Avis n° 81 (1995-1996) de M. Bernard SEILLIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 24 novembre 1995

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N° 81

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VIII

BUDGET ANNEXE DES PRESTATIONS SOCIALES AGRICOLES

Par M. Bernard SEILLIER,

Sénateur.

(1) C ette commission est composée de MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Claude Huriet, Charles Metzinger, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Michelle Demessine, M. Charles Descours. Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Eric Boyer, Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marques, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 et 77 (annexe n°45) (1995-1996).

Lois de finances.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. PHILIPPE VASSEUR, MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PÊCHE ET DE L'ALIMENTATION

Le jeudi 12 octobre 1995, sous la présidence de M. Jean François-Poncet, président de la commission des Affaires économiques et du plan, la commission a procédé à l'audition organisée conjointement avec la commission des affaires économiques et du plan et la commission des finances, de M. Philippe Vasseur, Ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, sur les crédits de son département ministériel pour 1996.

M. Jean-François Poncet, président de la commission des Affaires économiques et du plan, a d'abord rappelé l'intérêt que porte traditionnellement le Sénat aux questions agricoles et a replacé celles-ci dans le contexte européen actuel marqué par les dévaluations des monnaies espagnole et italienne ainsi que par les incertitudes pesant sur la politique agricole commune face à la perspective de l'élargissement de l'Espace économique européen.

M. Christian Poncelet, président de la commission des Finances, a indiqué à son tour combien le Sénat reste attentif aux problèmes de la « ruralité » et de l'aménagement du territoire. Il a précisé que la commission des Finances vient tout juste de désigner son nouveau rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, sur les crédits de l'agriculture.

Puis M. Claude Huriet est intervenu pour rappeler que, pour sa part, la commission des Affaires sociales examine seulement le budget annexe des prestations sociales agricoles qui requiert à lui seul beaucoup d'attention.

M. Philippe Vasseur, après avoir relevé la grande compétence des sénateurs sur les questions agricoles, a indiqué que son budget s'inscrit dans un contexte qui n'est pas « à l'expansion financière » puisque le Gouvernement prévoit d'annuler 25 milliards de crédits dans le cadre du prochain collectif et de ramener le déficit public à hauteur de 4 % du PIB en 1996. Compte tenu de ce contexte, il a estimé que le projet de budget de l'agriculture est le moins mauvais possible. En effet, au-delà de l'apparente baisse de 8,1 % des crédits du ministère, ainsi ramenés à 35,630 millions de francs, il a estimé que si on fait abstraction de la baisse de la subvention d'équilibre du BAPSA, on parvient à une augmentation de 1,61 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et à un montant de crédits de 28,650 milliards de francs.

Il a rappelé toutefois que les crédits de son ministère ne représentent que 22,3 % de l'ensemble des concours publics à l'agriculture, soit 157 milliards, et qu'ils sont en progression de 2 % par rapport à 1995.

Il a souligné, par ailleurs, que la France reçoit 25 % de plus que ce qu'elle verse à la Communauté économique européenne, soit 60,8 milliards contre 48,7 milliards.

Il a indiqué que les dossiers qu'il juge prioritaires concernent l'installation des jeunes et le renforcement d'une grande filière agroalimentaire et, d'un point de vue général, l'allégement des charges pesant sur les professionnels de ce secteur.

Enfin, il a annoncé le dépôt d'un projet de loi d'orientation pour la pêche avant la fin du premier trimestre de 1996, la signature, le 6 novembre prochain, d'une Charte pour l'installation des jeunes et l'organisation de la Conférence annuelle agricole promise par le Président de la République au cours de la première quinzaine de décembre.

Un large débat s'est alors instauré.

A M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, qui l'interrogeait sur le contenu de la conférence agricole annuelle annoncée, M. Philippe Vasseur a indiqué qu'il souhaitait privilégier, à cette occasion, l'allégement des charges. Il a rappelé les « deux pistes étudiées en matière fiscale » : la distinction, au regard de l'impôt et des cotisations, du revenu du travail du revenu du capital ; la possibilité de constituer des provisions pour risques, afin de lisser les revenus.

S'agissant de l'assujettissement des coopératives à la cotisation de solidarité des sociétés, instauré lors du collectif de juillet, il a indiqué qu'une réflexion sur les adaptations à apporter au dispositif était en cours afin, d'une part, d'éviter les taxations « en cascade », d'autre part, d'étendre l'exonération à toutes les coopératives pour la fraction de leur chiffre d'affaires constituée par une activité d'approvisionnement.

Il a indiqué que si la dotation du budget à l'Institut national des appellations d'origine (INAO) était reconduite, la part professionnelle progresserait. Il a précisé que le budget prévoyait la création de dix emplois supplémentaires et que dix emplois complémentaires pourraient être envisagés en 1997.

Concernant l'éventualité d'une fusion des directions départementales de l'agriculture (DDA) et des directions départementales de l'équipement (DDE), il a estimé « souhaitable de procéder à des regroupements fonctionnels » et d'améliorer la coopération, qui existe déjà, entre les services des différentes administrations concernées : l'équipement mais aussi l'industrie, l'environnement ou les affaires sociales. Il a précisé que le ministère n'était pas favorable, en revanche, à une fusion pure et simple.

Aux questions de M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, sur le budget annexe des prestations sociales agricoles et sur les perspectives de la protection sociale en agriculture, M. Philippe Vasseur, a tout d'abord précisé qu'une disposition législative serait présentée, pour régler le problème du versement du fonds de solidarité vieillesse (FSV), au titre de la bonification des pensions pour enfants à charge.

S'agissant du rapport sur la parité entre le régime social agricole et les autres régimes, il a indiqué que ses conclusions montraient qu'il n'existait pas, globalement, de disparités. Des ajustements ponctuels pourraient, cependant, être apportés aux cotisations dues au titre des différentes branches.

Il a indiqué que ce rapport sur la parité ainsi que celui sur les dépenses de gestion des caisses sociales agricoles seraient mis, sous huitaine, à la disposition des sénateurs.

Concernant les propositions d'amélioration du niveau des retraites, formulées par la mutualité agricole, qui passerait par le relèvement des cotisations minimales, il a indiqué que ses services examinaient ces propositions.

A M. Marcel Deneux, il a tout d'abord indiqué que la France avait obtenu l'appui de l'Allemagne et de l'Espagne pour obtenir de la Commission la pérennisation des dérogations fiscales en faveur des biocarburants. S'agissant des transferts de quotas laitiers, il a rappelé que, devant l'opposition rencontrée, il avait retiré le décret pris en mai dernier afin de mettre en place un dispositif accepté par les différentes parties. Relevant que la profession avait finalement pu dégager une position commune, il a souligné que les dispositions qu'il proposait privilégiaient l'installation des jeunes et le renforcement des exploitations « au seuil de la viabilité ».

Il a ensuite détaillé les mesures prises en faveur de la qualité des produits, indiquant qu'il souhaitait renforcer les contrôles en mobilisant, notamment, les moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). S'agissant de la réforme de l'ordonnance de 1986, il a précisé que plusieurs ministères étaient concernés et que les discussions portaient principalement sur l'autorisation du refus de vente, la notion de prix anormalement bas et la revente à perte. Il a indiqué qu'il souhaitait également que soit modifié le titre III de l'ordonnance, afin d'étendre le champ des dispositions de l'article 10 pour autoriser les pratiques nécessaires à la politique de qualité et au traitement des situations de crise.

Interrogé par M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, il a souligné les effets destabilisants du destockage massif de produits importés, notamment de pommes, au moment même où la production communautaire entamait sa campagne de commercialisation.

A M. Fernard Tardy, il a précisé que la charte de l'installation, qui devrait être signée début novembre, ferait l'objet d'un rapport soumis au Parlement qui pourrait être suivi de mesures législatives. Il a indiqué que cinq domaines d'action étaient explorés : l'amélioration de l'information et de l'orientation des élèves ; la facilité d'accès aux moyens de production et au marché ; l'optimisation de la mobilisation du capital et la réduction des charges ; la garantie du « risque » que représentent les prêts à l'installation ; la complémentarité de la politique nationale et des initiatives locales.

A MM. Michel Moreigne et Christian Poncelet, président de la commission des finances, il a indiqué que la crise actuelle de l'élevage, outre l'impact des dévaluations, s'expliquait aussi par des facteurs structurels, principalement la tendance à la diminution importante et continue de la consommation des viandes rouges. Il a ensuite précisé le contenu des mesures décidées pour compenser les pertes de revenu consécutives aux dévaluations.

Il est convenu, avec Mme Marie-Claude Beaudeau que le statut du conjoint de l'exploitant était un élément important de la politique de l'installation et s'est félicité de la proportion croissante d'installations de jeunes agricultrices, que traduit d'ailleurs leur représentation dans les syndicats départementaux ou nationaux.

