EXAMEN EN COMMISSION

MARDI 26 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons à présent les crédits relatifs à la jeunesse et à la vie associative.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la jeunesse et à la vie associative. - Le programme 163 « Jeunesse et vie associative » est doté de 937 millions d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Les crédits connaissent une augmentation de 36 millions d'euros, soit plus de 4 % par rapport à l'année dernière. Cette hausse s'avère cependant en trompe-l'oeil, car elle est très majoritairement absorbée par la reconstitution de la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC). Elle dissimule en réalité une diminution des crédits de chacune des autres actions du programme.

Les crédits à destination de l'Agence augmentent de plus de 15 %. Depuis 2022, l'écart entre les recettes et les dépenses est financé par une mobilisation importante de la trésorerie accumulée au moment du plan de relance. Or celle-ci va atteindre le seuil critique des 5 millions d'euros à la fin du mois de décembre prochain. L'augmentation de 81,2 millions d'euros des crédits en faveur de la mise en oeuvre du service civique n'est donc pas destinée à permettre la montée en charge du dispositif. Elle maintient simplement le nombre de missions financées à 150 000 par an, tout en ramenant la trésorerie de l'Agence à un niveau prudentiel satisfaisant.

À l'inverse, les crédits consacrés au service national universel (SNU) diminuent fortement, pour la première fois depuis son lancement. Le PLF pour 2025 porte les crédits consacrés à sa mise en oeuvre à 128,3 millions d'euros. C'est une baisse de près de 32 millions d'euros par rapport à l'année dernière. Ce montant doit néanmoins permettre de financer 66 000 séjours. Je me réjouis de la diminution des crédits destinés à ce dispositif coûteux et inopérant. Dans un contexte de restrictions budgétaires particulièrement prégnant, je m'interroge d'autant plus sur l'entêtement du Gouvernement à vouloir malgré tout maintenir le SNU. J'y reviendrai.

En ce qui concerne les crédits relatifs à la vie associative, la dotation du compte d'engagement est réajustée pour l'adapter à sa consommation réelle. Par ailleurs, le déploiement du réseau Guid'Asso se poursuit, alors que la généralisation du dispositif est prévue pour la fin 2025 : 800 000 euros supplémentaires sont inscrits au PLF en vue de parachever le déploiement de ce réseau sur l'ensemble du territoire. Au cours des auditions qui ont été menées, les acteurs du monde associatif se sont montrés unanimement très satisfaits par l'efficacité de ce réseau.

Les crédits en faveur de la vie associative sont en baisse de 4,1 %. J'attire votre attention sur la situation financière du secteur. Un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur le renforcement du financement des associations indique que les subventions de fonctionnement ont tendance à être remplacées par des appels à projets, le plus souvent de courte durée. En quinze ans, les associations ont vu la part des subventions dans leurs ressources diminuer de 41 %. En parallèle, la commande publique représentait 17 % des ressources des associations en 2005 ; cette part est passée à 29 % en 2023.

Pour faire face à la baisse des subventions, les associations sont contraintes d'adopter d'autres stratégies. Or toutes n'ont pas les moyens ou les compétences pour répondre à des marchés publics et doivent parfois renoncer à certains projets. Ces transformations du modèle de financement des associations s'avèrent très préoccupantes à long terme, alors que l'inflation continue de frapper durement le secteur.

Comme l'année dernière, j'attire également votre attention sur la nécessité de revaloriser au plus vite le montant des postes Fonjep (fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire), qui n'a connu aucune revalorisation depuis leur mise en place en 2011. Aujourd'hui, son montant ne représente plus que 10 % à 15 % du coût global d'un salarié correctement rémunéré, portant indéniablement atteinte à l'efficacité du dispositif. La subvention annuelle pourrait être portée à 10 000 euros ; pour rappel, c'est le montant des postes Fonjep revalorisé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la période 2024-2026.

J'en reviens maintenant au SNU. Pour la première fois depuis son lancement, la cible de jeunes pour l'année à venir est en baisse, tout comme les crédits accordés au dispositif au sein du PLF. Dans son rapport de septembre dernier, la Cour des comptes estime que le coût d'une potentielle généralisation s'élèverait, pour les trois phases, non à 2,5 milliards d'euros comme l'évalue le ministère, mais plutôt entre 3,5 milliards et 5 milliards d'euros.

