensable.

C. LE POIDS DES MESURES DE LA LOI DE FINANCEMENT SUR L'ENSEMBLE DES FINANCES PUBLIQUES

1. De nouveaux prélèvements obligatoires

La loi de financement contient de nombreuses mesures fiscales qui intéressent de près le domaine des lois de finances.

Tout d'abord, elle crée deux nouvelles impositions qui sont fortement liées au projet de loi de finances : l'extension de la TGAP et la nouvelle cotisation sociale sur les bénéfices des sociétés. La taxation des heures supplémentaires dans les entreprises n'ayant pas signé d'accord de réduction du temps de travail s'y ajouterait après l'adoption du second projet de loi sur les 35 heures.

L'extension de la TGAP devrait rapporter 1,2 milliard de francs supplémentaires au fonds de financement des allégements de charges sociales.

Quant à la nouvelle cotisation sur le bénéfice des sociétés, elle intervient alors qu'au même moment le projet de loi de finances propose de supprimer la surtaxe d'impôt sur les sociétés de 10 % instaurée en juin 1997. Votre rapporteur pour avis ne peut que rester dubitatif devant ce jeu de passe-passe qui conduit à supprimer ici ce que l'on recrée là.

La taxation de 10 % des heures supplémentaires devrait apporter 7,5 milliards de francs au fonds.

Ensuite, la loi de financement inaugure une vaste réforme de la cotisation sociale généralisée (CSG) de manière à introduire une part de progressivité dans son fonctionnement. Dans le même temps, le Gouvernement annonce une simplification de l'impôt sur le revenu considéré comme trop complexe.

Au total, les organismes sociaux bénéficieront de plus de 60 milliards de francs de recettes nouvelles correspondant soit à des affectations, soit à des créations, soit à des élargissements de taxes, alors que dans le même temps le projet de loi de finances affiche une diminution des prélèvements de 22 à 24 milliards de francs :

Produits des nouvelles affectations, augmentations,
créations de taxes en faveur des organismes sociaux (en milliards de francs)

Droits sur les tabacs pour les 35 heures

39,5

Droits sur les tabacs pour la CMU

3,5

Droits sur les tabacs pour l'amiante

0,2

TGAP ancienne

1,2

TGAP élargie

1,2

Cotisation sociale sur les bénéfices

4,3

Taxation des heures supplémentaires

7,5

Taxe de 1,75 % pour financer la CMU

1,8

Total

60

A l'avenir, ces taxes sont destinées à augmenter puisque la TGAP et la CSB devront rapporter chacune 12,5 milliards de francs dès 2001.

2. Des dépenses futures

De plus, la loi de financement de la sécurité sociale constitue un facteur d'incertitude de plus en plus grand pour l'Etat qui s'est engagé par exemple à verser deux subventions d'équilibre : l'une pour le financement des 35 heures, l'autre pour celui de la couverture maladie universelle. Or la première réforme n'a pas de financement complètement bouclé, tandis que la seconde devrait coûter bien plus cher que prévu.

Les dynamiques de ces deux textes vont donc à l'opposé. Alors que le Gouvernement semble vouloir contenir la dépense publique et orienter à la baisse les prélèvements obligatoires dans le projet de loi de finances, le projet de loi de financement poursuit quant à lui sur sa lancée de prélèvements plus nombreux, plus massifs, destinés à croître au nom du " dynamisme " de la recette, et de dépenses qui ne cessent d'augmenter pour un résultat largement en deçà des attentes des Français. Ajoutant à cela les imprécisions stupéfiantes de la loi de finances sur les engagements pourtant fermes du Gouvernement, votre rapporteur pour avis ne peut que se monter inquiet devant tant d'incohérences.

DEUXIEME CHAPITRE :
LE NON FINANCEMENT DES 35 HEURES PÈSE SUR L'ENSEMBLE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

Les 35 heures ont fait une entrée fracassante lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale. Cinq prélèvements obligatoires et le budget de l'Etat sont en effet nécessaires pour assurer un non financement d'une mesure dangereuse qui " pollue " le débat de la loi de financement et l'éloigne de son véritable objectif.

I. LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE CONFISQUÉE PAR LE DÉBAT SUR LE NON-FINANCEMENT DES 35 HEURES

L'article 2 du projet de loi de financement constitue le coeur de ce texte. Il propose en effet de créer un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, destiné à financer les mesures d'allégement de charges sociales, ainsi que les aides à la réduction du temps de travail.

A. DE L'ERREUR DES 35 HEURES À LA CRÉATION DU FONDS

1. La création du fonds de financement est le fruit de la seconde loi des " 35 heures "

Le présent article vise à créer un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale , dont l'objet est de financer :

- d'une part, les allégements de charges sociales patronales , qui sont prétendument " réformées " ;

- et, d'autre part, les aides à la réduction du temps de travail.

En effet, la création de ce fonds est étroitement liée au projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail , qui s'y réfère dans son article 2, qui détermine le régime des heures supplémentaires, et dans son article 11, relatif au dispositif d'allégement de cotisations sociales (son paragraphe XVI précise que le financement de cet allégement de charges est assuré par le fonds de financement dont la création est prévue par le présent article).

a) Le ralliement tardif du Gouvernement à l'allégement des charges sociales

Le Gouvernement est aujourd'hui favorable à l'allégement des charges sociales sur les bas salaires , à tel point qu'il propose de créer un fonds de financement destiné à prendre en charge les mesures d'allégement du coût du travail peu qualifié.

Il n'en a pas toujours été ainsi , les responsables des partis politiques de gauche ayant souvent manifesté, par le passé, leur hostilité à cette orientation nouvelle de la politique de l'emploi.

L'allégement de charges sociales sur les bas salaires s'est fait par étapes, après le changement de majorité intervenu en 1993.

La loi n° 93-353 du 27 juillet 1993 relative au développement de l'emploi et de l'apprentissage a instauré une exonération des cotisations patronales d'allocations familiales pour les salaires jusqu'à 1,1 SMIC et une réduction de moitié pour ceux compris entre 1,1 et 1,2 SMIC. Cette exonération était intégralement compensée par l'Etat.

La loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 sur l'emploi et la formation professionnelle a repris les dispositions d'exonération de cotisations famille sur les bas salaires en les intégrant dans un programme pluriannuel sur cinq ans, qui a porté progressivement le seuil à 1,5 SMIC pour l'exonération complète et 1,6 SMIC pour l'exonération de moitié.

La loi n° 95-943 du 4 août 1995 portant diverses mesures d'urgence pour l'emploi et la sécurité sociale a ajouté au dispositif précédent une réduction dégressive des cotisations patronales au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, pour les salaires compris entre le SMIC et 1,2 SMIC.

Ces dispositifs tendaient à alléger le coût du travail des emplois peu qualifiés.

La loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996 a fusionné , à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 1997, les deux dispositifs précédents. La réduction dégressive était alors comprise entre le SMIC et 1,33 SMIC.

La loi de finances pour 1996 prévoyait que, à partir du 1 er janvier 1998, l'exonération des cotisations d'allocations familiales définie par la loi quinquennale, serait reprise, avec un calendrier décalé. Les seuils de 1,5 et 1,6 SMIC seraient atteints au 1 er janvier 2000, tandis que la réduction dégressive définie par la loi du 25 août 1995 serait à nouveau en vigueur.

Toutefois, le Gouvernement actuel a souhaité pérenniser le dispositif de réduction dégressive de cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires applicables depuis le 1 er octobre 1996, en y apportant plusieurs modifications, et ne pas revenir au système précédemment en vigueur.

Ainsi, l'article 115 de loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 a-t-il abaissé le montant maximum de salaire ouvrant droit à l'exonération de 1,33 SMIC à 1,3 SMIC. Par ailleurs, a été annoncé le gel du montant maximal de la réduction à son niveau actuel.

Face à cette situation, l'adoption de la proposition de loi déposée par M. Christian Poncelet aurait permis de donner plus d'ampleur aux créations d'emplois résultant de l'allégement des charges sociales pesant sur les bas salaires.

L'effet sur l'emploi d'une mesure telle que la " ristourne dégressive " est en effet incontestable.
Les industries de main d'oeuvre du textile, du cuir et de l'habillement constituent une bonne illustration de résultats positifs des allégements de charges. Alors que ce secteur traversait une crise majeure - 40 % des effectifs perdus en 15 ans, avec une accélération des pertes d'emplois à partir de 1992, et 60.000 suppressions de postes envisagées pour 1996 et 1997 - le plan d'exonérations sociales mis en place en mars 1996 a permis de stabiliser ces suppressions et même d'augmenter les effectifs. Le dispositif a permis de sauvegarder 10 % des emplois dans ce secteur, soit environ 35.000.

L'effet positif sur l'emploi de la réduction des charges sociales fait aujourd'hui l'objet d'un très large accord, comme en témoigne la publication, au cours de l'été 1998, du rapport de M. Edmond Malinvaud sur cette question 24( * )

Le Gouvernement lui-même en convient. Ainsi, les documents préparatoires à la conférence nationale sur l'emploi et les salaires du 10 octobre 1997, au cours de laquelle fut annoncée la mise en place des " 35 heures ", précisaient : " après avoir augmenté sur la période 1970-1984, le coût relatif du travail peu qualifié a retrouvé, au cours des années récentes, son niveau de 1970, sous l'effet notamment de la réduction des charges sociales pesant sur les bas salaires ". Ils poursuivaient : " la relative bonne résistance de l'emploi, dans une conjoncture peu favorable, résulte pour partie des premiers effets de la baisse du coût du travail au voisinage du salaire minimum ".

Sans doute faut-il voir dans la création d'un fonds de financement des allégements de charges sociales un ralliement, malgré tout fort tardif, du Gouvernement aux thèses défendues par le Sénat depuis de nombreuses années.

A cet égard, il convient de souligner que les cotisations patronales ne font pas l'objet d'une véritable " réforme " comme le laisse entendre l'intitulé du fonds de financement, leur assiette n'étant pas modifiée.

b) Le financement des aides à la réduction du temps de travail

Notre collègue Louis Souvet, rapporteur pour la commission des affaires sociales du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, a estimé, dans son rapport 25( * ) , que ce ralliement tardif du Gouvernement aux allégements de charges sociales résultait pour lui de la nécessité de " sauver les 35 heures " .

On ne saurait mieux dire !

La réduction autoritaire du temps de travail a en effet des conséquences négatives sur la compétitivité des entreprises.


Le coût de la loi du 13 juin 1998 (la " première " loi) s'élève à 11,15 milliards de francs sur trois ans , en prenant en considération les crédits inscrits au budget de l'emploi au titre des aides accordées aux entreprises pour les inciter à passer aux 35 heures, mais aussi des aides au conseil à la réduction du temps de travail : 3 milliards de francs en 1998, 3,7 milliards de francs en 1999 et 4,45 milliards de francs en 2000.

Notre collègue Louis Souvet, dans son rapport précité, estimait qu' " on peut seulement estimer que le coût d'un emploi créé ou préservé est égal à 146.000 francs la première année ". Il ajoute : " ces estimations représentent un coût élevé, compte tenu notamment de la nature des emplois créés (75 % des emplois créés sont des emplois d'ouvriers ou d'employés) ".

Or, la réduction du temps de travail va pénaliser la compétitivité des entreprises.

Le Gouvernement le reconnaît d'ailleurs lui-même. Il écrit, dans le rapport qu'il a déposé lors du débat d'orientation budgétaire pour 2000 : " un maintien du salaire mensuel lors du passage de 39 heures à 35 heures pourrait conduire à une hausse du coût horaire de 11,4 %. Pour préserver la compétitivité des entreprises, des contreparties salariales sont négociées dans le cadre de la réduction du temps de travail ".

Face à cette situation, le Gouvernement a décidé d'étendre le dispositif d'allégement des charges sociales , l'article 12 du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail proposant un nouveau barème d'exonérations de cotisations sociales, qui fusionne la " ristourne dégressive " et les aides forfaitaires. Il s'agit d'étendre le dispositif d'allégement des charges sociales de 1,3 à 1,8 SMIC.

Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale
, dont la création est proposée par le présent article, prendra en charge cette extension de l'allégement des charges sociales.

2. Un fonds de financement qui s'apparente à une débudgétisation

Le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale aura un statut d'établissement public national à caractère administratif. Il pourra donc faire l'objet de contrôles par la Cour des comptes.

Ses règles de fonctionnement comme ses personnels relèveront d'un statut de droit public.

Un décret en Conseil d'Etat doit fixer :

- la composition du conseil d'administration, qui sera constitué de représentants de l'Etat ;

- la composition du conseil de surveillance, qui comprendra, notamment, des membres du Parlement et des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national ;

- les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds.

Le statut du fonds de financement est semblable à celui du fonds de solidarité vieillesse et à celui du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie. En effet, comme ces deux fonds, le fonds de financement dont la création est proposée par le présent article doit gérer des transferts financiers entre l'Etat et les organismes sociaux.

Il est prévu que les frais d'assiette et de recouvrement des impôts, droits, taxes et contributions mentionnés à l'article qu'il est proposé d'insérer dans le code de la sécurité sociale concernant les recettes du fonds, sont à la charge dudit fonds, en proportion du produit qui lui est affecté. Leur montant est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale.

Par ailleurs, sont prévues des conventions entre le fonds de financement et les organismes de protection sociale, d'une part, et le fonds de financement et l'Etat, d'autre part, afin de régler leurs relations financières respectives.

Ces conventions sont notamment destinées à garantir la neutralité en trésorerie des flux financiers pour les organismes de sécurité sociale. Il s'agit en effet d'éviter un éventuel décalage entre le bénéfice de l'exonération de cotisations patronales et sa compensation par le fonds.

Enfin, à titre transitoire, et jusqu'à la création effective du fonds de financement, les ressources dudit fonds sont versées à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et centralisées par elle.

B. UNE " USINE À GAZ " PLEINE D'INCERTITUDES

1. Des dépenses très lourdes...

Les dépenses du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale sont énumérées par le présent article.

Outre les frais de gestion administrative du fonds, ses dépenses sont constituées par le versement, aux régimes de sécurité sociale concernés, des montants correspondant à la prise en charge :

- de la " ristourne dégressive " ;

- de l'extension du dispositif d'allégement des charges sociales de 1,3 à 1,8 SMIC ;

- de l'aide incitative à la réduction du temps de travail - aide pérenne et générale, appelée aide structurelle - qui prendrait la forme d'un allégement des cotisations patronales de 4.000 francs par salarié et par an.

Les dépenses que le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale aura à supporter sont évaluées à 64,5 milliards de francs en 2000 :

- 39,5 milliards de francs au titre de la " ristourne dégressive ", auparavant prise en charge par le budget de l'emploi ;

- 7,5 milliards de francs au titre de l'extension des exonérations de cotisations patronales de 1,3 à 1,8 SMIC ;

- 17,5 milliards de francs, pour assurer le financement de l'aide structurelle.

Ces dépenses représentent un montant considérable. Par ailleurs, il convient de rappeler que l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 5 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite " loi Veil ", dispose que " toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de sécurité sociale [...] donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés pendant le budget de l'Etat pendant toute la durée d'application ".

En l'occurrence, le fonds de financement se substituera à l'Etat pour compenser les exonérations de cotisations patronales proposées. L'Assemblée nationale, à l'initiative de Mme Jacqueline Fraysse, a adopté un amendement précisant que l'Etat garantit le financement des allégements de charges.

Le fonds de financement devra assurer des dépenses bien plus importantes encore, " à terme " , lorsque l'ensemble des entreprises sera passé aux " 35 heures " 26( * ) :

- l'allégement sur les bas et moyens salaires, correspondant à l'actuelle " ristourne dégressive " ainsi qu'à l'extension du dispositif, représentera un coût de 65 milliards de francs ;

- l'aide structurelle à la réduction du temps de travail se traduira par un coût de 40 milliards de francs.

Soit un total de 105 milliards de francs.

Toutefois, il existe des incertitudes sur le montant des dépenses assurées par le fonds de financement.


L'exposé des motifs du présent projet de loi indique que " à terme, ses dépenses seront de l'ordre de 100 à 110 milliards de francs par an ". Le Gouvernement lui-même ne peut donc chiffrer avec précision le coût du dispositif qu'il propose.

D'autre part, les modalités de financement du fonds dont le présent article propose la création reposent sur une incohérence conceptuelle. Alors que les " 35 heures " ont pour objectif, dans l'esprit du Gouvernement, de créer des emplois, le dispositif postule paradoxalement la stabilité des emplois, le montant des crédits prévus, au titre de la " ristourne dégressive " en particulier, n'étant pas appelé à évoluer.

Si la réduction du temps de travail crée des emplois en grand nombre, c'est-à-dire si les allégements de charges sociales concernent un nombre croissant d'emplois, les dépenses prises en charge par le fonds de financement seront bien plus élevées.

Pourtant, l'aspect le plus grave n'est pas là. La capacité à financer ces recettes, en effet, est pour le moins incertaine.

En fait, le financement du passage aux " 35 heures " n'est pas assuré.

2. ... et des recettes incertaines

Le volet recettes du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale est la source de très vives interrogations et inquiétudes pour votre rapporteur pour avis, en raison de son caractère extrêmement incertain.

Son homologue de l'Assemblée nationale, M. Jérôme Cahuzac, n'est d'ailleurs pas loin de partager ce sentiment. Il estime ainsi, dans son avis 27( * ) sur le présent projet de loi de financement, que " des garanties doivent être données sur le financement ".

A cet égard, l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté précisément par M. Cahuzac, précisant que " les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées, dans les conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale " n'est par fortuite.

a) Le dispositif initial du Gouvernement

• Les recettes du fonds de financement sont énumérées par le présent article.

Au nombre de sept dans le dispositif initial du Gouvernement, elles devaient financer les dépenses décrites plus haut de la manière suivante  :

- les dépenses engagées au titre du financement de la " ristourne dégressive " , soit 39,5 milliards de francs , sont assurées par l'affectation au fonds de financement d'une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés actuellement versé au budget de Etat ; l'article 29 du projet de loi de finances pour 2000 permet cette affectation, à hauteur de 85,50 % du produit de ce droit de consommation, soit précisément 39,5 milliards de francs en 2000 ;

- l'extension de l'exonération des cotisations patronales de 1,3 à 1,8 SMIC , dont le coût devrait s'établir à 7,5 milliards de francs en 2000, ne pourra être financée que par la création de deux nouveaux prélèvements, réalisée par le présent projet de loi :

* en premier lieu, une contribution sociale (article 3 du projet de loi de financement) , au taux de 3,3 %, sur les bénéfices des sociétés réalisant plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires viendrait prendre le relais de la surtaxe temporaire sur les bénéfices des sociétés instaurée en 1997 28( * ) , et devrait rapporter 4,3 milliards de francs en 2000 ;

* en second lieu, l' " écotaxe " (article 4), c'est-à-dire l'extension, en 2000, de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) aux granulats, aux phosphates et aux produits phytosanitaires (puis à la consommation d'énergie en 2001), serait à la charge des entreprises et devrait engendrer un produit fiscal estimé à 3,2 milliards de francs en 2000.

- le financement de l'aide structurelle , soit 17,5 milliards de francs en 2000, était assuré, dans le dispositif initial du Gouvernement, de deux manières :

* par une dotation budgétaire de 4,3 milliards de francs , qui est inscrite au budget de l'emploi pour 2000, et qui peut être considérée comme une subvention de l'Etat au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (par ailleurs, 2,5 milliards de francs sont destinés aux aides incitatives à la réduction du temps de travail dans le cadre de la loi " Robien ", mais n'ont pas vocation à être intégrés dans le nouveau fonds 29( * ) ) ; l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des finances, saisie pour avis, a adopté un amendement précisant que la contribution de l'Etat est déterminée " dans les conditions fixées par la loi de finances " ;

* par une mise à contribution des organismes de protection sociale, évaluée entre 11,5 et 12,5 milliards de francs , et dont la répartition ne s'opérait pas selon des critères clairs et objectifs : l'UNEDIC aurait dû être mise à contribution pour un montant compris entre 6 et 7 milliards de francs, et les caisses de sécurité sociale à hauteur de 5,5 milliards de francs.

Il convient donc de constater que les dépenses du fonds, soit 64,5 milliards de francs en 2000, n'étaient couvertes par ses ressources qu'à hauteur de 62,8 à 63,8 milliards de francs. Toutefois, le produit de la taxation des heures supplémentaires, évalué entre 5,4 et 9 milliards de francs, et qui devait assurer la trésorerie du fonds, aurait dû permettre d'apporter le complément de financement.

• Ce dispositif initial prévoyait ainsi une participation financière conséquente des organismes sociaux au financement des 35 heures.

L'argument du Gouvernement consistait à affirmer que, en raison des moindres dépenses et des suppléments de recettes résultant, pour les régimes sociaux, des créations d'emplois engendrées par la réduction du temps de travail, les organismes de protection sociale devaient participer au financement des 35 heures. Le Gouvernement parlait du " recyclage " des économies de la sécurité sociale.

Or, ce " recyclage ", parfois aussi appelé " autofinancement ", était particulièrement hasardeux : il constituait un véritable pari, reposant sur le présupposé d'une corrélation quasi mécanique et proportionnelle entre réduction du temps de travail et créations d'emplois.

En tout état de cause, les partenaires sociaux étaient catégoriquement opposés à cette formule, que votre commission avait déjà critiquée dans le rapport relatif au débat d'orientation budgétaire, et qui est contraire aux dispositions de la loi Veil du 25 juillet 1994, selon laquelle tout allégement de cotisations sociales décidé par l'Etat doit être intégralement compensé.

Le caractère hasardeux de ce mode de financement ne se posait donc pas tant pour 2000 que pour les années à venir.

La contribution des organismes sociaux aurait pu ne pas être supportable, qui plus est, si les " 35 heures " ne créent pas d'emplois à la hauteur des espérances du Gouvernement et des complexes mécanismes financiers qu'il a échafaudés. Il n'y aurait pas eu, dès lors, d'économies à " recycler ".

Le Gouvernement n'avait donc pas assuré le financement ex ante d'une mesure qu'il a pourtant imposée de manière autoritaire, tant aux entreprises qu'aux partenaires sociaux. Le financement des 35 heures n'était donc pas seulement incertain, il était aussi potentiellement dangereux pour l'équilibre de la sécurité sociale et des comptes sociaux.

b) Le bricolage, tentative pour sortir d'une impasse de financement ?

Face à l'hostilité unanime des partenaires sociaux que n'a pas manqué de provoquer la mise à contribution autoritaire des organismes de protection sociale, et aux menaces qui pesaient sur l'avenir du paritarisme en France, le Gouvernement, reconnaissant son erreur, a finalement renoncé à une partie de son projet initial.

Cette décision l'a cependant placé dans une situation très inconfortable, puisque son dispositif n'était plus que partiellement financé.

L'impasse de financement dans laquelle il s'est lui-même placé l'a conduit à proposer une nouvelle solution.

Du " recyclage " des économies de la sécurité sociale, qui constituait pourtant, non seulement l'aspect central du mode de financement du passage aux 35 heures, mais également la condition du succès de cette réduction du temps de travail, il n'est désormais plus question.

L' " autofinancement " de la mesure n'étant plus à l'ordre du jour, le Gouvernement a donc été contraint de trouver, dans l'urgence, d'autres sources de financement.

Ainsi, sa solution consiste-t-elle à :


- procéder à une nouvelle affectation de recettes au bénéfice du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, celle des droits sur les alcools ;

- mobiliser le produit de la taxation des heures supplémentaires, également affecté au fonds de financement.

Le produit du droit de consommation sur les alcools est aujourd'hui affecté, à hauteur de 12 milliards de francs en 1999, au fonds de solidarité vieillesse. 5,6 milliards de francs au titre de ce produit changeront d'affectation, et alimenteront le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, en lieu et place des provisions de même montant qui avaient été réalisées sur les comptes des caisses du régime général.

Les provisions qui avaient ainsi été constituées abonderont, quant à elles, le FSV, dont les excédents qui devraient être dégagés en 2000 devaient initialement être affectés au fonds de réserve des retraites !

Le Gouvernement a, ainsi, renoncé à mettre les organismes sociaux à contribution. Il a préféré les priver d'une partie de leurs ressources et prélever, avant même qu'il n'existe, sur le fonds de réserve pour les retraites !

Le produit de la contribution de 10 % sur les heures supplémentaires, payée par les entreprises qui ne sont pas encore passées aux " 35 heures ", sera affecté au fonds de financement susmentionné, suite à la décision de ne plus " ponctionner " l'UNEDIC.

Le Gouvernement affirme, ainsi, que le financement de son dispositif sera assuré pour 2000.

Il est toutefois permis d'en douter
, ne serait-ce qu'en raison des incertitudes qui pèsent sur l'évaluation du produit de la taxation des heures supplémentaires, comme l'a rappelé notre collègue Louis Souvet dans son rapport précité sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail. Alors que l'étude d'impact annexée à ce dernier projet de loi évalue le produit de cette taxation à 9 milliards de francs, Mme Martine Aubry a parlé à l'Assemblée nationale de 7,5 milliards de francs, le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2000 a évoqué 6 milliards de francs, et le rapport de M. Gaétan Gorce 30( * ) , 5,4 milliards de francs.

Surtout, un réel problème de financement se pose pour les années à venir.

En effet, la taxation des heures supplémentaires est par nature provisoire, puisque l'ensemble des entreprises devront être passées aux " 35 heures " au 1 er janvier 2002. Dès lors, les salariés bénéficieront des compensations financières attachées à la réalisation d'heures de travail supplémentaires.

Par ailleurs, il était initialement prévu que le produit de cette taxation ne soit pas directement affecté au fonds de financement, mais lui serve de réserve de trésorerie. Son affectation et sa nature même viennent donc d'évoluer radicalement.

Lorsque le dispositif sera pleinement opérationnel, il manquera environ 20 milliards de francs par an, puisque le produit de la taxation des heures supplémentaires aura disparu.

Il apparaît d'ailleurs extrêmement important de veiller à ce que les opérateurs du fonds ne puissent en aucun cas être financés par emprunt ou avances :

Le fonds étant une débudgétisation de compensations aux régimes de sécurité sociale principalement financées par l'impôt, autoriser le fonds, établissement public national à caractère administratif, à recourir à l'emprunt consisterait une débudgétisation de la dette de l'Etat qui s'ajouterait à celle des opérations prises en charges par l'établissement, débudgétisation qui nuirait à la clarté des comptes de l'Etat ;

Le fonds supportant exclusivement des dépenses courantes et répétitives, il serait de mauvaise méthode de permettre le financement de ses opérations par recours à l'endettement ;

Les incertitudes pesant sur le financement du dispositif de compensation des charges des 35 heures sont telles qu'il convient d'emblée d'exclure le recours à des expédients pour assurer le financement des dépenses prises en charge par le fonds.

Votre rapporteur pour avis estime donc essentiel que le fonds de financement ne puisse recourir à l'emprunt et aux avances et que cette interdiction soit expressément prévue par le projet de loi de financement.

Le financement des " 35 heures " n'est donc toujours pas assuré, à terme. Ainsi, à une " usine à gaz " a succédé une autre " usine à gaz ".

C. LE MAUVAIS NON-FINANCEMENT D'UNE MAUVAISE MESURE

1. Un dispositif inacceptable

Votre rapporteur pour avis estime inacceptable le dispositif proposé par le Gouvernement, qu'il s'agisse de son projet initial comme de la " solution " à laquelle il est parvenu au terme d'un " bricolage " réalisé dans l'urgence pour sortir de l'impasse de financement dans laquelle son propre entêtement l'avait conduit.

Le dispositif initial du Gouvernement portait atteinte à l'autonomie des organismes de protection sociale, gérés par les partenaires sociaux sur une base paritaire.

En outre, si les 35 heures créaient réellement de nombreux emplois, l'amélioration des comptes sociaux aurait dû conduire, non à un prélèvement, mais à une baisse du taux des cotisations sociales.

Enfin, il convient de rappeler que l'équilibre des comptes sociaux reste très précaire , la CNAMTS étant même déficitaire en 1999 (-12,1milliards de francs) et devant l'être encore en 2000 (-3,7 milliards de francs).

Surtout, le financement des 35 heures n'est pas assuré, qu'il s'agisse du dispositif initial du Gouvernement comme de sa nouvelle proposition.

Droits sur les alcools : comment vider un fonds de réserve en voie de création

La polémique croissante sur le prélèvement prévu par le Gouvernement de 5,5 milliards de francs sur les régimes sociaux l'a contraint, sous la pression des partenaires sociaux, à modifier son plan de financement et à affecter une partie du produit d'une taxe supplémentaire au fonds : les droits sur les alcools.

Le nouveau mode de financement des 35 heures pèsera alors sur le fonds de réserve pour les retraites. En effet, si le Gouvernement a annoncé qu'il renonçait à prélever sur les régimes de sécuritésociale, il a indiqué qu'il remplacerait cette ressource par l'affectation au Fonds de financement des allégements de charges sociales d'un montant équivalent de droits de consommation sur les alcools.

Sans aborder la question de la nature du financement du Fonds (ressources précaires : tabacs, alcools, pollution ; dépenses pérennes : allégements de charges) ni de son équilibre en année pleine (100 milliards de francs au moins), il convient de constater que ce choix se fait non plus au détriment de l'ensemble des régimes de sécuritésociale mais du fonds de réserve pour les retraites.

Les droits sur les alcools transférés sont aujourd'hui attribués au Fonds de solidarité vieillesse première partie (FSV). Or l'excédent de ce FSV doit aller abonder le fonds de réserve pour les retraites créé par la loi de financement pour 1999.

Le nouveau mode de financement des 35 heures viendra donc réduire l'excédent du FSV et ainsi réduire la ressource disponible pour le fonds de réserve.

Par ailleurs, comme la répartition de la ponction de 5,5 milliards de francs entre les régimes n'était pas connue, ce qui faussait complètement les comptes établis par la Commission des comptes de la sécuritésociale, il est impossible de savoir quelles seront les conséquences de sa suppression régime par régime.

Par le biais du financement, le Gouvernement a choisi de privilégier les 35 heures sur les futures retraites.

2. Des affectations de ressources pleines de risques

Votre rapporteur pour avis n'entrera pas dans un débat théorique portant sur la pertinence de l'affectation de recettes - le droit de consommation sur les tabacs manufacturés - à des dépenses - l'allégement des charges sociales - dont l'objet est sans lien avec l'origine des ressources.

Il souhaite s'en tenir à des considérations concrètes , mais pourtant essentielles.

Ainsi estime-t-il que l'affectation d'une part importante du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale comporte le risque d'une augmentation, soit de la fiscalité des tabacs, soit de la consommation de tabac.

M. Alfred Recours, rapporteur du présent projet de loi pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, écrit dans son rapport 31( * ) : " il apparaît indispensable que les recettes spécifiques collectées sur les ventes de tabac soient clairement affectées à la santé ". Il poursuit : " le droit de consommation sur les tabacs devrait être intégralement affecté à la sécurité sociale, pour lui permettre de faire face aux dépenses générées par les pathologies attribuables au tabac ainsi que de financer des actions de prévention et d'éducation sanitaire ".

Or, l'affectation proposée n'a rien à voir avec un objectif de santé publique. Le produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés servira à financer, non le coût du tabagisme, mais les " 35 heures ".

En outre, financer la " ristourne dégressive " par une fraction de la fiscalité des tabacs permet de dégager des ressources stables au profit du fonds de financement.

Or et compte tenu des nombreuses incertitudes que comporte le dispositif prévu par le Gouvernement, il est possible que l'on cherchera à maximiser ces ressources en cas de tarissement des autres sources de financement du fonds.

En l'espèce, l'augmentation du produit du droit de consommation sur les tabacs serait alors une tentation à laquelle il serait bien difficile de résister si les recettes prévues n'étaient pas au rendez-vous, et cela notamment par le biais d'une hausse de la fiscalité.

La même logique est, du reste, à l'oeuvre s'agissant de la TGAP.

Il s'agit, en effet, d'un impôt qui n'a qu'un prétexte écologique puisque sa principale motivation est de fournir des recettes pour financer le passage aux " 35 heures ". Le Gouvernement n'a donc pas intérêt à voir l'assiette de cet impôt se réduire, afin d'assurer le financement de dépenses pérennes.

3. Des incertitudes juridiques

Votre rapporteur pour avis estime que le dispositif prévu par le présent article est entaché d'incertitudes juridiques.