A M. Gérard Larcher qui l'interrogeait sur la politique forestière du Gouvernement, il a précisé qu'il fallait considérer la forêt comme une activité productive qui, de surplus, jouait un rôle essentiel dans la gestion de l'espace rural. Il a indiqué que l'augmentation des frais de garderie, consécutive à la diminution du versement compensateur de l'État à l'Office national des forêts (ONF), avait suscité de vives réactions. Il a souligné que, pour 1996, le Gouvernement s'attachait principalement à l'achèvement du redressement du Fonds forestier national (FFN).

A M. Bernard Barbier, il a indiqué que, si la réforme de l'organisation commune de marchés (OCM) viti-vinicole ne faisait pas partie des priorités de la présidence espagnole, l'Italie y était intéressée. Il a souligné les divergences, en ce domaine, entre les positions et les intérêts de l'Italie et de la France et précisé qu'il s'attachait à obtenir, d'ici la fin de l'année, un engagement sur la politique de restructuration viti-vinicole.

Il a indiqué à M. Bernard Joly qui l'interrogeait sur les interventions de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT), que des éléments de réponse lui seraient adressés.

A Mme Janine Bardou qui soulignait l'insuffisance des crédits pour la construction des bâtiments en zone défavorisée, que la loi montagne astreint au respect de conditions environnementales coûteuses, M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, a indiqué que l'effort du Gouvernement portait sur le rattrapage des crédits de mise aux normes des bâtiments d'élevage. S'agissant de la diminution des dotations du Fonds de gestion de l'espace rural (FGER), il a rappelé que ce fonds, alimenté par le budget général, pouvait faire l'objet d'ajustements défavorables. Il a estimé qu'une réflexion pourrait être conduite sur l'instauration d'une taxe sur l'artificialisation des sols, qui pourrait alimenter le FGER ou le FFN.

A M. Jean-François Le Grand, il a indiqué que la présidence espagnole souhaitait réformer l'OCM des fruits et légumes, avant la fin de l'année, et que les orientations proposées, notamment de renforcement de l'organisation professionnelle, ne rencontraient pas l'opposition de la France. Il est convenu de l'intérêt d'une politique de qualité, assortie de contrôles efficaces. Il a enfin rappelé que la France était très réservée à l'égard des projets d'extension à de nouveaux États du système de préférence généralisée pour les produits agricoles.

M. Jean François-Poncet, président, est alors intervenu pour souligner l'impact qu'auraient, sur la politique agricole, l'élargissement de l'Union européenne à de nouveaux pays agricoles et l'instauration de la monnaie unique, dans la mesure où, dans un premier temps, tous les États n'y participeraient vraisemblablement pas.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Le mercredi 15 novembre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Bernard Seillier sur le projet de loi de finances pour 1996 (budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA)).

M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1996 enregistrait une progression modérée par rapport à 1995. Son montant global passera de 87 à 89 milliards soit une hausse de 2,24 % en francs courants par rapport à la loi de finances initiale et une quasi-stabilité en francs constants.

Il a précisé que ce budget était marqué par l'achèvement de la réforme des cotisations sociales agricoles et le désengagement financier de l'État à l'égard du régime des exploitants agricoles.

Il a ensuite abordé les dépenses du BAPSA pour 1996.

Il a relevé que les charges d'assurance vieillesse restaient le premier poste de dépenses avec 52 % du total. Elles progressent de 3,4 %, passant de 46,9 à 48,5 milliards de francs. Leur évolution est orientée à la hausse tant pour les retraites forfaitaires que pour les retraites proportionnelles. Les premières enregistrent l'augmentation des effectifs touchés par la mesure sur les pensions de réversion. Les secondes répercutent l'augmentation du nombre de points moyens acquis lors de la liquidation de la retraite (630 points pour les entrées contre 431 pour les sorties) et l'effet des mesures pour les petites retraites prises en 1994, c'est-à-dire la prise en compte des périodes accomplies en qualité d'aide familial.

Malgré ces efforts, M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a

souligné que les effets des réformes législatives n'avaient pas toujours été à la hauteur des espoirs que leur annonce avait suscités et que le montant moyen des retraites agricoles avoisinait seulement 27.000 francs par an (2.250 francs par mois) soit le niveau du RMI !

Puis, il a précisé que les dépenses d'assurance maladie (AMEXA) représentaient le second poste de dépenses avec 37 % du total. Elles progressent faiblement, de 1,26 %, passant de 34,2 à 34,6 milliards.

Toutefois, il a noté que l'augmentation de 4 % des dépenses d'hospitalisation sous budget global ne tenait pas compte du taux directeur très restrictif annoncé récemment (+ 2,1 %) ni de l'augmentation importante du forfait hospitalier. Toutefois, il a estimé que les prévisions n'apparaissaient pas irréalistes compte tenu de la baisse importante des effectifs de bénéficiaires en assurance maladie (entre - 2 et - 3 % par an) et de l'impact probable de la mise en place du carnet médical pour les personnes de plus de 70 ans ayant deux pathologies au moins.

S'agissant des prestations familiales qui représentent 5 % du total des dépenses, il a indiqué qu'elles devraient baisser au rythme de 2,7 % en 1996, passant de 4,7 à 4,6 milliards. Ce recul sera lié au déclin des effectifs de bénéficiaires de - 5,5 % entre 95 et 96.

Il a relevé toutefois que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire n'a pas été prise en compte, ce qui ne préjuge peut-être pas de sa disparition, mais minore de 185 millions les prévisions présentées dans le BAPSA pour 1996.

Enfin, en ce qui concerne les charges d'intérêts, il a souligné leur progression élevée. Elles passent de 150 à 200 millions soit une hausse de 33 %. En fait, le montant pour 1995 avait été calculé de façon trop volontariste l'an dernier et le montant proposé pour 1996 correspond à un ajustement, lui-même peut-être encore trop optimiste, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur le volet financier.

Abordant les recettes du BAPSA pour 1996, M. Bernard Seillier a indiqué que, pour le financement professionnel, le passage à l'assiette des revenus se traduisait en 1996 par une progression assez forte, soit de 5,9 %, des cotisations professionnelles. Il a cependant relativisé cette hausse en prenant en compte les prévisions révisées de l'année 1995, l'évolution constatée au cours des années précédentes (la part du financement professionnel depuis le début de la réforme est ainsi passée de 20 % à moins 16 % du total des recettes du BAPSA) et le démantèlement des taxes sur les produits confirmé par l'article 25 du projet de loi de finances pour 1996.

M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a considéré que cette évolution soulevait certaines interrogations.

Premièrement, malgré les conclusions du rapport de Mme Yannick Moreau, il a estimé que le débat sur la parité d'effort contributif entre les exploitants agricoles et les salariés n'était pas clos et qu'il souhaitait interroger le ministre lors du débat budgétaire sur ses intentions concrètes à ce sujet.

Par ailleurs, il a constaté que la parité était loin d'être effective en matière d'action sanitaire et sociale. La structure de ces dépenses révèle que la moitié est affectée au fonctionnement des services sociaux et que les aide individuelles ne représentent que 34 % du total. Or, ces proportions sont inverses dans le régime général, notamment en matière d'aide ménagère.

Concernant le volet de la question du financement des caisses, il a estimé que toute réforme dans ce domaine devait, d'une part, éviter de pénaliser les caisses qui sont les mieux gérées et, d'autre part, clarifier les relations entre l'État et les caisses de Mutualité sociale agricole (MSA).

En ce qui concerne le financement extraprofessionnel, M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a dressé deux constats.

D'une part, les sommes versées au BAPSA au titre de la compensation démographique progressent en 1996 de 13,6 %, passant de 29,5 à 33,5 milliards. Il a indiqué que cette hausse résultait, d'une part, d'importantes régularisations sur les acomptes versés au titre de l'exercice 1995 et, d'autre part, de la révision du mode de calcul de la compensation démographique vieillesse. Il a regretté que ce système permette à l'État de « colmater » de façon ponctuelle des déficits sociaux à caractère structurel au prix de l'accélération de la dégradation de la situation financière des régimes plus favorisés au plan démographique.

D'autre part, le versement du fonds de solidarité vieillesse inscrit, à hauteur de 6.1 milliards pour 1996, prend en compte la prise en charge des bonifications pour enfants à charge du régime des exploitants agricoles.

Or, le Conseil constitutionnel a déjà censuré ce type de mesure par sa décision du 29 décembre 1994 même si le Gouvernement a, cette fois-ci, fait adopter par l'Assemblée nationale, après l'article 17 du projet de loi de finances, un article additionnel visant, de façon très surprenante, à « sortir » du BAPSA les majorations pour enfants à charge et à les faire seulement apparaître en dépenses du Fonds de solidarité vieillesse figurant dans les dispositions du code de la sécurité sociale. Il a estimé que ce curieux montage, qui a pour seul objet de contourner la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, suscitait les plus vives réserves puisqu'il aboutissait à minorer le BAPSA de 1,9 milliard (en recettes et en dépenses) et accroissait l'opacité des comptes de la protection sociale agricole.