L'addition finale sera encore plus salée : cette estimation ne tient pas compte des coûts d'investissement à venir dans les centres d'hébergement, des éventuels surcoûts liés au changement d'échelle, ainsi que des financements portés par les autres acteurs publics. 

Par ailleurs, les séjours mis en oeuvre sur le temps scolaire en 2024 n'ont pas été un franc succès. L'objectif de 21 000 élèves participant aux séjours de cohésion au premier semestre n'a pas été atteint : seulement 12 128 jeunes ont effectué la première phase du SNU.

Ces séjours avaient pour ambition de répondre à deux faiblesses constatées depuis la création des séjours de cohésion : le fort taux de désistement des jeunes avant le début du séjour, mais également le manque de mixité sociale parmi les participants. Or force est de constater que, là encore, les résultats sont très décevants : seulement 6,4 % des jeunes ayant participé à un tel séjour au premier semestre étaient issus d'un quartier prioritaire de la ville, contre 8 % des 15-17 ans à l'échelle nationale.

Plus encore, les séjours organisés sur le temps scolaire font état d'un nombre de désistements très important « au pied du bus ». Celui-ci est de 22 %, un taux deux fois supérieur à celui constaté lors des séjours classiques, organisés en dehors du temps scolaire en 2024.

C'est pour toutes ces raisons, comme l'évoquait à l'instant Jean-Jacques Lozach, que nous vous avons proposé un amendement visant à supprimer la majeure partie des crédits consacrés au développement du SNU, en lien avec l'amendement adopté par la commission des finances, et à transférer une partie de ces crédits au programme Sport.

J'ai une conviction, partagée par mon groupe : le service civique doit devenir le pilier des politiques en faveur des jeunes. Il s'agit d'un dispositif qui fonctionne : en 2023, 148 500 jeunes ont effectué un service civique, soit plus de quatre fois plus qu'en 2014.

Au cours de son audition, la directrice de l'ASC nous a indiqué que, face à l'ampleur de la demande, l'objectif de 150 000 jeunes aurait pu être facilement dépassé ; elle a malheureusement dû limiter les recrutements de fin d'année par manque de missions financées. C'est un signe clair du succès du dispositif.

Le service civique est un outil modulable, en prise avec les enjeux actuels. Prenant acte de la mobilisation et de l'engouement des jeunes pour les questions environnementales, le Gouvernement avait annoncé en janvier 2024 l'objectif de proposer d'ici à 2027 à 50 000 jeunes, en cumulé, de s'engager concrètement pour le climat dans le cadre d'un « service civique écologique ». Pour 2024, l'objectif de 6 600 volontaires sera largement atteint. Je regrette toutefois que le recrutement de ces 50 000 volontaires se fasse à budget constant, sans enveloppe supplémentaire.

Face à la hausse de la demande et au succès rencontré par le service civique, l'Agence doit plus que jamais être soutenue pour permettre sa montée en charge.

Pour terminer mon propos, je souhaiterais aborder les problématiques liées à la mobilité européenne et internationale des jeunes.

La crise sanitaire a fortement freiné la mobilité internationale : selon les données de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), un tiers des jeunes interrogés en 2021 disait avoir dû renoncer à un projet de mobilité. À peine 17 % des 25-30 ans interrogés déclaraient avoir déjà passé au moins six mois dans un pays européen. Ce niveau est encore trop éloigné de l'objectif d'une moitié d'une classe d'âge fixé par le Gouvernement pour 2024.

Certes, en 2022, une reprise de la mobilité a été constatée. Ainsi, 44 % des jeunes entre 18 et 30 ans ont effectué un séjour à l'étranger, soit une augmentation de treize points depuis 2016. Mais cette hausse doit être nuancée : elle est en grande partie liée au report en 2021 des séjours annulés en 2020 en raison du covid.

La démocratisation de la mobilité doit figurer parmi les priorités des politiques en faveur de la jeunesse dans les années à venir. L'accès à l'information constitue un enjeu majeur : un jeune sur deux considère ne pas être suffisamment informé sur les opportunités de séjour à l'étranger.

Dans cette perspective, le programme 163 est doté de 18,8 millions d'euros pour favoriser les échanges internationaux des jeunes. L'ASC participe elle-même activement aux programmes de mobilité à l'échelle européenne, au travers de la mise en oeuvre du volet jeunesse et sport d'Erasmus+. Celui-ci permet aux jeunes de 13 à 30 ans de participer à des échanges de courte durée avec d'autres jeunes de l'Union européenne depuis 2016.

