AVANT-PROPOS

Après une hausse continue depuis plusieurs années, les crédits de paiement du programme 175 seront stabilisés en 2025 sur le niveau historique atteint en 2024. Si la priorité ainsi donnée au patrimoine dans le contexte de maîtrise des finances publiques est saluée, cette préservation masque une décorrélation récurrente entre les crédits du programme et les besoins d'investissement nécessaires à sa préservation sur l'ensemble du territoire. La présentation annoncée d'un amendement gouvernemental portant abondement du programme est dès lors accueillie avec satisfaction, en dépit des difficultés posées par cette méthode au regard de l'exigence d'information du Parlement.

L'absence de marges de manoeuvre budgétaires a conduit au développement de nouveaux circuits de financement des patrimoines, notamment sous une forme partenariale et participative. La faible mobilisation suscitée par la collecte en faveur du patrimoine religieux appelle cependant à mieux calibrer les contours de ces opérations.

Le reste du programme étant marqué par un statu quo budgétaire, la rapporteure a souhaité mettre l'accent sur deux lignes budgétaires aux montants modestes mais aux effets cruciaux, et qui bénéficieront à la marge des mesures du plan « Culture et ruralité » : les crédits dédiés à l'ingénierie architecturale dans les secteurs protégés d'une part, et ceux destinés à l'enrichissement des collections muséales d'autre part. Sur les difficultés rencontrées par les opérateurs de l'archéologie préventive, l'absence de diagnostic partagé entre le ministère, l'Inrap et les collectivités territoriales appelle à une évaluation.

Enfin, en dépit de plusieurs évolutions encourageantes au cours des derniers mois, la transition énergétique du bâti patrimonial continue de constituer un impensé du budget de l'État.

I. UNE STABILISATION BUDGÉTAIRE EN TROMPE-L'oeIL

Avec des crédits de paiement (CP) atteignant 1,2 milliard d'euros (+ 0,61 % par rapport à la LFI pour 2024), le programme « Patrimoines » est stabilisé à son plus haut niveau budgétaire, et reste en 2025 le plus fortement doté des programmes relevant du ministère de la Culture.

Ses différentes actions connaissent cependant des évolutions contrastées. Surtout, ce programme est le seul à enregistrer une baisse de ses autorisations d'engagement (AE), qui plus est dans des proportions considérables (-23 %).

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI2024

PLF2025

Évolution

LFI2024

PLF2025

Évolution

1 - Monuments historiques

523,1

487,7

-7,3 %

507,7

492,8

-3,5 %

2 - Architecture et espaces protégés

37,8

37,9

+ 0,2 %

37,8

37,9

+ 0,2 %

3 - Musées

655,4

406

-38 %

431,1

441,9

+ 2,5 %

4 - Archives

82,3

29

-64,7 %

36,5

51

+ 39,8 %

8 - Enrichissement des collections

9,8

9,7

-0,7 %

9,8

9,7

-0,7 %

9 - Archéologie préventive

167,9

168

-

167,7

168

-

Cette apparente stabilisation des crédits appelle en conséquence plusieurs observations.

· Un niveau de crédits historique, qui ne permettra cependant pas de répondre aux immenses besoins d'investissement pour le patrimoine monumental

Dans le contexte de maîtrise des finances publiques, la stabilisation du budget des patrimoines est accueillie avec soulagement par les acteurs du secteur. Cette première approche doit cependant être nuancée :

- selon l'expression consacrée, la sauvegarde et l'entretien du patrimoine monumental se heurteront au cours des prochaines années à un « mur d'investissements » indispensables, dans un contexte de renchérissement des opérations. Face à cette situation, les crédits de paiement du programme ne sont pas à la hauteur des enjeux ;

- l'évolution tracée pour les prochaines années est plus défavorable encore, avec des crédits d'investissement en baisse de 341 millions d'euros.

· Une correction budgétaire bienvenue, au détriment de l'information du Parlement

Faisant part des mêmes inquiétudes, la ministre de la Culture a annoncé, lors de son audition devant la commission le 5 novembre, la présentation d'un amendement gouvernemental portant abondement du programme à hauteur de 200 millions d'euros en CP (soit une augmentation de 17 % par rapport au PLF) et de 300 millions d'euros en AE (soit une augmentation de 26 %).

Indiquant qu'aucun fléchage de ces crédits supplémentaires n'avait encore été décidé, la ministre a néanmoins annoncé qu'ils permettront « un effort supplémentaire de 55 millions d'euros pour les monuments historiques en région », auquel s'ajoutera « une enveloppe de 23 millions d'euros pour les musées dans les territoires ». Elle a également estimé qu'ils permettront « d'être à la hauteur de la situation » sur plusieurs grands projets, parmi lesquels les châteaux et domaines de Versailles, de Fontainebleau et de Chambord, le Mobilier national ainsi que le Palais de la Porte Dorée. Elle a enfin évoqué des financements supplémentaires pour les centres de conservation et d'études archéologiques (CCEA).

L'appréciation de la commission ne peut bien entendu porter que sur les crédits présentés dans le PLF ; il faut cependant souligner que l'importance de l'abondement annoncé conduira à une reconfiguration majeure du programme, bienvenue et même indispensable. Si la rapporteure se félicite de la priorité ainsi donnée aux patrimoines, elle regrette que l'annonce tardive de ces financements additionnels, qui résulte du contexte exceptionnel de préparation du PLF, ne permette pas au Parlement de se prononcer sur leur répartition.

La commission soutiendra l'adoption de l'amendement gouvernemental d'abondement de crédits et, le cas échéant, se montrera attentive à leur répartition au sein du programme.

II. L'AVENIR DU PATRIMOINE MONUMENTAL CONCENTRE LES INQUIÉTUDES

A. L'ENTRETIEN ET LA RESTAURATION DU PATRIMOINE PROTÉGÉ DANS L'IMPASSE BUDGÉTAIRE

Près d'un quart des 45 648 édifices protégés en tant que monuments historiques sont en mauvais état ; 5 % sont même en état de péril. La proportion d'édifices religieux menacés est plus importante encore, avec 4 000 monuments en danger parmi les 15 000 recensés. Face à cette situation, les crédits prévus au titre des actions 1 et 3, respectivement dédiées aux monuments historiques et aux musées et qui portent l'essentiel des besoins de réhabilitation, laissent la place à plusieurs motifs de préoccupation :

l'insuffisance des moyens financiers mobilisés, certes extrêmement importants à l'heure des choix budgétaires, face à l'immensité des besoins. Les hausses de crédits des dernières années ont en effet principalement permis d'accompagner l'inflation et d'agir sur la mise en sécurité des cathédrales, sans changer fondamentalement la donne ;

l'affectation préférentielle des crédits aux opérations de restauration, au détriment de leur indispensable entretien. 14 % seulement des crédits du PLF dédiés aux monuments historiques (hors grands projets) sont ainsi destinés à leur entretien. Le cas du Centre Pompidou, qui n'a fait l'objet d'aucune modernisation d'ampleur depuis son ouverture en 1977 et dont la remise aux normes mobilise une large part des crédits d'intervention du programme, est emblématique des difficultés qui ne manqueront pas de se présenter si cette voie continue d'être privilégiée ;

la baisse affichée des investissements programmés, que traduit la spectaculaire rétraction des AE du programme. La rapporteure relève que cette diminution touche l'ensemble des édifices. Alors que les opérations de réhabilitation et d'entretien du patrimoine monumental sont des chantiers d'ampleur qui s'inscrivent dans le temps long, il s'agit d'un signal très défavorable ;

la concentration des dépenses sur les grands projets. Certes, ces crédits ne représentent que 15 % de l'ensemble de ceux affectés aux monuments historiques ; pour autant, deux projets franciliens (l'extension du site des archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine et le schéma directeur technique du Centre Pompidou) absorbent l'essentiel des marges de manoeuvre budgétaires. Cette concentration se fait au détriment :

- d'autres grands projets emblématiques tels que le Palais de la Cité et les schémas directeurs des châteaux de Versailles, de Chambord et de Fontainebleau et du Palais de la Porte Dorée, auxquels le ministère de la Culture a été contraint de « revoir son soutien » ;

- des édifices situés dans les territoires, qui ne bénéficient que de 5 % des nouveaux crédits arbitrés, au titre de l'abbaye de Clairvaux et du château de Gallon (auxquels s'ajoute un financement d'urgence pour la consolidation de la tour Saint-Nicolas de La Rochelle) et des crédits affectés aux services déconcentrés.

Ces inquiétudes ne sont certes pas nouvelles. Le contexte budgétaire laisse cependant penser que les moyens resteront durablement en deçà des besoins et ne permettront pas d'engager une nouvelle dynamique au-delà des grands projets et des contraintes de sécurisation immédiates.

B. DE NOUVEAUX MODES DE FINANCEMENT POUR LE PATRIMOINE DES PETITES COLLECTIVITÉS

1. De faibles marges de manoeuvre sur les crédits déconcentrés

En dépit de l'objectif affiché depuis plusieurs années d'un soutien renforcé à la restauration du patrimoine des petites communes, qui concentrent la majorité des monuments historiques sans disposer des moyens suffisants pour en assurer la conservation, les crédits affectés aux services déconcentrés seront en recul en AE comme en CP (respectivement -13 M€ et -4 M€). En priorité destinés au patrimoine classé, ces crédits sont attribués par les Drac à des collectivités territoriales ou à des particuliers pour les travaux réalisés sur les monuments dont ils sont propriétaires ; ils peuvent également être utilisés pour soutenir des chantiers de bénévoles.

De fortes inquiétudes remontent en conséquence quant à la disponibilité de ces fonds dans les territoires. Il semble en effet que plusieurs Drac aient déjà épuisé leurs possibilités de soutien non seulement pour 2025, mais également pour 2026. Ces préoccupations sont exacerbées par le contexte de sortie du plan de relance, qui a généré un grand nombre de nouveaux projets dont seules les premières tranches ont pu être financées.

Ces préoccupations se doublent d'interrogations quant aux critères d'attribution des crédits disponibles. En ce qui concerne le taux de subvention retenu, le code de patrimoine n'impose pas de taux fixe, ce qui permet aux Drac de s'adapter aux spécificités des projets et des territoires. Cette souplesse a pour corollaire une certaine opacité dans la dévolution des crédits. La rapporteure a dès lors souhaité être éclairée quant au taux de subvention moyen des projets soutenus ainsi qu'aux critères présidant à leur choix. Dans le contexte de pénurie de moyens budgétaires, elle n'estime pas nécessaire de renforcer les conditions de dévolution de ces crédits, mais insiste sur la nécessité de renforcer leur transparence.

2. Le FIP, un outil vertueux aux moyens limités

Dans ce contexte de raréfaction des ressources déconcentrées, le fonds incitatif partenarial (FIP) permet depuis 2018 de renforcer le soutien aux petites communes à faibles moyens en relevant le taux de soutien par l'État des projets financés au niveau déconcentré, qui peut être porté jusqu'à 80 %, à la condition d'un financement régional de 15 % au minimum.

850 opérations ont été accompagnées par ce biais depuis 2018, dont les trois quarts ont bénéficié à des communes de moins de 2 000 habitants, en majorité pour des édifices religieux. Les demandes présentées au titre du FIP ont en outre connu une hausse de 30 % sur les trois dernières années, pour atteindre 21,7 M€ en 2022. Depuis la décision de la Normandie d'y participer en 2024, l'ensemble des régions sont associées à ce dispositif ; son succès est cependant moindre dans les outre-mer, en dépit d'un taux aménagé de participation minimale de la région à hauteur de 5 %. Le PLF propose pour 2025 une reconduction de ses crédits à hauteur de 20 M€, soit 6 % du budget des Drac dédié aux monuments historiques.

À l'heure de la mise en oeuvre du plan « Culture et ruralité », la rapporteure rappelle que le patrimoine monumental des petites communes constitue le premier vecteur d'accès à la culture pour nombre de nos concitoyens. Elle souligne en conséquence son attachement à cet outil partenarial vertueux, qui permet de renforcer par le dialogue le co-financement des projets à l'échelon territorial, et qui mériterait à l'avenir de recevoir une plus large part des crédits déconcentrés.

La commission salue la préservation des crédits dédiés au patrimoine monumental, mais s'inquiète de leur décorrélation récurrente avec les besoins d'intervention. Elle rappelle son attachement à la protection des monuments des petites communes, qui s'inscrit pleinement dans les ambitions du plan en faveur de la ruralité porté par la ministre.

3. La collecte nationale en faveur du patrimoine religieux très loin des résultats attendus

Plusieurs autres outils destinés à orienter des financements complémentaires vers le patrimoine des petites collectivités ont été mis en place au cours des dernières années sous une forme participative, via des appels publics à la générosité qui permettent de recueillir des moyens en même temps que d'accroître la visibilité des enjeux patrimoniaux. La mission Patrimoine en péril constitue à ce titre, au travers du Loto du patrimoine, un outil puissant et bien identifié par nos concitoyens. Cette opération se double depuis l'année dernière d'une collecte nationale visant à lever des dons pour financer la restauration et la conservation du patrimoine religieux.

Un premier anniversaire en demi-teinte pour la collecte
en faveur du patrimoine religieux

La collecte en faveur du patrimoine religieux a été mise en place par l'article 30 de la LFI pour 2024, qui a instauré, pour la période allant du 15 septembre 2023 au 31 décembre 2025, un taux exceptionnel de 75 % de réduction d'impôt sur le revenu des personnes physiques pour les dons en faveur de la conservation et de la restauration du patrimoine religieux immobilier.

Les dons effectués à ce titre doivent concerner, dans la limite de 1 000 euros annuels, des biens appartenant à des personnes publiques et situés dans des communes de moins de 10 000 habitants ; ils doivent être effectués au profit de la Fondation du patrimoine, ainsi désignée comme collecteur unique de l'opération. L'intérêt du dispositif réside dans le fait qu'il permet de financer l'entretien du patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, et qui ne bénéficie donc d'aucune subvention.

L'opération a été mise en oeuvre sous la forme d'une double collecte : une pluralité de collectes locales en faveur de projets précis, assortie d'une collecte nationale affectée au soutien de projets sélectionnés selon plusieurs critères - parmi lesquels, outre l'intérêt patrimonial et culturel des sites, la maturité du projet de conservation, la capacité d'autofinancement des porteurs de projet, le degré de protection des édifices (le patrimoine non protégé étant privilégié), la recherche d'un équilibre géographique et d'une représentation de l'ensemble des cultes, l'existence d'un projet d'ouverture du lieu et d'une diversification de ses usages.

La liste des cent édifices bénéficiaires, dévoilée le 25 avril 2024, tient effectivement compte de ces orientations : 61 % des édifices retenus ne font l'objet d'aucune protection au titre des MH, plus d'un sur trois se situent dans des communes de moins de 500 habitants et, si le culte catholique est de loin le plus représenté, quatre temples protestants ainsi que deux synagogues ont également été retenus. Ces cent projets représentent au total 57 millions d'euros de travaux, dont 13 millions de besoin de financement.

Un an après son lancement, les résultats de l'opération sont très en deçà des attentes : alors que 10 millions d'euros annuels de dons étaient attendus au titre de la collecte nationale, 2,9 millions d'euros seulement, émanant de 15 851 donateurs, avaient été recueillis au 24 septembre 2024. Les collectes locales ont bien mieux mobilisé les donateurs, avec, à la même date, 9 millions d'euros versés par 22 162 participants.

Deux enseignements peuvent être tirés de ces premiers résultats :

- l'absence de fléchage a priori des financements vers des projets précis ne permet pas de mobiliser efficacement les donateurs, qui préfèrent choisir les édifices auxquels ils apportent leur soutien financier. Le succès des souscriptions pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, ou pour les projets soutenus au titre de la mission Patrimoine en péril, en témoignent ;

- le choix d'un collecteur unique, s'il offre l'avantage de la simplicité opérationnelle et de la lisibilité, ne permet sans doute pas de toucher tous les citoyens qui pourraient se mobiliser.

La rapporteure estime en conséquence nécessaire d'élargir le socle des opérateurs de la collecte en faveur du patrimoine religieux au-delà de la seule Fondation du patrimoine, afin d'y intégrer d'autres fondations reconnues d'utilité publique.

4. Vers une nouvelle donne pour le financement du patrimoine religieux ?

Le financement du patrimoine religieux a récemment suscité des propositions audacieuses de la part de la ministre, qui a suggéré la mise en place d'un droit d'entrée pour la visite de la cathédrale Notre-Dame de Paris ; les fonds ainsi recueillis pourraient être en partie reversés au diocèse de Paris, le solde permettant de financer la restauration des édifices religieux de l'ensemble du territoire.

La rapporteure, qui n'a pas d'opposition de principe à cette mesure, souligne la nécessité de trouver une voie de passage entre la loi du 9 décembre 1905, dont l'article 17 qui dispose que « la visite des édifices [du culte] et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance », et l'article L.2124-31 du CG3P, qui y déroge en prévoyant que « lorsque la visite de parties d'édifices affectés au culte, notamment de celles où sont exposés des objets mobiliers classés ou inscrits, justifie des modalités particulières d'organisation (...) cet accès (...) donne lieu, le cas échéant, au versement d'une redevance domaniale dont le produit peut être partagé entre la collectivité propriétaire et l'affectataire ». Elle souligne que la nécessité d'organiser à l'avenir, pour des raisons de sécurité et de confort de visite, les flux de visiteurs qui seront probablement nombreux à visiter la cathédrale après sa réouverture au public le 8 décembre, peut être constitutive de ces « modalités particulières d'organisation ».

III. LES DISPOSITIFS D'INGÉNIERIE DANS LES ESPACES PROTÉGÉS : UN FINANCEMENT MODESTE POUR DES OUTILS PRÉCIEUX

Le Sénat s'est récemment penché de manière approfondie sur la protection du patrimoine architectural et paysager, qui fait l'objet de l'action n° 2 du programme, au travers de la mission d'information relative aux architectes des bâtiments de France (ABF), présidée par Marie-Pierre Monier et dont les conclusions du rapporteur Pierre-Jean Verzelen ont été adoptées à l'unanimité le 26 septembre dernier. Comme précédemment la mission d'information relative au patrimoine religieux en péril de 2022, ces conclusions ont identifié le déficit d'ingénierie des communes comme un frein à la sauvegarde du bâti patrimonial des espaces protégés au moins aussi important que la problématique de leur financement.

