Avis n° 186 (1995-1996) de M. Alain LAMBERT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 janvier 1996

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N° 186

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 janvier 1996.

AVIS

PRÉSENTE

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur. Rapporteur général.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2108. 2155 et T.A. 382.

Sénat : 389 (1994-1995) et 184 (1995 1996)

Parlement.

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel. Michel Moreigne, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La nécessité de revaloriser le rôle du Parlement est aujourd'hui unanimement reconnue.

Souvent citée au cours de la campagne des élections présidentielles du mois de mai dernier, cette nécessité touche les deux grandes fonctions parlementaires : la législation et le contrôle de l'exécutif.

L'inflation législative a justifié le dépôt de la proposition de loi de M. Pierre Mazeaud, tendant à créer un office parlementaire d'évaluation de la législation, adoptée par l'Assemblée nationale le 19 juillet dernier, et transmise au Sénat au rapport de votre commission des lois.

L'impératif de réduction des déficits budgétaires, la défiance prononcée des citoyens vis à vis du bon emploi des fonds publics, rendent pour leur part nécessaire un développement des moyens d'évaluation mis au service du Parlement. C'est dans cet esprit qu'une proposition de loi a été déposée par MM. Dominati et Fourgous à l'Assemblée nationale le 23 juin dernier, reprenant en partie les conclusions d'une mission d'information présidée par M. Laurent Dominati jusqu'au mois de mai 1995. Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale le 18 juillet dernier, est aujourd'hui également soumis à votre examen, votre commission des lois s'en étant saisie au fond.

Votre commission des finances s'est, pour sa part, saisie pour avis des dispositions la concernant très directement : l'article 2 étendant le droit de demande d'enquête à la Cour des comptes, l'article 3 instituant un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

Votre commission des finances a examiné ces dispositions dans le souci de donner aux instruments parlementaires d'évaluation un rôle qui leur permette d'être le plus efficace possible, dans le respect des compétences existantes, même si celles-ci méritent souvent d'être réactivées.

C'est pourquoi, avant d'examiner les articles précités, votre commission souhaite rappeler le contexte dans lequel intervient le projet de création d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

EXPOSE GENERAL

CHAPITRE PREMIER L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Le projet de création d'un office parlementaire d'évaluation des choix budgétaires justifie que l'on rappelle l'état de développement du dispositif français d'évaluation avant de s'interroger sur les perspectives qui s'offrent au Parlement.

I. LE SYSTÈME FRANÇAIS D'ÉVALUATION

Le dispositif français d'évaluation des politiques publiques présente trois caractéristiques : il est disparate, tourné vers l'exécutif, tout en étant déconnecté de la prise de décision.

A. UN SYSTÈME DISPARATE

Les dispositifs existants obéissent à trois logiques différentes.

1. Certains organismes se sont vu reconnaître une vocation à l'évaluation se rattachant à leur mission principale :

Ainsi, les travaux d'évaluation se sont développés à la Cour des comptes, à partir de son rôle de juge des comptes publics, au Conseil économique et social, de par sa vocation consultative générale, au commissariat général au Plan, dans le cadre de sa réflexion prospective.

Par ailleurs, les corps d'inspection sont amenés à pratiquer de véritables évaluations à partir de leurs tâches de contrôle (Inspection générale des Finances, Inspection générale des affaires sociales...).

2. Certains "sujets" législatifs ou administratifs ont justifié un développement tout particulier de l'évaluation :

- Certains ministères ont créé des services spécifiques, tel que le conseil de prospective et d'évaluation au ministère de l'économie en 1991 ou la Direction de l'administration et de la recherche au ministère du travail en 1992.

- Des instances d'évaluation ad hoc ont été instituées : comité national de l'évaluation des universités en 1983, commission nationale d'évaluation du revenu minimum d'insertion en 1988...

-Le Parlement a créé par une loi du 8 juillet 1983 un office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

3. Enfin, deux instances à vocation générale d'évaluation ont été créées, à près de quarante-cinq ans d'intervalle :

Le comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, a été institué en 1946 ; il est présidé par le Premier président de la Cour des comptes. Par décret du 22 janvier 1990, dans le cadre du "renouveau du service public", un comité interministériel de l'évaluation a été créé, présidé par le Premier ministre, doté d'un conseil scientifique et de crédits spécifiques (de l'ordre de 4 millions de francs par an).

B. UNE PRÉPONDÉRANCE DE L'EXÉCUTIF

1. Un accès privilégié à l'évaluation

L'ensemble des dispositifs d'évaluation est principalement mis au service de l'exécutif :

- le gouvernement, outre ses moyens propres (appareil statistique de l'INSEE, de la Direction de la prévision, corps d'inspection), peut mobiliser, par consultation, le Conseil économique et social, le commissariat général au Plan, ainsi que l'ensemble des instances spécialisées d'évaluation. C'est le gouvernement qui saisit le comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, ainsi que le comité interministériel d'évaluation (conjointement avec le CES, le Conseil d'État, la Cour des comptes, le Médiateur de la République).

2. Des moyens beaucoup plus limités pour le Parlement

- Le Parlement dispose de moyens spécifiques nettement plus restreints :

ï ses moyens propres se limitent à l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, par définition, très spécialisé ;

ï le Parlement peut également avoir recours à des experts dans le cadre de contrats d'études : ainsi l'INSEE a-t-il réalisé pour le Sénat une étude en 1993 sur les effets d'exonérations de charges sociales sur l'emploi des jeunes ;

ï le Parlement peut saisir des organismes spécialisés tels que le conseil de la concurrence, le conseil supérieur de l'audiovisuel, sur des points Particuliers (cette faculté résultant des textes instituant ces organismes) ;

ï enfin, la Cour des comptes assiste le Parlement -comme le gouvernement- dans le contrôle de l'exécution des lois de finances (article 1er de la loi du 22 juin 1967 relative à la Cour des comptes).

C'est ainsi qu'à l'occasion de l'examen de la loi de règlement, les commissions des finances des Assemblées posent des questions approfondies à la Cour des comptes sur l'exécution du budget de l'exercice considéré. Par ailleurs, la Cour adresse son rapport annuel au Parlement -ainsi qu'au Président de la République-. Enfin, la loi du 22 juin 1967 (article 10) dispose que "La Cour procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances du Parlement sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle". Dans les faits, la commission des finances du Sénat présente en moyenne une demande d'enquête à la Cour des comptes chaque année.

C. UN SYSTÈME DÉCONNECTÉ DE LA DÉCISION

1. - Par son rythme

La plupart de systèmes d'évaluation sont lourds à manier, portent sur des exercices clos et impliquent plusieurs mois, voire un ou deux ans de travaux :

- la saisine des instances d'évaluation, quelle que soit leur nature, est suivie d'une période assez longue consacrée à l'affinage du cahier des charges, à la fois par le demandeur et par le réalisateur de l'évaluation. Ainsi, les demandes d'enquête adressées à la Cour des comptes doivent être inscrites au sein du programme de travail annuel de la Cour, et donc approuvées de façon collégiale ; de même toute demande d'évaluation adressée au comité interministériel doit faire l'objet d'un avis favorable du conseil scientifique de l'évaluation :

- la plupart des travaux d'évaluation sont rétrospectifs et certains portent sur des actions déjà anciennes -c'est le cas des études menées par la Cour des comptes sur les organismes publics, ou bien des travaux d'évaluation réalisés au ministère du travail sur l'efficacité des dispositifs en faveur de l'emploi (c'est à la fin de l'année 1994 que sont publiées les évaluations sur les contrats emploi-solidarité en 1993 par exemple).

- Les travaux d'évaluation eux-mêmes sont souvent lents : un an à deux ans, pour un rapport du Conseil Économique et Social, une enquête de la Cour des comptes, une évaluation menée par le comité interministériel.

2. - Par ses critères

Très souvent, l'évaluation obéit à des critères sociologiques (comité interministériel) ou comptables (Cour des Comptes), sans que ceux-ci soient toujours directement utilisables pour la prise de décision. La décision budgétaire, quant à elle, ne mobilise pas une recherche systématique d'informations : après l'abandon de la rationalisation des choix budgétaires, toute démarche organisée de réflexion sur ces choix a été abandonnée.