De plus, M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a rappelé que ces majorations pour enfants à charge du régime agricole étaient déjà financées par le mécanisme de compensation généralisée qui prend comme prestation de référence la pension de retraite servie par le régime des exploitants agricoles, complétée par les majorations pour enfants à charges. Ces dépenses sont donc matériellement compensées deux fois comme l'a relevé le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre dernier.

Il a conclu en constatant que le résultat de ce nouveau transfert était la diminution de la subvention d'équilibre de l'État de 29,4 % ainsi ramené de 9,1 à 6,4 milliards. Le désengagement de l'État est manifeste, a-t-il estimé, puisqu'en deux ans cette subvention a été réduite des deux tiers.

Compte tenu de tous ces éléments, il a proposé d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de BAPSA pour 1996, sous réserve des réponses qui seront apportées par le ministre à ces questions.

Puis un large débat s'est ouvert.

M. Claude Huriet a souligné le caractère clair et courageux du rapport présenté.

M. Charles Descours s'est interrogé sur l'évolution du régime agricole et son intégration, à terme, dans le régime général. Il a demandé des précisions sur la portée des compensations inter-régimes.

M. Henri de Raincourt a estimé qu'il s'agissait d'une vraie question, compte tenu de la disparition progressive de la spécificité du régime agricole et les incitations aux regroupements de caisses mais que celle-ci était liée au débat de fond sur la sécurité sociale.

M. Louis Boyer a estimé que la compensation démographique aboutissait à faire payer les régimes les plus pauvres pour les plus riches.

M. Claude Huriet a estimé que telle n'était pourtant pas l'objectif du régime de la compensation et l'a questionné sur la baisse des effectifs en assurance maladie et sur les réserves émises par le rapporteur.

M. Jean Madelain a indiqué qu'il voterait les crédits du BAPSA sans réserve et que les observations du rapporteur n'avaient qu'une portée comptable, l'équilibre financier général du BAPSA n'étant pas en cause.

Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis a jugé préoccupante la baisse des deux tiers de la subvention d'équilibre.

M. Jacques Machet a regretté que, profitant de la session unique, on ne prenne pas le temps d'aller au fond des dossiers, notamment sur ces questions de financement des régimes de sécurité sociale.

M. Francis Cavalier-Benezet a également jugé inquiétant le recul de la subvention d'équilibre et a estimé que le Parlement n'était pas assez éclairé sur la fragilité de ce financement. Il a demandé enfin une clarification des comptes.

M. Gérard Roujas a regretté la confusion des genres et l'existence d'une véritable nébuleuse des comptes du BAPSA.

M. Marcel Lesbros a estimé que la demande d'avis favorable « sous réserve » relevait d'une sorte de jésuitisme qu'il ne partageait pas.

M. Alain Vasselle a considéré que l'on pouvait difficilement transiger sur le point du transfert au fonds de solidarité vieillesse des bonifications pour enfants du régime agricole.

M. Bernard Seillier, rapporteur pour avis, a apporté des précisions concernant notamment le régime et les effets des compensations inter-régimes et celles qui concernent les caisses de mutualité sociale agricole entre elles.

Il a indiqué que ses réserves portaient essentiellement sur les conséquences qui seront tirées des rapports récents sur la parité et le fonctionnement des caisses ainsi que sur le transfert au FSV de nouvelles charges pour l'instant non encore financées.

La commission a ensuite décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du BAPSA pour 1996.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1996 enregistre une progression modérée par rapport au montant prévu par la loi de finances pour 1995. Il passera de 87 à 89 milliards de francs (hors restitution de TVA), soit une hausse de 2,2 %. Cette hausse est néanmoins plus forte que celles observées au cours des années précédentes : + 1,5 % entre 1994 et 1995, + 0,4 % entre 1993 et 1994. Le taux de progression plus élevé en 1996 s'explique essentiellement par la montée en charge du plan d'amélioration des petites retraites et par la hausse attendue des dépenses d'assurance maladie.

Cette évolution serait jugé e plutôt satisfaisante, compte tenu notamment du contexte de rigueur budgétaire, si elle n'était entachée de nombreuses incertitudes qui conduisent à émettre quelques interrogations sur la pertinence des comptes ainsi présentés au Parlement.

Ces incertitudes portent en particulier sur trois volets essentiels :

- Premièrement, le projet de BAPSA pour 1996 fait état de transferts résultant de la compensation démographique en progression de 13,6%. Depuis 1995, la prestation de référence pour ces transferts est la retraite moyenne versée par le régime des exploitants agricoles, y compris les bonifications pour enfant, et non plus celle du régime ORGANIC qui concerne les commerçants. Or, le projet de BAPSA pour 1996 prévoit également la prise en charge du coût de ces bonifications par le Fonds de solidarité vieillesse. Ce financement, initialement dépourvu de base légale, vient d'être confirmé par l'article 17 bis que le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale le 21 octobre dernier dans la première partie du projet de loi de finances pour 1996. Pour éviter ce double versement, le Gouvernement devrait modifier, par voie réglementaire, les modalités des transferts de compensation inter-régimes. En quel cas, il faudrait minorer le montant des transferts ainsi inscrits du BAPSA d'un montant d'environ 1,1 milliard selon le dernier rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (voir Annexe).

- Deuxièmement, ce budget prévoit un financement à hauteur de 6,1 milliards en provenance du Fonds de solidarité vieillesse. Celui-ci correspond, d'une part, aux charges non contributives visées par l'article L. 135-2 du code de la sécurité sociale (correspondant au minimum vieillesse du régime agricole) mais surtout aux bonifications pour enfant à charge mentionnées précédemment. Or, l'effectivité de ce financement est, elle aussi, incertaine en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, une mesure de portée identique à celle de l'article 17 bis du projet de loi de finances pour 1996 a été censurée par une décision du 29 décembre 1994. Par celle-ci, le Conseil constitutionnel a rappelé que les budgets annexes sont régis par les mêmes règles financières que celles du budget de l'État et que les dépenses qui présentent un caractère permanent doivent être prises en charge par le budget concerné ou financées par des ressources que celui-ci aura déterminées. Il a ainsi jugé que la prise en charge par le FSV des bonifications pour enfant du régime agricole à partir de 1995 était contraire aux principes d'unité et d'universalité budgétaires. Si le Conseil est cohérent avec cette jurisprudence et s'il est saisi (ce qui n'avait pas été le cas pour le collectif budgétaire de 1994 qui avait visé les mêmes bonifications mais pour l'exercice 1994), il pourrait annuler ce transfert conduisant donc à ajuster le BAPSA pour 1996 à hauteur d'environ 1,9 milliard de francs. Votre rapporteur est conduit à employer le conditionnel car le Gouvernement a choisi cette fois-ci, pour éviter la censure, de faire adopter un dispositif permettant de « sortir » du BAPSA les majorations pour enfants à charge et à les faire apparaître seulement en dépenses du Fonds de solidarité vieillesse. Quand bien même le Conseil constitutionnel validerait ce dispositif, il faudrait de toute manière minorer le montant total du BAPSA, comme l'a précisé aux députés le Ministre de l'économie, des finances et du plan, le 21 octobre dernier : « Cette opération aboutit à réduire de 1.900 millions de francs les dépenses et les recettes du projet de BAPSA pour 1996 sans toutefois modifier l'équilibre du budget annexe ».

- Troisièmement, les estimations concernant l'évolution des dépenses d'AMEXA (assurance maladie des exploitants agricoles) ne tiennent pas compte, et pour cause, des mesures annoncées le 15 novembre dernier par le Premier ministre dans le cadre de la réforme de la protection sociale. Cette réforme prévoit un freinage des dépenses d'assurance maladie avec, notamment, la fixation d'un objectif quantifié national strictement indexé sur les prix (+ 2,1 %), tant pour l'hôpital que pour la médecine de ville. Cet objectif conduit à réviser à la baisse les perspectives d'évolution des dépenses d'assurance maladie de ce régime.

Au-delà de ces incertitudes, le contenu de ce budget est marqué par deux caractéristiques majeures :

-d'une part, à compter de 1996, les cotisations sociales agricoles seront désormais entièrement assises sur le seul revenu professionnel, sans prise en compte du revenu cadastral. L'accélération du terme de cette réforme (initialement fixé à 1999), décidée par la loi de modernisation de l'agriculture du 1 er février 1995, amène à s'interroger sur l'un des objectifs assignés à cette réforme, à savoir la mise à parité de l'effort contributif des exploitants agricoles avec celui des salariés affiliés au régime général ;

-d'autre part, la crainte d'un désengagement de l'État se trouve étayée par le recul important (- 29,4 %) de la subvention d'équilibre, qui fait lui-même suite à une réduction de 51 % en 1995. Même si ce débat peut paraître de nature essentiellement « comptable », puisque le BAPSA est abondé par d'autres ressources permettant de maintenir son équilibre financier, on ne peut que s'interroger sur les conséquences d'une telle évolution.

