SOMMAIRE

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L'ESSENTIEL 5

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 151 BÉNÉFICIENT D'UNE AUGMENTATION INÉDITE, QUI N'EST TOUTEFOIS PAS RÉPERCUTÉE SUR LES EFFECTIFS 5

A. UNE REVALORISATION MARQUÉE ET RÉPARTIE SUR L'ENSEMBLE DES POSTES DE DÉPENSE, À L'EXCEPTION DE L'AIDE SOCIALE 5

B. UN IMPACT RELATIVEMENT LIMITÉ DE CETTE HAUSSE SUR LES EFFECTIFS DU RÉSEAU CONSULAIRE, ET NOTAMMENT CEUX QUI SONT CHARGÉS DU TRAITEMENT DES DEMANDES DE VISAS 7

1. Une demande de visas en forte reprise après la crise sanitaire... 7

2. ... mais des moyens de traitement qui restent très contraints, ce qui engendre d'importantes difficultés dans le réseau 8

II. LA BUDGÉTISATION DES BOURSES SCOLAIRES ET DE L'AIDE AUX ADHÉRENTS DE LA CFE DOIT ÊTRE CLARIFIÉE 9

A. LES BOURSES SCOLAIRES : UN MÉCANISME COMPLEXE ET DES MONTANTS QUI SEMBLENT D'EMBLÉE INFÉRIEURS AUX BESOINS EN 2024 10

B. LA CATÉGORIE AIDÉE DES ADHÉRENTS À LA CAISSE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER (CFE) : UNE CONTRIBUTION DE L'ÉTAT EN BAISSE TENDANCIELLE 11

III. FRANCE CONSULAIRE EST UNE RÉUSSITE, MAIS NE PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UNE ALTERNATIVE AU RENFORCEMENT DU RÉSEAU CONSULAIRE 13

1. Un service apprécié des usagers, dont le déploiement se poursuit 13

2. Organisation de la plateforme France Consulaire 14

EXAMEN EN COMMISSION 17

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 25

L'ESSENTIEL

Les crédits du programme 151 affichent dans le projet de loi de finances pour 2024 une hausse très significative de 17 % hors « titre 2 » (dépenses de personnel), répartie équitablement dans l'ensemble des postes, à l'exception notable de l'action sociale. Ainsi le réseau consulaire reçoit pleinement sa part du « réarmement » du ministère des affaires étrangères entamé en 2021. Le constat est plus mitigé pour le titre 2, dont l'augmentation, certes significative, de 10 % finance une hausse somme toute très limitée des effectifs, alors même que la demande de services, et notamment de visas, est en hausse structurelle.

Deux autres questions récurrentes sont abordées : les bourses scolaires dans le réseau de l'AEFE (Agence pour l'enseignement français à l'étranger), ainsi que la contribution de l'État à la catégorie dite « aidée » des adhérents à la Caisse des français de l'étranger. Dans les deux cas, il serait souhaitable de remplacer les ajustements de fin d'exercice par une dotation budgétaire suffisante et pérenne.

Ce rapport présente enfin un point détaillé sur le déploiement du service France Consulaire qui, à la fin 2024, couvrira l'ensemble des pays situés sur nos fuseaux horaires. Il conviendra d'accompagner jusqu'à son terme, prévu en 2027, son extension par des crédits suffisants. Ce service est performant et apprécié des utilisateurs ; il contribuera au recentrage des consulats sur le coeur de leur activité. Ce n'est toutefois en aucun cas un substitut aux ressources humaines du réseau.

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 151 BÉNÉFICIENT D'UNE AUGMENTATION INÉDITE, QUI N'EST TOUTEFOIS PAS RÉPERCUTÉE SUR LES EFFECTIFS

A. UNE REVALORISATION MARQUÉE ET RÉPARTIE SUR L'ENSEMBLE DES POSTES DE DÉPENSE, À L'EXCEPTION DE L'AIDE SOCIALE

Dans leur rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, les rapporteurs pour avis avaient déploré que « le programme bénéficie d'une hausse de ses crédits près de deux fois moins dynamique que le ministère dans son ensemble ».

De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2024 représente une forme de rattrapage : l'augmentation des crédits du programme 151 est en effet de 11,6 %, ceux de la mission « Action extérieure de l'État » augmentant globalement de 8,9 %. À titre de comparaison, les crédits du programme 105 « Action de la France dans l'Europe et dans le monde », qui finance le réseau diplomatique, augmentent de 8,7 %, ceux du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de 8,4 %.

Il convient cependant de déduire de cette augmentation le transfert de 4,4 millions d'euros du programme 232 lié à l'organisation des élections européennes, dont le ministère de l'intérieur prend une partie à sa charge. Une fois cette déduction opérée, la hausse est tout de même de 10,5 %.

Pôle

Crédits de paiement (hors T2) en M€

Augmentation/LFI 2023

Assemblée des Français de l'étranger

2,5

9,7 %

Service public consulaire

7,6

9,7 %

Modernisation de l'administration consulaire

4,5

22,2 %

Elections

(hors transfert P232)

1,6

250 %

Affaires sociales

21,5

0 %

Aide à la scolarité

120,5

13,9 %

Frais de contentieux de refus de visa

2,6

51,8 %

La répartition des crédits entre les principaux postes de dépenses reflète un effort budgétaire réel tenant compte de l'évolution des besoins :

· pour le pôle « Assemblée des Français de l'étranger » (AFE), un réajustement de l'indemnité des conseillers de l'AFE pour tenir compte de la hausse des coûts de transport ;

· pour le pôle « Service public consulaire », la montée en puissance du service France consulaire ;

· pour le pôle « Modernisation de l'administration consulaire », l'expérimentation d'une dématérialisation du renouvellement des passeports et la poursuite de la mise en place du registre de l'état civil électronique (RECE) ;

· pour le pôle « Aide à la scolarité », une revalorisation des crédits alloués aux bourses afin de répondre à la hausse des frais de scolarité dans les établissements du réseau AEFE et à l'inflation ;

· pour le pôle « Frais de contentieux de refus de visa », une revalorisation liée à la judiciarisation croissante des procédures.