La rationalisation des choix budgétaires

La "RCB", lancée par le ministre des finances Michel Jobert en janvier 1968, s'appuyait sur une recherche et une définition des objectifs de l'action administrative. Ces objectifs fixés, il s'agissait d'inventorier les différentes combinaisons de moyens permettant de les atteindre et de choisir la combinaison maximisant l'utilité et minimisant le coût.

Toutefois, jusqu'au milieu des années 80, où cette opération a été abandonnée, l'utilisation de ces travaux pour guider la décision s'est affaiblie régulièrement. La RCB est apparue comme une tentative de "greffe scientifique" sur les procédures de décisions politiques et administratives.

II. LE PARLEMENT ET L'EVALUATION

A. LES MÉTHODES ACTUELLES

1. Les rendez- vous législatifs

La voie suivie jusqu'à présent a été de solliciter le gouvernement pour obtenir des évaluations législatives programmées dans un futur proche. Le plus souvent, ce sont des rendez-vous qui sont inscrits dans la loi elle-même. "Un rapport sera déposé par le gouvernement avant le...". C'est le cas, par exemple, pour certains dispositifs d'aide à la création d'emplois, telle que l'incitation à la réduction de la durée collective du travail d'au moins 15 % instituée par l'article 39 de la loi quinquennale sur l'emploi :"A l'issue de la période d'expérimentation, un rapport du gouvernement au Parlement dressera le bilan de l'application du présent article, tout particulièrement en ce qui concerne son effet sur la création d'emplois".

2. Les estimations "a priori"

De plus en plus, les textes législatifs comportent l'engagement du gouvernement de déposer des rapports d'évaluation, qui doivent permettre d'apprécier l'opportunité de mesures envisagées. On s'est ainsi rapproché dans les faits de 1' "étude d'impact". Par exemple, l'article 54 de la loi de finances pour 1994 a prévu le dépôt d'un rapport exposant les voies et moyens d'une réforme de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, avant le 2 avril 1994, obligation qui a été respectée par le gouvernement.

3. Le chiffrage des amendements parlementaires

Selon une pratique désormais courante, les amendements à conséquences financières présentés par le Parlement font l'objet d'un chiffrage Par l'administration, sollicitée le cas échéant par les commissions elles-mêmes dans le souci d'évaluer les conséquences de leurs propositions. Le cas le plus fréquent est celui des amendements au projet de loi de finances, soumis pour chiffrage au service de législation fiscale du ministère du budget.

Aucun élément de calcul n'est fourni avec l'estimation présentée par le service de législation fiscale qui sert souvent de support à un avis défavorable du Gouvernement ; toutefois, ces chiffrages introduisent un élément d'évaluation supposé objectif qui, auparavant, était totalement absent du débat.

Dans tous ces cas de figure, le Parlement s'en remet à l'appréciation du Gouvernement.

B. DES EXIGENCES NOUVELLES

1. L'extension des travaux d'évaluation destinés au Parlement

Le Parlement ne peut guère solliciter davantage l'exécutif pour lui fournir des éléments d'évaluation. De plus en plus toutefois, il exige de connaître les éléments de calcul des chiffrages fournis par le gouvernement, afin d'éclairer le débat de façon plus objective.

Il semble d'ailleurs que les travaux d'évaluation destinés au Parlement soient amenés à s'amplifier : dans son message aux Assemblées du 19 mai dernier, le Président de la République prévoyait que le gouvernement devrait dorénavant fournir à l'appui de chaque projet de loi, une véritable étude d'impact des mesures soumises au Parlement. Une circulaire du Premier ministre du 21 novembre 1995 définit le contenu de ces études d'impact, qui devront accompagner chaque projet de loi -à l'exception des lois de finances- et chaque projet de décret en Conseil d'État, l'expérimentation se déroulant du 1er janvier au 31 décembre 1996, et donnant lieu elle-même à évaluation.

Le contenu de l'étude d'impact

La circulaire du 21 novembre 1995 assigne sept rubriques obligatoires aux études d'impact :

- avantages attendus

- impact sur l'emploi

- impact sur d'autres intérêts généraux

- incidences financières,

- impact en termes de formalités administratives

- conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique,

- incidences indirectes et involontaires.

2. Un développement des activités de contrôle

L'organisation de sessions de neuf mois, annoncée dans le message du Président de la République du 19 mai, devrait permettre au Parlement de mieux utiliser, à des fins d'évaluation, ses pouvoirs de contrôle -pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs spéciaux des commissions des finances (ordonnance du 30 décembre 1958 modifiée), pouvoir d'investigation des membres des commissions d'enquête (ordonnance du 17 novembre 1958 modifiée).

On peut notamment imaginer que les travaux de contrôle prennent une ampleur suffisante pour pouvoir être assimilés à une évaluation véritable des politiques publiques, et que ces travaux fassent l'objet de débat avec le gouvernement en séance publique.

Par ailleurs, les possibilités de recours à des expertises extérieures pourraient naturellement être développées, en liaison avec les travaux des commissions. La Cour des comptes, à condition d'organiser une collaboration plus souple, pourrait apporter son concours à l'évaluation d'organismes ou de secteurs qu'elle contrôle. Le commissariat général au plan, selon la suggestion même du Ministre de l'Économie, des Finances et du Plan, devrait pouvoir être saisi par le Parlement comme par le gouvernement.

La Cour des Comptes et l'évaluation

De par sa compétence de juge des comptes publics, son rôle d'assistance du Parlement et du gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et la mission qui est la sienne de s'assurer "du bon emploi" des fonds publics, la Cour des Comptes paraît très naturellement désignée pour jouer un rôle central dans l'évaluation des politiques publiques.

Dans le colloque organisé par le Conseil économique et social en décembre 1993, le rapporteur général du rapport public de la Cour des comptes, M. Pierre Logerot, présentait ainsi le rôle de la Cour en matière d'évaluation (en résumé) :

"1. La Cour des comptes dispose d'atouts nombreux, mais rencontre certaines limites :

- des atouts nombreux :

* la Cour est une juridiction autonome mais en liaison constante avec les pouvoirs Publics,

* la Cour répond aux exigences de l'évaluation : autonomie dans la programmation et la conduite des enquêtes, objectivité assurée par la pratique de la contradiction, le professionnalisme et la diversité d'origine des magistrats,

* le domaine des compétences s'étend au-delà de l'État : établissements et entreprises publiques, organismes de sécurité sociale, organismes de droit privé qui reçoivent des concours publics.

- des limites :

* la compétence de la Cour n'est pas universelle : elle ne s'étend pas aux enjeux politiques, aux sujets trop techniques -même si la Cour peut recruter des experts pour ses études- ce qui reste encore assez rare.

- La Cour des comptes ne peut pas appréhender de la même manière les acteurs qu'elle contrôle et les acteurs purement privés, lorsqu'ils participent pourtant à la même politique.

- La Cour n'a pas une liberté d'expression totale sur l'opportunité politique des actions publiques, elle est donc entravée dans son rôle de proposition.

2. Les activités de contrôle et d'évaluation sont parfois difficiles à articuler :

- "On peut toujours contrôler, alors qu'on ne peut pas toujours évaluer",

- La Cour ne peut pas entrer en contact avec les bénéficiaires de l'action politique, ce qui peut être une gêne pour l'évaluation.

- Il faut d'emblée discerner si les études de la Cour se situent dans le cadre de l'évaluation ou du contrôle.

- Dans les observations, il faut séparer les observations traditionnelles de l'appréciation évaluative.

3. Des adaptations d'organisation et de méthode sont nécessaires :

* Les thèmes d'évaluation doivent être sélectionnés de manière rigoureuse, afin de ne pas abandonner les contrôles obligatoires.

* Les demandes extérieures doivent s'articuler avec le programme de la Cour.

* La Cour doit cerner le créneau dans lequel son évaluation sera utile, et essayer d'arriver "à point".

* Il faut gérer les mouvements de magistrats concernés par une enquête qui peut durer plusieurs années.

* La Cour, comme l'ensemble des acteurs publics, dispose de peu de moyens pour suivre l'application de ses observations."