Cet enjeu est bien identifié au niveau ministériel : le plan « Culture et ruralité » annoncé par la ministre comporte ainsi plusieurs mesures relatives au soutien de l'ingénierie architecturale et patrimoniale en milieu rural. La première vise à inciter les jeunes architectes à l'installation en milieu rural par le développement de l'accueil d'étudiants en alternance dans les départements ruraux et la création dans les écoles d'une filière de spécialisation en ingénierie rurale. La deuxième tend à augmenter jusqu'à 80 % la part du cofinancement de l'assistance à maîtrise d'ouvrage des communes rurales pour les travaux sur monuments historiques. Une troisième consiste à développer les vacations des architectes-conseil de l'État dans les Drac au bénéfice des petites communes. Surtout, conformément aux recommandations du rapport d'information sénatorial sur les ABF, un renforcement des effectifs des UDAP est prévu dans les départements ruraux en tension, avec l'objectif d'y disposer d'au moins deux ABF.

Pour autant, les crédits mobilisés en faveur de l'ingénierie dans les territoires, reconduits au même niveau qu'en 2024, demeurent relativement modestes au regard des besoins et des retombées positives que ces dispositifs entraînent sur le terrain. Les crédits destinés aux périmètres délimités des abords (PDA) et aux conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) en témoignent :

- lorsque le PDA n'est pas mis en place dans le cadre de l'adoption ou de la modification d'un document d'urbanisme (PLU ou PLUi), le coût de l'enquête publique nécessaire est pris en charge par la Drac, qui finance des marchés publics d'études préalables externalisées à des bureaux d'études spécialisés. Alors que près de 42 000 sites patrimoniaux sont encore susceptibles d'être couverts par un PDA, environ 2,5 millions d'euros sont prévus à ce titre. Dans ce contexte, le ministère évalue actuellement la piste d'une externalisation complète de la procédure par le biais de marchés régionaux ; une expérimentation est conduite en ce sens en Nouvelle-Aquitaine, où un marché régional a été passé en septembre 2024 en vue de la création de près de 250 PDA ;

- en ce qui concerne les CAUE, si les crédits dédiés ont été réhaussés à 2,9 millions d'euros en 2023 (soit + 43 % par rapport à 2019), des inquiétudes existent quant à la pérennité de leur modèle de financement du fait de la réduction constatée (en raison du ralentissement des chantiers de construction) et programmée (du fait des objectifs législatifs de sobriété foncière) de la taxe d'aménagement, qui constitue leur première ressource. Le Sénat a régulièrement l'occasion de rappeler son attachement à ce dispositif extrêmement précieux pour le conseil et l'accompagnement des élus dans l'objectif de garantir la qualité architecturale, urbaine et paysagère, notamment dans les petites communes dépourvues de moyens d'ingénierie.

IV. UN STATU QUO SUR LES AUTRES MESURES DU PROGRAMME

A. L'ENRICHISSEMENT DES COLLECTIONS MUSÉALES EST PRINCIPALEMENT ASSURÉ PAR DES FINANCEMENTS NON BUDGÉTAIRES

Les crédits de l'action 8 relative aux acquisitions des collections publiques restent stables à près de 10 millions d'euros, soit un niveau inchangé depuis 2017 en dépit de l'envolée des prix sur le marché de l'art. S'y ajoutent les crédits d'acquisition des autres ministères ayant la tutelle sur des musées d'État ou en charge de collections patrimoniales (notamment les ministères de la Justice, des Armées et des Affaires étrangères), ainsi que les crédits d'acquisition des collectivités territoriales.

• Les besoins d'acquisition sont en conséquence principalement assurés par la mobilisation d'autres sources de financement. Alors que les 10 millions d'euros de l'action 8 concernent l'ensemble des musées, les 31 musées nationaux relevant du ministère de la culture qui ont enrichi leurs collections en 2023 ont au total mobilisé 111 millions d'euros. Ils ont recouru pour ce faire à :

- à titre principal, leurs ressources propres tirées de la billetterie (pour ceux d'entre eux qui ont le statut d'établissement public) ainsi qu'une part de la subvention annuelle versée par l'État, pour un montant total de 45 millions d'euros ;

- des mécanismes fiscaux : le mécénat de régime général pour les dons en numéraire ou en oeuvre d'art ainsi que la dation en paiement ont représenté 12,6 millions d'euros ; le mécénat d'entreprise, dédié à l'acquisition des trésors nationaux et des biens culturels d'intérêt patrimonial majeur, a quant à lui permis d'enregistrer 4,4 millions d'euros ;

- à titre résiduel, une part du fonds du patrimoine, réservé aux acquisitions d'oeuvres ayant une grande importance patrimoniale, à hauteur de 1,5 million d'euros ;

- les musées nationaux ont par ailleurs bénéficié, à hauteur de 34 millions d'euros, de libéralités, qui constituent ainsi la deuxième source d'enrichissement de leurs collections.

L'enrichissement des collections muséales est en conséquence principalement soutenu par des recettes non budgétaires, dont le montant est très variable d'une année sur l'autre ; le produit des dispositifs fiscaux dépend ainsi soit de la combinaison de la mobilisation de mécènes et d'opportunités du marché pour le mécénat, soit de la volonté de contribuables de payer leur dette fiscale en oeuvres avec une dation.

La rapporteure relève par ailleurs que l'annonce faite par la ministre par voie de presse de mettre en place des tarifs différenciés au sein des opérateurs recevant plus de 60 % de publics étrangers pourrait modifier les marges de manoeuvre des grands établissements muséaux français. Selon les précisions apportées par la ministre, devant la commission le 6 novembre dernier, cette mesure visera exclusivement les ressortissants de pays tiers à l'Union européenne ; ses recettes seront pour partie affectées au financement des établissements visités, et pourront être redistribuées « pour financer le patrimoine sur tout le territoire ». La commission se montrera attentive aux conditions de mise en oeuvre de cette mesure, notamment en ce qui concerne l'affectation des recettes dégagées.

• Près de 40 % des crédits de l'action 8 sont destinés à l'enrichissement des collections publiques n'appartenant pas à l'État. 1,8 million d'euros sont prévus au titre des acquisitions réalisées par les 25 fonds régionaux d'acquisitions des musées (FRAM) et les 5 fonds régionaux d'aide à la restauration (FRAR) ; 2,2 millions seront alloués au fonds du patrimoine pour les acquisitions des musées des collectivités territoriales ou régis par des associations ou des fondations.

Le plan Culture et ruralité comporte par ailleurs deux mesures relatives aux collections des 363 musées de France situés dans les territoires ruraux, dont la mise en oeuvre fera l'objet d'un suivi attentif par la commission : la création d'un catalogue national des oeuvres des musées ruraux, ainsi que le développement de partenariats avec les musées nationaux dans le but de permettre à chacun de nos concitoyens d'avoir accès près de chez eux à des oeuvres appartenant à la Nation.

B. UN DIAGNOSTIC NON PARTAGÉ SUR LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES OPÉRATEURS DE L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

Après une croissance de 10 millions d'euros en 2024, qui avait principalement bénéficié à l'Inrap, et une hausse atteignant 21 % depuis 2018, il est proposé de stabiliser les crédits de l'action 9 relative à l'archéologie préventive à hauteur de 168 millions d'euros en AE comme en CP. En dépit de cette préservation budgétaire, de fortes inquiétudes quant à leur capacité d'intervention sont exprimées par les opérateurs publics de l'archéologie préventive :

- l'Inrap a pointé la dégradation de sa situation financière, qui résulte notamment des mesures salariales en faveur des agents publics intervenues en 2023 et des annulations de crédits opérées en 2024 pour un montant de 3 millions d'euros. Une réduction de ses capacités opérationnelles pourrait en résulter au cours des prochaines années ;

- comme l'an passé, les services d'archéologie des collectivités territoriales soulignent que la réforme du barème des indemnités versées au titre de leurs interventions, intervenue en 2023, ne suffit pas à compenser la hausse des coûts d'intervention. Celle-ci résulte notamment de l'accroissement de la complexité technique des diagnostics du fait de la réorientation des opérations d'aménagement vers les zones urbaines et périurbaines (ce qui nécessite par exemple de procéder à une dépollution préalable des sols). Ils demandent un alignement des indemnisations versées par l'État sur le niveau de l'Inrap, ainsi qu'un montant minimal d'indemnisation de 10 000 euros pour toute opération réalisée.

Le ministère indique qu'aucune évolution budgétaire n'est envisagée pour ces opérateurs dans le contexte de maîtrise des finances publiques, y compris dans le cadre de l'amendement d'abondements de crédits annoncé. Il souligne que :

- la préservation des marges de manoeuvre de l'Inrap, dont l'activité est stratégique puisqu'il réalise 80 % des diagnostics sur l'ensemble du territoire, est une priorité. Dans la mesure où le niveau d'activité de l'opérateur ne peut être finement projeté à l'avance puisqu'il dépend d'un flux d'activité, la direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA) accordera une attention renforcée au niveau de prescription de diagnostics par les DRAC afin de s'assurer de leur soutenabilité ;

- les demandes des services des collectivités interviennent dans un contexte de recul du nombre de diagnostics réalisés, et alors qu'aucun bilan n'a encore pu être tiré de la récente modification de leur barème. Les situations des opérateurs ne peuvent par ailleurs être comparées dans la mesure où les 63 services de collectivités habilités peuvent choisir les opérations qu'ils réalisent, tandis que l'Inrap a l'obligation d'intervenir en dernier ressort, et donc de préserver un haut niveau de compétence pour l'ensemble des opérations. Le code du patrimoine n'impose par ailleurs pas à l'État de compensation intégrale des frais engagés par les collectivités pour la réalisation des diagnostics, son article L. 524-11 prévoyant seulement la possibilité d'une subvention de l'État.

La commission estime essentiel qu'un travail d'analyse approfondi des difficultés rencontrées par les opérateurs publics de l'archéologie préventive soit effectué par le ministère, sur la base des données d'activité et des coûts engagés.

V. LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DU BÂTI PATRIMONIAL, UNE THÉMATIQUE TOUJOURS IMPENSÉE DU BUDGET DES PATRIMOINES

Depuis l'alerte lancée par la commission dans son rapport pour avis sur les crédits des patrimoines pour 2023 et le rapport d'information sur le patrimoine et la transition écologique de juin 20231(*), la prise de conscience autour des effets délétères de l'application du diagnostic de performance énergétique (DPE) au bâti patrimonial ancien progresse. L'analyse de la commission a ainsi été largement reprise dans le rapport relatif aux ABF précité. Plusieurs signaux positifs ont en outre été donnés par le Gouvernement : tandis que le Premier ministre a annoncé son souhait d'assouplir le calendrier d'application du DPE, la ministre de la Culture a réitéré devant la commission l'annonce d'un outil adapté au bâti ancien dans les prochains mois. Surtout, plusieurs actions ont effectivement été mises en oeuvre au cours de l'année écoulée :

- la réforme de la formation des diagnostiqueurs a été achevée avec l'enrichissement du QCM de l'examen initial de sélection par des questions relatives au bâti ancien et d'intérêt patrimonial. L'examen d'accès à la profession est ainsi plus conforme à la réalité du terrain (un tiers des logements français ayant été construits avant 1948), mais aussi plus exigeant et donc plus sélectif ;

- le travail collaboratif amorcé entre les ministères de la Culture et de la Transition énergétique, avec l'appui technique du Cerema, pour la rédaction de guides techniques nationaux touche à sa fin : le guide destiné aux diagnostiqueurs sera publié avant la fin de l'année, tandis que le Guide de la réhabilitation énergétique du bâti ancien sera publié au début de l'année 2025.

Ces signaux positifs ne sont cependant pas corroborés par les échanges de la rapporteure avec les services du ministère de la transition écologique, qui estiment toujours que le fonctionnement du DPE retranscrit de façon satisfaisante les propriétés thermiques de l'ensemble des bâtiments. La rapporteure estime au contraire qu'un enrichissement de la bibliothèque des matériaux disponibles sur la plateforme utilisée par les diagnostiqueurs est indispensable pour que cet outil reflète véritablement la diversité des constructions. Alors que le DPE est devenu un élément déterminant du prix de l'immobilier, et même de l'obtention de financements dans un contexte de pénurie du crédit, il s'agit d'un enjeu de justice pour les propriétaires de bâti ancien, qui se trouvent lésés par la schématisation excessive des outils utilisés pour l'établissement du DPE.

La rapporteure estime que, si aucune solution ne pouvait être trouvée au cours des prochains mois, l'exemple de la Belgique, où il existe une filière de diagnostiqueurs spécialisés dans le bâti patrimonial et disposant d'un agrément spécifique, pourrait constituer une source d'inspiration.

Le PLF pour 2025 ne comporte par ailleurs aucune mesure d'aide spécifique à la rénovation énergétique du bâti patrimonial ancien qui permettrait de s'assurer que les travaux réalisés seront adaptés au bâtiment - la principale aide de l'État pour la rénovation énergétique, le dispositif Ma Prime Renov', étant même amputée d'une partie de ses crédits. Alors qu'une revue prochaine des aides dédiées à la rénovation énergétique du bâti ancien avait été annoncée par la DGPA comme par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) au cours des travaux conduits par la mission sur les ABF, il semble que les objectifs de maîtrise des finances publiques aient mis fin à cette ambition.

Dans ce contexte, la rapporteure souligne la nécessité d'ouvrir le dispositif « Malraux », qui constitue le principal outil fiscal permettant d'inciter à la restauration des immeubles des zones protégées, aux enjeux de la rénovation énergétique du bâti ancien.

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La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 13 novembre 2024, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines » du projet de loi de finances pour 2025.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen de l'avis préparé par Sabine Drexler sur les crédits consacrés aux patrimoines.

Mme Sabine Drexler, rapporteure pour avis sur les crédits des patrimoines. - Je me trouve dans une situation inédite pour vous présenter les crédits du programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture ». En effet, mon analyse porte sur un budget qui, nous le savons par avance, pourrait être largement remanié par l'amendement gouvernemental dont le dépôt nous a été annoncé en commission par la ministre, le 5 novembre dernier.

Cet amendement est loin d'être neutre. Il vise à abonder le programme à hauteur de 200 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE). S'il était adopté, le programme 175 ferait l'objet d'une reconfiguration majeure : les CP seraient réhaussés de 17 % ; les AE de 26 %.

Mais nous n'en sommes pas encore là ! J'en viens donc à la présentation du programme prévu dans le PLF initial.

Les crédits proposés pour les patrimoines offrent au moins un motif de satisfaction : après une hausse continue de plusieurs années, les crédits de paiement sont reconduits au niveau historique de 2024, à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Dans le contexte de maîtrise des finances publiques, cette préservation budgétaire témoigne d'une réelle attention portée aux patrimoines, dont je me félicite.

Ce premier sentiment positif doit cependant être tempéré par une analyse plus attentive du programme. Pour reprendre l'image éloquente employée par la ministre, il s'agit d'une stabilisation budgétaire en trompe-l'oeil, qui masque une décorrélation entre le niveau des crédits proposés et les besoins immenses d'investissement de notre patrimoine, notamment dans son versant monumental.

En effet, un quart des quelque 45 000 édifices protégés au titre des monuments historiques sont en mauvais état, et 5 % sont même en état de péril. La situation des édifices religieux est plus dégradée encore, ceux-ci étant souvent situés dans de petites communes à faibles ressources. Alors que le coût des chantiers a fortement augmenté, il en résulte un besoin de financement non seulement colossal, mais également urgent.

Devant ce constat, le budget initialement proposé pour notre patrimoine monumental m'inspire plusieurs motifs d'inquiétude.

Tout d'abord, je m'inquiète du manque de financements dévolus à l'entretien des édifices, qui ne mobilise que 14 % des crédits des monuments historiques. Cette situation perdure depuis de nombreuses années et a entraîné la formation d'un véritable cercle vicieux, la dégradation des édifices alimentant le mur d'investissements qui se trouve devant nous.

Ensuite, je m'interroge sur la baisse affichée des investissements programmés par le ministère : les autorisations d'engagement diminuent de 341 millions d'euros sur l'ensemble du programme.

Enfin, la concentration des dépenses sur les grands projets me préoccupe, car elle se fait au détriment des édifices des territoires. Seuls 5 % des nouveaux crédits arbitrés profitent à ces derniers, en particulier à l'abbaye de Clairvaux, au château de Gaillon et à la tour Saint-Nicolas de La Rochelle. Du fait du contexte budgétaire, cette concentration porte désormais également préjudice à d'autres grands projets. Je pense notamment aux schémas directeurs des château de Versailles, de Chambord et de Fontainebleau, ainsi qu'au Palais de la Porte Dorée.

En dépit de l'impératif de maîtrise des comptes publics, nous ne pourrons, me semble-t-il, accueillir l'amendement annoncé par la ministre qu'avec soulagement. Pour autant, j'observe que les crédits supplémentaires proposés au travers de cet amendement ne dégageront pas de fortes marges de manoeuvre pour mener de nouveaux projets : en AE, ils ne feront que compenser la baisse décidée dans la version initiale du PLF.

De plus, l'annonce tardive de ces financements additionnels empêche le Parlement de jouer pleinement son rôle, dans la mesure où nous ne pourrons pas nous prononcer avec un niveau d'information suffisant sur l'affectation de ces considérables crédits supplémentaires. Aussi devrons-nous nous montrer très attentifs à leur ventilation, notamment pour nous assurer que le patrimoine monumental des territoires en reçoive sa part.

Malgré ces remarques, l'adoption de cet amendement aura au moins le grand mérite de permettre à plusieurs grands chantiers, comme celui de Versailles, de se poursuivre sereinement pendant au moins un an encore. Pour des chantiers patrimoniaux qui s'inscrivent dans le temps long, il est crucial de pouvoir se projeter.

