Avis n° 121 (2022-2023) de Mme Cécile CUKIERMAN , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2022

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N° 121

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée
nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution,
pour
2023 ,

TOME I

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Par Mme Cécile CUKIERMAN,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » , pilotée par le ministère de l'intérieur et des outre-mer, poursuit trois objectifs : garantir aux citoyens l'exercice de leurs droits dans le domaine des libertés publiques , assurer la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire et mettre en oeuvre les politiques publiques au niveau local .

Les crédits de la mission prévus par la loi de finances pour 2023 sont en augmentation de 10,32 % en autorisations d'engagement (AE) et 4,14 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Ils s'établissent respectivement à 4,6 et 4,9 milliards d'euros. Cette hausse, qui s'explique en partie par la conséquence mécanique de l'aggravation des dépenses de fonctionnement liée à l'inflation, masque une réalité budgétaire très hétérogène entre les programmes qui composent la mission :

• le programme 354 « Administration territoriale de l'État » , qui supporte la majorité des crédits de la mission et comprend notamment les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI), voit ses crédits augmenter significativement pour tenter de renforcer la présence de l'état dans les territoires après dix années de coupes budgétaires (+13,25 % en AE, +6,92 % en CP) ;

• le programme 232 « Vie politique » , dont les crédits financent l'exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, enregistre une baisse drastique de plus de 75 % de ses crédits (-76,83 % en AE, -75,52 % en CP) en lien avec un calendrier électoral moins chargé que l'année 2022 marquée par les élections présidentielle, législatives et territoriales 1 ( * ) ;

• le budget du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » , auquel sont rattachés les moyens du pilotage des fonctions support, la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère et les cultes, croît encore davantage que les années précédentes (+34,90 % en AE, +25,81 % en CP) pour financer la stratégie immobilière du ministère de l'intérieur et des outre-mer et donner des moyens accrus au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.

Dans ce cadre, la rapporteure, Cécile Cukierman, s'est intéressée au « réarmement » de l'État dans les territoires , expression utilisée de façon récurrente par Gouvernement depuis la crise des gilets jaunes et qui trouve sa traduction budgétaire partielle dans le projet de loi de finances pour 2023.

Réunie le 15 novembre 2022, la commission des lois a salué la prise de conscience salutaire du Gouvernement sur la nécessité de renforcer l'administration territoriale de l'État. Elle a cependant constaté que les moyens mobilisés ne sont pas suffisants pour atteindre cet objectif et qu'il est désormais nécessaire de s'interroger en profondeur sur le rôle de l'État dans les territoires, ce que le Gouvernement se refuse encore à faire, préférant multiplier les réformes administratives.

I. UNE AUGMENTATION HISTORIQUE DES MOYENS QUI NE SUFFIT PAS À COMPENSER DIX ANNÉES DE RECUL DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES

A. UNE SUCCESSION DE RÉFORMES QUI ONT AFFAIBLI L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE) mise en oeuvre à partir de 2007 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), l'organisation de l'État dans les territoires a subi des réformes incessantes. Le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) , déployé entre 2016 et 2020, s'est traduit par la dématérialisation des demandes de titres sécurisés et l'externalisation de l'instruction au sein de plateformes dédiées. Avant que le bilan de cette réforme n'ait pu être dressé, le Gouvernement annonçait, en 2020, la réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE) dont la mesure principale a été le déploiement, au 1 er janvier 2021, des secrétariats généraux communs (SGC-D) aux préfectures et aux directions départementales interministérielles pour favoriser la mutualisation des fonctions support de l'administration territoriale de l'État.

L'objectif affiché de ces plans d'action était de générer des économies en rationalisant l'organisation territoriale de l'État au détriment de la qualité du service rendu aux populations et aux élus locaux . Le plan préfectures nouvelle génération prévoyait ainsi la suppression de 1 300 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Au total, d'après la Cour des comptes 2 ( * ) , l'administration territoriale de l'État a perdu plus de 11 000 ETPT soit 14 % de son effectif initial entre 2010 et 2021.

Source : Cour des comptes à partir de données du ministère de l'intérieur. En 2020, les données sont nettes des transferts liés à la fusion avec le programme 335 et la création des SGC-D.

Ces réorganisations administratives successives, qui se sont traduites par un effondrement des moyens humains et financiers de l'État territorial, a suscité un profond mal-être chez les agents et a nourri le sentiment d'abandon d'une partie de la population , notamment en zone rurale. Les syndicats ayant accepté de se rendre aux auditions menées par la rapporteure ont ainsi unanimement regretté la mise en oeuvre précipitée des SGC-D qui « tire le service public vers le bas » 3 ( * ) et qui, par manque d'anticipation et d'outils informatiques harmonisés entre les ministères, ne génère pas les gains d'efficacité escomptés. Le ministère de l'intérieur s'était engagé, l'année dernière, à résoudre les dix « irritants » 4 ( * ) identifiés après le déploiement des SGC-D. Cependant, de nombreux progrès restent à faire en matière d'action sociale, de convergences indemnitaires et d'interopérabilité des outils informatiques.

Pour la population, la dématérialisation forcée et le retrait de la présence de l'État se traduisent par un sentiment d'abandon . Dans son rapport sur la dématérialisation des services publics 5 ( * ) , la Défenseure des droits dresse ainsi un bilan très sévère de ces réformes qui n'ont fait qu'accroître les inégalités d'accès aux services publics, notamment dans les zones blanches et pour les populations fragiles les plus éloignées du numérique (personnes en situation de handicap, personnes âgées, personnes détenues, etc. ). Les solutions d'accompagnement au numérique mises en oeuvre apparaissent insuffisantes. À titre d'exemple, certaines préfectures exigent, pour pouvoir bénéficier de l'aide d'un médiateur au sein d'un « point d'accueil numérique » (PAN), que l'usager prenne rendez-vous sur internet !

Pour les élus locaux, les multiples réformes de l'administration territoriale de l'État ont rendu son action illisible et alimenté le sentiment que l'État n'est plus en mesure d'accompagner et de soutenir les collectivités territoriales. Dans le cadre de son rapport sur l'État dans les territoires 6 ( * ) , la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a ainsi réalisé une enquête auprès des élus locaux dont les résultats sont édifiants : sur les 1 418 élus ayant répondu à cette question, 1 036 d'entre eux soit 73 % considèrent que les moyens dont disposent les services déconcentrés de l'État pour répondre à leurs demandes sont insuffisants. Entendues par la rapporteure, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et l'Association des maires ruraux de France (AMRF) ont unanimement déploré la baisse de la qualité de l'ingénierie territoriale fournie aux communes. D'après l'AMF, « la perception des élus locaux est la perte de relation avec des services devenus exsangues qui ne peuvent plus être dans l'accompagnement et que l'on cantonne dans un rôle davantage de contrôleurs procéduriers que de facilitateurs 7 ( * ) . » Face à la diminution des moyens de l'administration territoriale de l'État, les départements tentent de répondre aux besoins des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en structurant leur offre d'ingénierie territoriale. En Haute-Loire, par exemple, le département a créé l'agence « InGé 43 » chargée d'offrir du conseil et de l'assistance à maîtrise d'ouvrage dans les domaines techniques, juridiques ou administratifs. Cette structure identifie également, pour le compte des communes, les services de l'État et les nombreuses agences susceptibles de leur offrir une assistance technique pour les projets de grande envergure.

