II. CES ÉVOLUTIONS POSITIVES APPELLENT UNE RÉFLEXION SUR LA DOCTRINE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE ET LE RÔLE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE
A. FORMALISER UNE NOUVELLE DOCTRINE POUR L'ÉTAT ACTIONNAIRE
1. Il est urgent d'actualiser la doctrine obsolète de 2017
La doctrine de l'État actionnaire n'a pas été formellement actualisée depuis 2017, à l'heure où prévalait l'idée d'un resserrement du portefeuille de l'État actionnaire via des cessions, notamment permises par la loi Pacte de 2019. Trois axes avaient alors été identifiés, incitant au désengagement dans les autres domaines : les entreprises dites de « souveraineté » ; les entreprises participant à des missions de service public ou d'intérêt général national ou local pour lesquelles l'État ne détient pas de leviers suffisants pour préserver les intérêts publics et les entreprises pour lesquelles il existe un risque systémique en cas de défaillance.
À l'aune de la crise sanitaire, l'APE a identifié en 2021 quatre nouveaux facteurs d'interventions : la nécessité de continuer à soutenir des entreprises frappées par la crise ; la prise en compte de la souveraineté économique et des besoins liés à la réindustrialisation du pays ; les exigences environnementales qui accélèrent la transformation des modèles économiques ainsi que l'accompagnement des disruptions numériques et technologiques. Comme le Sénat depuis 2022, la Cour des comptes préconisait en avril 2023 de mettre à jour, au niveau politique, la doctrine d'intervention de l'APE afin de tenir compte de l'évolution du contexte post-covid.
L'APE a indiqué à la rapporteure que cette doctrine serait formalisée et publiée en début d'année 2025.
2. Valoriser la politique volontariste de l'APE auprès des entreprises de son portefeuille
L'APE identifie aujourd'hui trois objectifs stratégiques pour la gestion de son portefeuille : la performance (financière et extra financière), la résilience et la responsabilité.
La performance financière globale du portefeuille de l'État actionnaire a ainsi progressé sur l'exercice 2023, la dette nette ayant décru. Au niveau extra financier, l'APE pilote l'impact de son engagement actionnarial via un tableau de bord RSE. Il inclut les aspects environnementaux (publication d'un bilan carbone et d'une trajectoire de décarbonation alignée sur celle de l'Accord de Paris), sociaux (notamment la féminisation des conseils d'administration et de surveillance), ceux relatifs aux achats responsables ainsi qu'un nouveau critère : la part des critères RSE dans la rémunération variable des dirigeants.
En termes de résilience, l'APE mène une politique responsable de dividendes et de rachats d'actions ainsi que des actions de sensibilisation aux risques liés à la cybersécurité et à l'adaptation au changement climatique par exemple.
Enfin, l'APE veille à ce que les entreprises de son portefeuille soient responsables au niveau social (parité, diversité, inclusion) et environnemental. Au niveau de la gouvernance, elle prône ainsi la dissociation de la gouvernance des grandes entreprises.
La commission estime que ces orientations font de l'APE un actionnaire engagé. Il est donc bienvenu qu'elles soient intégrées à la doctrine de l'État actionnaire en cours de formalisation.
3. Expliciter la complémentarité des doctrines des actionnaires publics
Préciser la doctrine de l'État actionnaire permettrait d'expliciter la complémentarité entre l'APE et les autres actionnaires publics que sont la Caisse des dépôts et Bpifrance : il s'agit d'une recommandation récurrente de la commission mais aussi de la Cour des comptes2(*).
La rapporteure souligne qu'en pratique, ces deux modes d'investissements publics sont bien articulés. La présence de Bpifrance concomitamment à l'APE dans certaines entreprises, comme Orange, pour des raisons historiques que la rapporteure ne remet pas en cause, gagnerait aussi à être explicitée à l'occasion de la formalisation et de l'actualisation des doctrines d'intervention des différents actionnaires publics.
Elle salue également la bonne circulation de l'information entre ces deux actionnaires publics qui travaillent ensemble. Le commissaire aux participations de l'État est membre du conseil d'administration de Bpifrance et l'APE est représentée au sein des conseils d'administration de Bpifrance Participations et Bpifrance Investissement.
* 2 Cour des comptes, La gestion des participations financières de l'État durant la crise sanitaire, février 2022.