Permettez-moi à présent de me pencher plus précisément sur les crédits déconcentrés du patrimoine monumental, c'est-à-dire les crédits affectés aux directions régionales des affaires culturelles (Drac) en vue de leur distribution aux projets de réhabilitation qui maillent le territoire. Sans surprise, ces crédits seront en baisse, alors que, selon les remontées de terrains dont je dispose, certaines Drac ont déjà attribué la totalité de leur budget non seulement pour 2025, mais également pour 2026.

Dans ce climat budgétaire morose, les pouvoirs publics s'efforcent depuis 2018 de diversifier les financements destinés au patrimoine des petites collectivités, en s'appuyant principalement sur deux outils.

Tout d'abord, le fonds incitatif et partenarial (FIP) permet de relever le taux de soutien par l'État des projets financés à l'échelle territoriale, à condition que la région s'engage à hauteur d'au moins 15 %. Depuis cette année, l'ensemble des régions françaises y participent et 850 opérations ont été financées par cet outil, dont les trois quarts dans des communes de moins de 2 000 habitants.

À l'heure de la mise en oeuvre du plan Culture et ruralité, cet outil m'apparaît particulièrement intéressant pour soutenir le patrimoine des petites communes, dont je redis qu'il constitue le premier vecteur d'accès à la culture pour nombre de nos concitoyens. Alors que le FIP ne reçoit que 6 % des crédits des monuments historiques fléchés vers les Drac, et dans la mesure où les demandes ont pour la première fois cette année dépassé le montant de 20 millions d'euros inscrit dans le budget, il me semble que cet outil partenarial vertueux mériterait de recevoir une plus large part des crédits déconcentrés.

À côté de cela ont été développés des financements reposant sur un appel à la générosité publique. Ceux-ci accroissent à la fois les moyens du patrimoine et sa visibilité auprès du grand public. Les résultats obtenus grâce à ces outils sont contrastés : si le Loto du patrimoine permet à la mission Patrimoine en péril de recueillir 25 millions à 28 millions d'euros annuels, la collecte en faveur du patrimoine religieux, qui vient de fêter son premier anniversaire, enregistre en revanche des résultats très en-deçà des attentes.

Pour mémoire, cette collecte a été créée par l'article 30 de la loi de finances pour 2024 sous la forme d'un taux exceptionnel de 75 % de réduction d'impôt sur le revenu. Elle a été déployée par la Fondation du patrimoine, désignée par la loi comme collecteur unique de l'opération, et prend la forme d'une collecte nationale, assortie d'une pluralité de collectes locales en faveur de projets précis.

Le principal intérêt du dispositif est de financer le patrimoine religieux n'étant ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques. Ainsi, cent édifices représentant tous les cultes ont été sélectionnés pour bénéficier de la collecte nationale, dont un tiers se situent dans des communes de moins de 500 habitants.

Alors que 10 millions d'euros annuels de dons étaient attendus, 2,9 millions d'euros seulement ont à ce jour été recueillis auprès de 15 000 participants par la collecte nationale. Les collectes locales ont davantage mobilisé les donateurs, 9 millions d'euros ayant été versés par plus de 22 000 participants.

Deux enseignements peuvent être tirés de ces premiers résultats. En premier lieu, nos concitoyens souhaitent pouvoir choisir les projets auxquels ils apportent leur soutien financier. En second lieu, si le choix d'un collecteur unique avait l'avantage de la simplicité opérationnelle et de la lisibilité, il n'a sans doute pas permis de toucher tous nos concitoyens susceptibles de se mobiliser.

Je présenterai donc un amendement visant à élargir le socle des opérateurs de la collecte en faveur du patrimoine religieux au-delà de la seule Fondation du patrimoine, afin d'y intégrer d'autres fondations reconnues d'utilité publique. J'invite chacun d'entre vous qui partage mon analyse à le cosigner.

La ministre a laissé entendre devant notre commission que le patrimoine religieux pourrait prochainement bénéficier de nouvelles sources de financement, grâce à l'instauration d'un droit d'entrée pour visiter la cathédrale Notre-Dame de Paris. Je comprends les critiques qui s'élèvent contre cette proposition inédite dans notre pays, mais elle pourrait se révéler nécessaire pour gérer l'afflux certainement très important de visiteurs lors de la réouverture au public, ne serait-ce que pour assurer la sécurité et le confort de visite. Un tel système aura un coût certain, qu'il sera de toute façon nécessaire de financer.

J'en viens à présent aux crédits affectés aux dispositifs d'ingénierie dans les espaces patrimoniaux protégés, c'est-à-dire aux travaux et aux études qui permettent le déploiement des sites patrimoniaux remarquables (SPR) et des périmètres délimités des abords (PDA), mais également le fonctionnement de certains labels comme les villes et pays d'art et d'histoire.

La faiblesse de cette ligne budgétaire - 10 millions d'euros - contraste avec les effets très positifs de ces outils sur la protection du patrimoine, ainsi que sur la qualité des relations entre les élus locaux et les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap), comme nous l'avons vu au cours de la mission d'information sur le périmètre d'intervention et les compétences des architectes des bâtiments de France (ABF), présidée par Marie-Pierre Monier.

Le plan Culture et ruralité comporte d'ailleurs quatre mesures destinées à renforcer l'ingénierie dans les territoires ruraux, parmi lesquelles l'emblématique annonce de disposer d'au moins deux ABF dans tous les départements de la ruralité. Toutefois, aucun horizon ni temporel ni budgétaire ne nous a été précisé. Sont également annoncées la création d'une filière de spécialisation en ingénierie rurale, l'augmentation du cofinancement par l'État de l'assistance à maîtrise d'ouvrage et une augmentation des vacations des architectes-conseils de l'État dans les Drac, au bénéfice des petites communes.

Je dois dire que la traduction de ces annonces dans le budget des patrimoines n'est pas évidente, puisque les crédits relatifs à l'ingénierie sont reconduits à leur niveau de 2024. Je relève en particulier que seulement 2,5 millions d'euros sont prévus au titre des études préalable à la mise en place des PDA, alors que la mission d'information sur les ABF les a identifiés comme un outil majeur de la protection patrimoniale. J'ai d'ailleurs appris, au fil des auditions que j'ai menées, que le ministère projetait d'externaliser complètement ces études préalables auprès de bureaux spécialisés afin de décharger les Udap de ces tâches très chronophages. Pour ce faire, des marchés publics seraient passés à l'échelle régionale.

Je note également que 2,9 millions d'euros sont prévus pour financer les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), dont le modèle économique pourrait être menacé par le ralentissement de la taxe d'aménagement dans les années à venir.

Le statu quo prévaut sur les autres actions du programme.

Les crédits relatifs aux acquisitions des collections publiques restent ainsi stables à près de 10 millions d'euros, soit un niveau inchangé depuis 2017, en dépit de l'envolée des prix sur le marché de l'art. Cette ligne budgétaire pèse bien peu dans les acquisitions des grands musées nationaux, qui sont soumis à la concurrence de leurs homologues internationaux. En effet, pour enrichir leurs collections, les trente-et-un musées nationaux ont déboursé 111 millions d'euros en 2023, soit onze fois plus que le montant budgété. Pour cela, ils ont mobilisé d'autres sources de financement, au premier rang desquelles les libéralités et les dispositifs fiscaux incitant au mécénat.

Par ailleurs, 40 % de ces 10 millions sont destinés à l'enrichissement des collections publiques n'appartenant pas à l'État, parmi lesquels 1,8 million d'euros sont affectés aux fonds régionaux d'acquisition des musées et 2,2 millions d'euros aux acquisitions des musées des collectivités territoriales. Si les marges de manoeuvre sont bien minces, la piste d'une tarification différenciée pour les visiteurs extra-communautaires des grands musées pourrait changer la donne.

Les opérateurs publics de l'archéologie préventive font l'objet d'un même statu quo, y compris en ce qui concerne les revendications des services des collectivités territoriales. Ces derniers estiment que la réforme de 2023 du barème des indemnités versées au titre de leurs interventions ne suffit pas à compenser la hausse des coûts d'intervention résultant de la complexité technique croissante des diagnostics, ceux-ci étant de plus en plus souvent réalisés en zone urbaine. En conséquence, ils demandent que les indemnisations versées par l'État soient alignées sur le niveau de celles qui sont versées aux agents de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), ainsi qu'un montant minimal d'indemnisation de 10 000 euros pour toute opération réalisée.

Quant à l'Inrap, il alerte sur le fait que la dégradation de sa situation financière à cause des mesures salariales intervenues en 2023 et des annulations de crédits de 2024 pourrait entraîner une réduction de ses capacités opérationnelles.

Le ministère ne partage pas la même analyse. Mettant en avant la tendance à la réduction des diagnostics effectués par les services des collectivités territoriales, il estime que leur situation ne peut être comparée à celle de l'Inrap, qui a l'obligation d'intervenir en dernier ressort sur tout le territoire. Il indique par ailleurs qu'il se montrera attentif à ce que le niveau de prescription émanant des Drac ne conduise pas à mettre l'Inrap en difficulté.

Il m'est difficile de me forger une opinion sur la question dans le cadre de ce simple avis budgétaire. Compte tenu de l'importance du sujet pour tout l'écosystème d'aménagement de notre pays, j'appelle le ministère à engager un travail d'analyse approfondi au cours duquel il pourra dresser un bilan de la réforme du barème intervenue l'année dernière.

Sans surprise, j'en terminerai avec ce qui constitue, comme vous le savez, mon centre d'intérêt majeur en même temps qu'un immense impensé de ce budget des patrimoines : la rénovation énergétique du bâti patrimonial.

En effet, le PLF pour 2025 ne comporte aucune mesure d'aide spécifique à la rénovation énergétique du bâti patrimonial ancien. Par ailleurs, alors qu'une revue prochaine des aides dédiées à la rénovation énergétique du bâti ancien avait été annoncée au cours des travaux conduits par la mission d'information sur les ABF, il semble que les objectifs de maîtrise des finances publiques aient mis fin à cette ambition.

Pour ma part, j'estime indispensable d'accorder à cette thématique une place au sein de ce programme, ne serait-ce que pour s'assurer que les travaux de rénovation énergétique réalisés ne sont pas délétères pour le bâti ancien, et donc plus coûteux pour la collectivité au bout du compte. Je proposerai un amendement visant à intégrer les enjeux de la rénovation énergétique dans le dispositif Malraux, et j'invite tous ceux d'entre vous qui partagent cette préoccupation à le cosigner.

Mes auditions m'ont également permis de faire le point sur les travaux de mise en adéquation du diagnostic de performance énergétique (DPE) avec les spécificités des bâtiments anciens. Je suis heureuse de vous faire part de deux avancées majeures : l'ajout au QCM de sélection des diagnostiqueurs de questions portant sur le bâti ancien, qui a opportunément rendu cet examen plus sélectif ; l'achèvement de la rédaction de guides nationaux, qui devraient être disponibles dans les prochains mois. Le ministère de la culture est par ailleurs très mobilisé pour enrichir la bibliothèque des matériaux disponibles sur la plateforme de diagnostic.

Malheureusement, mon enthousiasme a été tempéré - et le mot est faible - par mes échanges avec les services du ministère de la transition écologique. Si les choses ne progressent pas davantage au cours des prochains mois, il me semble que nous pourrions envisager de nous inspirer du modèle belge, où il existe une filière de diagnostiqueurs spécialisés dans le bâti patrimonial disposant d'un agrément spécifique. Il s'agit le plus souvent d'architectes ou d'ingénieurs à haut niveau de formation, auxquels les propriétaires peuvent choisir de recourir - pour des tarifs, bien entendu, plus élevés. Sans être idéale, cette solution aurait au moins le mérite d'offrir une solution aux propriétaires de bâtiments anciens, qui se trouvent lésés par le système actuel.

Telles sont les observations dont je souhaitais vous faire part. Sur le patrimoine, les crédits ne sont jamais à la hauteur des besoins. Toutefois, comme la plupart des personnes que j'ai auditionnées, j'ai été soulagée de la préservation initiale des crédits, et plus rassurée encore par l'annonce de l'amendement gouvernemental, dont l'adoption permettra de poursuivre plusieurs grands chantiers engagés.

Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 175. Si l'essentiel devrait être préservé en 2025, il faudra être vigilant quant aux mesures affectant nos territoires. À l'heure du resserrement budgétaire, les compétences non obligatoires des collectivités territoriales, dont fait partie le patrimoine, seront les premières à être sacrifiées.

Mme Marie-Pierre Monier. - Je vous remercie de tout le travail que vous réalisez sur le patrimoine, en général, et, en particulier, sur cette question des DPE et du bâti ancien.

Les échanges avec le ministère de la transition écologique ont en effet été très décevants et inquiétants. Nous ressentons une volonté de bouger, mais celle-ci ne se traduit ni dans le PLF ni dans les propos qui nous sont tenus. Il convient donc de se mobiliser à l'échelle de la commission. Globalement je partage l'ensemble de vos analyses.

Dans un contexte marqué par une restriction des dépenses publiques, le programme 175 n'échappe pas à une logique austéritaire. Cette année, nous examinons le budget dans des conditions particulières. Des bleus budgétaires nous ont été soumis, mais on ne cesse de nous annoncer des évolutions de crédits, à la hausse ou à la baisse. Il est très difficile de travailler dans ces conditions.

Les CP de ce programme stagnent ; ils baissent même légèrement en euros constants, tandis que les AE subissent une baisse significative de 23,6 % par rapport à 2024. Rappelons que ce programme avait subi en février dernier une coupe budgétaire de 99,5 millions d'euros sur les crédits initialement programmés pour 2024.

Cette évolution budgétaire défavorable s'inscrit dans un contexte où la hausse des prix de l'énergie continue d'affecter le secteur du patrimoine et où les coupes budgétaires programmées sur les budgets des collectivités territoriales risquent d'avoir des répercussions en cascade sur la revalorisation et la sauvegarde du patrimoine.

Certes, la ministre nous a annoncé lors de son audition avoir préparé un amendement pour rehausser les crédits du programme de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement et 200 millions en crédit de paiement. Il s'agit d'une bouffée d'air bienvenue, mais aussi d'un aveu de reconnaissance de la très grande fragilité du budget consacré à notre patrimoine. Nous manquons de visibilité sur la manière dont ces crédits seront fléchés, mais 55 millions d'euros devraient être destinés aux monuments historiques en région, 23 millions d'euros pour les musées dans les territoires et 8 millions d'euros pour les musées en ruralité. Nous devons porter une attention particulière à la vitalité culturelle de nos territoires.

L'action n° 1 « Monuments historiques et patrimoine monumental » accuse une baisse de crédits de 7,33 % en AE et de 3,53 % en CP. Quelque 394 millions d'euros sont mobilisés en CP pour financer l'entretien et la restauration des monuments historiques, en baisse par rapport à 2024, ce qui est inquiétant.

Les crédits de l'action n° 2 « Architecture et sites patrimoniaux » sont en stagnation à 0,7 %, ce qui constitue une baisse en euros constants.

Je me réjouis que vous ayez appelé notre attention sur une disposition de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, que nous avons votée : la création des sites patrimoniaux remarquables. Cela a permis une simplification importante, dans la mesure où nous avons supprimé les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (Avap). Encore faut-il que les communes aient les moyens de les mettre en place. Or le budget pour 2025 ne prévoit pas de crédits supplémentaires par rapport aux 9,9 millions d'euros, ce qui empêche une montée en puissance du dispositif.

Par ailleurs, les travaux que j'ai menés avec Pierre-Jean Verzelen ont montré que les architectes des bâtiments de France sont en sous-effectifs au regard des dossiers qu'ils doivent traiter. Je vous rappelle que le nombre d'avis rendus par ces derniers entre 2013 et 2023 a augmenté de 63 %, ce qui engendre une surcharge de travail au détriment de leur mission de conseil et d'accompagnement des élus. C'est pourquoi je proposerai un amendement visant à recruter un ABF supplémentaire par département.

L'action n° 3 « Patrimoine des musées de France » fait l'objet d'une forte baisse en AE et d'un léger mieux en CP. Les subventions aux musée nationaux augmentent de manière modique, alors que leur fréquentation a augmenté.

La trajectoire de l'action n° 4 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » est quant à elle inquiétante : les crédits sont inchangés après des années de stagnation, dans un contexte d'inflation du marché de l'art et de forte concurrence internationale.

Enfin, j'ai été contactée par l'Inrap au sujet des crédits de l'action n° 9 « Patrimoine archéologique », qui déplore l'insuffisance du niveau de subventions pour charges de service pour réaliser les diagnostics archéologiques préventifs. En découle un allongement potentiellement conflictuel des durées d'aménagement, qui poserait des difficultés aux élus locaux.

Compte tenu de ces remarques, nous nous abstiendrons sur ce programme.

Mme Else Joseph. - Madame la rapporteure, je vous remercie de ces éléments argumentés, équilibrés et tempérés. Comme cela a été dit, nous examinons ces crédits dans un contexte très compliqué, dans lequel nous ne disposons d'aucune marge de manoeuvre.

Lors d'examen de l'avis budgétaire sur le même programme il y a un an, nous avions souligné la nécessité d'appuyer les communes, qui sont livrées à elles-mêmes en ce qui concerne le patrimoine non protégé et font face à des problèmes d'ingénierie. Pourtant, je constate qu'aucun effort n'est fourni à cet égard, dans un contexte budgétaire contraint, ce qui risque d'avoir des conséquences dramatiques pour les collectivités locales.

Ces dernières années, les membres de cette commission n'ont cessé d'appeler au renforcement de l'action des collectivités territoriales en matière de rénovation et de protection du patrimoine. Ce volet mérite d'être renforcé.

Comment aider les communes à agir dans le domaine du patrimoine ? Comment préserver leur marge d'action ?

Enfin, je partage les inquiétudes exprimées, en particulier en ce qui concerne l'acquisition des collections muséales et la collecte lancée l'an dernier par le Président de la République auprès des particuliers pour restaurer les milliers d'édifices religieux en péril.

Nous suivrons l'avis de notre rapporteure sur ces crédits.

M. Pierre Ouzoulias. - Je vous remercie du travail très pointu que vous avez réalisé, dont émerge une stratégie qui est complètement absente de l'ambition ministérielle.

