EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 22 NOVEMBRE 2023
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux budgétaires par l'examen des avis préparés par Cédric Vial, Jacques Grosperrin et Karine Daniel consacrés respectivement aux crédits alloués à « l'Audiovisuel public », à l'« Enseignement scolaire » ainsi qu'à la « Création, à la Transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture » au sein du PLF pour 2024.
Je cède immédiatement la parole à Cédric Vial pour nous présenter les crédits consacrés aux sociétés de l'audiovisuel public au sein du compte de concours financier dédié à leur financement.
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel public. - Le projet de loi de finances confirme la trajectoire d'augmentation des crédits de l'audiovisuel public, amorcée l'an dernier, après plusieurs années de baisse. La dotation du compte de concours financiers s'élèvera l'an prochain à un peu plus de 4 milliards d'euros, en hausse de 6 %. Le gouvernement nous propose, à l'occasion de ce PLF, une trajectoire pluriannuelle de crédits, conduisant à un budget de 4,3 milliards d'euros en 2028.
L'augmentation proposée doit toutefois être relativisée : elle s'explique en partie par l'inflation et par la nécessité de compenser les effets fiscaux de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Mais il s'agit aussi de financer des projets de transformation, dans le cadre d'un nouveau programme budgétaire, doté de 69 millions d'euros pour l'an prochain. Ce programme de transformation bénéficierait, en tout, de 200 millions d'euros entre 2024 et 2026.
Les projets de transformation des entreprises de l'audiovisuel public doivent être précisés dans leurs futurs contrats d'objectifs et de moyens, ce qui pose un problème de méthode sur lequel je reviendrai.
Je commencerai par évoquer la répartition des crédits par opérateurs.
France Télévisions est évidemment l'acteur central de l'audiovisuel public, avec une dotation de près de 2,6 milliards d'euros en 2024, dont 45 millions au titre du programme de transformation. Le groupe public bénéficie ainsi de près des deux tiers du montant du compte de concours financiers. Afin d'absorber la baisse de sa dotation, l'entreprise a réalisé des efforts conséquents de réduction de ses charges au cours de la dernière décennie. Cet effort s'est traduit par une réduction de 10 % des effectifs et par une baisse de 15 % du budget du programme national.
France Télévisions est, par ailleurs, confrontée à la profonde transformation du marché publicitaire, dont la croissance est désormais entièrement tirée par le numérique. L'entreprise a néanmoins augmenté ses recettes publicitaires en 2022, ce que les chaînes privées lui reprochent, entre autres griefs à son encontre. Les acteurs historiques se livrent en effet une concurrence sans merci, plutôt que de s'unir pour formuler des propositions communes afin de résister à la croissance des plateformes internationales.
Après la fusion des rédactions nationales de France 2 et France 3, intervenue en 2019, le passage d'une organisation en silos à une organisation transversale se poursuit. Le rapprochement entre France 3 et France Bleu progresse. Une nouvelle étape a été engagée en septembre dernier avec le lancement sur France 3 des éditions d'information opérées par les antennes du réseau régional sur les créneaux du 12/13 et du 19/20. Le développement de l'offre régionale de France 3 est ainsi au coeur de la stratégie du groupe.
La mutation de France Télévisions s'accompagne d'un projet de regroupement de ses implantations en Île-de-France, afin de rassembler, à l'horizon 2025, l'ensemble des salariés franciliens, soit 5 000 personnes, sur 5 sites, contre 16 en 2022.
J'en viens à Radio France, que j'ai déjà évoquée à propos de France Bleu. Depuis 2015, Radio France a réalisé d'importants efforts d'économies qui ont notamment conduit à 250 suppressions de poste, dont 70 % sur les fonctions support. La réduction des effectifs s'est accompagnée d'une politique de modération salariale. Radio France est particulièrement soucieuse de l'indépendance du média « radio » par rapport au média « télé », et par conséquent réticente à un processus de rapprochement des entreprises de l'audiovisuel public.
Les mutualisations et coopérations se poursuivent néanmoins. La création d'une marque unique de l'audiovisuel public de proximité, ICI, est une clarification bienvenue. Mais, pour produire pleinement ses effets, ce rapprochement doit désormais se poursuivre sur les plans de la gouvernance, du projet éditorial et de l'immobilier.
