II. LA SITUATION DES DIFFÉRENTS TERRITOIRES

A. LA NOUVELLE CALÉDONIE

1. La réaffirmation du consensus politique

Depuis la mise en place des nouvelles institutions en 1988, plusieurs comités de suivi se sont tenus à Paris. Le 5ème comité de suivi, réuni du 6 au 9 décembre 1993, a été l'occasion pour le Premier ministre de réaffirmer la volonté du Gouvernement de remplir sa mission d'arbitrage, de maintenir la paix civile, de promouvoir le dialogue et de poursuivre le rééquilibrage entre les provinces dans le respect des accords de Matignon. Lors de ce comité, fut décidée l'organisation de réunions périodiques et décentralisées pour une concertation plus régulière et une meilleure mise en oeuvre des décisions du comité de suivi annuel.

Deux comités de suivi intermédiaires se sont ainsi réunis en février et septembre 1994, respectivement à Koné, chef-lieu de la province nord, et à Nouméa, chef-lieu du territoire et de la province sud. Dans le domaine institutionnel, plus de cinq années d'application de la loi du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ayant révélé certaines difficultés en matière de répartition des compétences entre l'État, le territoire, les provinces et les communes, un ensemble d'ajustements techniques tendant à conforter les compétences des provinces ont été définis par les partenaires et repris dans la loi organique n° 95-173 du 20 février 1995.

Le 6ème comité de suivi annuel, qui devait se tenir à Nouméa au début du mois de février 1995, a été transformé en réunion informelle à la suite de la décision du FLNKS de ne pas participer à un comité de suivi formel en raison d'un désaccord relatif à la création d'un nouveau casino dans l'enceinte de l'hôtel Méridien de Nouméa.

Les partenaires ont cependant tous réaffirmé leur volonté de ne pas rompre le dialogue et de conduire à son terme le processus des accords de Matignon.

Ce consensus, ébranlé par les évolutions politiques intervenues à l'occasion des différentes échéances électorales qui ont jalonné l'année 1995, a été depuis lors rescellé.

Les élections municipales des 11 et 18 juin 1995 ont été marquées par une progression des indépendantistes. Le nombre de mairies détenues par les deux grandes familles politiques reste stable néanmoins (23 indépendantistes sur un total de 33).

Le décret n° 95-454 du 25 avril 1995, en créant une nouvelle commune dans la province nord, dénommée Kouaoua, par division de la commune de Canala, a porté le nombre des communes du territoire à trente-trois.

Les élections provinciales du 9 juillet 1995, sans modifier l'équilibre global au sein du congrès et de chaque assemblée provinciale, ont traduit une perte d'influence des deux principaux acteurs des accords de Matignon, le RPCR, avec 22 sièges sur 54 contre 27 auparavant, n'a plus la majorité absolue au congrès du territoire ; le FLNKS obtient 12 sièges contre 19 précédemment.

Le recul du RPCR résulte de l'apparition d'une formation dissidente, le NCPT (Nouvelle-Calédonie pour tous) créée par M. Didier Leroux, qui obtient 7 sièges dans la province sud. Dans la province nord, la composante radicale du FLNKS, le Palika (Parti de libération kanak), dont la liste était conduite par M. Paul Néaoutyine, président du FLNKS, emporte 5 sièges alors que l'UC (Union calédonienne), composante modérée du FLNKS conduite par M. Léopold Jorédié, en obtient 6.

Alors que les présidents sortants des assemblées provinciales sud et nord, respectivement M. Jacques Lafleur (RPCR) et M. Léopold Jorédié (FLNKS-UC) ont été réélus, M. Richard Kaloï (FLNKS-UC) a perdu la présidence de l'assemblée de la province des îles Loyautés au profit de M. Nidoish Naisseline (LKS), grand chef coutumier et signataire des accords de Matignon.