Les élus locaux ne peuvent compter que sur la bonne volonté des sous-préfets qui entretiennent de plus en plus difficilement une connaissance fine du terrain et un lien de proximité avec les maires de leur arrondissement. Désormais, certaines sous-préfectures n'accueillent plus de public car l'offre de services publics a été transférée au sein des maisons France Services dont la plupart sont situées dans des tiers-lieux. C'est le cas, par exemple, de la sous-préfecture de Largentière en Ardèche, deuxième plus petite sous-préfecture de France 8 ( * ) , où la rapporteure s'est déplacée le 24 octobre dernier. Au 1 er août 2022, seules 32 des 2 197 maisons France Services étaient des sous-préfectures, soit moins de 2 %. Une dizaine d'autres sous-préfectures devrait être homologuée au 31 décembre 2022, date de fin du programme de labellisation 9 ( * ) . Cette faible proportion s'explique par la nécessité, pour obtenir le label, d'affecter deux agents à la structure France Services, ce qui est impossible au regard des faibles moyens humains dont disposent la plupart des sous-préfectures.

B. UN NOUVEAU PLAN « MISSIONS PRIORITAIRES DES PRÉFECTURES 2022-2025 » QUI N'A PAS LES MOYENS DE SES AMBITIONS

La crise des gilets jaunes suivie de la crise sanitaire et les constats alarmants dressés les élus locaux et les différentes autorités publiques, notamment la Cour des comptes dans son rapport du 14 avril 2022 sur l'administration territoriale de l'État 10 ( * ) , ont forcé le Gouvernement à prendre conscience de la nécessité de « réarmer » l'État territorial .

Depuis 2021, les projets de loi de finances successifs ont intégré une cible de schéma d'emplois nulle pour le programme 354, ce qui a permis de stopper le mouvement de suppression des effectifs enclenché sans interruption depuis 2008. Si ces initiatives ont permis d'offrir une respiration salutaire à l'administration territoriale de l'État, elles demeuraient insuffisantes au regard des besoins.

Le Gouvernement semble avoir opéré un changement de paradigme avec les Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 (MPP 22-25) dévoilées le 2 avril 2022 dans une circulaire du ministère de l'intérieur 11 ( * ) . Contrairement aux plans de réforme précédents, MPP 22-25 n'a pas pour objectif principal de générer des économies en encourageant la dématérialisation et la mutualisation des moyens humains et matériels. Au contraire, l'une des trois priorités transversales identifiées est la « consolidation de l'échelon infra-départemental » .

Cette réforme s'inscrit en totale rupture avec la doctrine de l'État territorial depuis plus de dix ans. Pour rappel, la Cour des comptes, qui tire aujourd'hui la sonnette d'alarme sur le manque de moyens de l'administration territoriale de l'État, observait dans son rapport public annuel de 2012 que « le nombre de sous-préfectures [était] excessif par rapport à l'évolution de leurs fonctions » et fustigeait des « implantations souvent disproportionnées, inadaptées et coûteuses » 12 ( * ) . Suivant ses recommandations, le Gouvernement a lancé en 2013 une expérimentation qui a abouti à la suppression de huit arrondissements et à la fermeture de six sous-préfectures 13 ( * ) . Les sous-préfectures ont été plus durement frappées par les coupes budgétaires supportées par l'administration territoriale de l'État puisqu'elles ont perdu 24 % de leurs effectifs physiques entre 2012 et 2019 contre 4 % pour les préfectures 14 ( * ) .

La commission des lois ne peut que se réjouir de cette prise de conscience de la nécessité de maintenir la présence de l'État au plus proche des citoyens. Force est de constater, cependant, que celle-ci intervient trop tardivement et qu'elle ne s'accompagne pas de moyens budgétaires suffisants. Lors de son déplacement dans la Mayenne le 10 octobre 2022, le Président de la République a annoncé la création de six sous-préfectures 15 ( * ) pour renforcer la présence de l'État au niveau infra-départemental. Cette annonce est bien loin d'être satisfaisante car il s'agit en réalité de « déjumeler » de sous-préfectures fermées à la faveur des dernières réformes de l'administration territoriale de l'État. Seule une création de nouvelle sous-préfecture est prévue à Saint-Georges-de-l'Oyapock, en Guyane. L'État ne se dote donc pas des moyens de ses ambitions et prône, une fois encore, le rééquilibrage plutôt que le réarmement de son administration territoriale.

De même, le rapport annexé du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI) , en cours d'examen au Parlement, affirme que « les sous-préfectures seront, en articulation avec le réseau France Services, les lieux des démarches du quotidien pour les citoyens » grâce au déploiement de points d'accueil numérique « augmentés » (PAN+). Or, ce rapport annexé ne détaille pas les moyens affectés au renforcement du réseau préfectoral et n'est pas contraignant.

Lors de son audition par la commission des lois le 2 novembre 2022, Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, a annoncé que le Gouvernement se fixait pour objectif de créer 400 postes dans les préfectures avant la fin du quinquennat 16 ( * ) . Il a également transmis aux commissaires, à cette occasion, les évolutions des schémas d'emplois envisagées entre 2023 et 2027 pour chacune des missions concernées par le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Le schéma d'emplois du programme 354 devrait ainsi augmenter de 4 % sur la période pour financer le « renforcement de préfectures prioritaires (Mayotte, Corse, etc. ) principalement pour les services dédiés aux étrangers, la lutte contre le terrorisme et les titres sécurisés » 17 ( * ) , sans plus de précisions. La commission des lois salue à nouveau l'ambition affichée de renforcer le réseau préfectoral mais ne peut que regretter la multiplication des effets d'annonce qui ne sont pas soutenus par une programmation pluriannuelle des moyens alloués à l'administration territoriale de l'État précise et solide.

La traduction budgétaire concrète des annonces du Gouvernement est d'abord à rechercher dans le projet de loi de finances pour 2023. Celui-ci prévoit la création de 210 ETP sur trois ans dont 48 en 2023, 110 en 2024 et 52 en 2025. En raisonnant en termes d'équivalents temps plein travaillés (ETPT), la hausse des effectifs du programme 354, de l'ordre de 208 ETPT en 2023, s'explique principalement par des transferts d'emplois (183 ETPT) et, dans une moindre mesure, par des créations de postes (25,75 ETPT). Ce modeste renforcement des moyens humains de l'administration territoriale de l'État, bien que salutaire, est donc loin d'être suffisant pour compenser les 4 748 postes supprimés entre 2010 et 2021.