L'Agence met également en oeuvre le corps européen de solidarité (CES) qui permet aux jeunes de 18 à 30 ans de partir en volontariat dans un pays européen ou voisin de l'Europe, pour une durée de deux semaines à un an.

Toutefois, les crédits versés par l'État pour la mise en oeuvre des programmes européens n'ont pas été réévalués depuis dix ans. Or le budget du corps européen de solidarité ne permet plus de répondre aux besoins de l'écosystème du volontariat. À titre d'exemple, les structures françaises labellisées CES ont formulé en 2023 des demandes de subventions à hauteur de 16,2 millions d'euros pour organiser des mobilités, alors que le budget disponible n'était que de 9,1 millions d'euros.

Alors que les discussions budgétaires européennes s'ouvrent pour la période 2028-2034, il est essentiel d'accompagner davantage l'Agence dans le financement des programmes du corps européen de solidarité, afin de permettre à l'ensemble des jeunes qui le souhaitent d'effectuer des séjours longs à l'international dans un cadre sécurisé.

Je souhaiterais également souligner le dynamisme des offices de coopération bilatéraux - qu'il s'agisse de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) ou de l'Office franco-québécois pour la jeunesse - qui proposent également une variété de programmes de mobilité à destination des jeunes.

Comme dans d'autres domaines, la pandémie de covid a fortement affecté les échanges en personne. Aujourd'hui, la trésorerie de l'Ofaj s'épuise. Il me paraît essentiel de revaloriser au plus vite la dotation qui lui est octroyée, pour lui permettre de poursuivre le développement de ses programmes.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, en cohérence avec l'avis que nous venons d'adopter, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits du programme 163.

M. Cédric Vial. - Le programme « Jeunesse et vie associative », doté d'un peu moins de 1 milliard d'euros, n'est que la partie émergée des crédits d'intervention en direction de la jeunesse. Nous soutiendrons la proposition du rapporteur d'émettre un avis défavorable sur ces crédits, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons.

Nous faisons aujourd'hui le constat de l'échec du SNU, qui partait d'une idée intéressante, et dont les objectifs étaient louables. Il est impossible de le généraliser au vu de son coût très important : le budget doit être revu pour procéder à une extinction de ce dispositif, qu'il faudra réinventer.

Pour le rapporteur, l'accent doit être mis sur le service civique, qui est une réussite. Néanmoins, on peut s'interroger sur ses modalités de mise en oeuvre. On affiche un objectif de 150 000 jeunes pour 2025 - le même qu'en 2024 ou 2023, mais il faut savoir que les chiffres sont biaisés. En 2024, il y a eu en réalité 89 000 nouveaux contrats, car sont également pris en compte les jeunes qui ont signé leurs contrats à la fin de 2023 mais qui n'avaient pas fini leur mission au début de cette année. On se glorifie de chiffres fallacieux...

Par ailleurs, pour le même objectif de 150 000 jeunes l'année prochaine, on augmente le budget de 83 millions d'euros afin, soi-disant, de reconstituer une trésorerie qui aurait disparu. Mais où est-elle passée ? Le gel budgétaire de 71 millions d'euros par Bercy aurait été un peu trop important cette année. C'est en fait un emprunt déguisé : Bercy supprime cette somme en 2024 et la reporte sur le budget 2025... Ce n'est pas une bonne façon de gérer l'argent public ! D'autant que nous n'avons aucune lisibilité sur les fonds qui ont été prélevés.

Ainsi, pendant le covid, des fonds avaient été versés pour des objectifs qui n'ont pas été atteints ; idem dans le plan de relance. Nous avions réclamé ces fonds aux différents ministres du budget qui se sont succédé. La présidente de l'ASC, lors de son audition, a évoqué le fait qu'une partie d'entre eux servait à financer des politiques d'autres ministères. Je serais curieux de savoir où est passé cet argent... Pourquoi devons-nous aujourd'hui prévoir plus de 80 millions d'euros pour mener une politique identique à celle des années précédentes, dans le contexte budgétaire que l'on connaît ?

J'en viens au service civique écologique. L'environnement faisait déjà partie des objectifs du service civique. À budget constant, qu'est-ce que cela signifie ? On fait comme avant, mais on communique davantage : pour faire la promotion du service civique écologique, 3,2 millions d'euros sont ainsi affectés à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et 1 000 postes d'ambassadeurs sont créés. Tout cela est quelque peu dérisoire !