Il souhaiterait notamment attirer l'attention sur deux points.

a) La taxation des heures supplémentaires, prélèvement obligatoire

L'article 2 du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail prévoit, pour les entreprises qui ne sont pas encore passées aux " 35 heures ", une taxation, à hauteur de 10 %, des quatre premières heures supplémentaires (de 35 à 39 heures).

Le produit de cette taxation est affecté au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Outre des évaluations divergentes du rendement de cette taxation, que votre rapporteur pour avis a rappelées plus haut, il convient de noter que son régime juridique est incertain.

Dans le projet initial du Gouvernement, le produit de cette taxation devait être affecté à la constitution d'une réserve de trésorerie au sein du fonds de financement. M. Alfred Recours, dans son rapport précité, la qualifie d'ailleurs de " recette de poche ".

Toutefois, cette contribution a désormais, dans la nouvelle proposition du Gouvernement, un rôle crucial puisqu'elle doit permettre de " boucler " le financement du fonds pour 2000. On notera, par conséquent, que les "35 heures " sont financées grâce à une " recette de poche ".

Surtout, le rendement de cette taxation des heures supplémentaires n'a pas vocation à être pérenne, puisque, à partir du 1 er janvier 2002, l'ensemble des entreprises devrait être passé aux " 35 heures ". Cette contribution ne permet donc pas d'assurer le financement du fonds au-delà de cette date.

Enfin, il convient de préciser que, d'après les informations communiquées par le département des comptes nationaux de l'INSEE, à la demande de votre rapporteur pour avis, la taxation des heures supplémentaires devrait être comprise dans la définition des prélèvements obligatoires.

b) Quel périmètre pour la loi de financement de la sécurité sociale ?

Le Gouvernement a décidé de ne pas intégrer les ressources du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale parmi les prévisions de recettes de la sécurité sociale présentées à l'article 6 du présent projet de loi.

M. Jérôme Cahuzac, dans son avis précité sur le présent projet de loi, estime que ce choix " pose un réel problème au regard de la rédaction de la loi organique du 22 juillet 1996 ".

En effet, l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui est issu de cette loi, dispose que la loi de financement " prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ".

Le fonds de solidarité vieillesse entrant dans la catégorie des " organismes créés pour concourir à leur financement " , et la similitude juridique entre le FSV et le fonds de financement dont le présent article propose la création étant grande, il semble évident que ledit fonds entre dans la même catégorie des " organismes créés pour concourir à leur financement " , et, par conséquent, dans le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale.

Alors que la sincérité du budget de l'Etat est altérée par les transferts de crédits considérables décidés par le Gouvernement pour financer les " 35 heures ", celle de la loi de financement de la sécurité sociale l'est aussi par une comptabilisation incomplète de ses ressources.

4. Les effets incertains d'une réduction autoritaire de la réduction du temps de travail sur les créations d'emplois

Il semble, en effet, que la réduction autoritaire du temps de travail ne soit pas aussi créatrice d'emplois que la ministre de l'emploi et de la solidarité l'affirme.

Les effets incertains des " 35 heures " sur les créations d'emplois ont en effet été relevés fort opportunément par les services du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les hésitations du ministre de l'économie quant au nombre d'emplois créés par les 35 heures

Selon une étude conjointe de l'INSEE, de la DARES 32( * ) et de la Direction de la prévision du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, seuls 7 % environ des 560.000 emplois créés entre juin 1997 et juin 1999 dans le secteur marchand sont dus à la réduction du temps de travail, comme le montre le graphique ci-après :



Ainsi, selon la Direction de la Prévision, la réduction du temps de travail n`a créé que 40.000 emplois, soit 7,20 % du total.

Il convient de rappeler que Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, annonçait, pour la même période, " 100.000 emplois créés ou préservés " grâce à la réduction du temps de travail.

Votre commission ne peut que déplorer l'approche Gouvernementale de la question essentielle de l'aménagement du temps de travail, qui ne repose ni sur la discussion ni sur l'argumentation, mais seulement sur des présupposées idéologiques.

En définitive, votre rapporteur vous propose de supprimer cet article et, à travers lui, le non-financement sur prélèvements obligatoires d'une mesure qui handicapera notre économie, fragilisera le paritarisme et aura un effet très limité sur les créations d'emplois.

II. LE NON FINANCEMENT DES 35 HEURES REPOSE SUR DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES NOUVEAUX33( * )

A. LA CONTRIBUTION SOCIALE SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS : UN IMPÔT SUR L'IMPÔT PÉRENNE, CONCENTRÉ, ÉVOLUTIF ET AFFECTÉ (ARTICLE 3)

L'article 3 du présent projet de loi institue un nouveau prélèvement fiscal sur les entreprises, dénommé " contribution sociale sur les bénéfices ", dont le produit, estimé à 4,3 milliards de francs pour 2000, est destiné à financer les allégements de charge sur les bas salaires consentis aux entreprises en échange de la mise en oeuvre des 35 heures.

Ce nouvel " impôt sur l'impôt ", acquitté par les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 50 millions de francs, a pour conséquence de pérenniser la hausse du taux facial de l'impôt sur les sociétés résultant des dispositions de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier du 10 novembre 1997, pour les grandes sociétés . Il se substitue en effet, de façon non bornée dans le temps, à une contribution dont le Gouvernement avait assuré en la créant qu'elle serait temporaire.

Il a également pour particularité d'être extrêmement concentré puisque moins de 2 % des entreprises (soit 578) qui payent l'impôt sur les sociétés fourniront plus des trois-quarts de son rendement, ce qui n'était pas le cas de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, plus équitablement répartie entre les entreprises.

Il s'inscrit enfin dans un contexte global de durcissement du régime fiscal des moyennes et grandes entreprises qui peut s'avérer extrêmement préjudiciable aux investissements à long terme et dont on peut se demander s'il ne rompt pas l'égalité des contribuables devant les charges publiques.

1. Une taxe pérenne, évolutive, concentrée et affectée

La CSB est calquée sur la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés créée par la loi n° 97-1026 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier (MUFF) du 10 novembre 1997, à laquelle elle est censée se substituer pour les exercices clos à compter du 1 er janvier 2000.

Ainsi, comme la contribution temporaire, la CSB est un impôt sur l'impôt , puisque son assiette est constituée par le montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats imposables au taux normal (33,1/3 %) et sur ceux imposables au taux réduit (19 %) applicable aux plus-values à long terme.

En outre, comme la contribution temporaire, la CSB sera acquittée par les seules entreprises dont le chiffre d'affaires excède 50 millions de francs
et qui ne font pas partie d'un groupe d'entreprises fiscalement intégré 34( * ) .

La CSB se distingue toutefois de la contribution temporaire par plusieurs aspects.

a) Une taxe pérenne

La CSB n'a pas le caractère temporaire et exceptionnel que pouvait avoir la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés. Son terme n'est pas fixé par la loi ce qui ouvre la voie à toutes sortes d'augmentations ultérieures de son rendement, le Gouvernement ayant déjà annoncé son intention d'y recourir .

Or, si l'objectif de diminution du déficit public dans la perspective du passage à la monnaie unique pouvait justifier, à l'automne 1997, la création d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés dès lors que cette contribution était temporaire , la création aujourd'hui d'un impôt pérenne sur la fraction des sociétés qui subit le plus violemment la concurrence des entreprises étrangères est d'autant plus contestable que la France se situe déjà parmi les pays taxant le plus lourdement leurs entreprises (voir infra).

On constatera en outre, pour le déplorer, que la création de ce nouvel impôt met un terme définitif à l'effort d'allégement des charges des entreprises qui avait été initié par le Gouvernement Bérégovoy en 1989 et qui avait ramené le taux de l'impôt sur les sociétés de 50 à 33,33 % en 1993.

A cet égard, votre commission des finances ne peut laisser dire que la suppression de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés instituée au printemps 1997 constitue un allégement fiscal pour les entreprises. Il s'agit en effet, non pas d'un cadeau fiscal mais de la suppression d'un impôt exceptionnel et du retour annoncé à la situation antérieure. Un véritable allégement fiscal consisterait, comme votre commission des finances le préconise depuis 1996, à supprimer la surtaxe de 10 % instituée par la loi de finances rectificative du 4 août 1995, pour revenir au taux d'imposition de 33,1/3 %.

b) Une taxe évolutive

La CSB se distingue également de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés par son taux moins élevé - 3,3 % - qui ramène le taux facial de l'impôt sur les sociétés à 37,7 % contre 39,9 % aujourd'hui 35( * ) .

Ce taux relativement faible ne doit toutefois pas faire illusion. En effet, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, il était encore de 2 % au printemps, lorsque le Gouvernement rédigeait l'actuel projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui pouvait encore être considéré comme raisonnable. Il a été quasiment doublé, probablement dans le but d'accroître les allégements de cotisations patronales de sécurité sociale consentis aux entreprises dans le cadre du passage aux 35 heures.

En outre, le Gouvernement n'a pas caché son intention de porter le produit de la CSB à 12,5 milliards de francs en 2001, ce qui, à rendement constant de l'impôt sur les sociétés, supposerait au moins un triplement de son taux.

Ainsi, rien n'empêche que le taux facial de l'impôt sur les sociétés soit demain porté de 37,7 % à 39 % voire 40 %, et qu'une partie du rendement de la CSB serve à financer le fonds de réserve pour les retraites ou toute autre mesure.

Votre rapporteur pour avis met en garde le Gouvernement contre une telle politique. En effet, comme le rappelle fort justement Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale 36( * ) , on ne saurait jouer impunément avec un impôt au rendement aussi variable et imprévisible que l'impôt sur les sociétés ; les investisseurs ont besoin d'une fiscalité simple, lisible et stable, à défaut de quoi ils ont tout lieu d'aller s'installer sous des cieux plus cléments.

c) Une taxe excessivement concentrée sur un très petit nombre de contribuables

L'article 3 du présent projet prévoit un mécanisme d'abattement de 5 millions de francs sur l'assiette de la CSB qui a pour objet d'en exonérer les entreprises faiblement bénéficiaires. Ainsi, les entreprises dont l'impôt sur les sociétés est inférieur à 5 millions de francs (c'est-à-dire dont le résultat imposable est inférieur à 15 millions de francs) seront exonérées de CSB et les autres n'y seront soumises que sur la part de leur impôt dépassant ces 5 millions de francs.

Ce mécanisme a pour effet d'exonérer de CSB 85 % des entreprises qui pourraient y être soumises. En effet, comme l'indique le tableau ci-après, seules 4.200 entreprises environ, sur les quelques 30.000 entreprises qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs, réalisent un bénéfice de plus de 5 millions de francs. Ces 4.200 entreprises sont à l'origine de plus de 88 % du rendement de l'impôt sur les sociétés.



Comme le montre ce tableau, plus des trois quarts (75,8 %) du produit de la CSB pèsera sur moins de 2 % des entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires soumises à l'impôt sur les sociétés.

286 entreprises seulement acquitteront 62 % du produit de la CSB et verront leur cotisation d'impôt sur les sociétés augmenter de près de 10 millions de francs en moyenne.

Une telle concentration de l'impôt apparaît préoccupante . Au delà de la légitime progressivité de l'impôt, on peut en effet s'interroger sur la compatibilité d'une telle concentration avec le principe de l'égalité des contribuables devant les charges publiques (voir infra). D'autant que les 4.200 entreprises visées par la CSB seront vraisemblablement également soumises à la TGAP créée par l'article 4 du présent projet de loi, ce qui accroîtra encore leur fardeau fiscal.

La création d'une taxe exclusivement assise sur les grandes entreprises contribue de surcroît à jeter l'opprobre sur ces dernières, alors qu'elles restent, qu'on le veuille ou non, les premiers employeurs de ce pays. A force de stigmatiser toujours les mêmes entreprises par le biais de l'impôt, on prend le risque de se priver demain, non seulement de la richesse fiscale qu'elles procurent, mais également des emplois qu'elles créent.

d) Une taxe affectée

Contrairement à la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés dont le produit venait se fondre dans les recettes du budget général de l'Etat, la CSB est une taxe affectée. En effet, son produit - estimé à 4,3 milliards de francs pour 2000 - abondera le " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ", établissement public administratif créé par l'article 2 du présent projet de loi, également financé par le produit de la taxe générale sur les activités polluantes (3,2 milliards de francs en 2000).

Certes, l'affectation du produit d'une imposition à un établissement public est conforme à l'article 18 de l'Ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, comme l'a confirmé à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel 37( * ) .

Il n'en reste pas moins que 4.200 entreprises financeront à elles seules les allégements de cotisations patronales de sécurité sociale accordés à l'ensemble des entreprises en contrepartie de l'application de la loi sur les 35 heures. Or, compte tenu de la structure de ces entreprises, du niveau de qualification de leur personnel et de leur soumission à des accords de branche souvent plus favorables que le droit commun, il n'est pas du tout sûr qu'elles bénéficient elles-mêmes des allégements de charges qui ne concerneront que les salariés dont le salaire est inférieur ou égal à 1,8 fois le SMIC.

On rappellera en outre que les entreprises soumises à la CSB seront vraisemblablement également assujetties à la TGAP ce qui renforce l'argument évoqué à l'alinéa précédent.

2. Une fiscalité toujours plus élevée pour les moyennes et grandes entreprises françaises

En première analyse, une cotisation de 3,3 % assise sur l'impôt sur les sociétés payé par les entreprises peut être jugée bénigne. Elle l'est beaucoup moins quand on remet en perspective le contexte fiscal dans lequel s'inscrit ce nouveau prélèvement, et encore moins lorsqu'on s'aventure à effectuer des comparaisons européennes.

a) Un contexte fiscal national de moins en moins favorable aux moyennes et grandes entreprises
(1) Les hausses d'impôt visant les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires

Depuis 1997, le Gouvernement a souhaité taxer les entreprises, et notamment les plus grosses d'entre elles, pour se donner des marges de manoeuvre budgétaires. Pour cela, il a retenu un seuil de 50 millions de francs de chiffre d'affaires (7 millions d'euros) censé déterminer les grandes entreprises.

Or, le critère de 7 millions d'euros de chiffre d'affaires trace la frontière non pas entre les grandes entreprises et les PME comme il a été plusieurs fois affirmé, mais entre les petites entreprises et les entreprises moyennes et grandes, au sens de la recommandation de la Commission européenne du 3 avril 1996. La Commission européenne ne considère comme " grandes " - par opposition aux PME - que les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 40 millions d'euros, soit 280 millions de francs.

Ce sont donc les entreprises moyennes et grandes qui, en acquittant une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés de 15 % puis de 10 %, ont permis à la France de se conformer aux critères de Maastricht pour le passage à la monnaie unique, en procurant un surcroît de recettes de 23,1 milliards de francs en 1997. Cette contribution temporaire a rapporté 17,4 milliards de francs en 1998 et 12,4 milliards de francs en 1999.

Ces mêmes entreprises ont de nouveau été sollicitées, via la très forte augmentation du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle en 1998, pour atténuer le coût de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle pour les finances publiques. Le rendement de cette cotisation minimale a ainsi été multiplié par près de 7, passant de 123,4 millions de francs en 1998 à 833,4 millions de francs en 1999. Le nombre d'entreprises assujetties à la cotisation minimale a été multiplié par quatre passant de 380 à 1.450.

Enfin, les lois de finances pour 1998 et 1999 ont accru de plus de 100 % (185 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 et 100 millions de francs) les tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, procurant un surcroît d'impôt de plus de 700 millions de francs.

(2) Les autres hausses d'impôt

Les entreprises qui ont bénéficié de la réforme de l'assiette de la taxe professionnelle dès la première année ont subi en contrepartie une hausse de leur impôt sur les sociétés évaluée à 2,6 milliards de francs pour 2000 38( * ) , en raison de la moindre imputation de taxe professionnelle sur leur résultat imposable à l'IS.

Par ailleurs, en 1999, les entreprises participatives ont vu leur cotisation d'impôt sur les sociétés augmenter suite, pour les sociétés bénéficiant du régime fiscal des mères et filiales, à la soumission à l'impôt sur les sociétés d'une quote-part des dividendes issus de leurs filiales, et, pour les autres, à la diminution de l'avoir fiscal attaché aux produits de participation 39( * ) . Ces deux mesures de pur rendement devaient, selon les estimations fournies en 1998 par le Gouvernement, procurer respectivement 1,2 milliard et 1,5 milliard de francs à l'Etat. Selon le fascicule " voies et moyens " joint au projet de loi de finances pour 2000, leur rendement a finalement été de 4,5 milliards et un milliard de francs.

Enfin, après son examen par les députés, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit trois nouvelles mesures d'alourdissement des prélèvements pesant sur les entreprises :

- la première consiste à diminuer de 45 à 40 % le taux de l'avoir fiscal pour les personnes morales, ce qui devrait rapporter 1,5 milliard de francs dans les caisses de l'Etat ;

- la seconde prévoit de relever de 2,5 à 5 % la quote-part des dividendes bruts soumise depuis 1999 à l'impôt sur les sociétés, ce qui procurerait un gain fiscal de 4,2 milliard de francs en 2000 ;

- la troisième consiste à accroître de près de 9 % le barème de la taxe sur les voitures particulières des sociétés.

L'encadré ci-après récapitule l'ensemble des mesures qui ont été prises depuis 1997 au détriment des moyennes et grandes entreprises (plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires).

• MUFF 1997 : Instauration d'une contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés (fixée à 15 % pour 1997 et 1998 et à 10 % pour 1999) pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

• LFI 1998 : - Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires ;

- Limitation de la déductibilité des provisions pour renouvellement ;

- Suppression de l'avantage fiscal lié à la provision pour fluctuation des cours.

• LFI 1999 : - Quadruplement en trois ans du taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle qui devrait passer de 0,35 % en 1998 à 1,5 % en 2001 ;

- Rétablissement de la quote-part pour frais et charges afférente aux dividendes versés par une société fille à sa mère (au taux de 2,5 %) ;

- Diminution du taux de l'avoir fiscal pour les actionnaires personnes morales ;

- Augmentation des tarifs de l'imposition forfaitaire annuelle pour les entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires.

b) Une fiscalité sur les entreprises de plus en plus divergente par rapport aux autres pays membres de l'Union européenne

La divergence la plus apparente entre la France et ses partenaires, mais non la plus pertinente, porte sur les taux de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. En effet, bien que le taux facial de cet impôt, après imputation de la nouvelle CSB, soit inférieur à ce qu'il était ces deux dernières années, il reste supérieur au taux moyen de l'impôt sur les sociétés dans l'Union européenne, qui a tendance à baisser 40( * ) .

TAUX DE L'IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES EN 1999

Allemagne

30 % (bénéfices distribués) + majoration de 5,5 % (taxe de solidarité), soit 31,65 %

40 % (bénéfices réinvestis) + majoration de 5,5 % soit 42,20 %

Autriche

34 %

25 % pour les sociétés de financement des PME

Belgique

39 % + majoration conjoncturelle de 3 % si bénéfice 13 MFB, soit 40,17 %
mais existence de taux réduits progressifs allant de 28 à 39 %

Danemark

32 %

Espagne

35 %

30 % pour les PME dont le bénéfice 15 millions de pesetas

Etats-Unis

35 %

Finlande

28 %

France

33,1/3 % + majoration de 10 % + contribution temporaire de 10 % (soit 40 % ) pour les exercices clos jusqu'au 31/12/1999

33,1/3 % + majoration de 10 % + CSB de 3,3 % (soit 37,7 % ) pour les exercices clos à compter du 01/01/2000

19 % + majoration de 10 % (soit 20,9 %) pour les bénéfices réinvestis des entreprises dont le chiffre d'affaires < 50 MF dans la limite de 200 000 F de bénéfices

Grande-Bretagne

Barème progressif de 20 à 30 %

Grèce

35 % pour les sociétés anonymes dont les actions sont cotées à Athènes

40 % pour les sociétés anonymes dont les actions ne sont pas cotées à Athènes

40 % pour les SARL

Irlande

Barème progressif : 25 % jusqu'à 100 000 £ et 28 % au-delà

10 % pour les secteurs de l'industrie, de l'informatique, des finances et de la fabrication de biens

Italie

37 % pour les bénéfices distribués

19 % pour les bénéfices réinvestis (mais 7 % pour les sociétés nouvellement cotées)

Luxembourg

Barème progressif de 20 à 30 %

Norvège

21,25 %

Pays-Bas

35 %

Portugal

37,4 % en général

20 % pour les micro-entreprises

Suède

28 %

Suisse

8,5 %

Une hausse des taux de l'impôt sur les sociétés accroît la propension qu'ont les entreprises, et notamment les plus grosses d'entre elles, à optimiser leur résultat (via les restructurations de groupe, les provisions ou la politique d'amortissement pratiquée), voire à se délocaliser, ce qui peut avoir un effet inverse à l'effet recherché en termes de rendement.

On objectera toutefois avec raison que la comparaison des taux de l'impôt sur les sociétés est peu significative compte tenu des très grandes différences d'assiette de cet impôt d'un pays à l'autre.

C'est pourquoi l'étude du cabinet Baker Mc Kenzie réalisée pour le compte du Gouvernement hollandais et rendue publique le 15 janvier dernier, est intéressante. En effet, cette étude repose sur la comparaison des taux effectifs d'imposition des entreprises pour des investissements dont le rendement avant impôt est identique. Or, il ressort de cette étude que la France est le pays de l'Union européenne dont le taux effectif d'imposition des entreprises est le plus élevé , pour un rendement avant impôt de 10 %. Le tableau ci-après récapitule les résultats de l'étude.

B. LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES : DU DOUBLE DIVIDENDE À L'IMPÔT DE RENDEMENT (ARTICLE 4)

Par ses articles 2 et 4, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 propose :

- l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à de nouvelles assiettes essentiellement liées aux pollutions de l'eau,

- et l'utilisation du produit de cette taxe au financement des allégements de charges prévus dans le cadre de la politique de réduction du temps de travail.

L'entrée en vigueur de ce dispositif est fixée au 1er janvier 2000.

Rappelons que la TGAP a été instituée par l'article 45 de la loi de finances pour 1999 41( * ) et qu'elle regroupe actuellement cinq taxes anciennement affectées à l'Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie (Ademe) pour un produit en 1999 d'environ 1,8 milliard de francs.

1. La montée en puissance de la TGAP en 2000

La montée en puissance de la TGAP était prévue dès l'an dernier. Taxe " universelle ", la TGAP telle que voulue par le Gouvernement a en effet vocation à absorber au fur et à mesure la plupart des taxes, existantes ou futures, à assiette polluante.

L'augmentation du produit de la TGAP serait toutefois particulièrement forte dès 2000 et 2001 42( * ) , en raison des besoins massifs de financement de la politique de réduction du temps de travail décidée par le Gouvernement.

L'augmentation prévue de 78 % du produit de la TGAP entre 1999 et 2000 s'explique par :

1. l'évolution spontanée des assiettes existantes (+ 200 millions de francs) ;

2. le relèvement des taux de deux compartiments existants, les huiles usagées et la pollution atmosphérique (+ 100 millions de francs) ;

3. la création de nouveaux compartiments, essentiellement relatifs aux pollutions des eaux (+ 1,1 milliard de francs).

La montée en puissance financière de la TGAP (1999-2001)

(en millions de francs)

Evaluations initiales pour 1999

1.935

Evaluations révisées pour 1999

1.800

Evaluations pour 2000 (évolution / 1999)

3.200 (+ 78 %)

- dont effet de l'évolution spontanée

200

- dont aménagement des droits

1.200

Evaluations pour 2001 (évolution / 2000)

12.500 (+ 290 %)

Présentation des modifications de la TGAP proposées pour 2000

Compartiment de la TGAP concerné

Modifications 2000

Produit 1999

Produit 2000

COMPARTIMENTS EXISTANTS

Déchets

sans modification

1.422

1.500

Nuisances sonores

sans modification

66

100

Pollution atmosphérique

augmentation des taux

198

300

Huiles usagées

augmentation des taux

129

200

COMPARTIMENTS NOUVEAUX

Lessives et adoucissants

nouvelle taxe

-

500

Produits phytosanitaires

nouvelle taxe

-

300

Granulats

nouvelle taxe

-

200

Installations classées

incorporation de taxes existantes dans la TGAP et augmentation des taux

-

100

TOTAL

-

1.815

3.200

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

a) La modification de l'existant

Il est tout d'abord prévu d'augmenter le rendement de la TGAP dans son périmètre actuel par l'augmentation des taux de la taxe sur les huiles usagées et de la taxe sur la pollution atmosphérique. L'objectif de cette modification est clairement budgétaire : il s'agit d'améliorer le rendement des taxes composant la TGAP. Ainsi, le produit de ces deux taxes connaîtrait une augmentation de plus 50 %.

Evolution des taux de la taxe sur les huiles usagées
et de la taxe sur les substances émises dans l'atmosphère

(en francs par tonne)


Assiette

Taux 1999

Taux 2000

Augmentation

Huiles de base

200

250

+ 25 %

Substances émises dans l'atmosphère

- oxydes de soufre et autres composés soufrés

180

250

+ 40 %

- acide chlorhydrique

180

250

+ 40 %

- oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote à l'exception du protoxyde d'azote


250


300


+ 20 %

- protoxyde d'azote (nouvelle rubrique)

250

375

+ 50 %

- hydrocarbures non méthaniques, solvants et autres composés organiques volatils


250


250


-

b) L'élargissement à de nouvelles assiettes polluantes

L'élargissement de la TGAP au domaine de l'eau avait été décidé par le Gouvernement dès l'an dernier. Toutefois, l'opposition des agences à l'intégration de leurs redevances dans ce nouvel instrument fiscal a eu raison des projets initiaux de Mme la ministre de l'environnement.

Il est donc prévu pour 2000, s'agissant de la TGAP 43( * ) , d'instaurer quatre nouveaux compartiments de cet impôt, n'ayant pas tous intégralement trait aux pollutions de l'eau :

- les lessives (+ 500 millions de francs),

- les produits phytosanitaires (+ 300 millions de francs),

- les granulats (+ 200 millions de francs),

- les installations classées (+ 100 millions de francs).

Pour les trois premiers compartiments, il s'agit d'accises au sens du droit communautaire, c'est à dire de taxes qui s'appliquent à un produit commercialisé sur le marché national : les exportations en sont donc exonérées tandis que les importations y sont soumises.

(1) Les lessives et les adoucissants

Les phosphates sont présents dans les préparations pour lessives en raison de leur rôle dans le lavage et le nettoyage. Malheureusement, leur présence excessive dans l'eau favorise l'apparition d'algues et de bactéries qui nécessite son épuration pour la rendre propre à la consommation .

C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de créer une taxe sur les lessives et autres produits de lavage, d'adoucissement et d'assouplissement, progressive en fonction du taux de phosphates incorporés.

Un amendement voté en première lecture à l'Assemblée nationale a réduit la progressivité de ce barème, à rendement à peu près constant.

Taux et assiettes du nouveau compartiment " lessives "

(en francs par tonne et %)

Teneur en phosphate

Taux initialement prévus

Taux votés à l'Assemblée nationale

Pourcentage du marché

- inférieure à 5 % du poids

440

470

60 %

- entre 5 et 30 % du poids

570

520

20 %

- supérieur à 30 % du poids

700

570

20 %

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'appliquant à un marché d'environ 10 milliards de francs (1,1 million de tonnes de produits vendus), le produit attendu de cette taxe est de 500 millions de francs en 2000.

L'assiette de cette nouvelle taxe est particulièrement large puisqu'il ne s'agit pas de taxer les seules lessives contenant des phosphates mais bien toutes les lessives ainsi que divers autres produits auxiliaires, qu'ils contiennent ou non des phosphates.

Quant aux taux retenus, ils ne sont ni très élevés ni très progressifs (et encore moins depuis le vote d'un amendement modifiant le barème à l'Assemblée nationale). Cette taxe, qui se reportera vraisemblablement en quasi-totalité sur le consommateur final et donc pèsera sur les ménages modestes, n'aura qu'un faible caractère dissuasif puisqu'elle majorera le prix de la lessive au kilogramme de 47 à 57 centimes, soit une augmentation du prix d'environ 5 %.

En outre, on notera l'absence de taux à 0 % pour les produits n'incorporant aucun phosphate qui représentent 60 % de l'ensemble des lessives : cette situation est justifiée selon le Gouvernement par les doutes qui subsistent sur l'innocuité des produits de substitution aux phosphates.

Taxe à large assiette et à taux réduit, la future taxe sur les lessives sera à l'évidence une taxe de rendement. On peut légitimement s'interroger sur les véritables motivations du Gouvernement : s'agit-il de dissuader l'achat des lessives sans phosphates et de réduire l'incorporation des phosphates dans les lessives, de limiter la consommation des lessives dans leur ensemble ou tout simplement de " fournir " 500 millions de francs à la politique de réduction du temps de travail ?

Enfin, il faut rappeler que les " lessiviers " ont réduit l'incorporation des phosphates dans les lessives dans le cadre d'un accord contractuel avec le Ministère de l'environnement conclu dans les années 1980. Cet accord semble avoir été concluant si l'on en croit le rapport relatif à la fiscalité de l'eau 44( * ) , de notre collègue député Yves Tavernier qui note : " les industriels de la lessive se sont engagés dans une démarche contractuelle avec les pouvoirs publics, laquelle a permis une forte diminution de l'incorporation de phosphates aux lessives : le taux moyen de phosphates y est passé en dix ans de 24 à 10 % et la consommation annuelle de phosphates par cette industrie de 142.000 tonnes en 1985 à 64.000 en 1998. " L'instauration de la nouvelle taxe ne risque-t-elle pas d'annihiler cet effort ?

(2) Les phytosanitaires

La France, deuxième exportateur mondial de produits agricoles, est le troisième consommateur de produits phytosanitaires (pesticides, fongicides et herbicides). Or, la mauvaise ou l'excessive utilisation de ceux-ci fait peser de nombreux risques sur la santé, notamment par le biais de la contamination des eaux.

Afin d'inciter à des reports de consommation sur des produits moins polluants, un barème de taxation au premier gramme, différencié en fonction des caractéristiques écotoxicologiques et toxicologiques des molécules est mis en place. Seraient ainsi taxées 300 molécules sur un total de 900 admises sur le marché.

Barème différencié de taxation des substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des produits phytosanitaires et des produits assimilés

Catégorie

Taxation (F/kg)

Volume (tonnes)

Produit (MF)

Catégorie 1

0

48.000

-

Catégorie 2

2,5

13.000

32.5

Catégorie 3

4

15.000

60.0

Catégorie 4

5,5

9.000

49.5

Catégorie 5

7

11.000

77

Catégorie 6

9

6.000

54

Catégorie 7

11

1.500

16.5

TOTAL

-

103.500

289.5

Le produit attendu est de 300 millions de francs pour 2000.

Etant donnés les mécanismes de formation des prix agricoles, il est peu probable que le surcoût de la taxation sera reporté sur le consommateur final : c'est donc sur l'agriculteur que pèsera l'essentiel de cette nouvelle taxation.

Un rapport remis à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement en mars dernier, 45( * ) préconise l'instauration d'une taxe élevée sur les intrants agricoles (engrais et produits phytosanitaires) prélevée au niveau des producteurs et ensuite redistribuée de façon forfaitaire. Monsieur Yves Tavernier, dans son rapport précité, indique qu'une taxe sur les produits phytosanitaires n'aura un effet sur les comportements des agriculteurs qu'à partir de taux de l'ordre de 15 à 20 %.

Au regard de ces préconisations, la taxation retenue est légère. Elle représente un peu moins de 2 % du marché annuel français des produits phytosanitaires 46( * ) . Néanmoins, se traduisant par l'augmentation des coûts de production d'un secteur relativement faible, il faut être particulièrement prudent à l'heure de la réforme de la politique agricole commune (PAC), de la modulation des aides, de l'éco-conditionnalité, etc. Et surtout ne pas démobiliser le monde agricole dans ses efforts d'amélioration de ses pratiques environnementales.

La question des distorsions de concurrence avec les autres pays agricoles de l'Union européenne ne peut être éludée, seuls trois pays ayant instauré une telle taxe : la Belgique, le Danemark et la Suède. Il semble en outre que certaines productions végétales seront particulièrement touchées comme par exemple la pomme de terre.

Il faut rappeler qu'une large part de la pollution due aux produits phytosanitaires provient de la non-reprise d'emballages vides, d'une mauvaise utilisation des pulvérisateurs ou de sur-protections non justifiées. Des actions de formation, de conseil, de collecte des emballages vides, etc. sont donc primordiales. L'encouragement à ces pratiques raisonnées permettrait de diminuer d'environ 15 % la consommation de produits phytosanitaires.

