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Avis n° 80 (1995-1996) de Mme Paulette BRISEPIERRE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 28 novembre 1995

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N° 80

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès verbal de la séance du 28 novembre 1995

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1996 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

COOPÉRATION

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon

Voir les numéros :

Assemblée nationale :

Sénat :

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Diversité et mouvement, tels sont les deux traits que nous retiendrons pour caractériser l'année 1995 en Afrique. Celle-ci n'a jamais en effet paru aussi loin de l'image, trop complaisamment entretenue par certains, d'un continent plongé dans son entier dans l'immobilisme et un inéluctable déclassement.

Les progrès de la démocratie, le début de renouveau économique ouvert notamment par la dévaluation du franc CFA, modifient le visage de l'Afrique. Mais ces nouvelles lignes sont elles-mêmes le fruit d'une évolution plus lente, longtemps inaperçue dans les années de crise : la promotion de générations mieux formées, plus décidées à rompre les chaînes du sous-développement et de la dépendance.

Dans ces changements la France a sa part qui n'est point négligeable. Notre politique de coopération, trop souvent et injustement décriée, a su s'adapter et témoigne par delà les vicissitudes de l'histoire, d'une fidélité à un continent dont elle n'a jamais désespéré.

Sans doute les conflits fratricides, le poids des traditions autocratiques, la dégradation de l'environnement et, plus inquiétant encore, l'irrésistible extension du sida, pèsent comme autant d'hypothèques sur l'avenir de l'Afrique.

Aussi à l'heure où « une partie de l'Afrique (...) hésite entre le gouffre et la réussite » (Serge Michailof) le rôle de l'aide internationale apparaît décisif. Or, au risque de perdre les bénéfices si longtemps attendus des efforts de la communauté internationale au moment où ils commençaient à porter leurs fruits, les contraintes budgétaires et parfois, simplement les égoïsmes nationaux, entraînent une diminution de l'aide publique au développement.

C'est dans ce contexte si crucial pour l'Afrique, sous les auspices inquiétants d'un désengagement international, que doit être restitué l'examen du projet de budget du ministère de la coopération.

Ainsi après avoir analysé les enjeux que présentent pour notre politique de coopération les évolutions récemment intervenues en Afrique, votre rapporteur s'interrogera sur la capacité des instruments de notre aide à y faire face, par leur organisation d'une part, par les moyens financiers mis en place dans le cadre du projet de budget pour 1996 d'autre part.

PREMIÈRE PARTIE : L'AFRIQUE EN MOUVEMENT. QUELS ENJEUX POUR NOTRE COOPÉRATION ?

Les évolutions dont l'Afrique subsaharienne est le théâtre invite à fixer des objectifs clairs à notre politique de coopération. Deux lignes force paraissent aujourd'hui se dessiner, un renouveau économique d'une part, une diversification croissante du continent africain d'autre part. Ces deux tendances et surtout la seconde s'inscrivent nécessairement dans la longue durée . Il convient d'en prendre la mesure pour mieux réfléchir sur les objectifs et les outils de notre aide.

I. LES CONDITIONS D'UN NOUVEAU DÉPART EN VOIE DE SE CONCRÉTISER

Les chances d'un réel développement économique reposent sur trois ressorts essentiels : l' assainissement économique , la réforme de l'Etat , l' intégration régionale . L'année écoulée a permis de poser plusieurs jalons sur chacune de ces voies même si les obstacles à franchir restent encore considérables.

A. UN ASSAINISSEMENT ÉCONOMIQUE ENCORE FRAGILE

1. Les fondements d'un redressement économique

L'assainissement économique constaté en 1995 revêt trois dimensions : le retour de la croissance, une meilleure maîtrise de l'inflation, un rééquilibrage des comptes extérieurs.

a) L'Afrique de la zone franc renoue avec la croissance.

Après deux années de récession où leur produit intérieur brut s'était contracté (- 0,7 % en 1992, - 1,8 % en 1993), les pays de la zone franc ont connu un taux de croissance positif de l'ordre de 1,5 % en 1994 et de 4 à 5 %, sans doute, pour 1995. Ainsi le revenu par habitant progressera pour la première fois depuis les années quatre-vingts (pendant lesquelles le PIB augmentait de 2 % en moyenne annuelle tandis que la croissance démographique dépassait 3 % par an).

Cette évolution apparaît liée à trois facteurs de nature différente :

- les bonnes conditions climatiques observées dans les pays sahéliens et côtiers ;

- la hausse des cours mondiaux des produits de base supérieure à 35 % pour les cultures de rente (café, cacao, coton) les oléagineux et les bois tropicaux ;

- les conséquences de la dévaluation de 50 % du franc CFA en janvier 1994 (33 % du franc comorien).

De ces trois facteurs, c'est la dévaluation qui a joué un rôle décisif pour la reprise économique de certains pays africains. Elle a permis, en premier lieu, de rétablir la compétitivité , fortement entamée avant 1994, des produits exportés dans le contexte, il est vrai doublement favorable, d'une hausse des produits de base et de croissance des économies développées. Les surplus ainsi dégagés ont bénéficié aux producteurs et favorisé un meilleur équilibre des revenus entre urbains et ruraux.

Ensuite la dévaluation a favorisé la substitution de productions locales aux importations . Cet effet a plus particulièrement joué au profit des cultures vivrières. Ainsi la croissance de l'économie au Niger (4 % en 1994) doit beaucoup aux progrès accomplis par la production de l'agriculture vivrière évalués à 7 %.

Enfin, les institutions financières internationales, après avoir conditionné la reprise de leur aide à la dévaluation, ont apporté un appui financier sous la forme de nouveaux concours extérieurs 1 ( * ) , et du rééchelonnement d'une partie de la dette des pays de la zone , dans le cadre du Club de Paris.

La France pour sa part a consenti un effort significatif en annulant en janvier 1994 la dette au titre de l'aide publique en développement en totalité pour les pays les moins avancés et à hauteur de 50 % pour les pays à revenu intermédiaire, soit 25 milliards de francs.

La dévaluation n'a pas, par ailleurs, provoqué la dérive inflationniste attendue.

b) Une inflation relativement maîtrisée.

En effet la hausse des prix s'est établie à 33 % en moyenne annuelle en 1994. Le Mali, le Burkina-Faso, la Côte d'Ivoire se sont situés en deçà de ce niveau. Le Congo, le Tchad, le Niger et le Cameroun, surtout, ont connu une inflation supérieure à 40 %.

Ces résultats contrastés mais dans l'ensemble encourageants se sont confirmés sur le premier semestre de cette année au cours duquel la hausse des prix en niveau n'a pas dépassé trois points. Trois facteurs principaux expliquent cette évolution :

- une hausse des prix des produits importés inférieure à celle liée à la répercussion automatique du changement de parité du fait notamment d'une réduction des marges des importateurs et de la baisse des tarifs douaniers ;

- une évolution maîtrisée des prix des produits vivriers en raison des bonnes récoltes liées aux conditions climatiques favorables et du contrôle des prix sur certains produits tels que le riz ;

- la maîtrise de la progression des rémunérations dans le secteur public (autour de 10 %) et partant, dans la sphère privée.

c) L'évolution plus favorable des comptes extérieurs.

Le déficit de la balance courante hors don s'est réduit entre 1993 et 1994 passant de 493 milliards de francs CFA à 38 milliards de francs CFA en Afrique de l'ouest et de 408 milliards de francs CFA à 377 milliards de francs CFA en Afrique centrale.

Cette amélioration résulte de la baisse du volume des importations consécutive à la dévaluation et de la reprise des cours mondiaux des produits de base.

On peut donc tracer un bilan plutôt positif de la conjoncture économique africaine sur les années 1994 et 1995.

2. Une reprise encore fragile

Deux incertitudes majeures appellent cependant à s'interroger sur le caractère durable de la croissance qui se dessine : la capacité des économies à mener les restructurations imposées par la dévaluation d'une part, le poids de l'endettement public d'autre part.

a) Les effets déstabilisateurs de la dévaluation

La dévaluation a particulièrement frappé les branches peu compétitives et surprotégées des économies africaines, notamment le commerce et la distribution, également menacés par la concurrence du secteur informel. Certaines sociétés tournées vers l'importation, incapables de réduire leurs marges, ont dû disparaître.

A cet égard, le bilan des mesures d'accompagnement décidées par le Gouvernement français en faveur des entreprises installées sur place reste mitigé.

Sans doute, la Caisse française de développement (CFD) a-t-elle accordé en 1994, en complément d'un engagement identique des banques commerciales, une facilité exceptionnelle de financement à court terme (au taux de 8,50 % et d'une durée de deux ans) en faveur d'entreprises confrontées à un besoin conjoncturel de trésorerie. Cependant, le nombre de crédits accordés (45 seulement, pour un montant de 63 millions de francs) n'a pas répondu à tous les besoins. D'une part, la procédure à satisfaire était infiniment trop complexe et incompatible avec les moyens en personnel des PME et PMI 2 ( * ) . D'autre part la solvabilité des demandeurs, dans quelques cas, s'est avérée incertaine.

La dévaluation a remis en cause de façon parfois définitive, hélas, les intérêts de certains de nos compatriotes, propriétaires d'entreprises installées dans les pays de la zone franc. De nombreux drames en ont résulté car les dispositions annoncées par le gouvernement français à l'égard de nos compatriotes expatriés affectés par la dévaluation du franc CFA n'ont malheureusement pas toujours été à la mesure des difficultés rencontrées.

D'autre part le blocage des transferts financiers décidé avant la dévaluation par les banques centrales de la zone franc a lésé un nombre important d'entreprises françaises. Les litiges provoqués par cette situation n'ont pas encore trouvé la solution équitable qui s'imposait. Votre rapporteur espère cependant que l'initiative prise par la Côte d'Ivoire de réunir une commission nationale pour résoudre cette question se généralisera rapidement et permettra d'apporter enfin une réponse satisfaisante à ce problème.

La dévaluation a par ailleurs fortement dégradé les revenus des Français expatriés rémunérés en francs CFA , en particulier celui des familles endettées en francs français pour l'achat d'une propriété en France. L'un des cas les plus douloureux concerne toutefois les retraités rentrés en France dont la pension libellée en francs CFA et versée par la caisse africaine de prévoyance s'est trouvée divisée par deux. Le gouvernement français qui ne peut se substituer aux Etats africains pour revoir les conditions de versement de ces pensions a cependant accordé une indemnité exceptionnelle d'un montant de 100 millions de francs. Les décaissements n'ont porté que sur 2 millions de francs. Et là encore un allégement des procédures d'attribution s'avère indispensable pour que l'ensemble des personnes concernées puissent bénéficier d'une juste compensation.

Les restructurations indispensables du secteur productif nourrissent un autre sujet d'inquiétude : le risque de troubles sociaux . En effet, le pouvoir d'achat des populations urbaines s'est comprimé au profit du revenu des producteurs agricoles ; les retards de paiement des fonctionnaires dans certains pays comme le Congo ou le Niger aiguisent encore davantage les mécontentements.

Afin de tenter de conjurer la menace d'une explosion de violence dans les villes, la coopération française (ministère de la coopération et CFD) a mis en place un Fonds spécial de développement (FSD) doté de 400 millions de francs dont l'expérience montre qu'il a joué un rôle utile. En particulier, les subventions gérées par la Caisse française de développement pour les pays les moins avancés ont permis d'appuyer quelque deux cents projets à haute intensité de main d'oeuvre dans les domaines de l'aménagement urbain, de la fourniture d'eau, de la formation et de la santé. La détérioration des conditions de vie des populations urbaines a pu ainsi, dans une certaine mesure, être contenue.

Si les désordres sociaux peuvent remettre en cause la reprise de l'économie comme en témoignent les difficultés rencontrées notamment par le Congo ou le Cameroun, le poids de l'endettement apparaît aussi à terme comme une entrave à un véritable décollage.

b) Un endettement encore excessif

Singulièrement, malgré les annulations de dette décidées par la France en particulier, le service de la dette des pays de la zone franc (25 % des recettes d'exportations de biens et services) reste supérieur au niveau effectivement honoré avant 1994 (entre 15 et 20 %).

Deux effets inverses corrigent les mesures d'annulation :

- la reprise des concours du FMI et de la Banque mondiale accroît la part de la dette non rééchelonnable ;

- le rééquilibrage budgétaire attendu de la dévaluation (du fait de la progression des recettes d'exportations contrôlées par l'Etat et de l'élargissement de l'assiette fiscale lié à la croissance) ne s'est pas encore produit.