I. DES RESSOURCES MARQUÉES PAR DE FORTES INCERTITUDES

Bien que n'augmentant que légèrement (+ 2,2 %) par rapport à 1995, les ressources du BAPSA pour 1996 enregistrent de profonds changements :

- s'agissant du financement professionnel, l'achèvement de la réforme des cotisations sociales agricoles se traduit par des modalités de calcul des cotisations techniques entièrement fondées sur le revenu professionnel et par le démantèlement des taxes sur les produits. Ces évolutions conduisent à s'interroger sur l'existence désormais d'une parité entre ce régime et le régime général, qui constituait l'un des objectifs de la réforme ;

- en ce qui concerne les autres ressources, on constate principalement une forte progression de la compensation démographique, la confirmation du recul de la subvention budgétaire d'équilibre de l'État et une évolution incertaine des versements en provenance du Fonds de solidarité vieillesse.

A. LES INTERROGATIONS LIÉES À L'ACHÈVEMENT DE LA RÉFORME DES COTISATIONS SOCIALES

Conformément aux dispositions de l'article 67 de la loi de modernisation agricole du 1er février 1995, la réforme des cotisations sociales agricoles sera menée à son terme dès le 1 er janvier 1996 au lieu du 1 er janvier 1999. Cette accélération était vivement souhaitée par la profession qui estimait que l'allongement de la période intermédiaire conduisait à cumuler les inconvénients de l'assiette cadastrale et de celle du revenu professionnel. Il faut noter également que, pour 1994, 70 % de la masse des cotisations étaient déjà appelés sur le revenu professionnel et que, pour l'exercice 1995, ce pourcentage atteignait environ 86 %.

S'agissant des taxes sur les produits, leur démantèlement porte sur 82 % du montant fixé par la loi de finances pour 1995, le reliquat constaté n'étant que la conséquence du décalage entre le paiement des taxes et la fixation de leur taux.

1. Des rentrées de cotisations sociales professionnelles plus instables

Le produit des cotisations professionnelles des exploitants agricoles devrait progresser de 5,9 % passant de 13,36 à 14,15 milliards.

Cette hausse, de l'ordre de 790 millions de francs, doit néanmoins être relativisée :

- par rapport aux prévisions révisées pour l'année 1995 (décret n° 95-1038 du 21 septembre 1995), qui a augmenté le rendement prévisionnel des cotisations 1995 pour tenir compte de la bonne tenue du revenu agricole et de la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs sur les cotisations vieillesse, on constate en réalité une stabilisation (- 0,4 %). Il convient de rappeler, en effet, qu'un décret intervient chaque année, plusieurs mois après le vote du BAPSA, pour fixer les cotisations finalement appelées au titre de l'année en cours. Les ressources du BAPSA, en particulier le produit des cotisations sociales, sont alors réévaluées en fonction des dernières données disponibles relatives notamment au revenu professionnel ;

- cette évolution intervient après deux années de régression. En 1995, le montant de ces cotisations était en recul de 8,8 %. Ce recul était lié à la prise en compte croissante des revenus professionnels, par ailleurs en diminution de 8,2 % entre 1990 et 1993, et à la mise en oeuvre de nouvelles modalités de calcul résultant notamment de la loi du 10 février 1994 portant diverses dispositions concernant l'agriculture, telles que l'actualisation de la moyenne triennale (prise en compte des revenus des années N-3, N-2, N-l au lieu des années N-4, N-3 et N-2) ou l'intégration des déficits pour leur valeur réelle.

Par ailleurs, ce taux global d'évolution masque de fortes évolutions selon le risque couvert :

- en maladie, le produit des cotisations AMEXA progresse de 2,4 %, « tiré vers le haut » par le produit des cotisations des retraités qui enregistre l'augmentation du niveau moyen des retraites agricoles, mais baisse de 1,5 % par rapport aux prévisions révisées ;

- en vieillesse, la progression avoisine 16,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et augmente de 2,3 % par rapport aux prévisions révisées ;

- pour les prestations familiales, le produit est stable par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 mais baisse de 2,3 % par rapport aux prévisions révisées.

- Évolution des cotisations sociales agricoles techniques en 1996

Il faut noter également que ces prévisions sont à utiliser avec précaution. En effet, elles reposent sur l'hypothèse d'une stabilité de l'assiette « revenu professionnel » alors que le premières évaluations laissent penser que celle-ci devrait augmenter de façon significative.

Par ailleurs, ces cotisations auront un impact très variable selon la situation des agriculteurs . Ainsi, pour le cas extrême d'une exploitation dont l'assiette « revenu professionnel » est nulle en 1996 et dont le revenu cadastral est inférieur à 2.157 francs, la cotisation passera en assurance maladie de 6.320 francs en 1995 à 8.007 francs en 1996.

Votre commission relève l'évolution contrastée du produit des cotisations sociales sur la période de mise en oeuvre de la réforme : progression entre 1990 et 1993, régression entre 1994 et 1995. à nouveau progression en 1996 (évaluations fondées sur les budgets votés). Cette évolution est à mettre en rapport avec les fluctuations du revenu agricole lui-même qui se répercutent avec un certain décalage (en raison de la prise en compte de la moyenne triennale).

Par ailleurs, elle constate le maintien de fortes divergences entre les évolutions du revenu agricole et du revenu disponible par habitant. La mise en perspective des croissances respectives du revenu agricole et du revenu disponible fait apparaître que l'agriculture évolue toujours dans une « temporalité » spécifique qui n'est pas celle de l'ensemble de l'économie française. Cette spécificité milite en faveur du maintien d'un régime propre aux exploitants agricoles.

Comparaison du revenu agricole et du revenu disponible

(1970 = 100 en termes réels)

Source : INSEE. APCA. études économiques.

2. L'impact financier du démantèlement des taxes

Le projet de BAPSA pour 1996 prévoit un montant global de taxes sur les produits agricoles de 53 millions de francs. Ce montant correspond exclusivement au reliquat des taxes sur céréales et oléagineux perçues en 1996, sur les livraisons de la campagne 1995-1996.

Le démantèlement des taxes sur les produits agricoles a été entrepris depuis 1990 parallèlement à la mise en oeuvre de la réforme des cotisations sociales. Leur montant est ainsi passé de 1,7 milliard en 1990 à 300 millions de francs en 1995.

L'article 25 du projet de loi de finances pour 1996 abroge explicitement les taxes perçues au profit du BAPSA sur les betteraves, les céréales et les oléagineux. Le décalage avec les dates des campagnes à compter desquelles les taxes sont supprimées (en l'occurrence à compter de la campagne 1996-1997) s'explique par les différences existant dans les modalités de fixation des taux et de paiement de ces taxes.

Votre commission se félicite de la continuité de la politique suivie dans ce domaine et de la réalisation d'un engagement pris, il y a plus de six ans, sous un précédent Gouvernement.

Elle note toutefois que, si la disparition de ces taxes a pour effet de réduire la part du financement professionnel dans les recettes totales du BAPSA, la portée de cette baisse qui, sur un an, équivaut à 247 millions de francs, est presque annulée, au niveau de l'ensemble des prélèvements pesant sur les exploitants agricoles, par la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs sur les cotisations vieillesse dont le coût s'élève à 217 millions de francs.

Crédits votes et rendements (déduction faite des restitutions)

3. Les implications de la réforme sur l'avenir du régime

L'évolution du financement professionnel conduit à s'interroger sur deux problèmes essentiels.

a) Le débat sur la parité

L'attention de votre commission a longuement été retenue, à l'occasion de l'examen du BAPSA pour 1995, par la question de la parité. Le débat sur la parité concerne l'appréciation de l'effort contributif des exploitants agricoles par rapport aux salariés. Il se pose de manière récurrente depuis plusieurs années.

A la suite des observations présentées notamment par votre rapporteur, M. Jean Puech, alors ministre de l'agriculture et de la pêche, avait indiqué au Sénat, le 2 décembre 1994, qu'il demanderait « à une personnalité indépendante de remettre à plat les données du problème, c'est-à-dire les éléments à prendre en considération dans la fixation du taux de parité, pour tenir compte des évolutions intervenues depuis le début de la réforme dans le régime général et le régime agricole ».

Mme Yannick Moreau, Conseiller d'État, qui a été chargée de cette mission a remis son rapport en octobre dernier. Ce dernier a été transmis au Parlement conformément à l'engagement du ministre de l'Agriculture. Le rapport Moreau conclut au fait que les cotisations actuellement demandées aux exploitants agricoles n'aboutissent pas à un dépassement de la parité par rapport aux autres catégories, notamment les salariés. Elles se situeraient même en-deça de cette parité, tant en ce qui concerne leur assiette que leur taux.

