III. LES INTERROGATIONS ET LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EN FAVEUR DE L'ENSEIGNEMENT TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNEL
Une prise en compte plus satisfaisante de la dimension sociale de l'enseignement technique et professionnel, l'ouverture des établissements au monde de l'entreprise et la nécessité d'un véritable plan de relance, constituent les principales préoccupations de votre commission, s'agissant de l'avenir de ces enseignements.
A. UNE PRISE EN COMPTE PLUS SATISFAISANTE DE LA DIMENSION SOCIALE DE L'ENSEIGNEMENT TECHNOLOGIQUE ET PROFESSIONNEL
Si les filières technologiques et professionnelles s'adressent à des populations d'élèves d'origine diverse et si la valorisation de ces filières qui conduisent de plus en plus d'élèves vers l'enseignement supérieur doit être soulignée, il n'en reste pas moins qu'elles constituent aussi, pour certaines d'entre elles, des structures d'accueil pour des élèves en situation difficile, voire d'échec scolaire.
Il importe donc que des mesures adaptées soient mises en place et réactivées pour permettre à ces élèves défavorisés de poursuivre dans les meilleures conditions un cursus scolaire et professionnel ; ces mesures pourraient constituer une sorte de statut social de l'élève de l'enseignement technologique et professionnel.
Cet objectif recouvre notamment le problème des bourses dans l'enseignement professionnel, l'avenir du dispositif d'insertion des jeunes, et le sort des classes de 4ème et 3ème technologiques.
1. La situation des élèves des classes de 4ème et 3ème technologiques
a) La poursuite ralentie du transfert de ces classes des lycées professionnels vers les collèges
Le transfert des classes de 4ème et 3ème technologiques des lycées professionnels vers les collèges, amorcé dès la rentrée scolaire 1991, se poursuit, mais à un rythme plus ou moins soutenu, selon les académies. La dernière enquête annuelle fait apparaître que le transfert de ces classes continuera à progresser à la rentrée 1995, tout en s'infléchissant légèrement par rapport à 1995-1996.
Les effectifs de ces classes ne sont pas négligeables puisqu'à la rentrée 1994, 62 311 élèves étaient inscrits en 4ème technologique, dont 47,6 % dans les collèges.
Ce mouvement de transfert des lycées professionnels vers les collèges a été très rapide puisque ce pourcentage était de 27,3 % en 1991, 34,3 % en 1992 et 41,4 % en 1993.
b) L'application de la réforme du système des bourses de collège pour les élèves des classes de 4ème et 3ème technologiques
- le rappel des principes de la réforme : l'aide à la scolarité
Depuis le 1er septembre 1994, la gestion des bourses de collège est transférée au ministère chargé des affaires sociales qui gère l'aide à la scolarité.
La nouvelle aide à la scolarité a été créée par la loi relative à la famille du 25 juillet 1994. Les critères d'attribution retenus pour l'octroi de cette aide, versée par les organismes débiteurs des prestations familiales en remplacement des bourses de collège relèvent du domaine des prestations familiales.
Afin d'éviter que le passage du système des bourses de collège à l'aide à la scolarité ne provoque une perte financière pour les familles des élèves de collège, de cycle d'orientation de lycée et des enseignements généraux et professionnels adaptés, qui avaient commencé leur scolarité avec le régime des bourses, l'article 23 de la loi relative à la famille a prévu, à titre transitoire, pour l'année scolaire 1994-1995, la mise en place d'une allocation exceptionnelle. Cette allocation financée et gérée par les services du ministère de l'éducation nationale devait permettre de garantir aux élèves boursiers de collège en 1993-1994, une aide d'un montant équivalent à celui de leur bourse antérieure et d'assurer une compensation des pertes financières des familles des anciens boursiers.
Toutefois, afin que les parents les plus défavorisés bénéficient d'une aide spécifique pour assumer les frais inhérents à la scolarité de leurs enfants en collège, des moyens d'intervention complémentaires ont été mis en place.
Ainsi, dans le cadre du « nouveau contrat pour l'école », figure parmi les mesures nouvelles de la loi de finances pour 1995, la création d'un fonds social collégien destiné à aider les élèves dont les familles sont confrontées à des difficultés financières particulières de nature à gêner leur scolarité.