- Les perspectives ouvertes au Parlement par l'évaluation des politiques publiques sont donc très larges. Avant d'en tirer les conséquences sur l'intérêt de créer un office parlementaire ad hoc, votre rapporteur souhaite insister sur la nécessité de clarification du dispositif français d'évaluation qui s'est mis en place de façon progressive et sédimentée. Une redistribution des compétences et des moyens paraît nécessaire et, à cet égard, la suggestion récente du Ministre de l'économie, des finances et du plan, de mettre à disposition du Parlement comme du Gouvernement les services du Commissariat général au Plan garde tout son intérêt. La création d'un office parlementaire d'évaluation doit être l'occasion de clarifier et de renforcer le système français d'évaluation aujourd'hui trop dispersé pour être efficace.

CHAPITRE II

VERS UN OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Un débat sur la création d'un office parlementaire d'évaluation peut aujourd'hui se justifier par une convergence de préoccupations. Trois propositions de loi ont été déposées l'été dernier à cet effet, et rendent compte des différents points de vue présidant à la création d'un tel office.

I. LA JUSTIFICATION D'UN OFFICE PARLEMENTAIRE

Le contexte de la création d'un office doit s'appréhender sous trois angles utiles : le point de vue du gouvernement, celui du Parlement, enfin celui des commissions parlementaires.

A. LE POINT DE VUE DU GOUVERNEMENT

Du point de vue du gouvernement, l'office parlementaire répond à deux préoccupations principales : revaloriser le rôle du Parlement, mais aussi l'associer directement à la maîtrise de la dépense publique, nécessité absolue depuis juin 1993. La synthèse de ces deux objectifs a été exprimée dans le message adressé au mois de mai dernier par le Président de la République au Parlement, qui invitait "les Assemblées à rechercher la meilleure adéquation entre le coût et l'efficacité des dépenses, à charge pour elles de se doter des moyens qu'elles estiment nécessaires".

B. LE POINT DE VUE DU PARLEMENT

Du point de vue du Parlement, la création d'un office d'évaluation pourrait répondre à une double nécessité :

- il s'agit bien sûr en premier lieu de pouvoir mieux contrôler l'exécutif, cette fonction prenant une importance toute particulière dans le contexte de la session unique. C'est dans cet esprit qu'une mission d'information présidée par M. Dominati a été menée à l'Assemblée nationale au cours des premiers mois de 1995, et a abouti à la proposition de loi adoptée Par l'Assemblée le 18 juillet dernier ;

Mais, pour la représentation nationale, l'office devrait être aussi un élément de réponse à la défiance des citoyens vis-à-vis du politique :il est vrai que l'appareil français d'évaluation, trop morcelé, trop parcellaire, ne permet pas de donner un bilan des politiques menées grâce aux ressources publiques -sauf, hélas, scandale particulier-. Un office mis à la disposition du Parlement pourrait permettre de lutter contre ce travers, et de contribuer à réhabiliter l'action de l'État.

C. LE POINT DE VUE DES COMMISSIONS

Du point de vue des commissions parlementaires, quelles sont les préoccupations qui peuvent mener à la création d'un tel office ?

La volonté des commissions parlementaires de voir réaffirmer leur compétence d'expertise et de contrôle vis-à-vis d'un office "extérieur" est maintenant unanimement reconnue. Elle figure dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Toutefois, votre commission des finances affirme l'avantage qu'elle aurait à pouvoir recourir à un renfort de moyens pour l'éclairer sur certains sujets, du fait des délais de travail qui sont les siens, et aussi bien sûr de la technicité très grande de certains dossiers, qui l'amènent régulièrement à recourir, en fait, aux moyens d'expertise du gouvernement. Elle fait donc du renforcement de ses propres moyens une priorité absolue, à laquelle la création d'un office d'évaluation pourrait apporter un complément utile.

Au total, la création d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques se justifie aujourd'hui par une convergence de préoccupations.

II. LES PROPOSITIONS DE LOI TENDANT À CRÉER UN OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

A. DES PROPOSITIONS DE LOI SUCCESSIVES

Au cours de l'été 1995, plusieurs propositions de loi se sont succédé, tendant à créer un office parlementaire d'évaluation :

- une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par MM. Dominati et Fourgous, le 23 juin 1995, et tendant à créer un office parlementaire d'évaluation des dépenses publiques, reprenant plusieurs propositions du rapport de la mission d'information présidée par M. Dominati sur "les moyens d'information des Parlements étrangers en matière économique et sociale " ;

- une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par M. Arthur Paecht et six de ses collègues, le 4 juillet 1995, tendant à créer un office parlementaire d'évaluation et de contrôle budgétaire ;

- une proposition de loi déposée au Sénat le 20 juillet dernier par M. Bernard Barbier et plusieurs membres de la délégation pour la planification, tendant à créer un office parlementaire pour la prospective économique.

Votre rapporteur, pour sa part, avait élaboré, à l'issue de débats tenus au sein de votre commission des finances, un premier projet de proposition de loi, dont les principes avaient été approuvés par votre commission.

B. DES PHILOSOPHIES DIFFÉRENTES

A partir d'un objectif commun -le renforcement des pouvoirs d'évaluation du Parlement- les trois propositions de loi développaient des philosophies différentes, tant en ce qui concerne l'objet de l'office, que sa composition, son mode de saisine, ses méthodes de travail.

1. L'objet de l'office

Les missions de l'office étaient envisagées de manières diverses :

- très larges, dans la proposition de loi "Dominati", qui visait l'information du Parlement sur "toute politique publique" ;

- spécialisées, dans les propositions de loi "Paecht" et"Barbier"respectivement autour de l'exécution de la loi de finances et de la prospective économique.

2. La composition de l'office

Les trois propositions de loi organisaient la composition de l'office de manières différentes, directement déterminées par l'objet de l'institution.

4. Les méthodes de travail

Enfin, les méthodes de travail de l'office étaient envisagées de manière plus ou moins inquisitoriale -les propositions de loi "Dominati" et "Paecht" prévoyant des pouvoirs d'investigation renforcés.

La comparaison de ces trois propositions de loi met en lumière les principales questions soulevées par la création de l'office : que devront être ses missions, sa composition, ses moyens ? La proposition de loi "Dominati", adoptée par l'Assemblée nationale le 18 juillet dernier, qui est soumise à votre examen, tente de réaliser sur ces différents points une synthèse délicate.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER : POUVOIRS D'INFORMATION DES COMMISSIONS DU PARLEMENT.

Le titre premier, composé de deux articles, a pour objet d'étendre les pouvoirs d'information des commissions permanentes et spéciales du Parlement.

Article 1 er

Obligation de déférer aux convocations du Parlement.

Votre commission des finances ne s'est pas saisie pour avis de l'article premier, qui a pour objet d'instituer une sanction au refus de déférer aux convocations des commissions permanentes ou spéciales, une telle sanction n'existant actuellement que pour les convocations devant les commissions d'enquête.

Article 2 (supprimé)

Pouvoirs des rapporteurs pour avis

L'Assemblée nationale a voté la suppression de l'article 2 de la proposition de loi initiale, qui donnait aux rapporteurs pour avis d'un budget le pouvoir de contrôler en permanence sur pièces et sur place l'emploi des crédits correspondants.

Votre commission des finances approuve la suppression de cette disposition, qui aurait eu pour effet une trop grande dispersion des interventions du Parlement.

Article 2

Demandes d'enquêtes à la cour des comptes

L'article 2 a pour objet d'étendre aux commissions permanentes et aux commissions spéciales le droit, actuellement réservé aux commissions des finances et aux commissions d'enquête, de demander des enquêtes à la Cour des Comptes sur la gestion des services, organismes ou entreprises soumis à son contrôle, et de prévoir le concours des chambres régionales des comptes, le cas échéant, pour réaliser ces enquêtes.

I - LA SITUATION ACTUELLE

A. LE DROIT EXISTANT

1. Les demandes d'enquêtes

Les demandes d'"enquêtes" à la Cour des Comptes sont actuellement réservées aux commissions des finances et aux commissions d'enquête du Parlement.

L'article L. 132-4 du code des juridictions financières, issu de l'article 10 de la loi du 22 juin 1967 relative à la Cour des Comptes, dispose que "la Cour des Comptes procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et par les commissions d'enquête du Parlement

Les textes en vigueur n'ouvrent ce droit de demande d'enquête à aucune autre autorité ou institution -sauf, sous une forme un peu différente, au Médiateur de la République, puisque celui-ci a la faculté -non encore utilisée de demander au Premier président de la Cour de faire procéder à "toutes études" (article 12 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur).