Parallèlement les dépenses publiques ont continué de croître en raison du renchérissement des biens et services importés mais aussi de la mise en place de plans d'accompagnement social.

Le déficit public atteignait ainsi, en 1994, 8,7 % du PIB en Côte d'Ivoire et 6,7 % au Gabon.

L'insuffisante maîtrise des dépenses publiques, et plus généralement l'emprise démesurée du secteur public condamnent-elles les perspectives de redressement économique ? La réponse ne paraît pas assurée car dans ce domaine, aussi, l'Afrique change.

B. LA REDÉFINITION DU RÔLE DE L'ETAT

1. La réforme de l'Etat

Au lendemain des indépendances, les nouveaux dirigeants africains, héritiers des frontières issues du découpage souvent artificiel de la colonisation, se sont trouvés devant la nécessité d'appuyer leur légitimité sur un sentiment national encore défaillant. Comment ? En s'efforçant de construire et de consolider les structures étatiques. Trente ans plus tard le bilan laisse perplexe.

Faut-il s'en étonner ? L'Afrique pouvait-elle construire en moins de trente ans un Etat de droit ? Il a fallu à la France plusieurs siècles d'une histoire mouvementée pour mener à bien pareille entreprise.

Cependant depuis le début de la présente décennie une vague de fond a ébranlé l'ensemble des pays africains, et conduit aujourd'hui, dans l'ordre économique, sur les voies de la privatisation et de la libéralisation. Mais revenons un moment sur les ressorts de cette évolution.

a) La démocratisation, condition du développement

L'onde de choc provoquée par l'effondrement du bloc soviétiques'est profondément fait sentir en Afrique subsaharienne. Il convient d'en signaler trois manifestations notables :

- la fin des guerres civiles conduite par des groupes qui pouvaient s'appuyer sur l'un ou l'autre des deux grands (à la fin de l'année 1994, les accords de Lusaka ont ainsi scellé, après vingt ans de guerre, un accord entre le Président Dos Santos et le chef de l'Unita, tandis qu'au Mozambique les premières élections multipartites d'octobre 1994, mettaient fin à seize années d'un conflit fratricide) ;

- le rôle désormais prépondérant des grandes institutions financières internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international, organismes de l'Union européenne) et des critères purement économiques qu'elles appliquent, appelle un effort de transparence et un libéralisme peu compatible avec le maintien de régimes autoritaires ;

- la réorientation de la diplomatie française consacrée par le Sommet de La Baule (juin 1990) liant désormais aide au développement et ouverture démocratique.

Ces trois facteurs ont favorisé un processus de démocratisation, certes encore fragile, mais auquel peu de pays africains ont échappé. Cette évolution qui a correspondu également à la disparition ou l'effacement des anciens chefs « historiques » du continent, a permis un renouvellement des élites dirigeantes, plus sensibles aux nécessités de la modernisation et du libéralisme.

Aujourd'hui quelles que soient les vicissitudes politiques que connaissent nombre de pays africains, la réforme de l'Etat paraît à l'ordre du jour.

b) Privatisation et libéralisation économique

Sans doute les réformes en cours sont-elles encore très partielles mais le mouvement paraît amorcé.

Les privatisations

La remise en cause du secteur public a principalement concerné la Côte d'Ivoire. Dans ce pays dix sociétés publiques ont été privatisées au cours du premier semestre de cette année (pour un montant de 20 millions de francs CFA), vingt-quatre autres, dont la quasi-totalité des sociétés agro-industrielles (et notamment Palmindustrie) et la société de télécommunications, devraient l'être dans les prochains dix-huit mois.

La libéralisation

Parmi les différentes opérations, généralement conduites avec le soutien des bailleurs de fonds internationaux, la libéralisation des transports maritimes sur la côte ouest-africaine possède valeur d'exemple. Elle a permis de réduire de 20 % les frais de transport de bananes et d'ananas en provenance de Côte d'Ivoire (de 90 à 72 dollars la palette d'après les chiffres mentionnés par la Banque mondiale) et de permettre ainsi aux producteurs locaux de retrouver leur compétitivité face à leurs concurrents d'Amérique latine.

Sans doute ces efforts restent-ils encore incomplets et les économies africaines souffrent, paradoxalement, à la fois d'une emprise excessive et d'une insuffisance de l'Etat.

2. Un Etat inadapté

Malgré les évolutions dont l'esquisse vient d'être tracée, l'omniprésence du secteur public contraint trop souvent l'initiative privée à se retrancher dans les circuits parallèles. Dans le même temps l'Etat se montre trop souvent incapable d'assurer efficacement ses fonctions traditionnelles et de garantir la sécurité juridique et parfois physique, des biens et des personnes.

a) L'emprise excessive de l'Etat

Un secteur public envahissant et inefficace

Dans une récente étude intitulée significativement Les bureaucrates aux affaires , la Banque mondiale souligne la place excessive des entreprises publiques, leurs déficits devenus structurels et leur incapacité à promouvoir un réel développement social.

Cependant contrairement à une idée reçue la part des investissements privés dans les économis africaines ne se réduisent pas à la portion congrue. D'après une étude de l'OCDE 3 ( * ) , sur laquelle votre rapporteur reviendra d'ailleurs plus longuement, les deux tiers du capital urbain constitué au cours des trente dernières années en Afrique de l'ouest relèvent de linitiative privée. Près du quart des investissements ont d'ailleurs porté sur des constructions non conformes au droit de l'urbanisme.

Le secteur informel s'est en effet considérablement développé en Afrique. Cette forme d'économie présente des mérites ; l'étude précitée le soulignait : « l'économie populaire est plus enracinée dans le milieu. Elle a mieux résisté à la crise (...). Mais cette économie est d'abord une économie de survie, dans laquelle la fonction sociale est dominante (...), elle constitue la source de la résistance des sociétés africaines aux chocs multiples qui les frappent » 4 ( * ) . En revanche le secteur informel se prête fort peu à une croissance rapide. Les avantages indéniables de cette forme de régulation ne sauraient servir de prétexte à la perpétuation d'un système économique caractérisé dans son ensemble par ses dysfonctionnements.

b) Un Etat inefficace

Conjuguées à la mauvaise organisation de l'administration des impôts, la prévarication de certains fonctionnaires, l'extension du secteur informel entraînent une perte conséquente des recettes fiscales dont la part dans le PIB (10 à 15 %) reste bien en-deçà de la norme répandue dans les économies développées (20 %).

Le poids de la fiscalité tend ainsi à se concentrer sur le secteur officiel de l'économie qu'il décourage dans une logique contraire à la fois aux intérêts du domaine privé et de la sphère publique.

Il s'agit désormais pour l'Afrique de réduire une fiscalité souvent trop lourde tout en élargissant l'assiette de recouvrement.

Confronté à l'insuffisance chronique de ses recettes, l'Etat africain doit prendre en charge des dépenses mal maîtrisées, qu'il s'agisse des subventions au secteur public ou des traitements des fonctionnaires. Sans doute une fonction publique pléthorique a-t-elle permis l'intégration de larges pans de la population africaine. L'incapacité des Etats à en assumer le coût et les nombreux retards de paiement ont cependant tout à la fois aggravé les mécontentements et favorisé la mauvaise administration.

c) La revalorisation des fonctions régaliennes

Dans ce contexte budgétaire difficile, l'Etat souvent a failli à accomplir ses fonctions traditionnelles : maintien de la sécurité, administration de la justice en particulier.

Cependant la consolidation d'institutions démocratiques fortes d'une réelle légitimité reste un facteur décisif de stabilisation. Ainsi au Mali, la politique de concertation conduite avec les mouvements touaregs, a favorisé la pacification des territoires du nord, condition primordiale d'un développement économique.

En second lieu, la protection juridique a connu des avancées notables en Afrique, grâce à un effort de codification et d'harmonisation du droit. Ainsi le traité instituant la Conférence interafricaine des marchés d'assurance (CIMA), signé en 1992, ratifié par huit Etats et entré en vigueur en 1995, permet la substitution d'un code unique des assurances aux différentes lois nationales. De même l'harmonisation du droit des affaires devrait bientôt aboutir.

Ces accords en témoignent, le renouveau économique passe également pour l'Afrique par la concertation et l'intégration régionale.

3. L'intégration régionale

La logique de l'intégration régionale s'est imposée à de nombreux Etats de l'Afrique subsaharienne. Elle rencontre cependant encore nombre d'obstacles.

a) Un engagement renforcé dans une logique d'intégration

Dans ce domaine, les handicaps liés à la segmentation des marchés ont encouragé plusieurs initiatives.

La faiblesse du commerce régional

Le commerce régional intéresse moins de 6 % des échanges extérieurs africains et ne dépasse pas 10 % du commerce mondial. Les échanges entre les Etats de la zone franc n'atteignent pas 10 % de leur commerce extérieur .

Les statistiques ne donnent sans doute pas la mesure des échanges réels qui ignorent souvent les frontières et échappent à toute évaluation, elles n'en traduisent pas moins le faible degré d'intégration régionale.

Or cette situation présente au moins deux inconvénients :

- l'étroitesse des marchés ne permet pas de réaliser des économies d'échelle ;

- les protections favorisent les rentes de situation et aggravent les coûts de production intérieure.

C'est pourquoi les dernières années ont été caractérisées par des tentatives de regroupement.

Les efforts d'intégration

Ceux-ci concernent principalement l'Afrique Australe (avec la SADC - Southern Africa Development Community - créée en août 1992) et l'Afrique francophone. Instituée au lendemain de la dévaluation, l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEOMA) s'assigne pour objectifs la réduction des droits de douane et la convergence des politiques budgétaires et fiscales. Une Cour de justice jugera les « manquements » des Etats-membres à leurs obligations. Pour leur part les six Etats-membres de l'Union douanière et économique de l'Afrique centrale (UDEAC) ont créé le 16 mars 1994 la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale qui prolonge l'ancienne Union monétaire et lui adjoint une union douanière dont la mise en oeuvre s'avère toutefois difficile.

Sans doute ces initiatives demeurent-elles trop récentes pour donner lieu à un premier bilan, elles manifestent cependant un nouvel état d'esprit qu'il convient d'encourager.

En effet cette dynamique reste fragile.

b) De nombreux obstacles à surmonter

Certains handicaps risquent encore d'interdire la constitution d'un véritable marché commun, d'autres menacent d'orienter les efforts d'intégration sur des voies finalement dangereuses pour les économies africaines.

Les difficultés rencontrées par l'intégration économique

Cinq types d'obstacles peuvent barrer l'accès vers l'intégration :

- l'absence de complémentarité (dans les productions, dans les niveaux de développement) ;

- l'importance des ressources douanières (représentant souvent la moitié des recettes fiscales) -s'en dessaisir au profit d'une Union douanière suppose la mise en place d'un système de répartition équitable du produit des taxes ;

- la tentation face aux difficultés de balance des paiements d'une remise en cause toujours possible des préférences commerciales initialement accordées ;

- une organisation de l'espace déficiente : « le transport régional, maritime et aérien n'a pas fait l'objet d'améliorations. Ces réseaux commerciaux parfois complexes demeurent déficients et les commerces informels fréquents » 5 ( * ) .

La formation d'entités régionales doit se réaliser dans la perspective d'une intégration progressive dans le commerce mondial

En effet les expériences économiques menées autour d'un développement autocentré (forte protection douanière, industrialisation, conduite sans souci de compétitivité, surévaluation des taux de change) se sont soldés à moyen terme par un échec. A contrario, le modèle asiatique témoigne de l'adéquation d'une politique économique qui s'affranchit des dogmes de la théorie néoclassique (en maintenant certaines protections, ou en pratiquant l'interventionnisme économique) mais prépare les productions nationales à affronter la concurrence internationale.

L'intégration régionale doit s'inscrire dans le cadre d'une ouverture progressive des économies vers l'extérieur. Il faut ménager en effet un tissu d'entreprises encore fragiles et préserver ainsi un savoir-faire qu'une libéralisation trop brutale viendrait ruiner.L'intégration régionale offre des marchés plus larges aux entreprises africaines dont la compétitivité se renforce. La réduction progressive des protections tarifaires fixées par les unions doit cependant accompagner ce processus. L'ouverture sur l'extérieur reste inséparable de la libéralisation interne, dont elle devrait d'ailleurs encourager la dynamique. Les deux objectifs paraissent indissolublement liés.