L'avenir du média radio passe, par ailleurs, par la radio numérique terrestre, le DAB+. Plus de 60 % de la population sera couverte début 2024. Mais seuls 14 % des foyers français sont équipés d'un récepteur. Une réflexion doit être menée pour lever les différents freins à l'extension du DAB+. Face aux limites de la FM, le « tout internet » n'est en effet pas souhaitable : cela signifierait passer d'un modèle gratuit et résilient à un modèle fondé sur l'exploitation des données personnelles et sur des technologies non souveraines.
J'en viens au troisième acteur de l'audiovisuel public, France Médias Monde, qui regroupe, comme vous le savez, RFI, France 24 et la radio arabophone Monte Carlo Doualiya. Ces médias sont en première ligne face à la dégradation du contexte international. Des coupures ont été subies en Russie, au Mali, au Burkina Faso puis, cet été, au Niger. Les journalistes sont confrontés à un fort risque sécuritaire et à la propagation massive de fausses informations. C'est moins en tant que média français qu'en tant que média indépendant, incarnant la liberté d'informer et les valeurs démocratiques, que France Médias Monde inquiète les autorités de certains pays. Pour résister à la vague qu'elle prend de plein fouet, France Médias Monde diversifie son offre linguistique, en proposant désormais une offre en ukrainien, ainsi que dans plusieurs langues africaines.
Pour l'avenir, France Médias Monde envisage une nouvelle offre de France 24 en Afrique, mais aussi une implantation à Beyrouth pour renforcer l'offre arabophone. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a décidé pour la première fois cette année de contribuer au budget de FMM, au titre de l'aide au développement. Cette contribution est bienvenue, bien qu'elle soit limitée à 2,5 millions d'euros pour 2024.
France Médias Monde a besoin de financements pérennes et, surtout, garants de son indépendance. La réforme du financement de l'audiovisuel public devra prendre en compte sa spécificité internationale. Une budgétisation lui serait très préjudiciable, non seulement en Afrique et au Moyen-Orient mais aussi partout ailleurs. Ainsi, le renouvellement récent de la licence FM de RFI à Berlin n'aurait pas été possible avec un financement direct par le budget de l'État.
J'évoquerai, enfin, plus rapidement, les trois autres acteurs de l'audiovisuel public :
- Arte France estime que sa dotation a baissé de 8 % en euros constants depuis 5 ans. La hausse désormais programmée ne lui permettra pas de développer son projet de plateforme européenne. La chaîne estime à 35 millions d'euros par an le financement complémentaire qui serait nécessaire pour que son offre en ligne à destination de toute l'Europe atteigne un seuil de crédibilité. Ce montant, s'il se concrétisait, pourrait provenir d'un financement conjoint de la France, de l'Allemagne et de l'Union européenne. En raison des engagements internationaux de la France vis-à-vis de l'Allemagne, la budgétisation du financement d'Arte n'est, par ailleurs, pas envisageable. La proposition de loi organique sur le financement de l'audiovisuel public déposée à l'Assemblée nationale prévoit d'ailleurs en faveur d'Arte un régime particulier de prélèvement sur recettes ;
- l'Institut national de l'audiovisuel (INA) poursuit sa transformation grâce à une stratégie de renouveau éditorial et d'adaptation aux nouveaux usages, qui rencontre un indéniable succès. Mais l'INA attend des réponses du gouvernement sur deux points : d'une part, pour pouvoir exercer sa responsabilité de formation des salariés de l'audiovisuel public, des arbitrages juridiques sont nécessaires. D'autre part, la trésorerie de l'INA est dans une situation qui s'aggrave. L'Institut estime ses besoins à 10,2 millions d'euros. Le projet de loi de finances de fin de gestion, que nous venons d'adopter au Sénat, lui apporte un début de réponse : il octroie à l'INA 6,3 millions d'euros supplémentaires pour faire face à cette rupture de trésorerie ;
- enfin, vous connaissez tous le rôle essentiel de TV5 Monde comme acteur de la francophonie au niveau mondial. Pour l'avenir, les différents partenaires de la chaîne envisagent l'ouverture de sa gouvernance à un ou plusieurs États d'Afrique subsaharienne. Cette évolution conforterait le modèle multilatéral, pluraliste et donc résilient qui fait la force de cette chaîne.
Que penser, globalement, de ce budget ?