De même, les crédits du programme augmentent de 13,25 % en autorisations d'engagement et de 6,92 % en crédits de paiement , ce qui marque une rupture profonde avec les projets de loi de finances précédents. Mais, s'il convient de saluer l'effort budgétaire consenti, les moyens mobilisés demeurent insuffisants pour atteindre l'objectif de réarmement de l'État territorial. L'augmentation des crédits du programme résulte en effet pour partie de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice dans la fonction publique qui a pris effet au 1 er juillet 2022 et doit être mise en regard de l'inflation qui devrait atteindre 4,2 % en 2023 18 ( * ) . Le projet annuel de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2023 indique ainsi que la hausse de 2,1 % des crédits demandés pour financer les dépenses de fonctionnement s'explique entièrement par la prise en compte de l'inflation.

C. L'URGENCE DE REPENSER LES MISSIONS ET LES MOYENS DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Le manque de précisions sur la mise en oeuvre concrète de l'ambition affichée de réarmer les territoires et l'inadéquation apparente des moyens qui sont alloués pour atteindre cet objectif montrent que le Gouvernement peine encore à définir une doctrine de l'État territorial cohérente.

Celui-ci semble enfin avoir pris la mesure de la situation préoccupante du réseau préfectoral puisque, lors de son audition par la commission des lois, Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, déplorait « qu'en préfecture, ne viennent plus que des étrangers qui demandent des papiers et des personnes qui, ayant raté leur permis de conduire, demandent à le repasser . Les sous-préfectures accompagnent beaucoup les collectivités territoriales mais les citoyens n'ont plus guère d'autres raisons de se rendre physiquement en préfecture, car nous avons délégué de nombreuses missions aux collectivités territoriales, par exemple la délivrance des papiers d'identité 19 ( * ) . »

Le Sénat déplore depuis plusieurs années que la décentralisation se soit accompagnée d'une fragilisation des moyens des services déconcentrés alors même que le besoin d'accompagnement des collectivités territoriales s'est accru . La perte de compétences de l'État de proximité en matière d'ingénierie territoriale est préjudiciable pour les communes ; pour la population, la disparition des services publics accroît les inégalités d'accès et nourrit un fort sentiment d'abandon.

Des années de réformes administratives ne répondant qu'à une logique d'économies et de rationalisation des moyens ont eu un effet désastreux sur la qualité du maillage territorial de l'État. Réduites à portion congrue dans les territoires les plus isolés, les sous-préfectures exercent aujourd'hui des missions extrêmement variées et font face à des réalités très contrastées.

Déplacements à la sous-préfecture de Largentière (Ardèche) et à la sous-préfecture de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

Dans le cadre de cet avis budgétaire, la rapporteure a tenu à se déplacer dans deux sous-préfectures diamétralement opposées tant du point de vue de leur implantation géographique, de leurs moyens que de leurs missions : la sous-préfecture de Largentière, en Ardèche, et celle de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis.

L'arrondissement de Largentière est situé dans une zone rurale qui souffre de son enclavement géographique et du manque de services publics. Il couvre un bassin de population d'environ 102 000 habitants répartis sur 151 communes et couvre une surface de près de 2 500 km². Douze agents sont affectés à la sous-préfecture de Largentière dont un agent de catégorie A, cinq de catégorie B et six de catégorie C. L'âge moyen des agents s'établit à 54 ans et la durée moyenne sur le poste est relativement élevée car près la moitié des agents sont en poste depuis plus de vingt ans. Cette situation présente l'avantage de disposer d'agents expérimentés disposant d'une connaissance fine du terrain. Elle révèle cependant le manque d'attractivité dont souffre cette sous-préfecture et qui, associé à la faiblesse des effectifs, entraîne des tensions en termes de gestion des ressources humaines . La sous-préfecture souffre également de difficultés importantes pour former ses agents du fait de l'éloignement géographique par rapport aux principaux centres de formation situés à Lyon (3 heures en voiture), Valence (1 h 30 en voiture) ou Privas (45 minutes en voiture).

La sous-préfecture de Largentière n'accueille plus de public ; elle se contente d'affecter 0,5 ETP à la maison France Services située sur la commune. Son lien avec les citoyens s'est donc progressivement distendu. Outre sa mission de sécurité des populations, l'activité quotidienne principale de la sous-préfecture est l'accompagnement des collectivités territoriales notamment par l'instruction de 280 dossiers de dotation d'équipements des territoires ruraux (DETR) et de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) par an. À la demande du sous-préfet qui a souhaité conserver un lien étroit entre la sous-préfecture et les élus locaux, trois agents de catégorie B sont mobilisés pour l'instruction de ses dossiers qui relevait auparavant de la préfecture de Privas. Il apparaît donc que, par manque de moyens, le maintien de certaines missions des sous-préfectures ne résulte que de l'action volontariste des sous-préfets.

À Saint-Denis, le sous-préfet est confronté à des difficultés totalement différentes . La sous-préfecture est située dans un arrondissement extrêmement urbanisé d'une superficie de 47,4 km², qui compte 450 000 habitants. À l'échelle du département, 27,9 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté 20 ( * ) .

Au 1 er octobre 2022, la sous-préfecture comptait 51 agents dont deux vacataires et quatre services civiques. Bien que six postes soient vacants, le sous-préfet a indiqué ne pas faire face à des difficultés de recrutement, notamment au sein du bureau des étrangers, l'affectation en Seine-Saint-Denis étant perçue comme un tremplin pour démarrer une carrière d'attaché. En contrepartie, la sous-préfecture subit une rotation de ses effectifs très importante, les agents restant rarement en poste plus de trois ans.

Elle n'effectue pas de contrôle de légalité et, même si deux agents sont consacrés à la gestion des grands projets en lien avec les collectivités territoriales, ses missions principales sont tournées vers le public. Le bureau de la coordination interministérielle et de la politique de la ville traite les contrats de ville pour stimuler le tissu associatif local, en lien avec les sept délégués du préfet chargés de maintenir un lien de grande proximité avec le territoire qui leur est affecté. De même, le bureau des affaires régaliennes instruit les réquisitions de la force publique dans le cadre des expulsions locatives - dont le nombre est particulièrement élevé en Seine-Saint-Denis - et contrôle les établissements publics recevant du public sous avis défavorable.

L'activité principale de la sous-préfecture de Saint-Denis reste l'accueil des étrangers puisque celle-ci délivre les titres de séjour longs et les documents de circulation pour étranger mineur. Plus de 20 000 personnes sont accueillies chaque année dans des locaux vétustes et inadaptés aménagés au sous-sol de la sous-préfecture. Un agent de sécurité est posté à l'entrée pour gérer les flux en constante augmentation et des services civiques et des vacataires ont été recrutés pour vérifier la complétude des dossiers à l'arrivée en sous-préfecture et fluidifier le trafic. Malgré les nombreuses mesures mises en oeuvre pour améliorer l'accueil du public, la sous-préfecture demeure sous-dimensionnée pour faire face à la demande.

Le déménagement de la sous-préfecture dans les anciens locaux de la Banque de France, situés rue Catulienne, est prévu pour la fin du premier trimestre 2023 et devrait permettre de mobiliser 22 agents en plus des 16 agents qui travaillent actuellement au bureau des étrangers afin d'ouvrir un guichet d'accueil supplémentaire.