Comme vous le dites très justement, nous ne savons pas ce qu'il advient du plan pour la ruralité, pourtant très intéressant. Est-il abandonné ? Est-il remis à plus tard ? Les 200 millions de crédits de paiement supplémentaires y seront-ils consacrés ? Nous l'ignorons.

Il faut obliger le ministère de la culture à réfléchir à une question fondamentale que nous nous sommes posée, Anne Ventalon et moi-même, en réalisant le rapport d'information intitulé Patrimoine religieux en péril : la messe n'est pas dite. Les services déconcentrés de l'État sont-ils encore en mesure d'assurer l'aide à la maîtrise d'ouvrage et l'ingénierie dont ont besoin les collectivités ? Les services du ministère nous ont répondu par la négative à plusieurs reprises. Nous devons en prendre acte et trouver des solutions. Nous avions par exemple proposé de passer par les CAUE. Nous devons mettre le ministère face à ses engagements et le pousser à réfléchir à une nouvelle organisation.

Le fait que les services déconcentrés s'occupent exclusivement du patrimoine classé ne me pose pas de problème, mais des structures doivent prendre en charge le reste du patrimoine. Il s'agissait de la vocation initiale de la Fondation du patrimoine. Celle-ci devait être bâtie sur le modèle des trusts britanniques, mais elle n'a jamais disposé de ressources comparables.

Au sujet de l'instauration d'un droit d'entrée pour visiter Notre-Dame de Paris, je voudrais revenir sur les propos de la ministre, qui a, à plusieurs reprises, cité l'exemple du patrimoine religieux italien. Celui-ci représente 100 000 édifices, dont la visite est payante pour seulement 75 d'entre eux, et encore, elle n'est payante que dans le cas d'une visite particulière dans les deux tiers des cas. Il ne s'agit pas d'un contre-exemple à la situation française. J'ai compris que la ministre compte profiter de la réouverture de Notre-Dame de Paris, qui va bien entendu attirer un grand nombre de personnes, pour permettre au Centre des monuments nationaux d'augmenter son circuit de visites. L'épiscopat s'y opposant, nous devrions refermer le dossier.

Je ne peux pas m'empêcher de me demander si cette manoeuvre ne vise pas en réalité à combler le manque de recettes lié à la baisse de fréquentation du Mont-Saint-Michel, mais surtout au coût de la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts, qui représente une charge supplémentaire non compensée pour le Centre des monuments nationaux, comme nous l'avons souligné à plusieurs reprises.

Par ailleurs, une ambiguïté existe dans la législation française entre un article de la loi de 1905, qui interdit toute visite privée d'un monument classé, et un autre du code général de la propriété des personnes publiques, qui permet de telles visites. Un travail législatif doit être mené pour redonner de la cohérence à une stratigraphie législative, qui en est actuellement dépourvue.

Enfin, l'archéologie préventive fait les frais des mesures gouvernementales sur la non artificialisation des sols. Si les élus ne peuvent plus construire sur des terrains qui se trouvent en dehors des centres urbains médiévaux et antiques, ils sont obligés de concentrer les travaux sur les centres-villes, où le patrimoine archéologique est bien plus important. Il s'agit d'une charge supplémentaire en matière de diagnostic et de fouilles. Le ministère de la culture devra envisager une autre configuration de l'Inrap pour s'adapter à la réalité de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, l'Inrap a longtemps compté sur les grands programmes autoroutiers pour conforter sa masse financière. Or ceux-ci ont presque tous disparu.

Comme souvent au sein de cette commission, nous constatons un manque de réflexion de la part du ministère de la culture sur l'évolution de ses missions.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur l'adoption des crédits de ce programme, malgré l'excellent travail de Mme la rapporteure, que je remercie de sa volonté de dessiner une politique et un horizon au nom de la commission de la culture.

Mme Sonia de La Provôté. - Je vous remercie également de votre excellent rapport, qui dresse un état des lieux très complet à la fois du budget du patrimoine et de la politique du ministère en matière de patrimoine.

J'insisterai sur ce que vous avez appelé la stabilisation budgétaire en trompe-l'oeil, du fait de la décorrélation entre les crédits et les besoins qui vont croissant dans les territoires. Cette situation découle de plusieurs exercices budgétaires durant lesquels l'entretien a été quelque peu négligé. Or l'entretien est une forme de prévention, qui limite in fine les dépenses des communes.

Par ailleurs, les Drac, faute de temps pour se déplacer au chevet du patrimoine de toutes les communes auxquelles elles sont affectées, ne sont pas en mesure de piloter l'entretien des édifices dans le temps. Aussi les interventions sont-elles bien souvent réalisées dans l'urgence, moyennant des sommes colossales que les communes pourront de moins en moins assumer.

Nous demandons depuis des années d'inventorier le bâti patrimonial, classé ou non. La ministre a de nouveau souligné cette nécessité. Faute de bien connaître notre patrimoine, nous ne sommes pas en mesure de prévenir les problèmes.

Pour répondre à l'immensité des besoins dans les territoires, le seul fonds à la main des collectivités est le FIP, mais celui-ci, comme l'entretien, est réduit à la portion congrue dans ce budget. Pourtant, ce fonds constitue peut-être la meilleure porte d'entrée pour entretenir le patrimoine non classé.

Tout cela renforce le sentiment d'une centralisation des crédits de l'État autour des grands monuments - auxquels la rallonge budgétaire devrait d'ailleurs être consacrée -, qui irrigue de moins en moins le patrimoine à mesure que l'on s'éloigne des grands centres urbains. Nous devons alimenter ce FIP pour qu'il joue au moins son rôle d'orientation ministérielle.

Enfin, l'action n° 2 « Architecture et sites patrimoniaux » est fort peu valorisée, alors qu'elle est un outil de préservation du patrimoine dans les territoires dont le ministère devrait s'emparer pour développer une réelle stratégie patrimoniale.

Nous ne pouvons que soutenir ce rapport budgétaire ; il met en exergue la nécessité de porter une réelle vision sur le patrimoine, qui est notre marque de fabrique, notre histoire et probablement notre avenir.

Mme Monique de Marco. - Je remercie moi aussi Mme la rapporteure de son excellent travail.

Dans ce contexte d'austérité budgétaire, la rallonge annoncée par la ministre est certes bienvenue, mais je ne pense pas qu'elle nous permette de faire face au mur d'investissement qui se trouve devant nous.

J'ai écouté avec attention les analyses et l'état des lieux dressés sur ce programme, qui m'a semblé plutôt critique, à tel point que j'ai presque été surprise de vous entendre émettre un avis positif.

Pour notre part, nous nous abstiendrons sur l'adoption de ces crédits.

Mme Béatrice Gosselin. - À mon tour de vous remercier de cet excellent rapport, très précis.

J'abonderai dans le sens de Sonia de La Provôté, les lignes budgétaires du programme 175 me semblent insuffisamment définies, ce qui fait craindre aux professionnels du patrimoine une politique générale et centralisée, laissant de côté les édifices disséminés partout sur le territoire. Je le signale bien que ces aides ne figurent pas dans le programme, ces derniers s'inquiètent également des aides relatives à l'apprentissage, qui ne sont plus à la hauteur.

En outre, nous savons qu'un euro investi pour préserver le patrimoine engendre 21 euros de recettes touristiques.

Je partage les inquiétudes de notre rapporteure ; nous devrons nous montrer vigilants.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Lors du salon du patrimoine, nous avons été interpellés par le Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques, inquiet du niveau de financement des travaux patrimoniaux et des conséquences négatives qui pourraient en découler pour l'emploi et le travail des entreprises. Pouvez-vous nous rassurer à cet égard, madame la rapporteure ?

Mme Sabine Drexler, rapporteure pour avis. - Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à ces questions.

Marie-Pierre Monier, je suis d'accord avec vos remarques sur ces questions que vous connaissez bien, notamment en ce qui concerne l'ingénierie. Les chiffres que vous avez retenus sont les bons. Les crédits à destination des collectivités méritent d'être renforcés, car ces dernières ne sont plus en mesure d'assumer le coût des travaux de rénovation. Même les travaux de sécurisation et d'entretien minimaux sont difficiles à assurer.

Pierre Ouzoulias, le « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui est l'une des conséquences de la loi du 22 août 2021 dite Climat et Résilience, bouleverse en effet les opérations d'archéologie préventive, et je crois comme vous qu'il est à présent temps de réaliser un travail de fond sur les missions d'archéologie préventive.

Par ailleurs, vous déplorez l'absence de vision à long terme sur le patrimoine et vous interrogez sur la destination des crédits supplémentaires et sur le déficit d'ingénierie, en particulier sur le patrimoine non classé - Sonia de La Provôté a également soulevé ce problème. Le plan Culture et ruralité comportait quelques propositions à cet égard, notamment celle d'affecter des architectes dans les Drac rurales pour leur simplifier la tâche.

L'idée d'instaurer une entrée payant pour visiter Notre-Dame de Paris met au jour les problèmes criants que rencontrent d'autres monuments nationaux, comme le Mont-Saint-Michel. Pour l'instant, cette éventualité ne concerne pas d'autre monument.

M. Pierre Ouzoulias. - Cela viendra !

Mme Sabine Drexler, rapporteure pour avis. - Nous devrons nous montrer vigilants.

Sonia de La Provôté, vous insistez sur la nécessité d'entretenir le patrimoine pour éviter des interventions plus coûteuses par la suite, ainsi que sur l'importance d'inventorier le patrimoine non protégé. Ce dernier est particulièrement fragile, car nous ne le connaissons pas. Ses propriétaires ne sont pas toujours informés des travaux à réaliser. Nous devons absolument réfléchir à ces sujets au sein de la commission et les faire avancer.

Monique de Marco, il est clair que les crédits ne permettront pas de faire face au mur d'investissement.

Béatrice Gosselin, je partage votre préoccupation sur l'apprentissage. Des gestes si précieux pour la préservation du patrimoine sont en train de disparaître avec les métiers qui les cultivent. Même dans les territoires qui peuvent engager des moyens importants, les artisans ont du mal à répondre à la demande. Il convient de redonner leurs lettres de noblesses aux métiers du patrimoine. Ils le méritent, comme nous avons eu l'occasion de le constater lors du salon du patrimoine.

Else Joseph, les petites communes sont en effet prises à la gorge. C'est désolant, mais elles ne sont même plus en mesure de réaliser des travaux strictement nécessaires sur leur église.

Pour conclure, nous avons dressé un bilan amené à évoluer en fonction de l'adoption de l'amendement gouvernemental, qui rebattra les cartes. Nous devons être attentifs à l'affectation des crédits et tout faire pour que ces derniers soient fléchés sur les points de faiblesse que nous avons identifiés, en particulier le patrimoine des territoires et l'ingénierie. Nous devons nous montrer imaginatifs et soutenir de nouveaux moyens de financement, voire participer à leur élaboration.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines » au sein de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2025.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 22 octobre 2024

- Table ronde des associations du patrimoine G8 :

Mme Alexandra PROUST, juriste de la Demeure Historique, et MM. Julien LACAZE, président de Sites et Monuments, Gilles ALGLAVE, président de Maisons paysannes de France, Benoît de SAGAZAN, président-délégué de Patrimoine-Environnement, Olivier LENOIR, délégué général de Rempart, et Frédéric DIDIER, vice-président de Vieilles maisons françaises (VMF).

- Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) : MM. Dominique GARCIA, président, et Daniel GUERIN, directeur général délégué.

Mercredi 23 octobre 2024

- Fondation du patrimoine : M. Alexandre GIUGLARIS, directeur général, et Mme Julie JAMES, responsable de programmes et de partenariats.

- Sites et Cités remarquables de France : MM. Martin MALVY, président, et Jacky CRUCHON, consultant urbanisme et patrimoine, expert auprès de Sites & Cités remarquables, et Mme Marylise ORTIZ, directrice.

Lundi 28 octobre 2024

- Association nationale pour l'archéologie des collectivités territoriales (Anact) : M. Sébastien ZIEGLER, président.

- Assemblée des départements de France (ADF) : Mme Véronique VEAU, vice-présidente du département de Seine-et-Marne.

- Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) : M. Andrés LITVAK, chef de groupe, coordinateur du CREBA (Centre de ressources pour la réhabilitation du bâti ancien), et Mme Elodie HÉBERLÉ, responsable technique du CREBA.

Lundi 4 novembre 2024

- Observatoire du patrimoine religieux : MM. Maxime CUMUNEL, 1er vice-président, et Christian VIENNOT, vice-président.

- Ministère de la transition écologique - Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature : M. Antoine CARON, sous-directeur du développement durable et de la qualité de la construction (DHUP/QC), Mme Maeline FERET, cheffe du bureau de la performance énergétique des bâtiments, DHUP/QC, et M. Pierre HRYCJ-WATREMEZ, adjoint à la cheffe du bureau de la performance énergétique des bâtiments, DHUP/QC.

- Ministère de la culture - direction générale des patrimoines : M. Jean-François HÉBERT, directeur général, et Mme Sonia BAYADA, sous-directrice des affaires financières et générales.

ANNEXE

Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la culture

MARDI 5 NOVEMBRE 2024

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M. Laurent Lafon, président. - Nous accueillons Mme Rachida Dati, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire de l'automne. Je dis traditionnelle, mais peut-être ne devrais-je pas, car il s'agit pour vous d'une première à ce ministère, dans la mesure où vous avez été nommée le 11 janvier dernier. Madame la ministre, votre vaste domaine de compétences recouvre un champ allant du patrimoine aux jeux vidéo, en passant par le spectacle vivant et le cinéma. Chacun de ces secteurs exprime des attentes fortes, et de nombreux défis d'ampleur sont à relever.

Les crédits de votre ministère s'élèvent à 4,7 milliards d'euros, soit environ 6 % des dépenses du budget général. En y adjoignant les crédits liés à l'audiovisuel public et aux grands opérateurs comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), près de 10 milliards d'euros sont consacrés à la culture sous ses différentes expressions. Je donne ces chiffres à titre illustratif, tant la situation peut encore évoluer.

Le ministre des comptes publics a ainsi annoncé que les 10 millions d'euros d'économie prévus sur les radios associatives ne seraient finalement pas prélevés, tandis que les projets d'amendements du Gouvernement font état de 100 millions d'euros d'économies supplémentaires sur les missions « Culture » et « Livre et industries culturelles ». L'audiovisuel public, quant à lui, subirait 50 millions d'euros d'économies, et des ajustements sont attendus sur le programme dédié au patrimoine.

Nous sommes conscients aussi bien de la situation budgétaire de notre pays que des conditions dans lesquelles ce projet de loi de finances (PLF) a été élaboré. Vous pourrez cependant nous aider à y voir plus clair sur les crédits que le Gouvernement souhaite affecter au domaine culturel.

En matière patrimoniale, vous avez fait récemment des propositions remarquées sur le financement du patrimoine religieux et des musées, en préconisant la mise en place d'un droit d'entrée touristique pour la cathédrale Notre-Dame de Paris, et d'une tarification différenciée pour les visiteurs non européens de certains monuments et musées. S'il est vrai que ces pratiques ont déjà cours chez plusieurs de nos proches voisins, leur mise en application au sein de nos frontières pourrait se heurter à plusieurs obstacles. Comment, madame la ministre, avez-vous l'intention de concrétiser ces annonces ?

La commission de la culture poursuit, par ailleurs, ses travaux relatifs aux restitutions d'oeuvres d'art, sujet sur lequel plusieurs de ses membres sont engagés de longue date. À l'occasion d'un récent déplacement en Côte d'Ivoire, nous avons constaté la forte attente des autorités ivoiriennes concernant la restitution du « tambour parleur » Djidji Ayôkwé, à laquelle la France s'est engagée en 2021. Nous avons observé l'investissement opérationnel et financier des autorités ivoiriennes, mais aussi des instances de coopération françaises, afin de préparer son retour dans le cadre d'un projet muséal très abouti. Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur votre approche de ce dossier ?

Le domaine des industries culturelles, entendu au sens large, appelle également toute votre attention. Vous nous informerez des contours du projet de loi annoncé dans le cadre des États généraux de l'information (EGI), qui devra assurer un subtil équilibre entre les exigences démocratiques liées à l'information et la situation économique des acteurs. Michel Laugier, qui connaît bien les sujets relatifs à la presse, vous interrogera sans doute sur le sujet de France Messagerie, toujours pas réglé après des années d'atermoiements.

En matière de démocratisation culturelle, l'actualité est dominée par votre annonce d'une réforme du pass Culture. Notre commission a toujours considéré que ce dispositif ne pouvait constituer l'alpha et l'oméga de la politique de l'État en la matière. Nous accueillons donc favorablement votre volonté de refonte. Cependant, nous sommes aussi conscients des obstacles opérationnels auxquels celle-ci peut se heurter. À quel stade se trouve aujourd'hui votre projet de réforme ? Comment comptez-vous procéder pour le mener à bien ? Le Parlement y sera-t-il associé ?

Enfin, nous venons d'adopter la proposition de loi organique (PPLO) sur le financement de l'audiovisuel public, qui sera examinée le 19 novembre prochain à l'Assemblée nationale. Nous espérons un vote conforme qui permettrait de réintroduire dans le PLF le compte de concours financier (CCF) « Avances à l'audiovisuel public », transformé dans le texte initial en mission ministérielle. 

Les moyens alloués pour l'audiovisuel public sont en deçà de la trajectoire financière prévue par les projets de contrats d'objectifs et de moyens (COM) des sociétés publiques. Nous nous interrogeons sur la crédibilité de ces contrats dans le contexte budgétaire actuel, et nous nous demandons si votre ministère travaille d'ores et déjà sur des COM révisés, plus réalistes, en fonction des dernières annonces financières ? Ou bien attendez-vous la réforme de la gouvernance que nous appelons de nos voeux ?

Voilà les nombreux sujets sur lesquels nous attendons des précisions. Mes collègues auront sans doute également des questions sur d'autres thèmes. Depuis votre prise de fonction, vous avez bien compris que notre commission était pour vous un allié précieux mais résolument exigeant, qui garde la mémoire tant de ses travaux que de vos annonces.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. - Il arrive parfois, comme je l'avais déclaré lors de ma nomination, que l'on considère le ministère de la culture comme un ministère du loisir. À mes yeux, il s'agit d'un ministère fondamental, pour ne pas dire régalien, qui incarne l'idéal républicain et joue un rôle essentiel pour réduire les inégalités et permettre à l'ensemble de nos concitoyens de prendre part à la vie en société.