En ce qui concerne l'assiette, le rapport considère le mode de calcul des cotisations favorable aux agriculteurs pour trois raisons :

- il fait l'impasse sur plus de 6 milliards de francs de perte d'assiette due à la sous-évaluation des forfaits ;

- la déduction des amortissements et le fait de cotiser sur une assiette nette compensent, comme pour les artisans et les commerçants, la prise en compte de l'ensemble des revenus professionnels ;

- les déductions particulières, notamment au titre du capital foncier et des investissements, compensent le fait que les capitaux immobilisés en agriculture sont particulièrement lourds.

En ce qui concerne le taux, le rapport considère que l'avantage équivaut à 3,88 % de cotisations, soit :

- 0,64 % au titre du coût de la déduction des déficits ;

- 2,29 % représentant les dispositions plus favorables en assurance vieillesse pour les chefs d'exploitation ;

- 0,95 % au titre des avantages vieillesse des conjoints d'exploitants.

En sens inverse, le taux du régime général, qui est de 41,35 %, devrait être minoré de 3,56 %, pour pouvoir être comparé à celui du régime agricole, à savoir :

- 1,96 % correspondant à l'absence d'indemnités journalières en cas de maladie ;

- 1,60 % au titre des cotisations minimum d'assurance maladie correspondant au seuil minimum d'ouverture des droits en maladie dans le régime général.

Ainsi, si on fait le bilan des différences favorables au régime agricole qui devraient donner lieu à une majoration du taux de cotisations du régime agricole (elles apparaissent dans le tableau ci-dessous en positif) et des différences défavorables au régime agricole qui, elles, devraient donner lieu à une minoration des taux de cotisations (elles apparaissent en négatif) on obtient le résultat suivant en faveur de ce régime :

Calcul au taux de parité

(données 1995 ; en millions de francs)

Le rapport Moreau aboutit donc à la conclusion qu'il n'y a pas de dépassement de la parité et que le taux de cotisation retenu en 1995, à savoir 38,76 % est loin de défavoriser les exploitants agricoles, même si on exclut la prise en charge des déficits par la profession et le coût de l'exonération des jeunes agriculteurs.

Il formule, par ailleurs, deux propositions méthodologiques :

- s'agissant de la parité du régime agricole avec les autres régimes, le rôle du ministère chargé de la sécurité sociale devrait être renforcé, notamment celui de la Direction de la sécurité sociale. Il est suggéré notamment que la représentation du ministère au Conseil supérieur de la protection sociale agricole soit assurée au plus haut niveau. Ce rapport attire particulièrement l'attention sur les questions d'assiette pour lesquelles les mesures prises pour les exploitants agricoles pourraient, si l'on n'y prête pas garde, poser un jour problème, notamment vis-à-vis des régimes de non salariés non agricoles ou régime général. Il souligne enfin la nécessité que la Direction générale des impôts veille à ce que les sous-évaluations manifestes du forfait soient corrigées même si les exploitants ne sont pas imposables ;

- s'agissant de l'évolution des taux, le rapport considère que l'objectif d'assurer une certaine stabilité n'est pas réaliste en raison de l'environnement économique et social. Il propose donc que la concertation relative aux adaptations soit effectuée notamment au Conseil supérieur des prestations agricoles et préparée par des travaux techniques officiels qui pourraient, si nécessaire, être établis par un sous-groupe technique de ce Conseil. Il juge enfin souhaitable que la concertation se fasse également au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale qui est particulièrement bien placée pour traiter les questions de parité entre les régimes.

Votre commission s'est interrogée sur le point de savoir si le débat sur la parité était clos pour autant. Elle ne le pense pas pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la portée des conclusions du rapport peut être relativisée.

Certains observateurs ont souligné d'ailleurs le caractère contestable de certains postulats de départ des calculs présentés. Ainsi, M. Yves Rispat, rapporteur de la commission des Finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale, sur les prestations sociales agricoles (rapport AN n° 2270, dixième législature) fait notamment observer que :

- s'il est admis que l'assiette des exploitants agricoles est à la fois plus large que celle des salariés car elle inclut le revenu implicite du capital qu'ils ont investi dans leur exploitation et plus étroite car nette de cotisations sociales, le rapport Moreau estime que leurs effets s'annulent en évaluant le rendement implicite du capital à 2 %. Or. ce taux peut sembler arbitraire alors que le choix d'un taux, légèrement supérieur, sans être exorbitant, de 3 à 4 % par exemple, ferait apparaître un déséquilibre significatif d'assiette aux dépens des exploitants agricoles ;

- la prise en compte des déficits fiscaux dans l'assiette triennale des cotisations des exploitants agricoles est présentée comme un avantage alors que celle-ci est la conséquence même du caractère triennal de cette assiette et de la nécessité d'éviter des variations excessives qui seraient, sinon, inéluctables en raison de l'irrégularité des revenus agricoles d'une année agricole. Le rapport comporte à cet égard des observations contradictoires soulignées à juste titre par M. Rispat.

Outre ces appréciations divergentes, on peut noter, en deuxième lieu, à titre individuel, des évolutions préoccupantes notamment pour les exploitants les plus modestes et les plus en difficulté (c'est-à-dire ceux dont le revenu cadastral est faible et dont le revenu professionnel est presque nul). A titre d'exemple, ces exploitants agricoles subiront une hausse de 22 % de leurs cotisations techniques minimales et de 16 % de leurs cotisations totales (techniques et complémentaires) en raison du basculement intégral des cotisations minimales AMEXA sur le revenu professionnel en 1996, ajouté à l'extension en année pleine de la suppression de la remise forfaitaire de 42 francs.

En troisième lieu, votre commission appelle également l'attention sur la persistante faiblesse de certaines prestations dont le niveau moyen est loin d'atteindre celui constaté dans les autres régimes et notamment le régime général. Le montant moyen des retraites avoisine dans ce régime 2.250 francs par mois, soit le niveau du revenu minimum d'insertion.

Elle relève, par ailleurs, des insuffisances au niveau de l'action sanitaire et sociale. Même si les dépenses en ce domaine ont progressé fortement depuis 1990, passant de 1 milliard à 1,5 milliard en 1994, l'effort d'action sanitaire et sociale de la MSA est dominé par l'importance des dépenses de personnel, liées à l'activité des services sociaux (permanences, visites) ou à la participation aux programmes collectifs (assistantes sociales et conseillères en économie sociale et familiale).

Le tableau ci-dessous retrace la structure des dépenses d'action sanitaire et sociale en 1993 :

Structure des dépenses d'action sanitaire et sociale - 1993

En M. F. Source CCMSA

Ainsi, malgré une importante progression depuis quatre ans, on constate que l'aide ménagère ne représentait en 1993 que 20 % des dépenses.

Dans le rapport d'enquête remis au ministre de l'Agriculture en mai dernier sur le financement des dépenses de gestion et d'action sanitaire et sociale de la MSA, il est indiqué que « si l'on appliquait au régime agricole le même nombre moyen d'heures accordées, la même proportion de bénéficiaires et le même coût horaire moyen que ceux du régime général, le supplément de financement à mettre en place serait de l'ordre de 191 millions de francs. »

Le même rapport souligne les disparités départementales très fortes en terme de barèmes et de taux de prise en charge concernant l'aide ménagère. Il en résulte par exemple que dans quinze caisses, moins de 2 % seulement des retraités bénéficient du dispositif alors que dans six caisses, les bénéficiaires représentent 6 % (le taux moyen s'établit à 3,9 %).

Les dépenses d'action sanitaire et sociale sont tributaires de la situation financière des caisses. Or, une parité de prestations entre les adhérents du régime agricole eux-mêmes devrait être respectée. Le rapport susmentionné propose d'élargir les mécanismes du Fonds d'action sanitaire et sociale (FAAS) en prévoyant que chaque caisse :

- verse à ce fonds des cotisations proportionnelles à ses capacités contributives, évaluées sur la base des cotisations complémentaires au taux-pivot ;

- reçoive des dotations au prorata de la population potentiellement couverte par l'action sociale dans le département.

Le montant du FAAS de 121 millions de francs en 1994 devrait en conséquence être élargi et couvrir une large part des dépenses d'action sociale, à l'exception d'une fraction permettant de maintenir le principe de responsabilité des caisses. Un montant de 650 millions de francs représentant 80 % des dépenses d'action sociale en 1993 pourrait ainsi être retenu.

b) Le financement des caisses

Votre commission tient également à appeler l'attention du Gouvernement, cette année encore, sur l'évolution défavorable du financement de la gestion des caisses de MSA. Les conditions initialement définies pour le passage d'une assiette des cotisations des exploitants fondée sur le revenu cadastral à une assiette fondée sur le revenu professionnel ont, en effet, été profondément modifiées.