Contrairement à l'année précédente, l'administration consulaire a reçu sa pleine part du réarmement budgétaire du ministère

Une exception dans ce budget en augmentation notable : l'aide sociale, dont le montant est simplement reconduit sans tenir compte de l'inflation. C'est d'autant plus regrettable que ce montant avait augmenté de près de 1 million d'euros dans la loi de finances initiale pour 2023, afin de prendre le relais du secours occasionnel de solidarité lié à la crise du covid (SOS covid), destiné à nos compatriotes traversant des difficultés liées à la pandémie, qui a pris fin en 2022. Encore les rapporteurs pour avis avaient-ils alors estimé que cette hausse « ne saurait être présentée comme une compensation à due proportion de la disparition du dispositif SOS covid »... Il conviendrait que le secours à nos concitoyens en difficulté soit à tout le moins ajusté à l'inflation.

B. UN IMPACT RELATIVEMENT LIMITÉ DE CETTE HAUSSE SUR LES EFFECTIFS DU RÉSEAU CONSULAIRE, ET NOTAMMENT CEUX QUI SONT CHARGÉS DU TRAITEMENT DES DEMANDES DE VISAS

1. Une demande de visas en forte reprise après la crise sanitaire...

Les crédits de paiement alloués à l'instruction des demandes de visa ont été portés de 58,4 millions d'euros à 66,9 millions d'euros dans ce projet de loi de finances, soit une augmentation de 14,4 %. Mais malgré cet effort réel, l'augmentation des effectifs prévue dans le réseau reste extrêmement limitée : le schéma d'emplois est en progression, dans l'ensemble du réseau consulaire, de 20 ETP pour un total de 3 183 ETP dans le réseau, soit 0,6 %. Ce total se répartit entre 8 emplois supplémentaires en administration centrale et 11 dans le réseau.

Cette quasi-stabilité apparaît très insuffisante, notamment au regard de l'une des principales activités du réseau consulaire : le traitement des demandes de visa. En la matière, le volume d'activité a connu des évolutions très contrastées depuis la crise du covid : après une baisse très marquée en en 2020 et 2021 liée à la pandémie, la demande est repartie à la hausse dès 2022.

La demande globale de visas est restée très inférieure en 2022 à son niveau de 2019 (voir tableau).

 

Visas demandés

Taux de refus

Visas délivrés

Évolution de

la demande n/n-1

2018

4 302 012

15,86 %

3 582 645

7,2 %

2019

4 296 796

16,27%

3 540 285

- 0,1 %

2020

863 670

19,28%

705 273

-79,9%

2021

2022

973 099

2 332 584

21,15%

22,41%

723 396

1 733 183

12,7%

139,7%

Cependant, cette baisse s'explique principalement par le fait que les demandes de visas de court séjour restent inférieures d'environ 2 millions à leur niveau de 2019. La demande de visas de long séjour s'établit, elle, à un niveau déjà très supérieur à l'avant-covid, ce qui suggère une tendance de fond : les demandes ont augmenté de 30 % entre 2019 et 2022, et la tendance s'est poursuivie au premier semestre 2023. Or les demandes de visas de long séjour sont les plus longues et complexes à traiter.

2. ... mais des moyens de traitement qui restent très contraints, ce qui engendre d'importantes difficultés dans le réseau

Les moyens de traitement des consulats ont été affectés par une décision du tribunal administratif de Paris en janvier 2020, qui a contraint l'administration à mettre fin à l'affectation dans les services consulaires de 41 volontaires internationaux en administration.

Les consulats sont, de plus, confrontés à une forte saisonnalité des demandes, notamment celles qui concernent les visas étudiants, déposées durant l'été, qui coïncide avec les congés d'une grande partie des agents. De ce fait, les délais de traitement ont augmenté, un problème aggravé par la petite taille des services chargés de la délivrance des visas au sein des consulats (de 1 à 3 ETP) ainsi que par l'émergence d'intermédiaires qui préemptent les créneaux de rendez-vous disponibles pour les revendre.

Il en est résulté des difficultés importantes pour les consulats les plus concernés par les demandes de visas de long séjour, se traduisant à la fois par une insatisfaction croissante des demandeurs, qui ne peut que porter préjudice à l'image de la France dans des zones particulièrement stratégiques comme le Sahel, et par une dégradation des conditions de travail pour les agents dans les consulats les plus concernés (voir ci-dessous l'encadré présentant le rapport Hermelin).

Malgré cette tendance de fond, le nombre d'ETP affectés au traitement des demandes de visas dans le réseau s'est réduit, de 818 en 2021 à 816 en 2022. Le surplus d'activité a été absorbé par le renfort d'un vivier d'agents de la Direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) basés à Nantes, susceptibles d'être appelés dans les postes pour faire face aux pics d'activité. 45 missions de renfort ont ainsi été déployées en 2023.

Les services de délivrance des visas voient leurs conditions de travail se dégrader

Au plan budgétaire, ces renforts ont été comptabilisés sous la catégorie des mois/vacations, qui sont en forte augmentation entre 2022 et 2023, de 628 à 933 mois/vacations. Ce dispositif est financé par un retour partiel sur les recettes de visas, dans le cadre d'une convention avec le ministère des comptes publics.

Or cette ressource est actuellement en diminution en raison de la forte réduction de l'activité visas entre 2020 et 2022.

 

2018

2019

2020

2021

 2022

(prévisions)

2023

(prévisions)

RECETTES VISAS

217 754 318 €

219 406 357 €

61 138 657€

59 155 378 €

147 565 017 €

181 040 977 €

Il en résulte un effet de ciseau préjudiciable au bon fonctionnement de l'activité de délivrance des visas. Pour y faire face, le ministère a obtenu le passage de 0,75 à 1,35 % de la part de recettes de visas affectée au financement de ces vacations.