Au congrès, le RPCR, qui reste le principal parti du territoire, a conservé la présidence avec l'élection de M. Pierre Frogier, successeur de M. Simon Loueckhote, Sénateur, qui ne se représentait pas. Cependant, la coalition qui s'est constituée à l'occasion de l'élection du bureau du congrès a marqué une montée en puissance du front indépendantiste.

Les divisions politiques résultant de ces élections ont perturbé pendant quelques semaines le bon fonctionnement du congrès en retardant la désignation des présidents de commission et du représentant au comité consultatif.

Cependant, le déplacement du ministre de l'outre-mer en Nouvelle-Calédonie au mois de septembre 1995, suivi d'une rencontre à la mi-octobre entre le Premier ministre et les représentants des deux principales formations politiques du territoire, le RPCR et le FLNKS, ont permis de renouer le dialogue entre les partenaires des accords de Matignon en vue de la préparation du scrutin d'autodétermination prévu pour 1998 par la loi référendaire du 9 novembre 1988.

Les délégations représentant ces deux formations se sont déclarées favorables à une solution consensuelle permettant d'éviter un « référendum couperet » et ont proposé, selon les termes d'un communiqué commun, d' « élargir les discussions du comité de suivi aux groupes politiques constitués au congrès du territoire ». Lors de son audition par votre commission des Lois, le 16 novembre dernier, M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer, a précisé que ce comité de suivi élargi pourrait être réuni dès la fin du mois de janvier 1996.

Une divergence de fond subsiste néanmoins s'agissant de l'avenir du territoire : alors que M. Jacques Lafleur, président du RPCR, plaide pour un « pacte trentenaire » impliquant le maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française, le FLNKS, présidé par M. Paul Néaoutyine, considère que l'objet de la négociation doit être « la souveraineté et l'indépendance ». Selon les indications données par le ministre, une première réunion entre ces deux formations pourrait avoir lieu début janvier 1996 sous sa présidence, afin de rechercher les points de convergence. Les résultats des discussions devraient être soumis à des états généraux organisés sur le territoire afin d'associer l'ensemble des composantes de la société calédonienne. Le ministre a présenté la recherche d'une solution consensuelle et la poursuite des actions de rééquilibrage du territoire comme la priorité de l'action gouvernementale pour 1996 en Nouvelle-Calédonie.

2. Une amélioration de la situation économique et sociale

Après une période de croissance ralentie depuis 1990, la situation économique de la Nouvelle-Calédonie s'est caractérisée, en 1994, par un regain d'activité dans les secteurs du bâtiment et du commerce, favorisé par les transferts publics, et par un redressement des cours du nickel lié à l'amélioration de la conjoncture internationale.

S'agissant du secteur du bâtiment, le nombre de permis délivrés pour la construction de logements a continué de croître en 1994 (+ 22 %), en particulier dans la province sud (à Nouméa : + 56 %).

L'extension des capacités hôtelières et l'ouverture de la desserte aérienne du Territoire à la concurrence (compagnies AOM et Corsair) ont favorisé la fréquentation touristique en nette augmentation (+ 2,6 % en 1993 ; + 6,4% en 1994).

Dans son rapport annuel, l'Institut d'émission d'outre-mer souligne que cette croissance réelle de l'activité économique s'est effectuée sans surchauffe ni déséquilibres financiers, avec une inflation maîtrisée de 2 %. Il indique par ailleurs que, pour la première fois depuis 20 ans, le nombre des demandeurs d'emplois inscrits à l'Agence pour l'emploi au 31 décembre est inférieur à celui de l'année précédente, malgré une augmentation continue des demandeurs d'emplois en moyenne annuelle.

Ce redressement semble en partie imputable à la politique contractuelle d'aide menée par l'État en application de la loi référendaire du 9 novembre 1988. Dans la continuité des contrats de développement conclus entre l'État et les provinces pour la période 1990-1992, trois nouveaux contrats de ce type ont été signés le 4 février 1993 pour la période 1993-1997.