Il faut également rappeler que le monde agricole ne sera que très peu bénéficiaire des allégements de charges financés par cette taxe. L'instauration d'une telle taxe aurait donc dû se faire dans le cadre des redevances des agences de l'eau ou au moins s'accompagner d'un programme de développement des bonnes pratiques agricoles en matière d'utilisation des produits phytosanitaires.

(3) Les granulats

L'exploitation de carrières est à l'origine de dommages à l'environnement très variés : dommages aux paysages, bruit, poussière, nuisances secondaires liées au transport des pondéreux, etc. Parmi les carrières, celle dites " alluvionnaires " qui extraient des granulats dans le lit majeur des rivières, sont la cause de dommages particuliers liés à la perturbation des écosystèmes fluviaux.

Les carrières alluvionnaires ont été visées de longue date par des projets de redevances des agences de l'eau. Toutefois, afin de ne pas créer de distorsions de concurrence, le Gouvernement a décidé de soumettre toutes les carrières à sa nouvelle taxe.

Celle-ci est assise sur le poids des granulats minéraux naturels. Il s'agit du sable et des cailloux ayant un diamètre maximum de 12,5 centimètres produits par les carrières. Le taux retenu, unique au nom de l'égalité de concurrence, est de 60 centimes par tonne extraite. Une exonération est prévue pour les granulats de recyclage ainsi que pour les granulats d'une pureté particulière.

Le produit attendu est de 200 millions de francs pour 2000.

Le Gouvernement souhaite, par la création de cette taxe, inciter les constructeurs à utiliser moins de granulats. Il est peu probable que la TGAP sur les carrières réorientera les processus de production les plus polluants vers des processus moins polluants. Le report sur des matériaux moins polluants (granulats de recyclage par exemple) est hautement improbable en raison des différentiels de coût qui subsistent et le report d'activité entre carrières alluvionnaires plus polluantes et carrières de roches massives n'est pas assuré en raison du taux unique.

En outre, l'affectation du produit de cette taxe au fonds de financement des 35 heures ne permet pas de dégager des crédits supplémentaires pour la réparation des dommages environnementaux. L'instauration de ce compartiment de TGAP vise donc à pénaliser une activité économique au motif qu'elle cause des dommages environnementaux sans l'inciter aucunement à réduire ces dommages.

(4) Les installations classées

L'article 17 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement soumet certaines installations au paiement de deux taxes en raison des inconvénients ou dangers qu'elles peuvent représenter notamment pour l'environnement. Les entreprises inscrites au répertoire des métiers en sont exonérées.

Une taxe unique est perçue sur les établissements industriels et commerciaux et les établissements publics à caractère industriel et commercial lors de la délivrance d'une autorisation pour installation classée.

Une redevance annuelle est perçue sur ces établissements lorsqu'en raison de la nature ou du volume de leur activité, ils font courir des risques particuliers à l'environnement et requièrent donc des contrôles approfondis et périodiques. Cette redevance se calcule à partir d'un taux de base auquel est appliqué un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 10 selon les activités de l'installation concernée. Actuellement, 6500 établissements, les plus dangereux, acquittent cette redevance.

Les taux de ces deux taxes n'ont pas été réévalués depuis 1993. Il est donc prévu, selon les recommandations du rapport de Mme Nicole Bricq 47( * ) , de revaloriser les taux concernés. En outre ces taxes existantes sont intégrées au sein de la TGAP.

Revalorisation des taux prévus pour les installations classées

(en francs et %)

Type de taxation

Taux 1999

Taux 2000

Evolution

Taxe unique perçue lors de l'autorisation

- artisan n'employant pas plus de 2 salariés

2.400

2.900

+ 21 %

- autres entreprises inscrites au répertoire des métiers

5.780

7.000

+ 21 %

- autres entreprises

12.000

14.600

+ 22 %

Redevance annuelle

1.800

2.200

+ 22 %

La taxation des pollutions par les nitrates est reportée à 2001

La pollution du sol et de l'air par les nitrates a de nombreuses répercutions sur la santé publique. Les engrais agricoles, qui polluent 63 % du territoire français, en sont les principaux responsables. En effet, l'apport excessif d'éléments fertilisants (effluents d'élevage ou engrais) par rapport à la capacité d'épuration naturelle des sols et des cultures, entraîne des pollutions des eaux.

- Le projet du Gouvernement

La taxation des excédents de nitrates peut prendre la forme, soit d'une taxation des engrais au premier gramme, soit d'une taxation des seuls excédents d'azote. Cette seconde solution requiert un contrôle lourd (à partir d'un bilan entrée-sortie pour chaque exploitation) mais est plus équitable car seul l'azote non absorbé est polluant.

Cette solution a été retenue par le Gouvernement qui prévoit d'instaurer une nouvelle redevance pour les agences de l'eau, jugées plus à même de gérer et de contrôler ce dispositif complexe que les services des impôts. Cette nouvelle redevance pourrait rapporter environ 500 millions de francs par an et serait incluse dans le projet de loi sur les agences de l'eau dont la présentation au Parlement est prévue pour 2001.

- Les appréciations de votre commission

Il faut être prudent dans l'instauration d'une telle taxation car elle se répercute sur les coûts de production des agriculteurs ainsi que sur le secteur des engrais soumis à une forte concurrence étrangère (taux de pénétration du marché français supérieur à 40 % et pratiques supposées de dumping ; en outre, cette industrie subira de plein fouet la taxation des consommations intermédiaires d'énergie prévues en 2001 car le gaz entre pour 40 % dans le prix des engrais).

Comme la taxation des produits phytosanitaires, celle des engrais agricoles est délicate. Elle pose des questions de distorsions de concurrence en Europe ainsi que de risques de diminution des rendements et donc du revenu agricole.

2. L'extension annoncée de la TGAP en 2001

Afin de disposer d'environ 7,9 milliards de francs de recettes nouvelles pour financier les 35 heures, le Gouvernement devrait étendre de façon considérable la TGAP dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 sous la forme d'une éco-taxe.

a) Le projet du Gouvernement

L'objectif de cette taxation est de renforcer la lutte contre l'effet de serre, conformément au protocole de Kyoto, et de promouvoir une meilleure maîtrise de l'énergie. Il s'agirait de créer, comme nouveau compartiment de la TGAP, une " accise " qui s'appliquerait aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises. Seraient donc exclues du champ de la nouvelle taxation les consommations d'énergie des ménages et les carburants routiers usuels. 3000 entreprises seraient concernées, soit environ 3 % des sociétés de plus de 20 salariés. Des exonérations, atténuations et plafonnements ont été annoncés pour les entreprises fortement consommatrices d'énergie.

Les recettes issues de cette nouvelle taxe seraient intégralement affectées au financement de la politique des 35 heures. Sans en connaître précisément les modalités, on sait d'ores et déjà que cette taxation doit rapporter environ 4,9 milliards de francs, qui ajoutés aux 3,2 milliards de francs que devrait déjà rapporter la TGAP en 2000, devraient permettre de financer à peu près la moitié des 25 milliards de francs consacrés aux nouveaux allégements de charges .

b) Ce projet s'inscrit dans le cadre de la négociation européenne sur l'écotaxe

La réflexion sur la fiscalité écologique au niveau communautaire a été relancée en mars 1997 par une proposition de directive restructurant le cadre communautaire de la taxation des produits énergétiques.

Cette proposition prévoit de moderniser le système communautaire de taxation des huiles minérales et d'étendre son champ à l'ensemble des produits énergétiques : houilles, coke, lignite, bitumes et produits dérivés, gaz naturel et électricité. Des minima de taxation seraient fixés avec un calendrier de revalorisation progressive. Des taux réduits, voire des exonérations, pourraient être appliqués par les Etats à certains produits ou usages jugés plus écologiques. En outre, des " mesures " en faveur des entreprises seraient prises par la Commission européenne afin que ce nouveau dispositif ne nuise pas à la compétitivité des entreprises européennes.

Selon l'institut Rexecode, l'application à l'économie française des taux évoqués ci-dessus donnerait pour l'électricité une recette de 3,7 milliards de francs et pour les énergies fossiles un produit de 5,6 milliards de francs. L'analyse de Rexecode indique que ces montants (9,2 milliards de francs au total) ne sont pas économiquement tenables et que de nombreuses exemptions devront être mises en place.

Au Conseil européen, les questions fiscales doivent être tranchées à l'unanimité : en raison de l'opposition de quatre pays au sommet de Cologne (Espagne, Portugal, Grèce et Irlande), cette proposition de directive n'a pas encore pu être adoptée. Néanmoins, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie se sont d'ores et déjà engagées dans la voie de l'éco-taxe.

c) Les appréciations de votre commission

Ce projet de taxation, s'il est mis en place, entraînera une pénalisation très forte des entreprises françaises. L'instauration d'un tel impôt va nécessairement créer des distorsions de concurrence entre entreprises et entre secteurs (l'intensité énergétique varie de 1 à 50 selon les entreprises) et entre industries nationales car en l'absence d'harmonisation au niveau communautaire, le développement de ce type de fiscalité va poser des problèmes de compétitivité relative entre Etats membres.

On assisterait à un transfert massif de charges des entreprises de base (ciment, verre, acier, aluminium, etc.), plus polluantes, vers les entreprises de main d'oeuvre bénéficiaires des allégements de cotisations sociales. Dans le Livre Blanc transmis aux industriels afin de déterminer les modalités précises de cette taxation, le Gouvernement annonce que la " réforme n'induira aucun prélèvement net supplémentaire sur les entreprises ". Il est d'ores et déjà certain que cela ne sera pas vrai au niveau de chaque entreprise : les entreprises qui consomment 75 % de l'énergie dans l'industrie n'emploient que 20 % des salariés et souvent peu de salariés à faible qualification.

Par ailleurs, il faut rappeler que les prix de l'énergie en Europe et plus particulièrement en France sont déjà supérieurs de 20 à 30 % aux prix pratiqués aux Etats-Unis. Et l'ouverture a minima du marché de l'électricité en France ne va pas améliorer cette situation.

La sagesse aurait donc voulu que l'on attende l'adoption de la directive européenne comme le suggère notre collègue Sénateur Serge Lepeltier dans son rapport sur les émissions de gaz à effet de serre 48( * ) .

Enfin, les effets sur l'amélioration de l'environnement seront vraisemblablement mitigés. Tout d'abord, on peut s'interroger sur la véritable vocation d'un tel impôt : il ne s'agit pas d'un impôt à vocation écologique puisque sa principale motivation est de fournir des recettes pour financer la seconde loi sur les 35 heures. En outre, les émissions de carbone liées au transport routier seront exonérées alors qu'elles constituent vraisemblablement le coeur du problème. Enfin, remarquons que la consommation d'énergie des entreprises concernées représente un tel pourcentage des coûts de production que celles-ci sont naturellement portées à réaliser des économies d'énergie, comme elles se sont engagées à le faire, contractuellement avec le ministère de l'environnement.

3. L'affectation de la TGAP au budget de la sécurité sociale : de l'impôt écologique à l'impôt de rendement

a) La controverse juridique

S'appuyant sur l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 49( * ) , la commission des finances de l'Assemblée nationale a estimé que le transfert de la TGAP, recette de l'Etat, au budget de la sécurité sociale nécessitait une disposition explicite, d'origine Gouvernementale, en loi de finances. Peu convaincu des arguments juridiques développés par les députés 50( * ) mais soucieux de se montrer de bonne grâce, le Gouvernement a introduit par voie d'amendement en première lecture de la loi de finances pour 2000 à l'Assemblée nationale, un article 27 bis prévoyant le transfert explicite de la TGAP du budget de l'Etat vers celui de la sécurité sociale.

Il paraissait en effet quelque peu cavalier et constitutionnellement douteux que le Gouvernement transférât ce qui était jusqu'à nouvel ordre une recette de l'Etat sans en faire état dans le projet de loi de finances.

b) Le débat de fond : le détournement de la fiscalité écologique
(1) Une affectation pour une autre

La TGAP a été créée en 1999 en particulier pour " désaffecter " les taxes de l'ADEME. Aujourd'hui, que fait le Gouvernement ? Il " affecte " la TGAP au budget de la sécurité sociale.

Il convient de remarquer à ce stade que le transfert de la TGAP au budget de la sécurité sociale s'analyse comme une perte d'environ 2 milliards de francs de recettes pour le budget général de l'Etat.

Le produit de la TGAP n'aura donc conservé qu'une seule année son caractère de recette générale du budget de l'Etat. " L'an II de la fiscalité écologique " n'est pas même entamé que déjà cette recette miracle est affectée à un nouvel objet : le financement de la sécurité sociale et en particulier, des allégements de charges décidés dans le cadre de la politique des 35 heures.

Dans son rapport précité, M. Yves Tavernier relève que cette nouvelle affectation " rencontre (...) un risque inhérent à toute affectation, y compris à la sécurité sociale : le niveau des prélèvements à objet environnemental doit être déterminé par la recherche d'une efficacité intrinsèque (évaluation de leur effet dissuasif sur les comportements pollueurs et des coûts liés aux pollutions visées) et non par une logique de financement ; le montant de la TGAP ne saurait devenir la variable d'équilibre de la sécurité sociale ".

Votre rapporteur pour avis partage cette inquiétude : la TGAP affectée au financement des " 35 heures ", c'est l'assurance que la logique de financement prend désormais le pas sur la logique environnementale.

(2) A la recherche du " premier dividende "

La TGAP a été créée en 1999 sur la théorie du double dividende : la fiscalité écologique améliore d'une part l'environnement, par son effet dissuasif sur la pollution (c'est le premier dividende), et d'autre part l'emploi, par les recettes qu'elle procure et qui peuvent permettre la diminution des charges qui pèsent sur le facteur travail (c'est le second dividende).

(a) La TGAP, " machine à taxer "

Votre rapporteur pour avis estime qu'une fiscalité écologique doit contribuer à l'amélioration de l'environnement et que la dispersion des objectifs nuit à leur réalisation. Or, s'il est clair que le produit de la TGAP viendra en déduction des charges des entreprises dans le cadre de la politique des 35 heures, il est moins que certain que la TGAP aura un effet sur l'environnement.

La logique de financement a pris le pas sur la logique environnementale.

Un économiste, M. Guillaume Sainteny 51( * ) , écrit : " Il convient de se poser la question du but de l'utilisation d'instruments fiscaux en matière d'environnement. Que cherche-t-on : accroître les ressources publiques ou diminuer les atteintes à l'environnement ? ". En effet, une taxe " fiscale " aura une assiette large et un taux bas ; une taxe " incitative " aura une assiette bien déterminée et un taux élevé pour que le coût soit dissuasif. Si le but est la suppression de la pollution, l'assiette et donc les rentrées fiscales disparaissent. Le même économiste ajoute : " les taxes environnementales ne doivent pas être inspirées par des motifs de financement. " On ne saurait être plus clair.

L'an dernier, notre collègue Philippe Marini, rapporteur général du budget, soulignait dans son rapport général 52( * ) le risque d'instauration d'une " machine à taxer " : " Une décision de hausse de la TGAP, impôt " écologique " serait favorablement perçue par l'opinion publique, alors que l'objectif de cette augmentation (...) ne serait pas forcément l'amélioration de l'environnement mais l'augmentation des recettes de l'Etat ".

Les arbitrages rendus sur les différentes taxes prévues pour 2000 et 2001 illustrent bien la prééminence de la logique de financement : des taux bas, sur des assiettes larges. Ces taxes acceptables par le plus grand nombre et peu dissuasives n'ont pas vocation à réduire la pollution mais à procurer de nouvelles ressources publiques.

En outre, on remarquera avec intérêt que les produits de ces taxes sont prédéterminés en fonction des besoins de financement de la politique des 35 heures. S'agissant de la future taxe sur les consommations intermédiaires d'énergie on peut parler d'un " impôt de répartition " : le montant (environ 9 milliards) est déjà choisi, le Livre Blanc envoyé aux industriels ne servira qu'à déterminer les modalités de ce nouveau prélèvement.

(b) La disparition du " premier dividende "

Il est donc clair que la montée en puissance de la TGAP n'entraînera qu'une amélioration limitée de l'environnement. Ses différents compartiments ont en effet des effets dissuasifs faibles et les recettes dégagées n'iront pas à l'environnement. Dans ces conditions, peut-on encore se targuer d'atteindre un quelconque " premier dividende environnemental " ?

Votre rapporteur pour avis rappelle qu'il est attaché au principe de l'affectation du produit de certaines taxes, qui permet de garantir l'utilisation environnementale des produits et d'encourager les actions de dépollution, sur le fondement du double principe du pollueur-payeur et du dépollué-aidé. Ce système a été supprimé pour certaines taxes, votre rapporteur pour avis le déplore : il lui semble légitime que les ressources issues de l'environnement financent des actions environnementales.

(3) Peut-on espérer dégager un " deuxième dividende - emploi " contre les entreprises ?

Votre rapporteur pour avis estime en outre que le " deuxième dividende - emploi " est partiellement contradictoire puisque son application en 2000 et en 2001 va vraisemblablement avoir un impact négatif sur l'emploi.

C'est le cas notamment du projet de taxation des consommations intermédiaires d'énergie. Il faut rappeler au Gouvernement que les entreprises sont les employeurs naturels et qu'à trop les considérer comme taxables à merci, on s'attaque directement à l'emploi en France.

Il conviendrait donc, dans cette optique, de privilégier les démarches coordonnées dans le cadre communautaire pour la mise en place des taxations environnementales qui, dans le cas contraire, pénalisent les employeurs privés établis en France par rapport à leurs compétiteurs européens.

En définitive, votre rapporteur pour avis ne peut que condamner l'extension d'un impôt incohérent, son affectation au financement des 35 heures, ses perspectives d'évolution contraires à l'urgence du besoin de baisse des prélèvements obligatoires, et décalées avec nos échéances européennes. La TGAP, " machine à taxer ", n'a plus qu'une fonction : financer une mesure coûteuse, inutile, handicapante.

*

Droits sur les tabacs prélevés sur l'Etat, droits sur les alcools prélevés sur le fonds de réserve pour les retraites, taxe générale sur les activités polluantes, cotisation sociale sur les bénéfices, taxation des heures supplémentaires, subvention d'équilibre de l'Etat, et tout cela pour n'arriver qu'à un financement imparfait en 2000, non assuré en 2001. La réforme d'ampleur de l'assiette des cotisations sociales réside ainsi dans l'élargissement de l'assiette aux activités polluantes, à la consommation d'alcools, à la consommation de tabacs, à la multiplication des heures supplémentaires et à des profits dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils apparaîtront comme des rescapés de cette politique incohérente et dangereuse.

Pour ces raisons, votre rapporteur pour avis vous propose la suppression des articles 2, 3 et 4 relatifs au financement des 35 heures dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

TROISIEME CHAPITRE :
L'ABSENCE DE VÉRITABLES POLITIQUES SOCIALES CONDUIT À NE PRENDRE QUE DES DEMI-MESURES

I. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE N'EST TOUJOURS PAS RÉALISÉE

Avec un objectif de dépenses de 735 milliards de francs pour 2000, en augmentation de 5,33 % par rapport à l'objectif prévu par la loi de financement pour 1999, la branche maladie/maternité/invalidité/décès constitue le deuxième poste du projet de loi, mais aussi celui ayant connu la plus forte hausse depuis 1997 : 72,9 milliards de francs de dépenses supplémentaires (en progression de plus de 11 %).

La CNAMTS reste quant à elle le point noir du régime général avec un déficit persistant qui ne se résorbe que grâce à des recettes plus dynamiques que des dépenses qui le sont déjà (pour 2000, dépenses en hausse de 3,3 % et recettes de 5 %). Le déficit de la CNAMTS s'élèvera ainsi à 12,1 milliards de francs en 1999 contre une prévision de retour à l'équilibre.

Votre rapporteur pour avis estime plus que jamais nécessaire un effort de maîtrise des dépenses permettant de les adapter à un rythme moins élevé de recettes et aux besoins nouveaux de la population. Ce projet de loi de financement ne propose aucune mesure s'inscrivant dans cette perspective.

A. LA POURSUITE DES TRANSFERTS DE DÉPENSES DE L'ETAT VERS LA CNAMTS

1. 100 millions de francs de dépenses en plus pour l'assurance maladie (articles 14 et 15)

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait transféré de l'Etat vers la CNAMTS la charge du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie que la loi contre les exclusions avait intégré au champ des institutions sociales ou médico-sociales, pour un coût estimé à 120 millions de francs. Le projet de loi de financement pour 2000 comporte trois mesures similaires qui ont un coût total de 102,7 millions de francs :

Coût des transferts de l'Etat à la CNAMTS

Mesure

Coût annuel pour la CNAMTS

Dépenses liées aux cures de désintoxication des personnes toxicomanes

73 millions de francs

Dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG)

27 millions de francs

Dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les centres de planification ou d'éducation familiale (CDEF)

2,7 millions de francs

Total

102,7 millions de francs

Ces transferts donnent lieu à versement d'une subvention de l'Etat imputée sur le budget de la santé de 1999 :

• articles 20 et 30 du chapitre 47-18 pour le dépistage et le traitement du sida et des maladies transmissibles ;

• article 10 du chapitre 47-15 pour les frais de sevrage.

Toutes ces dépenses se retrouvent incluses dans la dotation globale annuelle des établissements de santé. Cela passe par la dotation globale pour les centres qui en relèvent, et par une dotation forfaitaire annuelle pour les autres.

Ces transferts sont motivés par un souci de cohérence et de simplicité. Votre rapporteur pour avis s'interroge cependant sur l'absence de la subvention annuelle de l'Etat puisque le projet de loi de finances pour 2000 ne fait plus figurer ces dépenses. Si cela devait s'avérer, il faudrait que cette charge nouvelle pour la CNAMTS se retrouve dans le tableau récapitulant les conséquences financières du projet de loi de financement sur les comptes du régime général.

Par ailleurs, très attaché à la cohérence de la lutte contre le cancer, votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer qu'un an après l'examen de la loi de financement pour 1999 les décrets d'application de son article 20 qui prévoyait une prise en charge et une réorganisation du dépistage de certaines maladies évitables dont certains cancers ne soient pas parus, rendant inopérante cette disposition. Ce retard anormal, préjudiciable à la santé de nos concitoyens, montre le degré d'impréparation de mesures figurant dans les projets de loi et laisse rêveur sur le devenir de celles qui sont soumises eu Parlement dans ce projet de loi de financement.

2. Le cavalier social des centres de santé (article 16)

L'article 16 intègre les centres de santé dans le code de la santé publique. Il précise donc le statut, les missions et le dispositif conventionnel applicable à ces centres. Ce dernier repose sur un accord national. Aujourd'hui, la France compte près de 1500 centres de santé, employant plus de 20 000 personnes.

Ils sont gérés selon des statuts extrêmement variés : associations, mutuelles, congrégations religieuses, collectivités locales, caisses de sécurité sociale, organismes divers (sociétés commerciales, fondations, comités d'entreprise, etc.).

Le nouvel article 16 a notamment pour conséquence d'empêcher toute création de centre de santé à but lucratif. Ceux qui subsistent ne pourront être conventionnés et leurs tarifs dépendront donc de ceux de l'ensemble des professions de santé. De même, les structures dépendantes des établissements hospitaliers devront disparaître ou voir leur financement intégré dans la dotation globale de l'établissement hospitalier.

Cet article présente d'autres imprécisions et difficultés comme par exemple l'obligation de signer la convention avec une " organisation représentative des centres de santé. "

Surtout, il ne prévoit aucun mécanisme de régulation des dépenses alors que les centres de santé représentaient quand même plus de 2,3 milliards de francs de dépenses remboursées en soin de ville .

L'accord national signé entre les centres de santé et les caisses (prévu à l'article 17) ne prévoit en effet aucune modalité particulière de régulation : l'accord ne peut modifier les tarifs des honoraires, rémunération et frais accessoires déterminés par les conventions passées avec les particuliers et auxiliaires médicaux. Il aurait été envisageable de lier le versement de la subvention annuelle par les caisses aux centres (égale à une partie des cotisations sociales de leurs praticiens et auxiliaires médicaux) à leur adhésion à cet accord national et de prévoir au sein de celui-ci les conditions d'une régulation financière, mais aussi de la participation aux réseaux de sciences et efforts de prévention.

Il est ainsi possible de se demander si cet article respecte bien les conditions de recevabilité posées par l'article L.O. 111-13 du code de la sécurité sociale en vertu duquel ne peuvent figurer en loi de financement de la sécurité sociale que les dispositions qui affectent directement l'équilibre financier des régimes de base ou qui contribuent à améliorer l'information du Parlement sur l'application des lois de financement.

B. LE NOUVEAU MODE DE RÉGULATION DES DÉPENSES DE SOINS DE VILLE : UNE MESURE INCOMPLÈTE ET TROP COMPLEXE

1. Une nécessité...

Le contraste est frappant : alors que les dépenses de soins de ville ne cessent d'augmenter (32,2 milliards de francs entre 1997 et 2000), les différents dispositifs de régulation mis en place ont tous disparu.

L'augmentation de l'enveloppe soins de ville de l'ONDAM

(en milliards de francs)

Réalisation 1997

Réalisation 1998

1998/1997

Réalisation 1999 (p)

1999/1998 (p)

Prévision 2000

1999/2000 (p)

261,3

276,2

+ 5,7 %

287,7

+ 4,2 %

293,5

+ 2%

(p) : prévisions

source : commission des comptes de la sécurité sociale


Il paraissait donc essentiel que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 instaurât un nouveau dispositif. La CNAMTS elle-même a souhaité cette intervention du législateur, en interpellant les acteurs du système de santé, les responsables du pays mais également l'ensemble des assurés par le biais de son plan stratégique. Il avait pour objectif de poser les bases d'un nouveau système de soins, et de procurer 32 milliards de francs d'économies à l'assurance maladie sur le poste des soins de ville et des médicaments, et 30 milliards de francs à propos de l'hôpital public. Il s'agissait donc d'un plan à vocation sanitaire autant qu'économique, cherchant à rompre avec la logique d'opposition entre deux maîtrises dont l'une serait médicalisée et l'autre comptable, la première étant, dans l'objet de ses détracteurs, vouée à l'échec et la seconde au rationnement de soins.

Votre rapporteur pour avis a salué et soutenu dans son ensemble le plan stratégique de la CNAMTS qui lui semblait respecter le paritarisme, correspondre aux attentes des assurés pour une meilleure prise en charge collective des dépenses de santé, un début de correction des inégalités, une proposition qui n'oubliait rien ni personne.

Il regrette de ce point de vue que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 n'ait pas repris davantage de mesures contenues dans ce plan et souhaite que le Gouvernement les intègre à la loi de modernisation sanitaire qu'il annonce pour l'année prochaine.

2. ... à laquelle ne répond pas le dispositif du Gouvernement (article 17)

L'article 17 du projet de loi de financement propose ainsi un nouveau mode de régulation fondé sur une logique de délégation des compétences aux acteurs sociaux, au premier rang desquels la CNAMTS, avec un contrôle et une intervention en cas de défaillance du Gouvernement. Cette idée directrice ne peut que rencontrer l'approbation de votre rapporteur pour avis. Cependant son exécution paraît bien éloignée de la logique initiale et ne semble pas pouvoir permettre une véritable régulation concertée aboutissant aux deux objectifs essentiels :

• une couverture collective sur prélèvements obligatoires de la dépense de santé à l'évolution maîtrisée...

• ... à même de permettre la prise en charge des priorités futures de la politique de la santé.

a) Le dispositif du Gouvernement
(1) Le rôle pivot de l'assurance maladie

La CNAMTS reçoit, dans le cadre de l'article 17, chaque année, la maîtrise d'un objectif de dépenses déléguées qui comprend :

• les soins dispensés en ville par les professions médicales, les auxiliaires médicaux, les laboratoires ;

• les soins tarifés à l'acte et dispensés dans les cliniques privées ;

• les honoraires des praticiens exerçant en secteur privé à l'hôpital public ;

• les frais de transport.

Les prescriptions et les prestations en espèce sont donc exclues du champ de ce nouvel objectif. Chaque année, la CNAMTS et les professions de santé concernées détermineront une convention par profession (spécialistes, généralistes, dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, laboratoires, transporteurs sanitaires, sages-femmes, orthophonistes, orthopédistes, pédicures-podologues, médecins des centres de santé) et trois éléments : l'objectif des dépenses, les tarifs des honoraires, rémunérations et frais, et toute mesure de régulation destinée à garantir que l'objectif sera bien respecté.

L'article 17 détaille les mesures, que la CNAMTS (et une autre caisse) peut arrêter même sans l'accord des professionnels :

" a) Toute action visant à réduire le volume des actes non justifiés au plan médical et notamment les actions d'information, de promotion des références professionnelles opposables et des recommandations de bonne pratique ou d'évaluation des pratiques ;

b) Les modifications, dans la limite de 20 %, de la cotation des actes inscrits à la nomenclature établie pour les actes pris en charge par l'assurance maladie auxquelles les parties à la convention peuvent procéder. "


Ce dernier volet recouvre donc bien une possibilité de faire varier à la fois les tarifs et la cotation des actes. Le a) cherche quant à lui à obtenir une réduction du nombre d'actes inutiles. La possibilité de faire varier de 20 % peut s'interpréter comme l'instauration d'une lettre clef flottante.

Ce mécanisme s'inspire des initiatives ponctuelles prises directement par le ministère de la santé et de la solidarité avec certaines professions médicales visant à faire varier la valeur de la nomenclature pour sanctionner un dépassement de dépenses. Cela a joué en février 1999 pour les radiologues, en juin 1999 avec les cardiologues et pour certains actes d'ophtalmologie, mais aussi avec les biologistes sur les exercices 1998-2000.

Ces mesures ont donné des résultats variables puisque les dépenses des radiologues et des biologistes ont continué à augmenter, certes de manière plus faible, tandis que pour les cardiologues et les ophtalmologistes le ralentissement est plus marqué.

Pour permettre une régulation efficace, le texte prévoit un suivi très précis des dépenses tous les quatre mois, afin éventuellement de signer un avenant à la convention pour prendre des mesures en fonction de l'évolution constatée. Chaque rencontre fait l'objet d'un rapport de la CNAMTS, de la CANAM et de la MSA.

(2) Le contrôle de la tutelle

Le Gouvernement prévoit bien sûr un mécanisme permettant à la tutelle de suppléer une carence des partenaires sociaux. Celle-ci peut intervenir dans trois cas énumérés par l'article 17 :

• non signature de l'avenant annuel à la convention déterminant l'objectif prévisionnel des dépenses des soins de ville et l'objectif des dépenses déléguées ;

• non conformité des mesures proposées avec les lois et règlements ;

• insuffisance des mesures proposées pour assurer le respect de l'objectif

Par ailleurs, le nouveau dispositif prévoit deux allégements dans la procédure d'approbation des conventions par la tutelle : est instauré un mécanisme d'approbation tacite ; est appliquée la nouvelle jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêt Syndicat des médecins libéraux et autres du 28 juillet 1999) permettant de disjoindre une disposition contraire aux lois et règlement de l'ensemble de la convention pour en éviter la disparition complète.

(3) Une extension du champ de la convention

L'article 17 intègre au champ des conventions médicales, signées avec chacune des professions, plusieurs thèmes importants : coordination des soins, développement des réseaux, modes de rémunération des activités non curatives ou ne donnant pas lieu à paiement à l'acte. Il s'agit de permettre de véritables innovations.

Par ailleurs il introduit deux nouveaux supports pour la politique contractuelle : des accords de bon usage de soins (qui peuvent être conclus à l'échelon régional) et des contrats de bonne pratique médicale permettant en contrepartie aux caisses de prendre en charge les cotisations sociales des praticiens y ayant souscrit.

En revanche, l'article 17 introduit un mécanisme de plafonnement des dépassements des médecins exerçant en secteur à honoraires libres, par acte ou bien pour l'ensemble des prestations.

Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville : article 20

L'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a créé un fonds d'aide à la qualité des soins de ville et l'a doté de 500 millions de francs sans inclure cette somme dans l'ONDAM, ce que votre rapporteur pour avis avait regretté.

Les actions financées par le fonds devaient concourir à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins de médecine ambulatoire. Les aides seront attribuées à des professionnels de santé, individuellement ou collectivement, et pourront inciter au développement de nouveaux modes d'exercice, tels que les réseaux de soins.

Ce fonds n'a eu aucune activité en 1999 en raison de la non parution des décrets d'application, alors même qu'une première somme de 230 millions de francs était inscrite aux comptes de la CNAMTS à ce titre. Créé pour cinq ans, le fonds en aura donc perdu un. Votre rapporteur le regrette d'autant plus que certaines des mesures qu'il devait aider, comme le développement d'applications informatiques ou la diffusion de bonnes pratiques, restent indispensables.