Le rapport Hermelin

En avril 2023, M. Paul Hermelin a remis aux ministres de l'intérieur et de l'Europe et des affaires étrangères un rapport intitulé « Propositions pour une amélioration de la délivrance des visas ». Le constat est sans appel : le rapport pointe une véritable « crise des visas » se manifestant par « une insatisfaction générale, des demandeurs mécontents, des responsables frustrés et des services consulaires souvent épuisés », et formule une série de recommandations concernant la politique de visas, à commencer par la prise en compte d'un critère d'attractivité dans le traitement des demandes. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'est engagé à les mettre en oeuvre à compter de 2024.

Si la plupart de ces recommandations portent sur la politique des visas, qui ne relève pas du programme 151, les rapporteurs pour avis seront particulièrement attentifs à l'évolution des effectifs au sein du réseau, afin de faire face à une demande qui devrait continuer à augmenter dans les prochaines années.

Il est évident que ce type d'expédients budgétaires ne pourra répondre de façon pérenne à l'augmentation des demandes de visas. À plus long terme, deux solutions sont envisagées : le regroupement des services de visas afin notamment de mieux répondre aux pics d'activité, et la mobilisation d'agents de droit local pour instruire les dossiers les plus simples. Ces possibilités sont en cours d'expertise.

II. LA BUDGÉTISATION DES BOURSES SCOLAIRES ET DE L'AIDE AUX ADHÉRENTS DE LA CFE DOIT ÊTRE CLARIFIÉE

Les rapporteurs pour avis se sont penchés sur deux postes de dépense du programme 151 relevant de l'aide à nos compatriotes de l'étranger les moins favorisés. De dimensions très différentes - plus de 100 millions pour l'un, moins d'un million pour l'autre - ils ont cependant en commun une budgétisation complexe, qui affecte grandement la visibilité des opérateurs concernés.

A. LES BOURSES SCOLAIRES : UN MÉCANISME COMPLEXE ET DES MONTANTS QUI SEMBLENT D'EMBLÉE INFÉRIEURS AUX BESOINS EN 2024

Alors que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) reçoit, au titre de son fonctionnement, une subvention de l'État via le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », les bourses scolaires pour l'accès aux établissements du réseau, attribuées sur critères sociaux, relèvent du programme 151. À 118 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024, c'est de très loin le principal poste de dépense (hors T2) du programme puisqu'il représente 71,4 % du total des crédits.

En apparence, les crédits alloués aux bourses en 2024 ont fait l'objet d'une revalorisation significative : + 13,6 millions d'euros, soit 13 %, pour répondre à un contexte mondial de crise économique et d'inflation.

Cependant, un examen attentif du mécanisme d'attribution et de distribution des bourses vient nuancer cette première appréciation. En effet, il faut défalquer du montant attribué en loi de finances initiale la « réserve », qui représente un peu plus de 5 % du total, mise de côté pour faire face aux aléas ou procéder à des redistributions en cours d'exécution.

Mais il est apparu dès la présentation du PLF pour 2023 que ces montants seraient insuffisants ; c'est pourquoi l'administration a obtenu du ministère des comptes publics un « dégel » de la réserve et l'utilisation du reliquat de la « soulte »1(*) de l'AEFE, pour arriver à environ 113,3 millions de crédits ouverts en 2023 au titre des bourses scolaires.

BOURSES SCOLAIRES

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Dotation en LFI (en M€)

110,3

105,3

105,31

104,7

95,52

105,75

Dotation effectivement allouée à l'AEFE (en M€) (après gel, réserve,...)

102,3

101,6

140,8

80,4

83,7

100,4

Enveloppe effectivement distribuée par l'AEFE (en M€)

100,2

99,2

89,2

102,6

114,3

114,6

N.B. : les chiffres présentés dans ce tableau incluent l'aide aux élèves à besoin éducatif particulier, portée à 1,31 million d'euros en 2022.

Ainsi, déduction faite de la réserve, les crédits présentés dans le projet de loi de finances pour 2024 s'élèvent à 112,6 millions d'euros, soit un total inférieur au montant effectivement distribué en 2023.

Or ce montant s'était déjà avéré insuffisant, même avec le dégel des crédits mis en réserve et l'apport de la soulte : c'est pourquoi, lors de l'examen des dossiers par la commission nationale des bourses, la CPS (voir encadré) a été portée de 2 à 7 points. Les montants des bourses attribuées ont ainsi été écrêtés par une forme de « rabot » budgétaire, d'une manière peu compréhensible pour les parents concernés.

La contribution progressive de solidarité (CPS)

Instituée en 2012, la CPS se présente comme un mécanisme ad hoc destiné à maintenir dans les limites de l'enveloppe budgétaire allouée les montants distribués à l'issue de la réunion de la commission nationale des bourses. Initialement fixée à 2 points, elle s'applique intégralement aux familles dont la quotité théorique est inférieure ou égale à 80 %, partiellement jusqu'à 99 %. Les familles dont la quotité est de 100 % sont exonérées.

Compte tenu des besoins et des crédits alloués, il est donc très probable que le taux de la CPS sera maintenu à 7 points lors de la prochaine réunion de la CNB, ce qui va directement à l'encontre de l'objectif énoncé par le Président de la République lors de son discours du 20 mars 2018 de doubler le nombre d'élèves accueilli dans le réseau AEFE à l'horizon 2030.

Alors que la soulte de l'AEFE arrive à extinction, il est important de trouver un mode de financement des bourses scolaires qui soit à la fois pérenne, lisible et compréhensible par les parents d'élèves.

Le Pass Éducation langue française :

une expérimentation dont les modalités restent à préciser

Répondant à un engagement du Président de la République, le Pass Education langue française a pour objectif de permettre aux enfants français résidant à l'étranger et scolarisés dans les systèmes nationaux de « garder un lien fort avec notre langue ». Doté d'un million d'euros, il financera des cours en ligne, avec un tuteur, pour les enfants âgés de 6 à 11 ans, soit un public potentiel de 125 000 enfants. S'il est conçu comme une outil complémentaire au FLAM (Français LAngue Maternelle), ni l'audition de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères par la commission, ni les auditions des rapporteurs pour avis n'ont permis d'obtenir de précisions sur ses modalités - prestataires, pays retenus pour l'expérimentation, etc.