Face aux conditions de travail extrêmement contrastées entre les sous-préfectures, il apparaît nécessaire de se réinterroger sur la question du rôle, des missions et des moyens de la présence infra-départementale de l'État. Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et président de l'association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur (ACPHFMI) a confirmé, lors de son audition par la rapporteure, la position des sous-préfets rencontrés lors des déplacements à Largentière et à Saint-Denis sur la nécessité, pour les sous-préfectures, de conserver une certaine taille critique pour ne pas être entravées dans leur action et pouvoir incarner l'État sur leur territoire. Il est absolument nécessaire de tenir compte de la réalité du terrain et de s'adapter aux problématiques spécifiques de chaque arrondissement, mais chaque sous-préfet, pour être à même de remplir sa mission, doit pouvoir s'appuyer sur une équipe de taille suffisante, formée et disposant d'une connaissance fine des enjeux locaux . Ces réflexions de bon sens semblent avoir été négligées par les gouvernements successifs qui ont réduit les moyens et les missions des sous-préfectures à peau de chagrin.

Plus largement, l'État doit se réinterroger sur le coeur de mission des sous-préfectures : la sécurité des populations, mais aussi l'accueil du public et le soutien aux collectivités territoriales. Le juge administratif a incité le Gouvernement à se saisir du sujet au travers des deux décisions du Conseil d'État relatives à la dématérialisation des procédures de délivrance de séjour 21 ( * ) du 3 juin 2022. Le Conseil d'État a affirmé à cette occasion que, si la mise en place de téléprocédures est possible, celle-ci doit s'accompagner de garanties pour permettre l'accès effectif au service public. Les usagers qui ne maîtrisent pas ou n'ont pas accès aux outils numériques doivent être accompagnés dans leurs démarches. Le Gouvernement prévoit d'ouvrir de nouveaux points d'accueil numériques (PAN+) en préfectures mais cette « aide au clic », qui ne s'accompagne pas d'une véritable refonte des conditions d'accueil, demeure insuffisante.

Le renforcement des moyens dédiés à l'accueil des étrangers, entamé depuis juillet 2021, doit être une priorité tant les conditions d'accueil se sont dégradées, notamment du fait de la guerre en Ukraine. Le délai de traitement des primo-demandes est ainsi passé de 99 jours en 2022 à 117 jours actuellement et de 65 à 77 jours pour les renouvellements, alors que le délai fixé par le ministère de l'intérieur et des outre-mer est de 90 jours 22 ( * ) . Dès lors, les moyens mobilisés ne serviront qu'à endiguer la dégradation du service public sans redéfinir en profondeur les missions et le rôle des préfectures et des sous-préfectures.

Enfin, réarmer l'État territorial passe par la clarification de l'action de l'État dans les territoires devenue de plus en plus illisible pour les citoyens comme pour les élus locaux au fur et à mesure des plans de réformes administratives et de la multiplication des services et des agences qui ne sont pas directement placés sous l'autorité du préfet. L'organisation territoriale de l'État est devenue si complexe et démembrée qu'elle aboutit à une dilution de sa responsabilité. La crise sanitaire, qui a été l'occasion de réaffirmer l'importance du couple maire-préfet et sous-préfet, a démontré la nécessité d'une action forte et volontariste de l'État incarné par un représentant unique. Le champ d'intervention des agences n'a cessé de s'élargir à mesure que les organismes se sont multipliés : les agences régionales de santé (ARS), les agences de l'eau ou encore l'Office français de la biodiversité (OFB) ne sont que quelques exemples parmi la myriade d'agences implantées dans les territoires. Le législateur a amorcé un mouvement de réaffirmation du rôle coordonnateur du préfet de département en adoptant l'article 153 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale qui rend systématique l'attribution de la présidence du conseil d'administration des agences de l'eau au préfet coordonnateur de bassin.

Il apparaît donc désormais nécessaire d'aller plus loin dans l'amélioration de la lisibilité et de l'efficacité de l'action territoriale de l'État en repensant son organisation au sens large et en clarifiant les responsabilités de chaque acteur, le préfet devant demeurer le représentant de l'État dans les collectivités territoriales de la République, ce que préconisait déjà le Sénat dans ses 50 propositions pour une nouvelle génération de la décentralisation 23 ( * ) .

II. UNE BAISSE CONJONCTURELLE DES CRÉDITS DU PROGRAMME « VIE POLITIQUE » LIÉE AU CALENDRIER ÉLECTORAL

A. DES CRÉDITS EN FORTE DIMINUTION DU FAIT DU CALENDRIER ÉLECTORAL DE 2023

Le programme « Vie politique » finance l'organisation des élections dans le respect des droits des électeurs, l'aide publique aux partis politiques ainsi que le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Les crédits de ce programme connaissent donc, par nature, une évolution cyclique qui suit le calendrier électoral de l'année à venir. L'année 2022 a été marquée par de nombreux scrutins dont l'organisation s'est avérée coûteuse : l'élection présidentielle, les élections législatives et, dans une moindre mesure, les élections territoriales à Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Il est donc normal que les crédits du programme subissent une diminution importante (- 77 % en AE, - 76 % en CP) dans le cadre du présent projet de loi de finances puisque seules les élections sénatoriales et les élections territoriales en Polynésie française se tiendront en 2023. À titre de comparaison, le coût moyen des élections sénatoriales par électeur inscrit sur les listes électorales était de 1,13 euro en 2020 contre 3,97 euros pour les élections législatives et 4,72 euros pour l'élection présidentielle en 2022 24 ( * ) .

B. LA POURSUITE DE LA DÉMATÉRIALISATION DES PROCURATIONS

Le ministère de l'intérieur et des outre-mer entend poursuivre la dématérialisation de la procédure d'établissement des procurations électorales entamée en avril 2021. À l'heure actuelle, le téléservice « MaProcuration » permet à l'électeur de faire une pré-demande en ligne. Pour les acteurs chargés de la gestion des procurations, la dématérialisation a entraîné un gain de temps considérable, d'autant plus que « MaProcuration » est reliée, depuis le 3 janvier 2022, au répertoire électoral unique. Mais il demeure nécessaire, en l'absence de moyen d'identification en ligne suffisamment sécurisé, de finaliser la demande de procuration en se rendant dans un commissariat de police, une brigade de gendarmerie ou un consulat.

Du point de vue de l'usager, le déploiement de ce téléservice est un succès car 69 % des 3,7 millions de procurations établies entre le 3 janvier et le 19 juin 2022 sont issues du dispositif « MaProcuration » 25 ( * ) .

Fort de ce constat et compte tenu du calendrier de développement de l'identité numérique de niveau élevé adossée à la nouvelle carte nationale d'identité, le bureau des élections considère qu'il serait envisageable de dématérialiser entièrement le processus en vue des élections européennes de mai 2024 26 ( * ) .