Le gouvernement nous propose une trajectoire pluriannuelle d'augmentation des crédits, adossée à une stratégie qui n'est qu'à l'état d'ébauche.
En effet, cette trajectoire s'inscrit sur la durée des prochains contrats d'objectifs et de moyens sur lesquels la commission et l'Arcom seront consultées pour avis. Ces COM auraient dû nous parvenir avant le projet de loi de finances, ou au moins avant la fin de l'année. C'est ce qui était programmé, mais le processus a été retardé.
Cette chronologie interroge : notre avis sur les COM et donc sur la stratégie interviendra en bout de course, sur une trajectoire et des objectifs déjà déterminés. Nous serons saisis de ces COM l'an prochain, alors que la période sur laquelle ils s'appliquent aura déjà commencé. Le gouvernement s'engage ainsi sur une trajectoire sans tenir compte de l'avis du Parlement. Les moyens précèdent la stratégie. Or comme le dit un proverbe auvergnat : « on n'achète pas un chat dans un sac » !
La consultation du Parlement n'est pas une simple formalité. Il aurait fallu discuter d'abord des objectifs et de la méthode d'évaluation des résultats, avant de voter ou non les crédits proposés par le gouvernement. C'est donc en sens exactement inverse qu'il aurait fallu procéder, pour que nos remarques puissent être prises en compte.
À cela s'ajoute une absence de perspectives sur le mode de financement de l'audiovisuel public après 2025. Le financement par affectation d'une fraction de la TVA ne pourra désormais plus être reconduit si la loi organique relative aux lois de finances n'est pas modifiée. Nous irions, dans ce cas, vers une budgétisation, ce qui était, d'ailleurs, le projet initial du gouvernement. Ce serait, je pense, un contresens historique car nous avons plus que jamais besoin de médias de service public indépendants et crédibles, ce qui passe par un financement adapté.
Enfin, le gouvernement a également renoncé à réformer la gouvernance de l'audiovisuel public, malgré l'initiative prise par le Sénat cette année, avec la proposition de loi du président Laurent Lafon, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. Le Sénat a adopté cette PPL en juin 2023 mais elle reste, à ce jour, sans suites.
La méthode qui nous est proposée par l'exécutif n'est donc pas satisfaisante. Les enjeux méritent un débat d'une autre ampleur, pour consolider le service public de l'audiovisuel, alors qu'il est confronté à de multiples défis. Des médias de service public indépendants, dotés d'une stratégie claire, d'une gouvernance unifiée et d'un financement pérenne sont plus que jamais nécessaires.
Pour toutes ces raisons, malgré les évolutions positives que j'ai mentionnées à propos des différents opérateurs, je vous propose de donner, un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2024.
Mme Sylvie Robert. - Je voudrais tout d'abord remercier le rapporteur. J'attendais la chute de son exposé : elle est tout à fait conforme à son analyse, que je rejoins. Comme vous l'avez indiqué, l'augmentation des crédits doit être relativisée. Elle intervient, qui plus est, après plusieurs années très rudes pour l'audiovisuel public. C'était important de le mentionner.
Vous avez évoqué la situation d'Arte, qui fait un travail remarquable. Nous sommes nombreux à apprécier cette chaîne et sa plateforme qui sont d'une très grande qualité. La plateforme européenne est attendue. Je regrette que les crédits ne soient pas au rendez-vous, au risque de freiner la dynamique de cette chaîne.
L'INA, dont les missions sont essentielles, reste dans une situation très fragile, même si, en fin de gestion, sa trésorerie sera consolidée.
Nous ne pouvons pas voter un blanc-seing sans connaître le contenu des COM qui définiront la stratégie jusqu'en 2028. Au-delà de la question du mépris du Parlement, il y a vraiment un problème de méthode. La suppression de la contribution à l'audiovisuel public n'était pas une bonne mesure. Nous savions, depuis cette suppression, que l'affectation d'une fraction du produit de la TVA serait cantonnée aux seuls exercices 2023 et 2024. L'année 2025 approche et l'absence de visibilité est totale pour l'audiovisuel public. La ministre doit donner très rapidement la position du gouvernement sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public.