Dans le cadre de ces contrats, l'État apportera plus d' 1,65 milliards de francs à la Nouvelle-Calédonie, dont près d'1,07 seront supportés par le budget du ministère de l'outre-mer.

Ce programme contractuel d'aide a connu un démarrage assez lent en 1993 avec un engagement de 126 millions de francs en raison de la poursuite de l'exécution des contrats relatifs à la période 1990-1992 (taux d'exécution de 95 % au 31 décembre 1994). Sa mise en oeuvre s'est cependant accélérée en 1994 avec un engagement financier de 215 millions de francs.

Pour la province nord, le contrat portant sur la période 1993-1997 fixe deux objectifs : poursuivre le rééquilibrage de l'aménagement de l'espace provincial et accélérer l'amélioration des conditions de vie des populations. 25 % des crédits prévus sont ainsi consacrés aux infrastructures de communication. Au titre de ce contrat, d'un montant de 1,167 milliard de francs sur cinq ans dont plus de la moitié, soit 671 millions de francs, à la charge de l'État, 77,1 millions de francs ont été engagés en 1993 et 1994, soit seulement 11,5 % du total.

Le nouveau contrat de développement conclu par la province sud définit deux domaines prioritaires l'aménagement du territoire et l'amélioration des conditions de vie des habitants de l'agglomération de Nouméa. Ainsi, près de la moitié des crédits prévus concernent l'habitat (47 %) et près du quart (23 %) les actions sanitaires et sociales. 82,9 millions de francs ont été engagés en 1993 et 1994, soit 19,7 % du montant total de ce contrat qui s'élève à 902 millions de francs, dont plus de 420 sont à la charge de l'État.

En ce qui concerne la province des Iles, le contrat de développement propose la création d'activités économiques, la poursuite de l'effort de formation et l'amélioration de la qualité de vie des populations. Ces objectifs se déclinent en 24 actions parmi lesquelles priorité est donnée aux bourses et allocations scolaires (18 % des crédits), à l'habitat (15 %) et à l'adduction en eau potable (14 %). Sur un montant total de 488 millions de francs dont 314 apportés par l'État, 109 millions de francs ont été engagés en 1993 et 1994, soit plus du tiers (34,7 %). Ce taux d'engagement est nettement supérieur à celui atteint dans les deux autres provinces.

Hormis le renouvellement des contrats de développement entre l'État et les provinces, une deuxième convention entre l'État et le territoire a été signée le 8 juin 1993 pour la période de 1993-1997. En augmentation de 50 % par rapport aux engagements de la période 1990-1992, le montant de la convention s'élève à près de 410 millions de francs, dont 224 millions apportés par l'État et plus de 185 millions par le territoire. Cette progression des crédits prévus doit permettre d'amplifier les efforts initiés par la première convention (programmes d'électrification et de téléphonie rurale, formation professionnelle) et d'entreprendre de nouvelles actions (rénovation d'un centre hospitalier territorial et construction d'un centre de formation professionnelle, à Nouméa).

Au titre de cette convention, 69,41 millions de francs, soit 31 % du montant total, ont été engagés par l'État en 1993 et 1994.

En dépit de l'amélioration de la situation économique et sociale en 1994 et des efforts déployés par les autorités locales et par l'État, le rééquilibrage entre les trois provinces reste encore insuffisant. Aussi, afin d'accélérer la mise en oeuvre du développement économique et social en Nouvelle-Calédonie, le Haut-Commissaire a-t-il reçu mission d'instituer une commission de rééquilibrage et du développement chargée d'identifier les dossiers prioritaires pour le progrès économique du territoire et sa cohésion. Lors de son audition par votre commission des Lois, M. Jean-Jacques de Peretti, ministre de l'outre-mer, a indiqué que cette commission serait installée très prochainement afin de présenter au début du mois de janvier 1996 un rapport d'étape, puis un rapport général soumis fin janvier au comité de suivi élargi.

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