III. UNE FORTE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTÉRIEUR »

A. UNE HAUSSE PRINCIPALEMENT DUE À LA STRATÉGIE IMMOBILIÈRE DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Les crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » , qui porte les fonctions de pilotage du ministère de l'intérieur et des outre-mer, sont en nette augmentation (+ 34,90 % en AE, + 25,81 % en CP) pour financer, en premier lieu, la stratégie immobilière du ministère. Les crédits alloués à l'action « Affaires immobilières » connaissent une explosion de l'ordre de 150,15 % en AE et 40,09 % en CP. Les implantations immobilières sont en effet souvent vétustes, mal sécurisés et peu adaptées aux besoins des services. La rationalisation du parc immobilier de l'administration centrale du ministère est donc devenue une priorité et fait l'objet d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2023-2027 encore en cours d'élaboration. La hausse des crédits est également justifiée par la poursuite du déploiement de nouvelles installations, au premier rang desquelles le site unique de la Direction générale de la sécurité intérieure à Saint-Ouen dont la mise en service est prévue pour 2028.

B. UNE AUGMENTATION SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DÉDIÉS AU FONDS INTERMINISTÉRIEL DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE ET DE LA RADICALISATION

Par ailleurs, la hausse des crédits du programme 216 est tirée par l'augmentation significative des moyens du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) de l'ordre de 21,57 % en AE et en CP dans le cadre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024 et de la stratégie de lutte contre le séparatisme adoptée en 2021. Le FIPDR finance également le déploiement de dispositifs de vidéo protection sur la voie publique et la sécurisation des sites exposés au risque terroriste. Lors de son audition par la commission des lois, le ministre de l'intérieur a ainsi annoncé que 22 millions d'euros seraient consacrés à soutenir l'équipement en vidéo protection des communes en 2023 27 ( * ) .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MARDI 15 NOVEMBRE 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, nous examinons les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Mme Cécile Cukierman , rapporteure pour avis . - J'ai souhaité m'intéresser cette année à la situation préoccupante du réseau préfectoral et, en premier lieu, à celle de l'échelon de proximité que représentent les sous-préfectures.

Le Gouvernement nous annonce, dans le projet de loi de finances pour 2023, un « réarmement » de l'État territorial dans la continuité des « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » (MPP 22-25) et du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), qui prévoyait déjà un renforcement des services déconcentrés.

Je salue la prise de conscience salutaire du Gouvernement, qui semble désormais comprendre que l'État ne peut pas continuer à diminuer sa présence dans les territoires, au risque d'amplifier le sentiment d'abandon de nos concitoyens comme des élus locaux. Toutefois, ces annonces interviennent après plus de dix ans de coupes budgétaires drastiques, qui ont conduit à la suppression cumulée de 14 % de l'effectif initial de l'administration territoriale de l'État entre 2012 et 2020 ainsi que des réformes incessantes qui ont mis à mal les services de l'État. Je rappelle que les secrétariats généraux communs départementaux (SGC-D) ont été créés au 1 er janvier 2021, dans le but de mutualiser les fonctions support des préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI) et de créer des économies. Nous n'avons pas encore eu le temps de dresser le bilan de cette réforme que le Gouvernement déploie déjà un nouveau plan d'action pour les préfectures à l'horizon de 2025.

L'annonce de la création de 210 équivalents temps plein (ETP) sur les trois prochaines années, soit 48 ETP pour 2023, et de l'ouverture de six sous-préfectures - dont cinq sont en réalité des « déjumelages » de sous-préfectures fermées au gré des réformes administratives successives - m'apparaît dérisoire au regard des besoins et de l'atrophie qu'a subie l'administration territoriale de l'État depuis plus de dix ans.

J'ai pu me rendre compte, à l'occasion de mes déplacements dans les sous-préfectures, des conséquences dramatiques qu'avaient pu avoir ces réformes sur le fonctionnement de l'administration infra-départementale de l'État. J'ai volontairement choisi de me rendre dans deux sous-préfectures diamétralement opposées : celle de Largentière, en Ardèche, deuxième plus petite sous-préfecture de France, en milieu rural, et celle de Saint-Denis, implantée dans l'un des départements les plus urbanisés et les plus pauvres de la République.

Faute de moyens, la sous-préfecture de Largentière n'accueille plus de public ; cette mission est désormais dévolue à la maison France Services (MSF) installée au sein du bureau de poste de la commune. Le sous-préfet a recentré les missions de l'État autour du soutien aux élus locaux et de l'instruction des dossiers concernant la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Malgré cette rationalisation, la sous-préfecture, qui compte douze agents, dont la moitié est en poste depuis plus de vingt ans, connaît de fortes tensions en termes de gestion des ressources humaines et peine à recruter du fait de son isolement géographique.

À l'inverse, la sous-préfecture de Saint-Denis est majoritairement tournée vers l'accueil du public, notamment celui des étrangers, mais n'a pas les moyens de remplir cette mission dans des conditions satisfaisantes. Plus de 20 000 personnes sont accueillies chaque année dans des locaux vétustes et inadaptés, aménagés au sous-sol de la sous-préfecture. Un agent de sécurité est posté à l'entrée pour gérer les flux en constante augmentation et des personnes réalisant un service civique ainsi que des vacataires ont été recrutés pour vérifier la complétude des dossiers à l'arrivée et fluidifier le trafic. Malgré les nombreuses mesures mises en oeuvre pour améliorer l'accueil du public, la sous-préfecture demeure sous-dimensionnée pour faire face à la demande. Le déménagement de celle-ci dans de nouveaux locaux, prévu pour la fin du premier trimestre de l'année 2023, devrait permettre de renforcer les effectifs du bureau des étrangers et d'améliorer les conditions d'accueil. L'exemple de Saint-Denis montre à quel point la question de la stratégie immobilière de l'État, en même temps que celle des moyens humains et financiers, doit devenir une priorité.

Je tire de ces déplacements deux convictions. D'une part, je constate que le bon fonctionnement de l'administration territoriale de l'État, dont les moyens ont été réduits comme peau de chagrin, dépend uniquement de la bonne volonté de ses agents, notamment de l'action plus ou moins volontariste des sous-préfets. Ce n'est pas acceptable ! D'autre part, les sous-préfectures doivent conserver une certaine taille critique pour ne pas être entravées dans leur action et pouvoir ainsi incarner l'État sur leur territoire. Il est absolument nécessaire de tenir compte de la réalité du terrain et de s'adapter aux problématiques spécifiques de chaque arrondissement, mais chaque sous-préfet, pour être à même de remplir sa mission, doit pouvoir s'appuyer sur une équipe de taille suffisante, formée et disposant d'une connaissance fine des enjeux locaux. La présence d'agents de catégorie A, voire de catégorie A+, est indispensable pour permettre aux sous-préfets de déléguer une partie de leurs responsabilités. Ces réflexions de bon sens semblent avoir été négligées par les gouvernements successifs.

La notion de « réarmement » me paraît d'ailleurs réductrice, car il apparaît désormais urgent, au-delà de l'enjeu des moyens, de définir une véritable doctrine de l'État territorial. Le renforcement de la présence de l'État dans les territoires passe également par la clarification de l'action de l'État, devenue de plus en plus illisible pour les citoyens comme pour les élus locaux au fur et à mesure des réformes administratives et de la multiplication des services et des agences qui ne sont pas directement placés sous l'autorité du préfet de département. Or le Gouvernement, tant dans les MPP 22-25 que dans le projet de loi de finances pour 2023, ignore complètement cet enjeu.