Ce budget a été débattu dans un contexte difficile pour nos finances publiques. Une première réduction budgétaire avait été annoncée il y a quelques mois de cela, avant le changement de gouvernement. L'État se doit d'être exemplaire, et le ministère de la culture doit prendre sa part dans les efforts demandés. À ce titre, je me réjouis de défendre devant vous un texte proposant un budget stabilisé à un niveau historique pour le ministère de la culture : 4,45 milliards d'euros. Depuis l'élection du Président de la République en 2017, le budget de la culture a augmenté de plus d'un milliard d'euros. Cela nous permet aujourd'hui de préserver dans tous les secteurs les moyens et l'action du ministère.

Monsieur le président, je tiens à vous remercier. Comme vous l'avez précisé dans votre introduction, vous êtes pour moi un soutien précieux et vous avez la mémoire de tout ; en espérant que ce soit toujours le cas, afin que les engagements puissent être tenus.

Je commence mon tour d'horizon par la mission « Culture ». Dans le secteur de la création artistique, les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 1,041 milliard d'euros, dont plus de la moitié - 550 millions d'euros environ - sera consacrée au secteur subventionné en région. Lors des annulations de crédits en février dernier, j'avais indiqué que pas un euro ne manquerait au spectacle vivant dans les territoires, et cela a été le cas. L'État a répondu présent pour soutenir ces structures avec des crédits consacrés au spectacle vivant, hors opérateurs nationaux, en hausse de 45 millions d'euros entre 2022 et 2024, dont près de 9 millions d'euros en 2024 dans le cadre du plan « Mieux produire, mieux diffuser ».

Après une première année, le bilan est très positif. Aux 9 millions d'euros du ministère de la culture s'est ajoutée la participation à hauteur de 12,5 millions d'euros des collectivités. Le partenariat entre l'État et les collectivités est donc encourageant. Ce plan a fait naître de nombreux projets créatifs, et nous allons poursuivre notre double effort collectif : mieux produire, avec des mutualisations à opérer afin de maîtriser les coûts de production ; et mieux diffuser, notamment avec des séries plus longues.

L'objectif de mieux travailler avec les élus et les collectivités s'incarne pleinement dans les contrats territoriaux d'éducation artistique et culturelle (CTEAC) dont je suis à l'initiative. Le premier contrat a été signé dans le département de la Charente-Maritime il y a quelques semaines. Je tiens à valoriser le travail remarquable effectué par les collectivités en leur donnant de la visibilité, mais aussi en les incitant à s'engager aux côtés de l'État et des acteurs culturels.

En toute transparence, l'État ne pourra pas améliorer seul la situation financière du spectacle vivant. Ces dernières années, la seule réponse est venue de l'État, qui n'a cessé d'augmenter le niveau de financement de son soutien. Dans un contexte difficile, je sauvegarde le budget dédié à la création artistique, mais cette mobilisation de l'État ne suffira pas.

Il s'agit à la fois de convaincre les collectivités de poursuivre leur engagement et d'inciter le secteur à réfléchir aux leviers à sa disposition ; je pense notamment à la politique tarifaire. Je reste attachée à des prix bas pour certains publics, mais nous devons mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant, sans quoi ce modèle sera menacé. Cet été, j'ai reçu l'ensemble des représentants du spectacle vivant afin de pouvoir avancer sur ces questions. Encore une fois, l'État va continuer de prendre toute sa part, mais il ne peut être le seul à assumer ses responsabilités. Je sais que le sujet est essentiel pour le Sénat, et je remercie Karine Daniel pour sa compétence et sa vigilance sur le sujet.

Enfin, les moyens dédiés aux festivals sont également reconduits à hauteur de 32 millions d'euros.

La démocratisation culturelle et l'accès aux métiers de la culture constituent une priorité de ma politique, avec un budget s'élevant à 807 millions d'euros. Nous ferons en sorte, dans la suite des discussions, de ne renoncer à aucun dispositif. Je souhaite évoquer ici la réforme du pass Culture. Comme je l'ai exprimé lors de ma première audition, ce pass Culture me semblait favoriser la reproduction sociale, notamment pour ce qui concerne la part individuelle. Les publics qui en avaient le plus besoin n'étaient pas touchés, comme cela m'a été confirmé par une mission de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et par un rapport de la Cour des comptes.

Le pass Culture doit être un instrument pour faire accéder à la culture ceux qui en sont les plus éloignés, notamment en milieu rural - c'est tout le sens du plan Culture et Ruralité - et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville où, trop souvent, ce dispositif est dévoyé en n'étant qu'un simple instrument de consommation culturelle.

La part individuelle du pass Culture sera réformée en profondeur. Florence Philbert, en sa qualité de directrice générale des médias et des industries culturelles (MIC), aura pour mission de suivre l'évolution de cette réforme à partir des cinq orientations suivantes : une prise en compte des conditions de ressources des jeunes éligibles au pass ; une part réservée au spectacle vivant, ce qui n'était pas le cas jusque-là ; une meilleure articulation entre la part collective, qui bénéficie à 90 % à des enfants accédant pour la première fois à la culture ou à un équipement culturel, et la part individuelle, qui intervient plus tard ; une meilleure éditorialisation et médiation pour davantage intéresser les publics, les spectacles proposés relevant trop du listing ; et enfin, de nouvelles fonctionnalités ouvertes à un large public - je pense notamment à la géolocalisation.

J'ai diligenté deux missions afin d'assurer ces nouveaux développements sans mettre en danger le secteur du livre. En effet, le pass Culture a été beaucoup utilisé dans les librairies, non seulement pour les mangas mais aussi pour l'achat de livres nécessaires aux études supérieures. Il convient donc de ne pas se priver d'un tel accès à la culture, qui apporte par ailleurs un soutien au réseau des librairies indépendantes.

J'ai fait évoluer l'application avec de nouvelles fonctionnalités comme la géolocalisation. Pour d'autres fonctionnalités, nous avons lancé une expérimentation dans la région Grand Est ; un retour d'expérience devrait intervenir rapidement.

Certains diront que cette réforme entérine des économies, mais je ne vois pas les choses ainsi. Elle vise une meilleure utilisation des deniers publics pour un plus large accès à la culture, notamment pour ceux qui en sont éloignés.

Le 11 juillet dernier, j'ai lancé le plan Culture et Ruralité. Financé pour les trois prochaines années, il dispose dès cette année d'une enveloppe de 34 millions d'euros. La ruralité concerne 22 millions d'habitants, soit un tiers de la population française, et je tiens à ce que celle-ci ne soit pas un impensé de nos politiques culturelles. On retrouve le financement de ce plan dans le budget 2025, avec 14 millions d'euros qui s'ajoutent aux 20 millions mobilisables dès maintenant, et sans doute un complément à venir que je vous détaillerai ultérieurement.

Comme je l'avais déjà exprimé lors de ma première audition devant votre commission, le patrimoine est une autre priorité très claire ; je sais que Sabine Drexler est très engagée sur ce sujet. Dans le texte initial, les crédits connaissaient une légère augmentation pour un total annuel de 1,2 milliard d'euros. Avec ce budget, nous nous donnons les moyens de poursuivre les grands chantiers déjà lancés. Il s'agit, le plus souvent, d'un enjeu de sécurité et de remise aux normes après un drame, comme pour la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes qui va bénéficier d'un financement de 6 millions d'euros. Nous financerons également l'extension du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine, avec un investissement à hauteur de 17,7 millions d'euros.

Un sujet concerne le Centre Pompidou. Celui-ci n'avait fait l'objet d'aucune restauration d'ampleur depuis son ouverture en 1977, et les travaux représentent un coût de 29 millions d'euros pour le ministère l'année prochaine.

Parmi les autres projets importants pour la revitalisation de nos territoires, on peut évoquer la restauration de l'abbaye-prison de Clairvaux pour 14,3 millions d'euros, ou encore le programme de valorisation du château de Gaillon en Normandie pour 4,3 millions d'euros. La seule sécurisation du site de Clairvaux requiert 3 millions d'euros par an.

Le budget consacré à la restauration des monuments historiques connaît une baisse. Il s'agit d'un point d'inquiétude sur lequel je reviendrai à la fin de mon propos. Les besoins de notre patrimoine, déjà importants, sont aggravés par l'inflation et le « mur d'investissements » auquel nous faisons face avec un budget à son plus haut niveau historique. Mais nous ne sommes pas en mesure de répondre à une situation elle-même exceptionnelle.

Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », je souhaite poursuivre l'accompagnement des acteurs d'un secteur en pleine mutation. Je sais que votre commission suit cela de près. Au coeur des grandes mutations numériques, les industries culturelles françaises ont plus que jamais besoin de notre soutien en faveur de la diversité, du renouvellement et de la création.

Je remercie Jérémy Bacchi pour son travail sur le cinéma. La pertinence de nos modalités de soutien au cinéma a été reconnue, puisque les taxes du CNC ne seront pas plafonnées ; cela a été notre crainte, et ce ne sera pas le cas. Notre opérateur disposera donc de la totalité de ses moyens opérationnels, soit environ 780 millions d'euros en 2025. Ce budget, alimenté par une surfiscalité prélevée sur les entreprises du secteur, notamment les plateformes américaines, permettra de financer des mesures en faveur de la diffusion, comme j'ai pu l'annoncer dernièrement à Lyon.

Je me réjouis également que ce texte préserve les différents crédits d'impôt pour le cinéma, l'audiovisuel, les tournages internationaux ou encore les jeux vidéo, dans un contexte de compétition fiscale internationale. Après évaluation, il s'avère que ces crédits rapportent 6 à 7 euros d'activité en France pour 1 euro de dépense fiscale.

Concernant le secteur du jeu vidéo, quelque 200 studios ont bénéficié du crédit d'impôt, ce qui a permis à notre industrie de retrouver sa croissance. En dix ans, le chiffre d'affaires a plus que doublé, et le nombre d'emplois est passé de 3 500 en 2010 à 14 000 aujourd'hui.

C'est un enjeu de cohérence de nos politiques ; on ne peut pas, dans le cadre du plan France 2030, investir 300 millions d'euros dans nos studios et nos écoles pour les vider ensuite en provoquant la délocalisation des tournages. Des studios et des lieux de tournage ont ainsi bénéficié de cet engagement. Pour exemple, le dernier film de Jacques Audiard, dont l'action se déroule en Amérique du Sud, a été tourné en studio en région parisienne.

Je salue le travail de Michel Laugier concernant la presse et les médias. L'État maintient son soutien de 365,7 millions d'euros et préserve les crédits de 26 millions d'euros alloués au pluralisme, ainsi que le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité. Sur le sujet des radios associatives, j'ai reçu l'ensemble des représentants et je leur ai indiqué que l'on trouverait une solution ; c'est le cas, notamment concernant la baisse de 10 millions d'euros. Nous avons obtenu du ministre en charge des comptes publics qu'un amendement du Gouvernement puisse corriger cela dans le courant de la discussion de la loi de finances.

Sur le sujet de l'audiovisuel public, je sais pouvoir compter sur la vigilance de Cédric Vial. Comme vous le savez, avant la dissolution de la précédente Assemblée nationale, je soutenais une réforme ambitieuse, fondée sur votre proposition de loi, monsieur le président. Les raisons qui motivaient cette réforme n'ont pas disparu, et mon constat reste le même. En revanche, nous devons prendre en compte le nouveau contexte politique. Je reste à l'écoute de toutes les sensibilités pour avancer non seulement sur le mode de financement mais aussi sur la gouvernance.

Le financement de l'audiovisuel est prévu dans le cadre du budget général. Je souhaite toutefois que ce texte initial soit amendé avant la fin de l'année, afin d'éviter une budgétisation. L'objectif est d'assurer la pérennité et la prévisibilité du financement du secteur. Grâce au vote de la proposition de loi organique (PPLO) des sénateurs Vial, Morin-Desailly, Karoutchi, Lafon et Hugonet, une première partie du chemin a été effectuée. Cette réforme du financement, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, est liée à celle de la gouvernance.

Concernant le budget de l'audiovisuel public, une mesure d'économie par rapport à 2024, de l'ordre de 50 millions d'euros, va être mise en oeuvre. Cela ne manquera pas de susciter des passions. Mais après avoir étudié le sujet avec les acteurs du secteur, je suis convaincue que nous pouvons y arriver. Il convient pour cela de travailler ensemble et en toute transparence.

Avant de conclure, je souhaite revenir sur le sujet du patrimoine. Dans certains endroits du territoire, les monuments historiques constituent le premier accès à la culture, et c'est pourquoi nous avons fait en sorte dans ce budget, comme pour chacun des volets de notre politique culturelle, de préserver l'essentiel. Nous connaissons cependant actuellement une situation exceptionnelle. L'état de notre patrimoine est alarmant, et sa dégradation s'avère extrêmement rapide : notre pays compte 45 000 monuments historiques et, parmi eux, 20 % se trouvent en mauvais état et 5 % en état de péril. Cela signifie que plus de 2 000 monuments risquent de disparaître dans les prochains mois ; voilà la réalité.

Je suis particulièrement attachée au patrimoine religieux ; il ne s'agit pas d'une affaire cultuelle ou confessionnelle, mais d'un enjeu culturel, et davantage encore. À l'heure où l'on se demande comment intéresser notre jeunesse à ce qui fonde une Nation, nous devrions tous nous battre pour défendre un tel patrimoine. On a vu également la mobilisation pour Notre-Dame de Paris après l'incendie. Sur les 15 000 édifices religieux protégés au titre des monuments historiques, 4 000 sont actuellement en danger. Le plus souvent, ils sont localisés dans des zones rurales, loin de toute attention médiatique. Je le redis : cela n'est pas acceptable.

À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle, dans la continuité de l'effort porté par le Président de la République qui a notamment permis de reconstruire Notre-Dame de Paris en cinq ans et de lancer le loto du patrimoine : à mon initiative, le Gouvernement va présenter un amendement qui ajoutera 300 millions d'euros en autorisations d'engagement et 200 millions d'euros en crédits de paiement au budget du ministère de la culture en 2025, afin de répondre à cette urgence patrimoniale. Cela n'était pas encore acquis après mon audition à l'Assemblée nationale ; aujourd'hui, la décision est prise.

Le PLF pour 2025 prévoit un budget historique pour notre patrimoine, avec 7 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'an passé. Mais le chiffre s'avère en trompe-l'oeil, car le « mur d'investissements » est devant nous. Avec cet amendement, nous changeons la donne et faisons du patrimoine la grande priorité du Gouvernement. C'est un enjeu de cohésion nationale, et cela a beaucoup de sens que le ministère de la culture porte un tel projet. Dans un pays divisé, le patrimoine renvoie à l'essentiel, il est ce qui peut nous rassembler. Un pays qui ne s'engage pas pour son patrimoine ne se préoccupe pas de son avenir.

Pour le moment, nous n'avons effectué aucun fléchage précis de ces crédits supplémentaires ; nous prendrons le temps de réfléchir à leur répartition. Seront en tous cas concernés en premier lieu les monuments historiques dans tous nos territoires, et en particulier dans la ruralité. Les trois priorités de ma politique sont l'accès à la culture, le souci de la ruralité et le patrimoine. Cet amendement permettra notamment un effort supplémentaire de 55 millions d'euros pour les monuments historiques en région, en plus de ce que prévoyait déjà le budget 2025. À cela s'ajoute une enveloppe de 23 millions d'euros pour les musées dans les territoires, avec une attention spécifique - à hauteur de 8 millions d'euros - pour les petits musées qui fonctionnent souvent avec les moyens du bord et méritent beaucoup plus d'attention. Dans les communes rurales, ces petits musées s'avèrent souvent des lieux culturels beaucoup plus larges, de même que les librairies.

D'autres équipements en région, comme les centres de conservation et d'études archéologiques (CCEA), maillons essentiels de notre politique archéologique, vont recevoir des financements attendus depuis des années.

Depuis ma prise de fonction, je me suis efforcée de reconnaître le rôle primordial des collectivités. Rapidement, j'ai réuni le Conseil national des territoires pour la culture (CTC), qui porte les deux tiers de la dépense culturelle dans notre pays, tout en renforçant l'exemplarité du rôle de l'État. Aujourd'hui plus que jamais, l'État et les collectivités doivent avancer ensemble aux côtés des acteurs culturels.

Au-delà des investissements majeurs et nécessaires pour nos territoires, le Gouvernement aura une attention particulière pour les besoins les plus impérieux de nos grands établissements. Le Centre Pompidou s'avère, à ce titre, un exemple édifiant ; quand on entretient mal un monument emblématique pendant 40 ans, on en paye le prix à un moment donné. Alors que le budget pour 2025 intégrait la prise en charge des travaux du Centre Pompidou, plusieurs établissements majeurs se trouvaient confrontés à une année blanche en matière de financement de leurs investissements. La situation s'avérait problématique, notamment pour le château et domaine de Versailles qui a entamé il y a plusieurs années une démarche vertueuse de schéma directeur afin de planifier ses besoins de restauration et de remise aux normes. Aussi, pour le château et le domaine de Versailles, mais aussi pour ceux de Fontainebleau et Chambord, ainsi que pour le mobilier national, le palais de la Porte-Dorée et d'autres établissements encore - nous sommes en train d'établir la liste -, cet amendement permettra d'être à la hauteur de la situation.

Les besoins d'investissement concernent l'ensemble des champs du ministère. Un théâtre ou un conservatoire à moderniser constituent un patrimoine à l'adresse des générations futures. Cet amendement en tiendra compte. J'aurai une attention particulière pour la filière liée à la sauvegarde de notre patrimoine ; je pense à ces petites entreprises qui ont fait de la restauration des monuments un savoir-faire d'exception, que le monde entier nous envie. Au moment où s'achève le chantier de Notre-Dame de Paris, il était normal que nous offrions d'autres perspectives à cette filière, alors que les besoins sont criants.