On constate un manque de transparence concernant la gestion des fonds du service civique : or, on parle tout de même de 600 millions d'euros ! Peut-on dire, vu la situation budgétaire, que ce budget augmenté de près de 100 millions d'euros par rapport à l'année précédente, alors que - je le redis - l'objectif est le même, est justifié ?

Pour résumer, il faudrait récupérer une enveloppe de 100 millions d'euros sur le SNU et une enveloppe d'un montant presque équivalent sur le service civique. Nous suivrons donc l'avis défavorable du rapporteur, tout en nous réservant la possibilité, en fonction des amendements qui pourront être votés en séance, de changer notre avis final.

Mme Colombe Brossel. - Je tiens à remercier Yan Chantrel pour le travail qu'il a effectué et les auditions qu'il a menées, lesquelles étaient de grande qualité. Je me réjouis de sa proposition d'acter, de fait, la fin du SNU, qui n'a pas de sens et ne repose sur rien. Les sénateurs socialistes avaient souligné depuis longtemps cette forme d'absurdité et d'entêtement à maintenir un tel dispositif, surtout dans une période où nous devons poser un diagnostic lucide sur l'état des finances de la Nation et nos priorités.

Patrick Kanner évoquera les éléments concernant la jeunesse. Pour ma part, je voudrais m'arrêter sur la vie associative. Cédric Vial l'a dit, nous n'examinons qu'une toute petite partie du budget des associations de notre pays. C'est pour cela que ce projet de budget est inquiétant, car on pourrait s'arrêter aux chiffres, mais les associations, ce n'est pas seulement le programme 163 ! On relève des baisses des crédits dans les domaines du sport, de l'aide numérique - elle est pourtant importante dans les territoires relevant de la politique de la ville ou dans les territoires ruraux -, de l'intégration, de l'économie sociale et solidaire (ESS), du fonds vert... Bref, l'avenir est assez morose pour les acteurs associatifs de notre pays, comme ils l'ont relevé lors des auditions. Nous suivrons donc l'avis du rapporteur.

On ne peut pas se contenter en 2024 de continuer à dire que la situation n'est pas satisfaisante s'agissant du montant des postes Fonjep - je pense à la subvention de 7 000 euros non revalorisée depuis 2011 -, et ne rien faire. Nous sommes collectivement responsables, et pas seulement le ministère. Nous allons tuer un dispositif fondamental pour les associations. Les demandes portées par le mouvement associatif ne sont pas déraisonnables.

Je veux aussi évoquer les crédits consacrés à la formation. Nous avons adopté une proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative, alors même que nous avions, les uns et les autres, des points de vue différents sur le sujet. Mais rien n'est fait pour soutenir la formation de ces bénévoles, qui représente aujourd'hui, en moyenne, 50 centimes d'euro par bénévole. Nous allons pourtant être confrontés à un problème de gouvernance associative : sans soutien pour la formation, nous n'aurons que nos yeux pour pleurer quand les associations continueront à avoir des bénévoles- car les Français sont comme cela -, mais n'auront plus ni trésorier, ni secrétaire, ni président. Cet effort n'exige pas des sommes colossales : ce n'est pas cela qui mettra en péril le budget de la Nation.

Un point de satisfaction : le mentorat, un bon dispositif qui est toujours soutenu.

Je conclurai en disant qu'il manque beaucoup de choses dans ce petit budget, dont la mauvaise appréciation par le ministère peut avoir des conséquences extrêmement fortes dans nos territoires.

Mme Mathilde Ollivier. - Merci à Yan Chantrel pour cet avis, que nous suivrons. Je tiens à mentionner - même si ce point ne relève pas de cette mission - la réduction des crédits consacrés à l'ESS de 25 %, qui aura un impact sur l'emploi associatif.

L'une des autres raisons de notre avis défavorable tient au constat partagé de l'échec du SNU et de la nécessité d'abandonner ce dispositif. J'ajoute d'ailleurs aux remarques précédentes que les stages liés au SNU entrent en concurrence avec les recrutements d'animateurs de colonies et de centres de vacances - le problème est le même pour l'occupation desdits centres.