*

Ces développements appellent de la part de votre rapporteur trois observations.

D'une part le renouveau économique de l'Afrique subsaharienne et en particulier des pays de la zone franc ne laisse pas de doute ; cependant ce mouvement sous sa triple forme (retour de la croissance, recentrage du rôle de l'Etat, effort d'intégration régionale) peut s'enrayer facilement tant demeurent puissants le poids des inerties et les handicaps de l'histoire. Notre aide apparaît donc indispensable.

Dans le même temps, nous venons de le voir, le processus de développement obéit à une certaine logique, une certaine cohérence : la libéralisation maîtrisée des économies, le développement de l'initiative privée permettent de fixer les orientations de notre coopération. Notre aide doit se fixer des objectifs précis et hiérarchisés.

Par ailleurs, nous l'avons relevé à plusieurs reprises, l'évolution économique et politique de l'Afrique au cours des années récentes permet de dégager trois groupes de pays :

- une « Afrique à la dérive » (Serge Michaïlov) victime des guerres civiles (Somalie, Soudan, Libéria, Rwanda), en proie aux tentations dictatoriales (Nigéria) ou au contraire à la décomposition avancée des structures étatiques (Zaïre); la situation des deux géants de l'Afrique centrale (Nigéria et Zaïre) exerce par ailleurs une influence déstabilisatrice sur les pays voisins ;

- en effet, un autre groupe de pays majoritaires connaît la stagnation ou même la récession souvent compliquée par une paralysie des pouvoirs (Corne de l'Afrique, Afrique centrale) ;

- enfin, une Afrique proche du décollage économique, ouverte aux réformes, même si nombre d'obstacles se présentent au travers des voies du progrès (l'Afrique de l'ouest depuis la dévaluation, l'Afrique australe grâce à la réinsertion de l'Afrique du Sud dans les cicuits économiques de cette zone).

Notre politique de coopération doit donc s'efforcer de réfléchir sur les axes géographiques de son aide.

Toutefois avant d'en venir au contenu de l'aide au développement, il faut porter le regard plus loin. Les processus en cours ne doivent pas seuls en effet orienter la politique de coopération. Celle-ci doit répondre aux enjeux que l'avenir, bientôt le présent, dessine pour l'Afrique.

II. LES DÉFIS DE L'AVENIR : CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE ET MOBILITÉ DES POPULATIONS

La coopération doit pouvoir préparer l'avenir. L'étude de l'OCDE, « Perspectives à long terme de l'Afrique de l'Ouest », déjà mentionnée plus haut, paraît exemplaire d'une démarche prospective à même d'éclairer les orientations de l'aide publique. Les autres régions du continent mériteraient des analyses comparables. Les réflexions qui suivent reposent principalement sur le cas de l'Afrique de l'ouest dont nous avons déjà souligné le renouveau économique et qui, à coup sûr, comptera comme une région prioritaire pour l'aide française.

Mais l'Afrique de l'ouest, à l'évidence, ne sera pas le seul théâtre des grands changements à venir. Cet exemple nous invite à méditer sur le devenir du continent tout entier.

A. LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE : PROMESSE ET MENACE

1. Une forte croissance démographique

Trois traits caractérisent la croissance démographique en Afrique occidentale :

- au regard de son rythme : une forte accélération après la deuxième guerre mondiale conduira la population africaine de 45 millions d'habitants en 1930 à 215 millions en 1995 et 400 millions en 2020 ;

- au regard de sa concentration : plusieurs zones de forte densité se formeront -la façade occidentale (Sénégal), la région côtière de Lagos à Accra ;

- au regard du contexte dans lequel elle s'opère : la dépendance de l'Afrique vis-à-vis de l'économie internationale , essentiellement à travers des marchés de produits primaires et des transferts financiers extérieurs.

2. Une urbanisation rapide

En Afrique de l'ouest, les citadins représentaient 13 % de la population en 1960, 40 % en 1995 et sans doute 60 % en 2020. Le mouvement, bien que ralenti, devrait en effet, d'après l'étude de l'OCDE se prolonger dans l'avenir. Ainsi entre 1990 et 2020, le nombre des villes de plus de 500 000 habitants passerait de 11 à 60, quant à celui des cités millionnaires, 6 aujourd'hui, il serait multiplié par 5.

3. Le développement de l'agriculture vivrière

L'évolution du monde rural appelle deux observations :

- malgré l'urbanisation rapide des trente dernières années, la population rurale s'est accrue de 60 % entre 1960 et 1990.

- la capacité de production agricole progresse et tend à suivre la croissance de la population comme en témoigne la diminution depuis 1981 de la part des produits alimentaires dans les importations totales en Afrique.

En réalité, la formation d'importants marchés urbains a joué un rôle de stimulateur pour l'agriculture vivrière : « les paysans se sont rapprochés des villes pour augmenter et sécuriser leurs revenus » 6 ( * ) . A l'avenir d'après les experts de l'OCDE, cette tendance se confirmera avec la formation d'une agriculture moderne tournée vers le marché intérieur et le marché régional.

Le double processus d'urbanisation et de mobilité paysanne trace les voies de la modernisation. Mais il s'agit de voies bien périlleuses si l'on songe aux tensions sociales que ces mouvements susciteront. L'appui international sera donc décisif pour accompagner ces évolutions.

B. L'AIDE INTERNATIONALE FACE À UN CONTINENT EN PEUPLEMENT

L'étude de l'OCDE trace ainsi pour l'Afrique de l'Ouest trois perspectives claires. La première, la plus certaine, tient dans le doublement en trente ans de la population. Cette croissance s'accompagnera, en second lieu, d'une très forte mobilité des populations des régions pauvres vers les zones les plus riches. Enfin ces mouvements provoqueront sans doute de multiples tensions sur les pouvoirs, la société mais aussi l'environnement.

Ces prévisions assignent à la politique de coopération un double objectif.

1. L'aménagement du territoire doit être privilégié

En effet, afin de préparer les mouvements de personnes, dont il faut rappeler qu'ils sont un facteur de modernisation économique mais aussi de risque social, l'effort doit porter sur trois thèmes :

- la responsabilisation des édiles dans le cadre d'une décentralisation mesurée ;

- l'entretien et le renforcement des infrastructures, en particulier les voies de communication ;

- la protection de l'environnement afin de préserver les chances de l'agriculture vivrière.

2. Soutenir les « investissements de peuplement »

La santé publique et l'éducation demeurent à cet égard des priorités fondamentales. L'alphabétisation en particulier est l'une des pièces maîtresses qui conditionne la formation d'une société civile.

Or seule une société civile forte et consciente pourra prendre en charge la responsabilité des changements à venir. Les bailleurs de fond, s'ils ne peuvent dans ce domaine se substituer aux Africain doivent souligner financièrement les processus en cours. A cet égard votre rapporteur fait sienne l'une des conclusions du rapport : « Abandonner à lui-même un continent en peuplement, qui donne la preuve de son dynamisme malgré la précarité de sa condition, serait une erreur grave et, en quelque sorte, un aveuglement sur les conséquences de cette politique » 7 ( * ) .

*

Les évolutions immédiates du continent africain et l'horizon à long terme ne fixent pas des objectifs différents. Au contraire, les perspectives qu'ils dessinent ensemble présentent une forte cohérence : le développement d'une économie plus dynamique et plus ouverte n'offre-t-elle pas en effet le cadre le plus adapté aux grands mouvements humains qui s'annoncent ?

*

* *

DEUXIÈME PARTIE : UN NOUVEL ELAN POUR NOTRE COOPÉRATION

I. LA CLARIFICATION DES OBJECTIFS DE L'AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE PASSE PAR UNE MEILLEURE COORDINATION DE NOS INSTRUMENTS DE COOPÉRATION

A. UN RECENTRAGE SUR DES PRIORITÉS MIEUX DÉFINIES

1. La répartition sectorielle de l'aide se conforme-t-elle aux priorités du développement ?

Le tableau ci-dessous retrace l'orientation de l'aide sur la décennie 1982-1992 (seule période pour laquelle nous disposons de données chiffrées au moment de la rédaction de ce rapport).

Source : OCDE

Ces données traduisent une évolution inquiétante : la diminution régulière des dépenses consacrées à l'infrastructure et aux services sociaux , ces « investissements de population » dont nous avons pourtant observé le caractère prioritaire. A l'inverse les fonds destinés à l'aide programme, entendez le soutien à l'ajustement structurel, passe de 5,4 % de l'APD totale à 15 %.

2. Le partage géographique de l'aide correspond-il à des priorités clairement identifiées ?

Ventilation de l'aide publique au développement français en 1994 dans les pays du champ

Pays

APD milliers de francs

Pourcentage total APD

Aide en francs français par habitant

Gabon

834 317

5,34

632

Djibouti

303 456

1,94

611

Congo

1 261 324

8,07

502,5

Sao Tomé et Principe

57 747

0,37

451

Côte d'Ivoire

3 607 329

23,10

261

Grenade

22 460

0,14

243

Seychelles

16 999

0,11

231,5

Dominique

16 149

0,10

226

Sénégal

1 558 794

9,98

191

Mauritanie

367 783

2,35

161,9

Sainte-Lucie

21 914

0,14

155,4

Cameroun

1 713 108

10,97

132,7

Comores

74 585

0,47

118,2

Centrafrique

344 184

2,20

103

Guinée Equatoriale

33 970

0,21

87,1

Niger

755 483

4,84

85,7

Saint-Vincent

7 780

0,05

70

Cap Vert

27 647

0,17

68

Bénin

313 144

2

59,8

Tchad

363 678

2,33

58,8

Burkina Faso

551 409

3,53

54,7

Togo

202 872

1,30

50,57

Mali

503 757

3,22

48,4

Guinée

308 408

1,97

47,4

Madagascar

512 430

3,28

37,4

Guinée Bissau

38 930

0,25

37

Maurice

41 210

0,26

36,7

Namibie

41 738

0,26

25,5

Burundi

127 751

0,81

20,69

Cambodge

157 708

1,01

17

Rwanda

134 715

0,86

16,7

Angola

152 324

0,97

14,24

Gambie

14 286

0,09

13,8

Mozambique

184 525

1,18

11,66

Haïti

82 971

0,53

11,52

Zaïre

68 158

0,43

1,4

Non ventilé

787 347

5,17

TOTAL

15 613 400

100

a) Quels sont les critères d'attribution de l'APD au sein des pays du champ ?

Le rapport entre l'aide et le nombre d'habitants apparaît certes une donnée approximative qui ne prend en compte ni le niveau de revenu des pays concerné, minore notre contribution dans les grands pays, la majore à l'inverse pour les petits pays. Malgré toutes ces réserves, ce rapprochement garde une certaine pertinence compte tenu d'une double considération :

- les 37 pays du champ appartiennent, à l'exeption du Cameroun, du Congo, de la Côte d'Ivoire et du Gabon qui relèvent des pays à revenu intermédiaire, aux pays les moins avancés et présentent une certaine homogénéité au regard du revenu par habitant ;

- l'approche de l'aide en fonction du nombre d'habitants s'inscrit dans une logique de coopération privilégiant les investissements de population.

Aussi le tableau précédent suggère-t-il une certaine perplexité. Certes on reconnaît la priorité accordée en valeur absolue aux grands pays, traditionnels bénéficiaires, tels que la Côte d'Ivoire, le Cameroun, le Sénégal, le Congo et le Gabon. Toutefois un classement des pays en fonction de l'aide par habitant ne permet pas de dégager de réels axes. Comment expliquer la position de Sao Tomé et Principe au quatrième rang (en valeur absolue le montant de l'aide dont elle bénéficie dépasse l'enveloppe allouée à la Namibie), la relégation de la Gambie au 34e rang ?

Dans ce domaine, les critères d'attribution de l'aide n'apparaissent pas toujours clairement.

Cependant, déterminer des critères c'est aussi marquer des priorités, raison pour laquelle sans doute le sujet est resté longtemps tabou.

b) Faut-il réorienter notre aide ?

