C. UN TEXTE LAISSANT CEPENDANT DE CÔTÉ CERTAINS PANS DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE
1. Quel avenir pour le crédit d'impôt recherche ?
Si l'objectif du projet de loi de programmation est bien de porter la DIRD à 3 % du PIB à horizon 2030, le rapporteur note que la recherche privée n'est mentionnée qu'incidemment dans le rapport annexé .
Pourtant, pour atteindre la cible fixée par la loi de programmation, la DIRDE devrait progresser de 0,56 point de PIB, passant de 1,44 % à 2 % du PIB sur la période. Cela représente le double de l'effort demandé à la recherche publique, qui s'élève à 0,22 point de PIB .
Objectif d'évolution des dépenses de recherche à horizon 2030
(en % du PIB)
Source : commission des finances, à partir des données de l'OCDE
À ce titre, il est regrettable que le rapport annexé se contente de noter que « le crédit d'impôt recherche (CIR) constituera pendant cette période un outil central de soutien à la DIRDE. La dépense fiscale sera amenée à croître afin d'accompagner le réinvestissement des entreprises dans la recherche aussi bien que l'emploi des jeunes chercheurs dans le secteur marchand afin de contribuer à la reprise de l'activité économique ».
Étant donné le rôle crucial joué par le CIR dans l'évolution de la dépense privée de recherche, il eut été souhaitable de sanctuariser cette dépense fiscale à horizon 2030 . Pour contribuer pleinement à l'effort de recherche en France, les entreprises doivent pouvoir s'appuyer sur la stabilité et la prévisibilité des outils publics d'aide à la recherche , au premier rang desquels figure le CIR.
Cela est d'autant plus vrai dans le contexte actuel, alors que la conjoncture économique pourrait conduire de nombreuses entreprises à diminuer sensiblement leurs dépenses de recherche et développement. Il importe donc d'envoyer un signal fort en faveur du soutien de l'effort privé de recherche .
En tout état de cause, le devenir du CIR ne peut être passé sous silence , alors même que le Gouvernement entend faire du développement de l'innovation une priorité majeure.
2. Une articulation encore insuffisante avec les échelons infra et supra nationaux
Le rapporteur regrette que le projet de loi de programmation ne s'intéresse pas davantage à l'articulation entre les financements nationaux, régionaux et européens .
Dans son rapport de contrôle sur « La mobilisation des financements régionaux en faveur de la recherche » 5 ( * ) , le rapporteur notait ainsi que l'intervention financière des régions en faveur de la recherche se caractérisait par sa complémentarité avec l'État , et que les conseils régionaux étaient devenus un acteur clé du pilotage territorial de la recherche. Dès lors, il appelait à mieux identifier les financements en provenance des régions, et à renforcer les instances de pilotage régionales et nationales, pour améliorer la synergie des financements entre l'État et les régions.
De ce point de vue, les appels à projets passés conjointement entre l'ANR et les régions constituent une piste intéressante , permettant d'associer plus étroitement les conseils régionaux à la politique de recherche.
Le constat vaut également pour l'articulation entre financements nationaux et européens , et ce alors qu'au terme des négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel, le budget prévu pour le programme « Horizon Europe » (principal vecteur de l'Union européenne en matière de recherche) devrait sensiblement augmenter .
En effet, en raison de la crise sanitaire actuelle, la Commission européenne a présenté en mai dernier ses nouvelles orientations pour le prochain cadre financier pluriannuel, ainsi que les montants alloués à un nouvel instrument de relance intitulé « Next Generation EU ». L'accord trouvé lors du Conseil européen des 17 au 21 juillet dernier sur le volume global du cadre financier pluriannuel 2021 - 2027 prévoit ainsi une enveloppe de 75,9 milliards d'euros (en euros constants, prix 2018) pour « Horizon Europe » au titre du cadre financier pluriannuel socle , qui sera complétée par un abondement de 5 milliards d'euros au titre de l'instrument de relance, soit un total de 80,9 milliards d'euros .
Par comparaison, le septième programme-cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), intitulé « Horizon 2020 » était doté de 70,2 milliards d'euros (en euros constants, prix 2013).
Dans ce contexte, il paraitrait opportun de renforcer la participation française aux appels à projets européens , tout en assurant une plus grande continuité entre ces deux sources de financement .
Or, si le rapport annexé au projet de loi de programmation précise que « la LPPR ne saurait [...] revitaliser la recherche française sans lui donner un élan pour accroître son ouverture et son engagement européens », il demeure relativement flou quant aux moyens déployés pour parvenir à cet objectif .
Évoquant dans un premier temps le plan d'action national d'amélioration de la participation française aux programmes européens de recherche et d'innovation mis en oeuvre depuis 2019, le rapport annexé avance que « plusieurs dispositions prévues dans la LPPR vont avoir des effets positifs importants sur l'intégration des équipes françaises dans l'espace européen de la recherche ». Il s'agit principalement de l'augmentation des moyens financiers obtenus par les établissements au travers de la hausse du préciput de l'ANR, qui devrait les aider à soutenir des projets bilatéraux avec leurs homologues européens.
Pour le rapporteur, la loi de programmation n'apporte donc pas réellement d'éléments nouveaux quant à la participation aux appels à projets européens.
À cet égard, le rapporteur a eu l'occasion de souligner à plusieurs reprises le rôle de relais joué par les régions auprès de l'Union européenne, offrant un accompagnement capital aux candidats aux appels à projets. Les démarches conjointes entre l'État et les régions sur le plan européen pourraient ainsi être utilement renforcées .
* 5 Rapport d'information n° 740 (2018-2019) de M. Jean-François Rapin, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.