B. LA CATÉGORIE AIDÉE DES ADHÉRENTS À LA CAISSE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER (CFE) : UNE CONTRIBUTION DE L'ÉTAT EN BAISSE TENDANCIELLE

La Caisse des Français de l'étranger est un organisme de sécurité sociale destiné, comme son nom l'indique, à nos compatriotes résidant hors de France. Contrairement à la Sécurité sociale, c'est un organisme de droit privé, à adhésion volontaire, qui a reçu une délégation de service public. À ce titre, elle est placée sous la double tutelle des ministères chargés du budget et de la Sécurité sociale.

La loi de modernisation sociale de 2002 a créé une catégorie dite « aidée » regroupant les Français qui « ne disposent pas de la totalité des ressources nécessaires pour acquitter, à titre d'adhérent individuel, » la cotisation à la CFE. Ce seuil est fixé à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 21 996 € annuels en 2023.

L'appartenance à cette catégorie donne droit à une prise en charge partielle correspondant au différentiel entre la cotisation qu'ils auraient dû normalement payer et la cotisation réellement acquittée (210 euros par trimestre en 2023).

Depuis la loi de finances pour 2011, le coût de ce dispositif est financé par la CFE au titre du budget de l'action sanitaire et sociale, avec un concours de l'État dont la part n'est pas fixée2(*).

De fait, depuis 2011, le montant du concours de l'État est allé en décroissant. Il est fixé à 380 000 euros en loi de finances initiale depuis 2016, sans prise en compte de l'inflation. Ces montants ont cependant pu être abondés en fin de gestion entre 2020 et 2023 grâce au reliquat des fonds du ministère, ce qui peut être interprété comme la reconnaissance d'un besoin de financement.

 

Depuis 2022, le coût que représente la prise en charge de la catégorie aidée, qui comporte un peu plus de 2 000 adhérents, est estimé à 4 millions d'euros : le concours de l'État représente désormais moins de 10 % du coût total.

En 2011, à la suite de deux audits, il avait été estimé que la CFE pourrait, à terme, prendre à sa charge l'ensemble du dispositif. Mais depuis cette date, le profil des adhérents de la CFE a considérablement évolué. La Caisse s'appuyait en effet principalement sur les adhésions collectives, via un employeur notamment, mais les deux tiers de la clientèle sont désormais constitués par les adhésions individuelles, notamment des retraités dont le profil est très déficitaire pour la Caisse.

Cette évolution a eu deux conséquences :

· le coût de prise en charge par la Caisse d'une part de la cotisation de la catégorie aidée, a augmenté ;

· dans le même temps, les ressources disponibles, qui permettaient à la CFE de financer sur ses fonds propres cette prise en charge, se sont réduites.

En réduisant ainsi son concours à la portion congrue, l'État fragilise donc la CFE, organisme délégataire de service public qui fait face, dans de nombreux pays, à une forte concurrence privée. Il conviendrait qu'il prenne sa part d'un dispositif qui relève de la solidarité nationale ; c'est d'autant plus nécessaire que les sommes en jeu, à l'échelle d'une loi de finances, sont extrêmement modestes. De plus, un relèvement de la contribution en loi de finances initiale est plus vertueux sur le plan budgétaire que des abondements irréguliers en fin de gestion.

III. FRANCE CONSULAIRE EST UNE RÉUSSITE, MAIS NE PEUT ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UNE ALTERNATIVE AU RENFORCEMENT DU RÉSEAU CONSULAIRE

1. Un service apprécié des usagers, dont le déploiement se poursuit

Créé le 13 octobre 2021, le service France Consulaire est constitué de deux équipes installées dans les locaux du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à La Courneuve : un prestataire qui assure une réponse de premier niveau pour les questions d'information générale et les procédures simples, encadré par un pôle de niveau 2 constitué d'agents de la DFAE pour les questions plus complexes. Le service est ouvert entre 9 heures et 17 heures (heure de Paris).

Ce service a pour vocation d'apporter une réponse rapide aux usagers, tout en réduisant le volume de messages qui saturent les consulats, libérant ainsi du temps pour le traitement des dossiers individuels et l'exercice de la protection consulaire. Il répond ainsi directement aux suppressions d'effectifs intervenues dans le réseau consulaire depuis plusieurs décennies.

Le calendrier de déploiement de France Consulaire

- une phase pilote de 4 mois, pendant laquelle le service a été ouvert aux usagers de Croatie, du Danemark, d'Irlande, de Slovénie et de Suède ;

- 13 nouveaux pays en 2022 ;

- 8 nouveaux pays entre janvier et mai 2023.

- une extension à l'ensemble des pays d'Europe de l'Ouest à la fin 2023, date à laquelle le service couvrira 31 pays et 47 % des Français expatriés ;

- à terme (la date de 2025 est évoquée), la couverture de l'ensemble des fuseaux horaires de GMT -8 à GMT +8, soit 97 % des Français de l'étranger, et sur une tranche horaire étendue (7h-23h).

Les rapporteurs pour avis avaient entendu, dans le cadre du rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, la vice-consule de France à Dublin, l'un des postes concernés par la phase pilote du projet. Ils avaient souligné le caractère concluant de l'expérimentation et le taux de satisfaction très élevé des usagers - plus de 90 %, que ce soit pour la qualité de la réponse, de l'accueil ou pour le délai d'attente - tout en déplorant le retard pris dans le déploiement du programme, qui devrait à l'origine couvrir l'ensemble de l'Union européenne à la fin 2022.

2. Organisation de la plateforme France Consulaire

Cette année, les rapporteurs pour avis se sont rendus sur le site de La Courneuve afin de se rendre compte de visu de l'organisation du travail au sein du service. Le plateau du « premier niveau » est constitué des prestataires (35 à la fin novembre) de la société Teletech, prestataire de ce service depuis octobre 2021 dans le cadre d'un marché arrivant à échéance en mai 2025. Celui du « second niveau » réunit les agents du ministère chargés de les encadrer ; il se trouve dans des locaux voisins du plateau du premier niveau, au même étage.