Je ne peux dès lors que déplorer le manque d'ambition dans les moyens alloués au renforcement de l'administration de proximité de l'État. Dans ces conditions, il me semble que le « réarmement » de l'État territorial relève plus de la communication que d'une réelle conviction du Gouvernement. Enfin, je note un sentiment d'abandon des territoires de plus en plus exacerbé, bien visible au travers des échanges que nous avons avec les élus locaux. La présence d'un État déconcentré accompagnateur, et non pas seulement censeur, apparaît d'autant plus nécessaire pour sécuriser l'action des collectivités territoriales.

Je ne m'attarderai pas sur les crédits des deux autres programmes compris dans le périmètre de la mission, dont l'évolution me paraît justifiée. Concernant le programme « Vie politique », les crédits diminuent de plus de 75 %, puisque les élections sénatoriales et territoriales de 2023 seront bien moins coûteuses à organiser que l'élection présidentielle, les élections législatives et territoriales de l'année passée.

Concernant le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » auquel sont rattachées les fonctions support, la gestion des affaires juridiques et contentieuses du ministère et les cultes, les crédits sont en forte hausse pour financer, d'une part, la stratégie immobilière du ministère et, d'autre part, renforcer les moyens du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR).

Compte tenu de la faiblesse des engagements financiers du Gouvernement pour l'administration territoriale de l'État, je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. François Bonhomme . - On peut s'interroger sur la stratégie immobilière de l'État au regard de sa volonté nouvelle de renforcer les sous-préfectures après des années de rationalisation sans discernement. Derrière la question du maintien des implantations physiques se pose celle de la dématérialisation des démarches administratives et de la multiplication, en parallèle, des maisons France Services. Quel type de services et quel type d'accompagnement sont-ils proposés au public ? Les remontées que j'ai du terrain sont plutôt positives mais la mise en oeuvre du réseau France Services a-t-elle été évaluée au niveau national ? Donne-t-il satisfaction aux usagers ? Nous ne pourrons pas faire l'économie d'une vision globale sur cette question prégnante du numérique car, comme le disait Shakespeare : « Ce qui ne peut être évité, il faut l'embrasser ».

Mme Muriel Jourda . - Vous indiquez qu'en Ardèche, la sous-préfecture n'est plus qu'un service dédié aux élus locaux, tandis que la maison France Services, financée par les collectivités territoriales, assure toutes les autres missions. Dans ce cadre, la maison France Services donne-t-elle satisfaction aux usagers et a-t-on pu évaluer cette efficacité de service ?

M. Éric Kerrouche . - Tout le monde s'accorde à dire que l'État territorial se trouve actuellement dans une phase de recul, comme en témoignent le dernier rapport de la Cour des comptes sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État et le rapport d'information qu'Agnès Canayer et moi-même avons présenté devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

La Cour des comptes juge les suppressions au sein des préfectures irréalistes et considère que les schémas d'emplois postérieurs à 2018 mettent à mal le renforcement des missions prioritaires des préfectures, d'autant plus que celles-ci ne sont pas définies. Elle constate que l'administration territoriale de l'État a perdu 14 % de ses effectifs en une décennie, et que les baisses subies par les services déconcentrés sont souvent disproportionnées par rapport aux à celles supportées par les services centraux. Notre rapport d'information montre que la chute des effectifs au sein des DDI est significative, pour ne pas dire étonnante, de l'ordre de 36 % en dix ans. Cette baisse drastique et continue a conduit à recourir aux personnels contractuels précaires pour des courtes durées. La rapporteure spéciale, Isabelle Briquet, ne dit pas autre chose dans son rapport, mettant en exergue la perte de compétences et donc la perte d'expertise de l'État qui découle de cette stratégie d'économies de moyens.

Étonnamment, le Gouvernement lui-même partage ce constat, indiquant dans le projet annuel de performance de la mission qu'en 2023, l'évolution des moyens dédiés au fonctionnement de l'administration territoriale de l'État « traduit le renforcement de la capacité d'action de l'État sur le terrain [...], mettant ainsi fin à plus de vingt ans de réduction systématique des effectifs départementaux. » Au vu de ce constat, il aurait été logique que le Gouvernement mobilise les moyens nécessaires au renforcement de l'action de l'État dans les territoires, mais il n'en est rien. La hausse présentée dans le projet de loi de finances pour 2023 est en trompe-l'oeil, car elle est liée en réalité à l'augmentation du point d'indice et ne permet pas de répondre aux besoins. La répartition entre les effectifs est floue et ne précise aucun critère de détermination des redéploiements. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la Cour des comptes a souligné le vieillissement des agents territoriaux de l'État, ce qui imposerait logiquement un recrutement échelonné au fil du temps.

Si les objectifs du Gouvernement ne sont pas en soi critiquables - la mission de la politique territoriale est bien d'assurer le service de proximité -, force est de constater que les délais pour l'obtention des titres d'identité vont croissant et qu'il en est de même pour les demandes de titres de séjour. Par conséquent, il est nécessaire de faire un choix : soit les missions des préfectures sont de même niveau, et dans ce cas, il faut donner à l'administration les moyens de ses ambitions ; soit il faut en sélectionner et donc renforcer certains postes. Or le Gouvernement ne choisit pas.

Pour conclure, s'agissant du programme 232 « Vie politique », on peut souligner les efforts réalisés dans le cadre de la distribution de la propagande électorale. En ce qui concerne le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », il est positif qu'un investissement soit réalisé en matière d'immobilier et de numérique. Néanmoins, notre rapport d'information montre une incomplétude au sein des applicatifs utilisés localement. D'importants efforts sont encore à fournir. De même, si la poursuite de l'aspect numérique est nécessaire, il reste à évaluer son déploiement dans le temps, car le numérique représente à la fois un besoin et une limite de l'État territorial. Ainsi, en ne nous limitant qu'à cet aspect, nous connaîtrons les mêmes problèmes que précédemment.

M. Mathieu Darnaud . - Sur la question des moyens, j'observe moi aussi un affaiblissement constant de l'État territorial. Par exemple, le département de l'Ardèche devait bénéficier du redéploiement des effectifs des DDI ; or, les 50 agents annoncés pour étoffer le personnel de la sous-préfecture de Tournon-sur-Rhône ne sont jamais arrivés.

Nous manquons de recul pour juger de l'efficience des maisons France Services. Le dispositif est méconnu des usagers et, plus encore, des élus locaux. Il est nécessaire de mener un travail de pédagogie pour expliquer le fonctionnement et les services offerts par ces maisons.

Nous vivons une période particulièrement complexe et anxiogène ; les citoyens demandent une présence forte de l'État territorial. À ce titre, je soutiens les préconisations du rapport d'information réalisé par Agnès Canayer et Éric Kerrouche. Celles-ci renvoient à une critique déjà formulée lors de l'examen de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) au sujet du volet déconcentration, alors que le Gouvernement aspirait à redéployer des moyens dans les territoires, afin de permettre notamment aux préfets et aux sous-préfets d'être les coordonnateurs de l'action publique. Un an après, le constat est inquiétant. Récemment encore, sur la question des filets de sécurité, les élus se trouvaient dans l'incapacité de faire appliquer un dispositif trop complexe et dévoyé. Le manque de moyens constitue une part importante des dysfonctionnements observés, et nous ne pouvons que craindre le déploiement des prochains dispositifs liés au sujet de l'énergie.