Votre rapporteur pour avis déplore à nouveau que les délais de parution des décrets rendent inopérante une disposition cotée par le Parlement.

b) Un dispositif lourd, incomplet et dont on peut douter de l'efficacité

Ce mécanisme repose sur un choix politique : passer de la régulation par prescription instaurée en 1996 à une régulation par type de dépense. L'Etat prend en charge, avec les ARH les dépenses des établissements de santé, avec le Comité économique des produits de santé les médicaments et le TIPS ; les caisses prennent en charge les dépenses de soins de ville.

Votre rapporteur pour avis prend acte de ce choix politique dont il regrette seulement qu'il n'ait pas donné lieu à un plus large et vaste débat au lieu de se diluer dans plusieurs textes : accord conventionnel pour le médicament, projet de loi de financement pour les produits de santé, les cliniques et les soins de ville, décret pour les dotations hospitalières. Le Gouvernement souhaite afficher une forte politique contractuelle. En réalité, cette politique contractuelle apparaît biaisée et contourne de paritarisme qui fonde pourtant notre système de protection sociale.

En effet, le Gouvernement prend la haute main sur les deux tiers des dépenses de santé alors que ce sont les caisses d'assurance maladie, au premier rang desquelles la CNAMTS, qui assurent le paiement des prestations. La CNAMTS n'aura donc de moyens d'intervention que sur moins du tiers des dépenses de santé : les honoraires de ville. Il n'est plus possible dans ces conditions de parler de gestion paritaire des dépenses d'assurance maladie mais des honoraires de ville.

De plus, le dispositif proposé diffère en de nombreux points avec celui que réclamait la CNAMTS.

Il semble d'abord trop complexe. Les clauses de négociation tous les quatre mois avec chaque profession risquent de se transformer en négociation permanente et de générer des lourdeurs de fonctionnement qui empêcheront d'avoir une vue d'ensemble et globale du système.

Imposer un cadencement quadrimestriel au lieu du rythme annuel de la loi de financement rend les analyses plus différentes et augmente les risques de rupture.

Rendu tous les 4 mois, un tableau de bord n'a pas reçu le recul statistique suffisant pour une lecture pertinente de l'évolution des dépenses de santé. Les fluctuations infra-annuelles sont ininterprétables (épidémies...) ; le délai entre l'acte et son remboursement est d'un mois et demi à deux mois et demi en moyenne, selon les professions ; la consolidation des sources issus des différents régimes exige au moins plusieurs semaines. En bref, des chiffres quadrimestriels peuvent offrir une indication de tendance, mais récusés par la profession dès qu'ils impliqueront une décision favorable, il ne constitueront pas un support crédible au pilotage tarifaire.

Dans le même temps, tout fléchissement de la dépense sera prétexte à revendication tarifaire ; toute hausse, prétexte à contestation statistique. Le suivi " conventionnel " de 34 objectifs indépendants, 3 fois par an, précédés chacun d'une ou deux réunions qui s'efforcent de donner corps à une discussion partenariale, ne serait qu'une immense machine à réunions (plusieurs centaines) sans perspective d'ensemble, faisant passer au second plan, les sujets de fond.

Lettre clef flottante : le cas des radiologue

" On ne peut éviter d'évoquer fréquemment cité en exemple, de la régulation de la lettre-Z des radiologues : l'évolution des remboursements d'honoraires des médecins radiologues de 1997 à 1999 sera probablement de l'ordre de + 6,3 % (+ 5,2 % sans les actes de scanner), alors que l'accord passé avec l'Etat en 1999 supposait, sur la même période, un taux de croissance comparable à celui des médecins spécialistes (soit au maximum + 4,2 %, somme des deux objectifs successifs pour les " soins de ville "). Or, aucune baisse du Z n'a été décidé en août 1999 pour assurer le respect de cet accord ".

Source : CNAMTS


Par ailleurs, il est possible de douter de la pertinence des outils de régulation aux mains des caisses. Les professions de santé ne voient déjà qu'un seul outil : la lettre clef flottante de 20 %. En effet, il n'existe pas dans le dispositif proposé par le Gouvernement de règlement minimal qui s'imposerait aux partenaires en cas d'échec des négociations. Les débats seront donc biaisés, les professionnels de santé ne sachant pas à quoi s'attendre en cas d'échec.

Un système législatif qui aboutirait à ce que les lettres-clefs des professions de santé voient leur valeur automatiquement ajustée pour tenir l'objectif des dépenses a deux inconvénients majeurs. Jamais négocié, il conduit à des mouvements de refus, au moins sporadiques, des professionnels de santé dont pâtissent les assurés sociaux. Aboutissant à des modifications arithmétiques de la lettre-clé, il serait une source d'embarras et d'incertitude pour les assurés, pour tous les actes dont le prix est " mémorisé " (on voit mal la consultation passer de 115 francs à 116,35 - puis 114,50...)

Ces inconvénients ne pourraient être levés que par une généralisation du tiers-payant, un tiers-payant concernant à la fois la part obligatoire et complémentaire, et supposait d'avoir réglé la question des médecins secteur 2.

Il est également très contestable de créer un nouvel outil de référence avec l'objectif de dépenses déléguées qui entretiendra des rapports complexes avec les autres enveloppes existantes comme l'ONDAM soins de ville ou les dépenses médicales. Il ne résoudra d'ailleurs pas la question des prescriptions hospitalières, sur lesquelles les caisses n'ont aucun moyen de contrôle alors que ces dépenses feront partie de l'objectif des dépenses déléguées.

Fondamentalement, ce n'est pas en morcelant les responsabilités que l'on pourra réaliser les choix que l'évolution de la société impose pourtant : en raisonnant en enveloppes et en sous-enveloppes non fongibles les unes entre elles, comment fera-t-on pour décider des stratégies d'avenir consistant à mieux prendre en charge certaines pathologies ou certains mode de traitement, et à l'inverse à ne plus prendre en charge des pratiques révolues, des spécialités superflues ou trop coûteuses ? Ces choix répondent à des exigences sanitaires et ont des conséquences économiques. Le morcellement ne peut conduire qu'à un raisonnement appuyé sur l'évolution de chaque ligne de dépenses et non pas à des remises en cause profondes. Avec de pareils modes de régulation, on persiste dans l'évolution actuelle : une société qui dépense de plus en plus, prend en charge de plus en plus, et pourtant rembourse moins, ne rembourse pas ou mal les besoins nouveaux. La France consacre sur 1997 / 2000 60 milliards de francs de plus à l'ONDAM et en même temps n'adapte pas son système de soins (des professions aux établissements, en passant par les spécialités) aux changements du temps.

En conclusion, votre rapporteur pour avis ne peut que se montrer critique envers un dispositif qui loin de nourrir la négociation risque de la paralyser, loin de mieux adapter les dépenses risque de les figer, loin de faire évoluer les système de soins risque de l'éloigner davantage des besoins des Français.

C. LES NOUVEAUX MODES DE RÉGULATION SPÉCIALISÉS

Le projet de loi de financement instaure quatre nouveaux mécanismes de régulation des dépenses d'assurance maladie : pour les dispositifs médicaux à usage personnel, à l'article 23, les arrêts de travail et les prescriptions de transport, à l'article 18, les dépenses du secteur médico-social, à l'article 25, et les prestations d'un niveau trop important, à l'article 19.

1. Le tarif de prise en charge des dispositifs médicaux à usage individuel (article 23)

Le mécanisme actuel de régulation des dépenses de dispositifs médicaux à usage individuel passe aujourd'hui par le tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS) défini à l'article L. 162-7 du code de la sécurité sociale. Il couvre ainsi toutes les dépenses de petits appareillages, d'accessoires, de pansements, etc. Ce mécanisme n'a pas donné toute satisfaction puisque la commission des comptes de la sécurité sociale a attiré l'attention en septembre 1999 sur la forte hausse des dépenses prises en charge à ce titre par le régime général : elles sont passées de 775 millions de francs en avril 1998 à 900 millions de francs en avril 1999. En 1998, la CNAMTS a remboursé 9,8 milliards de francs au titre du TIPS. Il convient néanmoins de relativiser ces chiffres, l'année 1999 ayant vu un changement de périmètre avec l'intégration au TIPS des prestations de l'Antadir (insuffisance respiratoire) auparavant incluses dans l'objectif quantifié national des cliniques privées. La hausse n'en reste pas moins forte.

A cette progression des dépenses s'ajoutent plusieurs dysfonctionnements qui justifient une remise à plat du TIPS : cohabitation de remboursement à tarif de responsabilité et prix libre, et de prix imposés, procédure d'admission au remboursement complexe et peu satisfaisante, remboursement de biens médicaux non inscrits explicitement, etc.

Le Gouvernement a souhaité revoir la régulation tarifaire et y adjoindre un double souci de cohérence vis-à-vis des procédures existantes en matière de produits de santé et plus particulièrement de médicaments ; comme vis-à-vis des exigences croissantes de sécurité sanitaire.

Le nouveau dispositif sépare donc deux phases. La première renvoie à l'évaluation du dispositif avant sa commercialisation. Elle sera aux mains de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Puis vient la phase économique de l'admission au remboursement, aux mains du Comité économique du médicament dénommé désormais Comité économique des produits de santé. Ce dernier négociera avec les professionnels les tarifs de remboursement et les prix des produits. L'article 23 du projet de loi de financement lui donne des outils de régulation par le pouvoir de signer des conventions avec les professionnels. Par ailleurs, il pourra appliquer l'évaluation du service médical rendu de la même manière que pour les spécialités pharmaceutiques. Enfin, l'article prévoit que le ministre peut se substituer au Comité économique et aux professionnels pour la fixation du prix en cas d'échec des négociations.

Il existe quelques différences avec les médicaments : le Comité économique propose le prix au ministre qui décide au bout du compte ; les délais de conventions ne sont pas identiques ; les procédures de remise ne sont pas détaillées ; est créé un système de déclaration du chiffre d'affaires et de suivi des dépenses trois fois par an.

Votre rapporteur pour avis se félicite que la régulation se porte sur un secteur où de nombreux abus ont été dénoncés et qui n'était pas satisfaisant. Il regrette néanmoins que le souci de cohérence n'ait pas été poussé à son terme qui aurait du conduire à une assimilation des dispositifs médicaux à usage individuels aux procédures appliquées pour les médicaments. Par ailleurs, il regrette qu'une fois encore la régulation de dépenses pourtant supportées par les régimes obligatoires d'assurance maladie leur échappe.

2. L'encadrement des dépenses d'indemnités journalières et des frais de transport  (article 18)

La commission des comptes de la sécurité sociale a dénoncé dans son rapport de septembre 1999 l'augmentation forte et continue des dépenses engagées au titre de la prise en charge des indemnités journalières maladie et des frais de transport.

Dépenses d'indemnités journalières de la branche maladie du régime général

(en milliards de francs)

1997

1998

1997/1998

1999

1998/1999

23,21

24,74

+ 6,6 %

26,15

+ 5,7 %

Il convient de relativiser une partie de la hausse en matière d'indemnités journalières par la reprise économique et sa conséquence sur l'évolution de la masse salariale : se cumulent donc un effet prix et un effet volume. Cependant, le besoin de l'instauration d'une régulation n'est guère discutable et faisait partie des recommandations de la CNAMTS dans son plan stratégique.

Le nouveau dispositif étend au régime général ce qui existe déjà pour les régimes d'assurance maladie des travailleurs indépendants : la motivation de l'acte d'arrêt de travail par le praticien prescripteur. Les médecins devront désormais indiquer les " éléments d'ordre médical justifiant l'interruption de travail " ainsi que, pour les prescription de transport, " les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit " . Ces indications, couvertes par le secret médical, sont bien entendu destinées au service du contrôle médical des caisses. Par ailleurs, le médecin doit indiquer les éléments permettant son identification.

Votre rapporteur pour avis se satisfait de cette mesure de nature à éviter les abus et à donner aux prescripteurs des moyens de résister aux demandes pressantes de nombreux patients en matière d'arrêts de travail.

3. Contrôle des assurés ayant un niveau de prescriptions trop élevé  (article 19)

Tous les rapports sur la sécurité sociale et l'assurance maladie ont dénoncé la possibilité qu'offre le système français pour un assuré de multiplier les consultations médicales, assorties à chaque fois de prescriptions, aux frais de l'assurance maladie. Pour cette raison a été créé le ticket modérateur, ont été faits les essais de carnet de santé, a été proposée la carte vitale 2 qui contiendra des informations à caractère médical.

En attendant cette dernière innovation technique, l'article 19 du projet de loi de financement crée la possibilité pour le contrôle médical de convoquer un patient ayant bénéficié de remboursements trop importants afin de procéder à une " évaluation de l'intérêt thérapeutique, compte tenu de leur importance, de soins " dispensés en dehors des affections de longue durée.

Votre rapporteur pour avis est favorable à une telle mesure qui a un intérêt médical (éviter les contre-indications de l'interaction de plusieurs prescriptions) et économique (limiter le " nomadisme médical "). Il regrette cependant que le nouvel article 19 soit muet sur les sanctions encourues par le patient en cas de non parution à la convocation et de constatation d'abus caractérisés. Un mécanisme de contrôle sans sanction risque ainsi de se transformer en voeu pieux .

4. Respect des objectifs de dépenses par les établissements et services médico-sociaux (article 25)

Le secteur médico-social connaît une très forte progression de ses dépenses depuis 1997, qu'accentue le taux de 4,9 % retenu pour leur objectif d'évolution pour 2000 :

Dépenses du secteur médico-social comprises dans le champ de l'ONDAM

(en milliards de francs)

Dépenses 1997

Dépenses 1998

Variation 1997/1998

Dépenses 1999

Variation 1998/1999

Prévisions 2000

Variation 1999/2000

40,4

43

+ 6,4 %

44,7

+ 4%

46,9

+ 4,9 %

Depuis 1997, ce secteur a multiplié également les dépassements par rapport à l'objectif inscrit dans l'ONDAM en loi de financement de la sécurité sociale :

Les dépassements du secteur médico-social

Dépenses 1997 / objectif 1997

Dépenses 1998 / objectif 1998

Dépenses 1999 / objectif 1999

+ 200 millions de francs

+ 1,5 milliard de francs

+ 800 millions de francs

De plus, ces dépenses font l'objet d'une très lourde inertie. Pour 1999, 99,4 % de celles consacrées aux handicapés et 99 % de celles consacrées aux personnes âgées étaient systématiquement reconduites.

Les dépenses de ce secteur font l'objet depuis la loi de financement pour la sécurité sociale pour 1999 d'un mécanisme de régulation par le système de l'enveloppe opposable. La régulation se fait donc a posteriori au vu de la comparaison des résultats de l'exercice par rapport à l'ONDAM. Une partie de ces dépenses pèse sur les départements qui ont la charge des structures pour adultes handicapés et personnes âgées.

Cette enveloppe nationale est répartie entre régions puis entre départements par les préfets de région selon le système de la dotation globale, du prix de journée et des forfaits de soins. Le préfet notifie ainsi avec le budget le montant du prix de journée et des forfaits qui seront admis au remboursement de l'assurance maladie. Il peut refuser à un établissement son habilitation pour recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou l'autorisation de délivrer des soins remboursables.

Ce refus se fonde sur les conséquences des coûts de fonctionnement pour les charges de l'Etat, des départements ou des organismes sociaux.

Ce dernier mécanisme ayant été supprimé par une erreur de rédaction de l'article 52 de la loi portant création d'une couverture maladie universelle, il était indispensable de le réintroduire dans le code de la sécurité sociale.

Votre rapporteur pour avis rappelle à ce propos que la procédure d'urgence - appliquée au projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle - ayant pour conséquence de limiter les délais d'examen des textes par le Parlement favorise certainement ces erreurs préjudiciables à la sécurité juridique et à l'image de l'Etat.

Par ailleurs, tout en se réjouissant qu'un effort particulier soit fait en faveur de ce secteur dans la loi de financement pour 2000 déplore qu'aucune mesure ne vienne sanctionner le dépassement systématique des dépenses prévues pour ce secteur dans l'ONDAM.

D. LA FAUSSE NÉGOCIATION DE LA POLITIQUE DU MÉDICAMENT

1. La nouvelle politique du médicament

a) La réforme de la politique du médicament (article 22bis)

Le Gouvernement a entamé une nouvelle politique du médicament orientée autour de trois axes.

Le premier est l'extension de l'usage des médicaments génériques. Les pharmaciens ont reçu le pouvoir de substitution, la profession s'étant engagée à réaliser d'importants efforts pour obtenir une économie substantielle dès la première année. Ceci s'est accompagné de mesures techniques en faveur des génériques.

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des finances, un article 22 bis permettant de faciliter l'arrivée en officine des médicaments génériques. Il s'agit de permettre le dépôt d'une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une spécialité dont le brevet n'est pas encore tombé dans le domaine public. Grâce à cette mesure, un médicament générique pourra être mis sur le marché dès la fin de l'interdiction d'exploitation commerciale.

Votre rapporteur pour avis approuve cette clarification juridique en regrettant qu'elle n'aborde pas la question des essais cliniques préalables à l'AMM, eux aussi interdits et générateurs de délais ou de délocalisations de ces expérimentations hors de France.

Le second axe constitue en la révision du service médical rendu. Sous l'égide du Comité économique du médicament, l'ensemble des spécialités sera désormais réexaminé au regard du service médical rendu par chacune.

Défini par décret 53( * ) , le service médical rendu s'apprécie en tenant compte de " l'efficacité et des effets indésirables du médicament, de sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, de la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, du caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et de son intérêt pour la santé publique ".

L'inscription sur la liste est valable cinq ans (et non plus trois ans), renouvelable dès lors que le SMR reste suffisant compte tenu des nouveaux médicaments apparus sur le marché. En revanche, ne pourront être inscrits sur la liste, les médicaments ne répondant pas aux critères du SMR et ceux qui sont notamment " susceptibles d'entraîner des hausses de consommation ou des dépenses injustifiées ". Les modalités de remboursement des médicaments seront modifiées en conséquence.

Ainsi, les médicaments dont le SMR n'a pas été classé " comme majeur ou important " seront remboursés à 35 % à l'instar des médicaments dit de confort.

Une première révision a concerné environ 1100 spécialités remboursées soit un chiffre d'affaires de 28,5 milliards de francs. Les premiers résultats pourraient déboucher sur un moindre remboursement de certaines d'entre elles.

Le troisième axe est l'accord signé avec le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique en juillet 1999 qui fixe le cadre global des relations Etat / entreprises jusqu'en 2002. Il prévoit notamment une régulation par classe médicamenteuse. De plus, les négociations menées entre chaque laboratoire et l'Etat permettent de revoir leur politique de prix dans un horizon pluriannuel.

b) Les effets contrastés de cette nouvelle politique

Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter des nouveaux axes de la politique du médicament.

S'agissant des médicaments génériques, il ne peut que répéter que favorable au droit de substitution, il estime cependant que leur vrai développement doit passer par une démarche volontaire des prescripteurs.

S'agissant du nouveau mode de remboursement selon le service médical rendu, voter rapporteur pour avis reconnaît que ce nouveau système présente une certaine logique. Cependant, il tient à exprimer plusieurs remarques. Certes le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale justifie l'utilité apparente de cette baisse du taux de remboursement par l'évolution contrastée de la consommation de médicaments selon le taux de remboursement :

Croissance de la dépense remboursée de médicaments

du Régime général risque maladie (en %)

 

1998

1 er semestre 1999

Prévision 1999

Médicaments remboursés à 35 %

+ 2,25

+ 0,55

+ 1

Médicaments remboursés à 65 %

+ 6,15

+ 3,79

+ 4,2

Médicaments remboursés à 100 %

+ 11,15

+ 7,40

+ 8

Total des remboursements de médicaments

+ 8,11

+ 5,19

+ 5,7

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Les conséquences de l'évaluation du service médical rendu seront très probablement de diminuer le taux de remboursement pour de nombreux médicaments. Cependant, cette diminution sera-t-elle vraiment porteuse d'économies ? Il est permis d'en douter quand la majorité de la population bénéficie d'une couverture complète, ce qu'a parachevé la couverture maladie universelle. De plus, cela va favoriser la tendance au déremboursement.

Votre rapporteur pour avis tient à exprimer sa vive inquiétude sur le comportement de certains laboratoires qui préfèrent ne pas demander l'admission au remboursement de certaines spécialités particulièrement innovantes. Il est plus intéressant pour eux de pouvoir fixer librement leur prix plutôt que d'intégrer un système conventionnel qui les contraindrait. La politique conduisant à baisser le taux de remboursement n'est donc ni courageuse ni porteuse d'économies. Elle risque plutôt d'augmenter l'exclusion des soins en réservant certaines innovations thérapeutiques à ceux qui pourront se passer d'un remboursement. Or l'avenir devrait apporter de nombreuses innovations : il faudra bien créer le cadre réglementaire permettant d'accueillir au remboursement ces innovations thérapeutiques majeures.

Par ailleurs, la baisse du taux de remboursement, voire le déremboursement de médicaments à faible efficacité médicale mais qui peuvent avoir un fort effet placebo risque de reporter les malades vers des spécialités plus coûteuses pour l'assurance maladie.

Une nouvelle fois, cet exemple illustre bien le paradoxe de notre société qui consacre toujours plus de sommes à la prise en charge des dépenses de santé mais ne se met pas en mesure de couvrir les nouveaux besoins des malades ni d'assurer une certaine prévention.

S'agissant de la politique conventionnelle, votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir d'avoir été entendu du Gouvernement puisqu'il appelait de ses voeux dans son avis sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 une négociation conventionnelle qui permette de soustraire les laboratoires à la contribution automatique en cas de hausse des dépenses de médicament. Il répète que les accords lui paraissent plus que jamais préférables aux impositions et autres mesures fiscales qui ne sont souvent que des sanctions a posteriori, et que ce projet de loi de financement vient renforcer.

2. ... n'empêche pas de créer une nouvelle contribution, fruit de deux annulations (article 22)...

a) Les annulations du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat

L'article 22 du projet de loi de financement crée une nouvelle contribution sur le chiffre d'affaire des laboratoires pharmaceutiques réalisé en 1999 au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et agréées à l'usage des collectivités. Elle est exigible le 1 er septembre.

Cette contribution fait suite à l'histoire émaillée de contentieux de celle créée à l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 instituant trois prélèvements à la charge de l'industrie pharmaceutique.

Le premier était assis sur les frais de prospection et d'information, avec un taux de 5,7% ; cette contribution a rapporté 596 millions de francs.

Le second concernait l'accroissement du chiffre d'affaire entre 1994 et 1995, les taux variant selon un barème précis ; il a rapporté 725 millions de francs.

Le troisième était assis sur le chiffre d'affaire au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et agréées, déduction faite des dépenses de recherche exposées en France. Il a rapporté 1,179 milliard de francs qui ont été recouvrés. Plusieurs laboratoires ont attaqué pour excès de pouvoir cette contribution devant le Conseil d'Etat. Celui-ci a décidé de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) sur une question préjudicielle relative à la compatibilité de cette contribution avec le droit communautaire.

La CJCE s'est prononcée le 8 juillet 1999 et a déclaré la non conformité de la contribution au droit communautaire. Le Conseil d'Etat a tiré les conséquences de cette décision et, dans un arrêt du 15 octobre 1999, a conclu à l'annulation de la contribution instaurée par le III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement financier de la sécurité sociale : " considérant qu'il découle de l'interprétation donnée par la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt du 8 juillet 1999 qu'une telle contribution instaure une inégalité de traitement susceptible de défavoriser les entreprises ayant leur siège principal dans d'autres Etats membres et opérant en France par le biais d'établissements secondaires, dès lors qu'il apparaît que ce sont plus particulièrement celles-ci qui développent leur activité de recherche hors de France ; que cette inégalité de traitement n'est pas justifiée au regard des stipulations du Traité instituant la Communauté européenne sur la liberté d'établissement ; qu'ainsi les dispositions du III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 méconnaissent les articles 52 et 28 du Traité instituant la Communauté européenne. "

L'arrêt de la CJCE du 8 juillet 1999

" 21. En conséquence, il convient de répondre à la première question que les articles 52 et 58 du traité s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, d'une part, frappe les entreprises établies dans ce dernier et y assurant l'exploitation de spécialités pharmaceutiques d'une contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé par celles-ci au titre de certaines de ces spécialités pharmaceutiques lors du dernier exercice d'imposition écoulé avant la date d'adoption de cette réglementation et, d'autre part, ne permet à ces entreprises de déduire de l'assiette de cette contribution que les dépenses engagées au cours du même exercice d'imposition et afférentes aux seules opérations de recherche réalisées dans l'État d'imposition, lorsqu'elle s'applique à des entreprises communautaires opérant dans cet État par le biais d'un établissement secondaire. "

Déjà dans la loi de financement de la sécuritésociale pour 1999, le Gouvernement avait anticipé sur une probable annulation par le Conseil d'Etat. Il avait alors prévu à l'article 10 un dispositif créant une nouvelle contribution, à titre rétroactif, dont les modalités techniques prenaient en compte les arguments des laboratoires pharmaceutiques : était supprimée la possibilité de déduction des charges comptabilisées au titre des dépenses de recherche réalisées en France, et en conséquence élargie l'assiette et abaissé le taux (à 1,74 %).

Le Conseil constitutionnel a censuré cet article de la loi de financement dans sa décision 98-404 DC du 18 décembre 1998. L'imposition rétroactive n'est en effet permise que pour un motif d'intérêt général suffisant. Or, le Conseil a estimé que l'annulation d'une contribution par une décision de justice ne constituait pas cet intérêt général suffisant.

La décision du Conseil constitutionnel

" Sur l'article 10 :

Considérant que cet article modifie le mode de calcul d'une contribution exceptionnelle mise à la charge des entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, par le III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 susvisée relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale ; qu'en vertu de cette disposition, l'assiette de la contribution, définie comme le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France, au titre des spécialités remboursables, par les entreprises redevables, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995, pouvait être minorée des charges comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche réalisées en France ;

Considérant que l'article 10 a pour objet de supprimer cette possibilité de déduction ; qu'en conséquence de l'élargissement de l'assiette de la contribution qui en résulte, son taux est abaissé à 1,47 % ; que les sommes dues par les entreprises en application de ce dispositif seront imputées sur les sommes acquittées en 1996, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale étant chargée, selon le cas, de recouvrer ou de reverser le solde résultant du nouveau mode de calcul de la contribution ;

Considérant que les auteurs des deux requêtes critiquent le caractère rétroactif de cet article, qui, selon les députés, " va bien au-delà des textes habituels en matière de rétroactivité fiscale ", puisqu'il " modifie l'assiette d'un impôt déjà versé par les sociétés, et bouleverse une situation déjà soldée " ; que cette disposition méconnaîtrait les exigences constitutionnelles relatives aux validations législatives et à la rétroactivité des lois fiscales ; qu'elle serait contraire aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime garantis selon eux par les articles 2 et 16 de la Déclaration de 1789, au principe de consentement à l'impôt garanti par l'article 14 de la même Déclaration, ainsi qu'au principe d'annualité de la loi de financement de la sécurité sociale ; que les sénateurs ajoutent que " l'importance des conséquences financières de l'article 10, pour de nombreux laboratoires français, évaluée à 66 millions de francs, n'apparaît pas proportionnée par rapport au risque d'annulation contentieuse de l'ordonnance " du 24 janvier 1996 ; qu'il est également fait grief à cet article d'être entaché d'incompétence négative ; que l'article 10 violerait en outre le principe d'égalité devant les charges publiques en raison des modifications intervenues depuis 1996 dans l'industrie pharmaceutique, certaines entreprises ayant pu disparaître, notamment par l'effet de fusions ou d'absorptions ;

Considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ; que, néanmoins, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;

Considérant que la disposition critiquée aurait pour conséquence de majorer, pour un nombre significatif d'entreprises, une contribution qui n'était due qu'au titre de l'exercice 1995 et a été recouvrée au cours de l'exercice 1996 ;

Considérant que le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier aux dites conséquences ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs, l'article 10 doit être déclaré contraire à la Constitution
; "

b) Le nouveau dispositif

Le Gouvernement propose donc, pour éviter à l'assurance maladie de rembourser les 1,2 milliard de francs de réaliser une nouvelle imposition qui a explicitement pour fonction de procurer une ressource équivalente : " afin de neutraliser les conséquences financières d'une annulation sur les comptes de l'assurance maladie, il est proposé de créer une contribution exceptionnelle à la charge des laboratoires pharmaceutiques, destinée au financement de la CNAMTS. Le produit global de cette contribution sera strictement équivalent aux sommes remboursées du fait de l'annulation. "

L'article 22 définit la nouvelle taxe. En seront redevables les entreprises pharmaceutiques visées par l'article L. 596 du code de la santé publique : les établissements français et étrangers fabriquant, important, exploitant, distribuant en gros des spécialités pharmaceutiques en France. En sont exonérées les entreprises réalisant un chiffre d'affaire inférieur à 100 millions de francs, sauf s'il s'agit d'une filiale dépendant à 50 % au moins d'une entreprise assujettie. Le taux de la contribution variera entre 1,2 % et 1,3 % pour que le produit corresponde exactement à celui qui a été annulé. L'assiette est constituée du chiffre d'affaires hors taxe de 1999 au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et agréées, sans exonération pour les dépenses de recherche. Elle devrait donc rapporter 1,2 milliard de francs.

c) Une méthode condamnable pour une validation discutable
(1) La nouvelle contribution n'est pas claire et sera porteuse d'inégalités

La nouvelle contribution intervient alors que rien n'est prévu encore pour le remboursement de celle qui a été annulée par l'arrêt du Conseil d'Etat. du 15 octobre 1999.

Certaines entreprises, qui ont vu leur chiffre d'affaires augmenter sensiblement de 1995 à 1999 verront le montant de leur contribution dépasser de façon substantielle celui du remboursement.

De plus, les entreprises qui en seront redevables ne correspondent pas exactement avec celles qui avaient acquitté la précédente. En effet, l'article 10 reprend la même condition d'exonération au seuil de 100 millions de francs. Cependant l'année de référence ayant changé (1999 et non plus 1995), certaines entreprises se retrouveront assujetties, qui n'avaient pas acquitté la première contribution, et d'autres ne le seront plus alors qu'elles bénéficieront du remboursement. Ceci apparaît d'autant plus injuste que si la contribution instituée en 1995 l'avait été dans des conditions légales, ces entreprises n'auraient pas été aujourd'hui redevables de la nouvelle contribution.

(2) Il s'agit d'une forme de validation législative

Votre commission des finances s'oppose en principe à toute validation législative, quelle qu'en soit la forme. Or on peut légitimement s'interroger sur le caractère de validation législative de cet article 22 .

En effet, dans son exposé des motifs, le Gouvernement reconnaît lui-même que la contribution a pour but de neutraliser les effets financiers de l'annulation par le Conseil d'Etat de la contribution de 1996. Le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale pour l'assurance maladie et les accidents du travail, Monsieur Claude Evin, la caractérise de " contribution exceptionnelle à vocation compensatrice " . Le rapporteur pour avis de la commission des finances, Monsieur Jérôme Cahuzac, remarque quant à lui que " cette contribution présente des caractéristiques communes avec celle qui avait été instaurée en 1996 puis `reconstituée' en 1999 " , à savoir son bénéficiaire (la CNAMTS), ses redevables (industrie pharmaceutique), son assiette (chiffre d'affaires des spécialités remboursables et agréées) et son montant (1,2 milliard de francs).

L'année dernière, la commission des finances s'était fait l'écho de ces réserves sur la contribution créée par l'article 10 : " votre rapporteur pour avis reste perplexe à l'égard d'une disposition qui modifie rétroactivement une contribution déjà perçue, dans le but de la valider préventivement par rapport à une décision de justice à venir " 54( * ) .

Cette année, votre rapporteur pour avis ne peut que se montrer critique à l'égard d'une telle contribution qui s'apparente de toute évidence à une validation législative dont on peut se demander si la raison (récupérer 1,2 milliard de francs) sera apprécié comme un " intérêt général suffisant " par le Conseil constitutionnel, et dont les modalités, qui restent critiquables, seront appréciées à leur juste valeur par la CJCE.

Il convient cependant de rappeler que cette contribution avait été créée pour sanctionner la très forte augmentation des dépenses de médicament en 1994 et 1995. La supprimer totalement signifierait ainsi revenir sur cette sanction ce qui ne lui paraît pas non plus souhaitable.