Cette limitation, justifiée par la nature des travaux de la Cour, est renforcée par l'article L. 135-5 du code des juridictions financières qui réserve également aux commissions des finances et aux commissions d'enquête la possibilité de prendre connaissance "des constatations et observations de la Cour des Comptes" rendues à l'issue de contrôles, et ce à l'initiative du Premier président.

2. Le champ d'application

Selon l'article L. 132-4 du code des juridictions financières, les demandes d'enquête doivent porter "sur la gestion des services ou organismes" soumis au contrôle de la Cour des Comptes, ou bien sur les organismes et entreprises du secteur public, soit :

- les services de l'État,

- les personnes morales de droit public,

- les entreprises publiques,

- les institutions de la sécurité sociale,

- les organismes bénéficiant du concours de l'État ou d'une autre personne morale soumise au contrôle de la Cour,

- les organismes faisant appel à la générosité publique.

B. LA PRATIQUE

1. L'évolution des travaux de la Cour des Comptes

L'article 111-3 du code des juridictions financières assigne un double objectif au contrôle de la Cour des Comptes :

- la vérification de la régularité des comptes,

- le contrôle du bon emploi des fonds publics.

L'analyse "du bon emploi" des fonds publics, qui conduit à l'évaluation des politiques publiques, s'est développée à la Cour plus tardivement.

Comme le soulignait M. Pierre Joxe, Premier président, devant la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les moyens d'information des Parlements, cela est dû en partie à l'extension du secteur public par les lois de nationalisation de 1982. C'est à partir du contrôle de gestion des entreprises publiques que la Cour a développé des travaux d'évaluation de sa propre initiative, sous forme de rapports particuliers rendus publics, sur des sujets tels que les finances des collectivités locales, l'aide aux handicapés adultes, les aides au logement...

Cette composante d'"évaluation" des politiques publiques apparaît désormais au sein même de rapports consacrés à la vérification de la régularité des comptes. Comme le précisait M. Pierre Joxe "(...) Selon les cas, le passage du stade du contrôle de la régularité au stade de l'évaluation est prévu au départ ou au contraire apparaît en cours d'enquête. Ce passage peut être décidé même parfois tardivement. De ce fait, il n'est pas très facile de classer actuellement les rapports de la Cour entre ceux qui seraient de type évaluatif et les autres". ( ( * )2)

2. La communication au Parlement

Les demandes d'enquête adressées par les commissions des finances à la Cour des comptes sont régulières mais peu nombreuses, de l'ordre de une ou deux par an et par commission : en effet, ces demandes doivent s'intégrer dans le programme annuel de la Cour et ne peuvent donc pas se multiplier.

Une autre pratique, voisine, a été amorcée : celle de l'audition de la Cour des comptes par une commission des finances à partir d'un rapport particulier effectué à l'initiative de la Cour. Ainsi le Premier président a-t-il été entendu par la commission des finances de l'Assemblée nationale sur le rapport relatif à la politique menée vis-à-vis des handicapés adultes.

Au total, les communications faites au Parlement sur l'évaluation de certains sujets restent limitées.

II. - LES PROPOSITIONS DE L'ARTICLE 2

A. DEUX MESURES D'EXTENSION

1. L'accès aux demandes d'enquête

L'article 2 étend le droit de demander des enquêtes à la Cour aux commissions permanentes dans leur ensemble, ainsi qu'aux commissions spéciales, sans prévoir d'intermédiaire entre la Cour et les commissions, contrairement au texte initial de la proposition de loi qui donnait un rôle de centralisation des demandes aux présidents des Assemblées.

2. Le concours des chambres régionales

L'article 2 prévoit également que ces enquêtes peuvent requérir le concours, aux travaux de la Cour, des chambres régionales des comptes -compétentes pour les collectivités locales et leurs établissements publics.

B. L'ANALYSE DE VOTRE RAPPORTEUR

La mention du recours aux chambres régionales, peut s'avérer indispensable pour certains sujets.

En revanche, votre rapporteur est resté très réservé sur l'extension du droit d'accès aux demandes d'enquête, pour deux raisons :

- cette extension irait en contradiction avec le caractère des travaux de la Cour, à dominante économique et financière, et lui donnerait abusivement l'image d'un organisme polyvalent d'évaluation, qui devrait plutôt être le cas d'une institution généraliste telle que le Commissariat général au Plan ;

- la multiplication des demandes risque de ne pas pouvoir être compatible avec le programme annuel de la Cour, ce qui amènerait celle-ci à faire sa propre sélection des demandes, ou bien à les traiter de manière trop cursive.

Votre rapporteur a donc proposé un amendement (amendement n° 1) tendant à réserver le droit de demander des enquêtes aux commissions des finances et au futur office d'évaluation, dont la création est prévue à l'article 3, et dont les travaux devraient présenter une dominante économique et financière.

Décision de la commission : votre commission a réservé l'examen de ce premier amendement dans l'attente de sa décision sur l'article 3 ; elle a ensuite rejeté cet amendement par coordination.

TITRE II : OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Le titre II, composé d'un seul article, institue un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques et en décrit les principales caractéristiques.

Article 3

Création d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques

L'article 3, qui est composé de neuf paragraphes traite successivement de :

- l'institution de l'office, la définition de ses missions (I)

- sa composition (II)

- l'institution d'un conseil scientifique de l'office (III)

- la possibilité pour l'office de recueillir des avis extérieurs (IV)

- les modalités de saisine de l'office (V)

- ses pouvoirs d'investigation (VI)

- la publication de ses travaux (VII)

- son règlement intérieur (VIII)

- son budget (IX).

L'article 3 procède par insertion d'un article additionnel 6 quater dans l'ordonnance 58-100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

I - LA CRÉATION DE L'OFFICE ET LA DÉFINITION DE SES MISSIONS

A. LA CRÉATION D'UN OFFICE D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES.

Votre rapporteur a exposé, dans le chapitre II de l'exposé général, les considérations qui lui paraissaient justifier la création d'un office parlementaire chargé d'évaluer les politiques publiques.

L'Assemblée nationale a adopté de manière conforme le premier alinéa de l'article 3, qui institue l'office sous forme d'une délégation parlementaire.

Actuellement, il existe :

- deux délégations parlementaires - une dans chaque assemblée - pour l'Union européenne.

- une délégation bicamérale pour les problèmes démographiques,

- deux délégations pour la planification,

- un office parlementaire bicaméral pour l'évaluation des choix scientifiques et techniques, créé en 1983 sous forme de délégation.

Votre rapporteur considère que la délégation parlementaire constitue la forme la plus adaptée pour l'office, car elle permet au Parlement de conserver une maîtrise de l'institution, et d'organiser sa structure à travers un règlement intérieur. La création d'un établissement public, parfois évoquée, aurait l'inconvénient grave de dissocier l'office des Assemblées, et de renvoyer à un décret les modalités de son organisation.

B. LES MISSIONS DE L'OFFICE

1. La définition telle qu'elle résulte de la proposition de loi.

Le paragraphe I définit les missions de l'office, de façon générale d'abord :

- l'office est chargé de "l'évaluation des politiques publiques", puis de manière plus détaillée, en distinguant deux types de tâches pour l'office :

. "Informer le Parlement sur l'adéquation entre les effets attendus de toute politique publique ;

. Étudier, pour le Parlement, les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs d'une politique publique".

L'évaluation est donc définie comme :

- une appréciation, a posteriori, de l'efficacité de politiques existantes ;

- une estimation, a priori, des moyens requis par une politique encore en projet.

2. Les exigences d'une définition

Votre rapporteur souhaite rappeler ce que peut être dans l'absolu la définition de l'évaluation, mais aussi ce que ne peut pas être l'évaluation Pratiquée par un office parlementaire, compte tenu des compétences institutionnelles existantes.

a) La définition théorique de l'évaluation

Par rapport au contrôle, qui est une vérification de régularité, et à l'expertise, qui est une analyse technique, l'évaluation comporte une part de jugement sur l'objet concerné et elle peut donc revêtir différentes formes. Selon qu'elle est pratiquée à posteriori ou a priori, l'évaluation peut comporter :

- si elle s'exerce a priori, une appréciation des résultats d'une Politique existante,

- une appréciation sur les moyens employés (degré de complexité, coût, régularité ...),

- une estimation sur l'adéquation de ces moyens aux objectifs de la Politique étudiée,

- une proposition de politique alternative,

- si elle s'exerce a priori, l'évaluation peut être une étude théorique des moyens nécessaires pour atteindre des objectifs donnés, "ex nihilo", ou bien à partir d'une base existante, qu'il s'agisse de projets ou de propositions de loi, ou même d'amendements.

