IV. POUR UNE ÉVOLUTION DU CADRE LÉGISLATIF
A. « LE CINÉMA CONTRE-ATTAQUE »
La mission d'information de la commission de la culture, constituée de Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et du rapporteur pour avis Jérémy Bacchi, a rendu publiques ses conclusions, adoptées à l'unanimité le 24 mai 2023.
Les rapporteurs ont été très sensibles à ce qu'ils ont appelé « Le fabuleux destin du cinéma français », c'est-à-dire la véritable histoire d'amour qui unit notre pays au 7ème art, nulle part plus visible comparé aux autres pays européens où fréquentation et production ont résisté beaucoup plus difficilement à l'explosion du nombre de chaines de télévision dans les années 80 et des plateformes de streaming depuis quelques années. Cette passion française se traduit par l'existence du CNC et des mécanismes de soutien qui, pour être complexes, parfois jugés coûteux, ont permis à notre industrie cinématographique de rayonner au plus haut niveau mondial.
La mission d'information a cependant tenu à aborder de manière objective « l'éternelle question » du nombre de films produits en France, et de l'accès du public aux oeuvres.
Elle a ainsi noté qu'entre 2012 et 2019, le nombre de films français produits progresse de 15 %, alors que leurs entrées diminuent de 10,5 %.
Nombre de films français en première
exclusivité
et entrées totales des films
français
Lecture : nombre de sorties de films français (en colonne, échelle de gauche) et entrées totales (courbe, échelle de droite en millions).
Source : rapport précité de la mission d'information
Sur le long terme, la tendance est encore plus nette. Le nombre de films français produits depuis 1994 a ainsi connu une progression de 163 %. L'étude des devis a montré que cette progression spectaculaire est essentiellement le fait des « petits » films au budget inférieur à un million d'euros, alors que la catégorie « du milieu » a nettement moins progressé.
L'intégration réussie des plateformes
Gand succès français et européens, l'intégration des plateformes au système de financement du cinéma commence à produire ses effets. Ainsi, entre 2022 et la mi-2023, elles ont financé 36 films français. Point important, elles ne sont pas le seul financeur, et donc diffuseur, pour 33 d'entre eux. Cela signe une bonne intégration dans le schéma.
Le marché français du cinéma peut donc être synthétisé avec d'un côté, des films américains peu nombreux, mais près de cinq fois plus vus en moyenne que des films français qui, de leur côté, maintiennent leur part de marché plus par l'abondance de l'offre que par le succès des oeuvres. Cela se traduit in fine par une production certes croissante en nombre, mais moins bien financée, avec un devis moyen qui chute quand on prend en compte l'inflation.
Dès lors, la mission a conclu à la nécessité, sans revenir sur un cadre qui a su faire ses preuves sur le long terme, de faire évoluer notre législation pour adapter le cinéma français aux nouvelles donnes technologiques, par des actions concertées sur l'amont, avec une attention plus grande apportée au devis moyen des films, qu'à l'aval, avec un accès facilité aux oeuvres notamment dans les territoires.