3. ...et de relever le seuil de la contribution exceptionnelle des laboratoires (article 21)

L'article 31 de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait créé une clause permanente de sauvegarde applicable aux entreprises n'ayant pas passé convention avec le comité économique du médicament. Elles doivent donc verser une contribution à partir du moment où leur chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au titre des spécialités remboursables et agréées à l'usage des collectivités s'est accru par rapport à l'année précédente davantage que l'ONDAM.

Cette contribution rapportera en 2000 un montant évalué entre 500 millions de francs et un milliard de francs, la marge d'erreur ( !) dépendant du taux réel de dépassement de l'ONDAM. La loi a fixé une répartition de la taxe selon trois critères :

• le niveau brut du chiffre d'affaires pour 30% ;

• la progression du chiffre d'affaires pour 40% ;

• les frais de publicité pour 30%.

Son taux varie ainsi en fonction de ces différents critères.

Votre rapporteur pour avis avait fortement critiqué la création de cette contribution : " Fondamentalement, il n'apparaît pas justifié de fixer un taux de progression des dépenses de médicaments identique à l'ONDAM. La découverte de nouvelles molécules et l'évolution des pratiques médicales tendent, structurellement, à accroître la part du médicament et à réduire celle de l'hospitalisation.

L'accroissement des dépenses de médicaments peut donc légitimement être plus rapide que celui des dépenses de santé, à condition de profiter aux médicaments réellement actifs et innovants. "


De plus, cette contribution se déclenche même lorsque l'ONDAM est respecté globalement dès lors que les dépenses de médicament augmentent plus vite. La base décourage les efforts d'innovation puisque les nouveaux produits, plus chers, viennent augmenter le chiffre d'affaires. Votre rapporteur pour avis est donc favorable à la politique conventionnelle et considère cette contribution comme inefficace et injustifiée économiquement, sinon pour contraindre à la passation d'accords.

L'article 20 du présent projet de loi de financement tire les conséquences du nouveau mode de calcul de l'ONDAM. Retenir l'évolution entre l'objectif 1999 et l'objectif 2000 aurait élevé le seuil de déclenchement à 4,5 % au lieu des 2,5 % qui seraient la conséquence normale de la décision de changer le mode de calcul. En fait, le Gouvernement accentue le caractère arbitraire de cette contribution en retenant le taux de 2 % qui n'a aucun lien avec l'ONDAM.

Votre rapporteur pour avis réitère sa condamnation de cette contribution et en dénonce le taux arbitraire pour 2000 qui va à l'encontre de la politique conventionnelle pourtant affichée par le Gouvernement.

E. LA TENTATIVE DE RÉFORME DE L'HOSPITALISATION PRIVÉE :  LA QUESTION OUVERTE DE L'HOSPITALISATION PUBLIQUE

L'hospitalisation n'est présente dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 qu'au travers de l'article 24 qui inaugure une réforme du mode de régulation applicable aux cliniques privées.

1. Le vide de la politique hospitalière

Les différents aspects de la politique hospitalière du Gouvernement laissent rêveur devant le vide dont elle fait l'objet.

L'accréditation a commencé en 1999 avec seulement 40 établissements engagés. Ceux-ci suivent dans une démarche volontaire les recommandations du manuel définitif que l'ANAES a publié seulement à la fin du premier semestre de l'année. Pour 2000, 200 établissements devraient entamer la procédure : évaluation, amélioration de la qualité, de l'organisation, de l'hygiène, de la satisfaction des patients, de mise en place de bonnes pratiques cliniques et de références. L'objectif de 1996 était d'avoir accrédité l'ensemble des établissements d'ici à la fin de 2001. Votre rapporteur craint ainsi que l'objectif ne puisse être atteint.

Par ailleurs, l'accréditation paraît avoir surtout concerné les bâtiments et les normes de sécurité, plus que les éléments directement liés à la santé et aux pratiques médicales.

La politique hospitalière brille par son absence et ses inconnues.

La première inconnue est la politique régionale. Le Parlement ne connaît ni des schémas régionaux d'organisation sanitaire ni des dotations hospitalières, ni, ce qui est plus grave, des interactions entre ces deux informations. La carte des disparités régionales est pourtant éloquente et votre rapporteur pour avis ne peut que déplorer ce manque d'information qui ramène l'autorisation parlementaire a un chèque en blanc.

La réforme de la pathologie constitue une seconde grande inconnue. L'ensemble de la profession hospitalière réclame une telle réforme. La loi sur la couverture maladie universelle a ouvert la voie à des expérimentations de tarification par pathologie, ce dont votre rapporteur pour avis ne pourrait que se réjouir si ces initiatives avaient vraiment commencé.

Or force est de constater que la loi de financement est muette sur ce point. De nombreux préalables sont en effet nécessaires comme la réforme des systèmes d'information, afin de disposer de données fiables et surtout comparables entre cliniques et hôpitaux. Le PMSI, le point ISA, les pondérations pour recherche et enseignement, autant d'instruments qui paraissent atteindre leurs limites et pour lesquels il aurait été important que le projet de loi de financement propose des évolutions.

a) L'inconnue de la politique régionale
(1) Les dotations régionales

Les dotations hospitalières ont été communiquées au début de l'examen en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000 à l'Assemblée empêchant les députés de se prononcer de façon attentive et nuisant fortement au travail de contrôle du Parlement. Leur lecture semble montrer une réduction des inégalités hospitalières par effet de rattrapage des régions les moins favorisées comme la Picardie.

Les dotations régionalisées de dépenses hospitalières pour 2000,
région par région (hors soins de longue durée)

(en milliards de francs)

Région

Dotations régionalisées

Taux d'évolution
(%)

Alsace

9,17

2,46

Aquitaine

12,05

2,27

Auvergne

6,03

2,27

Bourgogne

6,52

2,71

Bretagne

13,37

2,39

Centre

8,87

2,51

Champagne-Ardenne

5,71

2,52

Corse

1,03

2,10

Franche-Comté

5,06

2,57

Ile-de-France

59,43

1,25

Languedoc-Roussillon

9,09

2,14

Limousin

3,74

2,27

Lorraine

11,96

2,33

Midi-Pyrénées

10,60

1,84

Nord-Pas-de-Calais

16,34

3,55

Basse-Normandie

6,82

2,43

Haute-Normandie

6,78

2,55

Pays de la Loire

12,21

2,42

Picardie

8,02

3,80

Poitou-Charentes

6,52

3,78

Provence Alpes Côté d'Azur

19,98

1,91

Rhône Alpes

25,38

2,15

France Métropolitaine

264,69

2,20

Guadeloupe

1,67

3,85

Guyane

0,69

3,87

Martinique

2,14

3,81

Réunion

2,50

3,90

DOM

7,01

3,86

France entière

271,69

2,24

Source : ministère de l'emploi et de la solidarité.

Cependant le rapport de la Cour des comptes montre les limites fortes à cette politique par dotation : " il ne semble pas que la méthode de répartition retenue par le ministère de l'emploi et de la solidarité aboutisse à l'objectif recherché c'est à dire à une réduction des inégalités géographiques, qui tienne compte des besoins sanitaires. Et, au sein des régions, les péréquations entre établissements opérés par les ARH mènent à des dotations qui dépendent de l'enveloppe régionale et qui peuvent donc différer entre hôpitaux présentant des coûts voisins mais situés dans des régions distinctes. Il serait nécessaire de modifier l'ensemble des modalités de répartition et de péréquation, en distinguant nettement ce qui relève de l'offre de ce qui est relatif au coût. La résorption des coûts dans les établissements où ils sont manifestement excessifs (notamment l'AP-HP et plus généralement l'Ile-de-france), devrait être explicitement programmée sur plusieurs années. " 55( * ) .

Les indicateurs pour 1999 ont été : un indicateur de besoins de soins tenant compte de la population, de ses caractéristiques et de la part du secteur public ; un indicateur de performance avec le point ISA ; un indicateur de flux entre les régions pour tenir compte des transferts ; un indicateur de besoin de santé en liant taux de mortalité et caractéristiques. Le principal reproche que l'on peut faire à cette batterie de données est de s'appuyer sur des volumes d'activité et non sur la valeur de cette activité. Comme le note la Cour des comptes, cela ne permet pas de distinguer ce qui relève de l'offre de ce qui relève de la performance, conduisant à doter des régions considérées comme sous-équipées alors qu'elles ne le sont peut-être pas tant que cela. Enfin, la Cour regrette que les masses salariales ne soient pas prises en compte, ce qui n'incite pas les établissements à engager une politique de résorption de leurs sureffectifs qui permettrait de s'engager sur la voie d'un rééquilibrage dans un domaine où les inégalités sont le plus criantes.

(2) Les SROS 1999 / 2004

Les SROS de nouvelle génération s'inscrivent dans le cadre des priorités affichées par le Gouvernement : ouverture de l'hôpital, lutte contre la douleur, personnes âgées, lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme, accompagnement des mourants, sécurité sanitaire, réseaux de soins en cancérologie et périnatalité. Chaque ARH a pu également déterminer ses propres objectifs. Au total, les SROS ont une large portée :

• améliorer le service sanitaire rendu à la population en termes de qualité et de sécurité (par exemple pour les urgences, la périnatalité, la cardiologie et les personnes âgées) ;

• réduire les inégalités d'accès aux soins (volet spécifique à la précarité, soins de suite et réadaptation, cancérologie, réseaux) ;

• permettre le développement d'activité nouvelles ou insuffisamment mises en oeuvre, comme les soins palliatifs ou la lutte contre la douleur.

Sur le plan des restructurations, après la fermeture ou l'adaptation de 17 000 lits dans le cadre des premiers SROS 1994-1999, le Gouvernement prévoit la suppression ou la reconversion de 24 000 lits d'ici à 2004.

Votre rapporteur pour avis salue ces objectifs qui rejoignent ses propositions anciennes. En revanche, il constate le décalage énorme entre ces objectifs et les moyens mis en oeuvre.

Les fonds (FIMHO et FASMO) se mettent en place trop lentement et avec des moyens en décalage avec les besoins (500 millions prévus pour les deux en 2000 alors que la CNAMTS proposait dans son plan stratégique 5 milliards de francs par an). Par ailleurs, l'hôpital public continue à bénéficier d'une forte augmentation de la partie de l'ONDAM lui revenant (2,5 % selon le communiqué de presse sur les SROS, 2,4 % selon les précédentes annonces). Comment penser restructurer sans toucher aux sites et aux personnels ? Comment faire mieux utiliser les dépenses hospitalières si on continue à les faire progresser plus vite que la seule inflation ?

Sans ignorer que les réformes hospitalières ont un effet financier très étalé dans le temps, votre rapporteur pour avis estime que ces annonces de SROS aboutiront à la fois à mécontenter (24 000 lits touchés) sans réellement porter de fruits faute d'un affichage financier clair de maîtrise et de réorientation des dépenses hospitalières.

b) Le poids croissant des dépenses de personnel

Il convient de noter qu'une large partie des suppléments de dotations (2,4 % sur la réalisation de 1999 - 253,5 milliards de francs - soit 6 milliards de francs) serviront à prendre en charge les augmentations de frais de personnel. Le prochain accord sur la CNRACL devrait ainsi renchérir le coût des cotisations employeurs de la fonction publique hospitalière de 365 millions de francs en 2000 (450 millions en tenant compte des établissements de long séjour et médico-sociaux non compris dans le champ de dotations hospitalières) et 900 millions de francs en 2001.

Par ailleurs, le simple jeu du glissement vieillesse technicité (GVT) pour 2000 est estimé à 1,4 milliard de francs dans le champ de l'ONDAM. L'application de l'accord salarial Zucarelli dans la fonction publique hospitalière créera quant à lui un surcroît de charge de 2,3 milliards de francs. Au total, les frais de personnel confisqueront plus de 68 % de la hausse de dotation pour 2000 . Cela illustre une fois de plus les limites de toute politique hospitalière qui ne prendrait pas en compte le poids des dépenses de personnel dans la dotation. En plus, que signifie dans ce contexte contraint à 68 % par les dépenses de personnel la fière annonce du Gouvernement qu'il déconcentrera 2,2 des 2,4 % de hausse ?

Coût des mesures de personnel pour les dépenses hospitalières publiques
(en milliards de francs)

Total de la hausse des dotations hospitalières

6 milliards de francs

+ 2,4 %

dont

 
 

Accord Zucarrelli

2,29

38,16 %

GVT

1,4

23,3 %

CNRACL

0,35

5,8 %

Emplois jeunes

0,05

0,9 %

total personnel

4,09

68,16 %

Par ailleurs, le Gouvernement pourra d'autant moins faire l'économie d'une négociation sur la réduction du temps de travail dans le secteur hospitalier public que le secteur privé s'est engagé dans cette voie dans le cadre de la première loi sur les 35 heures. Cette négociation aura un coût sur lequel le projet de loi de financement, comme sur tant d'autres sujets, brille par son absence.

Application des 35 heures dans les établissements publics de santé

L'accord salarial dans la fonction publique 1998-1999, qui concerne les personnels des établissements publics de santé, reconnaît que " la situation des trois fonctions publiques au regard du temps de travail présente une spécificité qui tient notamment à la diversité extrême de la réglementation et des pratiques ainsi qu'aux contraintes liées à la nature des missions de service public auxquelles concourent les fonctionnaires " . Il dispose que " la réflexion qui s'engagera sur le sujet... requiert une approche nécessairement liée à l'organisation administrative et à la qualité des services rendus à l'usager " et qu'en conséquence, " il est nécessaire de réaliser un état des lieux exhaustif de la réglementation et des pratiques effectives concernant le temps de travail ou les heures supplémentaires. "

Cette mission a été confiée à M. Jacques ROCHÉ, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, qui a déposé son rapport en janvier 1999. La mission ROCHÉ estime que l'application des 35 heures dans les hôpitaux publics nécessite un délai d'au moins deux ans compte tenu d'une part des conclusions que fait apparaître l'état des lieux et d'autre part, des propositions à mettre en oeuvre.

L'état des lieux

Pour l'essentiel, il apparaît que :

- l'environnement réglementaire actuel s'avère inadapté et qu'il n'a pas empêché, malgré un cadre en principe rigide, une extrême diversité de situations développées par accumulation de mesures ponctuelles ;

- la durée hebdomadaire du travail n'est plus qu'une référence théorique tant les instruments de modulation à la disposition des agents sont nombreux ;

- fautes de ligne directrice et d'un instrument de mesure uniforme, les différentes affichées dans les durées de travail ne sont pas lisibles et non justifiées ;

- les souplesse introduites dans l'aménagement du temps de travail n'ont pas été suffisamment axées sur les besoins des usagers ;

- la réduction et l'aménagement du temps de travail n'ont pas été l'occasion d'une réflexion globale sur l'organisation du travail.

Propositions à mettre en oeuvre

Elles découlent du constat :

- un préalable nécessaire : uniformiser, dans un cadre législatif et réglementaire clair, la mesure du temps de travail dans les trois fonctions publiques :

une unité de temps de travail commune l'heure

et un décompte du temps de travail commun l'année

- définir dans la réglementation la notion de durée effective du travail ;

- assouplir et clarifier les instruments du temps de travail pour permettre un meilleur fonctionnement des administrations :

généralisation des horaires variables, calés sur les besoins des usagers,

introduction d'un compte épargne-temps,

refonte de la réglementation relative au travail à temps partiel.

Pour les mener à bien, il est suggéré la mise en place d'un comité de pilotage et d'un observatoire au niveau national et de cellules locales afin d'assurer une concertation élargie, absolument indispensable (notamment avec les organisations syndicales).

Source : réponse au questionnaire de la commission des finances.

c) Les fonds de modernisation sous-utilisés

Plusieurs fonds ont été mis en place depuis 1997 pour accompagner la réforme hospitalière. On peut citer notamment le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO) doté par la loi de finances pour 1998 de 500 millions de francs d'autorisations de programme et 150 millions de francs de crédits de paiement. Ce fonds subventionne, entre 20 et 50 %, des opérations de modernisation ayant un caractère d'exemplarité, un effet d'entraînement pour des actions rentables dans les trois ans et dans des établissements dotés d'un projet d'établissement. Les délais de décision du cabinet du ministre ont eu pour conséquence de décourager nombre de bonnes volontés et il faudra attendre juillet 1999 pour que les AP de 1998 soient consommées à hauteur de 94 % 56( * ) . 46 dossiers ont ainsi été retenus pour un montant moyen de participation de l'Etat de 23 %.

En 1999, le FIMHO a reçu 250 millions de francs d'autorisations de programme et 150 millions de francs de crédits de paiement. Cependant, la Cour des comptes a constaté que de nombreux projets présentés n'avaient pu être retenus pour cause de non éligibilité. Ceci soulève la question du décalage entre les besoins des établissements et les outils qui leur sont proposés. En plus, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que les ressources disponibles pour le FIMHO soient ainsi gelées ou pas assez consommées.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a quant à elle créé le Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO). Ce fonds n'est en réalité entré en fonctionnement qu'au 1 er janvier 1999, plus d'un an après sa création. De plus, les aides n'ont été définies que pour les personnels non médicaux des établissements publics. Il s'agit :

• du financement du coût d'actions de conversion professionnelle ;

• du remboursement aux établissements de la différence entre la rémunération de l'agent recruté dans le cadre d'une restructuration et celle d'un agent qui aurait été recruté directement à un indice de début de carrière (une sorte de prime à l'embauche) ;

• du versement d'une indemnité exceptionnelle d'aide à la mobilité allant de 9 000 à 30 000 francs selon la situation géographique et familiale ;

• d'une attribution d'une indemnité de départ volontaire (de 12 à 26 mois de traitement en fonction de l'ancienneté et du niveau hiérarchique dans la limite de 300 000 F) ;

• d'une prise en charge des coûts de fonctionnement induits par la mise en place de cellules d'accompagnement social dans les établissements en cours ou en voie de restructuration (300 000 F), au sein des ARH (220 000 F) et au niveau national (1,28 million de francs).

Ce fonds a été doté le 29 décembre 1998 de 300 millions de francs. La dotation pour 1999 n'a toujours pas été déterminée en raison de la mise en place pour le moins tardive de 1998. Pour l'instant il n'a engagé que 27 millions de francs au titre de 1999 et 25,7 millions au titre de 2000.

Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter ces délais qui montrent bien le peu de considération qu'ont les administrations pour le Parlement qui délibère en urgence quand elles ont besoin d'un an pour que le nouveau dispositif entre dans les faits.

2. Le nouveau mode de régulation des cliniques privées (article 24)

Les cliniques privées ont toujours fait l'objet d'une attention particulière du régulateur. En 1991, fut mis en place le système de l'objectif quantifié national (OQN) opposable avec régularisation des dépassements l'année suivante. Ce mécanisme a permis une augmentation du nombre de regroupements d'établissements et de fermetures de lits.

L'instauration de l'ONDAM et le processus de régionalisation ont permis la création d'objectifs quantifiés régionaux (OQR) par discipline. Cette trop grande finesse statistique a été délicate à mettre en oeuvre et la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a ajusté le système en régionalisant un OQR global, charge ensuite à l'ARH de le répartir entre disciplines. L'impossibilité de mise en place de ce mécanisme a contraint le Gouvernement et la profession à négocier en mars 1998 un nouveau mécanisme, distinguant dans l'OQN une enveloppe d'efficience et une enveloppe accompagnant la mise en oeuvre de contrats d'objectifs et de moyens.

L'article 24 du projet de loi de financement inaugure un nouveau mode de tarification des cliniques privées qui s'apparente à un nouveau mode de régulation de leurs dépenses. Il s'agit pour le Gouvernement de mieux prendre en compte l'activité médicale dans la tarification et de confier aux ARH et à la profession la responsabilité de la régulation.

Le système repose sur deux sortes d'accords. Au niveau national, le ministère de la solidarité négociera chaque année avec les organisations professionnelles les évolution de l'objectif quantifié national, sa ventilation dans chaque région et la marge de manoeuvre dont disposera chaque ARH. Puis les ARH et les représentants des organisations dans la région négocieront l'application des règles de modulation tarifaire.

L'article 24 prévoit les modalités techniques de ce système. Il contient aussi une validation de l'arrêté d'avril 1999 qui avait permis à l'Etat de déterminer, après l'échec des négociations, un OQN 1999 en baisse par rapport à celui de 1998 pour sanctionner les dépassements intervenus. La profession contestait ces dépassements en indiquant qu'ils provenaient en grande partie de la hausse du prix des consommations intermédiaires sur lequel elles n'ont aucune prise, et de transferts d'activité de l'hôpital vers les cliniques.

Enfin, il propose la création d'un Fonds pour la modernisation des cliniques privées, géré par la Caisse des dépôts et consignations, abondé par une participation des régimes obligatoires d'assurance maladie fixée par décret. Il a pour but de subventionner des opérations concourant à l'adaptation de l'offre de soins hospitaliers, au niveau régional. La subvention est d'ailleurs mise en oeuvre par les ARH.

La partie hospitalisation privée de l'ONDAM pour 2000 devrait présenter une hausse par rapport aux réalisations de 1999 de 2,2 % (contre 2,4 % pour l'hospitalisation publique).

Votre rapporteur pour avis se montre plutôt favorable à un renforcement de la cohérence de la politique en matière d'hospitalisation publique et privée au niveau des ARH. Il considère que cette déconcentration et le choix d'une politique contractuelle vont dans un sens positif. Il s'interroge néanmoins sur la cohérence avec la volonté du Gouvernement de confier la maîtrise de l'ONDAM à la CNAMTS.

De plus, il espère que le nouveau fonds verra effectivement le jour avant la fin de l'année civile 2000 et pourra fonctionner le plus tôt possible. On peut d'ailleurs s'interroger sur la cohérence de cette " politique de fonds " puisque les clinique privées sont déjà éligibles au FASMO. Votre rapporteur pour avis se demande enfin si la fixation par décret de la participation des régimes obligatoires d'assurance maladie (100 millions de francs), est bien conforme à l'esprit du paritarisme.

F. L'ONDAM POUR 2000 : 30 MILLIARDS DE FRANCS SUPPLÉMENTAIRES ET UNE ASTUCE COMPTABLE

Le présent projet de loi de financement introduit une innovation majeure dans la détermination de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie en calculant ce dernier non plus à partir de l'objectif retenu par la loi de financement pour 1999 mais à partir des dépenses effectivement réalisées en 1999, ce qui incitent à gommer les dépassements passés.

1. L'ONDAM reste un instrument à améliorer

L'ONDAM a été créé pour instaurer un cadre de régulation des dépenses d'assurance maladie en 1996. Il ne constitue pas une enveloppe exhaustive pour les assurés sociaux : en cas de dépassement, les droits aux soins ne sont pas suspendus. En revanche, il s'impose aux professionnels de santé qui peuvent être sanctionnés pour son non respect.

La détermination et le suivi de l'ONDAM soulèvent plusieurs difficultés méthodologiques qui viennent en atténuer la portée. L'ONDAM recouvre les dépenses d'assurance maladie des branche maladie-maternité et accidents du travail-maladies professionnelles. Les prestations en espèces de la première et celles de la seconde qui sont liées à une incapacité temporaire en sont donc exclues.

L'ONDAM se répartit ensuite entre quatre agrégats, qui constituent autant de sous-objectifs, eux-mêmes subdivisés :

• les soins de ville comprennent les dépenses des médecins libéraux (spécialistes et généralistes) et les autres dépenses de ville (dentistes, auxiliaires de santé, médecins salariés, etc.) ;

• les établissements sanitaires : ceux sous dotation globale, les autres établissements sanitaires et les honoraires du secteur public ;

• le secteur médico-social, c'est à dire les établissements pour l'enfance inadaptée et les adultes handicapés ainsi que ceux pour personnes âgées ;

• les cliniques privées : celles sous objectif quantifié national, anciennement à prix de journée préfectoral et celles hors objectif quantifié national ;

• s'ajoutent à ces agrégats les dépenses pour les ressortissants français à l'étranger et celles réalisées dans les DOM.

Passage des dépenses par branche des régimes de base à l'objectif national
de dépenses d'assurance maladie

(milliards de francs)

 

branche
maladie-invalidité

branche
accidents du travail

Total

emplois de l'ensemble des régimes de base dans la nomenclature des comptes de la sécuritésociale


756,3


59,3


815,6

dépenses à déduire

 
 
 

frais de gestion

- 37,5

- 5,7

- 43,1

transferts versés

- 27,9

- 7,5

- 35,3

frais financiers

- 0,8

0,0

- 0,8

autres dépenses

- 1,7

- 0,1

- 1,9

solde des opérations avec les DOM

- 7,2

0,1

- 7,2

prestations

681,2

46,1

712,8

prestations à déduire :

 
 
 

prestations de services sociaux

- 10,9

0,0

-11,0

prestations extra-légales

- 3,5

0,0

- 3,6

prestations sociales légales

666,8

46,1

712,8

prestations légales hors champ :

 
 
 

invalidité-décès

- 26,0

0,0

- 26,0

incapacité permanente (accidents du travail)

0,0

- 30,9

- 30,9

indemnités journalières maternité

- 12,6

0,0

- 12,6

objectif Métropole assurance maladie

628,1

15,2

643,3

dépenses DOM

14,6

0,3

14,9

objectif national d'assurance maladie

642,7

15,5

658,3

Source : annexe C au PLFSS 2000

Plusieurs dépenses se retrouvent exclues de l'ONDAM alors qu'elles devraient normalement y figurer, au premier rang desquelles plusieurs fonds mis en place pour la restructuration du système de santé. C'est aussi le cas pour certaines actions de prévention : les vaccinations anti-grippales, contre la rougeole, les oreillons, la rubéole et l'hépatite B prises en charge par le Fonds national de prévention, d'éducation et d'information pour la santé n'entrent pas dans l'ONDAM, alors que les vaccinations contre la coqueluche en font partie. Certaines dépenses du Fonds national d'action sanitaire et sociale du régime général n'entrent pas dans l'ONDAM alors qu'elles servent à prendre en charge certains remboursements complémentaires de soins. Le FORMMEL qui aide les médecins à mettre en place les bonnes pratiques médicales et l'informatisation, le FASMO, " destiné à abonder dans les faits l'enveloppe hospitalière " 57( * ) , le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville sont exclus du champ de l'ONDAM alors que leurs dépenses ont un lien direct avec l'assurance maladie. La Cour des comptes également critiqués à plusieurs reprises l'exclusion de l'ONDAM des dépenses des caisses au titre de la prise en charge de cotisations sociales des médecins du secteur I.

Par ailleurs, même si le présent projet de loi de financement instaure un mécanisme de régulation des produits relevant du TIPS, plusieurs dépenses incluses dans l'ONDAM restent non encadrées : plus de 31 milliards de francs en 1999 selon la Cour des comptes soit 13,6 % du total des dépenses exécutées en ville et 5 % du montant de l'ONDAM.

Le suivi de l'ONDAM reste aussi un véritable problème méthodologique qui souligne les imperfections de cet instrument. La Cour des comptes souligne dans son dernier rapport combien ce suivi est difficile en l'absence de circuits homogènes et de stabilisation des frontières de l'ONDAM qui contraint à un rebasage chaque année pour comparer des structures constantes.

Surtout, le suivi de l'exécution repose sur les seules données du régime général, alors que la part de la CNAMTS dans l'ONDAM n'est pas stable et varie fortement entre les composantes de l'ONDAM. De plus, la CNAMTS ne présente pas ses données par secteur et profession, conformément aux agrégats de l'ONDAM, mais par acte ce qui contraint à affiner et retraiter les données. De ce point de vue la non mise en place du Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie prévu par la loi de financement pour 1999 occasionne un nouveau retard pour la correction des données.

2. L'évolution de l'ONDAM depuis 1997 : 60 milliards de francs de dépenses supplémentaires

Depuis son premier exercice, 1997, l'ONDAM a vu son montant augmenter de près de 60 milliards de francs soit plus de 10 % :

La réalité de l'ONDAM

(en milliards de francs)

 

Montant

Ecart

ONDAM réalisé 1997

599,5

 

ONDAM réalisé 1998

623,6

+ 24,1

ONDAM réalisé 1999

643

+ 19,4

ONDAM prévu 2000

658,3

+ 15,3

Total

 

+ 58,8

Cette hausse intègre une partie d'évolution " normale ", conforme aux votes émis par le Parlement dans chaque loi de financement, et une partie du dépassement, soit 13,1 milliards de francs en trois ans.

Les dépassement de l'ONDAM

(en milliards de francs)

 

Dépassement cumulé

Dépassement de l'année

1997

- 0,5

- 0,5

1998

+ 9,8

+ 10,3

1999

+ 13,1

+ 3,3

Ce dépassement est pour l'essentiel imputable à l'agrégat soins de ville : 13 milliards de francs. Ceux-ci résultent en grande partie d'un dépassement des prescriptions par rapport à l'objectif. Les honoraires connaissent eux aussi un dérapage mais celui-ci est moins élevé. Il conviendrait d'ailleurs d'analyser plus précisément la part des dépenses non régulières, à commencer par celles du " 3 ème marché des médicaments " en très forte progression.

Au total, la hausse proposée pour 2000 est de 2,5 % par rapport aux dépenses réalisées en 1999 et de 4,5 % par rapport à l'objectif fixé en loi de financement pour 1999
.

3. Les limites du nouveau mode de calcul de l'ONDAM

Le nouveau mode de calcul reprend certaines critiques émises les années précédentes, à commencer par celles de votre rapporteur pour avis qui qualifiait l'ONDAM 1999 de " peu réaliste " . En effet, il paraissait difficile d'opposer aux professions de santé un objectif dont il était certain, au regard des dépassements précédents qu'il ne serait pas respecté. Le problème n'était donc pas l'ONDAM mais l'absence de sanction de son non respect.

De ce point de vue, il convient de saluer le changement du mode de calcul.

En revanche il est plus difficile d'accepter d'une part l'absence totale de sanction des dépassements constatés, d'autre part la poursuite d'une progression à un rythme élevé, masquée par des astuces de présentation, enfin le biais méthodologique utilisé cette année pour les sous-objectifs.

a) L'absence de sanction des dépassements

En effet, les professionnels de santé sont, avec le nouveau mode de calcul, en quelque sorte absous des dépassements passés qui s'élèvent pourtant à plus de 13 milliards de francs. Cela vient altérer fortement la crédibilité de la volonté de faire respecter l'objectif et de réaliser une maîtrise des dépenses de santé.

De plus, l'affichage est trompeur. Annoncer 2,5 % de hausse pour 2000 fait oublier que la hausse effective par rapport à la décision du Parlement est de 4,5 %. L'affichage du taux réalisé / réalisé ne pourra se faire qu'à partir de l'année prochaine... si l'ONDAM 2000 est respecté.

Votre rapporteur pour avis estime d'ailleurs juste de tenir un discours cohérent : il convient de parler soit des taux entre dépenses réalisées soit des taux entre objectifs et non pas de mêler les uns et les autres.

Comparaison des taux de progression de l'ONDAM depuis 1997

(en %)

 

1997 / 1998

1998 / 1999

1999 / 2000

1997 / 2000

Progression objectif / objectif

2,26

2,62

4,5

9,68

Progression réalisé / réalisé

4

3,1

-

-

Progression rebasé / objectif

2,4

1

2,5

9,77

Quelle que soit la méthode retenue, une vérité restera indéniable : la très forte hausse de cet agrégat depuis 1998.

b) La poursuite d'une progression à rythme élevé

L'ONDAM pour 2000 augmentera donc sur un rythme de 2,5 % ou de 4,5 % selon le mode de calcul retenu. Le rythme diffère avec les agrégats :

Rythme de progression de l'ONDAM

(en milliards de francs)

 

Objectif 1999

Objectif 2000

Ecart brut

Variation

Métropole

613,9

641,4

+ 27,5

+ 4,5 %

Soins de ville

274,7

292,1

+ 17,4

+ 6,3 %

Hôpital public

254

260,1

+ 6,1

+ 2,4 %

Cliniques privées

41,3

42,3

+ 1

+ 2,4 %

Médico-social

43,9

46,9

+ 3

+ 6,8 %

Français à l'étranger

0,9

1,2

+ 0,3

+ 33,3 %

DOM

13,9

14,2

+ 0,3

2,1

Marge résiduelle

1,2

0,8

- 0,4

- 33,3 %

ONDAM

629,9

658,3

+ 28,4

+ 4,5 %

Ces chiffres restent cependant théoriques, dans la mesure où les résultats 1998 sont à peine connus et où il reste trois mois à courir au titre de 1999.

c) Les astuces de présentation

La première astuce réside dans le mode de prise en compte des contributions et remises de l'industrie pharmaceutique. Le Gouvernement a décidé de les considérer comme des diminutions de dépenses alors qu'il s'agit en réalité d'une recette supplémentaire qui doit venir compenser une dépense trop rapide.