L'Afrique n'avance plus d'un même pas. Trois groupes de pays, nous l'avons dit, se distinguent. Les premiers, réunis autour d'un pôle austral et d'un pôle occidental, connaissent les prémices d'une croissance économique. Les seconds, en revanche, stagnent (Afrique centrale) tandis que les troisièmes régressent (la région des grands lacs). Pour ces derniers la menace de territoires entiers livrés aux « seigneurs de la guerre » se précise.

Dans ces conditions, faut-il continuer de soutenir des pays au risque d'une part de ne pas sanctionner les fautes imputables à une mauvaise gestion et d'autre part de ne pas concentrer les moyens de notre aide sur les pays en émergence qui, on l'a vu, en ont le plus grand besoin pour conforter leur développement ?

L'importance du soutien accordé par la France à certains pays d'Afrique centrale méritait que la question soit posée.

Sans doute il ne s'agit en aucun cas de se désintéresser des populations en proie aux plus grandes souffrances. La France manquerait à sa vocation. Mais son soutien doit alors s'inscrire dans les bornes d'une intervention humanitaire. Une coopération traditionnelle, étatique, sauf si elle se justifie par des intérêts stratégiques ou diplomatiques qu'il convient alors d'expliciter, ne doit pas servir de caution à l'inefficacité et l'impéritie des gouvernements.

B. LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DES INSTRUMENTS DE L'AIDE FRANÇAISE

Une aide au développement efficace suppose trois conditions :

- une hiérarchisation claire des objectifs aux niveaux sectoriel et géographique ;

- une capacité à planifier l'aide dans le temps : les projets de développement s'inscrivent dans la longue durée et demandent un effort financier continu ;

- une concertation et un accord des principaux bailleurs de fonds pour les projets trop lourds financièrement pour peser sur un seul contributeur.

Longtemps l'organisation de l'aide publique au développement n'a pas permis de répondre de façon satisfaisante à ces préoccupations.

En effet la coopération française se caractérise par la multiplicité des intervenants.

Répartition de l'aide bilatérale

en millions de francs

1994

%

1995 1

%

1996 2

%

Ministère de la Coopération

7 043

22,87

6 319

20,49

4 279

15,04

Ministère des affaires étrangères

2 927

9,50

2 676

8,89

2 648

9,31

Ministère des finances et CFD

16 414

53,34

14 938

50,13

15 168

53,33

Autres ministères

4 401

14,29

6 168

20,49

6 344

22,32

TOTAL

30 785

100

30 101

100

28 439

100

1 Prévisions d'exécution

2 Projet de loi de finances

Chacune des administrations concernées accomplit une mission particulière au regard de l'aide publique.

. Le ministère de la coopération, responsable de la gestion de la coopération financière et technique avec les « pays du champ » dispose du fonds d'aide et de coopération (FAC) destiné à financer des projets d'infrastructure économique et sociale. On observe que la part du ministère de la coopération dans l'aide publique ne cesse de se contracter (de 22,87 en 1994 à 15,04 en 1995).

. Le ministère de l'économie gère l'aide financière des « pays hors champ » et l'aide à la balance des paiements des « pays du champ ».

. Le ministère des affaires étrangères, par la voie de sa direction générale des affaires culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST) assure la coopération technique avec les pays « hors champ ».

La Caisse française de développement (CFD) finance les projets d'investissement productif sur une zone plus large que celle couverte par le ministère de la coopération. Le directeur de l'établissement public est nommé par décret sur proposition du ministre des finances. Ce dernier, bien qu'il partage la tutelle sur la CFD avec trois autres ministres (affaires étrangères, coopération, outre-mer) occupe ainsi une place prépondérante.

Cette dispersion ne signifie pas nécessairement absence de coordination. Sur le terrain, dans leur très grande majorité, les intervenants s'accordent et travaillent de concert. Du reste la CFD sert d'opérateur unique pour différents ministères : mise en oeuvre de subventions pour des projets de développement pour le ministère des affaires étrangères, payeur de fonds publics qui dépendent du ministère de la coopération, notamment ceux du FAC, gestion de certaines aides financières pour le compte du ministère de l'économie.

Cependant la multiplicité des intervenants ne favorise pas une vision d'ensemble cohérente nécessaire à la définition des grands axes de notre politique de coopération.

II. UNE RÉELLE VOLONTÉ DE RÉFORME

Cette volonté de réforme exprimée par le Premier ministre dans la lettre de mission adressée au ministre délégué à la Coopération, peut s'appuyer sur la tradition de soutien aux pays en dévelooppement dont s'honore notre pays.

A. UN RÔLE ÉMINENT PARMI LES CONTRIBUTEURS À L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

La France occupe traditionnellement une des premières places parmi les bailleurs de fonds ; par ailleurs, notre pays s'attache à mobiliser ses partenaires pour que soit maintenu l'effort de la communauté internationale en faveur des pays en développement.

a) Une des premières places parmi les bailleurs de fonds

En 1996 le montant de l'aide au développement s'établira à 45,48 milliards de francs (40,48 milliards de francs pour les pays du sud et 5 milliards de francs pour les territoires d'outre-mer inclus dans l'aide publique aux termes des conventions du comité d'aide au développement) alors qu'il s'élevait à 46,2 milliards de francs en 1995.

La part de l'APD devrait représenter ainsi 0,56 % du PIB en 1994 contre 0,60 % cette année.

Malgré cette diminution, la France reste le troisième contributeur en valeur absolue, derrière le Japon et les Etats-Unis, et le premier donateur des sept pays les plus industrialisés pour le rapport entre l'aide publique au développement et le produit national brut.

b) Un rôle moteur au sein de la communauté internationale

Indifférence ? Repli sur soi ? Contraintes budgétaires ? Toutes ces raisons conspirent sans doute à la baisse générale et inquiétante de l'aide au développement observée par l'OCDE dans le dernier rapport du CAD. Les coupes budgétaires décidées par le congrès américain sur les moyens consacrés à l'aide au développement paraissent à cet égard très significatives.

C'est le mérite de la France de remobiliser des parternaires souvent rétifs au sein de l'Union européenne ou du Groupe des sept pays les plus industrialisés sur la priorité à accorder aux pays en développement.

Notre pays a ainsi pris une part décisive pour faire aboutir, sous la présidence française de l'Union européenne, les négociations relatives à la révision à mi-parcours de la convention sur le commerce et l'aide au développement de Lomé 1990-2000. La seule reconduction, en termes réels, (de 13,307 milliards d'écus pour le VIIIe FED contre 10,94 milliards d'écus pour le VIIe FED) de l'effort assuré par une Union pourtant élargie, a déçu, sans doute, nos partenaires de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique. Ce résultat modeste cependant ne paraissait en rien acquis compte tenu des réticences manifestées notamment de l'Allemagne plus soucieuse de privilégier l'aide aux pays d'Europe centrale et orientale, et du Royaume-Uni partisan d'un recentrage sur l'aide bilatérale. Au prix d'une augmentation de 17 % de sa contribution (de 2,67 milliards d'écus à 3,12 milliards), la France, désormais premier contributeur devant l'Allemagne, a favorisé un accord qui préserve l'aide européenne.

De façon plus générale la France, cherche à engager la communauté internationale aux côtés des pays en développement ; la détermination du Présidentde la République exprimée au sein des enceintes internationales (Groupe des sept pays les plus industrialisés, ONU), rompt avec éclat avec l'indifférence dont témoignent trop souvent les pays les plus riches.

B. UNE NOUVELLE AMBITION POUR NOTRE POLITIQUE DE COOPÉRATION

1. Une volonté de réforme

Dès la formation du gouvernement en mai 1995, le Premier ministre a adopé le parti du ministre de la coopération délégué, rataché au ministre des affaires étrangères. Cette option, si elle ne présente pas une totale novation au regard des pratiques antérieures (M. Debarge, ministre délégué à la coopération, sous le Gouvernement de M. Bérégovoy par exemple) vise à mieux coordonner l'action française à l'étranger et s'inscrit dans une plus vaste réflexion dont la lettre de mission adressée par M. Juppé à M. Godfrain fixe le cadre.

Ce texte fixe comme priorité le renforcement de «l'unité, la cohérence et la transparence des différents outils de la coopération française » ; à ce titre le ministre délégué doit préparer un projet de réforme de « l'organisation et du fonctionnement de notre aide publique au développement ».

Ces ambitions ne pouvaient se concrétiser en quelques mois.

Cependant certaines directions se précisent. Votre rapporteur vous en présentera les traits saillants avec la prudence qui s'impose dans l'attente des arbitrages du Premier ministre, fin novembre au plus tôt.

2. Les possibles orientations d'une réorganisation institutionnelle

D'après les informations communiquées par le ministère de la coopération, l'instrument de notre aide reposerait principalement sur la création d'un comité interministériel de l'aide au développement (CIAD) présidé par le Premier ministre, et associant les principaux acteurs de l'aide : les ministères de l'économie, des affaires étrangères, de la coopération. Ce comité interministériel, dont le ministre de la coopération serait le rapporteur permanent, prendrait en compte l'enveloppe globale dont dispose l'aide publique au développement pour fixer à moyen terme (3 ans) les grandes orientations géographiques et sectorielles de notre coopération. Des comités locaux d'aide au développement (CLAD), placés sous l'autorité de l'ambassadeur, constitueraient dans les pays concernés les relais indispensables au CIAD.

Par ailleurs, les choix de l'instance interministérielle à venir devraient s'appuyer sur une loi d'orientation dont M. Godfrain (s'inspirant sur ce point d'une proposition avancée par le Comité des sages dans leur rapport en avril 1995) a annoncé devant notre commission la discussion au parlement dans les mois à venir.

3. L'élargissement des pays du champ

Aux 37 Etats relevant traditionnellement de la compétence du ministère de la coopération, s'ajoute désormais l'ensemble des Etats couverts par la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique ainsi que l'Afrique du Sud 8 ( * ) .

Cette extension présente un double mérite :

- elle remet en cause une séparation d'ordre historique mais sans justification économique entre les pays du continent africain au moment où le gouvernement entend promouvoir la coopération régionale ;

- elle rétablit une cohérence avec les interventions de l'Union européenne et s'accorde ainsi avec l'objectif d'une meilleure coordination entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale.

L'intégration dans le champ d'attribution de la rue Monsieur, de pays relevant précédemment de la sphère des Affaires étrangères n'aura pas de répercussion dans le projet de budget du ministère de la coopération pour 1996. Elle se traduira simplement par un transfert de crédits de l'ordre de 150 millions de francs à compter du 1er janvier 1995 de la Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST) au profit de la rue Monsieur.

Par ailleurs, comme l'a confirmé, lors de son audition, M. Godfrain devant notre commission, les crédits du Fonds d'aide et de coopération devraient continuer de bénéficier prioritairement aux pays du « champ traditionnel » mais soutenir aussi certains projets d'intégration régionale couvrant un cadre plus large.

L'AFRIQUE DU SUD : UN ENJEU ESSENTIEL POUR NOTRE COOPÉRATION

Les besoins considérables de l'Afrique du Sud (logement, éducation, santé, transports...), mais aussi son potentiel économique sans comparaison sur le continent, désignent ce pays à la fois comme un destinataire de l'aide au développement mais aussi comme un réel partenaire économique. A ce titre l'Afrique du Sud constitue un cas inédit pour le ministère de la coopération mais aussi une gageure. Car la façon dont la France saura répondre aux attentes de l'Afrique du Sud, et c'est le rôle du ministère de la coopération de conduire notre politique dans ce sens, lui permettra de compter dans un pays où les perspectives de croissance intéressent au premier chef nos entreprises.

Un potentiel économique considérable

Quelques données résument à elles seules la place de l'Afrique du Sud dans la partie subsaharienne du continent : 6 % de la population, 4 % du territoire, mais 40 % de sa productioon de biens manufacturés, 30 % de l'électricité et 90 % de l'acier produits, 32 % du parc total de véhicules, 45 % des routes asphaltées.

Par ailleurs après trois années de récession, l'Afrique du Sud a renoué avec la croissance depuis 1993 (+ 1,2 %), mouvement confirmé en 1994 (2,4 %) et sans doute en 1995 (2,5 à 3 %).

La remontée des prix des matières premières, la fin de l'isolement économique, la pacification politique liée au succès du processus électoral, tous ces éléments se sont conjugués pour imprimer à l'économie un nouveau dynamisme.