Je voulais vous annoncer le principe de cet amendement en souhaitant que la représentation nationale soutienne le Gouvernement dans cet effort sans précédent. Là encore, l'État ne pourra subvenir seul aux besoins du patrimoine au cours des prochaines années. C'est la raison pour laquelle, en complément de cet effort, j'ai proposé plusieurs pistes : la tarification de l'entrée de Notre-Dame de Paris, qui pourrait dégager 75 millions d'euros afin de financer la restauration de l'ensemble du patrimoine religieux en région ; ou encore des tarifs différenciés au sein des grands opérateurs recevant plus de 60 % de publics étrangers.

Ces pratiques existent ailleurs, et nous devons les examiner avec lucidité pour faire face aux besoins de notre patrimoine. Pour récupérer ces fonds, nous n'avons notamment pas besoin, comme j'ai pu l'entendre, de remettre en cause la loi de 1905. Je suis à votre disposition pour les questions.

M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, merci pour ces annonces et notamment pour ces 300 millions d'euros de crédits supplémentaires en faveur du patrimoine. Si vous faites des annonces de ce type chaque fois que vous venez au Sénat, nous vous réinviterons plus souvent !

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public. - Ma première question porte sur l'effort supplémentaire demandé aux sociétés audiovisuelles publiques, qui représente environ 50 millions d'euros. Cette somme correspond à 1,5 % du budget des sociétés audiovisuelles publiques. L'effort peut être soutenable si la répartition s'établit correctement et si les discussions avec les organismes publics sont bien menées. Avez-vous aujourd'hui une idée de la répartition de cette somme entre les différents organismes ? Concernant France Télévisions, par exemple, l'effort portera-t-il sur les programmes, sachant qu'il faudrait alors revoir certains engagements pris par le groupe, ou bien sur les fonctions support ? Irez-vous jusqu'à ce degré de détail, ou indiquerez-vous seulement un montant d'économies à réaliser ?

Je souhaite également évoquer les COM. Nous devons rendre un avis la semaine prochaine sur le sujet. De ces COM il ne reste plus que le principe d'un contrat, car les objectifs ne sont plus atteignables, et les moyens ne sont plus disponibles. Je m'interroge donc sur l'avenir de ces COM. Madame la ministre, souhaitez-vous vraiment entendre notre avis la semaine prochaine ? Ou ces COM seront-ils prochainement modifiés ?

Les crédits de transformation sont, à ce stade, toujours prévus dans le budget. Selon la loi de 1986, le Parlement vote les montants et affecte les crédits aux sociétés publiques. Ces crédits, aujourd'hui, ne sont pas affectés à chaque société publique. Si la PPLO était votée par l'Assemblée nationale, il serait judicieux que les crédits de transformation soient réintégrés à la dotation de chaque organisme de l'audiovisuel public.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis sur les crédits de la presse. - Je vous remercie d'avoir trouvé une solution concernant les 10 millions d'euros pour les radios associatives. Allez-vous en profiter pour lancer une réforme des procédures d'attribution ? À mon sens, ce serait opportun.

Lors de votre précédente audition, vous vous étiez engagée à lancer le chantier des aides à la presse. Je comprends que la dissolution ait pu constituer un frein à cette réforme. Comptez-vous toutefois avancer dans le sens souhaité aussi bien par la commission que par les conclusions des EGI, demandant une plus grande conditionnalité de ces aides ?

La dissolution de l'Assemblée nationale a également décalé le rendu des travaux confiés à Sébastien Soriano sur les suites à donner au rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur la distribution de la presse. Ce dossier, crucial pour le secteur, trouvera-t-il enfin sa conclusion en 2025 ? Le prélèvement de 9 millions d'euros sur les crédits dédiés à la modernisation de la presse devait s'achever en 2022, puis 2024, mais celui-ci figure toujours dans le PLF pour 2025...

Le débat sur la proposition de loi de Sylvie Robert a souligné la nécessité d'une réflexion autour de l'évolution de la loi du 24 juillet 2019 sur les droits voisins. Le texte annoncé lors des EGI sera-t-il l'occasion de revenir sur cette loi, notamment pour mieux définir les titres éligibles ?

Enfin, même si ces crédits ne figurent pas tout à fait dans le périmètre du programme, je constate que le projet de Maison du dessin de presse, annoncé par le Président de la République en janvier 2020, est au point mort. Aucune dotation n'est prévue. Ce projet est-il abandonné, retardé ou revu à la baisse ?

Mme Karine Daniel, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la création, à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. - Vous avez fait du renforcement des services publics culturels en milieu rural un des axes majeurs de votre politique. Parmi les 23 mesures annoncées, trois concernent plus particulièrement le secteur de la création : l'aide à l'embauche temporaire d'artistes par les mairies, les associations et les cafés ; le soutien aux festivals en ruralité ; et le développement du réseau des artothèques. Vous avez évoqué les crédits de manière globale. Pouvez-vous nous indiquer les modalités de mise en oeuvre pour chacune de ces mesures ?

Concernant le plan Culture et Ruralité, vous avez évoqué la question des tiers lieux, dont 34 % se situent en milieu rural. Où en sommes-nous sur ce sujet très attendu dans les communes rurales ?

Pour la mise en oeuvre de ce plan Culture et Ruralité, les directions régionales des affaires culturelles (Drac) sont en première ligne. Or, nous observons aujourd'hui une certaine dévitalisation des Drac. Se pose donc la question de la gestion déconcentrée de ces crédits. De façon prosaïque, cela peut consister à mettre de l'essence dans les voitures pour aller voir les opérateurs dans les territoires. De nombreux retours invitent à une meilleure décentralisation ; je pense, par exemple, à la gouvernance du plan « Mieux produire, mieux diffuser » et à son articulation avec les collectivités territoriales.

Dans ce PLF pour 2025, les collectivités subissent d'importantes coupes budgétaires ; annoncées à 5 milliards d'euros, nous les évaluons plutôt à 10 milliards. Elles ne seront pas sans conséquence sur les projets culturels, les investissements et le fonctionnement.

Je souhaite également revenir sur le sujet de la filière musicale. La semaine dernière, le président du Centre national de la musique (CNM) a dressé un tableau contrasté. Malgré de beaux succès, une partie de la filière connaît des difficultés, avec notamment un problème de viabilité économique des salles. On a évoqué les scènes de musiques actuelles (Smac), d'autres salles connaissent des difficultés ; j'ai une pensée particulière pour les personnels et les bénévoles de trois salles qui ont fermé : l'Entonnoir à Besançon, l'Arrosoir à Chalon-sur-Saône et la Péniche Cancale à Dijon. De son côté, le K'fé Quoi à Forcalquier a pu être repris, mais sur un format plus restreint.

Je laisse Sonia de La Provôté évoquer le sujet des festivals. Nous aurons également un point d'attention sur le sujet de l'enseignement supérieur artistique, notamment dans les écoles d'art territoriales.

Où en est le plan global de réforme que vous aviez annoncé en mars dernier, à la suite du diagnostic confié à l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) et à la direction générale de la création artistique (DGCA) ?

Du reste, le pass Culture retiendra toute notre attention lors de l'examen du budget. Nous organiserons une table ronde consacrée à ce sujet avec l'ensemble des parties prenantes au dispositif.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis des crédits des patrimoines. - Votre plan en faveur de la ruralité suscite de fortes attentes dans les territoires. Je me félicite que vous y associiez la mise en valeur du patrimoine de nos campagnes, y compris religieux. Ce patrimoine souvent modeste et parfois ignoré n'en demeure pas moins constitutif de nos paysages.

Comme chaque année, nos auditions budgétaires soulèvent des questions sur les critères d'éligibilité aux dispositifs fiscaux profitant au patrimoine, notamment le dispositif Malraux. Celui-ci semble créer des effets d'aubaine et, dans certains cas, il encourage la spéculation immobilière dans les centres anciens déjà très attractifs, où la valeur de revente des immeubles réhabilités couvre largement les frais engagés. Cette situation est d'autant plus préoccupante que le contexte budgétaire exige une rigueur accrue dans l'évaluation de l'efficacité des mesures financées par des fonds publics. Travaillez-vous actuellement à améliorer le ciblage de ce dispositif ?

Nous le savons, le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'est pas adapté aux spécificités du bâti patrimonial ancien. L'ajustement de sa méthodologie serait nécessaire pour permettre une évaluation plus juste de la performance énergétique. Bien que la prise de conscience progresse sur ce point, le DPE continue d'inquiéter, car il a de lourdes conséquences sur les possibilités de mise en location, sur la valeur marchande des biens et, même aujourd'hui, sur la possibilité pour les propriétaires d'obtenir des prêts pour leurs travaux de rénovation. Le temps presse : les effets néfastes et non anticipés du DPE sont déjà visibles. Dans ce contexte, pourriez-vous préciser le contenu des annonces faites par le Premier ministre et votre ministère pour assurer l'adaptation du DPE au bâti patrimonial ancien ?

Il est aujourd'hui nécessaire de s'inquiéter du sort réservé au bâti vernaculaire, qui ne fait l'objet d'aucune protection alors qu'il participe à l'attractivité de nos régions, surtout les plus reculées. Ce patrimoine, parfois méconnu mais si riche, dit tant de choses sur notre pays. Pourtant
- j'insiste -, il est menacé par des rénovations inadaptées et des destructions qui s'accélèrent. Pour faire obstacle à ce saccage patrimonial, il est urgent de réfléchir collectivement aux moyens d'assurer son identification, voire de réaliser son inventaire complet, afin qu'il figure dans les documents d'urbanisme. Il en va ainsi en matière de protection de la biodiversité : chaque particularité floristique ou faunistique est prise en compte pour favoriser une urbanisation durable et respectueuse. Envisagez-vous d'identifier et d'inventorier ce patrimoine ?

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma. - Je me réjouis que le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ait été finalement épargné par les mesures d'économie, en dépit d'un prélèvement de 450 millions d'euros sur ses réserves, cette somme étant destinée à couvrir des engagements comptables.

Le 14 février dernier, le Sénat a adopté l'ambitieuse proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Savez-vous si elle pourra être inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale ? Je rappelle qu'elle contient des dispositions précieuses pour sanctionner les producteurs qui ne lutteraient pas efficacement contre les violences sexistes et sexuelles sur les plateaux de tournage.

Par ailleurs, la directive sur les médias audiovisuels (SMA) doit être réexaminée par la Commission européenne en 2025. Cela nécessitera un fort engagement de la part de la France. Dans ce contexte, il serait très utile qu'un président du CNC puisse être rapidement nommé ; la vacance de poste depuis juin dernier peut se révéler très pénalisante. Avez-vous des informations à nous communiquer sur ce sujet ?

Enfin, le 25 septembre dernier, l'Autorité de la concurrence s'est saisie « d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la télévision payante et de l'acquisition d'oeuvres cinématographiques ». De sa décision dépend, en réalité, tout l'équilibre de la chronologie des médias, pilier du financement de notre cinéma. Quelles options ont été mises sur la table et comptez-vous vous associer à cette procédure ?

Mme Sonia de La Provôté. - La programmation, le calendrier et l'attractivité des festivals de l'été dernier ont été parasités par les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et la phase électorale qui a suivi la dissolution de l'Assemblée nationale.

Finalement, selon les syndicats et les professionnels du milieu, la fréquentation a été plutôt bonne. Pourtant, le bilan budgétaire de ces festivals est plutôt mauvais, voire moins bon que celui de l'année dernière, ce pour plusieurs raisons.

D'abord, l'inflation a affecté les frais de déplacement des artistes, entre autres. Ensuite, l'application des réglementations environnementales est complexe et coûteuse. Résultat : à la fin de l'été, 50 % des festivals étaient en situation déficitaire - le déficit moyen oscillant entre 75 000 et 100 000 euros - et 14 % d'entre eux annonçaient ne pas pouvoir se dérouler l'année prochaine.

Le modèle économique des festivals est un vrai sujet. À cet égard, nous avions alerté le Gouvernement sur la nécessité de maintenir et de faire évoluer le fonds festival, compte tenu des besoins nouveaux et de cette période particulière où les contraintes s'accumulent.

Le ministère envisage-t-il d'évaluer la situation actuelle ? Il conviendrait d'abonder le fonds festival, vu l'aggravation des besoins ces dernières années. Voir disparaître les festivals, c'est voir disparaître l'accès à la culture dans tous les territoires.

Mme Rachida Dati, ministre. - Nous souhaitons revoir les contrats d'objectifs et de moyens de l'audiovisuel public tout en maintenant trois priorités : la proximité, le numérique et la jeunesse, la qualité de l'information. D'ailleurs, ce sont elles qui motivent la réforme de la gouvernance. Pour rappel, lorsque le président Lafon et moi-même avions discuté de la création d'une holding, voire d'une fusion de l'audiovisuel public, c'était en maintenant ces trois priorités.

Nous aimerions trouver un créneau à l'Assemblée nationale pour discuter d'une réforme de la gouvernance, afin de mener en parallèle la réforme du financement et celle de la gouvernance, mais l'incertitude demeure.

Lors de l'examen de la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que les crédits de transformation devaient être intégrés aux dotations de base des sociétés.

Vous m'avez interrogé sur la répartition des 50 millions d'euros d'économies demandées à l'audiovisuel public : France Télévisions en assumera la plus grande part, à hauteur de 10 millions d'euros de plus.

Le budget de la culture est compris entre 8 milliards et 9 milliards d'euros, la moitié étant réservée aux sociétés de l'audiovisuel public. Dès lors, les économies qui leur sont demandées sont inférieures à leur poids dans ce budget.

In fine, c'est bien au Parlement qu'il reviendra de décider des affectations de crédits et des mesures d'économie. Nous pourrons en discuter ensemble, ainsi qu'avec les sociétés concernées.

M. Cédric Vial. - Allez-vous indiquer aux sociétés de l'audiovisuel public les domaines dans lesquels elles doivent réaliser des coupes budgétaires ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Pour tout vous dire, nous en discutons toujours. Je ne veux pas imposer des mesures dont la mise en oeuvre serait difficile : je préfère la concertation. En effet, les économies doivent être les plus consensuelles possible, surtout qu'elles ont été annoncées tardivement.

Quelques mots sur les droits voisins, qui sont un sujet autant national qu'européen. Nous souhaitons traduire législativement les conclusions des États généraux de l'information, qui sont d'une très grande qualité, en identifiant les titres concernés.

Dans le même esprit, nous pourrions compléter ou renforcer la protection du secret des sources des journalistes, dans la continuité de la loi du 4 janvier 2010 que j'avais défendue en tant que garde des Sceaux.

Par ailleurs, la situation de France Messagerie demeure fragile. Aussi, j'ai demandé que la mission Soriano sur la distribution de la presse, interrompue par la dissolution de l'Assemblée nationale, soit relancée. En attendant qu'elle rende ses conclusions, nous avons maintenu l'aide à la distribution au même niveau qu'auparavant.

M. Laurent Lafon, président. - Quid du projet de création d'une Maison du dessin de presse ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Je suis en train de négocier les aspects budgétaires. Pour les journalistes, notamment, la maison du dessin de presse n'a de sens que si elle permet d'exposer des caricatures. Sur ce point, les discussions ont été vives.

En tant que ministre de la culture, je considère que l'engagement pris pour la création de cette institution doit être tenu. Encore faut-il trouver des financements. Il est par ailleurs nécessaire de tenir compte des enjeux de sécurité.

Je suis prête à discuter du contrôle sur les attributions de fréquences et à revoir les critères. Toutefois, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) accomplit déjà très bien ses missions.

Par ailleurs, ce serait une très bonne chose d'inscrire à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France. Or, pour l'heure, il n'y a pas de fenêtre d'inscription. Ainsi, le Gouvernement prendra ses responsabilités : dans la mesure où cette proposition de loi contient des dispositions très intéressantes, nous pourrons les reprendre à notre compte dans un projet de loi.

La chronologie des médias est fixée non plus pour cinq ans, mais pour trois ans. Les acteurs se plaignent de devoir procéder à des renégociations en permanence, le nouveau délai impliquant de discuter de la chronologie seulement dix-huit mois après qu'elle a été fixée. En réalité, c'est un débat de nature législative. Doit-on maintenir ce délai ? La chronologie convient-elle bien à tout le monde aujourd'hui ? Certains acteurs apprécient de mener des renégociations sur un temps court, compte tenu de l'évolution du paysage cinématographique. D'autres préfèrent une chronologie plus longue, pour disposer de suffisamment de retours et de bilans.

Depuis mon entrée en fonction, j'ai découvert le sens de l'anticipation et l'énergie dont font preuve tous les agents du CNC. Cette institution accomplit un excellent travail, avec des résultats assez spectaculaires, ne serait-ce que sur la dernière année.

Je vous renvoie au bilan du cinéma sur l'attractivité de l'économie française : le CNC fonctionne très bien et doit fonctionner encore mieux. D'où la nécessité de procéder à la nomination de son président, ce qui ne saurait tarder.

Parlons des festivals. Aujourd'hui, il en existe partout en France, dans les communes de 600 habitants comme dans celles qui en comptent 1 million. Il existe des divergences quant aux financements, aux partenaires et aux thématiques, mais les festivals font tous l'objet du même engouement. Ils garantissent un véritable accès à la culture puisqu'ils sont souvent gratuits.

Notre plan en faveur de la ruralité, d'un montant de 100 millions d'euros sur trois ans, permettra de financer de façon pérenne les festivals. Plus de 200 événements festifs seront déclinés : festivals, « villages en fête », fanfares, etc. Chaque territoire utilisera les fonds alloués pour organiser ces événements comme il le souhaite.

En outre, 200 résidences d'artistes seront organisées. En ce domaine, il y a eu une forte demande, puisqu'il est question de la mobilité des artistes dans les zones rurales.

Quant au CNC, il soutiendra près de 150 circuits itinérants. Du reste, les artothèques seront comprises dans les financements.

Les tiers-lieux ont également été intégrés au plan en faveur de la ruralité, avec un développement d'ampleur. Ils sont essentiels en ce qu'ils permettent de transformer les bâtis patrimoniaux rénovés mais non utilisés en lieux d'exposition, de projection, de rencontres ou de débats.