L'un des facteurs du retard dans le déploiement du projet était le nombre encore limité d'agents du niveau 2 ; il est passé de 8 à 12 (auxquels s'ajoutent deux encadrants) en septembre 2023. Ceux-ci ont deux tâches principales : reprendre l'appel de l'usager lorsque le niveau 1 n'est pas en mesure d'apporter la réponse (environ 10 % des cas), et constituer la base de données qui permet aux téléconseillers de répondre aux demandes. Cette base de données prend la forme de « fiches pays » comprenant les principales informations relatives au(x) consulat(s) du pays qui fait l'objet de la demande et aux procédures en vigueur, notamment pour l'état-civil. L'information est mise à jour sur une base quotidienne, et alimentée par des contacts réguliers avec les consulats.

France Consulaire doit permettre aux consulats de se concentrer sur leurs tâches les plus essentielles, sans servir de prétexte à de nouvelles réductions d'effectifs

En dernière instance, si le niveau 2 n'est pas en mesure de répondre à la question posée (soit dans 10 % des cas environ), l'usager est renvoyé vers le poste. C'est notamment le cas pour les questions les plus complexes comme les rapatriements d'urgence ou le transfert de cendres. Au total, environ la moitié des demandes portent sur des titres d'identité, et près de 20 % sur l'état-civil.

Le service France Consulaire semble répondre aux objectifs fixés lors de son lancement : apporter une réponse rapide et exacte à l'usager et décharger le personnel du consulat de la réponse aux demandes les plus courantes, pour lui permettre de se concentrer sur des activités plus essentielles comme la visite aux détenus. Il bénéficiera pour 2024 d'un doublement des crédits, portés de 1,9 millions d'euros à 3,8 millions, afin d'accompagner son extension.

Il est essentiel que le service bénéficie des financements nécessaires pour poursuivre sa montée en puissance, notamment au deuxième niveau ; mais surtout, la centralisation des réponses ne doit pas servir de prétexte à une réduction des effectifs dans les postes. Les Français à l'étranger restent attachés au contact personnel et à la présence de guichets dans les consulats : les rapporteurs seront particulièrement vigilants sur ce point.

Le mercredi 29 novembre 2023, sous la présidence de Mme Catherine Dumas, vice-présidente, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2024.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 29 novembre 2023, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de Mme Catherine Dumas, Vice-présidente, a procédé à l'examen du rapport de MM. Roland Le Gleut et Guillaume Gontard, sur les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

Mme Catherine Dumas, présidente. - Nous poursuivons l'ordre du jour avec l'examen de l'avis de nos collègues Ronan Le Gleut et Guillaume Gontard sur les crédits du programme 151 relatif aux Français de l'étranger et aux affaires consulaires.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires. - Pour ce programme, comme pour les deux autres de la mission « Action extérieure de l'État », ce projet de budget poursuit et confirme la trajectoire de hausse entamée l'an dernier. Il convient de se féliciter que notre diplomatie longtemps maltraitée retrouve progressivement des moyens à la hauteur de ses missions, même si nos collègues de la commission des finances ne partagent pas manifestement pas notre enthousiasme...

De plus, le programme 151 reçoit, cette année, toute sa part de l'augmentation des crédits, avec une hausse de 11,6 % pour 8,9 % sur l'ensemble de la mission. Même en déduisant le transfert de 4,4 millions d'euros du programme 232 lié à l'organisation des élections européennes, dont le ministère de l'intérieur prend une partie à sa charge, l'augmentation reste de 10,5 % : c'est appréciable, les rapporteurs ayant regretté l'an dernier que les crédits progressent moins vite que ceux du réseau diplomatique.

Dans le détail, l'augmentation bénéficie à la quasi-totalité des postes de dépense comme ceux de l'Assemblée des Français de l'étranger (+ 9,7 %), du réseau consulaire (+ 9,7 %), de la modernisation de l'administration consulaire (+ 22,2 %) et de l'aide à la scolarité. Une exception notable porte cependant sur l'aide sociale, qui est simplement reconduite, sous réserve d'éventuels ajustements en gestion. Pourquoi ne pas reconnaître d'emblée que le contexte inflationniste mondial et la situation de crise dans de nombreux pays justifient un renforcement du secours à nos compatriotes ?

Il est également regrettable que ce réel effort budgétaire ne se traduise que très imparfaitement dans la progression des effectifs qui se limite à une vingtaine d'ETP en plus, contre 110 pour le réseau diplomatique. Or notre réseau consulaire est mis sous pression par la reprise de la demande de visas après la pandémie. Pour les visas de long séjour, les plus complexes à traiter, la demande a même été supérieure de 30 % en 2022 à son niveau de 2019. Les demandes d'asile et de regroupement familial sont elles aussi en forte hausse.

Le ministère traite l'afflux de demandes par un système de vacations, en faisant appel à des renforts venus de la DFAE (direction des français de l'étranger et des affaires consulaires). Cependant le financement de ce système, qui repose sur les recettes de visas des années précédentes, n'est pas optimal. Il faudra, à long terme, apporter des réponses structurelles à cette situation : le rapport présenté en avril dernier par Paul Hermelin sur la politique des visas décrit des consulats débordés, voire en souffrance et propose des solutions - comme le regroupement des services de visas ou le recours à des agents de droit local pour l'examen de certaines demandes - que le ministère s'engage à expertiser. Nous y apporterons un suivi attentif.

Une autre balise importante de ce budget est la poursuite du déploiement du service France Consulaire, une plateforme téléphonique pour répondre aux demandes les plus courantes des Français de l'étranger et soulager ainsi les postes consulaires. Nous nous sommes rendus sur le site de cette plateforme, à La Courneuve dans les bâtiments des archives diplomatiques, où nous avons pu constater que le service fonctionnait de manière tout à fait satisfaisante. Les téléconseillers sont supervisés par un plateau composé de 14 agents du ministère, qui reprennent les demandes auxquels le premier niveau ne peut pas répondre et surtout constituent une base de données mise à jour en temps réel pour chaque pays.