Toutefois, l'office parlementaire ne peut pas se voir confier des tâches aussi larges que celles résultant de cette analyse théorique, du fait des compétences institutionnelles existantes en matière d'évaluation.

b) les limites aux missions de l'office

Ces limites résultent des pouvoirs conférés au Parlement et à leurs rapporteurs, qu'il ne saurait être question de réduire sauf à aboutir à une diminution du rôle du Parlement, objectif contraire à celui de la création de l'office.

- Les tâches de contrôle

. Les rapporteurs spéciaux des commissions des finances.

L'article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 dispose que les rapporteurs spéciaux des commissions des finances, chargés du rapport sur le budget d'un ministère, "suivent et contrôlent de façon permanente, sur pièces et sur place, l'emploi des crédits inscrits au budget de ce département". A cette fin, des pouvoirs d'investigation particuliers leur sont conférés, et ne sont limités que par les règles de secret d'État et de séparation des pouvoirs.

. Les commissions d'enquête

L'article 6 de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires donne également aux commissions d'enquête des pouvoirs de contrôle renforcés de manière temporaire, comparables à ceux des rapporteurs spéciaux des commissions des finances, et comportant de plus un droit de convocation assorti de sanctions.

L'ensemble de ces dispositions donne au Parlement des pouvoirs de contrôle permanents, d'ordre budgétaire, mais aussi d'ordre plus général, quoique limités dans le temps, lorsqu'un sujet donné fait l'objet d'une commission d'enquête.

- Les pouvoirs d'information.

Parallèlement, les textes confèrent aux commissions parlementaires des pouvoirs d'information très larges.

. L'information destinée au Parlement.

L'article 164 de l'ordonnance 58-1374 du 30 décembre 1958, portant loi de finances pour 1959 énumère une série de documents transmis :

- au Parlement : le rapport économique et financier annexé à la loi de finances, la nomenclature et les comptes des entreprises publiques, le récapitulatif des effectifs budgétaires ;

- aux commissions permanentes : la situation des dépenses de l'État,

- aux rapporteurs : les rapports particuliers de la Cour des Comptes sur les entreprises du secteur public.

Par ailleurs, de nombreuses dispositions ultérieures prévoient la transmission au Parlement (ou à ses commissions) de documents d'information : "jaunes budgétaires" récapitulant l'effort financier en faveur d'une action, ou documents spécifiques à un sujet : rapport d'exécution du plan et des investissements dans les régions (loi du 5 juillet 1972), rapport sur les opérations de la Banque de France, la politique monétaire et ses Perspectives (loi du 4 août 1993), rapport sur l'exécution de la loi relative au Patrimoine monumental (loi du 31 décembre 1993), etc. ...

. L'information du Parlement

Le rôle des commissions permanentes est défini par l'article 22 du règlement du Sénat comme étant "l'information du Sénat pour lui permettre d'exercer, conformément à la Constitution, son contrôle sur la politique du Gouvernement".

En matière d'information, les commissions permanentes du Sénat détiennent donc une compétence "de droit commun", que la création d'un office parlementaire d'évaluation ne saurait restreindre, mais qu'elle devrait au contraire renforcer dans ses moyens.

3. L'analyse de votre rapporteur

La mission d'évaluation "a posteriori" de l'office devrait être définie dans l'article 3 de manière générale, afin de lui permettre de réaliser des études d'évaluation aussi bien sur les résultats d'une politique que sur ses moyens et leur adéquation. Cette mission devrait bien sûr s'effectuer sans Préjudice des compétences des commissions et de leurs rapporteurs.

En revanche, il paraîtrait nécessaire de définir, comme n'allant pas de soi, les contours de l'évaluation "a priori" : dans la mesure où les projets de loi doivent désormais être accompagnés d'études d'impact, -et où leur calendrier de discussion ne permettrait pas le plus souvent au Parlement de saisir l'office-, dans la mesure aussi où l'évaluation des amendements devrait s'effectuer dans des délais de trop grande urgence, il serait utile de limiter l'évaluation "a priori" aux propositions de loi et aux études d'impact qui accompagneront désormais les projets de loi. Cette évaluation porterait alors sur les incidences économiques et budgétaires des propositions de loi transmises.

C. LE CHAMP DE COMPÉTENCES DE L'OFFICE

1. Le texte initial de la proposition de loi

La notion de "politiques publiques" n'étant pas définie en tant que telle de manière législative - ou même réglementaire - la proposition de loi proposait initialement une définition alternative à partir des acteurs :

- "collectivités ou organismes publics", à partir des moyens :

- "moyens légaux ou réglementaires spécifiques, ressources publiques, prélèvements obligatoires",

à partir du cadre :

- conventions avec les collectivités ou organismes publics.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Le rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi ayant considéré que la définition proposée comportait des risques d'omissions - ainsi les services de l'État ne sont pas cités - a fait adopter par la commission spéciale, suivie par l'Assemblée en séance publique, une définition articulée sur le champ de compétences de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes qui comprend :

- les services de l'État,

- les établissements publics,

- les entreprises du secteur public,

- les organismes bénéficiant du concours d'une personne soumise au contrôle de la Cour des comptes,

- les organismes faisant appel à la générosité publique,

- les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

3. L'analyse de votre rapporteur

Le champ de compétences de l'office peut ne pas recouvrir totalement celui de la Cour des comptes - ainsi pour les organismes faisant appel à la générosité publique.

La simple mention des "politiques publiques" pourrait être suffisante pour couvrir le champ de compétences de l'office, qui sera bien sûr dans les faits circonscrit par référence aux textes définissant les personnes publiques, le secteur public, et les organismes ou personnes bénéficiant de leurs concours.

D. LES MÉTHODES DE L'OFFICE

1. Le texte de la proposition de loi

Le dernier alinéa du paragraphe II a été voté par l'Assemblée nationale dans le texte adopté par la commission spéciale. Cet alinéa a pour objet de décrire les méthodes de travail qui pourraient être utilisées par l'office : "A cet effet, il (l'office,) recueille des informations, met en oeuvre des programmes d'études et procède à des évaluations ainsi qu'à des simulations".

2. L'analyse de votre rapporteur

Les termes de cette énumération sont largement inspirés des dispositions relatives à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Toutefois, cette définition aurait davantage sa Place dans le règlement intérieur de l'office, lorsque les moyens mis à la disposition de celui-ci seront mieux définis.

Votre rapporteur a donc proposé la suppression de cet alinéa.

II - LA COMPOSITION DE L'OFFICE

A. UN OFFICE BICAMERAL ET PARITAIRE

1. Le texte de la proposition de loi

S'inspirant là encore directement des dispositions relatives à l'office Parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le texte du paragraphe II de l'article 6 quater définissait la composition de l'office de façon à le rendre bicaméral et paritaire, en prévoyant la désignation :

- de huit députés -désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci, et huit sénateurs -désignés après chaque renouvellement partiel-. Cette désignation devait permettre une "représentation équitable" des groupes politiques de chaque assemblée ;

- des présidents et des rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées.

2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté trois modifications relatives à la composition de l'office :

*en désignant comme membres de droit :

ï les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées ;

ï mais aussi les cinq membres désignés par le bureau de chacune des autres commissions permanentes.

Au total, sept membres de droit seraient ainsi désignés dans chaque assemblée.

*en prévoyant une représentation proportionnelle des groupes, qui tienne compte des membres de droit : cette représentation serait donc assurée au sein de chaque assemblée par la désignation de quinze membres ;

*en instituant la désignation de huit suppléants dans chaque assemblée, désignés dans les mêmes conditions que les huit titulaires non membres de droit.