Enfin, vous avez mentionné le nouveau programme 848, qui représente 69 millions d'euros pour 2024. Il s'agit en quelque sorte, dans le cadre de ce programme, de passer un contrat de mission avec l'audiovisuel public, sur des objectifs louables tels que l'information ou la proximité. Mais je suis assez étonnée de la méthode employée, d'autant que les documents budgétaires précisent que, si les objectifs ne sont pas atteints, les dotations correspondantes pourront être retirées aux opérateurs. C'est la première fois qu'une telle conditionnalité est mise en place. Les dirigeants des chaînes y sont plutôt favorables. Je m'interroge, néanmoins, sur cette évolution au regard du principe d'indépendance.
Pour toutes ces raisons, nous suivrons l'avis du rapporteur
Mme Catherine Morin-Desailly. - Merci à notre rapporteur pour cet exposé extrêmement clair qui dresse un tableau pertinent au regard de la situation internationale, marquée par une remise en cause de nos démocraties. Il est important de souligner le rôle essentiel de nos médias publics dans la lutte contre la désinformation. C'est en particulier le cas de France Médias Monde mais aussi d'Arte.
Nos médias publics ont besoin de stabilité et de visibilité. Or, ces dernières années, la tutelle a été très changeante voire chancelante, fixant un cap mal défini. Des économies ont été réalisées, sans être accompagnées d'un projet de nature à leur donner du sens. Des décisions contradictoires ont été prises. Prenons l'exemple de la suppression de France 4, rétablie ensuite, grâce au Sénat, car nous nous sommes mobilisés au lendemain de la crise de la Covid.
La suppression de la redevance, dans les conditions que l'on sait, parachève ce constat. Cette suppression s'est faite sans suivre parfaitement les préconisations du rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et de l'Inspection générale des finances (IGF), qui préconisaient de modifier la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Notre groupe est très attaché à la différence entre dotation d'État et dotation publique. Une modification de la loi organique doit fixer les perspectives à partir de 2025.
J'approuve la conclusion du rapporteur lorsqu'il dit qu'une budgétisation serait un contresens historique. Nos partenaires à l'international et en Europe, je pense notamment au cas d'Arte, s'interrogent. Nos décisions ont été à l'encontre des engagements pris lors de la création de la chaîne franco-allemande. La dotation publique est une garantie d'indépendance, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas d'évaluation de l'audiovisuel public, notamment par le Parlement et par l'Arcom. Par ailleurs, la chronologie qui nous est proposée par le gouvernement soulève, en effet, des difficultés puisque le COM est engagé avant d'avoir recueilli l'avis du parlement.
J'aurais aimé avoir quelques précisions sur ce qu'est le soutien à la création, au regard du financement de l'audiovisuel public, notamment de la part de France Télévisions mais aussi d'Arte. Par ailleurs, une plateforme commune de l'audiovisuel public est-elle envisageable ? L'échec de Salto a illustré l'absence d'une vraie volonté politique de rapprochement entre les audiovisuels public et privé.
Comment les rédactions régionales et locales réagissent-elles à l'ambition d'une télévision régionale, à laquelle je crois que nous pouvons souscrire ? Il est inutile d'avoir des journaux télévisés en doublon mais encore faut-il que les antennes régionales disposent de moyens suffisants pour proposer des contenus consistants.
Enfin, l'exemple de Radio France souligne à quel point l'augmentation du budget est en trompe-l'oeil. Hors remboursement des effets fiscaux de la suppression de la CAP et hors programme de transformation, la hausse de la dotation est inférieure à l'inflation. Dans ce contexte, disposez-vous d'informations sur les orchestres de Radio France ? Les moyens sont-ils suffisants pour prolonger les missions de ces orchestres ?
Je plaide, comme Sylvie Robert, en faveur d'Arte, qui doit pouvoir disposer des moyens nécessaires pour mettre en place sa plateforme européenne. L'Europe a besoin de tels projets. L'INA doit aussi bénéficier d'un regard bienveillant de notre part car son rôle est essentiel.
Le groupe Union centriste soutiendra l'avis du rapporteur.
M. Jérémy Bacchi. - Merci pour ce rapport précis, complet et sans concession. Je ne reviendrai pas sur Arte. La hausse de sa dotation l'an prochain ne compense en rien la baisse subie au cours des cinq dernières années, ce qui met la chaîne en difficulté. C'est regrettable.
Deux éléments attirent mon attention.
