C. UN RECOURS RÉGULIER AUX RÉSERVES POUR FINANCER LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE MALGRÉ LA REVALORISATION DE LA DOTATION
1. Une évolution contrastée des dépenses de fonctionnement et de personnel
Les dépenses de personnel s'élèvent à 10,08 millions d'euros, contre 7,48 millions d'euros en 2023, soit une hausse de 34,75 %37(*). En pratique, les postes de dépenses principalement affectés par cette hausse sont les traitements des personnels permanents (+ 1,40 million d'euros) et les charges sociales afférentes (+ 0,64 million d'euros)38(*).
Le Conseil constitutionnel justifie cette progression par la prise en compte de l'effet, en année pleine, de la hausse du point d'indice de la fonction publique à compter du 1er juillet 2023 et par le renforcement temporaire de ses effectifs en 2024. En effet, le nombre de gardes républicains mis à disposition du Conseil augmentera l'année prochaine pour assurer la sécurité du chantier de rénovation de l'accueil durant toute la durée des travaux, qui est estimée à un an.
En outre, les montants inscrits en loi de finances initiale pour 2023 ont été sous-évalués en raison :
· de la hausse, non anticipée, du remboursement au titre du personnel mis à disposition par la direction générale de la gendarmerie nationale, en soutien de la maison militaire du Conseil constitutionnel ;
· de l'effet de mesures sociales non prises en compte dans la prévision initiale ;
· du recrutement de personnels, en 2023, dans des fonctions très recherchées sur le marché du travail ou à un niveau de professionnalisation plus élevé qu'auparavant.
Bien que certaines dépenses puissent être, par nature, difficiles à anticiper, le rapporteur rappelle l'importance de disposer, autant que faire se peut, de prévisions budgétaires fiabilisées, dans la mesure où celles-ci constituent un élément indispensable à la sincérité de l'information budgétaire.
S'agissant des dépenses de fonctionnement, la variation constatée entre les prévisions d'exécution pour 2023 et les crédits demandés pour 2024 interroge.
En 2024, les dépenses de fonctionnement s'élèveraient à 3,08 millions d'euros, soit une hausse de 53,55 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2023 (2,01 millions d'euros).
L'ampleur de l'augmentation doit toutefois être relativisée, dans la mesure où les résultats de l'exécution budgétaire en 2022 et les prévisions d'atterrissage pour 2023 s'écartent largement des montants inscrits en loi de finances initiale.
Les dépenses de fonctionnement du Conseil constitutionnel
(en euros)
* prévision d'atterrissage actualisée au 31 juillet 2023
Source : réponse au questionnaire budgétaire et annexes aux projets de loi de finances
Ainsi, les dépenses de fonctionnement pour 2024 diminueraient de 30,68 % par rapport aux prévisions d'atterrissage en exécution pour 2023 et de 41,85 % par rapport au montant exécuté en 2022.
Les hypothèses retenues pour la construction du budget 2024 en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement demeurent trop générales et les baisses constatées paraissent peu en phase avec :
· le contexte inflationniste, qui affecte toutes les dépenses de fonctionnement, quelle que soit leur nature ;
· les projets à venir (organisation de la conférence des cours constitutionnelles francophones par exemple) qui auront un effet haussier sur l'ensemble des dépenses.
Le rapporteur regrette de ne pas disposer d'éléments d'information exhaustifs et invite le Conseil constitutionnel à veiller, de manière plus attentive, à la qualité et à la transparence des informations budgétaires transmises.
2. Les limites du recours aux réserves pour financer le déficit budgétaire
Depuis 2021, le déficit budgétaire résultant de la sur-exécution des crédits octroyés en loi de finances initiale est financé par un prélèvement sur disponibilités. Ce dernier s'est élevé à 1,37 million d'euros en 2021 et à 1,1 million d'euros en 2022. Pour 2023, les prévisions d'exécution au 31 décembre anticipent un déficit budgétaire de 1,39 million d'euros environ39(*).
Source : Annexes aux projets de loi de règlement depuis 2018 et réponse au questionnaire budgétaire
Dans la mesure où ce mode de financement est susceptible de fragiliser la structure du budget à terme, le rapporteur invite le Conseil constitutionnel à y accorder une attention particulière lors de la construction des budgets futurs et à privilégier, autant que faire se peut, une hausse moins importante mais plus régulière de la dotation dans le temps.
En outre, le rapporteur considère avec intérêt la proposition de Grégory Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Pouvoirs publics », visant à « comparer les différents coûts supportés par nos institutions au regard d'autres organismes équivalents, en Europe notamment »40(*), dans la mesure où une telle comparaison, rapportée au nombre d'habitants, pourrait permettre de relativiser le coût des pouvoirs publics.
Le rapporteur émet toutefois deux réserves. D'une part, le périmètre de l'étude comparative devrait être élargi aux institutions de l'ensemble des démocraties occidentales, et non se limiter à celles des démocraties européennes, notamment en raison de la meilleure accessibilité de ce type de données dans les systèmes anglo-saxons.
D'autre part, les spécificités de chaque système institutionnel peuvent engendrer des biais, qui limitent l'intérêt d'une telle comparaison. Par exemple, comparer le coût du Conseil constitutionnel et celui de la Cour de Karlsruhe ou de la Cour constitutionnelle italienne serait un exercice difficile, tant leurs missions, leur poids dans le système institutionnel - et donc leurs moyens - diffèrent. Le président Laurent Fabius a ainsi indiqué, à l'occasion de son entretien avec le rapporteur, que l'effectif de la Cour constitutionnelle italienne s'élevait à 600 agents environ, ce qui est six fois supérieur à l'effectif du Conseil constitutionnel.
* 37 Les dépenses de personnel sont à distinguer des dépenses relatives aux membres du Conseil, qui représentent 2,16 millions d'euros en 2024, soit un montant équivalent à celui de l'exercice précédent.
* 38 Réponse au questionnaire budgétaire.
* 39 Réponse au questionnaire budgétaire.
* 40 Page 7 de la note de présentation des crédits de la mission « Pouvoirs publics » pour 2024 de Grégory Blanc, accessible en ligne.