Nous vivons un véritable paradoxe : d'un côté, il y a ce besoin constamment réaffirmé d'un État territorial renforcé et, de l'autre, la réalité d'un État absolument sourd, figé dans une incapacité chronique. Personne ne va s'opposer aux intentions exprimées par le Gouvernement ; mais, à ce stade, ce ne sont que des intentions. Les conséquences de cette stratégie de communication pourraient être mortifères si elle ne se soldait pas par des actions concrètes car elle créé de l'espérance pour les élus sur le terrain désabusés par la situation alarmante.

M. Hussein Bourgi . - Cela fait plusieurs années que l'action de l'État n'est pas satisfaisante, et ce rapport en est une illustration supplémentaire.

Tout d'abord, je suis régulièrement interpellé au sujet de la délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports. Le problème, endémique, est apparu dès lors que nous avons voulu centraliser et externaliser le traitement de ces titres. Des familles sont aujourd'hui obligées d'annuler des réservations, car les délais d'attente - de l'ordre parfois de six mois - sont anormalement longs, ce qui n'est pas acceptable.

Le service dédié aux étrangers n'est pas satisfaisant non plus. Pour ne plus voir de longues files d'attente devant les préfectures et les consulats, le Gouvernement a mis en place un système de prise de rendez-vous sur internet. En parallèle, s'est développé un marché noir par le biais d'entreprises sous-traitantes avec lesquelles il a fallu rompre les contrats.

L'acheminement des plis électoraux a également posé un certain nombre de problèmes lors des dernières élections régionales et départementales. Il fonctionnait très bien lorsqu'il était effectué par les agents de la préfecture, car nous avions du personnel pour superviser les opérations dans les halls de parcs d'exposition ou les hangars.

Enfin, le service dédié aux relations avec les élus locaux et les collectivités territoriales s'est, au fil des ans, éloigné de sa mission de conseil et d'accompagnement à la prise de décisions. Privilégiant une position d'observateur, il formule des remontrances a posteriori , retoque des décisions, pointe du doigt des délibérations, et de nombreux maires de petites communes s'en plaignent.

Corollaire de tous ces dysfonctionnements, les personnels des préfectures expriment un mal-être profond, avec notamment un turn-over important dans les services. C'est notamment le cas de la préfecture de l'Hérault que je connais bien. Le Gouvernement doit se remettre en cause et s'interroger sur les moyens alloués aux préfectures ; il y va de la crédibilité de l'État auprès de la population.

M. François-Noël Buffet , président . - Concernant la question de l'accueil des étrangers, j'ai dressé le même constat dans le rapport que j'ai fait au nom de la commission sur les services de l'État et l'immigration, publié en mai dernier.

M. Philippe Bas . - Personne ne peut être récitent à l'idée que des sous-préfets actifs puissent rejoindre nos territoires et soutenir nos communes et nos intercommunalités. Mais quelques sous-préfectures de plus ne résoudront pas le problème majeur : du fait de l'érosion des moyens dédiés aux préfectures, les services régionaux de l'État - services techniques dépendant directement des ministères - ont pris le pas sur les préfets de département pour l'instruction des dossiers. Les sous-préfets peuvent aider les maires pour des dossiers d'importance moyenne ou faible, mais les projets de grande envergure des départements devraient pouvoir être traités par les préfets de département et non par des services régionaux éloignés du terrain.

Si l'on veut progresser sur le chemin des libertés locales et d'une meilleure décentralisation, il s'agit de renforcer l'État départemental ; or, ce renforcement n'est toujours pas à l'ordre du jour. Le Sénat doit insister sur ce point. Même lorsque des décisions sont instruites au niveau régional, il serait bon qu'elles soient prises par les préfets de département, c'est-à-dire par des hauts fonctionnaires généralistes à même de juger des intérêts de nos territoires au-delà de la dimension purement technique des sujets. Cela correspondrait à l'esprit des 50 propositions formulées par le président du Sénat sur les libertés locales, rendues publiques au mois de juillet 2020 et qui, sur ce plan comme sur beaucoup d'autres, n'ont pas été suivies d'effets. Il est temps de rappeler l'urgence d'une réforme de l'administration territoriale de l'État.

Mme Agnès Canayer . - Nous sommes tous favorables à une réforme de l'État territorial. Néanmoins, je note l'absence d'évaluation des différentes réformes qui se sont succédé. Ajouter encore des niveaux d'organisation sans une réflexion préalable ni une évaluation de l'ensemble des politiques publiques locales ne me semble pas pertinent.

M. Thani Mohamed Soilihi . - J'entends les remarques de mes collègues. Ces constats sont à mettre en perspective avec la réduction des effectifs ; celle-ci est évaluée à 14 % entre 2012 et 2020 par la Cour des comptes. Aujourd'hui, j'observe un changement de ton du Gouvernement et des annonces importantes. Je ne partage donc pas l'avis de la rapporteure sur les crédits de cette mission.

M. Alain Marc . - Un symbole de la déliquescence de l'État : lorsqu'on appelle la sous-préfecture de Millau ou de Villefranche-de-Rouergue au-delà d'une certaine heure, c'est la préfecture qui reçoit l'appel ; et si l'on appelle plus tard encore, ce n'est pas la préfecture de l'Aveyron, mais celle du Tarn-et-Garonne qui vous répond.

Je souhaite évoquer un autre aspect, celui des différentes administrations de l'État dans les départements. La fluidité des relations entre les maires et certaines administrations de l'État dépend beaucoup de celle entre les parlementaires et les préfets ou les sous-préfets. Il n'est pas normal que, dans certains domaines comme celui l'urbanisme, nous soyons obligés de demander aux préfets et aux sous-préfets d'intervenir.

J'ajouterai qu'il est encore trop tôt pour évaluer le dispositif France Services.

Mme Françoise Gatel . - Au-delà de la décentralisation, le véritable enjeu aujourd'hui est celui de la déconcentration, et plus particulièrement le phénomène de « l'agencification » de l'État. Comme nous avons pu le constater lors de la crise sanitaire, il est important pour les maires d'avoir un interlocuteur unique, qui soit le préfet ou le sous-préfet. Le déploiement de ces agences plus ou moins autonomes a complexifié le traitement des dossiers, ralenti le processus de décision et parfois même entraîné des contradictions dans la parole de l'État. Je ne suis pas sûre que cette « agencification » coûte moins d'argent ; en tout cas, elle n'apporte pas davantage d'efficacité.

Mme Cécile Cukierman , rapporteure pour avis . - Concernant les MFS, le programme de labellisation s'étend jusqu'à la fin 2022. Une évaluation n'est donc pas encore possible, mais nous ne pouvons qu'encourager sa prochaine réalisation. On peut penser qu'il y aura de très bonnes expériences et d'autres moins heureuses, liées à l'implantation, à la façon dont les différents acteurs se sont saisis du dispositif, à la qualité de l'accueil et de l'accompagnement. Sur le fond, demeure la véritable question, à savoir : doit-on poursuivre dans cette logique ? Qui finance le dispositif ? Et, par là même, qui affirme son autorité dans les territoires ?