3. L'analyse de votre rapporteur

Les modifications apportées par l'Assemblée nationale permettent de répondre à trois préoccupations :

- la représentation de droit de chacune des commissions permanentes correspond pleinement à la mission d'information du Parlement qui devra être remplie par l'office ;

- la représentation proportionnelle des groupes à travers l'ensemble des membres de l'office semble être la condition sine qua non pour un fonctionnement démocratique de l'office ;

- enfin, la désignation de suppléants devrait permettre une Participation active de tous ses membres à l'activité de l'office.

B. LA PRÉSIDENCE DE L'OFFICE

1. Le rôle particulier de la commission des finances

L'Assemblée nationale a repris la disposition de la proposition de loi (dernier alinéa du paragraphe II), prévoyant une présidence alternative d'un an de l'office par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.

2. L'analyse de votre rapporteur

Cette disposition paraît doublement conforme à la vocation de l'office :

- l'évaluation doit comporter dans tous les cas une composante économique ou budgétaire et tout particulièrement dans le contexte actuel de réduction des déficits ;

- les commissions des finances, de par leur mission permanente de contrôle, doivent jouer un rôle particulier dans l'évaluation des politiques publiques.

III. - LE CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L'OFFICE

A. LE TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI

S'inspirant là encore de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, la proposition de loi instituait, au III de l'article 6 quater, un conseil scientifique composé de quinze personnalités choisies pour leurs compétences "dans les domaines économique, social, budgétaire et financier", désignées pour trois ans dans les conditions prévues par le règlement intérieur de l'office.

B. LE TEXTE ADOPTE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a apporté deux modifications au texte de la proposition de loi :

- en prévoyant que les personnalités peuvent être désignées pour leur compétence en matière d'évaluation ;

- en renvoyant au règlement intérieur le nombre, les modalités de désignation et la durée des fonctions des membres du conseil.

C. L'ANALYSE DE VOTRE RAPPORTEUR

Les dispositions relatives à l'office parlementaire d'évaluation des choix technologiques et scientifiques ne sont pas entièrement transposables à un office d'évaluation des politiques publiques : en effet la diversité des sujets à traiter ne permet pas de désigner a priori un conseil scientifique qui serait "omnicompétent" et dont les conclusions pourraient s'imposer à l'office.

L'utilité d'une approche scientifique de l'évaluation ne fait pas de doute : mais chaque étude devrait pouvoir requérir le concours d'une autorité compétente spécifique, dans les conditions que définira l'office.

Votre rapporteur proposait donc de supprimer le paragraphe III.

IV - LES CONSULTATIONS EFFECTUÉES PAR L'OFFICE

L'Assemblée nationale a repris, sous réserve d'adaptation rédactionnelle, le texte du paragraphe IV de l'article 6 quater dans la rédaction initiale de la proposition de loi, prévoyant que "l'office peut recueillir l'avis de toute personne ou organisation qu'il estime nécessaire".

Cette disposition peut paraître très -trop- générale : toutefois, elle présente l'intérêt d'ouvrir à l'office l'accès à l'ensemble des compétences existantes, y compris aux personnes et organismes compétents en matière d'évaluation rattachés à l'exécutif.

Cet accès se limite à une consultation et ne va pas jusqu'à la collaboration, ce qui est normal au vu du principe de la séparation des pouvoirs.

Votre rapporteur vous proposait d'adopter ce paragraphe IV sans modification.

V - SAISINE DE L'OFFICE

A. LE TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI

Le paragraphe V de l'article 6 quater, dans sa version initiale, organisait les modalités de saisine de l'office sous trois formes :

- saisine par le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou à celle de soixante députés ou de quarante sénateurs (transposition du droit de saisine de l'office des choix scientifiques et technologiques) :

- saisine par une commission spéciale ou permanente ;

- saisine par l'un de ses membres.

B. LA MODIFICATION APPORTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a supprimé la faculté pour l'office de s'autosaisir, en considérant que la possibilité de saisine de l'office par l'un de ses membres ferait "qu'un seul parlementaire pourrait ainsi être plus fort que l'ensemble du Parlement", ce qui serait contradictoire avec le "souci constant que cet office soit au service de l'ensemble du Parlement".

C. L'ANALYSE DE VOTRE RAPPORTEUR

Le souci, exprimé par l'Assemblée nationale, de ne pas donner une autonomie d'initiative à l'office semble parfaitement légitime.

Par ailleurs, la saisine de l'office ne doit pas être, ou devenir un instrument politique : c'est pourquoi il ne paraît pas opportun de prévoir qu'un groupe de députés ou de sénateurs puisse saisir le bureau en vue de soumettre une demande à l'office.

Votre rapporteur proposait donc la suppression de cette disposition.

Par ailleurs votre rapporteur estimait utile de voir figurer deux dispositions relatives au fonctionnement de l'office, immédiatement après le paragraphe relatif à la saisine :

1. L'adoption d'un programme annuel d'évaluations, sans préjudice des compétences des commissions.

En effet, votre rapporteur estimait important que l'office puisse organiser son programme dans le temps à partir des saisines qui lui sont adressées.

Il lui paraissait également nécessaire de préciser qu'en aucun cas, l'office n'empiètera sur la compétence des commissions, et que sa mission restera "subsidiaire" par rapport aux travaux de celles-ci.

2. La protection de la position de chaque assemblée en cas de divergence de vues

Aucune des deux assemblées ne doit pouvoir se voir imposer un programme ou une étude, sauf à dénaturer la mission d'information du Parlement par l'office.

Votre rapporteur estimait donc nécessaire de prévoir que, sur demande du président de la commission des finances de l'une ou l'autre assemblée -appelé à présider l'office une année sur deux-, une délibération puisse être soumise à un vote préalable des membres représentant respectivement chacune des assemblées. Le vote à la majorité simple de l'ensemble des membres de l'office aurait été la règle, le mécanisme des votes séparés n'étant que l'exception, dans les cas où une divergence pourrait apparaître entre les représentants du Sénat et ceux de l'Assemblée nationale.

VI - POUVOIRS DE L'OFFICE

A. LE TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI

Le VI de l'article 6 quater, dans sa version initiale, prévoyait que l'office disposerait des pouvoirs confiés par l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, soit les pouvoirs confiés aux rapporteurs chargés d'apprécier la gestion des entreprises publiques et aux rapporteurs spéciaux des commissions des finances : communication de tout document de service, contrôle sur pièces et sur place.

En cas de difficultés d'utilisation de ces pouvoirs, l'office pouvait demander à l'assemblée d'où émanait la saisine de disposer pour 6 mois des Prérogatives des commissions d'enquête définies par l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : droit de communication des documents de service (accompagné de sanctions éventuelles), contrôle sur pièces et sur place, droit de convocation des personnalités (également assorti de sanctions).

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a apporté trois modifications au texte du Paragraphe VI de l'article 6 quater :

- en se référant exclusivement aux pouvoirs tels que l'ordonnance du 17 novembre 1958 les définit pour les rapporteurs spéciaux des commissions des finances ;

- en prévoyant, en cas de difficultés, une information par l'office du bureau de l'assemblée concernée ou de la commission l'ayant saisi, "qui donne à cette communication les suites qu'il estime appropriées", ce qui édulcore la solution préconisée par la proposition de loi ;

- enfin, en prévoyant que, pour la réalisation de ses études, l'office Pourrait faire appel à toute personne ou organisme compétent.

C. L'ANALYSE DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur estimait :

- que la référence aux pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances devait suffire à garantir le bon déroulement des études de l'office ;

- que le rapporteur chargé de l'étude par l'office devait pouvoir associer à ses travaux les parlementaires directement concernés par le sujet traité : rapporteurs spéciaux, rapporteurs pour avis, etc...

Enfin, votre rapporteur estimait utile, plutôt que de prévoir de manière trop générale l'appel de l'office à toute personne ou organisme compétent, d'encadrer la possibilité de recourir à un expert pour une étude par l'élaboration d'un cahier des charges spécifique, qui seul aurait permis à l'office d'imprimer la direction voulue aux collaborations extérieures.

Votre rapporteur proposait donc trois modifications au paragraphe VI, ainsi que l'insertion d'un paragraphe VI bis relatif aux expertises.

VII - LA PUBLICATION DES TRAVAUX DE L'OFFICE

A. UN DISPOSITIF INITIAL COMPLEXE

La proposition de loi posait initialement un principe de publication des "travaux" de l'office, sauf décision contraire de l'office, ce qui entraînait alors la consultation de l'auteur de la saisine avant publication éventuelle.