J'ai mobilisé des moyens beaucoup plus importants pour les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap), qui sont très utiles en zone rurale.

Bref, notre plan comporte des mesures pour chaque secteur de la culture : cinéma, festivals, patrimoine, événements festifs, résidences d'artistes, etc.

L'éducation artistique et culturelle (EAC) en fait aussi partie. Je serai honnête avec vous : même si nous finançons des associations, des artistes et des formations, il n'y a pas de ligne politique en ce domaine. Je serais donc bien en peine de dresser le bilan de l'EAC. Je peux vous indiquer les montants que nous y avons alloués, mais je ne saurais vous dire quels volets ont été développés, pour quels objectifs

L'EAC est désormais de plus en plus intégrée aux programmes pédagogiques. La part collective du pass Culture y participe. J'ai ainsi été particulièrement émue de voir des enfants découvrir des oeuvres alors qu'ils n'avaient jamais mis les pieds dans un musée, même si celui-ci est situé à 40 mètres de leur domicile. L'articulation de la part collective et de la part individuelle du pass Culture est donc essentielle pour accompagner le cheminement des jeunes vers la culture.

Par ailleurs, le ministère de l'éducation nationale considère que l'EAC relève davantage du ministère de la culture, si bien que nous n'avons pas la même ligne en la matière. Il conviendrait de définir une politique publique cohérente à destination des enfants.

En résumé, les crédits alloués par le ministère en faveur de l'EAC ne sont pas négligeables. Il reste à définir une politique cohérente, faute de quoi nous serons condamnés à faire du saupoudrage via la distribution de subventions. On ne peut pas parler d'accès à la culture sans indiquer, au préalable, à quoi sert la politique que nous conduisons. L'EAC est une noble mission : elle doit avoir un sens et c'est ensemble que nous devons la bâtir.

Autre sujet : nous sommes en train de revoir les dispositifs fiscaux applicables au patrimoine en raison d'effets d'aubaine, voire d'effets de rente. Nous souhaitons également faciliter la tâche des propriétaires privés qui possèdent un patrimoine historique : cela leur coûte très cher d'entretenir ou de rénover leur bien, alors même qu'ils permettent au public d'y accéder. Nous travaillons donc à réduire certains dispositifs fiscaux et à en amplifier d'autres. En ce qui concerne en particulier le dispositif Malraux, nous pouvons unifier le taux de réduction d'impôts, mais aussi rehausser le taux pour les immeubles en site patrimonial qui sont insalubres ou en ruines. Nous souhaitons le rehausser à 50 %, à la condition que des travaux de rénovation énergétique soient menés. Sur ce sujet, je n'ai pas gagné le combat vis-à-vis de Bercy, mais sachez que c'est la solution qui est défendue par le ministère de la culture.

Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, nous nous étions engagés à la mise en place d'une disposition relative au DPE du bâti ancien avant le 31 décembre prochain, et cet engagement sera respecté.

Le Président de la République nous avait demandé de recenser l'ensemble de biens du patrimoine et d'inciter, via les directions régionales des affaires culturelles (Drac), à leur classement. L'État et les collectivités devraient y contribuer. Voilà qui permettra de sauvegarder le patrimoine, y compris privé.

Le fonds festival a été préservé, mais les zones rurales sont tout de même en fragilité.

Il faut que nous engagions une réflexion sur le modèle économique du spectacle vivant. À cet égard, j'ai demandé à la mission consacrée à ce sujet, lancée avant la dissolution, de reprendre ses travaux. Tous les représentants du spectacle vivant, quelle que soit leur tendance, s'accordent à dire que la pérennisation du financement est un problème majeur. On finance souvent des structures, mais on ne finance plus de projets.

Quant aux écoles d'art, il n'y a aucun désengagement de notre part, comme en matière de patrimoine. Le ministère ne possède toutefois ni direction de la formation ni direction de l'enseignement, ce qui rend difficile l'observation fine de ces écoles. Il en existe 99 à ce jour : 41 écoles nationales et 58 écoles territoriales, auxquelles s'ajoutent des préparatoires publiques. J'ai demandé qu'on procède au recensement de l'ensemble des écoles d'art et qu'on réalise une cartographie. Il n'y a pas de mystère : les écoles d'État sont souvent situées en milieu urbain, d'où le fait qu'elles ne soient pas forcément accessibles au plus grand nombre. Certaines écoles, telles que les Beaux-Arts ou l'École du Louvre, sont également fortement marquées par un phénomène de reproduction sociale. D'autres ne comptent pratiquement aucun élève boursier. Dans les écoles d'art payantes, les élèves n'ont pas accès aux bénéfices du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), comme les repas dans les restaurants universitaires ou les bourses.

Soyez assurés que nous allons préserver et renforcer les écoles d'art, mais que nous mènerons aussi une évaluation, car nous n'avons pas de contrôle sur les résultats de certaines écoles qui bénéficient pourtant de financements très importants de la part de l'ÉtatJe précise que nous avons par ailleurs relancé l'apprentissage et l'alternance, qui étaient pratiquement inexistants dans les actions menées par le ministère.

M. Laurent Lafon, président. - Je vais maintenant donner successivement la parole aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances qui ont souhaité s'exprimer dans le cadre de la présente audition.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». - Quel bonheur de vous entendre ainsi parler du pass Culture, madame la ministre ! Dès le départ, Sylvie Robert, Sonia de La Provôté, Pierre Ouzoulias et moi-même avions animé un groupe de travail sur ce sujet. Il aura fallu user quatre ministres pour entendre la cinquième nous dire, sans haine ni violence, et avec une certaine diplomatie, ce que nous affirmons depuis six ans déjà.

Par ailleurs, la condition sine qua non de la réussite de l'EAC se trouve dans les territoires, notamment les communes. À 35 kilomètres de Paris, je vous invite à visiter l'une des communes d'Île-de-France qui a été pionnière en ce domaine, dès lors qu'elle a été labellisée à 100 %.

Vous verrez à quel point le dispositif en place est performant. Il repose sur le travail des communes, comme la majorité de la culture dans notre pays.

Enfin, qui, à Bercy, en veut au fonds de soutien à l'expression radiophonique (FESR) ? Ce budget, monté en quinze jours, est un document martyr que le Sénat s'efforcera d'améliorer. Toutefois, l'amputer de 10 millions d'euros, sans même prendre attache avec le ministère de la culture, ne relève pas du hasard : c'est une décision insupportable, madame la ministre ! Avez-vous des informations sur ce sujet ?

M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Au sein de la commission des finances, Vincent Éblé et moi-même avons coécrit un rapport d'information sur le pass Culture. D'ailleurs, je me félicite que vous ayez repris nos recommandations, madame la ministre.

Je prends acte de votre volonté de reformater ce dispositif. Vous n'avez pas manqué d'évoquer l'écueil de la reproduction sociale, à juste titre. Pour ma part, je souhaiterais insister sur un deuxième écueil, celui du manque d'offre culturelle pour les jeunes habitants des zones rurales ou périurbaines.

Je viens d'une bourgade rurale où, dans un rayon de 20 kilomètres, il n'y a ni salle de spectacle, ni cinéma, ni théâtre, ni librairie digne de ce nom. Quant aux musées, ils sont situés encore plus loin, à au moins 40 kilomètres.

Je crois beaucoup au pass Culture. Il conviendrait toutefois d'ajouter un volet transport et mobilités à destination des jeunes qui sont éloignés de l'offre culturelle.

Mme Anne Ventalon. - Dans la période de disette économique que nous connaissons, il faut saluer les crédits alloués à la culture pour l'année 2025 et la stabilité annoncée. Néanmoins, les chantiers qui vous attendent sont de taille.

Je me félicite de votre engagement de faire de 2025 l'année du patrimoine. Les 300 millions d'euros que vous avez annoncés permettront de répondre à l'impérieuse nécessité de sécuriser, de restaurer et de valoriser le patrimoine, cher à l'ensemble des Français.

Je m'interroge sur la collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes, lancée en septembre 2023 à l'initiative du Président de la République. En un an, celle-ci totalise près de 12 millions d'euros de dons auprès de la Fondation du patrimoine : nous sommes très loin de l'objectif de collecter 200 millions d'euros d'ici à 2027.

Ce premier bilan décevant doit nous amener à élaborer, ensemble, une nouvelle politique patrimoniale. Comment pourrions-nous rassurer et accompagner les élus locaux - eux aussi soumis à de fortes contraintes budgétaires - dans l'entretien et la valorisation du patrimoine communal, notamment religieux, sans politique claire et de long terme ?

Les attentes des maires sont très fortes. Les conclusions des États généraux du patrimoine religieux seront rendues prochainement et contribueront à l'élaboration collective d'un plan adéquat.

Au demeurant, vous avez précisé vos annonces récentes concernant l'accès payant des visiteurs à la cathédrale Notre-Dame de Paris, une fois les travaux de rénovation achevés. Selon vous, la loi du 9 décembre 1905 n'est pas un obstacle à ce projet. Pouvez-vous nous en dire plus, madame la ministre ?

Quel que soit l'avis de chacun, la question du financement de notre patrimoine mérite d'être posée. Pensez-vous que l'entrée payante de Notre-Dame de Paris s'inscrit bien dans la mission de service public et d'ouverture culturelle de la cathédrale, ou privilégiez-vous une autre forme de financement pour préserver son accès libre, en tenant compte des valeurs historiques et symboliques qu'elle incarne pour notre patrimoine national ?

Enfin, j'ai un doute sur la possibilité de financer de façon significative et pérenne la restauration des édifices religieux en milieu rural. Comment pouvez-vous concrètement garantir que les recettes seront reversées dans les territoires qui en ont le plus besoin ?

Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous saluons votre ténacité et tous les efforts que vous déployez pour défendre un budget de la culture solide, madame la ministre.

Je vous remercie d'avoir soutenu notre proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Nous espérons qu'elle puisse suivre son cours assez rapidement, dans le cadre de la navette parlementaire.

Par ailleurs, je me réjouis du maintien des crédits d'impôt pour le cinéma. Cela fera la grande satisfaction des régions, qui financent la production cinématographique. C'est un système donnant-donnant avec le CNC.

Vous avez affirmé qu'un pays qui ne s'occupe pas de son patrimoine ne s'occupe pas de son avenir. Or, ces dernières années, l'État et les collectivités ont fait le maximum pour investir dans le patrimoine, en particulier religieux. On peut se satisfaire d'une vraie prise de conscience et d'un effort réel, ce dont témoignent les colloques qui ont été organisés au Sénat et les rapports rédigés par plusieurs de nos collègues.

Cependant, nous devrions taper davantage à la porte de l'Union européenne. En 2023, Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même avons écrit un rapport d'information révélant que la compétence en matière de culture n'est pas revendiquée par l'Union européenne. Pourtant, les traités ne s'y opposent pas. Dans une logique de subsidiarité, mais surtout de complémentarité, l'Union européenne pourrait faire usage de cette compétence. À cet égard, nous avions formulé plusieurs propositions et même sollicité la commissaire Mariya Gabriel, dans l'espoir que l'Union européenne ouvre enfin la porte d'un financement direct affecté à la sauvegarde du patrimoine.

De même, les programmes Europe créative sont essentiels et pourraient être mis en oeuvre dans le domaine du patrimoine.

Par ailleurs, dans quelle mesure les collectivités seront-elles affectées par votre plan en faveur de la ruralité ? Pour rappel, elles verront leur budget amputé de 5 milliards d'euros, voire de 10 milliards.

Les collectivités ont déjà été privées de tout levier fiscal en raison de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d'habitation. Elles se trouvent prises dans un effet de ciseaux, alors qu'elles accompagnent 80 % des structures du spectacle vivant.

Les collectivités s'efforcent d'opérer les choix les moins douloureux possible, à l'heure où tout le maillage territorial est affaibli, au risque de se désagréger.

Au Sénat, nous défendons les collectivités territoriales. Vous avez raison, nous devons réfléchir au modèle économique du spectacle vivant. Toutefois, les collectivités vont se trouver dans une impasse budgétaire cette année.

Enfin, vous revendiquez l'ambition louable de faire du Centre national de la musique (CNM) l'équivalent du CNC. Cependant, comparaison ne vaut pas raison : le spectacle vivant, en particulier la musique, est hautement subventionné, à hauteur de 80 %, ce qui n'est pas le cas du secteur du cinéma. Cela suscite donc quelques inquiétudes.

Va-t-on complètement « agenciariser » le secteur de la musique ? Le cas échéant, le ministère de la culture ne jouerait plus son rôle de structuration avec les collectivités territoriales, à moins que vous ne conserviez la direction de la musique.

Mme Sylvie Robert. - Je me réjouis que les crédits de transformation soient intégrés aux crédits de base des sociétés d'audiovisuel public. Ces crédits étaient devenus une variable d'ajustement : en 2024, un certain nombre d'entre eux ont été annulés, voire non versés, dès lors qu'ils étaient suspendus à la réforme de la gouvernance. Ces crédits de transformation vont-ils être finalement versés aux sociétés ?

Vu les 50 millions d'euros d'économies qui pèseront essentiellement sur France Télévisions, l'équation va être très complexe ; nous aurons quelques difficultés à accepter les trajectoires annoncées. Les économies de 200 millions d'euros annoncées sur quatre ans sont-elles réelles ?

Au demeurant, je suis très intéressée par votre plan en faveur de la ruralité. Pour autant, de nombreuses questions posées par mes collègues démontrent qu'il n'y a pas forcément de transparence dans la façon dont il sera déployé dans les territoires.

Nous aimerions en savoir plus sur la manière dont ce plan sera déployé dans les territoires. S'agira-t-il de crédits déconcentrés aux Drac, en fonction de leurs besoins et de leurs demandes ? Elles n'ont pas toujours les moyens de procéder à des expertises notamment dans les communes très rurales, isolées, où il est difficile de se déplacer et d'accompagner les élus. Quelle sera la méthode pour définir les crédits octroyés : ceux-ci seront-ils définis de manière centralisée, en fonction des besoins du terrain ou selon d'autres critères, tels que le nombre d'habitants, etc. ?

Demain, avec Else Joseph et Monique de Marco, nous rendrons les conclusions de notre rapport sur la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite loi LCAP. Nos auditions ont révélé un nombre important d'atteintes à la liberté de la création. Cela pose la question de l'effectivité de la loi. Avez-vous été alertée sur ce sujet ? Envisagez-vous d'intervenir pour essayer de comprendre ce qui se passe ?

Mme Monique de Marco. - Une baisse des crédits de l'audiovisuel public de 50 millions est envisagée l'année prochaine. Dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel public, une holding devrait être créée. Quel sera son financement ? Bénéficiera-t-elle de moyens spécifiques ? Des crédits supplémentaires sont-ils prévus ou bien la réforme se fera-t-elle à moyens constants ?

Le Centre national de la musique a été créé en 2020. Il a pour vocation d'être le centre de toutes les musiques et de garantir la diversité, le renouvellement et la liberté de la création musicale. Lors de son audition, M. Thiellay, son président, nous a indiqué que la taxe streaming avait rapporté moins que prévu, en raison de diverses réticences ou de difficultés d'application. La taxe sur la billetterie constitue la principale source de financement du CNM. Son produit est amené à croître dans les prochaines années, comme l'indique le contrat pluriannuel d'objectifs et de performances du CNM. Le montant affecté au CNM est plafonné à 50 millions aujourd'hui, mais les recettes issues de cette taxe dépassent cette somme. Comptez-vous déplafonner cette taxe ?

Mme Laure Darcos. - Je me réjouis de vos propos sur le crédit d'impôt en faveur du cinéma et des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica), mais chaque année Bercy et les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat cherchent à le réduire. Nous devrons donc être vigilants sur le sujet. L'an passé, avec Sylvie Robert, nous avons bataillé sur cette question et le vote s'est joué à deux voix !

Les grandes plateformes, comme Amazon, se masquent derrière le secret des affaires pour ne pas révéler leur chiffre d'affaires et donc se soustraire à leurs obligations de financement de la création cinématographique.

Amazon va contourner la loi qui l'oblige à facturer au minimum 3 euros chaque livraison de livres, puisque ses clients pourront bénéficier d'une livraison gratuite s'ils récupèrent leur commande dans un des 2 500 points de retrait situés dans un endroit qui vend également des livres. C'est très grave, car cela aggravera la situation des libraires. Il importe que les frais de port soient les mêmes pour Amazon et les libraires indépendants.

Mme Else Joseph. - Vous avez évoqué un recentrage du pass Culture. L'année dernière nous nous étions interrogés sur l'opportunité d'une ouverture du dispositif au patrimoine. Qu'en pensez-vous ?

Dans le cadre de notre mission d'évaluation des dispositions de la loi LCAP, nous avons pu constater que les Drac étaient dans une situation de grande fragilité. Leur mission d'expertise et de soutien en matière d'ingénierie est pourtant cruciale pour les collectivités.

L'année dernière, avec Catherine Morin-Desailly, nous avons rédigé un rapport intitulé : Expertise patrimoniale internationale française : des atouts à valoriser, une stratégie qui reste à affirmer et coordonner. La compétence de notre pays dans ce domaine est reconnue dans le monde. Comment comptez-vous développer ce volet de notre politique culturelle au niveau international ? Envisagez-vous d'accroître la collaboration avec le ministère des affaires étrangères sur ce sujet ?

M. Adel Ziane. - Je partage les inquiétudes de Catherine Morin-Desailly. Les villes sont en première ligne sur les questions culturelles. Elles constituent des leviers puissants pour faire rayonner la culture dans les territoires. Or il est question d'opérer une ponction sur leurs budgets.

Vous souhaitez que 2025 soit l'année du patrimoine. Nous nous en réjouissons. Marie-Pierre Monier et Pierre-Jean Verzelen présenteront demain le rapport de la mission d'information sénatoriale sur les architectes des bâtiments de France. Nos auditions ont confirmé l'importance de leur rôle. Vous avez évoqué une enveloppe de 300 millions d'euros pour le patrimoine. Il y a urgence. Les professionnels de la restauration et du secteur des monuments historiques ont besoin de savoir dès maintenant comment l'année 2025 se passera, comment ces crédits seront utilisés.