Les crédits alloués à France Consulaire sont doublés cette année pour atteindre 3,8 millions d'euros, afin d'accompagner l'extension du service à toute l'Europe à la fin 2023, puis, à l'horizon 2025, à tous les fuseaux horaires entre GMT-8 heures et GMT+8 heures, ce qui couvre 97 % des Français de l'étranger. À terme, les horaires de réponse seront étendus de 7 à 23 heures. Il faudra faire grandir le service en conséquence, en particulier le plateau de deuxième niveau. France Consulaire est une initiative bienvenue, qui aidera nos consulats à se concentrer sur leurs tâches les plus essentielles, à la condition qu'elle ne serve pas de prétexte à de nouvelles réductions d'effectifs dans le réseau. Il y a des demandes que seul un agent sur place peut traiter, et le contact humain, dans le réseau consulaire comme ailleurs, n'est pas une variable d'ajustement.

Mon collègue Guillaume Gontard, qui se trouve avec notre président à l'Assemblée générale de l'ONU, devait aborder deux autres points de vigilance : les bourses scolaires dans le réseau de l'AEFE (agence pour l'enseignement français à l'étranger), et le concours de l'État au financement de la catégorie aidée des adhérents à la Caisse des Français de l'étranger (CFE). En son absence, il m'a chargé de prononcer son intervention.

D'abord, les crédits des bourses scolaires allouées, sur critères sociaux, aux enfants scolarisés dans le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ont attiré notre attention. Il s'agit, et de très loin, du premier poste de dépense du programme, hors titre 2. Ces crédits sont en augmentation marquée dans ce projet de loi de finances, à 118 millions d'euros contre 104,4 millions précédemment, pour tenir compte de l'inflation, des effets de change et des évolutions dans la tarification des établissements. Mais en réalité, il s'agit d'une augmentation en trompe-l'oeil.

En effet, il est apparu assez vite, en 2023 que le montant prévu en loi de finances initiale serait insuffisant ; c'est pourquoi on a eu recours, en gestion, au « dégel » de la réserve d'un peu plus de 5 % prélevée afin de faire face aux aléas et à la « soulte », reliquat de montants non distribués pendant la crise sanitaire. À la fin 2023, les montants effectivement alloués s'élèvent ainsi à environ 113,3 millions d'euros - c'est-à-dire un montant supérieur à celui qui est prévu pour 2024, qui est de 112,6 millions, déduction faite de la réserve de précaution.

Cependant, même avec ces compléments, le montant prévu s'est avéré insuffisant. Il a donc fallu recourir à un dernier expédient : la « contribution progressive de solidarité », élégante périphrase pour désigner un rabot budgétaire appliqué au montant des bourses. Cette CPS, dont le taux est normalement fixé à 2 %, a donc été portée à 7 %, suscitant l'incompréhension des parents. Or il est à craindre, au vu des données budgétaires, que le taux de 7 % soit à nouveau appliqué cette année.

Il faut reconnaître que le suivi budgétaire de l'attribution des bourses est très complexe : les montants votés ne sont pas consommés sur l'année civile ; les versements n'interviennent pas au même moment dans les pays du « rythme Nord » et ceux du « rythme Sud » ; les variations de taux de change peuvent être très importantes, à la hausse ou à la baisse, entre la décision d'attribution et le versement effectif ; enfin des changements liés à la scolarisation peuvent intervenir en cours d'année. C'est pourquoi les montants votés à la fin de l'année n-1 sont bien différents de ceux qui sont effectivement versés à l'issue de l'année n ; et ceux-ci ne seront connus qu'au début de l'année n+1, voire un peu plus tard lorsque les établissements n'envoient pas leurs notifications à temps.

L'AEFE a engagé une refonte de son application dédiée à la gestion de ces bourses, Scola, qui devrait permettre un suivi plus étroit et une meilleure prévisibilité. Il reste que les expédients comme la hausse brutale de la CPS ne sont ni vertueux au point de vue budgétaire ni équitables vis-à-vis des parents. Les droits de scolarité sont un point sensible dans le réseau AEFE, sachant que le montant des bourses dans certains pays comme les États-Unis est de toute façon plafonné au vu des tarifs extrêmement élevés pratiqués par les établissements.

Le deuxième point de vigilance porte sur le concours de l'État à la catégorie dite aidée des adhérents à la Caisse des Français de l'étranger (CFE). Pour rappel, la CFE est un organisme de droit privé, mais titulaire d'une délégation de service public, offrant une protection sociale facultative à nos compatriotes de l'étranger. Les foyers se situant en-dessous d'un seuil de revenus - 22 000 euros annuels en 2023 - qui définit la catégorie « aidée », créée en 2002, bénéficient d'un tarif d'adhésion préférentiel à la CFE, fixé à 210 euros par trimestre.

Le coût de ce dispositif est pris en charge conjointement, depuis 2011, par l'État et par la CFE : cependant, les parts respectives n'ayant pas été fixées, le concours de l'État est allé en se réduisant. Depuis 2016, il est fixé à 380 000 euros. Or le coût du dispositif, qui concernait 2 203 contrats en 2022, est, lui, allé croissant, pendant que les marges de manoeuvre financières de la CFE diminuaient. En effet, les adhésions collectives via l'employeur, les plus rentables, ont reculé, alors que de nombreux retraités ont adhéré à la CFE, notamment en raison d'un durcissement des conditions de prise en charge par la Sécurité sociale des frais de santé des Français à l'étranger. Aujourd'hui, le dispositif coûte 4 millions d'euros et l'État en assume moins de 10 %, contre 25 % en 2011.

Ce qui est en jeu, c'est la couverture sociale de nos compatriotes les moins favorisés : l'État devrait donc prendre sa part, d'autant que les montants sont extrêmement modérés. De plus, ces dernières années, le concours de l'État a en réalité été abondé en gestion, atteignant par exemple 764 800 euros en 2022. Il serait préférable, au point de vue de la lisibilité budgétaire, de procéder à cet abondement dès la loi de finances initiale.