L'avenir se présente enfin sous des auspices plutôt favorables : une dette extérieure modérée (inférieure à 15 % du PIB), les orientations libérales de la politique économique (réduction des protections tarifaires, suppression du double marché des changes au printemps 1995), surtout la relance des investissements dans le cadre de la mise en oeuvre du programme de reconstruction et de développement.

La France ne peut se tenir à l'écart d'un marché aussi prometteur. Alors que nombre d'entreprises étrangères avaient contourné les mesures d'isolement international, les sociétés françaises s'étaient massivement retirées du marché sud-africain : elles doivent aujourd'hui redoubler d'effort pour retrouver les parts de marché perdues. Plusieurs entreprises (Total, Bull, Alcatel, Air liquide, Accor, Bureau Véritas, Schneider...) ont renforcé leur présence, d'autres ont décidé de s'y implanter (Lyonnaise des Eaux, Elf, Office général de l'air etc.).

Sans doute le tableau de l'économie sud-africaine présente quelques ombres : accroissement du déficit budgétaire, coût du travail élevé, incertitudes politiques mais surtout sociales.

Un pays caractérisé par ses fractures sociales

Le revenu annuel par habitant (2 290 dollars) recouvre de fortes disparités : 12 000 dollars pour les Blancs (12 % de la population), soit quatre fois celui des Indiens et métis (11 % de la population) et dix fois celui des Noirs (77 % de la population).

Les besoins de la population noire apparaissent considérables au regard de la dégradation de l'habitat, la surpopulation des écoles, l'insuffisance des structures médicales. Confrontés aux problèmes d'une violence endémique, les Noirs supportent également un taux de chômage (évalué à 45 % de la population active par la plupart des experts), beaucoup plus élevé que celui des Blancs.

L'aide de la France doit appuyer le programme de reconstruction et de développement engagé par le gouvernement sud-africain.

La politique française présente déjà à son actif les réalisations conduites par la Caisse française de développement dans les domaines suivants :

- électrification, distribution d'eau, planification urbaine dans les townships (appui qu'il faudrait sans doute aussi étendre aux transports et aux télécommunications) ;

- développement rural ;

- secteur privé.

La politique d'aide doit composer avec la complexité des circuits de décision d'un pouvoir qui reste encore fortement centralisé. Les projets initiés à la base par les municipalités ou les provinces, remontent ensuite au ministère de la reconstruction et du développement où ils font l'objet d'un contrôle d'opportunité (le projet de vente de frégates à l'Afrique du sud incluant la fabrication de plusieurs d'entre elles dans les chantiers de Durban a ainsi reçu l'appui de la province du Kwazulu Natal mais pas celui du pouvoir central).

L'aide de la France à l'Afrique du sud (260 millions de francs en 1994) reste faible au regard des besoins manifestés par ce pays et mériterait un renforcement.

La France dispose néanmoins auprès de l'Afrique du sud de plusieurs atouts : sa capacité de dialogue, son savoir-faire et sa haute technicité, une longue expérience en Afrique enfin. Les Sud-Africains à cet égard paraissent soucieux de développer des actions de partenariat avec notre pays en Afrique francophone.

La politique d'aide française ne pourra ainsi se contenter de ses instruments traditionnels, elle devra imaginer de nouveaux cadres qui tiennent compte du degré de développement de l'Afrique du Sud et serviront d'exemple, il faut l'espérer, aux actions conduites à l'avenir avec d'autres pays africains. A l'évidence une partie décisive pour l'image de notre coopération se joue désormais en Afrique du sud .

A. PLUSIEURS ACQUIS À PRÉSERVER

Outre l'importance accordée à la réforme de notre aide, la lettre de mission du Premier ministre fixait une seconde priorité, le recentrage sectoriel de l'aide sur trois domaines : la consolidation de l'état de droit, les investissements dans le secteur social, la relance de l'investissement et du secteur privé.

A cet égard il convient de développer une expérience fructueuse, le Fonds spécial de développement, et préserver un savoir-faire, la politique de soutien au secteur privé conduite par la Caisse française de développement.

1. Une expérience fructueuse

Le Fonds spécial de développement (FSD) destiné à atténuer les conséquences de la dévaluation constitue une expérience intéressante dont les leçons doivent être méditées pour l'avenir.

a) Un bilan satisfaisant

Le Fonds spécial de développement doté de 400 millions de francs se caractérise par trois traits :

- un soutien plus spécifique apporté à l'aménagement urbain (électrification, adduction d'eau, assainissement urbain) nécessitant des travaux à forte intensité de main-d'oeuvre

- une gestion déconcentrée dans le cadre de comités locaux associant les représentants de la CFD et ceux de la mission de la coopération

- une intervention rapide comme en témoigne un taux de décaissement supérieur à 60 % à la fin du mois de juin 1995.

b) Les enseignements pour l'avenir

L'action du Fonds spécial de développement a bénéficié d'un écho très favorable auprès de nos partenaires africains. Les projets, en effet, gérés sur le terrain, correspondent bien aux besoins des populations et bénéficient d'une mise en oeuvre souvent plus rapide que les actions financées par le Fonds d'aide et de coopération.

Ainsi le FSD a mis en valeur les mérites d'une gestion déconcentrée et concertée . Il a souligné également une lacune : la difficulté de trouver hors du cadre étatique les relais dotés du savoir-faire nécessaire : ainsi les communes, partenaires naturels des actions de soutien dans le domaine de l'aménagement urbain, n'ont pas toujours eu les moyens financiers ou techniques de prolonger les interventions initiées par le FSD.

Le renforcement des collectivités locales et des organisations intermédiaires apparaît donc comme une priorité.

L'intention manifestée par le ministre délégué à la Coopération, M. Godfrain, de prolonger cette expérience, témoigne du succès de l'entreprise et d'une orientation positive de notre coopération.

2. Développer l'action en faveur du secteur privé

a) Les instruments mis en oeuvre par la Caisse française de développement

Le soutien au secteur privé relève de la Caisse française de développement et de sa filiale, la Société de promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO).

. le soutien au système bancaire et financier repose sur un double instrument :

- l'octroi des lignes de crédit à des institutions bancaires, destinées à refinancer des crédits d'investissement au profit des entreprises privées (ces opérations représentent près de 60% des interventions de la PROPARCO) mais aussi la signature d'accords-cadres avec certaines banques ;

- la mise en place d'un fonds : « Assurance du risque des investissements en Afrique » (ARIA) garantissant à hauteur de 40 % avec un plafond de 4 millions de francs, le financement à moyen et long terme, par les banques des investissements des entreprises privées ; un second fonds de garantie des investissements privés en Afrique de l'ouest (GARI) créé à l'initiative de la coopération française permet de garantir, à hauteur de 50 %, un flux régulier de l'ordre de 200 millions de francs, les prêts accordés par les banques à plusieurs secteurs (industrie manufacturière, agro-industrie, pêche, mine, tourisme, services et agriculture) ; la Caisse française de développement et le ministère de la coopération ont doté conjointement le Fonds ARIA d'un total de 60 millions de francs. Quant au fonds GARI, la CFD (à laquelle s'est associé le ministère de la coopération) lui a apporté une dotation de 35 millions de francs, ce qui a permis, par un important effet de levier de susciter chez les bailleurs de fonds un apport global de 155 millions de francs.

. La création et l'animation de marchés financiers s'inscrit également dans le souci de dynamiser des circuits financiers trop souvent atones. A ce titre la CFD encourage les émissions obligataires publiques et sa filiale, la PROPARCO, a apporté sa garantie à plusieurs opérations de caractère privé.

La CFD met notamment en oeuvre un dispositif d'octroi de garantie à l'émission de titres obligataires par des syndicats de banques locales destinés à refinancer à des taux attractifs les investissements des entreprises ; ainsi en mars 1995 la CFD a octroyé sa garantie à une première émission obligataire de 5,4 milliards de francs CFA réalisée par un syndicat de deux banques ivoiriennes. La PROPARCO a pour sa part consenti trois garanties privées pour un montant global de 8,85 milliards de francs CFA.

Par ailleurs la CFD finance, en concertation avec le ministère de la coopération et la Banque Mondiale, la transformation de la bourse des valeurs d'Abidjan en bourse régionale pour l'Afrique de l'Ouest.

. L'aide directe aux entreprises bénéficie en particulier du Fonds d'appui direct aux entreprises (FADE) destiné à financer des actions préalables ou concomitantes à l'investissement (contacts, recherches de partenaire, formation, transfert de savoir-faire etc.) mis en oeuvre par la CFD. Ces interventions sont complétées depuis 1995 par des actions de proximité et des initiatives locales au profit des PME et microentreprises et une meilleure identification des recherches de partenariat, grâce notamment à des accords passés avec certaines régions françaises.

En second lieu les aides aux initiatives productrices de base assurent le financement en milieu rural ou urbain des entreprises artisanales ou des petites entreprises. A ce titre, en 1994, 28 prêts ont pu être accordés pour un montant de 37 millions de francs. Depuis 1993 parallèlement à cette procédure classique, un nouveau système permet, à partir d'une seule ligne de crédit accordée à une structure intermédiaire (ONG, coopérative, groupement de producteurs etc.) de soutenir plusieurs types de projets.

L'ensemble des concours du groupe de la CFD en faveur du secteur privé et du secteur productif concurrentiel se répartit de la façon suivante :

Concours du groupe de la CFD en faveur du secteur privé et du secteur productif concurrentiel

en millions de francs

Répartition sectorielle

Nombre de projets

Subventions

PCS

PCA

PCO

PCI

PCPM

2e guichet

total

Développement rural

20

1,7

0,0

0,0

47,5

169,8

0,0

219,0

Mines-hydrocarbures

3

0,0

0,0

0,0

0,0

167,6

0,0

167,6

Industrie-artisanat

24

30,0

0,0

0,4

0,0

155,4

0,0

185,9

Energie

3

0,0

0,0

0,0

0,0

228,0

0,0

228,0

Hôtellerie-Tourisme

6

0,0

0,0

0,0

0,0

29,3

0,0

29,3

Transports

3

0,0

0,0

37,0

0,0

33,0

0,0

70,0

Télécommunications

2

22,0

0,0

0,0

0,0

58,0

0,0

80,0

Divers

36

0,0

0,0

0,0

0,0

120,4

0,0

120,4

Lignes de crédit

16

0,0

0,0

0,0

125,0

158,7

0,0

283,7

TOTAL

113

53,7

0,0

0,0

172,5

1 120,3

0,0

1 383,9

PCS/PCA : prêt à conditions très concessionnelles -PCO/PCI : prêt à conditions concessionnelles- PCPM - prêt à conditions proches du marché - Prêts du 2ème guichet : prêts aux conditions du marché.

b) Le Fonds de conversion de créances

. La politique en faveur des privatisations pourrait désormais compter sur les ressources du fonds de conversion de créances (FEC) créé en 1982.

Le fonds repose sur un mécanisme doté de 4 milliards de francs permettant l'annulation de créances en contrepartie d'investissement inférieur à 50 millions de francs portant à l'origine sur trois secteurs (les productions de base, le développement local et les projets sociaux, la protection de l'environnement). Le Président de la République a manifesté son intérêt pour ce système dont les conditions de mise en oeuvre, sans doute trop restrictives au départ 9 ( * ) , n'ont pas facilité les annulations de créances (limitées à un montant de 1,2 milliard de francs). Aussi le fonds devrait-il couvrir désormais les dépenses engagées pour restructurer le secteur public avant privatisation. Le fonds, dont la CFD assure le secrétariat, ne disposera toutefois dans cette perspective d'aucune dotation nouvelle.

*

Le dispositif en faveur de l'investissement privé mérite, conformément à la politique annoncée par le gouvernement de M Juppé, un appui financier conséquent.

Dans le passé l'effort nécessaire n'a pas toujours été soutenu. Ainsi les concours de la CFD au secteur privé se sont réduits de 19% en 1994 par rapport à 1993.

La diminution de l'enveloppe accordée à la caisse française de développement pour 1996 (en particulier pour les dons-projets dont la dotation s'élève à 1,3 milliard de francs, soit une baisse de 22,3 % par rapport au montant disponible en moyenne annuelle sur la période de 1990 à 1995) suscite à cet égard certaines préoccupations. Or il faut rappeler en effet que la CFD met en oeuvre des prêts en partie accordés aux conditions de marché et en partie subventionnés sur ressources budgétaires qui se trouve ainsi dotée d'un fort effet de levier. Mais l'effet multiplicateur de ces « produits mixés » se trouve inversé quand le soutien public vient à manquer.