Ma première remarque concerne les crédits déployés dans le cadre du programme 848 qui s'élèvent à 69 millions d'euros. Le gouvernement manifeste sa volonté d'offrir davantage de proximité dans l'information en passant de deux éditions nationales à 48 éditions locales. C'est, de mon point de vue, une bonne chose, mais nous devons nous interroger sur le passage à un si grand nombre d'éditions sans recrutements massifs, notamment de journalistes, d'autant que cette évolution va de pair avec la nécessité de lutter contre la désinformation dans un contexte que nous connaissons toutes et tous, à la fois à l'échelle internationale mais aussi au niveau national.
Mon second point concerne la suppression de la redevance audiovisuelle, dans le cadre des mesures en faveur du pouvoir d'achat actées en août 2022, et son remplacement par une solution non pérenne. L'affectation d'une fraction de la TVA est reconduite cette année. Faute d'accord et d'inscription de cette pratique dans la loi organique, une budgétisation sous le contrôle de Bercy deviendrait inévitable, soumettant chaque année l'audiovisuel public aux aléas de la négociation budgétaire. Une telle procédure porterait évidemment atteinte à l'indépendance des chaînes publiques, alors que les États généraux de l'information ont été lancés en octobre dans l'objectif de renforcer cette indépendance. On n'ose imaginer qu'une telle hypothèse prenne corps, d'autant que des solutions alternatives existent. Je pense à la Suède ou à d'autres pays qui ont développé d'autres solutions.
Pour ces raisons et toutes celles déjà évoquées par mes collègues, nous suivrons l'avis du rapporteur.
Mme Monique de Marco. - Je salue, moi aussi, le rapporteur pour son travail. Je partage les propos tenus par mes collègues. J'ai été saisie par des syndicats concernant le rapprochement entre France 3 et France Bleu. Ce rapprochement soulève des difficultés. Il a été imposé. La concertation et les moyens sont insuffisants. Il en résulte des grèves dans certaines régions.
S'agissant du financement de l'audiovisuel public, plusieurs d'entre vous ont mentionné la proposition de loi organique déposée à l'Assemblée nationale. J'ai moi-même déposé une proposition de loi, monsieur le président, dont la commission pourrait se saisir.
M. Bernard Fialaire. - Merci, monsieur le rapporteur. Je voudrais saluer les efforts d'économie qui ont été réalisés. J'entends que les augmentations seraient en trompe-l'oeil. Mais les économies, quant à elles, n'ont pas été en trompe-l'oeil ! Elles n'ont toutefois pas altéré la qualité des chaînes. L'audiovisuel public a franchi avec succès l'étape de la rationalisation.
Je soutiens également, pour ma part, le rapprochement des moyens régionaux de la télévision et de la radio. Il faut aller plus loin, malgré les réticences. En revanche, je ne suis pas un nostalgique de la redevance. Cette taxe était injuste ; sa suppression a redonné du pouvoir d'achat aux ménages. Elle était d'ailleurs complétée par une intervention du budget de l'État. Nous attendons effectivement, néanmoins, qu'une décision soit prise pour l'avenir, puisqu'on nous avait promis une solution pérenne. Concernant Arte, je partage les propos de Sylvie Robert et de Catherine Morin-Desailly.
À titre personnel, ma position sera une abstention constructive.
M. Laurent Lafon, président. - Avant de redonner la parole au rapporteur, j'attire votre attention sur une interview récente du ministre délégué aux Comptes publics dans la Tribune. Il précise que l'audiovisuel public figurera bien dans la revue des dépenses publiques, ce qui ajoute à la confusion.
M. Cédric Vial. - Merci à tous. Je vais essayer de répondre globalement.
Je m'associe à tout ce qui a été dit sur la qualité du travail d'Arte, dans un contexte particulier puisque le financement d'Arte dépend d'un traité européen. La chronologie est un peu décalée pour cette chaîne puisque l'avenant que nous avons examiné l'an dernier porte sur deux années. Arte ne fait d'ailleurs pas partie des entreprises qui bénéficient du fonds de transformation, ce qui pose quelques difficultés. La plateforme d'Arte répond à la demande du public mais son offre mériterait d'être complétée et d'être mieux connue. Pour développer cette plateforme, la chaîne a besoin de moyens. Arte développe, par ailleurs, une offre en six langues pour pouvoir être diffusée partout en Europe. Les financements européens ne sont pas non plus à la hauteur de ce qu'ils devraient être.