Compte tenu des réserves et points de vigilance que nous avons exposés, nous vous proposerons de donner un avis favorable à ce budget en augmentation marquée.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Merci pour ce rapport détaillé. Sans rouvrir nos débats précédents, je reviens tout de même sur les propos de Rachid Temal sur les économies qui ont été réalisées pendant des décennies dans ce ministère. Des suppressions de postes importantes sont intervenues dans les consulats où l'on a, par exemple, supprimé les standards téléphoniques et, à cet égard, la montée en puissance de France Consulaire est la bienvenue. Les suppressions de postes ont également concerné les agents en charge des visas et autres documents. Aujourd'hui, on fait appel à des prestataires privés et le coût est finalement élevé pour les usagers.

Il serait intéressant de savoir quelles économies ont été réalisées en rémunérant des prestataires privés pour effectuer le travail que faisaient auparavant les agents consulaires, sachant qu'aujourd'hui, de nombreux rendez-vous sont bloqués par des officines qui travaillent illégalement en faisant payer ce qui devrait normalement être gratuit, à savoir les prises de rendez-vous pour un renouvellement de visa dans un consulat.

Je pense qu'aujourd'hui, notamment après l'adoption de loi sur l'immigration qui envoie des messages pas toujours très positifs, par exemple aux étudiants étrangers venant en France, il serait souhaitable d'envoyer un message compensatoire plus bienveillant en montrant les efforts réalisés pour faciliter la mobilité des personnes, avec un service amélioré dans les consulats.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je rebondis sur le sujet soulevé par les rapporteurs sur la CFE (Caisse des Français de l'étranger). J'ai cru comprendre qu'ils avaient envisagé un abondement de ses crédits et il ne faut pas se priver d'y réfléchir car si nous ne sommes pas en capacité de faire bouger quelques centaines de milliers d'euros au sein d'une mission, le Parlement serait tenté d'arrêter ses travaux. C'est une piste à creuser mais je rappelle le problème structurel auquel est confrontée la CFE avec l'évolution de la démographie des adhérents et la diminution tendancielle des contrats collectifs souscrits par de grandes entreprises en faveur de leurs ressortissants. S'y ajoute la réforme de 2019 votée par le Parlement, qui a eu pour conséquence un changement de tarification ainsi que des critères pris en compte.

Au total, je pense bien entendu que le conseil d'administration de la CFE réfléchit à ces grands équilibres actuariels et que le Parlement doit également étudier ce sujet, car un certain nombre de paramètres sont fixés par la loi et devront peut-être évoluer pour permettre un équilibre pérenne. En effet, la CFE ne pourra pas puiser éternellement dans ses réserves et il faut agir à un horizon de quelques années.

M. Olivier Cadic.- S'agissant des visas, il serait intéressant, dans les rapports de nos collègues de la commission des finances, de faire apparaitre la comparaison entre le coût des services de visa et les recettes qu'ils génèrent : celui de Londres encaisse 10 millions d'euros par mois et donc 120 millions d'euros par an. Se focaliser sur la seule rubrique des dépenses est peu judicieux si l'on perd de vue qu'en lui ajoutant un ETP, un service de visas peut augmenter ses revenus de 50 %.

La mise en place de France Consulaire répond à une attente qui remonte à 2008. J'avais pris l'initiative d'une résolution à l'Assemblée des Français de l'étranger en ce sens en indiquant par exemple, pour Londres, qu'on recense 140 000 Français au Royaume-Uni mais que le service aux usagers se limite à une personne qui répond au standard téléphonique.

Il n'est pas possible de parler de service public convenable dans ces conditions ; bien évidemment une plateforme téléphonique est nécessaire et il faut que ce soit le secteur privé qui la gère puisque la France dispose des meilleures sociétés privées - comme Téléperformance - pour répondre au téléphone. Il faut confier cette tâche à des professionnels car répondre au téléphone est un métier qui réclame des compétences très spécifiques. Grâce à la nouvelle directrice des Français de l'étranger, le déploiement du nouveau système s'accélère ; elle mérite nos félicitations, parce qu'elle a changé le format du dispositif et compris que faute de moyens suffisants pour embaucher des fonctionnaires, il fallait tout de même mettre en place un service téléphonique. Je rappelle que c'est Jean-Baptiste Lemoyne qui avait lancé France consulaire et sa montée en puissance mérite d'être soulignée.

Enfin, j'insiste sur la vraie nouveauté que constitue le Pass Éducation. Vous avez pu voir à la télévision des Français d'Israël qui ne parlent pas notre langue. C'est le cas de 80% des enfants français qui naissent en Israël, et il y en a autant en Algérie. Au Brésil, à Sao Paulo, la cheffe de chancellerie m'a indiqué qu'il est rare que nos compatriotes nés au Brésil parlent français. Notre réseau accueille 20 % des enfants français à l'étranger, nous leur consacrons 520 millions d'euros mais quels sont les financements alloués aux 80% restants qui risquent de ne jamais parler français ?

Pour la première fois, avec le Pass Éducation langue française, nous leur consacrons un million d'euros. Chaque année, je déposais un amendement dans ce sens pour transférer un peu de crédits du programme 185 vers le programme 151. J'approuve donc pleinement cette réelle innovation et le ministre a décidé de confier cette mission au CNED (Centre national d'enseignement à distance), ce qui mérite également d'être souligné. Nous en ferons le bilan l'année prochaine.

M. Mickaël Vallet. - Je souhaite formuler une remarque qui n'a rien de taquin ou de suspicieux mais qui porte sur la mise en cohérence des travaux du Sénat. Il y a 18 mois, nous avons eu une commission d'enquête qui a fait parler d'elle sur l'influence croissante des cabinets de conseil, prolongée par une proposition de loi adoptée en première lecture au Sénat à l'unanimité. Il y a quelques semaines, nous avons pu interroger la ministre lors de son audition sur les contours de la mission dite Paul Hermelin portant sur la politique française des visas.