- les conséquences de la réforme
Une mission parlementaire confiée à M. Claude Huriet, sénateur, et M. Charles de Courson, député, consacrée à l'examen des conséquences de la suppression des bourses de collège et de la création de l'aide à la scolarité a conclu, dans son rapport, au bien-fondé de la réforme mise en oeuvre. En effet, le système des bourses de collège était devenu obsolète : le montant des bourses était souvent peu élevé (336,30 F par an pour 52 % des boursiers), le coût de gestion en était disproportionné (250 F pour chaque bourse) et les formalités à remplir pour demander une bourse étaient lourdes pour les familles. Les rapporteurs constatent que le système de l'aide à la scolarité a résolu en grande partie ces problèmes : l'enveloppe globale, distribuée au titre de l'année scolaire 1994-1995, a bénéficié à un nombre plus important de familles que dans l'ancien système, le coût de gestion est réduit et, enfin, le système de l'aide à la scolarité bénéficie des mêmes revalorisations que les prestations familiales.
Cependant, si ce nouveau système offre des avantages, il présente aussi des inconvénients : 130.000 à 180.000 familles modestes percevant auparavant une bourse en seraient désormais exclues en raison de la modification des critères d'attribution, notamment des collégiens âgés de moins de 11 ans et de plus de 16 ans, ainsi que les enfants uniques dont les parents ne sont pas, ou plus, allocataires de la caisse d'allocations familiales.
Pour ces derniers, le rapport préconise le versement de l'aide à la scolarité par le biais du fonds social collégien, tandis que la prise en compte des élèves en avance ou en retard nécessiterait sans doute une modification de la loi relative à la famille du 25 juillet 1994.
La couverture des familles actuellement exclues nécessiterait quelque 100 millions de francs supplémentaires, alors que l'allocation exceptionnelle instituée pour 1994-1995 ne semble à priori pas reconduite pour l'année 1995-1996
D'après les indications fournies à votre rapporteur, il devrait être tenu compte des propositions des auteurs du rapport pour pallier les difficultés rencontrées par certaines familles.
- les moyens attribués au fonds social collégien
Inspiré du fonds social lycéen créé en 1991 dans le cadre du plan d'urgence pour les lycées, un fonds social collégien a été créé en 1995 afin que les chefs d'établissement puissent attribuer des aides ponctuelles à certains élèves dont les familles ne peuvent assumer les dépenses de scolarité.
Depuis le début de l'année 1995, 120 millions de francs ont été mis à la disposition des chefs d'établissement pour le fonds social collégien alors que les crédits inscrits au budget 1995 pour ce fonds étaient de 100 millions de francs. La gestion du chapitre 43.71 a permis de redéployer 20 millions de francs sur le fonds social collégien, ce qui devrait permettre aux chefs d'établissement de prendre en compte certaines situations spécifiques, notamment celles des élèves des classes de 4ème et 3ème technologiques.
Par ailleurs, les crédits prévus pour 1996 prévoient un abondement de 50 millions de francs du fonds.
- la nécessité d'un bilan de la réforme et de l'action du fonds social collégien à l'égard des élèves des classes de 4ème et 3ème technologiques
Compte tenu des indications partielles communiquées à votre rapporteur et des conclusions déjà anciennes de la mission parlementaire, il serait souhaitable que le ministre puisse transmettre au Parlement un bilan exhaustif et actualisé des conséquences de la mise en oeuvre de la réforme des bourses de collège, notamment pour les élèves des classes de 4ème et 3ème technologiques, et indique les suites qu'il entend donner aux propositions formulées dans le rapport.
2. Vers une disparition du dispositif d'insertion des jeunes de l'éducation nationale
La mission générale d'insertion professionnelle des jeunes de l'éducation nationale a été réaffirmée par la loi quinquennale du 20 décembre 1993, relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle : son article 54 pose le droit, pour l'ensemble des jeunes, avant qu'ils ne quittent le système éducatif, de disposer d'une formation professionnelle leur permettant de s'insérer dans la vie professionnelle. S'adressant à l'ensemble des jeunes -diplômés ou non, en difficulté scolaire ou non, en formation générale, technologique ou professionnelle-, l'éducation nationale doit leur garantir, à leur sortie du système éducatif, une véritable intégration sociale et professionnelle.