Vous avez mentionné les grands travaux dans les musées parisiens, en particulier au centre Pompidou. Vous avez aussi évoqué des pistes de financement, comme des tarifs différenciés pour les touristes étrangers. La France accorde la gratuité des collections permanentes des musées nationaux aux jeunes de moins de 26 ans ressortissants de l'Union européenne, mais certains pays européens, comme l'Italie ou l'Espagne, ne pratiquent pas cette gratuité. Comment comptez-vous avancer sur cette question pour trouver de nouveaux financements pour les musées ?

Les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques restent stables, à 9,7 millions d'euros. Les grands musées parisiens ont la capacité de lever des fonds et de recourir au mécénat, mais pour les établissements en région, c'est plus difficile et ces crédits semblent bien faibles pour leur permettre d'enrichir leurs collections.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - J'avais alerté le Président de l'Arcom, lors de son audition le 16 octobre par notre commission, sur la coupe budgétaire de plus de 10 millions d'euros prévue par le projet de loi de finances 2025 des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Consciente des conséquences dramatiques de cette baisse pour nos radios associatives, vous avez tenu à réagir rapidement, madame la ministre, à la suite à mon intervention et de celle des syndicats. Je tiens à vous remercier.

La semaine dernière vous avez ainsi annoncé lors de la séance des questions d'actualité au Gouvernement à l'Assemblée nationale que la baisse annoncée de 35 % des crédits de ce fonds n'aurait pas lieu. Je me réjouis donc sincèrement de cette bonne nouvelle qui a été perçue comme une véritable marque de reconnaissance par les radios associatives. Toutefois, le Gouvernement n'a pas précisé les modalités de l'annulation de cette baisse. Dans la mesure où le fonds de soutien à l'expression radiophonique est également financé par le plan Culture et Ruralité, qui est inclus dans la mission « Culture » du PLF, le Gouvernement pourrait-il envisager une augmentation du budget de ce plan ? Cette annulation sera-t-elle préservée en cas de recours à l'article 49.3 ?

Enfin, les radios associatives s'interrogent sur l'avenir. Pouvez-vous les rassurer en leur affirmant que la question ne se posera pas à nouveau l'année prochaine ? Ce fonds est au coeur de leur modèle économique. Il contribue à hauteur de 40 % à leur budget. On comprend leurs inquiétudes. Je ne doute pas une seule seconde, madame la ministre, de votre engagement à leur côté.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je tiens à mon tour à vous remercier d'avoir convaincu vos collègues de Bercy de renoncer au projet de réduction de près d'un tiers des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique, dont l'annonce avait mis en émoi les radios associatives. Cette subvention est en effet vitale pour leur équilibre financier et pour les emplois.

Je vous remercie aussi pour la priorité que vous accordez au patrimoine. Je voudrais insister sur la nécessaire sauvegarde du patrimoine religieux remarquable, qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, mais qui est très emblématique de nos territoires, notamment ruraux. Dans la situation que l'on connaît actuellement, cette sauvegarde ne peut pas être une priorité des collectivités : l'État doit venir à leur aide pour assurer les travaux les plus urgents. C'est pourquoi je soutiens votre proposition visant à instaurer un droit d'entrée pour les touristes. La recette escomptée de 75 millions sera-t-elle déconcentrée dans les Drac, afin que cet argent ruisselle un peu dans tous les territoires ? En flécherez-vous une partie vers ce patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit ?

2025 sera l'année du patrimoine. Ne pourriez-vous pas demander aux préfets, grâce à a la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de mettre un accent particulier sur les questions relatives au patrimoine pour aider les collectivités qui connaissent des difficultés financières ?

Mme Marie-Pierre Monier. - Nous présenterons demain, avec Pierre-Jean Verzelen, les conclusions de notre rapport sur les architectes des bâtiments de France (ABF). Nous mettons en lumière le sous-effectif des ABF, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas toujours exercer leurs missions de conseil et d'accompagnement auprès des élus locaux. Nous préconisons le recrutement d'un ABF supplémentaire par département, pour faire face à la hausse du nombre d'avis qu'ils doivent rendre, puisque ces derniers ont augmenté de 63 % entre 2013 et 2023. Nous plaiderons en ce sens lors de l'examen du projet de loi de finances. Qu'en pensez-vous ? Je soutiens à cet égard les propos d'Anne Ventalon, qui avait corédigé avec Pierre Ouzoulias un rapport sur l'état du patrimoine religieux.

Nous soulignons également le manque d'ingénierie juridique et technique des communes rurales pour entretenir et valoriser leur patrimoine. Comment comptez-vous renforcer l'accompagnement des collectivités dans ce domaine ?

Vous avez annoncé l'octroi de 300 millions supplémentaires pour le programme 175. L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements. L'un d'eux vise à augmenter de 2 millions les crédits du fonds incitatif et partenarial, qui joue un rôle précieux pour soutenir les petites communes, dotées de faibles ressources, dans leur politique de restauration du patrimoine. Un autre amendement prévoit la création d'un fonds de 6 millions d'euros pour soutenir les collectivités territoriales dans l'entretien et la valorisation du patrimoine local. Quel regard porterez-vous sur ces différents amendements ?

Nous avons été interpellés par le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques sur un autre amendement qui prévoit la suppression de l'affichage publicitaire sur les monuments pendant les travaux de restauration. Cela aurait un impact sur le financement des projets de restauration. Quel est votre avis sur cet amendement ?

Comment expliquer la baisse de 10 ETP pour l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ?

Enfin, je rejoins entièrement les propos de Sabine Drexler sur le DPE pour le bâti ancien.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Décloisonner la culture dans tous les territoires et pour tous les publics est l'un des axes majeurs de votre politique. Le 11 juillet dernier, vous avez ainsi annoncé le plan Culture et Ruralité.

Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires a été supprimé par le dernier projet de loi de finances. Ce fonds, qui dépend du ministère de l'éducation nationale, finançait de nombreux projets culturels pour les scolaires. Faute de financement, de nombreuses communes n'auront plus d'autre choix que d'opter pour la semaine des quatre jours et d'abandonner de nombreux projets culturels. La ministre de l'éducation s'est engagée, sans autre précision, à mettre en place une aide spécifique aux communes rurales. Votre ministère est-il associé à ces travaux ? Les projets menés sur le temps périscolaire pourraient-ils bénéficier du plan Culture et Ruralité ou d'un autre dispositif de votre ministère ?

L'entretien du patrimoine de proximité est le point noir du budget de la culture. Les besoins de fonctionnement et d'investissement dépassent le montant de la dotation budgétaire. Ce domaine mériterait un plan Marshall. Le rapport sénatorial Patrimoine religieux en péril : la messe n'est pas dite paru en juillet 2023 indique qu'entre 2 500 et 5 000 édifices sont menacés d'être abandonnés, vendus ou détruits d'ici à 2030.

Vous nous invitez à bâtir une nouvelle politique patrimoniale. Mais la première mesure ne devrait-elle pas de réfléchir aux prescriptions des architectes des bâtiments de France, dont les exigences peuvent parfois conduire à l'abandon des projets de restauration ? On ne peut avoir en effet les mêmes exigences pour nos églises rurales que pour la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Par ailleurs, beaucoup de communes rurales ne connaissent pas le fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine. Ne faudrait-il pas améliorer la communication à ce sujet ?

M. Pierre-Antoine Levi. - Je salue, madame la ministre, votre effort budgétaire en faveur de l'archéologie préventive dans le projet de loi de finances pour 2025, puisque 47,6 millions d'euros sont prévus pour soutenir les opérations de terrain : 33,4 millions pour le fonds national d'archéologie préventive et 14,2 millions pour accompagner les collectivités dans les diagnostics. Néanmoins, certaines communes rurales rencontrent encore de grosses difficultés pour mener à bien des projets d'intérêt général, tels que la construction de maisons de santé, en raison du niveau du reste à charge des fouilles préventives qu'elles doivent acquitter. Dans ce contexte, ne serait-il pas possible de moduler les taux d'intervention du fonds d'archéologie préventive pour tenir compte à la fois de la fragilité financière des communes et de la nature des projets, notamment quand ils répondent à des enjeux de services publics ?

Mme Rachida Dati, ministre. - C'est à l'échelon local que l'on sait le mieux quelles sont les actions les plus pertinentes en matière d'éducation artistique et culturelle (EAC). Nous continuerons à attribuer des labels 100 % EAC, mais dans un souci de cohérence et en évitant le saupoudrage qui a pu être pratiqué parfois. Sinon, personne n'est content. Les élus locaux sont déçus et, finalement, la politique culturelle en pâtit. Ce label doit s'inscrire dans une collaboration avec les collectivités.

Nous sommes d'accord sur le pass Culture. Le dispositif était complexe : on ne savait pas comment y accéder. L'utilisateur devait déjà connaître l'activité culturelle qu'il recherchait. Rien n'était proposé spontanément. En somme, on pouvait aller voir un spectacle à la Comédie française avec ce pass, à la condition de connaître déjà l'existence du pass, le titre du spectacle et l'existence de la Comédie française ! Ce n'est pas le rôle que je souhaitais assigner à ce pass, notamment dans sa partie individuelle. Or l'articulation entre les parties collective et individuelle me semble capitale.

J'avoue que je n'ai pas essayé de comprendre pourquoi il était prévu de supprimer le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale. Mais chacun sait dans quelles conditions le budget a été élaboré. Ce n'est pas la seule erreur que j'ai pu rattraper in extremis : par exemple, il était prévu de supprimer des postes dans un établissement qui était en travaux, car celui-ci avait été considéré à tort comme étant fermé définitivement. La suppression du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale était un loupé, que j'ai corrigé : je l'avais indiqué avant même mon audition à l'Assemblée nationale, car je connais l'importance des radios associatives, qui sont très implantées dans les territoires et très imprégnées des problématiques locales.

Je me suis posée, comme vous, la question comme vous de savoir s'il fallait intégrer une part relative à la mobilité dans le pass Culture. J'y ai renoncé, car cela reviendrait à amputer à due proportion la part consacrée à l'accès à la culture. C'est pourquoi nous avons préféré travailler avec les collectivités, notamment avec les régions, qui ont la compétence transport. Dans des endroits où le transport est compliqué, des expérimentations de covoiturage culturel ont vu le jour, notamment durant la période des festivals. Il est donc intéressant de financer des associations qui réalisent un tel covoiturage. De même, on pourrait aussi utiliser le transport scolaire pour emmener les enfants à une activité culturelle. La question de la mobilité est sensible, car elle soulève un sujet de responsabilité pénale pour le transport, notamment pour le personnel de l'éducation nationale.

La collecte nationale en faveur du patrimoine religieux des petites communes a permis de récolter 12 millions d'euros. Les petites souscriptions sont très utiles pour financer l'entretien du patrimoine religieux qui n'est ni classé ni inscrit au titre des monuments historiques, car ce patrimoine ne bénéficie pas de subventions. Cette collecte a eu du mal à démarrer. L'objectif était de récolter 200 millions d'euros en 4 ans. Nous en sommes loin. C'est pourquoi nous cherchons à revoir les modalités de cette souscription. Les Français veulent savoir ce qu'ils financent. C'est d'ailleurs pour cela que le loto du patrimoine marche bien, ou que les dons pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris ont été nombreux. Nous sommes donc en train de revoir les modalités de cette souscription afin de mieux identifier le patrimoine que l'on souhaite financer.

J'en viens à la politique de tarifs différenciés. Je voulais pratiquer des tarifs différenciés entre les Français et les étrangers, mais on doit traiter à l'identique les citoyens français et les ressortissants des pays de l'Union européenne, même s'il est vrai que tous les pays européens ne respectent pas cette exigence de réciprocité. Cette politique de tarifs différenciés visera donc les ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Les recettes permettront de financer évidemment les établissements visités, mais elles pourront aussi être redistribuées le cas échéant pour financer le patrimoine sur tout le territoire.

Les droits d'entrée à Notre-Dame de Pa ris pourraient être collectés par le Centre des monuments nationaux. Une partie des 75 millions perçus seraient reversés au diocèse de Paris et le reste serait redistribué sur les territoires pour financer la rénovation du patrimoine. On n'a pas besoin de toucher à la loi de 1905. C'est faire preuve de mauvaise foi que de prétendre le contraire !

Pour répondre à votre question sur le désengagement de l'État en matière culturelle et sur la baisse des dotations pour les collectivités, je trouve que l'État finance beaucoup en la matière et ne se désengage pas. Certaines collectivités ont fait le choix politique de réduire des subventions culturelles. L'État et le ministère de la culture ne se désengagent pas. Les crédits augmentent. Ce n'est pas un affichage ou un système de vases communicants entre les différentes dotations, c'est un choix politique que nous faisons. Ensuite, comme je l'ai dit lorsque j'ai annoncé la mise en oeuvre d'un tarif différencié à Notre-Dame, nous devons être innovants, sinon on sera obligé de multiplier les taxes, les impôts et finalement de fermer la boutique ! Il serait possible aussi d'imaginer, en lien avec la Banque des territoires l'octroi de prêts à taux zéro pour les petites communes. Les avances des Drac pourraient être plus importantes et être négociées plus en amont d'un projet. Le plan Culture et Ruralité renforce l'appui en maîtrise d'ouvrage des Drac.

Ce plan consiste, pour l'essentiel, en un financement déconcentré, mais celui-ci est décidé en proximité. Ce plan n'a pas été décidé au niveau central. Nous nous sommes appuyés sur les près de 50 000 contributions que nous avons reçues - 35 000 nous ont été adressées de manière très formalisée, les autres par mail - de la part de tous les acteurs : élus ruraux, associations, collectifs, acteurs culturels, etc.

La diversité de notre territoire national fait la richesse et la beauté de notre pays. Gap et Briançon, ce n'est pas la région parisienne. Les enjeux varient selon les lieux. Nous avons donc essayé de faire du sur-mesure. Les crédits déconcentrés varieront en fonction du plan qui a été élaboré : selon les endroits et les demandes des communes, on financera des résidences d'artistes, des festivals, des actions patrimoniales, etc.

Les unités départementales de l'architecture et du patrimoine sont en sous-effectif. Je considère que ces services sont sous-dimensionnés et c'est l'objet d'un combat que je mène avec Bercy. J'essaie d'y pallier avec le plan Culture et Ruralité. Si ce plan fonctionne et si l'on fait la preuve de sa pertinence pour les Udap, les ABF ou l'accompagnement en maîtrise d'ouvrage et en ingénierie, je ne vois pas comment il serait possible, au terme des trois ans, de revenir en arrière. Je me sers donc de ce plan pour obtenir à terme une pérennisation de ces dispositifs, qui, j'y insiste, n'ont pas été conçus uniquement de manière centralisée.

En ce qui concerne le CNM, je ne veux pas non plus affaiblir ce qui fonctionne aujourd'hui. La question du plafonnement des taxes est un sujet. Le rendement de la taxe streaming n'est pas encore très élevé, mais il faudra à terme que l'on parvienne à rehausser les plafonds. Nous pouvons y arriver, même si, vous avez raison, l'écosystème du cinéma n'est pas le même que celui de la musique. La musique est beaucoup plus subventionnée que le cinéma. J'aimerais toutefois que le Centre national de la musique devienne un genre de CNC à terme et qu'il fonctionne davantage en autonomie. On peut aussi réfléchir à l'articulation entre le CNM et la direction générale de la création artistique du ministère de la culture. Le CNM a été créé il y a quatre ans, ce qui est récent. Mais je vous rejoins et nous pourrons nous battre ensemble pour relever les plafonds des taxes affectées.

J'ai saisi le médiateur du livre à la suite des annonces d'Amazon.

En ce qui concerne les crédits de transformation de l'audiovisuel public, j'ai indiqué que je souhaitais, comme vous, qu'ils soient intégrés dans les dotations de base. La réforme a été décalée dans le temps : les crédits de 2024 seront versés en 2025 et ceux de 2025 le seront en 2026.

J'annoncerai un plan avant la fin du mois sur la liberté de création. L'enjeu dépasse la création artistique. Il s'agit d'une liberté fondamentale.

M. Laurent Lafon, président. - Vous avez indiqué que la billetterie de Notre-Dame de Paris serait gérée par le CMN. Cela signifie-t-il que les projets qui ne seraient pas gérés par cet organisme ne pourraient pas bénéficier de ces fonds ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Il s'agit de précisions que l'on doit encore apporter. On aurait pu confier la collecte au diocèse avant de redistribuer les crédits ensuite, mais il semble plus judicieux de charger le CMN de la collecte. Notre-Dame sera dotée d'une billetterie. Des billets gratuits pourront donc être délivrés. La billetterie peut ainsi être utilisée pour la contribution que vous évoquez. Il ne s'agit donc pas d'un dispositif nouveau à imaginer. Il serait possible de le mettre en oeuvre très rapidement si le diocèse est d'accord.

Enfin, j'indique que je souhaite avoir votre aide pour développer notre expertise culturelle à l'international. Vous avez raison : le ministère de la culture ne se vend pas très bien à l'international. Pourtant, à chaque fois que je me déplace à l'étranger, je suis sollicitée pour obtenir un soutien en matière d'expertise architecturale, archéologique, muséale ou patrimoniale. Je viens ainsi de signer avec le Kazakhstan un accord en la matière. D'autres pays sont intéressés par notre expertise : l'Inde, certains pays africains, etc. Nous sommes très sollicités sur cet aspect-là, qui constitue un élément majeur pour notre rayonnement. Or le ministère de la culture est assez en retrait sur cette question. Nous ne travaillons pas assez avec le ministère des Affaires étrangères, même si je ne sais pas si c'est le rôle du Quai d'Orsay de « vendre » notre expertise. Le ministère de la culture pourrait s'emparer de cette question pour mieux mettre en valeur notre expertise à l'international. Tous les accords que nous avons signés en ce domaine l'ont été parce que nous avons été sollicités par les autres pays. D'une manière générale, une demande existe sur les opérateurs de la culture, sur le mobilier national ou sur les céramiques de Sèvres, mais il nous appartient aussi de pousser ces sujets.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie.


* 1 Rapport d'information n° 794 (2022-2023) de Mme Sabine Drexler sur le patrimoine et la transition écologique.

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