Quant au service civique, je partage pour une fois une partie des constats dressés par Cédric Vial. Je suis très favorable au maintien du budget alloué à ce dispositif, qui favorise l'engagement des jeunes dans la vie associative, ainsi qu'un engagement citoyen et solidaire, dans une démarche d'éducation populaire.

En revanche, j'alerte sur le niveau d'indemnisation du service civique, qu'il conviendra de revaloriser si nous souhaitons soutenir ce dispositif.

Enfin, le service civique écologique semble s'apparenter à une forme de greenwashing de la part du Gouvernement : un véritable investissement serait préférable à des opérations de communication ou de « verdissement ».

M. Pierre Ouzoulias. - J'aimerais comprendre les causes de l'échec du SNU, malgré les rallonges budgétaires à répétition qui étaient censées déboucher sur une extension dont nous connaissions pourtant le caractère illusoire. Cette démarche ne manque pas d'évoquer les Shadoks : on ne sait pourquoi on pompe, mais il faut continuer, car la situation pourrait s'aggraver si on arrête de pomper... Il me semble désormais raisonnable d'adopter une logique de Gibis et de dire au Gouvernement qu'il est temps d'arrêter, l'acharnement thérapeutique ne fonctionnant pas en la matière.

N'étant guère familier de cette mission, j'avoue me perdre dans la myriade de dispositifs qu'elle porte et dans la façon dont ils s'intègrent dans d'autres politiques de la jeunesse ou de l'éducation : on a l'impression de faire face à un saupoudrage sans cohérence ni projet politique.

En tant qu'élu de terrain, il me semble que tous les acteurs s'accordent pour souligner les très grandes difficultés des associations à mobiliser des bénévoles, alors qu'elles sont essentielles pour la cohésion sociale. Les causes de ce phénomène sont bien évidemment liées à une forme d'individualisme, mais elles ne s'y résument pas.

La commission de la culture gagnerait donc à prendre du recul et à analyser la logique d'un système qui a fonctionné par stratification, car on ne comprend plus la raison d'être de ses différentes couches.

Sur le fond, nous suivrons l'avis du rapporteur.

Mme Laure Darcos. - Je remercie à mon tour le rapporteur pour son avis, que notre groupe suivra. Deux éléments me semblent inquiétants, à commencer par une baisse des dotations aux associations, laquelle s'ajoute aux réductions - voire aux annulations - que sont contraintes de décider les collectivités.

S'agissant du SNU, je regrette un déficit de mixité sociale, les jeunes impliqués étant souvent des enfants de pompiers, de médecins, d'élus ou de parents ayant pratiqué le scoutisme. Il aurait fallu rendre le SNU obligatoire pour assurer cette mixité sociale, mais le coût aurait alors été bien supérieur.

J'ai surtout un regret : pourquoi avoir décidé d'envoyer ces jeunes en dehors de leur département ou de leur région ? Nous avons ainsi accueilli en Essonne des jeunes du Grand Est, ce qui ne présentait aucun intérêt, d'autant que ce choix a dû nettement augmenter les coûts.

Enfin, je ne suis pas opposée à la réallocation des crédits correspondants au service civique, sa superposition avec le SNU étant liée à la volonté de chaque président de la République de laisser sa marque. Il faudra cependant débattre des contours d'un modèle unique, afin d'éviter d'exploiter des jeunes dans des collectivités qui auraient besoin d'un stagiaire pour apporter le café.

M. Claude Kern. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son excellent travail. Un examen sommaire du budget laisse apparaître une hausse de 36 millions d'euros, bienvenue dans la mesure où l'enjeu consiste à rénover en profondeur et à revaloriser l'enseignement moral et civique, dans le but de développer de manière pérenne le sens de la citoyenneté et le goût de l'engagement. De la même manière, la préservation des dispositifs des volontaires du service civique et des volontaires du mentorat est à saluer.

Pour ce qui est du SNU, la généralisation n'est clairement plus à l'ordre du jour et nous pensons qu'il est grand temps d'envisager de mettre un terme à l'expérience, afin de réaffecter les fonds, par exemple, à l'amélioration de l'insertion professionnelle des jeunes.

Enfin, les associations emploient 1,8 million de salariés et près de 15 millions de bénévoles qui font vivre les valeurs d'engagement, de citoyenneté et de solidarité, et il est primordial de maintenir une dynamique de soutien en leur faveur. Le ministre nous avait d'ailleurs assuré qu'il s'agissait d'une priorité, mais force est de constater que ce budget est en baisse de 3,9 %.