Ne l'oublions pas, l'aide que nous dispensons ouvre des marchés aux entreprises françaises et bénéficie directement à notre économie.

*

* *

TROISIÈME PARTIE - LE PROJET DE BUDGET DU MINISTÈRE DE LA COOPÉRATION POUR 1995 PRÉSERVE LES PRIORITÉS DÉCIDÉES PAR LE GOUVERNEMENT

Le projet de budget pour 1996 s'élèvera à 7 332,7 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une diminution de 5,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1995. A l'inverse les autorisations de programme progressent de 8 % et atteindront 2 937 millions de francs.

en millions de francs

Catégorie de dépenses

LFI 95

PLF 96

Evolution

Part dans les crédits du ministère

95/94

96/95

LF 95

LFI 94

PLF 96

Assistance technique civile

(chap. 42-23-10)

1 750,35

1 539,45

- 12,2 %

- 13,6 %

22,83 %

25,9 %

20,99 %

FAC (chap. 68-91)

AP

CP

2 533

2 371

2 787

2 121

+ 3,8 %

+ 18,9

+ 10,02

- 11,7%

30,4%

25,46%

28,92%

Actions de coopération pour le développement

(chap. 42-23, articles 31, 32, 33, 50, 60, 61, 62, 70, 80*)

567,3

573,1

- 1,23%

+ 1%

8,95%

9,02%

7,8 %

Concours financiers

(chapitre 41-43)

1 003

1 033

- 13,2%

+ 3%

12,97%

14,87%

14,8%

Assistance technique et coopération militaire

(chapitre 41-42)

783

776

- 4,6%

- 0,9%

10,12%

10,56%

10,58%

Appui aux initiatives privées et décentalisées

(chapitre 42-44)

139,4

145

+ 9,4%

+ 4%

1,59%

1,45%

1,9%

*bourses, missions d'experts, aide d'urgence, interventions médicales exceptionnelles, aide alimentaire.

*

* *

Le budget prolonge quelques-unes des principales orientations antérieures (notamment la réduction des effectifs de la coopération civile), il préserve certaines priorités (la coopération militaire, l'aide-projet) mais imprime aussi sa marque propre à certains postes jugés essentiels pour notre coopération.

I. LA CONFIRMATION D'OPTIONS ANTÉRIEURES

Le budget de 1996 s'inscrit dans la continuité des orientations engagées depuis plusieurs années :

- stabilité des moyens des services ;

- rééquilibrage des aides budgétaires directes aux Etats ;

- réduction des effectifs de l'assistance technique civile.

A. LA STABILITÉ DES CRÉDITS DÉVOLUS AUX SERVICES (TITRE III) 10 ( * )

1. L'administration centrale (215,7 millions de francs)

. Les rémunérations et les charges sociales représentent les deux tiers des crédits alloués à l'administration centrale. L'évolution constatée par rapport à l'année précédente (+ 0,32 %) recouvre :

- la hausse modérée des rémunérations et charges sociales (+ 3 millions de francs)

- la suppression de 14 emplois (- 0,9 % des effectifs)

- une réduction des dépenses de matériel et de fonctionnement et des dépenses en capital.

2. Les services extérieurs (384,3 millions de francs)

La baisse de 1 % des crédits s'explique essentiellement par :

- la suppression de neuf emplois (- 2,3 % des effectifs) au sein des missions de coopération et d'action culturelle

- une réduction de 2,9 % des crédits des centres médicosociaux (suppression d'un emploi et contraction de 8 % des moyens en matériel)

- un effritement de 1 % des moyens des établissements culturels (suppression d'un emploi et réalisation d'économies sur les moyens de fonctionnement).

B. LES CONCOURS FINANCIERS (CHAPITRE 41-43) : UNE PRIORITÉ AUX PRÊTS D'AJUSTEMENT STRUCTUREL

Après une érosion constante depuis 1992 les crédits alloués au concours financier se redressent (+ 3 %) et représentent 14 % du budget du ministère de la coopération contre 13 % en 1995.

L'équilibre entre les trois types de concours financiers s'inscrit dans une forte continuité depuis quatre ans mais un effort particulier cette année porte sur les bonifications de prêts d'ajustement structurel.

1. La baisse continue des dons en faveur de l'ajustement structurel (article 30)

A la suite du sommet franco-africain de La Baule en juin 1995 les dons en faveur de l'ajustement structurel s'étaient substitués pour les pays les plus pauvres du champ aux anciens prêts à conditions spéciales.

Les dons en faveur de l'ajustement structurel diminuent régulièrement depuis quatre ans. Ils s'établiront en 1996 à 250 millions de francs contre 320 millions de francs en 1995 (- 22 %).

Cette évolution traduit d'une part le rétablissement en cours de la balance des paiements des pays concernés et d'autre part le retour sur la scène africaine des bailleurs de fonds internationaux dont les concours complètent l'aide française.

2. La progression des bonifications sur prêts d'ajustement structurel (article 20)

Destinés à bonifier les prêts accordés par la Caisse française de développement aux pays à revenus intermédiaires du champ pour appuyer les programmes de redressement économique et financier mis en oeuvre sous l'égide du FMI, les crédits inscrits à l'article 10 augmentent de 16,9 % et passent de 593 à 693 millions de francs. Cette majoration vise à développer les prêts (2,3 milliards de francs contre 1,185 en 1995) et à en améliorer la concessionnalité.

3. Stabilité de l'aide budgétaire d'urgence (article 10)

La réserve du ministère reste dotée comme en 1995 de 90 millions de francs destinée au financement des opérations exceptionnelles, principalement l'organisation des élections.

C. LA DÉFLATION POURSUIVIE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ASSISTANCE TECHNIQUE CIVILE (CHAPITRE 42-23, ARTICLE 10)

1. La réorientation de l'assistance technique dans le cadre des lettres de mission

Les décrets n°s 92-1330 et 92-1331 du 18 décembre 1992 ont conféré une nouvelle orientation à l'assistance technique civile désormais centrée sur la formation des cadres locaux destinés à prendre la relève des coopérants.

L'intervention française s'assigne ainsi des objectifs précis, en principe limités dans le temps, que formalise une « lettre de mission » signée par le chef de mission de la coopération et d'action culturelle d'une part, et par l'autorité locale compétente d'autre part.

La mise en oeuvre de ces principes a conduit à une contraction de près de la moitié des postes d'enseignement en « substitution » (de 4 390 à 2 313 entre 1 990 et 1995) et des postes de techniciens (de 2 530 à 1 324 sur la même période).

Assistance technique - postes Etats et inter-Etats
Effectifs
sous statut - mars 1995

Etats

Enseignants

Techniciens

Total

Angola

10

4

14

Bénin

20

39

59

Burkina Faso

94

75

169

Burundi

17

18

35

Cambodge

1

9

10

Cameroun

150

97

247

Cap Vert

4

8

12

Centrafrique

95

89

184

Comores

30

32

62

Congo

40

49

89

Côte d'Ivoire

508

95

603

Djibouti

181

84

265

Gabon

268

93

361

Gambie

5

2

7

Guinée

31

45

76

Guinée Bissau

6

14

20

Guinée équatoriale

10

18

28

Haïti

3

8

11

Madagascar

148

82

230

Mali

82

57

139

Ile Maurice

20

7

27

Mauritanie

96

60

156

Mozambique

10

9

19

Namibie

3

10

13

Niger

84

69

153

Petites Antilles

9

25

34

Rwanda

0

0

0

Saint-Thomas

4

8

12

Sénégal

327

133

460

Seychelles

9

7

16

Tchad

46

76

122

Togo

2

2

4

Zaïre

0

0

0

TOTAL

2 313

1 324

3 637

2. Les perspectives pour 1996

La baisse des crédits d'assistance technique civile (de 1 750 millions de francs à 1 539 millions de francs, soit - 12 %) s'explique principalement par la poursuite de la réduction des effectifs en 1996 (suppression de 274 postes d'enseignants et de 20 postes de techniciens).

Elle résulte aussi d'une économie de 96 millions de francs liée à un ajustement aux besoins constatés en 1995. En effet la coopération avec certains pays s'est ralentie (entre 1994 et 1995 les effectifs d'assistance technique sont passés de 124 au Congo à 89, de 35 agents à 79 au Burundi). L'assistance technique s'est totalement arrêtée au Rwanda qui disposait de 46 coopérants en 1994.

Votre rapporteur regrette par ailleurs vivement la suppression du régime de l'indemnité de logement instaurée en 1995 au Cameroun, au Sénégal, en Côte d'Ivoire et aux Comores et destinée à s'étendre en principe aux autres pays du champ. Les Etats africains chargés de loger les coopérants connaissaient de plus en plus de difficultés à s'acquitter de cette obligation ; l'indemnité de logement permettait de résoudre ce problème. Il importe que la remise en cause de ce régime reste sans conséquence sur les conditions de vie des coopérants.

L'adaptation sans doute indispensable de notre assistance technique a exigé un effort particulier des coopérants.

Les commissions techniques paritaires locales instituées dans les pays du champ où les effectifs de coopérants le justifiaient, ont permis de mieux prendre en compte les problèmes de suivi des carrières liés à l'obligation de mobilité et à la nécessaire adaptation des compétences aux objectifs définis par les lettres de mission.

La contraction des effectifs et la perspective pour nombre de coopérants de poursuivre leur carrière en France, redonnent toutefois toute son acuité au problème toujours non résolu, de la titularisation des contractuels de l'assistance technique ouverte par la loi 84-16 du 11 janvier 1984. La majorité des enseignants concernés ont certes été titularisés mais non les autres personnels : les décrets d'application de la loi « Le Pors » restent en effet encore à l'étude au ministère de la fonction publique compte tenu des problèmes budgétaires rencontrés par les ministères susceptibles d'accueillir les intéressés. Votre rapporteur attache la plus grande importance à ce que soit trouvée une solution satisfaisante à cette question.

II. LA PRÉSERVATION DE DEUX AXES PRIORITAIRES : LA COOPÉRATION MILITAIRE ET L'AIDE PROJET

A. LA COOPÉRATION MILITAIRE SAUVEGARDÉE (CHAPITRE 41-42)

Les crédits de coopération militaire (776 milliards de francs) continuent de s'éroder mais dans une moindre mesure (- 0,9 %) que les baisses enregistrées en 1994 et 1995 (successivement - 6,8 % et - 4,6 %).

La coopération militaire se présente sous deux volets distincts : l'assistance militaire technique (art. 10), la formation des stagiaires militaires étrangers (art. 20).

1. L'assistance militaire technique privilégie en 1995 l'assistance en personnels plutôt que l'aide en matériel

a) Les effectifs d'assistants militaires préservés

L'assistance en personnels permet la mise à disposition au profit des armées des pays du champ de conseillers ou d'instructeurs français pour des séjous de courte durée (moins de 6 mois) ou pour des séjours longs (2 ans), Cette coopération vise dans le cadre de la construction d'un Etat de droit, à favoriser la restructuration des forces militaires (réduction des personnels, adaptation du rôle de l'armée dans un régime démocratique).

Après avoir connu une très forte déflation (depuis 1990 les effectifs sont réduits chaque année de 1,5 %, 2 %, 3 %, 9,7 % et 11,6 %), le nombre d'assistants militaires techniques se stabilise (714 au lieu de 715). La répartition des assistants techniques entre les différents pays du champ dont le tableau suivant donne l'évolution entre 1994 et 1995, devrait être, et votre rapporteur s'en félicite, un objet de réflexion au cours de l'année à venir. La présence des assistants doit en effet rester commandée par les nécessités d'adapter l'appareil militaire à l'évolution démocratique du pays concerné d'une part ou par les enjeux stratégiques de la zone considérée d'autre part. A cet égard, la situation de Djibouti impose absolument, selon votre rapporteur, le maintien en place des effectifs actuels d'assistants militaires, Djibouti étant en effet pour nous une base stratégique essentielle dans notre dispositif de défense. De plus notre présence forte à Djibouti est un gage de sécurité à la fois pour ce pays et pour nos compatriotes installés dans cette zone. Elle est enfin une garantie de stabilité pour l'ensemble de la région.

