II. UNE NÉCESSAIRE RÉFORME DES MODALITÉS DE COMPENSATION MAIS UNE NOUVELLE DÉFINITION DES RESSOURCES PROPRE DIFFICILE À APPLIQUER

A. LA NÉCESSAIRE RÉFORME DES MODALITÉS DE COMPENSATION PEUT ÊTRE L'OCCASION D'INSTITUER UN DIALOGUE ET UN MODE DE GOUVERNANCE NOUVEAU ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

a) Les modalités de compensation des transferts de charges doivent être revues

Le rapporteur pour avis s'accorde avec les auteurs des propositions de loi sur la nécessité de réformer les règles applicables en matière de compensation des transferts de charge entre l'État et les collectivités territoriales.

En promouvant une interrogation régulière des compensations des transferts, création, extension ou modification des conditions d'exercice d'une compétence, les dispositions de l'article 5 de la proposition de loi constitutionnelle vont dans le sens du renforcement du dialogue et d'une relation de confiance entre l'État et les collectivités territoriales.

Une telle disposition aurait pu permettre, par le passé, d'éviter la cacophonie normative qui a accompagné la compensation de la revalorisation tarifaire du revenu de solidarité active (RSA) décidée sous le quinquennat précédent.

En effet, par voie règlementaire, le pouvoir exécutif avait procédé à une augmentation du tarif des allocations revenant aux bénéficiaires du RSA et versées par les départements.

Une bonne application du droit aurait dû conduire le Gouvernement à procéder à l'édiction d'un arrêté, après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges, estimant et compensant le coût supplémentaire résultant de cette mesure.

Ainsi que le Conseil d'État 2 ( * ) et plus récemment le tribunal administratif de Paris 3 ( * ) ont eu l'occasion de le rappeler, cet arrêté n'a jamais été édicté par le Gouvernement qui, à l'inverse, a considéré avoir satisfait ses obligations par l'institution, en loi de finances :

- d'un dispositif de compensation péréquée 4 ( * ) correspondant à la répartition entre les départements - en fonction du montant de la charge nette des dépenses de RSA et d'allocation pour l'autonomie (APA), du nombre de leurs bénéficiaires et du revenu moyen par habitant - des frais de gestion prélevés par l'État à l'occasion du recouvrement, au profit des collectivités territoriales, du produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

- d'un droit de relèvement 5 ( * ) du taux applicable, entre le 1 er mars 2014 et le 29 février 2016, aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) plus important 6 ( * ) que celui prévu jusqu'alors ;

- de l'institution d'un fonds de solidarité en faveur des départements 7 ( * ) (FSD) alimenté par un prélèvement forfaitaire sur les DMTO correspondant à 0,35 % de l'assiette de cette taxe et réparti entre les départements en fonction des charges nettes des dépenses de RSA et d'APA et de la population.

Sans se prononcer sur l'adéquation de ces mesures aux charges exposées par les départements, le rapporteur pour avis observe que la méthode - peu conforme au droit - a conduit le Gouvernement à proposer l'adoption de l'article 196 de la loi de finances initiale dont le seul objet était de préciser - cinq ans après - que les trois dispositifs précités constituaient les mesures de compensation des revalorisations du RSA.

b) Plutôt qu'une réévaluation, il parait plus intéressant d'inscrire dans le texte constitutionnel le principe d'un réexamen régulier, gage de l'institution d'un dialogue et d'une nouvelle forme de gouvernance entre l'État les collectivités territoriales

Dans un tel contexte, l'intérêt de la proposition de loi constitutionnelle est d'affirmer l'obligation de mettre régulièrement en miroir les mesures de compensations et le coût de l'exercice d'une compétence transférée, créée, étendue ou modifiée dans ses conditions d'exercice.

Le rapporteur pour avis souscrit donc à cette proposition mais considère, toutefois, que le terme de réévaluation n'est pas le plus adéquat.

En effet, celui-ci suppose en creux l'application mécanique, en loi de finances, d'une actualisation du montant des compensations.

Il paraitrait pourtant plus opportun de prévoir l'organisation d'un réexamen régulier des compensations dont la réévaluation en loi de finances ne serait que l'une des conséquences envisageables.

Dans cet esprit, le législateur organique serait appelé à définir les modalités d'un dialogue régulier et institutionnalisé - c'est-à-dire un mode de gouvernance - permettant de définir et d'organiser :

- la manière dont l'évolution du coût d'une compétence est appréciée dans le temps compte tenu des facteurs qui relèvent des décisions des collectivités territoriales, de l'État ou d'éléments exogènes ;

- l'adéquation tant de la nature de la compensation que de son montant à ces coûts ;

- les options alternatives qui peuvent être envisagées tels que le redimensionnement de la compétence ou la réévaluation des compensations.

Une telle orientation appelle bien évidemment l'organisation d'une importante concertation entre l'État et les collectivités territoriales afin de définir ce nouveau mode de gouvernance.

Un réexamen semble, à cet égard, bien plus susceptible de favoriser l'institution d'un dialogue confiant et pérenne entre l'État et les collectivités territoriales que ne le serait un exercice de réévaluation automatique et ne présentant qu'une dimension financière.


* 2 Conseil d'État, décision n° 409286 du 21 février 2018.

* 3 Tribunal administratif de Paris, décision n° 1815544/2-1 du 30 juin 2020.

* 4 Institué par l'article 42 de la loi de finances précitée et codifié à l'article L.3334-16-3 du code général des collectivités territoriales.

* 5 Institué par l'article 77 de la loi de finances précitée.

* 6 En effet, les départements se sont trouvés en capacité de fixer un taux pouvant s'établir, au maximum, à 4,5 % contre 3,8 % auparavant.

* 7 Institué par l'article 78 de la loi de finances précitée et codifié à l'article L.3335-3 du code général des collectivités territoriales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page