Par ailleurs, au cas où l'office aurait obtenu les pouvoirs d'une commission d'enquête, la publication des travaux aurait été soumise aux règles s'appliquant à ce type de commission.

B. LA PROPOSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a simplifié les règles de publication, en prévoyant :

- une communication à l'auteur de la saisine (bureau, commission permanente ou spéciale) ;

- puis une publication, sauf décision contraire de l'office.

C. L'ANALYSE DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur estimait que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale était suffisant pour garantir l'accès aux travaux de l'office, et permettre un frein éventuel à la publication, pour des raisons d'exigences de qualité ou d'opportunité, par l'office lui-même qui devait rester maître de ses propres travaux d'un bout à l'autre de leur déroulement.

Votre rapporteur approuvait donc la version du paragraphe VII adoptée par l'Assemblée nationale.

VIII - LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L'OFFICE

L'Assemblée nationale a repris, sous réserve d'adaptation rédactionnelle, la disposition de la proposition de loi prévoyant l'établissement d'un règlement intérieur par l'office lui-même ainsi que sa soumission aux bureaux des deux assemblées.

Votre rapporteur approuvait cette disposition (déjà existante pour l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques) en ce qu'elle donne à l'office un droit, très classiquement reconnu aux délégations Parlementaires, d'établir son règlement intérieur tout en prévoyant un contrôle de ce règlement par les bureaux des deux assemblées, ce qui paraît conforme à la vocation bicamérale de l'office.

IX - LE BUDGET DE L'OFFICE

A. LE TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI

Le texte initial du paragraphe IX de l'article 6 quater, adopté sous réserve de simples modifications rédactionnelles par l'Assemblée nationale, dote l'office d'un budget alimenté à parts égales par les deux assemblées.

L'article renvoie au règlement intérieur de l'office la définition des conditions d'exécution des dépenses de ce budget, ainsi que les modalités de contrôle des comptes de l'office.

Enfin l'article prévoit le principe de collaborations extérieures rémunérées.

B. L'ANALYSE DE VOTRE RAPPORTEUR

Votre rapporteur considérait que le fonctionnement de l'office d'évaluation devait conserver, dans une première phase, un caractère expérimental. C'est pourquoi il jugeait préférable de prévoir que le budget de l'office, naturellement doté à parts égales par les deux assemblées, devait être exécuté comme les dépenses de fonctionnement des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l'article de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 :

Par ailleurs, votre rapporteur estimait que la possibilité de recourir à des collaborations extérieures rémunérées aurait eu davantage sa place dans le règlement intérieur de l'office.

Votre rapporteur proposait donc de modifier en conséquence le texte du paragraphe IX.

Lors de sa séance du 30 janvier 1996, votre commission des finances, après en avoir longuement débattu, a rejeté l'amendement à l'article 3 présenté par votre rapporteur.

Votre commission a ensuite émis un avis défavorable au texte de l'article 3.

EXAMEN EN COMMISSION

1. Réunion du 6 juillet 1995

Réunie le jeudi 6 juillet 1995, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à un échange de vues sur les voies et moyens d'un renforcement de ses activités de contrôle budgétaire. M. Alain Lambert, rapporteur général, a estimé que la première priorité que devait s'assigner la commission était celle d'un renforcement de ses moyens : en personnel, en force d'expertise, en outils techniques et en pouvoirs juridiques. Il a ensuite tracé le cadre des relations qui devraient s'établir entre la commission des finances et un éventuel office d'évaluation des politiques publiques. La ligne de partage des compétences devrait être nettement tracée pour éviter les concurrences stériles et les conflits potentiels. La création d'un office ne saurait ni avoir pour conséquence une banalisation des compétences des rapporteurs spéciaux, ni faire obstacle au renforcement des moyens de la commission des finances, qui demeure la priorité.

Après avoir résumé les différentes suggestions émises lors d'une réunion précédente par les membres de la commission, M. Alain Lambert, rapporteur général, a conclu qu'il pourrait être opportun de confier trois missions à un éventuel office : une mission générale d'évaluation a posteriori des politiques publiques, dont le champ serait très vaste ; une mission particulière d'estimation du coût budgétaire et des conséquences économiques des propositions de loi qui lui seraient transmises ; une mission éventuelle de procéder à toute étude dont il serait saisi par les commissions des finances des Assemblées.

Au regard de ces missions, M. Alain Lambert, rapporteur général, a décrit les moyens qui devraient être attribués à cet office, s'il venait à être créé. Il a conclu son propos en soulignant que, pour être efficace, un office parlementaire devrait être un instrument technique de haute qualité, placé en dehors de polémiques partisanes, respectueux des principes du bicamérisme et des compétences des commissions permanentes.

M. Christian Poncelet, président, a déclaré partager dans l'ensemble la conception générale exposée par le rapporteur général et a insisté sur la nécessité de préserver les prérogatives des commissions permanentes, de respecter les exigences du bicaméralisme et d'accentuer la fonction de contrôle budgétaire assurée par la commission des finances par un renforcement des moyens humains et informatiques mis à sa disposition.

M. Maurice Blin a jugé qu'il n'était pas de bonne méthode de réfléchir dans la précipitation et la confusion à un office d'évaluation qui viendrait s'ajouter aux nombreux organismes publics dotés de compétences presque analogues. Il a souligné le caractère prioritaire du renforcement des moyens de la commission des finances et, si un office venait à être créé, l'exigence fondamentale du respect des prérogatives des rapporteurs spéciaux.

M. Philippe Marini a mis l'accent sur la nécessité de doter de moyens supplémentaires les parlementaires soucieux d'exercer pleinement leurs compétences en matière de contrôle budgétaire et d'évaluation des politiques publiques. Le futur office devra, selon lui, respecter le caractère parlementaire et bicaméral de nos institutions en devenant le lieu de l'expertise technique et non le champ d'affrontements entre le Parlement et le Gouvernement. Cette expertise technique serait mise au service de l'évaluation des politiques publiques et non à celui du contrôle budgétaire qui doit demeurer de la compétence des commissions des finances. Il a conclu son intervention en souhaitant que le Sénat prenne des initiatives et ne soit pas lié par les décisions que prendrait l'Assemblée nationale. Il a ainsi souhaité le dépôt d'une proposition de loi d'origine sénatoriale et le rattachement au Sénat de cet office d'évaluation des politiques publiques, l'Assemblée nationale lui semblant destinée à accueillir l'office d'évaluation législative.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a rappelé son attachement à la création d'un office qui soit un instrument scientifique d'évaluation, tout en regrettant la précipitation qui semble entourer la création de celui-ci. Elle s'est déclarée en faveur d'un report à l'automne de l'examen de la proposition de loi visant à instituer cet office.

Après que M. Christian Poncelet, président, se fut félicité de l'intérêt et de la richesse du débat, M. Alain Lambert, rapporteur général, a indiqué que, conformément aux souhaits formulés par ses collègues, il se tiendrait prêt à déposer une proposition de loi.

2. Réunion du 11 octobre 1995

Puis, réunie le mercredi 11 octobre 1995, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a décidé de se saisir pour avis de la proposition de loi n° 389 (1994-1995), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Elle a nommé M. Alain Lambert, rapporteur pour avis de cette proposition de loi.

3. Réunion du 17 janvier 1996

Réunie ensuite le mercredi 17 janvier 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a entendu une communication de M. Alain Lambert, rapporteur pour avis de la proposition de loi n° 389 (1994-1995), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission des lois, saisie au fond de ce texte, venait, en début de matinée, d'entendre le rapport de M. Pierre Fauchon, rapporteur de la proposition de loi.

Après avoir souligné que la fonction d'évaluation des politiques publiques était souvent définie de façon peu précise et devrait faire l'objet d'une étude approfondie, M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a précisé que le rapport de M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois, préconisait la création d'un office parlementaire d'évaluation composé de deux délégations constituées respectivement dans les deux Assemblées.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a ensuite fait part du Partage des voix au sein de la commission saisie au fond sur l'opportunité d'examiner la proposition de loi, qui venait de l'amener à différer d'une semaine la suite de ses travaux sur le texte.

La commission a pris acte de cette décision, et a décidé, en conséquence, de reporter d'une semaine l'examen du rapport pour avis sur la proposition de loi.