Nous ne pouvons pas nous en tenir à ce constat : il serait nécessaire de mobiliser différents outils en capitalisant sur le formidable élan qu'ont déclenché les jeux Olympiques et Paralympiques en matière de volontariat et de bénévolat, et d'accompagner cette dynamique visant à susciter l'engagement tout en sécurisant le financement de la vie associative.

Pour toutes ces raisons, nous suivrons l'avis du rapporteur.

M. Patrick Kanner. - Le SNU n'est ni national ni universel. Il est également inutile, l'obstination à le maintenir ne pouvant perdurer alors que nous avons besoin de ressources pour d'autres politiques, et notamment pour le service civique.

Cédric Vial a évoqué non pas ses réserves, mais ses attentes par rapport à ce dispositif. En réalité, si on y consacrait les moyens nécessaires en termes de communication et d'ouverture de nouveaux services, notamment en reprenant la proposition de loi visant à renforcer le service civique votée à l'unanimité par cette assemblée, je vous assure que nous pourrions atteindre 200 000 jeunes - voire plus - insérés dans ce dispositif.

Tous s'accordent à dire qu'il s'agit d'une politique vertueuse, car elle est à la fois utile aux jeunes et aux collectivités ou associations qui bénéficient de ce renfort. La rémunération reste insuffisante, je le concède, mais le service civique ouvre le droit à la protection sociale.

Imaginée par un gouvernement de droite et soutenue par Martin Hirsch, cette politique avait permis d'atteindre 10 000 services civiques lorsque j'ai repris le dossier ; nous avons ensuite atteint un flux de 130 000 services civiques à la fin du quinquennat de François Hollande. S'il a été préservé par les gouvernements successifs, le dispositif n'a néanmoins plus été une priorité, et notamment pas pour Gabriel Attal, qui voulait absolument mettre en oeuvre l'engagement du président de la République consistant à faire basculer une génération entière vers le SNU.

Par ailleurs, le Fonjep, outil majeur, est maltraité, tout comme le compte d'engagement citoyen (CEC), dont le budget est amputé de 70 % alors qu'il s'agit d'un élément clé de reconnaissance des activités bénévoles.

En conclusion, mes chers collègues, j'espère que nous n'aurons pas à rétablir le service militaire obligatoire suspendu par Jacques Chirac en octobre 1997 pour des raisons extérieures à notre volonté.

M. Jean-Gérard Paumier. - Ce rapport me fournit l'occasion de rappeler que le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ne redistribue que 50 % du montant des anciennes réserves parlementaires, qui s'élevait à 148 millions d'euros, dont 90 millions d'euros pour l'Assemblée nationale et 58 millions d'euros pour le Sénat.

Dans mon département, nous n'avons ainsi distribué que 800 000 euros contre environ 1,4 million d'euros précédemment, avec un saupoudrage qui a bien moins d'effet de levier sur les projets aidés que la précédente réserve parlementaire.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis. - Les convergences sont nombreuses, notamment sur le SNU. Concernant le service civique, je tiens à rappeler que 536 millions d'euros sont alloués au paiement des indemnités des jeunes engagés, ainsi qu'à leur protection sociale et à l'aide aux organismes d'accueil.

Si le plan de relance avait porté la trésorerie de l'Agence du service civique à 327 millions d'euros en 2022 par une hausse très significative de sa dotation, cette trésorerie n'a pas été uniquement utilisée pour le service civique dans la mesure où l'État a procédé à des ponctions régulières dans le cadre de redéploiements budgétaires.

Mis en place par le président Nicolas Sarkozy, le service civique permet de répondre en partie aux difficultés que rencontrent les jeunes pour s'insérer sur le marché de l'emploi, en particulier dans le contexte économique que nous connaissons. Il s'agit en effet d'un outil très utile pour leur permettre de disposer de la première expérience qui leur fait souvent défaut.

Par ailleurs, je précise que je n'ai pas proposé, en tant que rapporteur, de redéployer les 100 millions d'euros dédiés au SNU vers le service civique : en cohérence avec l'amendement - que j'ai cosigné - proposé par le rapporteur précédent, Jean-Jacques Lozach, il est question de redéployer la moitié de ces crédits vers le programme « Sport ». Conscients de la nécessité de résorber le déficit public, nous proposons donc de ne réaffecter qu'une partie des crédits qui seraient dégagés par la suppression du SNU.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2025.

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