B. LA NÉCESSITÉ D'UN PLAN D'INVESTISSEMENT MASSIF POUR UNE RÉNOVATION STRUCTURELLE DU PARC IMMOBILIER UNIVERSITAIRE

Ces leviers de court terme ne sont pas dissociables d'actions de moyen et long termes . Deuxième poste de dépenses derrière la masse salariale, le patrimoine immobilier universitaire, qui représente 20 % de celui de l'État, se trouve en effet à la croisée de plusieurs problématiques stratégiques - la transition énergétique, l'évolution des pratiques de travail, la participation des établissements à la vie économique et sociale de leur territoire d'implantation - qui appellent une approche transversale et une politique réellement ambitieuse .

Passoire thermique

1/3 de ce patrimoine

3 e patrimoine immobilier de l'État

(= 20 % de ce patrimoine)

18,7 millions de m²

1. L'appel à projets du plan de relance en faveur de la rénovation énergétique de l'ESR : un effet accélérateur à court terme, mais insuffisant à moyen et long termes

Dans le contexte de la crise sanitaire, où l'urgence était de relancer rapidement l'économie française, le Gouvernement a fait le choix de passer par la méthode de l'appel à projets pour encourager la rénovation énergétique dans le secteur de l'ESR (cf. encadré ci-dessous). Le rapporteur estime que cette initiative a assurément permis de donner une impulsion à un dossier resté trop longtemps en déshérence .

Malgré des délais très contraints, les acteurs du secteur se sont saisis de cette opportunité, montrant leur l'intérêt pour la problématique de la rénovation énergétique et leur bon niveau global de préparation. Même si, comme l'a récemment relevé la Cour des comptes 3 ( * ) , des effets d'aubaine ne sont pas exclus - de « petits » dossiers auraient sans doute pu être financés sur les fonds propres des établissements - une réelle dynamique est à l'oeuvre .

État d'avancement de l'appel à projets du plan de relance dédié à la rénovation énergétique dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche

Dans le cadre du plan de relance, deux appels à projets ont été lancés le 7 septembre 2020 pour la rénovation énergétique des bâtiments publics de l'État, dont l'un dédié à l'ESR. Au total, une enveloppe de 2,7 milliards d'euros est consacrée à ces deux appels à projets, sur les 4 milliards prévus par « France Relance » pour l'immobilier public, les 1,3 milliard d'euros restants étant destinés aux bâtiments des collectivités.

À la clôture de la procédure de candidature, le 9 octobre 2020, 6 682 projets ont été déposés pour un total de 8,4 milliards d'euros, dont environ 1 600 projets au titre de l'ESR pour un montant de 3,7 milliards d'euros. À l'issue de la procédure de sélection, le 14 décembre 2020, 4 214 projets ont été retenus, dont 1 054 projets ESR, représentant un montant de 1,3 milliard d'euros, soit près de la moitié de l'enveloppe dédiée à l'immobilier de l'État . La répartition des crédits est la suivante : 700 millions d'euros pour les universités, 250 millions pour les Crous, 140 millions pour les organismes de recherche, 110 millions pour les grandes écoles et 100 millions pour des écoles et organismes relevant d'autres ministères que le MESR.

Les projets retenus sont variés ; il peut s'agir de grosses réhabilitations (de logements étudiants, de bâtiments d'enseignement), de projets structurants (transformation de tout un campus) de plusieurs millions d'euros ou de plus petits projets de quelques centaines de milliers d'euros (changement de chaudière, réfection de toiture, installation de panneaux solaires, etc.).

La règle selon laquelle les projets devaient être notifiés au plus tard le 31 décembre 2021 a été respectée . À cette échéance, 16 000 marchés de travaux étaient actés. Selon la direction de l'immobilier de l'État (DIE), auditionnée par le rapporteur, environ la moitié des projets - soit 2 000 - sont aujourd'hui terminés ; il s'agit généralement des plus petits projets. Pour les plus importants, des problèmes d'approvisionnement en matières premières pourraient retarder une livraison normalement prévue au plus tard pour fin 2023. En revanche, à ce stade, il n'est pas observé de dérive massive des coûts des travaux, ni constaté d'opérations en péril.

Cependant, compte tenu du retard accumulé au cours des dernières décennies et de l'ampleur des besoins d'investissement qui en résulte - le MESR évalue à 7 milliards d'euros le coût de réhabilitation du patrimoine universitaire, dont 75 % serait en lien avec la transition énergétique et environnementale, tandis que France Universités le chiffre à 15 milliards d'euros -, un changement d'échelle est nécessaire . Auditionné par le rapporteur, le directeur de l'immobilier de l'État a lui-même convenu que le fonctionnement à court terme par appels à projets ne suffisait pas et qu'une stratégie immobilière de long terme était indispensable.

2. Changer de paradigme en lançant un plan stratégique et financier ambitieux

Depuis plusieurs exercices budgétaires, le rapporteur plaide pour le lancement d'un plan d'investissement d'envergure . En plus d'une programmation financière pluriannuelle, ce plan doit, selon lui, s'accompagner d' une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des récentes évolutions pédagogiques et sociétales , l'avenir consistant sans doute en « moins de m 2 pour mieux de m 2 » .

Un autre prérequis est la montée en compétences des établissements sur ce sujet, ce qui passe notamment par le renforcement des équipes chargées de l'immobilier, la généralisation de la nomination d'un(e) vice-président(e) dédié(e) à ce secteur et la constitution obligatoire d'un budget annexe immobilier. Certains leviers juridiques nécessitent aussi d'être davantage actionnés , comme la possibilité pour les universités de participer au capital des sociétés publiques locales (SPL) afin de valoriser leur patrimoine, et certains verrous réglementaires levés , à l'instar de la limitation de leurs capacités d'emprunt. La dévolution immobilière, dont la troisième vague a été lancée (12 universités se sont portées candidates), est aussi une voie intéressante, même si elle ne peut sans doute pas s'appliquer à l'ensemble des universités. Ces différents outils concourent à renforcer l'autonomie et la responsabilisation des établissements, tout en leur permettant de gagner en professionnalisation.

Lors de son audition par la commission, la ministre a annoncé être en train de travailler avec son collègue ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, dans le cadre de la planification écologique, à un « plan pour la rénovation énergétique et thermique » , qui pourrait être annoncé « dans les semaines ou mois qui viennent » . Le rapporteur accueille favorablement cette initiative, dont il espère qu'elle sera à la hauteur du « mur » d'investissement auquel se heurte aujourd'hui l'immobilier universitaire .

Le rapporteur alerte aussi sur les besoins de financement du réseau des oeuvres universitaires et scolaires en matière immobilière : 8 000 logements restent à réhabiliter en résidence universitaire et 12 000 sont à construire dans les sites en tension pour répondre à la demande.


* 3 Cour des comptes, « L'immobilier universitaire », octobre 2022.

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