Se pose également la question de la formation des personnels. À une époque comme la nôtre où les irritabilités sont nombreuses, l'accueil demande à être fortement maîtrisé pour éviter les dérapages.

Sur la coordination des politiques de l'État et la présence territoriale, je partage les différents points de vue exprimés. Le rôle des préfets et des sous-préfets de département est essentiel, ils doivent être les représentants de l'action de l'État dans les territoires et avoir la capacité de coordonner. Nous avons tous en tête les préoccupations actuelles de nos concitoyens, concernant la santé, les filets de sécurité ou encore l'école, avec la question des fermetures de classe ; ces trois sujets ne dépendent pas du préfet de département, mais, respectivement, des agences régionales de santé (ARS), de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et du ministère de l'éducation nationale. Quand on souhaite « réarmer » l'État territorial, encore faut-il avoir une armée en état de marche, avec des généraux qui ont confiance en celle-ci.

Concernant les élections, plus de la moitié des départements ont « réinternalisé » la gestion des plis pour les élections. Si nous devions organiser des élections législatives d'ici à quarante jours, il n'est pas certain que l'on puisse se satisfaire du déroulement de l'acheminement, de la distribution et de la propagande électorale. Il importe de rester vigilant.

M. Mathieu Darnaud . - Aujourd'hui, toutes les politiques essentielles de l'État, et singulièrement celles qui vont peser sur l'avenir de notre territoire - je pense notamment à la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, avec le « zéro artificialisation nette » -, sont mises dans les mains de l'État déconcentré. Nous avons pu observer les premiers dysfonctionnements, avec notamment des écarts entre ceux qui ont pu se saisir des dossiers. Nous devons dénoncer cette situation et redire également la qualité des femmes et des hommes qui, en dépit des difficultés, assurent le fonctionnement de l'État dans les territoires.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Table ronde des syndicats présents au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État

M. Stanislas Gaudon , vice-président fédéral de la Fédération des services publics CFE-CGC

Mme Françoise Fornasari, représentante de la Fédération des services publics CFE-CGC

M. Olivier Miffred, membre du bureau et responsable du pôle OTE de l'Union Fédérale des Syndicats de l'État - CGT

Mme Karine Tartas, secrétaire générale adjointe du syndicat CGT Intérieur

M. Roland Girerd, co-secrétaire général de l'Union syndicale solidaires

Association des maires ruraux de France

M. Louis Pautrel , membre du bureau, maire de Le Ferré (Ille-et-Vilaine)

M. Cyril Cotonat , membre du conseil d'administration, maire de Ladevèze-Rivière (Gers)

M. Éric Krezel , membre du conseil d'administration, maire de Ceffonds (Haute-Marne)

M. Denis Durand , membre du conseil d'administration, maire de Begny-sur-Craon (Cher)

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Mme Isabelle Le Callennec , maire de Vitré et vice-présidente

Mme Charlotte de Fontaines , chargée des relations avec le Parlement

Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur

M. Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, président

Assemblée des départements de France

Mme Marie-Agnès Petit , présidente du département de la Haute-Loire

Direction de la modernisation et de l'administration territoriale du ministère de l'intérieur

M. Sébastien Audebert , chef du bureau des élections et des études politiques

Mme Perrine Serre, adjointe au sous-directeur de l'administration territoriale

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité

Assemblée des départements de France

Fédération générale des fonctionnaires - Force ouvrière

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Sous-préfecture de Largentière (Ardèche) - Lundi 24 octobre 2022

M. Thierry Devimeux , préfet de l'Ardèche

M. Patrick Leverino , sous-préfet de Largentière

M. Roland Bissonnier , secrétaire général de la sous-préfecture de Largentière

Sous-préfecture de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) - Jeudi 27 octobre 2022

M. Vincent Lagoguey , sous-préfet de Saint-Denis

Mme Stéphanie Richer , cheffe du bureau des étrangers

Mme Nathalie Jeanne-Rose , adjointe à la cheffe du bureau des étrangers

M. Bastien Usclat , adjoint au chef du bureau de la coordination interministérielle et de la politique de la ville

Mme Judith Varasse , cheffe du bureau des affaires régaliennes


* 1 À Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

* 2 Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022.

* 3 Audition commune des représentants de la CFE-CGC, de l'UFSE-CGT, du syndicat CGT Intérieur et de l'Union syndicale solidaires du 25 octobre 2022.

* 4 Plan d'actions et de soutien pour les secrétariats généraux communs départementaux, Direction de la modernisation et de l'administration territoriale du ministère de l'intérieur, 13 octobre 2021.

* 5 Défenseur des droits, « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », février 2022.

* 6 « À la recherche de l'État dans les territoires », rapport d'information n° 909 (2021-2022) fait par Agnès Canayer et Éric Kerrouche au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

* 7 Contribution écrite de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité du 26 octobre 2022.

* 8 L'arrondissement de Largentière comprend environ 102 000 habitants répartis sur 151 communes.

* 9 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 10 Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022.

* 11 Circulaire de Jean-Benoît Albertini, préfet, secrétaire général du ministère de l'intérieur à l'attention des préfets de région et de département du 22 avril 2022 relative aux missions prioritaires des préfectures 2022-2025.

* 12 Cour des comptes, « Les sous-préfectures », rapport public annuel, février 2012.

* 13 Source : « Projet de loi de finances pour 2018 : Administration générale et territoriale de l'État », avis législatif n° 153 (2017-2018) de Pierre-Yves Collombat fait au nom de la commission des lois.

* 14 Source : Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022.

* 15 Château-Gontier (Mayenne), Clamecy (Nièvre), Mondidier (Somme), Nantua (Ain), Rochecouart (Haute-Vienne) et Saint-Georges-de-l'Oyapock (Guyane).

* 16 Le compte rendu de l'audition est disponible à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221031/lois.html

* 17 Source : document relatif à la répartition des crédits 2023-2027 du ministère de l'intérieur présenté le 2 novembre 2022 par Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, dans le cadre de son audition par la commission des lois sur le projet de loi de finances 2023.

* 18 Estimation issue du projet de loi de finances pour 2023.

* 19 Le compte rendu de l'audition est disponible à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221031/lois.html

* 20 Source : Comparateur de territoires de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

* 21 Conseil d'État, 3 juin 2022, n° 461694 et 452798.

* 22 Source : données transmises par le directeur général des étrangers en France à Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, rapporteurs pour avis de la commission des lois sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

* 23 « Pour le plein exercice des libertés locales : 50 propositions du Sénat pour une nouvelle génération de la décentralisation », rapport du groupe de travail sur la décentralisation remis le 2 juillet 2020.

* 24 Cible figurant dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 25 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 26 Source : audition du chef du bureau des élections et des études politiques du ministère de l'intérieur du 8 novembre 2022.

* 27 Le compte rendu de l'audition est disponible à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20221031/lois.html

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