Les effectifs d'assistants militaires par pays

b) La contraction de l'aide en matériel

Après avoir baissé de 0,6 % entre 1994 et 1995, l'aide en matériel (162,1 millions de francs) se réduit de 10 % dans le projet de loi de finances pour 1996.

A l'origine cette aide se concrétisait sous la forme de cessions gratuites de matériel. Elle s'est orientée, à la suite de l'effritement régulier des crédits ouverts sur cet article, vers l'entretien des matériels. Par ailleurs une part de cette aide se présente également sous la forme d'une prise en charge partielle des dépenses ordinaires de fonctionnement des armées des pays concernés.

2. L'effort en faveur de la formation des stagiaires militaires étrangers

Après une baisse de 13 % entre 1994 et 1995, ce poste (91,7 millions de francs en 1996) bénéficie d'une priorité sous la forme d'une hausse de 6,6 % de ses crédits. Cette formation revêt trois aspects :

- d'une part une formation en Afrique dans le cadre d'écoles interafricaines créées à l'initiative de la France (infanterie à Thiès au Sénégal, transmissions à Bamako au Mali). 92 stagiaires représentant 17 nations différentes ont été formés en 1995 par ces deux écoles ;

- l'accueil en France des cadres de haut niveau (officiers, spécialistes) dans des écoles de formation ou dans des centres d'instruction spécialisés ; à cet égard, après la création d'un cours supérieur international de gendarmerie à Melun en 1995, un cours d'administration militaire devrait s'ouvrir prochainement à Montpellier ;

- le détachement de 140 officiers et sous-officiers instructeurs et spécialistes auprès d'écoles de centres d'instruction militaire établis dans les différents pays du champ.

3. Quelles perspectives pour la coopération militaire ?

La primauté accordée à la sécurité intérieure

L'action de formation pour la sécurité intérieure intéresse principalement les gendarmeries et les gardes nationales africaines. A ce titre la mission militaire de coopération détache auprès des Etats africains 130 gendarmes français (soit 19 % des effectifs de l'assistance militaire technique) pour des missions de long séjour. La priorité accordée à la consolidation de l'Etat de droit s'est également traduite par la décision prise en juillet 1994 de reconnaître éligibles au Fonds d'action et de coopération culturelle (FAC) les projets relatifs à la sécurité intérieure. Le financement des moyens logistiques correspondants a ainsi mobilisé 90 millions de francs de crédits en 1994 et 95 millions de francs en 1995.

Le bilan de la coopération française apparaît dans ce domaine très positif. Sans doute les unités de gendarmerie formées au Cambodge par les Français sont-elles devenues l'enjeu d'une rivalité entre les différents partis au pouvoir. Mais en Afrique, l'effort soutenu par la France a certainement permis aux forces concernées de mieux adapter leurs modes d'intervention aux situations de crise ou de tensions intérieures (les militaires manifestent notamment une plus grande retenue dans les opérations de maintien de l'ordre).

Encourager la formation d'une force africaine d'interposition

La prise de conscience d'une responsabilité collective africaine au regard de la résurgence des conflits sur le continent, la nécessité d'y apporter des solutions ou mieux, de les prévenir, ces préoccupations plaident pour la constitution d'une force africaine d'interposition. Depuis le Sommet franco-africain de Biarritz, la France soutient ce projet et a d'ailleurs introduit dans ses établissements de formation des cours relatifs aux opérations de maintien de la paix.

La mise en oeuvre d'une force d'interposition de quelque 5 000 hommes suppose toutefois que deux conditions soient satisfaites.

En premier lieu l'initiative appartient aux pays africains et un défaut de volonté commune condamnerait la force d'interposition à l'échec. En second lieu la France ne peut soutenir seule financièrement une telle entreprise à laquelle nos partenaires de l'Union de l'Europe occidentale devraient être intéressés.

Le Royaume-Uni, et les pays de l'Europe méditerranéenne paraissentt acquis à la position française mais l'Allemagne reste encore très prudente.

B. UNE AIDE-PROJET PRÉSERVÉE (CHAPITRE 68-91)

Le chapitre 68-91, outre les crédits destinés aux opérations exceptionnelles (services du Pemier ministre) pour un montant de 90 millions de francs, comprend principalement la dotation du Fonds d'aide et de coopération et les dons-projets relevant de la Caisse française de développement.

1. La dotation du FAC (article 10)

Les dons-projets attribués sur décision du comité directeur du FAC et destinés à l'ensemble des pays du champ demeurent la pièce maîtresse de notre politique de coopération.

Le projet de budget pour 1996 maintient les capacités d'intervention du FAC : il reconduit en effet le montant réservé aux autorisations de programme -soit 1 397 millions de francs- et préserve pour l'essentiel les crédits de paiement qui s'élèvent à 1 323 millions de francs (- 0,45 % par rapport à 1995).

La tendance du FAC à soutenir des projets d'envergure se confirme au premier semestre 1995 : sur cette période dix décisions sur 25 concernent des opérations dépassant dix millions de francs. La répartition par secteurs souligne la part croissante prise par les projets consacrés au développement institutionnel. Votre rapporteur se félicite par ailleurs de la progression des crédits déconcentrés d'intervention (8 % des crédits du FAC contre 6 % en 1994) : mis à la disposition des chefs de mission de coopération, ils permettent une prise en compte rapide des besoins manifestés sur « le terrain ».

Si le tiers des crédits bénéficie à des projets d'intérêt général, l'essentiel de l'aide-projet cependant se répartit sur l'ensemble des pays du champ comme en témoigne le tableau suivant.

Répartition géographique des dons-projets
du ministère de la coopération

%

Opérations d'intérêt général

51,80

Opérations inter Etats

2,13

Programme des Etats

46,07

Angola

0,24

Bénin

2,03

Burkina Faso

2,41

Burundi

2,13

Cameroun

3,75

Cap Vert

0,53

Centrafrique

1,90

Comores

0,39

Congo

2,24

Côte d'Ivoire

3,18

Djibouti

0,47

Gabon

0,47

Guinée

2,42

Guinée Bissau

1,17

Guinée équatoriale

0,77

Haïti

0,47

Ile Maurice

0,17

Madagascar

3,39

Mali

3,01

Mauritanie

2,92

Mozambique

2,14

Namibie

1,22

Niger

1,15

Rwanda

0,27

Sao Tomé

0,49

Sénégal

1,56

Seychelles

0,28

Sainte Lucie

0,86

Tchad

2,17

Togo

0,34

Zaïre

0,54

TOTAL GENERAL

100,00

2. Les dons-projets de la Caisse française de développement (article 20)

Ces dons-projets, destinés aux pays les plus pauvres du champ portent sur quatre secteurs : le développement économique, les infrastructures, l'aménagement urbain, l'environnement. Aussi leur gestion est-elle déléguée par le ministère de la coopération à la Caisse française de développement traditionnellement compétente dans ces domaines.

Les crédits affectés aux dons-projets provenaient jusqu'à cette année, pour les deux tiers du budget du ministère de la Coopération et pour le solde du budget des charges communes du Trésor. Le projet de budget pour 1996 les regroupe sur une même ligne budgétaire, l'article 40 du chapitre 68-91. Le souci de clarification et de rationalisation de l'aide publique au développement exprimé par le Premier ministre trouve ici, dans le cadre de la loi de finances, un premier point d'application.

Compte tenu de ce changement de nomenclature les autorisations de programme baissent de 17,2 % (de 1 570 à 1 300 millions de francs en 1996) et les crédis de paiement se contractent de moitié (de 1 584 à 708 millions de francs) entre 1995 et 1996.

D'après le ministère de la coopération cette baisse n'est rien d'autre qu' « une économie de pure constatation », elle correspond aux excédents de trésorerie liés à la consommation ralentie des crédits de paiement des dons-projets. La mise en oeuvre des dons-projets de la Caisse française de développement s'étale en effet sur une période plus longue que prévu. Tous les projets ne se réalisent cependant pas sur de longues échéances : la lourdeur des procédures et les difficultés des conditions de réalisation sur le terrain, ont sans doute également leur part dans les retards observés.

III. UNE PRISE EN COMPTE PLUS FAVORABLE DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE ET DE LA FORMATION

Les instruments d'intervention du ministère de la coopération ne se résument pas aux concours financiers, aux crédits d'assistance technique ou aux crédits de coopération militaire. Ils comprennent également des actions diversifiées dotées certes de moyens plus modestes. Cependant au sein d'une enveloppe qui se caractérise par une certaine stabilité (734 millions de francs) votre rapporteur soulignera des inflexions dont, pour sa part, il se réjouit. Ainsi au sein des crédits d'actions diverses de coopération, convient-il de relever l'accent particulier en faveur de la lutte contre les grands trafics (+ 10 millions de francs) ou de l'action audiovisuelle extérieure  (+17,2 millions de francs). De même votre rapporteur constate-t-il avec satisfaction que la ligne d'aide d'urgence bénéficie pour la première fois d'une dotation de 5 millions de francs alors qu'elle était jusqu'à présent alimentée en gestion par virement de crédits provenant de l'article 10 (crédits de transport de l'aide alimentaire). Ce poste lui-même sera reconduit à son niveau de 1995.

Votre rapporteur s'attachera plus particulièrement cependant à évoquer l'effort accompli en faveur des initiatives décentralisées et de la formation.

A. L'EFFORT POURSUIVI EN FAVEUR DES INITIATIVES DÉCENTRALISÉES (CHAPITRE 42-24)

Au sein de ce chapitre trois évolutions retiennent l'attention : la progression des crédits destinés aux organisations non gouvernementales, la réduction de la dotation (- 2,1 %) accordée aux associations de volontariat, l'effort, enfin, consacré à la coopération décentralisée. On comprendra aisément l'intérêt que le rapporteur pour avis du Sénat porte à cette dernière question.

FINANCEMENT DE LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

(en millions de francs)

Année

86

87

88

89

90

91

92

93

94

95

FAC (A.P.)

15

7

7,9

13

14

5

14

19

12

20

42 24 30

3,3

0,09

1,9

7,9

9,2

8,5

8

6,4

8,4

TOTAL

15

10,3

7,99

14,9

21,9

14,2

22,5

27

18,4

28,4

1. Les principes d'action de la coopération décentralisée

La coopération décentralisée obéit au cadre juridique fixé par la loi sur l'organisation territoriale de la République du 6 février 1992 : les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec les collectivités étrangères dans le respect des engagements internationaux de la France.

L'effort substantiel accordé à la coopération décentralisée dont les crédits progressent de 44 % (de 8,4 à 12,1 millions de francs) traduit le souci dont nous avons déjà souligné la pertinence, de renforcer les collectivités des pays du champ. Une aide au développement proche des besoins des populations doit pouvoir compter en Afrique sur des relais institutionnels solides : la fragilité, l'inexpérience des jeunes collectivités ne permettent pas toujours de répondre à cette exigence. Le Fonds spécial de développement, nous l'avons dit, n'a pas toujours assuré la pérennité de ses actions faute de partenaires locaux capables de prendre la relève.

Par ailleurs, comme l'a indiqué le rapport de l'OCDE sur les perspectives à long terme en Afrique de l'Ouest, les collectivités locales africaines sont appelées à jouer un rôle essentiel dans la formation d'une élite et d'une société civile capable d'assumer les grands changements qui s'annoncent pour un partie de l'Afrique (l'augmentation de 2,5 millions d'habitants par an dans les villes des 19 pays d'Afrique francophone).

Les collectivités territoriales françaises, grâce à leurs compétences et l'expérience acquise à la faveur de la décentralisation apparaissent naturellement bien placées pour soutenir leurs partenaires en Afrique.

Le ministère de la coopération encourage les actions des collectivités territoriales tout en veillant à coordonner ces efforts. Trois orientations principales se dégagent : la coopération entre villes, le développement économique réciproque, le multipartenariat.

. La coopération entre villes vise à mobiliser les compétences techniques et financières des collectivités françaises en matière de gestion urbaine et de décentralisation. Elle repose non seulement sur des partenariats centrés sur la gestion locale (Orléans-Parakou, Angers-Bamako, Evreux-Djougou) mais aussi sur le programme de développement municipal module ouest-africain engagé avec le concours de bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux.

