B. DES EFFECTIFS STABLES MALGRÉ UNE ACTIVITÉ DYNAMIQUE

1. La contribution des juridictions financières à l'effort de réduction de la dépense publique se manifeste notamment par un gel des effectifs, à périmètre constant

Après plusieurs années consécutives de hausse, le projet de loi de finances pour 2025 affiche une baisse du plafond d'emplois rémunérés par le programme, avec 1 825 équivalents temps plein travaillé (ETP) autorisés, contre 1 830 dans la loi de finances initiale pour 2024. Cette baisse de 5 ETP est toutefois la conséquence du transfert des emplois affectés à la Commission d'évaluation de l'aide publique au développement vers le programme 105 (Action de la France en Europe et dans le monde). Ainsi, à périmètre constant, les effectifs des juridictions financières sont stables.

Plafond d'emplois du programme 164 autorisé en loi de finances initiale et sa consommation (en ETPT)

 

2020

2021

2022

2023

2024

PLF 2025

Plafond d'emplois autorisé en LFI

1 802

1 802

1 804

1 826

1 830

1 825

Consommation du plafond d'emplois

1 763

1 758

1 766

1 770

1 798
(au 31/07/2024)

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Source : commission des lois, sur la base des documents budgétaires

2. Un programme « JF2025 » qui donne des résultats satisfaisants et a démontré la capacité d'évolution des juridictions financières

La stagnation des effectifs n'est pas la conséquence d'une activité qui serait elle-même atone, loin s'en faut. En premier lieu, le nombre de rapports produits par les juridictions financières se maintient à un niveau élevé, le projet annuel de performances fixant un objectif de 1 400 rapports publiés. En second lieu, la Cour des comptes a initié, en 2020, un plan dénommé « JF2025 », qui a profondément modifié les méthodes de travail des juridictions financières et que le rapporteur estime être une réussite. Les mesures portées par ce plan ont commencé à être pleinement déployées au cours des années 2023 et 2024, permettant en effet d'en dresser un premier bilan.

Le rapporteur note en premier lieu que la réforme du 100 % publication, effective depuis 2023, a participé de la meilleure visibilité des travaux et de l'action des juridictions financières, aussi bien à l'échelle nationale que locale. Ainsi, les visites sur le site internet de la Cour ont crû de 15 % depuis lors. Cette mesure a en outre incité les magistrats financiers à un effort accru de lisibilité et d'accessibilité de leurs travaux, qui n'est pas sans intérêt bien que le rapporteur souhaite rappeler que ces rapports n'ont une plus-value réelle pour les administrations contrôlées que s'ils maintiennent un haut niveau de technicité.

L'ouverture citoyenne se mesure également à travers la mise en place récente de deux plateformes, l'une dédiée au recensement des initiatives en matière de sujet de contrôle, la seconde permettant à tout citoyen de signaler des irrégularités dans le bon emploi des deniers publics. Il s'agit dans les deux cas d'un succès quantitatif indéniable : lors de la campagne de 2024, 19 800 participants ont déposé 942 propositions de thèmes de contrôle, soit 50 % de propositions supplémentaires par rapport à 2023. 25 thèmes ont été retenus pour 2025, dont 15 seront traités localement par les CRTC. De même, les juridictions financières ont été saisies entre janvier 2023 et juin 2024 de 1 490 signalements, soit approximativement 80 par mois, déposés sur la nouvelle plateforme dédiée, démontrant l'appropriation de cet outil par la population. Il s'agit d'un flux supérieur à ce qui avait été anticipé par la Cour, qui a entraîné des ajustements dans les méthodes de travail du Parquet général. Une déconcentration du traitement des signalements relevant des CRC auprès de leur ministère public respectif devrait ainsi être mise en oeuvre en 2025. Tous ces signalements n'ont pas encore été exploités, mais la Cour a indiqué au rapporteur qu'au moins 109 d'entre eux, considérés comme des « signaux forts »2(*), ont été pris en considération pour alimenter les travaux de contrôle.

L'objectif de division par deux du délai de publication des travaux d'examen de la gestion de la Cour et des CRTC est en passe d'être tenu. Le projet annuel de performance fixe ainsi pour objectif en 2025 un délai de 8P mois aussi bien pour la Cour que pour les CRTC, qui semble atteignable au regard des auditions menées par le rapporteur. Les objectifs assignés pour 2024 (respectivement 10 et 12 mois) devraient également être atteints, d'après les estimations de la Cour. Pour rappel, ces délais s'élevaient respectivement à 15 et 17 mois avant cette réforme. Le rapporteur alerte toutefois sur les difficultés, indépendantes de leur volonté, que rencontrent parfois les magistrats financiers dans leurs travaux, alors que les administrations contrôlées sollicitent fréquemment des délais supplémentaires pour répondre aux questions des magistrats ou à l'exercice du contradictoire, sollicitations auxquelles « la Cour répond quasi systématiquement favorablement »3(*).

La mission d'évaluation des politiques publiques confiée par la loi du 21 février 2022 dite « 3DS »4(*) aux CRC semble enfin voir amorcer son appropriation par les collectivités territoriales. Ainsi, après une saisine de la CRC Auvergne-Rhône-Alpes en 2022 et une saisine de la CRC Hauts-de-France 2023, deux nouvelles saisines ont été effectuées en 2024, l'une à l'initiative du département de l'Ain pour évaluer sa politique culturelle, la seconde à l'initiative de la région Grand Est pour évaluer sa politique de soutien aux aéroports régionaux. Le rapporteur constate ainsi que la réticence première des collectivités territoriales à s'appuyer sur l'expertise des magistrats financiers pour des missions d'évaluation des politiques publiques semble s'atténuer, la distinction entre les travaux de contrôle et d'évaluation étant mieux appréhendée. Par ailleurs, les CRC se sont saisies elles-mêmes d'une demi-douzaine de projets d'évaluation dont les conclusions devraient être publiées dans un proche avenir.

Enfin, le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics5(*), adossé à la création de la chambre du contentieux de la Cour des comptes et de la cour d'appel financière, s'est mis en place sans heurts majeurs, bien que certaines évolutions jurisprudentielles ne fassent pas consensus6(*). À la date de septembre 2024, la chambre du contentieux, pour laquelle sont affectés 34 ETP dont 21 magistrats, avait instruit après dix-huit mois d'installation 83 affaires relevant du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics et rendu 27 arrêts. Quant à la cour d'appel financière, dont l'activité dépend mécaniquement de celle de la chambre du contentieux, elle avait été saisie de trois requêtes, l'activité attendue en « rythme de croisière » étant de 15 à 20 appels par an.


* 2 Réponse écrite de la Cour des comptes au questionnaire du rapporteur.

* 3 Réponse écrite de la Cour des comptes au questionnaire du rapporteur.

* 4 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 5 Issu de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.

* 6 La condition d'appréciation du caractère significatif du préjudice financier constaté, dans le cadre de l'infraction liée à une faute grave de gestion, issue de la décision « Alpexpo » du 12 janvier 2024, est considérée comme trop limitative par une partie des magistrats financiers auditionnés par le rapporteur.

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