De ce fait, le dispositif d'insertion des jeunes de l'éducation nationale (DIJEN) n'apparaît plus en tant que tel, mais ses actions sont reprises et élargies dans le cadre plus large de cette mission d'insertion. L'article premier de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 affirme d'ailleurs que le droit à l'éducation doit, notamment, permettre à chacun de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle ; l'article 54 de la loi quinquennale vient élargir ce droit par l'obligation de former professionnellement tous les jeunes avant leur sortie du système éducatif.
a) La transformation du DIJEN
Ce dispositif a été mis en place en 1985-1986 dans les collèges, les lycées professionnels et les sections d'éducation spécialisées puis, étendu, en 1989, aux lycées d'enseignement général et technologique. Il répondait au souci de faire de l'insertion des élèves une mission à part entière des établissements scolaires : un jeune ne doit plus quitter le système éducatif sans que son établissement d'origine sache ce qu'il est devenu et lui propose, s'il n'a pu trouver une solution d'insertion par lui-même, une mesure adaptée à sa situation.
D'après les indications fournies à votre rapporteur, le développement de ce dispositif depuis sa création, son adaptation progressive aux besoins des jeunes, l'évolution et la diversification de ses mesures en fonction des modifications de l'environnement socio-économique, en font un outil dont les acquis et la capacité de recherche et d'innovation doivent s'inscrire désormais dans une orientation structurelle et durable du système éducatif. La réalisation de ces objectifs s'appuie sur le transfert, dans les formations traditionnelles initiales, des méthodes qui ont fait leur preuve dans le dispositif d'insertion des jeunes.
La mise en oeuvre de la mission d'insertion de l'éducation nationale implique d'utiliser notamment le personnel déjà engagé dans les actions du dispositif, tels que :
- les coordinateurs académiques du dispositif d'insertion, ainsi que les animateurs départementaux de district, et les personnes-relais des centres d'information et d'orientation et des établissements scolaires ;
- les équipes académiques spécialisées dans la « rénovation de la voie professionnelle en lycée » ;
- les formateurs compétents dans le domaine de la « sensibilisation aux questions liées à l'emploi », qui ont su développer de nouvelles relations entre les établissements scolaires et leur environnement socio-économique.
Ces personnels devraient à l'avenir travailler en coordination dans le cadre du projet académique d'insertion défini par le recteur.
Une mesure nouvelle de 10 millions de francs est proposée au projet de budget 1996 au titre de la poursuite des actions de formation entreprises en application des articles 54 et 57 de la loi quinquennale.
b) Le bilan du DIJEN depuis 1986
Au total, près de 40.000 jeunes ont bénéficié de mesures de la mission générale d'insertion au cours de l'année scolaire 1994-1995. Les académies ont mis en place, dès la rentrée 1994, des préparations à des diplômes de niveaux V, IV et III selon des cursus adaptés, en application de l'article 54 de la loi quinquennale : ces mesures ont concerné un peu plus de 5.000 jeunes (2.242 pour les diplômes de niveau V, 2.175 pour le niveau IV, 374 pour le niveau III et 431 inscrits dans des mentions complémentaires post-diplômes).
Le tableau ci-après montre l'évolution des mesures du dispositif d'insertion depuis 1986, évolution qui suscite les commentaires suivants du ministère :
- les entretiens préalables à l'établissement d'un projet de formation ne sont plus considérés comme une mesure spécifique car la mission d'insertion des établissements scolaires confie à ces derniers l'accueil et le suivi de tout élève, quelle que soit sa situation ;
- les sessions d'information et d'orientation ainsi que les actions d'aide à la recherche d'un emploi sont intégrées progressivement depuis 1990 dans les formations traditionnelles et n'apparaissent plus que de façon marginale parmi les mesures du dispositif ;
- on constate une baisse des effectifs d'élèves accueillis dans les actions destinées aux jeunes les plus en difficulté (cycles d'insertion professionnelle par alternance -CIPPA- et formations intégrées) : un effort particulier pour l'accueil de ces publics a donc été demandé aux académies à la rentrée scolaire 1995, notamment pour le développement des formations intégrées, qui permettent d'accéder à un CAP.
c) Les observations de votre commission
Les indications fournies ci-dessus confirment les inquiétudes exprimées par le précédent rapporteur de la commission concernant la disparition du DIJEN au profit de la mise en oeuvre d'un nouveau droit à la formation.
S'il convient de se féliciter du caractère ambitieux des objectifs posés en ce domaine, il faut également souhaiter que ce « rapatriement » des missions du DIJEN au sein de l'éducation nationale se révèle aussi efficace que l'action entreprise depuis dix ans par ce dispositif en matière d'insertion et de suivi des élèves en difficulté.