J'insisterai sur la méthode. En premier lieu, l'approche du gouvernement est problématique à plusieurs titres. On a imposé aux entreprises audiovisuelles un certain nombre d'économies douloureuses mais probablement nécessaires. On leur redonne maintenant un certain nombre de moyens mais sans objectifs très clairs. En second lieu, c'est une mauvaise manière faite au Parlement : le gouvernement discute avec chacune des entreprises et s'engage sur des montants financiers pluriannuels alors que le principe d'annualité budgétaire veut que les crédits soient votés par le Parlement chaque année. Il semble que, pour le gouvernement, ce soit une formalité. Cette perception de la séparation des pouvoirs et du rôle du Parlement n'est pas à la hauteur des enjeux.
Cette question recouvre aussi des enjeux d'évaluation. Le COM mettra en place des indicateurs. Des crédits pourront être récupérés si les objectifs ne sont pas atteints. Cela nécessite un regard du Parlement.
Sur la question de la création, le ministère nous a transmis des chiffres qui ne sont pas très récents mais que nous pourrons vous communiquer. France Télévisions a, par exemple, consacré 486 millions d'euros en 2021 à la production audiovisuelle et cinématographique. Les objectifs n'ont, à ma connaissance, pas varié. Là encore, le COM déterminera des objectifs et jouera un rôle essentiel. S'agissant des orchestres, je rappelle que Radio France assure en effet la gestion et le développement de quatre formations musicales : l'Orchestre National de France, l'Orchestre Philharmonique de Radio France, le Choeur et la Maîtrise de Radio France. Des économies ont été réalisées, notamment depuis 2022, dans le cadre d'un accord sur l'emploi. Ce sont, par exemple, 30 ETP qui ont été supprimés s'agissant du Choeur. Je n'entrerai pas dans le détail mais les efforts réalisés ont été significatifs.
La suppression de la CAP a assujetti un certain nombre d'entreprises de l'audiovisuel public à la TVA et à la taxe sur les salaires. Les dotations incluent donc une enveloppe destinée à compenser cette fiscalité : c'est un jeu à somme nulle pour l'État. Le gouvernement s'est engagé auprès des entreprises à compenser ces montants chaque année, indépendamment de l'évolution de la dotation. Les montants en question sont relativement importants.
Sur le rapprochement de France 3 et France Bleu, tout changement suscite des débats. Les objectifs n'apparaissent pas encore très clairement ce qui contribue probablement aux incompréhensions au niveau local. Les cultures d'entreprise sont aussi différentes. Ce rapprochement paraît, toutefois, souhaitable. Il est en train de se mettre en place dans nos territoires. Le souhait d'un audiovisuel public des territoires est largement partagé.
Sur le financement de l'audiovisuel public, il faudra trouver une solution à partir du prochain PLF. Cette solution ne peut passer que par une proposition de loi organique, si l'on souhaite maintenir l'affectation d'une fraction de la TVA. Cela ne se fera pas en un jour mais nous ne connaissons toujours pas la position du gouvernement, la ministre nous ayant donné son avis à titre personnel. Si le gouvernement ne nous communique pas rapidement sa position, nous aurons du mal à être au rendez-vous. Ce serait un problème pour toutes les entreprises ; et un problème majeur pour celles qui interviennent à l'international, Arte et France Médias Monde.
La question d'une plateforme commune des audiovisuels publics se pose. Chaque entreprise s'interroge sur les conséquences de la révolution des modes de consommation. Il faut probablement les laisser faire. Des solutions permettent de faire en sorte qu'une plateforme en diffuse une autre. Je pense que nous ne sommes pas encore au bout de la réflexion. Les chaînes privées s'interrogent d'ailleurs également. TF1 lancera prochainement une nouvelle plateforme. Toutes les chaînes ont pris la question à bras le corps. Je ne suis pas sûr qu'il faille aller, à ce stade, vers une offre unique de l'audiovisuel public mais le temps fera son oeuvre.
M. Laurent Lafon, président. - Nous sommes arrivés au terme de cette présentation des crédits du compte de concours financiers « avances à l'audiovisuel public » au sein du PLF pour 2024.
Je vais mettre aux voix l'avis du rapporteur qui nous propose de donner un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2024.