Votre rapporteur pour avis estime indispensable dans ces conditions d'opérer un nouveau calcul prenant en compte les montants déduits par le Gouvernement. Cela conduit à majorer l'objectif de 1999 de 1,2 milliard de francs et celui pour 2000 d'un montent variant entre 500 millions et un milliard de francs. Le taux de progression de l'ONDAM passe alors de 2,5 à 2,8 / 2,9 % selon le nouveau mode de calcul.

Nouveau calcul de l'ONDAM en tenant compte de la clause de sauvegarde

(en milliards de francs)

 

1999

2000

1999 / 2000

Objectif initial

629,9

658,3

+ 4,5 %

Objectif rebasé

639,8

658,3

+ 2,5 %

Clause de sauvegarde

1,2

0,5 / 1

-

Objectif initial net

631,1

658,8 / 659,3

+ 4,4 / + 4,5 %

Objectif rebasé net

641

658,8 / 659,3

+ 2,8 / + 2,9 %

La seconde astuce réside dans le choix différencié des méthodes de calcul des sous-objectifs . En effet, le Gouvernement retient une hausse à partir de l'ONDAM rebasé pour les soins de ville et le secteur médico-social, et à partir de l'objectif pour l'hôpital et les cliniques.

Taux d'évolution retenu pour chaque agrégat de l'ONDAM en 2000

Agrégat

Taux d'évolution

Soins de ville (rebasé / objectif)

+ 2 %

Hôpital public (objectif / objectif)

+ 2,4 %

Cliniques privées (objectif / objectif)

+ 2,2 %

Médico-social (rebasé / objectif)

+ 4,9 %

Votre rapporteur pour avis ne peut approuver ce choix qui est une incohérence méthodologique fondamentale supplémentaire dans un outil déjà contestable.

Il propose donc non seulement de retenir pour chacun la même méthode, mais en plus de tenir compte du biais méthodologique pesant sur les soins de ville. L'ordre des parités demeure alors, mais avec des taux différents de ceux annoncés, et probablement plus justes.

II. LA RÉFORME DES RETRAITES EN RESTE À DE LA POUDRE AUX YEUX

La branche vieillesse connaît depuis 1998 un très fort redressement de son solde qui est passé d'un déficit de 5,4 milliards de francs en 1997 à une prévision d'excédent de 6,5 milliards de francs en 2000. Ce redressement résulte de la conjugaison de plusieurs phénomènes :

• les réformes entreprises en 1993 de mode de calcul et de revalorisation des pensions commencent à porter leurs fruits ;

• les évolutions démographiques contiennent les dépenses sur des rythmes décroissants (3,8 % de hausse en 1998, 2,3 % en 2000) même s'ils restent élevés ;

• la branche a bénéficié de très fortes recettes dues notamment au mode de calcul de la CSG et aux bonnes rentrées des ressources tirées des revenus du patrimoine (5 % de hausse en 1999).

Les deux derniers facteurs sont cependant purement conjoncturels et le projet de loi de financement utilise d'ores et déjà ces marges de manoeuvre passagères pour augmenter les dépenses (revalorisations) et diminuer les recettes (financement des 35 heures) sans engager la réforme en profondeur des régimes de retraite tant attendue et annoncée.

A. L'AFFECTATION DES EXCÉDENTS DE LA CNAVTS À LA COQUILLE VIDE ET ERRANTE DU FONDS DE RESERVE POUR LES RETRAITES

L'article 10 du projet de loi de financement prévoit l'affectation au fonds de réserve pour les retraites des excédents à venir de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et en organise le versement.

1. Le fonds de réserve : une coquille vide sans mission ni ressources

a) Un fonds à l'existence virtuelle

Créé au sein du Fonds de solidarité vieillesse par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (deuxième alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale) sous la forme d'une deuxième section, le fonds de réserve devait permettre de préparer l'avenir des régimes de retraite par répartition. Cependant, dix mois après sa naissance, il ne dispose ni de ressources précises, ni de missions déterminées. Sa création a fait l'objet de commentaires critiques de la part de vos commissions des affaires sociales et des finances.

Les missions du fonds de réserve ne sont pas indiquées dans la loi. Celle-ci dispose seulement que le fonds est créé au bénéfice de la branche vieillesse du régime général et des régime alignés. Deux options sont théoriquement possibles : le fonds de réserve peut avoir pour but, soit de lisser simplement l'augmentation future des cotisations d'assurance vieillesse, soit d'engendrer des revenus suffisants pour minorer durablement le niveau futur des cotisations. Dans le premier cas, le montant visé s'exprime en centaines de milliards de francs. Dans le second cas, il s'exprime en milliers de milliards de francs.

Par ailleurs, rien n'est aujourd'hui connu des modalités de gestion du fonds. Or les sommes en cause seront considérables et leur gestion devra faire l'objet à la fois d'un professionnalisme à toute épreuve mais aussi de garanties strictes pour limiter les effets pervers de ce qui sera le premier fonds de pension français : un fonds de pension aux mains de l'Etat. La parution fin octobre d'un décret élargissant le comité de surveillance pour tenir compte des nouvelles missions ne permet pas de donner une existence effective au fonds.

b) Un fonds aux vraies ressources encore inconnues

Ont par ailleurs été mises en cause les modalités de financement particulièrement complexes du fonds et les incertitudes qui pèsent sur les sommes effectivement disponibles. La loi de financement pour 1999 a en effet prévu d'affecter au fonds de réserve une fraction du produit de la contribution de solidarité sur les sociétés (C3S), tout ou partie des excédents éventuels du FSV et toute autre ressource affectée en vertu de dispositions législatives. Lors des débats, la possibilité d'une affectation du produit des privatisations et celle d'une surcotisation ont été aussi évoquées par le Gouvernement.

Le Gouvernement avait indiqué qu'il affecterait au fonds 2 milliards de francs en 1999 au titre des excédents de la C3S. Cependant, du fait de la non parution des décrets d'application, rien n'est encore réalisé.

A ces deux milliards de francs d'excédent de la C3S pourraient s'ajouter trois à quatre milliards de francs provenant toujours de la C3S ainsi que 4 milliards de francs issus du produit de la souscription des parts sociales des caisses d'épargne et l'excédent de la branche vieillesse du régime général, soit environ trois milliards de francs.

Ce fonds devrait donc atteindre en 2000 un montant d'une quinzaine de milliards de francs, soit à peine 0,16 % du PIB. Le Programme pluriannuel de finances publiques de décembre 1998 prévoyait qu'à l'horizon 2002 l'actif du fonds de réserve des retraites s`établirait à 0,8 % du PIB avec une hypothèse de croissance économique à 2,5 % et à 1,6 % avec une hypothèse de croissance économique à 3 %.

Or, Jean-Michel Charpin évalue les sommes nécessaires à " au moins trois points de PIB " en cas de fonds de lissage et à " au moins dix points de PIB " pour un apport permanent de revenus. Il faudrait donc une dotation entre 18 et 62 fois plus importante que celle qui nous est proposée pour 2000. A plus long terme, l'OCDE estime que les pensions de la période 1994-2070 ne sont pas financées à hauteur de 100 % du PIB de 1994 et pour l'ensemble du siècle prochain on peut évaluer l'impasse financière des retraites à une somme comprise entre 50 et 300 % du PIB de 1998. L'actif du fonds est manifestement hors de proportion avec les montants nécessaires.

Votre commission des finances estime toujours que plutôt que de créer un fonds de réserve pour provisionner ces engagements de hors-bilan de l'Etat, le Gouvernement aurait été mieux inspiré de procéder directement à un désendettement de l'Etat et de la sécuritésociale (CADES) : cette solution aurait été équivalente d'un point de vue économique et aurait évité l'étatisme qui préside à l'instauration de ce fonds.

Ainsi, appelé à se prononcer dans l'urgence, le Parlement a adopté la création d'un fonds dont, dix mois après, il ne connaît ni la mission exacte (lisser ou se substituer), ni le mode de fonctionnement (qui le gérera), ni les moyens qui lui seront affectés. Il relève d'une volonté d'affichage qui ne débouche aujourd'hui rien : le fonds de réserve est purement virtuel.

Les problèmes des retraites, eux, ne le sont pas.

2. Un fonds de réserve déjà privé de ses réserves (article 10)

a) Le dispositif proposé...

L'article 10 du projet de loi de financement de la sécuritésociale organise l'affectation des excédents de la CNAVTS au fonds de réserve à partir de 1999.

Il indique que seront transférés au fonds les excédents de tous les régimes dont la CNAVTS a la gestion, sauf celui des agents de chemin de fer secondaires car il s'agit d'un régime spécial donc situé hors du champ du fonds de réserve. L'article prévoit la possibilité d'une provision en cours d'exercice pour ne pas attendre la clôture des comptes. Un arrêté interministériel en fixe alors le montant.

Pour l'an prochain, le fonds de réserve devrait donc recevoir aux termes de l'article 10 du projet de loi de financement :

• les excédents de l'exercice comptable de la CNAVTS pour 1999, soit 4,396 milliards de francs ;

• une provision de 2,9 milliards de francs à valoir sur les excédents de l'exercice 2000.

b) ... reste bien en deçà des possibilités d'abondement

Les ressources du fonds de réserve seront constituées à partir de cette année de quatre catégories de recettes :

• une fraction des excédents disponibles de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) ;

• une partie des excédents de la section de solidarité du fonds de solidarité vieillesse ;

• les excédents de la CNAVTS ;

• toute autre ressource déterminée par voie législative.

Or pour 2000, ne viendront pour l'instant s'ajouter aux 2 milliards de francs de solde de la C3S qui devraient être affectés en 1999 : 58( * )

• 6,996 milliards au titres des excédents de la CNAVTS pour 1999 et de la provision pour ceux de 2000 (2,9 + 4,096)  ;

• 4 milliards de francs au titre de la vente des parts de caisse d'épargne ;

• 5,6 milliards prélevés sur les régimes sociaux par le biais du prélèvement social.

Cependant, le Gouvernement disposait de bien plus de catégories de ressources, pour se conformer aux principes énoncés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de la discussion sur le projet de loi sur l'épargne te la sécurité financière au Sénat le 6 mai 1999 : " Nous commençons à alimenter le fonds d'épargne et nous continuerons avec des excédents de sécurité sociale qui ne manqueront pas d'apparaître l'année prochaine. "

En réalité, le Gouvernement fait l'impasse sur plus de 19 milliards de francs de recettes potentielles :

Les recettes sociales du fonds de réserve pour les retraites en 2000 : théorie et pratique

(en milliards de francs)

 

Montants prévus par les prévisions de la Csion des Comptes (1)

Montants prévus après déduction des mesures contenues dans le PLFSS

Montant versé au fonds de réserve

(2)

Ecart

(2) - (1)

Perte des revenus occasionnés par le PLFSS et le PLF

- Au titre de la C3S

4,1

3,1 *

-

- 4,1

1 *

- Au titre de l'excèdent de la première partie du FSV

8,4

2,8

-

- 8,4

5,6

- Au titre de l'excèdent de la CNAVTS

6,5

5,55

2,9

- 3,6

0,095

- Au titre de l'excèdent de la CNAF

2,55

1,4

-

- 2,55

1,15

- Au titre de l'ensemble des régime sociaux

5,6

5,6

5,6

-

-

- Au titre de l'excédent des accidents de travail

0,65

0,59

-

- 0,65

0,06

Total 2000 annoncé

27,8

25,64

8,5

- 19,3

8,66

* prélèvement de un milliard de francs au profit du BAPSA prévu en loi de finances.

Plus grave encore, le Gouvernement prive le fonds de réserve de plusieurs sources de son financement pour un montant total en 2000 de 6,6 milliards de francs, et pour 12 milliards de francs par an à partir de 2001.

Dans le projet de loi de finances, il a décidé de prélever un milliard sur les produits de la C3S en faveur du BAPSA, alors que le solde de C3S sert justement à abonder le fonds de réserve.

De plus, pour financer le passage aux 35 heures, il prélève 5,6 milliards de francs de recettes du FSV au titre des droits sur les alcools. Or ce prélèvement viendra diminuer d'autant l'excédent du FSV et donc le montant affecté au fonds de réserve sur les retraites. Le financement des 35 heures viendra donc en partie fragiliser davantage le système mis en place pour venir en aide aux régimes par répartition.

Pour 2000, le Gouvernement propose de geler les conséquences de cette affectation sur le fonds de réserve par celle des 5,6 milliards de francs qui devaient être prélevés sur les organismes de sécurité sociale. Cette solution provisoire n'est pas satisfaisante. D'une part l'affectation au fonds de réserve devrait être cumulative : les 5,6 milliards de francs des organismes de sécurité sociale comme ceux du FSV devaient se retrouver dans le fonds de réserve ; il n'y en aura bien que la moitié. D'autre part, cela ne règle rien pour l'avenir . En effet, la dynamique des 35 heures devrait exiger, de l'aveu même du Gouvernement, un prélèvement de 12 milliards de francs sur le FSV qui viendra minorer d'autant l'affectation au fonds de réserve.

Le Gouvernement fait donc le choix des 35 heures plutôt que celui du fonds de réserve qui, décidément, relève du voeu pieux, de l'affichage politique, de la poudre aux yeux.

Au total, le projet de loi de financement et le projet de loi de finances affecteront 12,5 milliards de francs (4 + 2,9 + 5,6) au fonds de réserve, tout en le privant de 6,6 milliards de francs de recettes  : le solde paraît bien maigre par rapport aux annonces et aux besoins.

B. LES HAUSSES DE DÉPENSES EN FAVEUR DES RETRAITÉS, RÉVÉLATRICES DE L'IMMOBILISME

1. La revalorisation des retraites : un taux arbitraire pour une absence de réforme (article 11)

L'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale revient sur la rédaction de loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 qui avait établi le mode d'indexation de retraites :

" Un arrêté interministériel fixe :

1° Le coefficient de majoration applicable aux salaires et aux cotisations servant de base au calcul des pensions ou rentes ;

2° Le coefficient de revalorisation applicable aux pensions déjà liquidées.

Ces coefficients sont fixés conformément au taux prévisionnel d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages hors les prix du tabac, qui est prévu, pour l'année civile considérée, dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances ".


L'application de ce principe a connu plusieurs variations puisque l'ajustement se fait d'une manière différente selon le respect ou non de l'objectif d'évolution des prix.

Taux comparé d'évolution des pensions et des prix depuis la loi du 22 juillet 1993

(en %)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Revalorisations

 
 
 
 
 
 
 

au 1 er janvier

2

1,2

2

1,2

1,1

1,7

0,5

au 1 er juillet

 

0,5

 
 
 
 
 

Evolution annuelle

2

1,45

2,25

1,2

1,1

1,7

0,5

Evolution des prix hors tabac

 
 
 
 
 
 
 

prévue

2

1,7

2,1

1,3

1,3

1,2

0,9

constatée

1,4

1,8

1,9

1,1

0,8

0,5

-

source : commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de finances

Au 1 er janvier 1998, les retraites ont ainsi été revalorisées de 1,1 % au lieu d'une prévision d'inflation de 1,3%, ce qui tenait compte d'un rattrapage négatif de 0,2 % sur 1997. La loi de financement pour 1999 a supprimé cette clause de rattrapage, ce qui a permis une revalorisation au 1 er janvier 1999 de 1,2 % correspondant à l'anticipation d'inflation et sans en déduire les 0,5 % accordés en trop au titre de 1998.

Cette décision avait emporté une dépense supplémentaire pour le régime général de 1,9 milliard de francs financée par un versement exceptionnel du Fonds de solidarité vieillesse. Votre rapporteur pour avis s'était montré défavorable à cette mesure structurelle.

Pour 2000, le Gouvernement propose de remplacer ce mode d'indexation par la fixation d'un taux arbitraire, soit une hausse de 0,5 %. Il indique que la hausse aurait dû s'élever à 0,9 % avec l'inflation, desquels il aurait fallu déduire 0,7 point à cause de l'écart entre l'inflation anticipée pour 1999 (1,2 %) et celle réalisée (0,5 %). Il qualifie donc le taux applicable pour 2000 de coup de pouce de 0,3 % pour " faire participer les retraités à la croissance " . Cette mesure a un coût de 950 millions de francs pour le régime général et 1,4 milliard de francs pour l'ensemble des régimes.

Votre rapporteur pour avis estime que la présentation de cette hausse comme un coup de pouce est erronée, puisque le Gouvernement a changé son mode d'indexation l'année dernière. Le choix de 0,5 % est purement arbitraire : il n'est cohérent ni avec la loi de 1993 (qui aurait dû conduire à retenir 0,2%) ni avec la loi de financement pour 1999 (qui aurait dû conduire à retenir 0,9 %). Ce choix arbitraire ne tient absolument pas compte d'éventuelles décisions sur l'avenir des régimes de retraite. Il s'agit d'un nouvel exemple de l'urgence qu'il y a à établir une vraie réforme des retraites et à revenir à un mode d'indexation claire et définitif.

2. Les règles de cumul emploi retraite : un nouveau délai, un nouveau rapport (article 12)

Le cumul d'une pension de retraite avec une activité rémunérée est soumis à la condition de l'abandon de l'emploi occupé lors de la demande de liquidation de la pension. S'ils souhaitent pouvoir cumuler, les salariés doivent exercer leur activité chez un nouvel employeur, et les non salariés, exercer une autre profession.

Ces règles de limitation du cumul emploi-retraite ont été fixées corrélativement à l'abaissement de l'âge de la retraite par l'ordonnance n°82 290 du 30 mars 1982 pour le régime général et le régime des pensions civiles et militaires, puis ont été étendues aux professions non salariées.

Elles ont été régulièrement reconduites, la dernière fois par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 jusqu'au 31 décembre 1999. Pour le Gouvernement : " ce délai d'un an permettra de procéder à une étude spécifique sur les dispositions régissant le cumul d'un emploi et d'une retraite dans le cadre de l'analyse confiée au commissaire général du Plan sur la situation de l'ensemble des régimes de retraite. "

Le rapport Charpin a ainsi estimé que les règles actuelles souffraient de complexité, de trop nombreuses dérogations, pour un effet très limité sur le niveau de l'emploi.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 dans son article 12 entend prolonger à nouveau ce délai d'un an. En effet, selon le Gouvernement cette année, " un aménagement éventuel des règles actuelles nécessite une réflexion approfondie. Une mission en ce sens a été confiée à Monsieur Dominique Balamary, conseiller d'Etat, le 30 juillet 1999, par la ministre de l'emploi et de la solidarité, le ministre de l'économie des finances et de l'industrie, le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation et le secrétaire d'Etat au budget. Cette mission consiste en une analyse des dispositions en vigueur régissant le cumul entre un emploi et une retraite, notamment leur champ d'application, leur cohérence avec les dispositifs de retraite progressive et de préretraite, la pertinence des dérogations apportées au dispositif de droit commun et la situation respective des salariés et des non salariés. Les conclusions de ce rapport pourront conduire à des adaptations du dispositif actuel dans le cadre plus global de la réforme des retraites. "

Votre rapporteur pour avis voit là encore un exemple des conséquences négatives du temps que met le Gouvernement à proposer une véritable réforme des retraites. De rapports en études, il sera un jour trop tard.

3. L'intégration de la CARGE dans la CIPAV : les petits pas de l'intégration des caisses au gré de leurs difficultés (article 13)

L'article 13 prévoit l'intégration de la Caisse des géomètres experts (CARGE) dans la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) toutes les deux relevant du régime des professions libérales au sein de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Les décrets n° 99-912 et n° 99-913 du 21 octobre 1999 ont pris les mesures réglementaires nécessaires pour cette fusion.

Cette modification contraint la CNAVPL à aider la CIPAV à absorber la CARGE, entraînant un prélèvement sur ses réserves dans la limite du tiers de celles-ci soit 400 millions de francs par le biais du fonds de réserve et de compensation.

Votre rapporteur pour avis prend acte de cette décision entre partenaires sociaux qui revient à prélever sur les réserves d'un régime de base pour venir en aide à un régime complémentaire.

Ceci illustre une fois de plus l'urgence d'une réforme globale des retraites en France qui prenne en compte la diversité des situations et ses conséquences financières.

C. L'URGENCE DE VÉRITABLES RÉFORMES POUR UN SYSTÈME À BOUT DE SOUFFLE ET PORTEUR D'INÉGALITÉS

De très nombreux rapports, articles, débats, colloques montrent l'urgence de la réforme d'ensemble de notre systèmes de retraites. Les limites démographiques et techniques qu'il rencontrera dans les quinze ans à venir rendent indispensables des décisions rapides que le Gouvernement devait prendre à la remise du rapport du commissaire général au plan et qu'il a remises au début de l'année prochaine.

De nombreuses voies d'évolution sont possibles :

• allongement de la durée de cotisation ;

• assouplissement des règles d'âge de la retraite et de durée de cotisation ;

• encouragement à des efforts individuels ou collectifs ;

• lissage des transitions par un fonds ad hoc ;

Les réformes à venir devront cependant concerner l'ensemble des régimes de retraite, publics et privés. Le secteur privé a accepté de lourds efforts qu'il faudra bien un jour ou l'autre étendre au secteur public sauf à voir les écarts déjà importants, comme le montre le tableau suivant, s'accroître. Par ailleurs, la réflexion passe aussi par une réflexion sur la justification de la multiplication des régimes particuliers qui engendrent des flux de compensation extrêmement complexes et lourds.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 illustre à de nombreuses reprises les conséquences de cet attentisme du Gouvernement, en prévoyant des taux de progression arbitraire des retraites, en établissant un nouvel ajustement de la CNRACL, en intégrant une caisse de retraite à une autre, etc. Par ailleurs, il fait preuve d'incohérences lourdes s'agissant du fonds de réserve pour les retraites privés de nombreuses ressources par le projet de loi de financement qui veut en même en montrer la priorité !

Votre rapporteur pour avis estime que l'heure des décisions est venue et que le Gouvernement ne saurait la différer davantage.

Pensions moyennes de droit direct perçues par les retraités ayant effectué une carrière complète selon le régime de base d'affiliation

 

Carrières complètes (2)

 

Types de carrière et régimes de base versant des droits directs (1)

Montant moyen

(en francs)

Effectifs (en %)

Durée de la cotisation (en trimestres)

Part des carrières complètes

(en %)

 

un seul régime de base : retraités unipensionnés

Salariés du secteur privé

8.936

38,4

172

50,8

Agents de la fonction publique d'Etat

12.314

5,2

155

63,7

Agents des collectivités locales (CNRACL)

10.075

0,5

153

26,1

Salariés agricoles (MSA)

5.470

0,8

168

41,0

Autre régime (EDF, SNCF, RATP, Mines, Marine)

10.762

1,4

157

39,9

Ensemble des anciens salariés

9.324

46,2

169

50,9

Exploitants agricoles

2.302

8,4

167

62,5

Artisans (CANCAVA)

4.895

0,2

174

45,7

Commerçants (ORGANIC)

3.616

0,2

162

15,0

Professions libérales

15.823

0,05

159

17,3

Ensemble des anciens non salariés

2.474

8,9

167

57,4

Ensemble des unipensionnés

8.218

55,1

169

51,8

 

Plusieurs régimes de base : retraités polypensionnés

RG et régime salarié agricole

7.207

8,5

177

68,4

RG et régime exploitant agricole

4.655

4,6

186

63,7

RG et régime artisan

6.716

3,2

179

82,1

RG et régime commerçant

7.196

3,5

178

60,9

RG et (régime fonctionnaire ou CNRACL)

10.416

6,1

185

78,9

RG et un autre régime de base

10.869

4,4

180

81,7

RG et deux régimes ou plus

7.771

5,9

189

84,7

Salarié agricole et exploitant agricole

3.931

3,4

174

80,5

Salarié agricole et expl.agricole et un autre régime

5.384

3,7

189

83,4

Autres situations à deux régimes ou plus

8.707

1,6

186

70,3

Ensemble des polypensionnés

7.432

44 ,9

182

74,4

Ensemble

7.865

100

176

60,0

(1)  avantages principaux de bases et complémentaires, hors avantages accessoires, reversion et allocation supplémentaire du FSV

(2) carrières complètes : retraités de 60 ans ou plus ayant cotisé 150 trimestres ou plus.

Source : annexe A du PLFSS 2000


Montants et évolutions des transferts de compensation en exercice

Toutes compensations confondues

(en KF)

 

1996

96/95 (%)

1997

97/96 (%)

1998 (*)

98/97 (%)

1999 (*)

99/98 (%)

Régime général

37.162

- 1,2

35.306

- 5,0

35.341

0,1

35.556

0,6

Salariés agricoles

- 13.130

- 1,4

- 13.423

2,2

- 13.335

- 0,7

- 13.826

3,7

Fonct. Civils

25.904

2,0

26.193

1,1

25.647

- 2,1

26.187

2,1

Font. Militaires

- 6.179

1,7

- 4.768

- 22,8

- 4.587

- 3,8

- 4.293

- 6,4

FSPOEIE

- 1.421

2,8

- 1.436

1,0

- 1.507

5,0

- 1.579

4,8

CNRACL

18.924

1,0

19.179

1,3

19.741

2,9

20.189

2,3

CANSSM

- 16.603

1,6

- 16.803

1,2

- 16.598

- 1,2

- 16.875

1,7

SNCF

- 8.784

- 1,3

- 8.320

- 5,3

/ 8.259

- 0,7

- 8.232

- 0,3

RATP

40

- 21,1

115

ns

124

8,1

131

5,7

ENIM

- 2.716

5,2

- 2.723

0,3

- 2.795

2,7

- 2.883

3,1

EGF

1.145

- 3,9

1.370

19,6

1.357

- 0,9

1.284

- 5,4

CRPCEN

- 229

13,0

- 234

2,1

- 36

- 84,4

- 54

ns

Banque de France

152

4,4

133

- 12,5

167

25,5

169

1,3

SEITA

- 227

0,4

- 228

0,5

- 229

0,5

- 232

1,6

CAMR

- 644

- 3,8

- 613

- 4,8

- 581

- 5,1

- 552

- 5,1

Total salariés

33.392

- 3,8

33.746

1,1

34.448

2,1

34.989

1,6

BAPSA

- 31.556

1,3

- 32.213

2,1

- 33.234

3,2

- 34.267

3,1

CANAM

2.650

15,5

3.078

16,2

3.521

14,4

4.007

13,8

ORGANIC

- 4.396

1,7

- 4.495

2,3

- 4.616

2,7

- 4.710

2,0

CANCAVA

- 1.533

1,6

- 1.699

10,9

- 1.801

6,0

- 1.835

1,9

CNAVPL

2.299

8,0

2.441

6,2

2.529

3,6

2.651

4,8

CNBF

229

12,1

254

11,0

275

8,1

297

7,9

CAMAVIC

- 1.085

0,3

- 1.112

2,4

- 1.122

0,9

- 1.132

1,0

Total non salariés

- 33.392

- 0,2

- 33.746

1,1

- 34.448

2,1

- 34.989

1,6

Signe (-) : le régime reçoit, absence de signe : le régime verse.

(*) Prévisions.

ns : non significatif.

Source : Commission de compensation

III. LES DÉPENSES FAMILIALES AUGMENTENT SANS AMBITION

En 1999, la branche famille a poursuivi son redressement puisque son solde est passé d'un déficit de plus de 14,5 milliards de francs en 1997 à un excédent de 3,2 milliards de francs en 1999 d'après les comptes prévisionnels. Cette amélioration résulte de recettes exceptionnellement élevées en 1999 (6,7 % de hausse), alors que les dépenses se maintenaient elles aussi sur un rythme très rapide de 4,6 %.

Ce redressement apparent est cependant déjà utilisé par le Gouvernement qui a décidé de mettre à la charge de la branche famille la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) ce qui se traduit déjà par 2,5 milliards de francs de dépenses supplémentaires pour 2000. Par ailleurs, il prélève sur ses recettes, pour financer les 35 heures, plus d'un milliard de francs. Au total, le projet de loi de financement dégrade les comptes de la branche famille de plus de 4,6 milliards de francs (1,1 milliard de dépenses diverses, 2,5 milliards de francs pour la majoration de l'ARS et un milliard de perte de recettes).

A. LES REVALORISATIONS DE PRESTATIONS

Le projet de loi de financement contient plusieurs mesures en faveur des familles sous la forme d'une revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) et de l'extension du bénéfice de certaines prestations. Par ailleurs, il revoit entièrement le mécanisme de garantie de ressources de la branche.

1. La revalorisation de la BMAF (article 7)

Le projet de loi de financement modifie le mode de calcul du taux d'augmentation de la base mensuelle des allocations familiales prévu par l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale :

" Le montant des prestations familiales est déterminé d'après des bases mensuelles de calcul fixées par décret, deux ou plusieurs fois par an, de façon à compenser totalement ou partiellement la charge que le ou les enfants représentent pour la famille.

Ces bases mensuelles de calcul évoluent en fonction de l'augmentation des prix et de la participation des familles aux progrès de l'économie. Elles peuvent aussi évoluer en fonction de la progression générale des salaires moyens ou du salaire minimum interprofessionnel de croissance. "


Ce mécanisme a été mis entre parenthèses par la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille. Celle-ci a prévu jusqu'au 31 décembre 1999 de revaloriser la BMAF selon l'évolution des prix pour l'année à venir, en étalant cette hausse tout au long de l'année.

A la différence de ce que fait l'article 12 du projet de loi de financement avec les retraites, l'article 7 pérennise le mode de calcul de la revalorisation annuelle. La BMAF détermine en effet directement 75 % des prestations familiales. En sont déconnectées les aides au logement, l'allocation de garde d'enfant à domicile, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée.

Taux comparé d'évolution de la BMAF et des prix depuis la loi du 25 juillet 1994

(en %)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Revalorisations

 
 
 
 
 
 
 

au 1 er janvier

2

1,2

0

1,42

1,1

0,71

0,5

au 1 er juin

 

0,85

 
 
 
 
 

Evolution annuelle

2

1,7

0

1,3

1,13

0,74

0,5

Evolution des prix hors tabac

 
 
 
 
 
 
 

prévue

2

1,7

2,1

1,3

1,3

1,2

0,9

constatée

1,4

1,8

1,9

1,1

0,8

0,5

-

source : commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de finances

Le nouveau mode de calcul repose donc sur l'évolution des prix hors tabac avec un ajustement en cas de décalage. De la même manière que pour les pensions, l'application du nouveau système aurait du conduire au 1 er janvier 2000 à une hausse de 0,2 % de la BMAF. Le projet de loi de financement donne donc un " coup de pouce " de 0,3 point pour porter le taux d'augmentation à 0,5 %. La majoration a un coût de 340 millions de francs d'après les annexes.

Votre rapporteur pour avis se réjouit d'une revalorisation supplémentaire, même s'il souligne là encore le caractère arbitraire du taux retenu, et la non application des textes : à croire que les mécanismes ne doivent pas s'appliquer pour réduire les dépenses et ne doivent jouer que pour les augmenter.

2. L'extension du bénéfice du complément familial et des aides au logement (article 8)

Les prestations familiales sont soumises à une condition d'âge des enfants. L'article 8 prévoit d'étendre le bénéfice du complément familial et des aides au logement.

Il simplifie d'abord le code de la sécurité sociale puisque toutes les conditions d'âge et d'activité ont été unifiées : sont considérés à charge les enfants jusqu'à 20 ans inactifs ou gagnant moins de 55 % du SMIC mensuel.

Puis, cette règle générale étant posée, il prévoit une dérogation portée de 20 à 21 ans pour le versement du complément familial et des aides au logement, afin d'atténuer la suppression de toutes les allocations dès 20 ans alors que l'âge de présence de l'enfant chez ses parents tend à s'allonger.

Le complément familial est ainsi versé sous condition de ressources aux familles de trois enfants et plus, âgés de trois ans et plus. 60 000 familles ne bénéficieront pour un coût de 330 millions de francs en 2000 et 700 millions de francs en année pleine.

L'allocation de logement familiale (ALF) est la seule aide au logement ayant le caractère de prestation familiale. Elle est accordée sous condition de ressources, d'activité et de niveau du loyer. L'aide personnalisée au logement (APL), quant à elle, fait référence pour la définition des personnes à charge à celle du code de la sécurité sociale. Pour toutes les deux, le coût de cette extension sera de 200 millions de francs en 2000 et 500 millions par la suite. Cependant, elle sera également une charge pour l'Etat qui contribue à hauteur de 50 % au financement de l'APL : 135 millions de francs pour 2000 et 300 millions de francs ensuite. Au total, le coût est donc de 335 millions de francs la première année et de 800 millions de francs en année pleine.

