III. LE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE RISQUE POURTANT D'ÊTRE DURABLEMENT ENTRAVÉ PAR LE CONTEXTE INFLATIONNISTE
A. UNE AMBITION CONTRARIÉE PAR LES COMPENSATIONS PARTIELLES DES SURCOÛTS ÉNERGÉTIQUES ET DES MESURES SALARIALES
1. L'ambition de la LPR, dont la trajectoire demeure incertaine et non contraignante, ne peut être que revue à la baisse à cause de l'inflation
Dans ce contexte de hausse générale des prix et des coûts de l'énergie, la rapporteure rappelle que la trajectoire budgétaire de la loi de programmation de la recherche a été fixée en euros courants et non en euros constants, soit sans tenir compte de l'inflation, ce qui avait déjà été fortement critiqué par le Sénat lors de l'examen de la loi en 2020.
Évolutions prévisionnelles des
trajectoires budgétaires de la LPR
en euros courants et en euros
constants
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Trajectoire en € courants |
1,25 Md |
1,8 Md |
2,3 Md |
2,8 Md |
3,3 Md |
Trajectoire en € constants 2022 |
1,2 Md |
1,68 Md |
2,1 Md |
2,5 Md |
2,9 Md |
Écart prévisionnel |
50 M |
120 M |
200 M |
300 M |
400 M |
Source : commission des affaires économiques, à partir des données budgétaires
La présentation du projet de loi de finances pour 2024, élaboré sur la base de la nouvelle programmation pluriannuelle des finances publiques pour 2023-2027, aurait pu être l'opportunité d'ajuster la LPR à l'inflation, mais cela n'a pas été le choix du Gouvernement. C'est pourquoi la trajectoire budgétaire continue de se déployer sans réelle prise en compte de la hausse générale des prix, malgré des mesures temporaires de compensation partielle.
2. Les surcoûts énergétiques des établissements de recherche ne sont que partiellement compensés
Aujourd'hui, le budget des établissements de recherche demeure fortement impacté par la hausse des prix de l'énergie, même si cette hausse est moindre que l'an dernier, cette hausse n'étant aujourd'hui que partiellement compensée.
Ainsi, en 2023, 55 M€ ont été versés aux organismes de recherche relevant du programme 172 afin de les aider à faire face à leurs surcoûts énergétiques. Toutefois, pour 2024, il n'est pas prévu de mesures particulières de compensation, même si des mesures en gestion pourront être prises en cours d'année, selon la volatilité des marchés et des prix énergétiques. Pourtant, cet impact ne saurait être négligé. Par exemple, selon les informations transmises à la rapporteure :
· le CEA estime que le surcoût énergétique de ses activités civiles a été de 56 M€ en 2023 et devrait être de 31 M€ pour 2024 ;
· le CNRS estime que son surcoût énergétique a été de 18 M€ en 2023 et devrait être de 15 à 20 M€ pour 2024 ;
· le Cnes estime que son surcoût énergétique a été de 8 M€ en 2023 et devrait être de 3 M€ pour 2024 ;
· l'Inserm estime que son surcoût énergétique a été de 7,5 M€ en 2023 et devrait être de 6,2 M€ en 2024.
Par ailleurs, plusieurs établissements ont indiqué avoir pu bénéficier du fonds d'intervention « amortisseur électricité » de 275 M€ mis en place à l'automne dernier, dans la limite de 2 M€ par établissement, mais ce dispositif n'est pas reconduit en 2024.
3. Les coûts supplémentaires liés aux mesures successives de revalorisation salariale ne sont également que partiellement compensés
Le budget des établissements de recherche demeure également fortement impacté par les différentes mesures successives de revalorisation salariale liées à l'inflation, ces mesures étant partiellement compensées en 2023 et pour 2024.
Ainsi, en 2023, 121 M€ ont été versés aux organismes de recherche relevant du programme 172 afin de compenser les mesures de revalorisation annoncées en juillet 2022. Toutefois, pour 2024, seule une enveloppe de 45 M€ est prévue pour financer les mesures de revalorisation annoncées en 2023, qui ne seront donc compensées que de moitié. Pourtant, cet impact ne saurait être négligé. Par exemple, selon les informations transmises à la rapporteure :
· le CEA estime que le coût des mesures salariales supplémentaires négociées en juillet dernier s'élève à 42 M€ pour l'ensemble de ses activités ;
· le CNRS estime que le coût des mesures de revalorisation salariale annoncées en juillet dernier est de 20,6 M€ en 2023 et de 34,4 M€ en 2024, ce qui devrait représenter un surcoût de plus de 25 M€ qui sera financé sur la trésorerie de l'établissement ;
· le Cnes estime que le coût des mesures de revalorisation salariale annoncées en juillet dernier est de près de 10 M€ en 2023, financé partiellement par des dégels de la réserve de précaution en 2022 et en 2023 ;
· l'Inserm estime que son surcoût énergétique et le coût des mesures de revalorisation salariale annoncées en juillet dernier est de 6,9 M€ en 2023, financé partiellement sur la trésorerie de l'établissement.
Si les réserves de trésorerie constituent un « amortisseur » temporaire et utile de l'inflation, l'érosion des réserves des opérateurs dans la durée n'est pas souhaitable. La rapporteure réitère ainsi la position de la commission des affaires économiques du Sénat de voir les règles comptables et prudentielles évoluer afin de « libérer » la trésorerie mobilisable des opérateurs et appelle à trouver des modes de financement plus pérennes dans le cadre d'une hausse durable des prix, des salaires, des consommables et de l'énergie.