. Dans le cadre du développement économique réciproque , les collectivités locales françaises cherchent à impliquer les petites entreprises industrielles, agricoles ou artisanales dans la coopération française. Les intervenants contribuent à créer des entreprises locales et à nouer des partenariats. En 1995, les ministères des affaires étrangères, de la coopération, de l'agriculture et de l'industrie, associés à la Caisse française de développement ont lancé avec l'association Entreprise et Développement (qui regroupe six régions françaises) un programme conjoint, « 100 projets de partenariat industriel pour l'Afrique et la méditerranée ».

. Le multipartenariat dans le cadre de jumelages ne vise pas à appuyer un secteur en particulier mais plutôt à favoriser un « développement local intégré ». Les actions des départements de l'Aube, de la Savoie et de l'Aveyron au Sénégal, de l'Ille-et-Vilaine au Mali, s'inscrivent dans cette démarche.

2. Une réelle dynamique

La vitalité de la coopération décentralisée paraît indéniable comme l'attestent les nombreux témoignages présentés sur ce sujet au colloque organisé sur l'Afrique francophone au Sénat en octobre 1995. La dynamique engagée se manifeste sous plusieurs formes :

- une véritable politique de coopération internationale entre collectivités françaises et partenaires africains (les départements de la Charente-Maritime avec la Guinée, de l'Aveyron avec le Sénégal, la ville de Marseille avec Dakar, Bamako et Djibouti...) ;

- la mise en oeuvre de programmes de coopération associant le ministère de la coopération et les collectivités territoriales françaises ;

- les actions concertées entre collectivités appartenant à un même département ou une même région (développement de la filière sel en Guinée avec le département de la Charente-Maritime) ;

- l'action conjuguée entre collectivités et professionnels en faveur de la coopération (le conseil général du Finistère et la Chambre de commerce et d'industrie de Brest au Bénin...).

Enfin les collectivités locales bénéficient désormais de cofinancements de l'Union européenne.

La multiplication des initiatives locales pésente cependant le risque d'une certaine dispersion que le ministère de la coopération s'est employé à conjurer de deux manières. D'une part l'administration se concerte avec les élus au sein de la commission nationale de la coopération décentralisée créée par la loi du 6 février 1992. D'autre part le ministère de la coopération s'efforce d'orienter, par les actions de cofinancements, les opérations des collectivités locales dans les domaines où leur « valeur ajoutée » paraît décisive (l'appui institutionnel) et vers des pays comme le Burkina Faso et le Mali où les réformes engagées ont permis l'émergence de véritables collectivités locales.

B. UN SOUCI RÉAFFIRMÉ EN FAVEUR DE LA FORMATION

1. Un coup d'arrêt à la dégradation des crédits consacrés bourses (chapitre 42-23 article 40)

Les bourses se répartissent principalement en deux catégories : les bourses d'études et les bourses de stages.

Les premières intéressent le secteur universitaire et privilégient en principe les étudiants africains qui suivent un troisième cycle ou se destinent à la recherche. En principe, car l'ouverture du champ sur des pays non francophones comme la déshérence de l'enseignement supérieur dans nombre d'Etats, contraint à maintenir des effectifs en premier et deuxième cycles finalement comparables à ceux des années 1985-1989.

La durée moyenne des formations (quatre ans) appelle une reconduction régulière des bourses et, partant, une certaine inertie dans la répartition géographique et sectorielle de ces dotations (les récurrences grèvent 70 % du budget actuel).

En définitive les modifications résultent moins d'une politique volontariste que des vicissitudes dont la vie politique africaine et par conséquent, souvent les campus, sont le théâtre.

. Les bourses de stage permettent pour leur part de professionnaliser les étudiants stagiaires et d'assurer la formation continue des cadres africains, forts déjà d'une expérience professionnelle dans l'administration ou le secteur privé. La durée moyenne des stages ne dépasse généralement pas huit mois.

En France, le nombre de stages ne devrait pas augmenter, compte tenu de la hausse des coûts de formation. Cependant votre rapporteur appuie la démarche du ministère visant à encourager les formations de moyenne durée (de 3 à 6 mois) et de plus grande technicité. En effet les économies réalisées sur les frais de voyages permettraient de maintenir, voire d'augmenter le nombre de stages proposés.

En Afrique, les bourses bénéficient essentiellement aux stagiaires des établissements de formation professionnelle à vocation régionale, mais aussi aux participants inscrits à des stages de recyclage ou de séminaires dispensés par des formateurs français dans le cadre d'accords interétablissements (actions menées par exemple par l'Institut international de l'administration publique auprès des écoles nationales d'administration). Dans cette dernière hypothèse les bourses bénéficient toutefois également du programme des bourses d' « intérêt général ».

Aux côtés des deux programmes principaux de bourse, il existe en effet, outre des bourses d'intérêt général, des bourses inter-Etats et enfin des bourses d'excellence (dotées de 8 300 F par mois pour permettre aux meilleurs étudiants de préparer leur thèse de doctorat dans les meilleures conditions) qui disposent chacune d'une programmation particulière.

Après un déclin régulier au cours des dernières années (- 15 % en 1994, - 9,35 % en 1995) les crédits destinés aux bourses ont progressé légèrement. ils permettront le maintien du nombre des bourses et leur revalorisation conformément à l'évolution du coût de la vie.

La relève de l'assistance technique d'une part et la formation de cadres capables de répondre aux besoins liés à la mise en oeuvre des politiques d'ajustement et à la réorganisation de l'appareil d'Etat d'autre part constituent deux enjeux majeurs pour la politique des bourses.

Aussi est-ce moins l'augmentation de leur nombre qu'une amélioration de la qualité des bourses qui importe.

L'institution de bourses d'excellence, d'autres initiatives encore (les bourses de séjour scientifique de haut niveau, les bourses d'alternance permettant aux allocataires de venir consulter leur directeur de thèse en France tout en conservant leur emploi sur place) indiquent la voie à suivre. Cependant les efforts engagés se traduiront seulement à moyen terme compte tenu, nous l'avons vu, de l'inertie propre à la programmation des bourses.

Répartition (%) des boursiers dans les filières de formation

* en 1994 la ventilation des filières a été modifiée

Evolution de bousiers du gouvernemen français

2. L'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE)

Chargée de la gestion de l'ensemble des établissements d'enseignement français à l'étranger, l'Agence rémunère les enseignants sur ses crédits (supposés couvrir ainsi le traitement brut, les indemnités d'expatriation et de résidence, les rémunérations supplémentaires pour enfants à charge, les mesures de revalorisation, les indemnités et avantages statutaires à l'exception des primes de vie chère et autres rémunérations supplémentaires).

L'AEFE est placée sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération. Ce dernier ne participe que pour un cinquième aux ressources totales de l'Agence.

La subvention de fonctionnement de l'AEFE (372,2 millions de francs en hausse de 2,6 % par rapport à 1995) permet notamment un effort en faveur de l'équipement des laboratoires scientifiques des établissements, gagé par l'économie résultant de la transformation de 7 postes d'expatriés en postes d'enseignants recrutés localement.

Par ailleurs, les dépenses d'équipement (35,5 millions de francs en crédits de paiement et 25 millions de francs en autorisations de programme) sont revues à la baisse après l'effort particulier consenti cette année pour la construction du lycée Mermoz de Dakar et la reconstruction du lycée de Tananarive. Cette opération se poursuivra en 1996 tandis que seront également conduites la, les rénovations du lycée de Gaulle de Bangui, du lycée Charlemagne de Pointe-Noire et du lycée Montaigne de N'Djamena, et enfin l'acquisition de l'école « La Riviera » d'Abidjan.

CONCLUSION

A l'heure où se dessinent de nouveaux équilibres en Europe, où l'influence d'une Grande Allemagne réunifiée après la chute du mur de Berlin s'impose de plus en plus auprès des pays d'Europe centrale et orientale appelés à rejoindre l'Union, la France doit pouvoir continuer à faire entendre sa voix. Comment le peut-elle sinon en portant ses regards au-delà des bornes de l'hexagone ?

L'Espagne a bien compris cette nécessité : elle sait cultiver l'hispanité et se prévaloir des rapports privilégiés avec l'Amérique latine. Le maintien de la position de la France en Europe apparaît étroitement conditionné par les liens privilégiés existant entre notre pays et l'Afrique.

Le développement du continent nous importe au premier chef. Poursuivre notre aide n'est pas seulement indispensable pour le développement de l'Afrique, votre rapporteur croit l'avoir longuement démontré au cours de son rapport, mais également pour notre rayonnement dans le monde et en Europe.

Aussi votre rapporteur attache-t-il une importance particulière à la pérennité d'un ministère de la coopération , interlocuteur privilégié de nos amis africains, témoignage de l'intérêt que nous portons au continent et à sa spécificité.

Un engagement nécessaire mais un engagement réfléchi : la France ne peut, ni doit aider tous les pays africains de la même façon. La coopération doit, à cet égard, mieux réfléchir sur les objectifs et les priorités à moyen et long terme. Et cet effort de planification passe par une meilleure coordination.

Votre rapporteur se félicite à cet égard de l'impulsion nouvelle donnée par le gouvernement de M. Juppé à la réforme de notre aide publique.

Dans un contexte difficile, le projet de budget sauvegarde les axes essentiels de notre coopération. Ces orientations devront être confirmées dans l'avenir.

Sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la coopération.

EXAMEN EN COMMISSION

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé entre les membres de la commission. Mme Paulette Brisepierre a d'abord précisé, à l'attention de M. Jacques Habert que la réduction du nombre de coopérants porterait en 1996 sur 274 postes d'enseignants et 20 postes de techniciens.

Mme Monique Ben Guiga a souhaité nuancer le relatif optimisme qui peut prévaloir sur les perspectives économiques en Afrique. Elle s'est également interrogée sur les priorités géographiques de notre aide au développement, en insistant notamment sur l'importance de la zone Asie-Pacifique. Selon Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis , il convient de distinguer entre les pays africains qui commencent à émerger et ceux qui restent marqués par la récession ; le rapporteur pour avis a également souligné l'importance de nos intérêts économiques sur le continent africain.

M. Xavier de Villepin, président, a pour sa part relevé que le succès des pays africains dépendait essentiellement de la qualité de la gestion mise en oeuvre par les Etats. Il s'agissait là, à ses yeux, du principal critère de distinction entre les différents pays que notre politique de coopération devait prendre en considération.

M. Guy Penne s'est inquiété de la profonde dégradation des systèmes d'éducation des pays du champ. Mme Paulette Brisepierre a toutefois estimé que de nouveaux responsables africains, plus rigoureux, prenaient la relève des anciennes générations.

Mme Danielle Bidard-Reydet a demandé au rapporteur pour avis de faire le point sur la situation dans l'Afrique des grands lacs. Mme Paulette Brisepierre lui a répondu que peu de changements étaient intervenus depuis l'année dernière et qu'en particulier, la situation des camps de réfugiés restait extrêmement préoccupante.

M. Xavier de Villepin, président , a souligné pour conclure l'inquiétude que lui inspirait le désengagement de la communauté internationale vis à vis de l'aide publique au développement.

La commission a alors adopté les crédits du ministère de la coopération inscrits dans le projet de loi de finances pour 1996, le groupe socialiste, par la voix de Mme Monique Ben Guiga, et le groupe communiste, indépendant et citoyen par la voix de Mme Danielle Bidard-Reydet, indiquant qu'ils voteraient contre.

* 1 en 1994 : 3 milliards de dollars pour le FMI, 8 milliards de dollars pour la Banque mondiale.

* 2 Pour remplir les dossiers communs à la CFD et aux banques et réunir toutes les pièces demandées -portant sur plusieurs années-, il fallait en moyenne un mois de travail à un directeur administratif d'une société multinationale  ; or, dans la plupart des cas, les PME-PMI n'ont pas de directeur administratif et toute la partie comptabilité et gestion se trouve souvent réunie dans une seule main.

* 3 OCDE. Pour préparer l'avenir de l'Afrique de l'Ouest : une vision à l'horizon 2020 (décembre 1994).

* 4 OCDE - Etude citée p. 6 et suivantes.

* 5 Corinne Vadkar, la Constitution de zones de libre échange en Afrique. Afrique contemporaine juillet-septembre 1995.

* 6 OCDE. Etude citée p. XII.

* 7 OCDE, Etude citée p. XIV

* 8 Voir le décret n° 95-808 du 20 juin 1995 relatif aux attributions du ministère délégué à la coopération.

* 9 alors que le contexte économique se caractérisait par une insuffisance de la demande.

* 10 Les crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger seront étudiés plus loin.

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