B. LE RENFORCEMENT DE LA PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS
Au cours des trois années qui viennent de s'écouler, les moyens de la sécurité civile ont été fortement sollicités pour apporter des secours aux victimes des multiples inondations, aux conséquences souvent dramatiques, qui ont affecté le pays.
En effet, après les graves inondations qui avaient affecté le sud de la France à l'automne 1993, provoquant la mort de 22 personnes et causant des dégâts évolués à plus de 3,5 milliards de francs, de nouvelles séries d'intempéries graves ont frappé de nombreux départements en décembre 1993-janvier 1994, ainsi qu'au mois de novembre 1994. 15 victimes étaient déplorées au cours de la première de ces deux périodes et 6 au cours de la seconde alors que les dégâts matériels étaient évalués respectivement à 3,7 et 2 milliards de francs. Le coût des interventions des moyens de renfort de la sécurité civile au cours de ces deux périodes s'est élevé respectivement à 7 et 2,2 millions de francs.
En janvier 1995, une nouvelle vague d'inondations a affecté une quarantaine de départements, avec de nouveau un bilan très lourd : 21 personnes décédées ou disparues, 18 personnes blessées et 3 milliards de francs de dégâts matériels, les moyens de renfort de la sécurité civile ayant été appelés à intervenir pour un coût estimé à 3,7 millions de francs.
Le bilan dramatique de ces inondations a mis en évidence les lacunes de la politique de prévention des risques naturels et en particulier l'insuffisance du contrôle de l'urbanisation des zones à risque.
Pour remédier à cette situation, le Gouvernement a présenté le 24 janvier 1994, un plan décennal pour la prévention des risques naturels, qui s'est traduit, sur le plan législatif, par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.
Cette loi comprend en effet d'importantes dispositions consacrées à la prévention des risques naturels, actuellement en cours de mise en place, qui intéressent directement la sécurité civile.
Il s'agit, d'une part, de l'institution d'une procédure d'expropriation applicable en cas de risque naturel majeur prévisible et, d'autre part, de l'amélioration du contrôle de l'urbanisation des zones à risques grâce à un nouvel instrument de cartographie des risques : le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR).
1. Une nouvelle procédure d'expropriation applicable en cas de risque naturel majeur menaçant gravement les vies humaines
Dans quelques situations exceptionnelles où des vies humaines se trouvent gravement menacées par certains risques naturels majeurs prévisibles, le déplacement des populations habitant les zones exposées et l'interdiction définitive de toute occupation humaine de ces zones s'avèrent constituer la seule solution envisageable pour assurer la sécurité publique.
C'est afin de résoudre ce problème délicat que l'article 11 de la loi du 2 février 1995 a prévu la possibilité pour l'État de procéder à l'expropriation des biens exposés « lorsqu'un risque prévisible de mouvements de terrains, d'avalanches ou de crues torrentielles menace gravement les vies humaines ». La procédure de l'expropriation pour cause d'utilité publique a été retenue à l'initiative de votre commission des Lois, saisie pour avis, sur la proposition de son rapporteur, notre ancien excellent collègue Etienne Dailly, de manière à garantir une indemnisation équitable des propriétaires, étant précisé qu'il n'est pas tenu compte, pour le calcul des indemnités, de l'existence du risque.
Ces indemnités sont financées grâce à l'institution, par l'article 13 de la loi, d'un fonds de prévention des risques naturels majeurs, alimenté par un prélèvement de 2,5 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles d'assurances relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, le cas échéant complété par des avances de l'État.
Le décret prévu pour préciser les modalités d'application de ce dispositif vient d'être publié, le 19 octobre dernier ; il a notamment précisé les conditions de mise en oeuvre de la procédure et de gestion du fonds (décret n° 95-1115 du 17 octobre 1995 relatif à l'expropriation des biens exposés à certains risques naturels majeurs menaçant gravement les vies humaines).
Par ailleurs, une instruction du service de la législation fiscale du ministère du budget a précisé que le prélèvement sur le produit des surprimes d'assurances relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles serait dû sur les contrats émis à compter du 18 mars 1995. Ce prélèvement devrait dégager des ressources s'élevant à environ 100 millions de francs chaque année.
Cependant, seul le site de 1' « Ile Falcon », sur le territoire des communes de Séchilienne et Saint-Barthélémy de Séchilienne, dans l'Isère, menacé par des risques d'éboulements importants, fait actuellement l'objet d'études en vue de la mise en oeuvre du nouveau dispositif, et aucune procédure d'expropriation n'a été effectivement engagée à ce jour.
Force est donc de constater qu'en dépit de l'urgence particulière que le Gouvernement avait fait valoir au cours des débats parlementaires, ce dispositif n'a pas encore trouvé d'application concrète, près d'un an après la promulgation de la loi.
2. Les plans de prévention des risques naturels prévisibles
La loi du 2 février 1995 a par ailleurs répondu au souci d'améliorer l'identification et le recensement des zones exposées à des risques naturels et d'assurer une maîtrise plus efficace de l'urbanisation et de l'aménagement de ces zones en instituant un nouvel instrument juridique de cartographie des risques : le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPR).
Ce document s'est substitué à l'ensemble des différents documents précédemment prévus pour la cartographie des risques (plans d'exposition aux risques, PER ; périmètres de risques délimités en application de l'article R 111-3 du code de l'urbanisme ; plans de surfaces submersibles, PS S ; plans de zones sensibles aux incendies de forêt, PSZIF).
Par rapport aux anciens plans d'exposition aux risques, le PPR s'est vu doté d'une procédure d'élaboration simplifiée et déconcentrée : approbation par arrêté préfectoral après enquête publique et avis des conseils municipaux, ainsi que d'une efficacité renforcée grâce à des prescriptions plus contraignantes. Ainsi, des mesures conservatoires peuvent être prises, une procédure d'exécution d'office peut être mise en oeuvre et des sanctions pénales sont prévues en cas d'infractions aux dispositions d'un PPR.
Le PPR a vocation à délimiter différentes zones en fonction de l'intensité du risque encouru et à définir des mesures de prévention appropriées pour chacune de ces zones, certaines pouvant être déclarées inconstructibles et d'autres soumises à des prescriptions particulières d'aménagement.
Une fois approuvé, il vaut servitude d'utilité publique et doit être annexé au plan d'occupation des sols.
L'objectif fixé au moment de l'adoption de la loi était de parvenir en cinq ans à la couverture des 2 000 communes les plus exposées, alors que fin 1994, seuls 347 PER avaient été définitivement approuvés (336 autres PER ayant été prescrits et 119 soumis à enquête publique).
Afin de parvenir à cet objectif, les moyens financiers consacrés à la cartographie des risques ont été fortement accrus en 1995, passant de 15 à 40 millions de francs. Ces moyens devraient être maintenus en 1996.
Cependant, en dépit de cet effort financier supplémentaire, aucun PPR n'a pu être approuvé en 1995, dans l'attente de la publication du décret précisant les modalités de la procédure d'élaboration des plans.
Il faut donc souhaiter que cette publication, qui vient d'intervenir au Journal Officiel du 11 octobre dernier (décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles), permette de relancer la mise en oeuvre des plans. Ceux-ci sont en effet indispensables à un contrôle efficace de l'aménagement des zones à risques.