Les dispositifs ons initiales prévoyaient notamment :

- que la montée en charge de la nouvelle assiette s'effectuerait progressivement de 1990 à 1999 ;

- que les assiettes devraient être calculées sur la base de la moyenne triennale des bénéfices fiscaux, de façon à pallier la variabilité du revenu professionnel ;

- que les déficits fiscaux ne seraient pas pris en compte dans leur intégralité pour le calcul de la moyenne triennale mais seulement pour une somme nulle.

Or, le terme de la période transitoire a été ramené de 1999 à 1996 et des aménagements sont intervenus pour prendre en compte les déficits pour leur valeur réelle, modifier les années de référence notamment dans le calcul de la moyenne triennale ou pour ouvrir une faculté d'option pour un calcul des cotisations sur la base des revenus professionnels de l'année courante au lieu de la moyenne triennale.

La conjonction de ces mesures spécifiques a entraîné une forte érosion de l'assiette des cotisations, aussi bien techniques que complémentaires, notamment des agriculteurs placés sous le régime du bénéfice fiscal réel. Une étude réalisée par le ministère de l'Agriculture indique que, pour ces derniers, la diminution de l'assiette est de l'ordre de 17 % (soit environ 5,2 milliards de francs) par rapport au dispositif initial. A ces mesures, vient s'ajouter à partir de 1995, la prise en compte de la « rente du sol » dans le calcul des charges des propriétaires exploitants.

Pour les cotisations complémentaires, après une période de stabilité entre 1990 et 1993, on relève depuis 1994 une forte dégradation en particulier en raison du basculement de l'assiette des prestations familiales qui avait été insuffisamment anticipé par les caisses en 1992 et 1993.

On note également une diminution des produits financiers depuis 1993 (résultant du placement des liquidités des caisses) en raison de l'augmentation des cotisations non recouvrées qui pèse sur la trésorerie et surtout de la forte décrue du niveau des taux d'intérêt.

Le taux de « restes à recouvrer » avoisine environ 8 % en 1994, ce qui représente un montant cumulé de créances d'environ 4,2 milliards. Ce taux a progressé de près de deux points entre 1989 et 1994. Encore faut-il noter de très fortes variations selon les caisses. Ce taux varie de 2,28 % en Haute-Marne à 20,02 % dans le Gers. Les principaux facteurs explicatifs sont :

- l'augmentation brutale des cotisations émises sur les exploitants au moment des changements d'assiette ;

- les difficultés liées à la situation financière fragile de certains employeurs de main d'oeuvre (entreprises d'entretien d'espaces verts, éleveurs-entraîneurs de chevaux...) ;

- les aléas climatiques ;

- les mouvements ponctuels de « grève des cotisations » ;

- la politique des caisses en matière de remises de pénalités.

Les conclusions du rapport d'experts de mai 1995 suggèrent essentiellement une optimisation des dépenses, partant du constat de la dégradation de la productivité globale des caisses (coûts de gestion/population protégée) entre 1989 et 1993 de 5,9 % et des écarts considérables par rapport à la situation médiane (amplitude de 46 %).

Votre commission se montre réservée sur un renforcement des mécanismes de péréquation qui ferait reporter sur les caisses les mieux gérées le poids des déficits. En revanche, toute mesure qui, d'un point de vue législatif, permet d'assurer une meilleure stabilité des cotisations devrait être encouragée comme le calcul de l'assiette des exploitants en moyenne triennale des revenus professionnels et non sur une base annuelle.

B. DES RECETTES EXTRAPROFESSIONNELLES MARQUÉES PAR UNE RÉGRESSION DES CONCOURS BUDGÉTAIRES

Les recettes d'origine professionnelle ne représentent plus, en 1996, que 15,95 % du financement total du BAPSA. Même si ce taux ne revêt pas une grande signification dans la mesure où désormais les règles de cotisations du régime des exploitants agricoles sont similaires à celles des salariés, cette situation a pour conséquence de rendre ce régime de plus en plus dépendant des transferts en provenance d'autres régimes sociaux ou de l'État.

1. Des transferts de solidarité en nette progression

Les transferts qu'on peut qualifier de « solidarité » proviennent des autres régimes sociaux et du Fonds de solidarité vieillesse. Ils représentent une part croissante du BAPSA puisqu'ils passent de 42 % à 47 % du total de ses ressources. On constate :

- une augmentation des flux de la compensation démographique vieillesse et maladie ;

- un affaissement de la contribution de la Caisse nationale des allocations familiales ;

- une évolution ambiguë du versement du Fonds de solidarité vieillesse.

Or, ceux-ci s'opèrent dans des conditions insuffisamment transparentes et qui rendent difficile le contrôle exercé par le Parlement.

a) L'augmentation des flux de compensation démographique

Les sommes versées au BAPSA au titre de la compensation démographique progresseront en 1996 de 13,6 %, passant de 29,5 milliards à 33,5 milliards de francs. Cette somme se répartit ainsi :

- compensation « maladie » 1996 : 7,327 milliards de francs,

- compensation « vieillesse » 1996 : 24,894 milliards de francs,

- prévision de régularisation au titre de l'exercice 1995

1,265 milliard de francs.

Cette forte hausse résulte d'une part de l'importance des régularisations sur les acomptes versés au titre de l'exercice 1995 (en leur absence le taux de progression des transferts de compensation démographique aurait été limité à 6,6 %) et, d'autre part, à la révision du mode de calcul de la compensation démographique vieillesse.

Depuis 1995, la prestation de référence pour la compensation démographique est la retraite moyenne versée par le régime des exploitants agricoles puisqu'elle est la plus basse parmi celles versées par les régimes éligibles à la compensation. Cette prise en compte soulève néanmoins un problème de fond. Comme l'indique explicitement le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (voir annexe ci-jointe), les majorations pour enfant à charge versées aux retraités agricoles sont actuellement financées par le système de compensation car la prestation de référence prend en compte la moyenne de l'ensemble des avantages de vieillesse qui leur sont servis (retraites forfaitaire et proportionnelle y compris majorations pour enfant à charge).

Or, votre commission constate que ces mêmes avantages sont mis à la charge du FSV par l'article 17 bis du projet de loi de finances pour 1996.

Par ailleurs, ce mécanisme de compensation pénalise gravement des régimes qui connaissent par là même une dégradation considérable de leur équilibre financier (régime général, régime des fonctionnaires de l'État et régime des agents des collectivités locales). Au fond, ce système permet à l'État de « colmater » de façon ponctuelle des déficits sociaux à caractère structurel, mais au prix d'une accélération de la dégradation de la situation financière des régimes plus favorisés au plan démographique.

Votre commission des Affaires sociales souhaite, par conséquent, que la vaste réforme de la protection sociale annoncée par le Gouvernement, touche également ces mécanismes de compensation.

b) Le recul de la contribution de la CNAF

En revanche, le versement en provenance de la Caisse nationale des allocations familiales enregistre une baisse significative de 5,5 % contrastant avec la forte majoration constatée en 1995 qui avoisinait 20 %. Il s'établira à 2,221 milliards de francs contre 2,350 milliards pour l'exercice 1995.

Il convient de rappeler que depuis 1983, l'unification de la branche des prestations familiales a entraîné une participation financière de la Caisse nationale des allocations familiales au BAPSA. Celle-ci correspond à la différence entre le total des prestations versées hors allocations aux adultes handicapés (et hors bourses scolaires pour les années 1995 et 1996) et les cotisations théoriques.

Jusqu'en 1993, les cotisations théoriques comprenaient les cotisations affectées au BAPSA et la contribution de l'État aux prestations familiales. Elles correspondaient à ce que les agriculteurs auraient dû verser s'ils avaient été placés en situation de salariés du régime général, l'appréciation de leurs capacités contributives étant obtenue à partir des données fournies par les comptes de l'Agriculture.

Par ailleurs, en gestion, le versement effectif de la CNAF pour une année était majoré ou minoré :

- de l'écart entre les prestations servies et les prestations prévues au titre de l'année antérieure,

- de l'écart entre les cotisations théoriques résultant de l'évaluation du revenu agricole (comptes semi-définitifs) et de celles prévues pour l'année n-2.

Depuis 1994, la hausse de la contribution de la CNAF s'explique par les effets de la substitution du revenu professionnel réel (bénéfice fiscal forfaitaire ou réel) à l'équivalent du salaire brut issu des comptes de l'Agriculture pour déterminer les cotisations théoriques dues par les exploitants ainsi que par la légère augmentation des prestations familiales résultant de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille (en particulier l'extension de l'allocation parentale d'éducation).

En 1996, la diminution de la contribution de la CNAF est directement liée au « tassement » des prestations versées notamment au titre du logement.

L'an dernier, votre commission avait souligné le caractère inopportun de l'augmentation des transferts en provenance de la CNAF compte tenu de la dégradation préoccupante de la situation financière de cette branche. Cette dégradation est confirmée par le dernier rapport de la Commission des Comptes de la sécurité sociale d'octobre 1995 puisqu'en 1995, elle enregistre un déficit de 13,3 milliards et que les prévisions pour 1996 font état d'un déficit prévisionnel de 11,9 milliards.