4. Réunion du 24 janvier 1996

Réunie à nouveau le mercredi 24 janvier 1996, dans l'après-midi, sous la présidence de M. Jean Cluzel, vice-président, la commission a procédé à un échange de vues sur le projet de création d'un office Parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission des lois, saisie au fond de la proposition de loi tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un office d'évaluation des politiques publiques, avait repoussé, le matin même, les propositions de son rapporteur M. Pierre Fauchon et qu'elle avait désigné un nouveau rapporteur en la personne de M. Michel Rufin.

En se référant au premier débat tenu par la commission sur ce thème au mois de juillet dernier, M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a estimé que le projet de création d'un office Parlementaire d'évaluation se situait au carrefour de trois séries de préoccupations celles du Gouvernement, qui souhaite voir les Assemblées revaloriser leur rôle et prendre une part plus importante dans l'effort de maîtrise des dépenses publiques ; celles du Parlement, qui souhaite développer ses activités de contrôle et réhabiliter l'action de l'État aux yeux de l'opinion publique ; enfin, celles des commissions parlementaires qui, tout en souhaitant confirmer leurs compétences et leurs prérogatives, ont besoin de moyens supplémentaires pour exercer des missions de plus en plus nombreuses dans des délais restreints.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a considéré que la commission des finances, saisie pour avis, devrait à l'occasion de l'examen du texte faire valoir la nécessité absolue d'un renforcement de ses propres moyens et du respect d'un principe de subsidiarité des missions de l'office. Il a également insisté sur l'intérêt de procéder à un recensement critique des moyens d'évaluation existants et d'étudier les modalités de création d'un véritable pôle public d'évaluation.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a ensuite énuméré les sujets susceptibles de susciter des débats au sein de la commission : le principe même de la création d'un office, la définition de ses missions, sa composition, les modalités de sa saisine et enfin la possibilité qui lui serait offerte de recourir à des compétences extérieures.

Un débat s'est alors ouvert, au cours duquel sont intervenus MM. Jean Cluzel, président, René Ballayer, Maurice Blin, Marc Massion, Michel Moreigne, Philippe Marini, Jacques Oudin et Guy Cabanel.

S'agissant de l'opportunité de la création d'un office Parlementaire d'évaluation, M. Jacques Oudin a fait valoir que la commission ne parvenait pas toujours à faire appliquer et respecter les pouvoirs de ses rapporteurs spéciaux.

M. Marc Massion a estimé indispensable de faire le point sur les capacités d'évaluation existantes avant de créer une structure nouvelle.

S'agissant de la définition des missions de l'office, M. Philippe Marini a souligné que le contrôle de l'exécutif devait rester de la compétence des commissions parlementaires.

M. Guy Cabanel a estimé que l'office devrait être chargé d'évaluations et non pas d'expertises qui empiéteraient sur les compétences du Parlement.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, après avoir rappelé que la commission des lois restait partagée sur le choix entre "évaluation" et "expertise"', a précisé que, selon lui, l'office devrait avoir la compétence de procéder directement aux études nécessaires, comme celle de passer commande, le cas échéant, à des personnes extérieures.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la composition de l'office qui pourrait revêtir la forme soit d'une délégation parlementaire unique, soit deux délégations issues respectivement de chacune des Assemblées.

M. Maurice Blin a fait valoir l'avantage que constituerait l'organisation en deux délégations, en cas de majorités politiques divergentes dans les deux Assemblées.

M. Philippe Marini a estimé que le choix des questions à soumettre à l'office pouvait présenter un intérêt général tel qu'il permettrait de s'affranchir des clivages politiques.

MM. Maurice Blin et Jean Cluzel, président, ont souligné le caractère inévitable de la coloration politique qui serait imprimée aux évaluations de l'office, M. Marc Massion souhaitant, pour sa part, conserver un caractère indépendant à celui-ci en n'y nommant qu'une faible minorité de représentants des Assemblées, ce qui conférerait une dominante technique à l'institution.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la question de la saisine de l'office, qui pourrait être réservée aux Bureaux des Assemblées et à leurs commissions, spéciales ou permanentes, et devrait, selon lui, être préservée de la politisation qui résulterait d'une ouverture à un nombre donné de députés ou de sénateurs.

M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, a enfin évoqué la question du recours de l'office à des compétences extérieures, et de la définition de ses pouvoirs d'investigation. A ce propos, il a rappelé qu'il serait favorable à une modification de l'article 2 de la proposition de loi, afin de réserver à l'office d'évaluation plutôt qu'aux commissions permanentes autres que la commission des finances le droit de saisir la Cour des Comptes de demandes d'enquêtes.

5. Réunion du 30 janvier 1996

Au cours d'une séance tenue dans l'après-midi du mardi 30 janvier 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a examiné la proposition de loi n° 389, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, sur le rapport de M. Michel Mercier, en remplacement de M. Alain Lambert, rapporteur pour avis, empêché.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a exposé les considérations qui avaient présidé à ses travaux : la conception de l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques doit rester modeste ; cet organisme doit être un instrument au service du Parlement, sa création ne doit pas faire obstacle à un véritable débat sur l'institution d'un pôle public d'évaluation tel que pourrait l'être à l'avenir un commissariat général au plan rénové.

M. Paul Loridant a fait remarquer que l'office ne devait pas être conçu en fonction des problèmes que pourrait poser une alternance politique.

Mme Maryse Bergé-Lavigne s'est interrogée sur la nécessité de créer un tel office avant de réfléchir à un véritable pôle public d'évaluation.

M. Bernard Barbier a souligné le risque que présentait l'office, de bousculer le bicaméralisme et a rappelé sa propre proposition de loi qui tendait à instituer deux délégations, de "prospective économique et de planification".

M. Jean Cluzel a rappelé les réserves que lui inspirait la création d'un office parlementaire d'évaluation alors que les travaux préparatoires de la Constitution de 1958 faisaient ressortir le rôle technique important désormais confié au Parlement et à ses commissions ; il a également souligné l'obstacle que représentaient les relations politiques entre le gouvernement et sa majorité au sein de la Vème République.

Enfin M. Jean Cluzel a souligné qu'aucune comparaison ne pouvait être faite valablement avec le Congrès américain dont les pouvoirs étaient très largement supérieurs à ceux du Parlement français.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a exprimé sa compréhension vis-à-vis des préoccupations des différents intervenants, mais a insisté sur le rôle qui devrait selon lui être joué par le Sénat dans la création d'un tel office d'évaluation.

La commission a ensuite procédé à l'examen des deux amendements présentés par le rapporteur pour avis.

La commission a décidé de réserver l'amendement n° 1 à l'article 2 (demandes d'enquêtes à la Cour des comptes), après l'examen de l'amendement n° 2 à l'article 3 (office parlementaire d'évaluation des politiques publiques).

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a exposé les principales composantes de cet amendement central : une définition générale de la mission de l'office, excepté la précision apportée au rôle de l'office dans l'évaluation a priori des propositions de loi ; la composition de l'office en une seule délégation parlementaire qui laisserait toutefois un droit de veto à chaque représentation des assemblées, en cas de divergence avec l'office ; une représentation des commissions permanentes et une représentation à la proportionnelle des groupes politiques ; enfin, un arrimage de l'office aux commissions permanentes, par les modalités de saisine, par la constitution du secrétariat permanent, par les pouvoirs donnés aux rapporteurs et non pas à l'office, enfin par l'absence de budget autonome.

Un débat s'est ensuite instauré dans lequel sont intervenus MM. René Ballayer, Jean-Pierre Masseret, Maurice Blin, Guy Cabanel, Yann Gaillard, Bernard Barbier, Philippe Marini, Henri Collard.

En réponse aux différents intervenants, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a insisté sur les garanties que présentait sa proposition d'amendement, tant du point de vue de l'arrimage de l'office aux commissions permanentes, que du respect de la spécificité de chaque assemblée.

La commission s'est alors prononcée contre l'amendement n° 2 présenté par M. Michel Mercier, et par voie de conséquence, contre l'amendement n° 1.

La commission s'est ensuite prononcée contre la proposition de loi n° 389 adoptée par l'Assemblée nationale.

* (2) Audition de M. Pierre Joxe par la mission d'information "Dominati".

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