L'article prévoit le cas particulier des DOM où l'ALF est servie jusqu'à 22 ans. Ils continueront à bénéficier de cette extension.

Votre rapporteur pour avis se félicite de cette ultime application de la loi famille de 1994 qui tend à mieux prendre en compte la situation des enfants après leur sortie de l'enfance. Il reconnaît cependant que l'effort financier est très important : 1,5 milliard de francs en année pleine au total.

B. LA TROMPERIE DE LA TRANSFORMATION DE L'ALLOCATION DE RENTRÉE SCOLAIRE EN PRESTATION FAMILIALE

1. Les 4,7 milliards de francs de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire

L'allocation de rentrée scolaire (ARS) est une prestation familiale délivrée par la Caisse nationale de allocations familiales (CNAF). Depuis plusieurs années, elle bénéficie d'une majoration exceptionnelle systématiquement reconduite, à la charge de l'Etat, figurant dans la loi de finances rectificative de l'année, et avancée par la CNAF. Le montant de la majoration était de 6,8 milliards de francs en 1999.

L'allocation de rentrée scolaire (ARS)

 

1997

1998

1999

2000

Montant total (F)

1.600

1.600

1.600

1.600

dont majoration (F)

1.180

1.176

1.173

1.173

Charge CNAF (MMF)

2,3

2,35

2,5

5

Charge Etat (MMF)

6,3

6,4

6,8

4,7

Coût total (MMF)

8,6

8,75

9,3

9,7

La direction du budget a toujours refusé d'inscrire en loi de finances initiale cette majoration en raison de son caractère potentiel : il n'était pas certain que l'Etat déciderait de majorer l'ARS.

Cette année, lors de la Conférence de la famille, le Premier ministre a annoncé que cette majoration serait pérennisée et prise en charge progressivement par la CNAF. Le ministre de l'emploi et de la solidarité et le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale ont repris cet engagement qui s'est traduit par la prévision d'une dépense de 2,5 milliards de francs en 2000 à la charge de la CNAF à ce titre. Le solde (4,7 milliards de francs au moins) devait donc en toute logique figurer dans le projet de loi de finances pour 2000. Il n'en est rien.

L'argument avancé jusqu'alors ne peut plus tenir puisque les annonces ont été faites officiellement et que les premières conséquences ont été tirées pour les comptes de la branche famille. On peut donc estimer que cette non inscription altère gravement la sincérité des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2000 :

• du projet de loi de finances si l'Etat a bien déjà prévu de prendre en charge, conformément aux engagements du Premier ministre, le solde de la majoration de l'ARS ;

• du projet de loi de financement : si l'Etat compte revenir sur sa parole puisque, alors l'intégralité serait à la charge de la branche famille ; si l'Etat compte respecter sa parole parce que alors la CNAF aurait à supporter les frais de l'avance de la majoration qui ne lui serait remboursée par l'Etat qu'à la fin de l'année.

En réalité, le risque est grand en fin d'année 2000 de voir la part à la charge de la CNAF augmentée tandis que les retards de paiement de l'Etat auront de toutes les façons pesé sur la trésorerie de l'ACOSS.

2. Le milliard de francs du FASTIF

De plus, lors de la même Conférence de la famille, le 7 juillet dernier, le Premier ministre a annoncé que l'Etat, en contrepartie de la prise en charge progressive par la CNAF de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, verserait à la CNAF une subvention d'un milliard de francs couvrant les dépenses qu'elle engage au titre du Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles (FASTIF).

Le ministre de l'emploi et de la solidarité a répété cet engagement lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il figure également dans le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1999.

Cependant, ce transfert d'un milliard de francs ne figure ni dans le projet de loi de finances pour 2000, ni dans les prévisions de compte pour 2000 de la CNAF. Mme Aubry a annoncé le 21 octobre à la commission des affaires sociales que cela figurerait dans le collectif 2000.

Il s'agit donc à la fois d'une débudgétisation, d'une mesure altérant la sincérité de la loi de finances et de la loi de financement :

• débudgétisation puisque l'Etat confie à un organisme extérieur, la CNAF, une subvention finançant un troisième organisme, le FASTIF ;

• non sincérité du projet de loi de finances 2000 : s'il est déjà prévu de faire figurer cela en collectif 2000, pourquoi ne pas l'intégrer dans le PLF ;

• non sincérité du projet de loi de financement 2000 : s'il est déjà prévu d'affecter ce milliard à la CNAF pourquoi ne pas le faire figurer dans les comptes de la CNAF ; si cela se réalise au 31 décembre 2000, comment seront alors comptabilisés les frais financiers sur cette avance de la CNAF à l'Etat ?

Qu'il s'agisse de la majoration de l'ARS ou de la subvention au FASTIF votre rapporteur pour avis dénonce la non coordination et l'incohérence des projets de loi de finances et de financement qui revient à minorer les dépenses de l'Etat et faire peser à la fois une forte incertitude (5,7 milliards de francs) et des frais de trésorerie sur les comptes de la branche famille.

C. LA GARANTIE DE RESSOURCES DE LA BRANCHE FAMILLE (ARTICLE 9)

La loi famille du 25 juillet 1994 a posé dans son article 34 le principe de la garantie de ressources :

" Les ressources de la Caisse nationale des allocations familiales sont au moins égales chaque année, pour la période du 1 er janvier 1994 au 31 décembre 1998, au montant qu'elles auraient atteint à la fin de l'année considérée en cas de maintien des dispositions législatives et réglementaires applicables le 1 er janvier 1993 aux taux, à l'assiette et au champ d'application des cotisations et contributions énumérées à l'article L.  241- 6 du code de la sécurité sociale.

S'il est constaté par la Commission des comptes de la sécurité sociale que les ressources de cette caisse sont inférieures au titre d'une année civile au montant déterminé dans les conditions définies à l'alinéa précédent, un versement de l'Etat équivalent à cette différence intervient selon des modalités prévues par la loi de finances établie au titre de l'année suivante. "


Cet article n'a jamais trouvé à s'appliquer. La question a été évoquée s'agissant de 1998. En effet des mesures intéressant les régimes sociaux agricoles et le champ de compétence de l'ACOSS ont occasionné une perte de ressources pour la CNAF :

Pertes de recettes pour la CNAF depuis 1994

(en millions de francs)

 

1994

1995

1996

1997

1998

Changement du champ de compétence pour les régimes agricoles

 

217

325

335

344

Changement de champ de compétence pour l'ACOSS

0,3

5,2

9,5

16

33

TOTAL

0,3

222,2

334,5

351

377

source : commission des comptes de la sécurité sociale

La CNAF estimait que l'article 34 de loi famille devait s'interpréter année après année. La direction du budget quant à elle soutenait le choix d'une appréciation globale de la situation. Le secrétaire général de la Commission des comptes a décidé de ne pas faire jouer la clause de garantie en raison du basculement des cotisations sociales sur la CSG. Cette décision n'a pas entraîné de contentieux.

L'article 9 du présent projet de loi de financement instaure un nouveau système de garantie de ressources. Cette fois sont incluses toutes les recettes de la CNAF sauf la subvention reçue de l'Etat pour la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et les transferts occasionnés par la mise en place de la couverture maladie universelle. La garantie fera l'objet d'un calcul en 2002 par rapport aux recettes de 1997, avec réévaluation en fonction de l'évolution du produit intérieur brut. Le versement de l'Etat interviendrait alors dans la loi de financement pour 2004 (et la loi de finances pour 2004).

Ce mécanisme est une garantie de ressources et non une garantie de solde : il ne tient donc pas compte des variations de dépenses.

Votre rapporteur pour avis se réjouit de la reprise d'une disposition inscrite dans la loi famille et figurant dans la proposition de loi relative à la famille des sénateurs Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan (n° 396, 1998-1999), mais conteste que dès le présent projet de loi de financement elle soit altérée.

IV. LE RISQUE DE L'AMIANTE PÈSE SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL

A. LES EVOLUTIONS CONTRASTEES DE LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL

La branche accidents du travail a vu son excédent passer de 1,57 milliard de francs en 1998 à 444 millions en 1999 à cause d'une très forte progression des dépenses (+ 4,5 %) pour des recettes augmentant moins rapidement (+ 1,9 %). Le solde prévisionnel pour 2000 devrait s'établir à 648 millions de francs mais atteindra près d'un milliard de francs suite au changement de mode de financement des 35 heures. En effet, la branche accidents du travail ne bénéficiant pas du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine, la suppression du prélèvement opéré par le 35 heures se traduit par une baisse de ses dépenses de 360 millions de francs non " compensée " par un prélèvement sur ses recettes.

Du point de vue des dépenses, il convient de noter un redémarrage à la hausse des accidents du travail et maladies professionnelles.

Accidents du travail

 

1994

1995

1996

1997

1998

Accidents survenus

1.357.803

1.361.723

1.307.381

1.317.150

1.321.790

Accidents avec arrêt

678.494

686.043

654.772

668.623

641.845

Accidents mortels

899

761

733

794

nd

Maladies constatées et reconnues

10.345

11.367

13.658

14.737

9.971

Dont maladies mortelles

44

67

65

49

nd

Chiffres semi-définitifs pour 1997 et provisoires pour 1998

Cette reprise du nombre d'accidents du travail se traduit surtout par une croissance en volume (chiffres bruts) et non une augmentation de la fréquence des accidents, s'expliquant en grande partie, sur ces dernières années, par la croissance économique. Cela soulève tout de même une question de principe sur l'évolution des conditions de travail.

Par ailleurs, la branche devrait connaître une très forte progression de ses dépenses à cause de la montée en puissance du dispositif relatif aux victimes de l'amiante.

B. LE POIDS CROISSANT DU PROBLEME DE L'AMIANTE

1. L'extension du dispositif de prise en charge des victimes de l'amiante (articles 26 et 26 A)

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a mis en place un dispositif global de prise en charge des victimes de l'amiante, par l'aménagement des délais de déclaration, forclusion, prescription, et par la création d'un dispositif de cessation anticipée d'activité.

Celui-ci est ouvert aux salariés et anciens salariés des établissements de manufacture de l'amiante, et ceux atteints de certaines maladies professionnelles précisées dans la loi. Ils bénéficient d'une allocation calquée sur les préretraites FNE, prise en charge, ainsi que les cotisations sociales qui l'accompagnent, par un fonds de financement. Celui-ci est abondé par l'Etat et les organismes de protection sociale accidents du travail. Les dépenses sont liquidées par les caisses régionales d'assurance maladie. Le comité de surveillance du fonds a été installé le 8 juillet 1999 et les premières demandes ont été acceptées à ce moment-là, avec rappel jusqu'à début avril. En septembre 1999, le fonds avait reçu 2 500 demandes et admis le versement de l'allocation à 310 personnes.

L'article 26 du projet de loi de financement étend le bénéfice de cette allocation. En effet, plusieurs professions ont été exposées gravement à l'amiante. 8 000 personnes seraient concernées par cette extension selon la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale (10 000 selon celle des finances). Les nouveaux bénéficiaires devront avoir travaillé dans secteur des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, celui de la construction et de la réparation navales, à quoi s'ajouteront les dockers ayant manipulé des sacs d'amiante.

Par ailleurs, cet article modifie le mode de calcul de l'allocation en changeant la période de référence : sont pris en compte les douze derniers mois sans en déduire les périodes d'activité incomplète pour raison de santé.

Enfin, sur proposition de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement étendant d'une année supplémentaire le délai de forclusion des dépôts de demandes de bénéfice de la cessation anticipée pour les victimes de l'amiante (article 26 A).

Cette extension, qui fait suite à celles prévues dans le projet de loi de financement initial quant aux professions bénéficiaires, a un coût non estimé lors de la discussion du projet de loi de financement mais paraît légitime pour faciliter les démarches des victimes.

2. La montée en charge prévisible des dépenses du fonds

Les ressources du fonds, aux termes de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, sont constituées " d'une contribution de l'Etat et d'un versement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au titre des charges générales de la branche. Un arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget fixe annuellement les montants de ces contributions. "

Au lieu de cela, le fonds n'a reçu que 100 millions de francs correspondant à la participation de l'Etat. Ces crédits ont été pris sur l'article 10 " Fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines " ( !) du chapitre 47-23 du budget de la santé et de la solidarité. La loi de finances rectificative pour 1999 pourrait accroître cette somme. En revanche, aucun versement de la branche accidents du travail / maladies professionnelles n'est venu compléter cette dotation, contrairement à ce qui avait été prévu.

La loi de finances pour 2000 modifie la forme de la dotation de l'Etat, sans d'ailleurs que l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 soit corrigé en conséquence, ce qui laisse songeur sur la cohérence de la production législative. Elle prendra la forme d'un transfert de 0,43 % du produit des droits sur les tabacs (article 29 du projet de loi de finances pour 2000), ce qui devrait représenter 200 millions de francs en 2000.

Les prévisions de dépenses du fonds font état de 2000 allocataires indemnisés à la fin de l'année 1999 pour un coût de 130 millions qui passerait à 400 millions de francs en année pleine.

L'extension prévue à l'article 26 aurait quant à elle un coût de 600 millions de francs en année pleine, soit un total de dépenses pour le fonds estimé à brève échéance à un milliard de francs par an .

Or si le projet de loi de finances fixe le montant de la participation de l'Etat, les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale sont muettes sur la participation de la branche accidents du travail maladies professionnelles qui devrait pourtant assumer un coût de 800 millions de francs en année pleine, supérieur par exemple à ses excédents annoncés pour 2000. Cette absence paraît donc atteindre à la sincérité du projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté au Parlement.

Par ailleurs, comment feront les caisses régionales d'assurance maladie pour contrôler les demandes émanant des dockers ayant été exposés à l'amiante ? De très strictes conditions devront être posées, faute de quoi ce fonds pourrait financer des préretraites de dockers dont le lien avec l'amiante serait assez ténu.

Votre rapporteur pour avis, s'il considère que la solidarité nationale doit jouer à l'égard des victimes de l'amiante, se montre donc très critique envers l'absence de prise en compte dans les prévisions de dépenses de la branche accidents du travail de la participation de celle-ci au fonds de prise en charge de la cessation d'activité des victimes de l'amiante, qui vient altérer la sincérité du projet de loi de financement.

C. L'AMÉLIORATION DE LA RÉPARATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS SUCCESSIFS (ARTICLE 26 BIS)

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement qui prévoit l'indemnisation des " petits accidents successifs " soit par une rente soit par indemnité en capital.

De plus, cet amendement répare une inégalité de traitement entre les victime d'un seul accident et celles de plusieurs accidents légers quant au calcul du taux d'invalidité. Dorénavant en cas d'accidents successifs, il sera tenu compte du ou des taux d'incapacité antérieurs.

Le coût de cet amendement pour les régimes d'accidents du travail n'a pas été chiffré.

V. LA POLITIQUE DE TRÉSORERIE LAISSE PERSISTER LES ABERRATIONS DES ANNÉES PASSÉES

Au delà de bonnes mesures de simplification, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 contient les traditionnelles ratifications du décret d'avances et fixation des plafonds pour l'année prochaine. Or, cette politique de relèvements à la hausse ne s'attaque pas aux vrais problèmes de la trésorerie de la sécurité sociale que sont les délais de paiement par l'Etat et l'absence de " loi de financement de règlement " qui permettrait de solder les comptes.

A. LA SIMPLIFICATION DES MESURES DE TRÉSORERIE ENTRE L'ACOSS ET LES URSSAF (ARTICLE 29)

Les relations financières techniques entre chaque URSSAF et l'ACOSS sont aujourd'hui marquées par une grande complexité technique :

1. Le cotisant verse un chèque à l'URSSAF ;

2. L'URSSAF dépose le chèque sur un compte ouvert dans un établissement privé ;

3. L'établissement remet à l'URSSAF un chèque de couverture ;

4. L'URSSAF dépose le chèque de couverture auprès du correspondant local de la Caisse des dépôts et consignations qui héberge le compte unique de disponibilités de l'ACOSS ;

5. Le correspondant local de la Caisse demande à la Banque de France un chèque de contrepartie pour les chèques tirés hors place ;

6. La Banque de France lui accorde un chèque de contrepartie et donc lui fournit un crédit gratuit en attendant l'encaissement du premier chèque, soit deux ou trois jours.

L'article 29 propose de simplifier ces relations en instaurant un virement des comptes des URSSAF vers celui de l'ACOSS. Déjà la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu que tout employeur redevable de plus de 6 millions de francs de cotisations devait procéder au paiement par virement bancaire ou moyen dématérialisé.

Cette mesure se traduira par une perte en trésorerie pour les chèques hors place qui subsisteront, mais surtout par le gain d'une journée de trésorerie pour l'ensemble des autres moyens de paiement puisque les comptes de l'ACOSS seront aussitôt crédités. Par ailleurs, cette mesure a l'avantage de permettre de se conformer à l'obligation posée par la Banque centrale européenne aux banques centrales nationales de supprimer les avances gratuites, qui profitaient en réalité aux banques commerciales hébergeant les comptes des URSSAF.

Bilan de l'individualisation de la gestion de trésorerie

" La loi du 25 juillet 1994 a institué une individualisation de la trésorerie de chaque branche, pour lesquelles l'ACOSS assure une gestion commune. Elle garantit un suivi de trésorerie individualisé, le créditement de chacune des branches en fonction de sa situation de trésorerie. Cette règle autorisait l'externalisation de la trésorerie sous réserve de l'application de la règle sur les excédents durables. Cette règle exigeait qu'une branche dispose de trésorerie excédentaire tout au long de l'année. Cette condition n'a jamais été remplie.

Ces règles relatives à la gestion de la trésorerie et notamment à l'établissement de prévisions par branche ont été appliquées rigoureusement depuis la loi du 25 juillet 12994 et son décret d'application n° 95-516 du 24 février 195 sur la gestion de trésorerie.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a supprimé la notion d'excédents durables de trésorerie mentionnée à l'article L. 225-1 du code de la sécurité sociale. L'article 46 de cette même loi lui substitue la notion d'excédents de trésorerie globalement constatés. Ainsi, alors qu'auparavant une branche aurait pu externaliser sa trésorerie pour placer, à la condition de disposer toute l'année d'une trésorerie excédentaire, les placements sont aujourd'hui possibles pour les seules périodes où les trésoreries cumulées des différentes branches du régime général présentent un excédent. Cette nouvelle règle garantit la solidarité des branches ne trésorerie et autorise le placement d'excédents de trésorerie ne période de fort excédent cumulé ".

Source : réponse au questionnaire de la commission des finances

B. LA RATIFICATION DU DÉCRET DE RELÈVEMENT DU PLAFOND D'AVANCES DE TRÉSORERIE (ARTICLES 29 bis ET 30)

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait fixé le plafond de trésorerie du régime général à 24 milliards de francs. Il s'est révélé insuffisant et le décret du 7 octobre 1999, dont l'article 30 du présent projet de la loi de financement demande la ratification, l'a porté à 29 milliards de francs.

Le profil révisé du régime général part d'un solde négatif de 6 milliards de francs au 1 er janvier pour atteindre un solde négatif de 2,7 milliards de francs au 31 décembre, en passant par un point bas de - 24,1 milliards de francs le 12 octobre. L'amélioration de fin d'année s'explique par l'encaissement en décembre des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement.

L'écart par rapport aux prévisions initiales est d'autant moins justifiable que le régime général devrait connaître une amélioration par rapport à ce que le Gouvernement attendait.

En réalité, une fois encore, le dépassement résulte essentiellement de la décision du Gouvernement de majorer l'allocation de rentrée scolaire mais de ne verser la somme correspondant à son coût (6,2 milliards de francs) qu'après adoption de la loi de finances rectificative pour 1999. En attendant, la trésorerie du régime général subit les frais liés à cette avance, ce qui explique le passage sous le seuil minimal.

Votre rapporteur pour avis écrivait l'année dernière : " les mêmes causes produisant les mêmes effets, une reconduction de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire l'an prochain entraînerait une dépassement du plafond de trésorerie du régime général, fixé à 24 milliards de francs par l'article 36 " 59( * ) . Il déplore de ne pas avoir été entendu l'année passée car ces ratifications montrent le peu de sincérité des projets soumis au Parlement en matière financière.

L'année prochaine, le solde partirait d'un point négatif de 2,7 milliards de francs pour revenir à un excédent de 5,2 milliards de francs en fin d'année. A la mi octobre, le besoin de trésorerie serait de 25,9 milliards de francs. L'année devrait être marquée par de fortes incertitudes sur le rythme d'encaissement des recettes suite aux changements introduits par la loi de financement, notamment avec les fonds de financement du passage aux 35 heures et de la couverture maladie universelle.

La prise en charge partielle par la CNAF l'an prochain de la majoration et le relèvement du plafond en 2000 à 29 milliards de francs devrait limiter le recours à un éventuel décret de relèvement du plafond. Cependant, votre rapporteur pour avis regrette, cette année avec encore plus de force, que l'Etat n'inscrive pas la majoration de l'ARS à son budget initial et n'assure pas le versement de sa part en temps et en heure. Il n'est pas normal que les retards de l'Etat pèsent sur les frais financiers de l'ACOSS et donc se répercutent sur les prélèvements sociaux des Français.

Il se réjouit donc de l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement de la commission des finances tendant à la " neutralité des flux financés par la trésorerie des régimes de protection sociale " (article 29 bis ).

Les avances de trésorerie de la Caisse des dépôts

" L'ACOSS bénéficiait depuis la convention ACOSS / CDC du 18 juin 1980 d'un crédit de 15 milliards de francs en cas de besoin de trésorerie. Ce montant a été porté à 20 milliards de francs par un avenant du 8 juillet 1998.

Ces avances sont consenties au taux du marché (EONIA) + 0,5 point pendant 21 jours par trimestre civil. En dehors de ces périodes, il est possible de recourir à des avances exceptionnelles pendant huit jours sur l'année civile au EONIA + 1 point. L'ACOSS peut éventuellement demander des avances exceptionnelles dérogatoires en cas de nécessité. Ces dernières sont au même taux que les précédentes.

Un protocole d'accord du 24 septembre 1996 prévoyait que l'ACOSS pouvait disposer d'une facilité maximale de 25 milliards de francs pour la période du 25 septembre 19996 au 1 er janvier 1997. Ces avances supplémentaires étaient rémunérées à TMP + 0,5 point. Au total, l'ACOSS disposait d'un crédit de 40 milliards de francs.

Un protocole d'accord du 28 février 1997 prévoyait que l'ACOSS pouvait disposer d'une facilité maximale de 51 milliards de francs pour la période du 28 février 1997 au 30 septembre 1997. Ces avances supplémentaires étaient rémunérées à TMP + 0,45 point. Au total, l'ACOSS disposait d'un crédit de 66 milliards de francs.

Un protocole d'accord du 30 septembre 1997 jusqu'au 29 janvier 1998 prévoyait une facilité d'un maximum de 87 milliards de francs. Ces avances supplémentaires étaient rémunérées à TMP + 0,45 point. Au total, l'ACOSS disposait de 92 milliards de francs.

En 1998, un nouveau protocole d'accord a autorisé une facilité de 11 milliards de francs avec la CDC afin que la sécurité sociale puisse disposer de fonds à hauteur de 31 milliards de francs comme autorisés par le décret n° 98-753 du 26 août 1998 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale. cette facilité portait le taux de TMP + 0,5 point.

En 1999, l'ACOSS a été contrainte de recourir à des avances exceptionnelles. Elle a négocié une nouvelle facilité de trésorerie dans le cadre d'un dépassement du plafond de 24 milliards fixé par le Parlement dans la loi de financement pour 1999 et du relèvement de ce plafond. "

Source : réponse au questionnaire de la commission des finances


Par ailleurs, votre rapporteur pour avis rappelle que le plafond de trésorerie est également le fruit des déficits passés : à partir du 1 er janvier 2000, l'ACOSS supportera dans ses comptes les pertes du régime général de 1999 (4 milliards de francs), et l'écart de 4,5 milliards de francs entre le déficit provisionné de 1998 (12 milliards de francs) et le déficit réel (16,5 milliards de francs), soit un total d'au moins 8,5 milliards de francs.

Il s'étonne donc que le projet de loi de financement soit muet sur les conséquences de ces déficits résultant des erreurs de prévisions et de politiques du Gouvernement, sinon à y répondre par des avances de trésorerie génératrices de frais financiers pour l'ACOSS.

C. LE LANCINANT PROBLEME DE LA CNRACL

Pour la troisième année consécutive, le projet de loi de financement autorise la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL ) à emprunter pour couvrir ses besoins de trésorerie en cours d'exercice . L'emprunt est autorisé dans la limite d'un plafond fixé à 2,5 milliards de francs.

1. L'absurdité d'une logique d'endettement

Les difficultés financières de la CNRACL , caractérisées par un résultat déficitaire depuis 1992 60( * ) et l'épuisement des réserves à compter de 2000, sont, paradoxalement, dues au ratio démographique favorable de la caisse.

En effet, en raison du caractère favorable de sa démographie, la CNRACL participe, du fait des mécanismes de " compensation " et de " surcompensation ", au financement des autres régimes de retraite. Depuis 1987, date d'entrée en vigueur de la surcompensation, environ un tiers des ressources de la CNRACL ne sont pas consacrées aux prestations servies aux retraités des fonctions publiques territoriales et hospitalières, mais à l'équilibre financiers d'autres régimes.

Par exemple, en 1998, les ressources de la caisse s'élevaient à 60,8 milliards de francs. 44,9 milliards de francs ont été consacrés au versement des prestations tandis que 19,1 milliards de francs étaient transférés aux autres régimes. Le résultat de l'exercice accusait un déficit de 1,7 milliard de francs.

La CNRACL peut lisser au cours d'un exercice les versements aux régimes qui en bénéficient des sommes qu'elle doit au titre de la compensation et de la surcompensation, les acomptes, en fonction de la situation de sa trésorerie. Ce " décalage " des acomptes a porté en 1999 sur 3,016 milliards de francs.

Une utilisation plus large de la pratique du décalage des acomptes permettrait d'éviter à la CNRACL d'avoir recours à l'endettement pour subvenir à ses besoins de trésorerie.

Cependant, les périodes de l'année pendant lesquelles la situation de la trésorerie de la CNRACL lui permet de verser ses acomptes ne coïncident pas forcément avec celles au cours desquelles le régimes bénéficiaires de la compensation et de la surcompensation rencontrent des besoins de trésorerie. En conséquence, depuis 1998, la CNRACL a été autorisée à recourir à l'endettement de manière à pouvoir satisfaire le plus rapidement possible les besoins de trésorerie des autres régimes de sécurité sociale, et notamment des autres régimes spéciaux.

Il apparaît donc que, d'une part, l'existence des mécanismes de compensation et de surcompensation est à l'origine des difficultés financières de la CNRACL et que, d'autre part, la caisse est maintenant contrainte de recourir à l'endettement pour permettre une gestion plus confortable des autres régimes.

La caisse n'a pas utilisé sa faculté d'emprunter en 1998. En 1999, elle s'est endettée auprès du crédit local de France. Les frais financiers afférent à cet emprunt, qui doit être remboursé avant la fin de l'année, se sont élevés à 1,9 millions de francs.

En 2000, d'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès du ministère de l'emploi et de la solidarité, la CNRACL fera également usage de sa faculté de recourir à l'emprunt.

2. L'indispensable reforme des modalités de la participation de la CNRACL au système des compensations

a) La CNRACL devient structurellement déficitaire

Les difficultés financières de la CNRACL, provoquées par les modalités de sa participation au système des compensations, sont aggravées par la dégradation de son ratio démographique. Celui-ci s'établissait à 3,7 en 1987 et à 2,8 en 1997. Les projections réalisées par la Caisse des dépôts et consignations font état d'un ratio de 2,36 en 2000, de 1,75 en 2005, de 1,43 en 2010 et de 1,2 en 2015.

Le rapporteur du groupe de travail sur la CNRACL mis en place au sein du comité des finances locales, M. Jean-Claude Frécon, considère que certaines réformes structurelles sont nécessaires, notamment la modulation de la durée de cotisation et du taux d'annuité.

Il constate cependant que l'entrée en vigueur de ces mesures n'aurait pas d'impact à court terme, et ne permettraient donc pas à la caisse de faire face à son besoin de financement pour 2000 et 2001, qu'il chiffre, en l'absence de changement de la réglementation, à 6 milliards de francs, soit l'équivalent de 3 points de cotisations.

Ce besoin de financement n'existerait pas si la CNRACL ne consacrait pas le tiers de ses ressources aux versements aux autres régimes . Par conséquent, il apparaît que le meilleur moyen de rétablir l'équilibre des comptes de la caisse est de diminuer le montant de ces versements obligatoires, et notamment les versements au titre de la surcompensation. Leur montant est déterminé par le taux d'appel de la surcompensation. Initialement fixé à 22 %, il a été porté à 30 % en 1992 et à 38 % pour les années suivantes. Les élus locaux réclament depuis longtemps sa diminution.

Afin d'obtenir de l'Etat un geste en matière de surcompensation, le groupe de travail constitué au sein du comité des finances locale a proposé de répartir en trois parts l'effort nécessaire en 2000 et en 2001 entre l'Etat, qui consentirait à baisser le taux de la surcompensation, les collectivités locales, qui accepteraient une majoration de leur taux de cotisation, et les agents, dont les cotisations augmenteraient également. L'augmentation des cotisations des agents a été jugée possible en raison des augmentations de leurs traitement résultant de l'accord salarial dans la fonction publique de février 1998. En outre, le taux de cotisation des agents de la fonction publique territoriale est de 7,80 %, alors qu'il est de 10 % dans le secteur privé.

En cette matière, les élus locaux, comme les parlementaires, doivent se contenter de faire des propositions puisque tant la détermination du taux de la surcompensation que celle des taux de cotisation relèvent du pouvoir réglementaire.

b) L'équilibre devrait être atteint en 2000 et en 2001

Le Gouvernement a partiellement entendu les préconisations des élus locaux et a décidé de répartir l'effort entre l'Etat et les collectivités locales :

- le taux de la surcompensation baissera de 8 % en deux ans. Il sera porté à 34 % en 2000 et à 30 % en 2001. En d'autres termes, l'Etat accepte de réduire le montant de la participation de la CNRACL au financement des cinq régimes spéciaux qui bénéficient de la surcompensation 61( * ) et donc, en principe, d'accroître le montant des subventions d'équilibre versées par l'Etat à ces régimes. 62( * )

Les subventions de l'Etat aux autres régimes spéciaux constituent des crédits votés en loi de finances, inscrits aux budgets de ministères concernés par ces régimes (par exemple, les crédits subventions au régime de la SNCF figurent au budget du ministère des transports, les subventions au régime des mines sont au budget des charges communes, etc.). Le projet de loi de finances pour 2000 ne prévoit pas les ajustements nécessaires. Il conviendra donc d'être vigilant et de s'assurer que l'Etat, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1999 ou de la loi de finances rectificative pour 2000, supporte réellement l'effort qu'il a annoncé.

Cette vigilance est d'autant plus nécessaire que l'effort de l'Etat s'accompagnera d'une augmentation de l'effort financier des collectivités locales.

- les taux de cotisation des collectivités locales employeurs augmenteront de 1 % en deux ans, soit un effort de 1,1 milliard de francs, dont 550 millions de francs en 2000. Le Gouvernement n'a, en revanche, pas retenu l'idée d'une augmentation de la participation des agents.

Ces mesures devraient permettre à la CNRACL de faire face à ses engagements en 2000 et en 2001 :

- en 2000, le déficit prévisionnel s'élève à 3,7 milliards de francs. La baisse de 38 % à 34 % du taux de la surcompensation minorera les charges de la caisse de 1 milliard de francs, tandis que l'augmentation des cotisation augmentera les ressources d'autant. Le solde, soit 1,7 milliard de francs, sera couvert par la consommation des réserves disponibles fin 1999, soit 1,57 milliard de francs. L'écart entre 1,7 et 1,57 disparaîtra si, comme c'est le cas ces dernières années, le déficit réalisé se révélait inférieur au déficit prévisionnel ;

- en 2001, les mesures nouvelles réduiront de 4 milliards de francs le besoin de financement de la CNRACL . Cependant, le déficit prévisionnel s'élève aujourd'hui à 4,7 milliards de francs. Le Gouvernement parie donc que les comptes de la CNRACL se redresseront de 700 millions de francs d'ici à 2001.

