D. LA NÉCESSAIRE RÉFORME DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ, ASSOCIANT MIEUX LES RÉGIONS
La politique des pôles de compétitivité a
été lancée en 2005, avec une phase 1 jusqu'en 2008 puis
une phase 2 de 2009 à 2012. La phase 3 a pour but de passer de la
recherche et de l'innovation à l'industrialisation. Cette politique vise
à créer des synergies, notamment autour de projets de recherche
collaboratifs, entre les trois composantes des pôles que sont les
entreprises, les organismes de recherche et les établissements
d'enseignement supérieur. Les pôles sont constitués sous
forme associative et doivent être labellisés par
l'État
- ce qui suppose une évaluation
régulière - afin de pouvoir bénéficier d'un
soutien financier pour leur animation et pour leurs projets.
Aujourd'hui, 67 pôles existent et 65 sont actifs, regroupant au total plus de 10 000 entreprises de toutes tailles 46 ( * ) .
La phase 3 de la politique des pôles de compétitivité doit s'achever au 31 décembre 2018. Votre rapporteur juge indispensable qu'une réforme de cette politique soit décidée avant le début de la phase 4, compte tenu notamment de la forte baisse dans la durée des crédits qui lui sont alloués par l'État et de la montée en puissance des régions dans le domaine économique.
En 2018, les crédits de soutien au fonctionnement des pôles devraient être maintenus à 14 millions d'euros - les autres partenaires, notamment les régions et les entreprises adhérentes elles-mêmes contribuant aussi -, tandis que les crédits du fonds unique interministériel (FUI), destinés à financer les projets de recherche collaboratifs des pôles, devraient représenter 50 millions d'euros, contre 80 en 2017, mais avec un niveau élevé de gels budgétaires, et 200 il y a quelques années. En outre, les deux tiers des aides de l'État sont de fait concentrés sur un nombre limité d'une quinzaine de pôles, ceux comportant déjà de nombreuses grandes entreprises.
Depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, relèvent des compétences de la région « le soutien et la participation au pilotage des pôles de compétitivité situés sur son territoire » 47 ( * ) . Les régions participaient déjà depuis 2012 au comité de pilotage de la politique des pôles de compétitivité, avec la DGE, ainsi qu'au comité de coordination de chaque pôle, avec le préfet de région. Ces missions se rattachent au soutien de l'innovation, qui constitue une des dimensions des SRDEII.
Dressant le constat d'une dispersion des moyens et d'une disparité des pratiques, Régions de France a fait part à votre rapporteur de son interrogation sur l'évolution de la politique des pôles, compte tenu de la forte diminution des crédits consacrés par l'État au fonctionnement et aux projets des pôles depuis le lancement de cette politique. En 2016, les régions ont consacré 60 millions d'euros au soutien des projets des pôles. Régions de France défend l'idée d'une réforme de la politique des pôles de compétitivité avant le début de la phase 4.
Entendue par votre rapporteur, l'association française des pôles de compétitivité a observé qu'aucun dialogue n'avait été instauré avec l'État et les régions depuis l'adoption de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée. Elle a donc souhaité l'ouverture d'une réflexion stratégique sur la politique des pôles.
L'imbrication actuelle des responsabilités et des financements vis-à-vis des pôles appelle une clarification. Dans un référé publié en 2016, la Cour des comptes avait demandé une telle clarification 48 ( * ) , s'agissant en particulier de la distinction des pôles à vocation stratégique nationale et des rôles respectifs de l'État et des régions, tout en renforçant l'évaluation des résultats des pôles en matière de recherche comme d'industrialisation.
Un récent avis du Conseil économique, social et environnemental, publié en octobre 2017, dont le rapporteur a été entendu par votre rapporteur, plaide également en ce sens 49 ( * ) , dans la perspective de la phase 4.
En 2016, avait été envisagée une réforme consistant à distinguer deux catégories de pôles, les premiers à vocation nationale et internationale, relevant de la responsabilité de l'État, et les seconds à vocation plus régionale, sous la responsabilité des régions. Au début de l'année 2017, le Gouvernement avait néanmoins refusé d'arbitrer, mais la question demeure aujourd'hui, en raison de la diminution des crédits nationaux alloués aux pôles.
Par ailleurs, votre rapporteur a souhaité entendre les auteurs d'une étude économétrique publiée en février 2017 sur l'évaluation de la politique des pôles de compétitivité 50 ( * ) , réalisée sur la demande de la commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation de France Stratégie. Cette commission s'interroge aussi, dans un avis 51 ( * ) fondé sur cette étude, sur les deux logiques de concentration des moyens sur les pôles les plus efficaces en termes d'innovation et de répartition territoriale pour favoriser l'essaimage, ainsi que sur le rôle respectif de l'État et des collectivités territoriales dans la politique des pôles, l'État pouvant être responsable de la labellisation et de l'évaluation des pôles, tandis que les régions devraient davantage associer les pôles à la mise en oeuvre de leurs politiques territoriales de développement économique.
Cette étude démontre l'existence d'un impact positif de la politique des pôles, c'est-à-dire d'un effet de levier des crédits publics alloués aux pôles, sur le niveau des dépenses de recherche et développement des entreprises du pôle, à compter de 2009 52 ( * ) . En revanche, elle ne fait pas apparaître un impact sur les variables de marché (chiffre d'affaires, part de marché...), sans conclure pour autant à l'absence d'impact, en raison de ses limites méthodologiques : les facteurs influant sur ces variables sont trop nombreux et la période étudiée, compte tenu des données disponibles, s'achève en 2012, c'est-à-dire avant la phase 3. Une nouvelle étude sera donc nécessaire, même si la plupart des études étrangères concluent à l'absence d'effet économique de ce type de politique de soutien à l'innovation par les « clusters ».
Dans un contexte de raréfaction de la ressource budgétaire de l'État et compte tenu de la montée en puissance des régions en matière économique, votre rapporteur estime que l'État doit se concentrer sur un nombre limité de pôles présentant les enjeux les plus forts , dans le cadre d'une politique rénovée des pôles de compétitivité, en lien avec les politiques nationales de filières, évoquées supra à propos de la DGE, et dans un nouveau partenariat avec les régions. Toutefois, le rôle des régions ne doit pas consister simplement à compenser la baisse des financements étatiques, ce qu'elles font déjà en partie, mais à jouer un rôle stratégique pour les pôles qui relèveraient de leur responsabilité. L'association française des pôles de compétitivité partage cette analyse, à condition que soient mises en place de vraies politiques régionales de soutien des pôles. Cette clarification doit être effectuée de façon urgente, dans les prochains mois, selon votre rapporteur.
* 46 Le nombre maximum de pôles reconnus a été de 71, certains pôles ayant fusionné depuis.
* 47 Article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales. Cette compétence appartient également aux métropoles.
* 48 Ce référé est consultable à l'adresse suivante :
https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-des-poles-de-competitivite
* 49 Cet avis est consultable à l'adresse suivante :
http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2017/2017_21_poles_competitivite_nd2.pdf
* 50 Cette étude est consultable à l'adresse suivante :
* 51 Cet avis est consultable à l'adresse suivante :
http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/avis_pole2017annexe_02.02.pdf
* 52 L'effet de levier est évalué en 2009 à 1,13 euro de dépenses de recherche et développement réalisé par les petites et moyennes entreprises du pôle pour 1 euro de financement public et en 2012 à 1,89 euro. L'effet de levier est donc croissant avec le temps, mais il n'est pas immédiat.