Dans ce contexte, elle ne peut que se féliciter de la diminution des ponctions opérées sur la branche famille, même si celle-ci est, pour la majeure partie, le résultat mécanique de l'évolution défavorable du rapport démographique au sein du régime des exploitants agricoles.

c) L'évolution incertaine du versement du FSV

Apparu en 1994, le financement par le FSV est en passe de représenter une part importante des recettes du BAPSA, soit 6,1 milliards (ou 7 % du total). Les chiffres transmis par le ministère faisant état d'une diminution de ce financement de 6,85 % entre 1995 et 1996 apparaissent, pour l'instant, doublement discutables :

- d'une part, cette présentation ne tire pas les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel DC 94-351 du 29 décembre 1994 qui a censuré l'article 34 de la loi de finances initiale pour 1995. Celui-ci prévoyait notamment, à compter de l'exercice 1995, la prise en charge par le FSV, au titre de ses dépenses permanentes, des sommes correspondant au service des majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants versées par le régime des exploitants agricoles en application de l'article 1107 du code rural. Le chiffre de 6.6 milliards figurant dans le tableau récapitulatif du BAPSA pour 1995 et dans le « bleu » budgétaire ne correspond donc pas aux versements effectifs en 1995 qui se sont établis à environ 4,2 milliards ;

-d'autre part, avant même l'adoption le 21 octobre dernier par l'Assemblée nationale du dispositif de l'article 17 bis, le financement par le FSV des majorations pour enfant à charge au titre de l'exercice 1996 était déjà inscrit dans le « bleu budgétaire ». Interrogé sur l'inscription de ces ressources « par anticipation », le ministre de l'Agriculture avait indiqué à notre rapporteur, lors de son audition du 12 octobre dernier, que le Gouvernement recherchait le support juridique adéquat pour réintroduire la mesure censurée par le Conseil constitutionnel car, sur le principe, comme pour les autres régimes de base, le régime agricole devait pouvoir bénéficier des transferts du FSV pour ce type de dépenses.

Votre commission déplore ces opérations qui altèrent la sincérité des comptes soumis au Parlement.

Elle s'interroge, par ailleurs, sur le contenu même de l'article 17 bis pour les raisons suivantes :

1°) jusqu'à présent, le BAPSA soumis à l'approbation annuelle du Parlement retraçait l'ensemble des recettes et des dépenses du régime social des exploitants agricoles. L'amendement va donc soustraire à l'examen du Parlement des opérations financières qui portent sur près de 2 milliards par an. Or, le Parlement ne voit pas parallèlement ses possibilités de contrôle renforcées sur le FSV dont les comptes ne figurent qu'en annexe du rapport du Gouvernement sur la protection sociale institué par la loi du 25 juillet 1994 (art. 111-3 du code de la sécurité sociale). Cette mesure apparaît, par ailleurs, contraire aux orientations présentées dans le cadre de la réforme de la protection sociale qui fait du Parlement « la clé de voûte du dispositif » et renforce ses pouvoirs de proposition et de contrôle en ce domaine.

2°) Les bonifications pour enfant à charge seront les seules prestations du régime des exploitants agricoles à faire l'objet d'un tel traitement alors que leur calcul est étroitement dépendant de celui des pensions de retraite de ce régime. Toutes les autres prestations sont retracées dans le BAPSA.

3°) Comme le rappelle le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, rendu public le 30 octobre dernier (p. 31) « toutes les majorations pour enfants à charge versées à ces retraités (agricoles) sont aujourd'hui financées par le système de compensation, c'est-à-dire pour l'essentiel par les régimes de salariés ». Autrement dit, grâce au système de compensation généralisée entre les régimes sociaux qui prend comme prestation de référence la pension de retraite servie par le régime des exploitants agricoles (pension qui est la plus faible) complétée par les majorations pour enfants à charge, ces dépenses sont déjà prises en charge financièrement par des apports extérieurs. Ces dépenses sont donc matériellement compensées deux fois.

4°) L'an dernier, une précédente opération ayant la même portée a été censurée par le Conseil constitutionnel (décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994) au motif qu'elle contrevenait au principe d'universalité budgétaire. Cette règle fait obstacle à ce que des dépenses qui présentent par nature un caractère permanent ne soient pas prises en charge par le budget concerné, en l'occurrence le BAPSA. ou soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas. Si le Conseil constitutionnel est cohérent avec cette jurisprudence, il pourrait censurer l'article 17 bis ainsi voté par l'Assemblée nationale.

2. L'ajustement des concours budgétaires et assimilés

Ces derniers enregistrent une inflexion notable à l'exception des recettes de TVA affectées.

a) La stabilisation des recettes de TVA.

On constate une évolution limitée des recettes de TVA affectées au BAPSA qui passent de 23,2 milliards à 23,8 milliards (montant net des restitutions), soit une progression de 2.7 %. Cette progression fait suite à une hausse de 74,5 % l'an dernier qui était liée au passage de 0,7 % contre 0,4 % entre 1992 et 1994 de la participation de la TVA au BAPSA.

Pour 1996. le taux reste fixé à 0.7 % de l'assiette mais les prévisions de rendement sont révisées et calculées en fonction de la croissance économique attendue en 1996 (hypothèse de + 2,8 % en volume).

La part des recettes de TVA dans les ressources du BAPSA se stabilise ainsi à hauteur de 26,7 %. Le relèvement de deux points de la TVA, intervenu le 1er août dernier, n'a eu aucune incidence sur la cotisation incluse dans la TVA qui alimente le BAPSA car il s'agit en effet d'un prélèvement sur la valeur ajoutée et non sur la taxe elle-même.

b) Le recul de la subvention d'équilibre

La stagnation des remboursements de l'État au titre des allocations supplémentaires versées aux invalides et des allocations versées aux adultes handicapés (AAH), soit respectivement 136 millions et 586 millions de francs, contraste avec le nouveau recul de sa subvention d'équilibre qui passe de 9.134 milliards à 6.447 milliards, soit - 29,42 %.

Cette régression appelle deux remarques principales :

- d'une part, elle intervient après une baisse déjà considérable en 1995, la subvention d'équilibre étant passée de 18,6 milliards en 1994 à 9,1 milliards en 1995. soit - 51 %.

- d'autre part, elle résulte de la forte augmentation des recettes de compensation inter-régimes (+ 13,65 %) et du FSV (+ 22 % si on tient compte de l'annulation de l'article 34 de la loi de finances pour 1995 par le Conseil constitutionnel, ce que ne font pas les tableaux transmis par le ministère de l'Agriculture).

Votre commission des Affaires sociales craint que ce recul, constaté sur deux exercices consécutifs, ne traduise un certain désengagement de l'État à l'égard du régime social des exploitants agricoles. Cette situation n*est, en effet, pas satisfaisante car elle substitue à des dotations budgétaires des montages complexes qui n'incitent pas à la responsabilisation des différents acteurs de ce système.

Ainsi, l'augmentation des transferts en provenance des autres régimes, par le biais du système de compensation généralisée vieillesse, pèse sur des régimes qui pourraient profiter de leur meilleur rapport démographique pour constituer des réserves prévisionnelles et anticiper des évolutions défavorables.

Elle constate, par ailleurs, que ce désengagement s'effectue dans des conditions contestables avec, en matière de compensation, une utilisation conjoncturelle des taux de compensation (passage de 22 % à 38 % en 1994) et, en ce qui concerne le Fonds de solidarité vieillesse, des rattachements juridiquement incertains.

II. DES DÉPENSES CARACTÉRISÉES PAR LA MONTÉE EN CHARGE DES MESURES EN FAVEUR DES RETRAITES

S'agissant des dépenses, on constate une augmentation plus forte que celle observée les années précédentes. On a rappelé que cette hausse, de 2.24 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995 et de 2,26 % par rapport aux prévisions révisées de 1995, s'explique, d'une part, par la montée en charge des mesures d'amélioration des petites retraites adoptées depuis un an et, d'autre part, par la hausse des dépenses d'assurance maladie issue des revalorisations tarifaires en 1995.

Cette évolution, voisine de la progression du taux d'inflation enregistré depuis un an et qui fera passer le total de dépenses de 87 milliards en 1995 à 89 milliards en 1996. est d'autant plus remarquable que les effectifs d'assurés du régime agricole sont en baisse de 3 % pour la branche maladie, de 6 % pour la branche famille et à peine stable pour la branche vieillesse.

Toutefois, ces dépenses sont également frappées d'une marge d'incertitude compte tenu du plan de réforme de la protection sociale annoncé le 15 novembre dernier par le Premier ministre.

A. LES DÉPENSES D'ASSURANCE VIEILLESSE

Les dépenses d'assurance vieillesse enregistrent une nette progression, passant de 46.9 milliards à 48,5 milliards de francs, soit une hausse de 2.2 % par rapport aux nouvelles prévisions de dépenses pour l'année 1995. Elles représentent le premier poste de dépenses avec près de 52 % du total.