Je rappelle à nos collègues que ce dernier, qui occupe la fonction de président du conseil d'administration de Capgemini a été chargé conjointement par le ministre de l'intérieur et la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères d'une mission pour laquelle il est assisté d'inspecteurs généraux des deux ministères, c'est-à-dire de fonctionnaires parfaitement compétents pour cela. Le rapport que la ministre s'était engagée à nous transmettre est parvenu à notre connaissance au moment où il a été rendu public, à l'été dernier.

Conformément aux préconisations du rapport sur les cabinets de conseil, j'appelle à la vigilance sur le fait de savoir si l'engagement de la ministre sera tenu : elle a en effet indiqué qu'elle ne voyait pas de problème à mettre en place une mission sur les visas confiée au président du conseil d'administration de Capgemini, puisque ce n'est pas un sujet qui intéresse cette entreprise. Or, comme chacun sait - ou comme on voudrait peut-être nous le faire croire - le traitement des visas ne peut pas soulever des enjeux d'organisation informatique... Il faudra veiller à la bonne articulation de nos travaux avec ceux de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil.

Mme Michelle Gréaume. - Je souhaite apporter un complément à l'intervention d'Hélène Conway-Mouret : j'ai entendu dire que l'administration paye très cher ces services et ne peut donc pas toujours mettre d'agents en nombre suffisant pour aider directement les Français de l'étranger dans toutes leurs démarches. Je relaye également les problèmes de fiabilité des accès Internet qui me sont remontés ; de vives critiques se sont d'ailleurs exprimées concernant le vote numérique lors des dernières élections consulaires à certains endroits. Je souhaite qu'on examine de près ces dysfonctionnements qui semblent générer des renonciations aux démarches par Internet.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires. - Merci pour vos interventions qui permettent d'élargir l'approche de ce programme 151.

Je rappelle d'abord que la question principale est celle des effectifs : pendant trente ans, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a vu son nombre d'agents diminuer alors que, simultanément, le nombre de Français vivant à l'étranger ne cessait d'augmenter. Une des premières conséquences de cet effet de ciseaux a été la suppression des lignes téléphoniques, entraînant ainsi l'impossibilité de joindre son consulat par téléphone. France consulaire est une avancée que nous saluons à plusieurs reprises dans notre rapport : elle permet enfin d'avoir quelqu'un qui répond au téléphone et c'est une évolution considérable dans le service rendu aux communautés françaises à l'étranger.

Bien entendu, il n'est pas question, à nos yeux, de remplacer la présence dans les consulats par des services à distance. C'est pourquoi nous avons été attentifs à la progression de 165 ETP dans le projet de loi de finances, et ces derniers ne vont pas à France Consulaire : ce sont bien les postes consulaires qui sont renforcés. Il s'agit donc bien d'une avancée réelle et supplémentaire.

Le Pass Éducation langue française est abordé à la page 6 de l'Essentiel sur le programme 151. Nous y indiquons que, répondant à un engagement du Président de la République, il a pour objectif de permettre aux enfants français résidant à l'étranger et scolarisés dans les systèmes nationaux de garder un lien fort avec notre langue. Ce Pass éducation est doté d'un million d'euros dans le programme 151 : il financera des cours en ligne avec un tuteur pour les enfants âgés de 6 à 11 ans, soit un public potentiel de 125 000 enfants. S'il est conçu comme un outil complémentaire au FLAM (Français LAngue Maternelle), ni l'audition de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères par la Commission ici même, ni les auditions des rapporteurs pour avis, n'ont permis d'obtenir de précisions sur ses modalités... On est donc encore dans un certain flou dans l'exécution de ce dispositif.

En ce qui concerne le rapport Hermelin, que nous évoquons également dans notre rapport, je rappelle que les orientations de la politique des visas ne sont pas fixées dans le programme budgétaire 151, le réseau consulaire ne faisant qu'exécuter ces orientations. Une nuance toutefois : dès lors qu'il s'agira vraiment de « faire du Hermelin » - pour reprendre les termes qu'ont pu utiliser certains de nos interlocuteurs - il faudra que les postes consulaires et les ambassades mettent en place des sortes de comités qui définiront les publics prioritaires. Il y aura donc bien une mise en oeuvre par les services consulaires et diplomatiques de cette nouvelle politique. Lors de son audition, la directrice de la DFAE nous a indiqué que certains postes consulaires « faisaient du Hermelin » avant même que le rapport n'existe.

La commission adopte le rapport pour avis sur les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Lundi 13 novembre 2023

Direction des français à l'étranger et des affaires consulaires (DFAE) : Mme Pauline Carmona, directrice et M. Christophe Le Rigoleur, sous-directeur de la politique des visas.

Mardi 14 novembre 2023

Assemblée des Français de l'étranger (AFE) : Mme Hélène Degryse, présidente, MM. Ramzi Sfeir et Alexandre Bezardin, vice-présidents et M.  Renaud Le Berre, président de la commission des finances.

Vendredi 17 novembre 2023

Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : Mme Claudia Scherer-Effosse, directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, M. Laurent Sisti, en charge du service de l'aide à la scolarité, Mme Vanessa Léglise, conseillère relations institutionnelles et référente égalité, et Mme Anne Betrencourt, directrice des affaires financières.

Mardi 21 novembre 2023

- Caisse des Français de l'étranger : Audition de M. Éric Pavy, directeur général.

DÉPLACEMENT

Lundi 13 novembre 2023 :

- Visite de la plateforme téléphonique France Consulaire, en compagnie de Mme Pauline Carmona, directrice de la DFAE, de M. François Penguilly, chef du service des Français à l'étranger, et de M. Albert Rodriguez, chef de pôle adjoint du service France Consulaire.


* 1 On désigne sous ce nom les montants de bourse non distribués dont dispose l'opérateur en fin d'exercice ; ils servent notamment à alimenter l'enveloppe globale les années où les variations du taux de change sont défavorables. La soulte a été fortement abondée durant la pandémie, de nombreux élèves n'ayant finalement pas été scolarisés, puis mise à contribution au cours des exercices suivants, jusqu'à extinction en 2023.

* 2 Article L766-9 du code de la sécurité sociale.

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