Au total, ces mesures devraient permettre à la CNRACL de passer, dans des conditions difficiles, le cap de 2000 et de 2001. Elles ne font toutefois que reporter les échéances, c'est-à-dire la mise en oeuvre de véritables réformes de structure.

A ce titre, il convient de se demander dès aujourd'hui si les collectivités locales et leurs agents pourront encore longtemps continuer à consacrer le tiers de leurs cotisations au financement des prestations servies à des retraités d'autres régimes qui, en outre, bénéficient souvent de prestations plus favorables que celles offertes par la CNRACL.

Votre rapporteur pour avis s'étonne donc que ce " plan de redressement " fasse ainsi l'impasse sur 700 millions de francs en misant sur la reproduction des bonnes surprises du passé. Cette crainte est d'autant plus fondée que le régime général supporte la plus grande partie des incertitudes financières.

c) ... aux conséquences financières sur le régime général

Les mesures proposées par le redressement de la CNRACL ont de lourdes conséquences financières sur les équilibres financiers de la sécurité sociale et, plus particulièrement, de la CNAMTS et de la CNAVTS.

L'effet pour l'assurance maladie résulte directement des hausses de cotisations des hôpitaux en tant qu'employeurs soit :

450 millions de francs en 2000,

900 millions de francs en 2001.

L'effet pour l'assurance maladie est plus incertain et dépend de la bonne application des promesses du Gouvernement. En effet, en l'absence d'une inscription au projet de loi de finances de l'effort de l'Etat comprenant la baisse du taux de compensation, ce sont trois milliards de francs sur 2 ans (un milliard en 2000 et deux milliards en 2001) qui pèseront sur la CNAVTS par le simple jeu de la compensation entre les régions. C'est pourquoi il est particulièrement essentiel que le projet de loi de finances prévoit de manière explicite la compensation par l'Etat de ces trois milliards de francs.

*

La question de la CNRACL illustre à la fois les absurdités de la politique de trésorerie - emprunter à court terme pour payer les charges de l'Etat -, de la politique en matière de retraites - ne rien faire - , et de la politique d'ensemble des finances publiques - l'absence de coordination des projets de loi de finances et de financement.

CONCLUSION : LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR POUR AVIS

Votre rapporteur pour avis estime que le projet de loi de financement, tel qu'il résulte des délibérations de l'Assemblée nationale en première lecture n'est pas acceptable.

Il comporte une mesure coûteuse, qui aggrave les prélèvements, handicape l'économie, ne fera pas diminuer le chômage : le non financement des 35 heures.

Il n'enraye pas la hausse des dépenses.

Il n'engage pas la baisse des prélèvements obligatoires.

Il ne prépare pas les réformes nécessaires pour adapter notre système de protection sociale à l'avenir.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur pour avis vous propose d'émettre un avis négatif et s'en remet à la commission des affaires sociales, avec laquelle une réflexion commune a, sur bien des points, été menée, pour lui apporter les corrections nécessaires, sous réserve de la suppression de l'ensemble des mesures relatives aux 35 heures.

Au delà de ce projet de loi, votre rapporteur pour avis souhaiterait émettre huit observations tournées vers l'avenir comme autant de lignes directrices qu'il ouvre à la réflexion.

1. La part collective du financement de la protection sociale doit désormais se stabiliser

Atteignant presque 22 % du PIB, les prélèvements obligatoires sociaux ne doivent pas augmenter, en proportion de l'activité. Les hausses de dépenses supérieures à la croissance économique devront ainsi contraindre à des choix de prise en charge collective des dépenses au sein d'une enveloppe. Cela permettra de dépenser mieux.

2. Il faut raisonner dans la globalité des finances publiques

Les finances publiques constituent un tout au sein duquel doit régner une cohérence. L'approche en termes de prélèvements, d'évolution de la dépense, de dette ne peut se distinguer selon le caractère social ou étatique des intervenants. Il convient donc de progresser sur la voie d'une consolidation des comptes publics, qu'il s'agisse des réalisations comme des prévisions des dépenses comme des recettes.

3. La sincérité et la lisibilité du financement de la protection sociale doivent devenir des objectifs majeurs

Les liens étroits avec le projet de loi de finances, les difficultés à opérer la réforme comptable, les astuces techniques, tout cela ne concourt pas à la sincérité du projet de loi de financement de la sécurité sociale comme des comptes sociaux. Aujourd'hui règne une opacité inacceptable et propice à tous les excès. Il convient de s'astreindre à la clarté.

4. Il faut en finir avec l'opinion selon laquelle toute capacité de financement doit aller à la couverture de nouvelles dépenses

Les recettes supplémentaires tirées de la croissance comme de la hausse des prélèvements ont servi ces dernières années à couvrir des dépenses toujours croissantes. Il convient de rompre avec cette tendance à utiliser chaque marge de manoeuvre, qui conduit à des rythmes d'évolution des dépenses trop élevés, ne correspondant à aucun choix de politique et qui fragilise le système dans l'avenir.

5. Il faut tirer les conséquences des écarts financiers constatés

Chaque exécution de loi de financement constate des écarts très importants entre les prévisions et les réalisations. Cependant, faute de " loi de financement de règlement ", ils ne sont jamais sanctionnés et brouillent ainsi les décisions tout en pesant sur la trésorerie. Il devient indispensable d'instaurer un rendez-vous législatif de correction des écarts.

6. La réforme des retraites n'est toujours pas mise en oeuvre

L'urgence de cette réforme ne fait aucun doute. Elle devra faire de façon globale, sans épargner aucun secteur d'activité, ni négliger aucune piste.

7. Il faut affecter les excédents à venir en priorité à la réduction de la dette sociale et à la baisse des prélèvements sociaux.

Les améliorations de solde résultant de hausses des recettes doivent servir à diminuer l'encours de la dette de la CADES (recettes exceptionnelles) et le niveau des prélèvements.

8. Il faut hâter l'adaptation de nos structures et outils de santé aux évolutions en cours

Notre système de santé va se retrouver dans les années à venir face à un bouleversement majeur, à la hauteur de ceux qui ont vu le développement des antibiotiques et celui des techniques lourdes d'hospitalisation. Les innovations technologiques dans le domaine du médicament, la baisse du coût des matériels, la progression de la sécurité sanitaire vont conduire à une réorientation progressive de notre système de soins, aujourd'hui centré sur l'hôpital lieu d'hébergement et de prouesses techniques, vers une place croissante donnée à la médecine ambulatoire et aux structures légères.

Dans le même temps devront évoluer notre approche de la dépendance, la place de la vieillesse dans la société, la conception et la vision de la mort.

Ces bouleversements ne peuvent s'intégrer à l'organisation actuelle de notre protection sociale et, plus particulièrement, de notre système de santé. Ils entraîneront des transferts humains, financiers, de structures très importants. Votre rapporteur pour avis estime essentiel d'adapter dès aujourd'hui nos dépenses sociales à ces évolutions qui se dessinent.

*

Ainsi, il convient désormais de consacrer nos efforts à une amélioration de la qualité de la dépense : dépenser mieux pour mieux satisfaire les attentes des Français et ne pas handicaper l'économie française.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 10 novembre 1999, sous la présidence de M. Alain Lambert, la commission a procédé, à l' examen du projet de loi 40 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2000 , sur le rapport de M. Jacques Oudin , rapporteur pour avis .

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a d'emblée indiqué qu'il estimait ce projet de loi encore plus mauvais qu'il aurait pu le penser. Rappelant le rôle que jouait la commission des finances dans l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, il a estimé que cette dernière devait donner une vision nette du présent et de l'avenir : étudier au Parlement les différents comptes sociaux, évaluer l'état des réformes entreprises en matière de politiques sociales, décider des ajustements nécessaires pour prendre en compte les dérives financières. Il a observé que, sur aucun de ces sujets, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 n'offrait de perspective satisfaisante : les comptes sont brouillés ; les finances sociales n'ont pas de cohérence avec les finances de l'Etat ; les politiques sociales sont bien loin de l'ampleur des enjeux ; l'exercice est comme pollué par les modalités de financement du passage aux 35 heures.

Le rapporteur pour avis a souhaité replacer le projet de loi de financement dans le contexte plus général des finances publiques. Il a ainsi indiqué que la protection sociale représentait en 1998 30,6 % du produit intérieur brut (PIB), et que ce projet avait une ampleur financière supérieure à celle de la loi de finances. Il a ensuite formulé plusieurs observations sur les prélèvements obligatoires affectés aux administrations de sécurité sociale : ceux-ci dépassent ceux affectés à l'Etat ; ils connaissent une hausse ininterrompue ; la France est le pays d'Europe qui a le plus fort taux de prélèvements obligatoires sociaux (19,6 % contre une moyenne de 9,8 % dans les pays membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et la plus forte proportion de prélèvements sociaux dans l'ensemble des prélèvements obligatoires (41,6 % contre une moyenne de 28,9 % dans l'OCDE). Il a constaté que, depuis 1997, pas moins de douze impositions et taxes sociales avaient été soit créées, soit élargies. Il a rappelé que la sécurité sociale avait bénéficié de recettes exceptionnellement favorables depuis 1997, fruit de la croissance économique et des prélèvements nouveaux. Il a constaté en revanche que les dépenses se poursuivaient depuis trois ans sur un rythme trop élevé, supérieur à 3 % en moyenne et que, de ce point de vue, le Gouvernement porterait la lourde responsabilité de n'avoir pas utilisé les recettes supplémentaires pour engager les réformes essentielles dont a besoin notre système de protection sociale. Il a également voulu dénoncer par avance toute approche par le solde, estimant que son redressement ne devait pas cacher la progression des dépenses, rigides et pérennes, et des recettes, elles, plus volatiles.

Puis M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a mentionné les liens très étroits unissant les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Il a indiqué que ces imbrications, non seulement rendaient presque impossible une vision globale et cohérente des finances publiques, mais encore retiraient toute sincérité à chacun des deux textes. En dehors des dispositions nécessaires au financement des 35 heures, il a illustré son propos de plusieurs exemples :

- la loi de finances ne mentionne pas la part de l'Etat (4,7 milliards de francs) dans la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) qui figure pourtant au projet de loi de financement ;

- la loi de finances ne mentionne pas la prise en charge par l'Etat d'un milliard de francs correspondant à la subvention de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), au Fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leur famille, dont le transfert vers le budget de l'Etat figure pourtant au projet de loi de financement ;

- la loi de finances ne mentionne pas la prise en charge par l'Etat de la baisse de 3 milliards de francs sur deux ans du versement de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) au titre de la surcompensation, baisse qui figure pourtant dans la loi de financement ;

- la loi de finances ne mentionne pas les conséquences financières des diverses revalorisations de prestations et exonérations de cotisations qui figurent pourtant au projet de loi de financement dans le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) ;

- à l'inverse, la loi de financement ne mentionne pas le prélèvement de 1 milliard de francs sur le produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au BAPSA qui figure pourtant en loi de finances.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a ainsi souligné la nécessité, déjà mise en évidence par le rapporteur général, de disposer d'une lecture consolidée des finances publiques.

Il a ensuite mis en doute la fiabilité des comptes de la sécurité sociale. Il a observé que ces observations résultaient avant tout de l'incapacité de l'Etat à présenter une comptabilité en droits constatés de l'ensemble des régimes. Il a expliqué que la commission des comptes de la sécurité sociale avait, contre tout principe, minoré l'excédent prévisionnel du régime général de 8,1 milliards de francs en imputant sur les comptes des caisses des mesures figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : la participation du régime général à hauteur de 5,6 milliards de francs au financement des 35 heures et la part revenant à la CNAF de la majoration de l'ARS (2,5 milliards de francs). Il a fait remarqué que la loi de financement dégradait ainsi en réalité le compte tendanciel de plus de 12 milliards de francs, et non pas de 4 milliards de francs comme l'indique le Gouvernement.

Puis, le rapporteur pour avis a détaillé le mode de financement des 35 heures en constatant que le bouleversement du dispositif lors de l'examen par l'Assemblée nationale en première lecture avait deux conséquences étonnantes : l'attribution de droits sur les alcools au fonds de financement des 35 heures au lieu du fonds de solidarité vieillesse revient à priver de 5,6 milliards de francs en 2000 et de 12 milliards de francs par an par la suite le fonds de réserve pour les retraites ; l'attribution de 49 % du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine revient à remettre en cause le mode de financement de la couverture maladie universelle (CMU), pourtant instauré en juin dernier.

Décrivant la mise en place du fonds de financement des 35 heures et ses dépenses futures, estimées à 65 milliards de francs en 2000 et à 105 milliards de francs en année pleine, M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a expliqué que le Gouvernement proposait de les financer l'année prochaine par cinq prélèvements obligatoires nouveaux et une subvention de l'Etat : transfert de droits sur les tabacs, transfert de droits sur les alcools, transfert et élargissement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), création d'une cotisation sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB), création d'une taxe sur les heures supplémentaires, et subvention de l'Etat prélevée sur le budget de l'emploi.

Il a prédit pour 2001 que ces différents prélèvements obligatoires augmenteraient sensiblement puisque le Gouvernement aurait à trouver 50 milliards de francs nouveaux pour financer les 35 heures. Evoquant les conséquences néfastes de cette mesure et de son mode de financement pour l'économie française, il a indiqué qu'il en proposerait la suppression.

Le rapporteur pour avis a ensuite critiqué le Gouvernement pour le choix d'un nouveau mode de calcul de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) : le projet de loi propose de calculer son taux d'évolution par rapport, non pas aux prévisions de l'année précédente, mais aux réalisations, ce qui revient à afficher un taux de progression de 2,5 % quand les dépenses augmentent en réalité de 4,5 %. Il a estimé que cette tromperie permettait de tirer un trait sur les dépassements des années précédentes, soit 13 milliards de francs, mais qu'il n'en restait pas moins que l'ONDAM passerait, si les prévisions se réalisaient, de 599,5 milliards de francs en 1997, à 658 milliards de francs en 2000. Dénonçant d'autres astuces comptables, il a appelé de ses voeux l'établissement d'une loi de règlement pour le financement de la sécurité sociale qui permettrait de limiter ces manipulations de chiffres. Rappelant que les dépenses de santé constituaient le premier poste de dérive des dépenses sociales, il a fortement critiqué le mode de régulation proposé cette année par le Gouvernement, en le qualifiant de trop complexe, d'obstacle à la concertation, et de morcellement des responsabilités.

S'agissant de l'industrie pharmaceutique, il a émis les plus vives réserves sur la création d'une contribution exceptionnelle des entreprises pharmaceutiques, mesure équivalente à une précédente contribution déjà annulée par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, et la Cour de justice des communautés européennes.

Il a dénoncé l'absence de politique hospitalière, les retards excessifs pris pour l'utilisation des fonds de restructuration sous-dotés par rapport aux enjeux. Il a reproché au Gouvernement de ne pas mener de réelle politique de rattrapage des disparités régionales en matière de dotations hospitalières.

Abordant la question des retraites, le rapporteur pour avis a fait part de ses interrogations sur les objectifs, le mode de gestion, et la nature des ressources du fonds de réserve pour les retraites créé il y a un an. De ce point de vue, il a dit chercher la cohérence entre les prélèvements sur les ressources du fonds de solidarité vieillesse et l'apparente volonté du Gouvernement de donner la priorité au fonds de réserve. De même, il a déploré l'immobilisme du projet de loi sur la réforme du système français de retraites.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a qualifié de " sans ambition " la politique de revalorisation arbitraire de certaines prestations familiales. Il a fait part de ses craintes pour les ressources de la branche famille face à l'absence, dans le projet de loi de finances, de la part de la prise en charge par l'Etat de la majoration de l'ARS. Il a précisé que le projet de loi de financement contenait plusieurs mesures d'élargissement du dispositif de cessation anticipée d'activité en faveur des victimes de l'amiante pour un coût en année pleine d'un milliard de francs.

Enfin, le rapporteur pour avis a dénoncé les aberrations de la politique de trésorerie. Il a expliqué que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) devait recourir jusqu'à 29 milliards de francs d'avances de trésorerie de la part de la Caisse des dépôts et consignations, résultant en partie des retards de paiement de l'Etat et du déficit cumulé du régime général faute de mesures correctrices (8,5 milliards de francs) à la fin de l'année 1999.

Il a évoqué le cas de la CNRACL, qui doit recourir à des avances de trésorerie, et prélever sur ses réserves, pour financer un versement de 20 milliards de francs au titre de la surcompensation.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a conclu en proposant à la commission d'émettre un avis négatif sur ce projet de loi de financement, qui augmente les prélèvements, augmente les dépenses, n'engage aucune réforme, fragilise l'économie française.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a remercié le rapporteur pour avis de sa mise en perspective du projet de loi de financement, et s'est félicité qu'ayant travaillé en liaison étroite avec la commission des affaires sociales, il puisse formuler des analyses similaires et montrer des approches cohérentes.

Abordant la question du fonds de réserve pour les retraites, le rapporteur général a constaté, pour le déplorer, que les recettes de ce fonds s'annonçaient dramatiquement insuffisantes par rapport aux objectifs, d'ailleurs assez flous. Il a fait part de sa surprise devant le prélèvement opéré sur ces recettes pour le financement des 35 heures, et a donc qualifié ce fonds de " véritable imposture ". Il a noté que ce fonds, présenté comme un signal du Gouvernement, se retrouvait écorné dès la première occasion venue. Il s'est donc interrogé sur l'évolution à venir du fonds de réserve. Il a ensuite demandé à M. Jacques Oudin les raisons pour lesquelles la partie de la majoration de l'ARS à la charge de l'Etat ne figurait pas en loi de finances initiale. Enfin, il a posé une question sur la cohérence entre la politique de trésorerie du régime général de sécurité sociale et celle de l'Etat.

M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis, a indiqué que rien n'avait été fait encore pour le fonds de réserve et que toutes les possibilités étaient donc ouvertes. Pour l'ARS, il a rappelé qu'elle figurait auparavant en loi de finances rectificative parce que la décision de majoration n'était pas prise au moment de l'établissement de la loi de finances initiale. Il a cependant fait remarquer que pour 2000 la décision de pérenniser la majoration de l'ARS avait été prise dès le mois de juillet 1999, et qu'elle aurait ainsi dû figurer en loi de finances initiale. S'agissant de la politique de trésorerie, il a expliqué que les retards de paiement de l'Etat permettaient à ce dernier de faire reposer la charge de trésorerie sur la sécurité sociale.

M. Michel Mercier a observé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 manifestait les limites de cet instrument juridique, qui ne contribue pas à la maîtrise des dépenses et apparaît de plus en plus comme une seconde loi de fiscalité sans que l'on en connaisse vraiment les affectations. Il a estimé qu'il y avait là un complet dérapage de la volonté initiale du législateur organique qui était de doter le Parlement d'un outil de maîtrise des dépenses.

M. René Ballayer a fait remarquer que le texte adopté par l'Assemblée nationale mentionnait une hausse future des droits sur les tabacs.

M. Joseph Ostermann a estimé qu'il devenait nécessaire de réaliser un bilan net des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises, et s'est demandé comment pourrait être atteint le montant de 12,5 milliards de francs chacune pour la CSB et la TGAP.

Le rapporteur pour avis a fait part de sa forte préoccupation devant l'évolution des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il a estimé que l'objectif vertueux initial, qui était de fournir un cadre global d'analyse de la dépense sociale, se transformait par le machiavélisme de l'Etat en moyen d'échapper aux stricts encadrements qui entravent les lois de finances. Il a regretté, de ce point de vue, que l'examen des deux textes procède de deux commissions différentes. Il s'est félicité pour le chemin réalisé avec la commission des affaires sociales sur la voie de la convergence des approches et a souligné l'importance des réflexions menées sur la dynamique des dépenses et l'inefficacité des mécanismes de leur maîtrise. La loi de financement lui paraît ainsi utilisée pour seulement augmenter et créer des taxes. Il a estimé, s'agissant de la CSB et de la TGAP, que l'on n'éviterait pas dans les années à venir une forte augmentation de leur taux. Il a confié ses inquiétudes sur les conséquences de ce jeu de dupes sur les entreprises françaises dans un contexte d'économie ouverte.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l'article 2 (création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale), elle a adopté un amendement de suppression.

Elle a également proposé de supprimer les articles 3 (institution d'une contribution sociale sur les bénéfices des sociétés) et 4 (extension de la taxe générale sur les activités polluantes).

Enfin, la commission a décidé d'émettre un avis négatif sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

ANNEXE 1 :

LISTE DES PERSONNALITES ET ORGANISMES CONSULTÉS PAR VOTRE
RAPPORTEUR POUR AVIS

Agence centrale des organismes de sécurité sociale

Caisse d'amortissement de la dette sociale

Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

Cour des comptes

Fédération nationale de la mutualité française

Institut national de la statistique et des études économiques

Mouvement des entreprises de France

M. Claude LE PEN, professeur à l'Université Paris IX - Dauphine

M. Henri GUAINO, ancien commissaire au plan

ANNEXE 2 :

LISTE DES SIGLES UTILISÉS



AAH

Allocation d'adulte handicapé

AGED

Allocation de garde d'enfant à domicile

ALF

Allocation de logement familial

AMM

Autorisation de mise sur le marché

ANAES

Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé

AP-HP

Assistance publique - Hôpitaux de Paris

APL

Aide personnalisée au logement

APUL

Administrations publiques locales

ARH

Agence régionale d'hospitalisation

ARS

Allocation de rentrée scolaire

ASSO

Administrations de sécurité sociale

BAPSA

Budget autonome des prestations sociales agricoles

BMAF

Base mensuelle des allocations familiales

C3S

Contribution sociale de solidarité sur les sociétés

CADES

Caisse d'amortissement de la dette sociale

CANAM

Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés

CANCAVA

Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans

CARGE

Caisse des géomètres experts

CCSS

Commission des comptes de la sécurité sociale

CDAG

Centre de dépistage anonyme et gratuit

CDC

Caisse des dépôts et consignations

CDEF

Centre de planification ou d'éducation familiale

CGI

Code général des impôts

CIPAV

Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse

CJCE

Cour de justice des Communautés européennes

CMU

Couverture maladie universelle

CNAF

Caisse nationale d'allocations familiales

CNAMTS

Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

CNAMTS/AT

Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés/accidents du travail

CNAVPL

Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales

CNAVTS

Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés

CNRACL

Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales

CPAM

Caisse primaire d'assurance maladie

CRAM

Caisse régionale d'assurance maladie

CRDS

Contribution au remboursement de la dette sociale

CSB

Cotisation sociale sur les bénéfices

CSG

Contribution sociale généralisée

DOM

Département d'outre-mer

DREES

Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques

EDF

Électricité de France

FASMO

Fonds d'accompagnement social pour la modernisation hospitalière

FIMHO

Fonds d'investissement pour la modernisation hospitalière

FNE

Fonds national pour l'emploi

FSV

Fonds de solidarité vieillesse

GDF

Gaz de France

GVT

Glissement vieillesse technicité

IGAS

Inspection générale des affaires sociales

INSEE

Institut national de la statistique et des études économiques

MIRCOSS

Mission interministérielle sur la comptabilité des organismes de sécurité sociale

MSA

Mutualité sociale agricole

OCDE

Organisation pour la coopération et le développement économiques

ODAC

Organismes divers d'administration centrale

ONDAM

Objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie

OQN

Objectif quantifié national

OQR

Objectif quantifié régional

ORGANIC

Caisse de compensation de l'organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce

PIB

Produit intérieur brut

PLF

Projet de loi de finances

PLFSS

Projet de loi de financement de la sécurité sociale

RATP

Régie autonome des transports parisiens

RDB

Revenu disponible brut

RMI

Revenu minimum d'insertion

SEC

Système européen de comptabilité

SMIC

Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SML

Syndicat des médecins libéraux

SMR

Service médical rendu

SNCF

Société nationale des chemins de fer français

SNIP

Syndicat national de l'industrie pharmaceutique

SROS

Schéma régional d'organisation sanitaire

TGAP

Taxe générale sur les activités polluantes

TIPS

Tarif interministériel des prestations sanitaires

TVA

Taxe sur la valeur ajoutée

UNEDIC

Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce

URSSAF

Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales



1 Voir liste des sigles utilisés en annexe.

2 In Dossier de présentation du projet de loi de finances pour 2000.

3 In Rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000, page 203.

4 Article L. 136-2 du code de la sécurité sociale.

5 Régime fixé à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

6 Article 10 de la loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996.

7 Directeur régional de la sécurité sociale de Bordeaux c/ Piquero et autres.

8 Chambre sociale de la Cour de cassation, 28 juin 1979, n° 592.

9 Chambre sociale de la Cour de cassation, 6 octobre 1994, n° 1296.

10 Chambre sociale de la Cour de cassation, 24 mars 1994, n° 921

11 Chambre sociale de la Cour de cassation, 27 février 1992, n° 534

12 L'article L. 122-9 du code du travail dispose que
" le salarié lié par contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité minimum de licenciement dont le taux et les modalités de calcul (...) sont fixés par voie réglementaire " .

En vertu du décret n° 91-415 du 26 avril 1991 (codifié à l'article R. 122-2 du code précité),
" l'indemnité minimum de licenciement (...) ne peut être inférieure à une somme calculée, par année de service dans l'entreprise (...). Le salaire servant de base au calcul de l'indemnité est le salaire moyen des trois derniers mois. "

13 Encore convient-il de préciser que la fraction imposable des indemnités de licenciement peut bénéficier du système du quotient prévu par l'article 163-O A du CGI qui permet d'atténuer la progressivité du barème de l'impôt.

14 In Rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 1999, tome I, page 36.

15 In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, septembre 1999, pages 96 et 97.

16 Voir la dernière partie de cet avis.

17 Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole.

18 Décret n° 85-570 du 4 juin 1985 relatif à l'exonération partielle des cotisations dues au régime de protection sociale des personnes non-salariées agricoles par les jeunes agriculteurs.

19 Il s'agit des cotisations techniques et complémentaires d'assurance maladie, invalidité et maternité, de prestations familiales et d'assurance vieillesse. La contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ne sont donc pas concernées.

20 Selon le principe de l'annualité, aucune cotisation sociale n'est due au titre de l'année au cours de laquelle débute une activité agricole non salariée.

21 La revalorisation proposée va au-delà de la simple compensation de l'effet - CSG qui aurait aboutit aux taux suivants : 55 %, 45 % et 35 % pour un coût d'environ 50 millions de francs.

22 Il est probable qu'elle sera étendue dans un prochain texte à tous les " jeunes " relevant du régime social agricole (éleveurs de chevaux et exploitants forestiers) pour un coût supplémentaire de 10 millions de francs.

23 Moins de 7000 installations aidées en 1999, en diminution de 15 % par rapport à 1998.

24 Rapport du Conseil d'analyse économique, " Les cotisations sociales à la charge des employeurs : analyse économique ", juillet 1998

25 n° 30 (1999-2000) page 244.

26 Il convient cependant de s'interroger sur l'expression " à terme " utilisée dans l'exposé des motifs.

27 Rapport n° 1873, Assemblée nationale, commission des finances, 11 ème législature

28 Ainsi, le ministre de l'économie et des finances ne fait-il que s'abstenir de prolonger une surtaxe temporaire que la ministre de l'emploi va recréer de son côté.

29 Le coût pour le budget de l'Etat des aides à la réduction du temps de travail sera donc, au total, de 6,8 milliards de francs en 2000.

30 N° 1826, Assemblée nationale, 11 ème législature

31 n° 1876, Assemblée nationale, commission des affaires culturelles, familiales et sociales, 11 ème législature

32 Direction de l'animation de la recherche et des études statistiques

33 Voir pour les autres mesures que sont les heures supplémentaires,le transfert de droits sur les alcools et celui de droits sur les tabacs
supra dans le commentaire de l'article 2 et infra dans le commentaire sur le fonds de réserve pour les retraites.

34 Cette condition est censée être vérifiée par les entreprises dont le capital, entièrement libéré, est détenu, directement ou indirectement, à 75 % au moins par des personnes physiques.

35 Le taux de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, fixé à 15 % pour les exercices clos entre le 1 er janvier 1997 et le 31 décembre 1998, est passé à 10 % pour les exercices clos entre le 1 er janvier 1999 et le 31 décembre 1999.

36 Voir rapport AN n° 1873 pour avis, de la commission des finances, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, page 30.

37 Voir notamment les décisions n° 82-140 du 28 juin 1982 et 82-152 du 14 janvier 1983.

38 Aucune estimation de l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur le produit de l'impôt sur les sociétés n'a en revanche été effectuée pour 1999.

39 L'avoir fiscal a pour objet de supprimer la double taxation des bénéfices distribués. Or, la suppression de toute double-imposition suppose la réunion de deux conditions : un taux d'impôt sur les sociétés de 33 1/3 % et un avoir fiscal de 50 %. Depuis que le taux facial de l'impôt sur les sociétés a été porté à 36,6 % puis à 39,9 %, la première condition n'est plus réunie. La seconde ne l'est plus non plus depuis que le taux de l'avoir fiscal a été ramené à 45 %.

40 On rappelle que le Royaume-Uni a fait passer son taux de 33 à 31 % (21 % pour les PME), puis 30 % et 20 % en 1999/2000, avec un taux de 10 % pour les plus petites entreprises en 2000. L'Allemagne vise à l'horizon 2002 un taux de 35 % voire 28 %

41 Le Sénat, suivant sa commission des finances, avait supprimé l'article relatif à la TGAP notamment au motif que ce nouvel impôt comportait de nombreux risques pour le financement de l'environnement.

42 + 78 % en 2000 par rapport à 1999 et + 290 % en 2001 par rapport à 2000.

43 Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit dans son article 31 la création d'un nouveau compte spécial du Trésor, le fonds national de l'eau. Celui-ci comporterait une section, le " fonds national de solidarité pour l'eau ", dotée de 500 millions de francs par un prélèvement sur les agences de l'eau afin de financer des actions d'envergure nationale dans le domaine de l'eau et d'opérer des péréquations entre agences. Une réforme plus générale des redevances des agences de l'eau est prévue pour 2001.

44 " La fiscalité au secours de l'eau ", par M. Yves Tavernier au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, rapport d'information n° 1807, 1999-2000.

45 " Agriculture, monde rural et environnement : qualité oblige "

46 Environ 13 milliards de francs.

47 " Pour un développement durable : une fiscalité au service de l'environnement ", par Mme Nicole Bricq, fait au nom de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, rapport d'information n° 1000, 1997-1998.

48 " Maîtriser les émissions de gaz à effet de serre : quels instruments économiques ? ", M. Serge Lepeltier, au nom de la délégation du Sénat pour la planification, rapport n° 346, 1998-1999.

49 L'article 18 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances prévoit notamment que
" l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, d'origine gouvernementale (...) " .

50 Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie estime au
Journal Officiel des débats de l'Assemblée nationale , 2 e séance du 19 octobre 1999, p. 7617 " qu' il n'est donc pas nécessaire d'évoquer (le transfert de la TGAP) dans la loi de finances ".

51 " Quelle fiscalité de l'environnement ? ", M. Guillaume Sainteny, Revue française de finances publiques, n° 63, Septembre 1998.

52 Rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat, par M. Philippe Marini, sur le projet de loi de finances pour 1999, n° 66, 1998-1999.

53 Décret n° 99-315 du 27 octobre 1999

54 Avis de Monsieur Jacques Oudin au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999, n° 56 (1998-1999).

55 In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, 1999, page 161.

56 In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, 1999, page 190.

57 In Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale pour 1999, page 137.

58 La Caisse des dépôts et consignations a annoncé le 27 octobre 1999 qu'elle verserait 3 milliards de francs au fonds de réserve, prélevés sur son résultat de 1999. Faute de support législatif, cette mesure reste cependant théorique.

59 Avis de Monsieur Jacques Oudin au nom de la commission des finances, n° 56 (1998-1999), page 62.

60 La CNRACL a dégagé un excédent en 1997, mais il était artificiel : il s'explique par le versement à la caisse de 4,5 milliards de francs en provenance des crédits de l'allocation temporaire d'invalidité.

61 Les régimes qui bénéficient de la surcompensation sont celui de la RATP, de la SNCF, des Mines, des marins et de la SEITA.

62 En 2000, les modifications apportées au mode de financement de la CNRACL (augmentation des cotisations employeurs, baisse des taux de surcompensation) se traduiront pour l'Etat par les mouvements suivants :

- diminution de 1 milliard de francs des versements de l'Etat, en tant que régime de sécurité sociale, aux régimes bénéficiaires de la surcompensation,

- augmentation de 2 milliards de francs des subventions d'équilibres aux régimes bénéficiaires de la surcompensation.



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