Si le poids des retraites forfaitaires et proportionnelles continue à s'accentuer, celui des allocations du Fonds vieillesse de solidarité régresse fortement, comme le souligne le tableau ci-dessous :

L'augmentation des retraites forfaitaires de 3,1 % marque un renversement de tendance par rapport aux années antérieures marquées par un recul continu (- 0,6 % en 1993 et - 1.1 % en 1994).

Elle est à mettre au compte des mesures relatives aux pensions de réversion prévues par la loi de modernisation de l'agriculture du 1er février 1995. Celle-ci fait bénéficier les veuves et veufs du régime agricole d'une nouvelle majoration de leur pension de 2.000 francs, soit une augmentation de 4.000 francs sur deux ans.

Les retraites proportionnelles enregistrent, quant à elles, l'augmentation du nombre de points moyens acquis lors de la liquidation de la retraite (630 points pour les entrées contre 431 pour les sorties) et l'effet des mesures en faveur des petites retraites, prises en 1994, à savoir la prise en compte des périodes accomplies en qualité d'aide familial.

L'importante baisse en volume de la part FSV (- 7,6 %) correspondant grosso modo au minimum vieillesse de ce régime, s'explique par la mortalité importante des allocataires et par l'amélioration du niveau des retraites qui réduit, année après année, le nombre de bénéficiaires du Fonds national de solidarité.

Votre commission constate que, malgré les progrès accomplis, le montant moyen des retraites agricoles reste encore faible et que l'impact des réformes législatives n'a pas toujours été à la hauteur des espoirs que leur annonce avait suscités. Ce montant avoisine, en 1995, 27.000 francs par an (2.250 francs par mois), soit le niveau du revenu minimum d'insertion.

Elle rappelle son souhait de voir porter le montant de ces retraites au niveau du minimum vieillesse du régime général, qui est actuellement d'environ 16.600 francs par an.

B. LES DÉPENSES MALADIE

Les dépenses d'AMEXA représentent le second poste de dépenses avec 37 % du total, en progression de 1.23 %.

Il faut noter que cette évolution est plus forte si on se réfère aux prévisions révisées ( + 3.3 %). en raison notamment de la progression des dépenses d'hospitalisation. Mais ces dépenses sous-estiment les économies qui seront induites par la mise en place, à compter du 1er janvier 1996, du carnet médical rendu obligatoire pour les personnes de plus de 70 ans atteintes d'au moins deux pathologies nécessitant un traitement de plus de six mois. Celui-ci pourrait concerner 80 à 90 % des 780.000 personnes âgées dans ce régime.

Ces dépenses subissent, par ailleurs, l'impact du vieillissement des ressortissants de ce régime qui accroît en moyenne de 1.8 point par an la consommation médicale.

Votre commission remarque que ces prévisions concernant le poste de dépenses en assurance maladie sont, d'ores et déjà, obsolètes en raison des mesures annoncées dans le cadre de la réforme de la protection sociale. Celle-ci prévoit notamment :

- la détermination d'un objectif d'évolution fixé chaque année par le Parlement, décliné par profession de santé et la mise en place d'un dispositif précis de lutte contre les gaspillages :

- une vaste réforme hospitalière fondée sur quatre grands principes : la régionalisation, l'accréditation et l'évaluation des services hospitaliers, la contractualisation. la coordination entre l'hospitalisation publique et privée ;

- un renforcement de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé avec, notamment, l'extension des références médicales opposables, l'accélération du codage des actes, etc.

C. LES PRESTATIONS FAMILIALES

Les prestations familiales ne représentent plus que 5 % des dépenses du BAPSA et régressent de 2.7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995. Leur montant passera ainsi de 4,7 milliards en 1995 à 4,6 milliards en 1996.

Cette évolution résulte du déclin des effectifs de bénéficiaires (- 5,5 % entre 1995 et 1996) même si celui-ci est atténué par la revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (+ 2,1 %) et par l'application de la-loi « famille » du 25 juillet 1994 à hauteur d'environ 130 millions de francs.

On notera que la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) n'est pas prise en compte alors qu'elle intervient désormais avec un certain systématisme. En 1995. son coût s'est élevé à 185 millions de francs.

Par rapport aux prévisions de réalisations pour 1995, votre commission note en effet que la baisse tendancielle de ces prestations n'est ralentie que par l'amélioration des aides au logement et par les conséquences de l'élargissement de l'attribution de l'allocation parentale d'éducation aux familles ayant deux enfants prévu par la loi « famille ».

D. AUTRES DÉPENSES

Enfin, votre commission appelle l'attention sur :

- la simple reconduction des crédits relatifs à la prise en charge et à l'étalement des cotisations sociales pour les agriculteurs en difficulté à hauteur de 170 millions de francs. La stabilité de ces crédits contraste avec la forte augmentation du taux de « reste à recouvrer » pour les caisses de MSA. qui a cru, selon le rapport d'enquête sur le financement des dépenses de gestion et d'action sanitaire et sociale de la MSA remis en mai 1995 ( ( * )2) , de 2,3 points entre 1989 et 1993 et avoisine 8 % en 1994. Faute d'informations plus détaillées, il est difficile d'apprécier si ces crédits sont adaptés aux besoins réels :

- la progression de 33 % des charges d'intérêts dont le montant passe de 150 à 200 millions de francs. Le montant pour 1995 avait été calculé de façon trop volontariste. Celui proposé pour 1996 correspond donc à un ajustement, peut-être encore trop optimiste, compte tenu des incertitudes qui pèsent sur le volet financement.

En conclusion, compte tenu du contexte budgétaire particulièrement difficile et de la réforme de la protection sociale présentée au Parlement par le Premier ministre, le 15 novembre dernier, qui doit notamment conduire à une clarification des responsabilités et des financements entre l'État et la sécurité sociale, votre Commission vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du budget annexe des prestations sociales agricoles pour 1996.

ANNEXE - EXTRAIT DU RAPPORT D'OCTOBRE 1995 DE LA COMMISSION DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Problème méthodologique lié au calcul de la prestation de référence de la compensation généralisée vieillesse

La compensation généralisée vieillesse entre salariés et non salariés peut être comparée à un jeu à somme nulle. Les joueurs reçoivent, soit des bonnes cartes quand ils ont plus de retraités que la moyenne, soit des mauvaises quand ils ont plus de cotisants que la moyenne.

Les joueurs possédant les bonnes cartes reçoivent pour chacune d'entre elles une allumette. Les joueurs ayant les mauvaises cartes contribuent au tas d'allumettes au prorata de leurs mauvaises cartes.

On donne ensuite une valeur à l'allumette : pour 1995 et 1996, elle a la valeur de la prestation annuelle moyenne servie aux exploitants agricoles (environ 18.000 francs).

Aujourd'hui, il y a en moyenne deux mauvaises cartes (cotisants) pour une bonne carte (retraité) : ainsi, le rapport démographique entre les cotisants et les retraités de plus de 65 ans est de l'ordre de deux.

Par contre, le régime des exploitants agricoles a au total 2 millions de retraités, dont 1, 7 de plus de 65 ans. Son rapport démographique est, en effet, de 0,5 (cotisant pour 2 retraités et non 2 cotisants pour I retraité). Ses cotisants sont au nombre d'environ 800.000. Dans une situation démographique normale, ses effectifs de retraités de plus de 65 ans devraient être de l'ordre de 400.000. Il a donc 1,3 million de retraités en trop (les bonnes cartes). Il reçoit donc 1,3 million d'allumettes valant 18.000 francs, soit au total 23 milliards de francs.

Sur ses 2 millions de retraités, 1,3 million sont donc pris en charge par les autres régimes, pour l'ensemble des avantages de vieillesse qui leur sont servis (retraites forfaitaire et proportionnelle, majoration pour enfant à charge...).

Toutes les majorations pour enfants à charge versées à ces retraités « en trop » sont donc aujourd'hui financées par le système de compensation, c'est-à-dire pour l'essentiel par les régimes de salariés. Les montants ainsi compensés représenteraient, pour 1996, 1,1 milliard.

Si le régime des exploitants agricoles se fait rembourser par le Fonds de solidarité vieillesse ces majorations pour l'ensemble de ses retraités, il recevra de ce Fonds 1,9 milliard de francs.

Pour une dépense de 1,9 milliard, il recevrait alors une recette totale de 3 milliards.

Il semblerait en conséquence conforme à l'équité de ne pas retenir dans la prestation de référence (la valeur de l'allumette) les montants correspondant à cette majoration.

Pour la même raison, pour la compensation interne aux salariés, la prestation de référence, celle des salariés agricoles, devrait être calculée suivant cette règle.

* (2) rapport établi par MM. Serge Tricorre. Christophe Nicoli. Claude Bernar et Jacques Le Pape

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