IV. LE DEVOIR D'INDEMNISATION DES VICTIMES DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES ET DES ACTES DE BARBARIE COMMIS PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » assure le financement de mesures de réparation , instaurées par décret, à destination de certaines des victimes de cette guerre et de leurs ayants droit :

- les victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation 80 ( * ) ;

- les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites 81 ( * ) ;

- les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie 82 ( * ) .

Dans ce cadre, c'est le Premier ministre qui prend les décisions accordant une indemnisation, la mise en paiement étant assurée par l'Onac.

Évolution des crédits de paiement du programme 158

(en millions d'euros)

Action

LFI 2017

PLF 2018

Variation
(en %)

N° 1 : Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

46,44

46,41

- 0,06

N° 2 : Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale

54,36

54,39

+ 0,06

Total

100,8

100,8

0

Source : Projet annuel de performance de la mission annexé au PLF

A. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA DÉPORTATION ET DES VICTIMES DE SPOLIATIONS DU FAIT DES LÉGISLATIONS ANTISÉMITES EN VIGUEUR PENDANT L'OCCUPATION

L'action n° 1 du programme regroupe les mécanismes créés par les décrets du 10 septembre 1999 et du 13 juillet 2000. Ils ont un objet commun : l'indemnisation des préjudices subis en raison des mesures antisémites en vigueur en France pendant l'Occupation.

1. L'indemnisation des victimes de spoliations

Remis à Lionel Jospin en 1998, le rapport Matteoli a posé le principe général de l'indemnisation des spoliations survenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation. En conséquence, le décret du 10 septembre 1999 a créé la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) afin d'examiner les demandes présentées par les victimes individuelles ou leurs ayants droit qui ont été victimes de spoliations matérielles ou bancaires et de recommander ensuite des mesures de réparation, restitution ou indemnisation . Composée de dix membres, elle disposait en 2016 de vingt-cinq agents, dont trois affectés à son antenne de Berlin, deux aux Archives nationales et un aux archives de Paris, tandis que douze magistrats, neuf de l'ordre judiciaire et trois de l'ordre administratif, occupaient des fonctions de rapporteur. En 2018, son plafond d'emplois sera toutefois abaissé à vingt-trois ETPT en raison du départ prévu d'un agent.

La CIVS est confrontée à la diminution du nombre de requêtes qu'elle reçoit : de 100 par mois, en moyenne, en 2004, ce chiffre est passé à 71 en 2009, 64 en 2010, 39 en 2011, 30 en 2012, 31 en 2013 et 2014, 22 en 2015 puis 19 en 2016. Elle a cette même année siégé en séance restreinte à 25 reprises (- 26,5 %) et 15 fois en séance plénière, cette dernière étant consacrée à l'examen des dossiers les plus complexes et à fort enjeu financier. La CIVS a émis 391 recommandations, dont 81 de rejet, représentant un montant d'indemnisation à la charge de l'État de 4,9 millions d'euros . Cela traduit une diminution du nombre des recommandations de 23,9 % par rapport à 2015 ( 515 ), mais aussi une baisse du coût pour l'État de 43,4 % , puisqu'il s'était élevé cette année-là à 8,7 millions d'euros . La prévision du projet de loi de finances pour 2018 porte sur 350 dossiers, pour un coût estimé de 7 millions d'euros .

L'indemnisation des victimes de spoliations au 30 juin 2017

Nombre de requêtes reçues

Nombre de recommandations
ayant donné lieu
à indemnisation

Nombre de bénéficiaires

Coût total
(en millions d'euros)

Total

23 937

21 855

47 991

470,9

Source : Services du Premier ministre

Par un décret du 28 mai 2014 83 ( * ) , l'activité de la CIVS a été prolongée de cinq ans . Ses membres ont quant à eux été renouvelés pour trois ans par un décret du 15 septembre 2017 84 ( * ) . Trois nouveaux membres l'ont rejointe, son président et son vice-président, MM. Jeannoutot et Bernard, étant maintenus en fonction. Aucune forclusion de ce mécanisme d'indemnisation des victimes de spoliation ne serait envisagée .

En effet, il convient de poursuivre les efforts engagés ces dernières années pour identifier la provenance des oeuvres d'art spoliées qui, en raison de l'impossibilité d'identifier leurs propriétaires à la Libération, ont été confiées aux musées nationaux. Ces 2 143 oeuvres , connues sous l'acronyme « MNR » (musées nationaux récupération), ont fait l'objet d'un regain d'intérêt depuis les années 1990, à la faveur d'une prise de conscience sur ce phénomène jusqu'alors peu étudié. En 1998, la déclaration de Washington 85 ( * ) prônait la recherche d'une solution « juste et équitable » lorsque la provenance d'une oeuvre spoliée était établie et que son propriétaire initial, ou ses ayants droit, étaient identifiés. Alors que seulement six oeuvres avaient été restituées entre 1954 et 1994, 70 l'ont été durant les vingt années suivantes 86 ( * ) . Une autre l'a été en 2015, et une autre devrait l'être avant la fin de l'année 2017. Au total, treize MNR ont été restitués sur recommandation de la CIVS.

Un groupe de travail , mis en place pour un an en 2013 puis dont les travaux ont été prolongés de deux ans entre 2015 et 2017, a également permis de réaliser des avancées dans l'identification des propriétaires originaux de vingt-six oeuvres, tout en développant une méthode de travail efficace et en enrichissant les connaissances disponibles par l'exploitation de nouveaux fonds d'archives.

Enfin, la CIVS mène une coopération intense avec ses homologues étrangers. C'est tout particulièrement le cas avec l'organisme chargé d'établir la provenance des 1 500 tableaux découverts en 2012 et 2014 chez Cornelius Gurlitt, à Munich et Salzbourg, le « Deutsches Zentrum Kulturgutverluste ». Leurs travaux communs ont permis la restitution en France, en février dernier, d'un tableau de Pissarro aux héritiers de son propriétaire spolié.

2. L'indemnisation des orphelins des victimes des persécutions antisémites

Le décret de 2000 a, quant à lui, institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et sont morts en déportation . La procédure d'instruction des demandes est différente et relève de l'Onac, bien que la décision d'indemnisation soit toujours de la compétence du Premier ministre.

La mesure de réparation prend deux formes : soit une indemnité en capital de 27 440,82 euros , soit une rente viagère mensuelle revalorisée annuellement dont le montant en 2017 était de 571,16 euros et sera en 2018 de 585,44 euros 87 ( * ) . La première possibilité a été privilégiée par 49 % des bénéficiaires, soit 6 638 personnes, contre 51 % pour la seconde ( 6 994 personnes).

Le nombre de demandes nouvelles est désormais très faible : 19 en 2013, 14 en 2014, 8 en 2015, 12 en 2016 et 3 au premier semestre 2017, contre plusieurs milliers dans les trois années qui ont suivi l'entrée en vigueur du décret. Les dépenses prévues en 2018 vont, pour un total de 37,2 millions d'euros , au paiement de 5 249 rentes viagères (- 3,3 %). Dix-sept nouvelles entrées dans le dispositif sont attendues l'an prochain. Le coût moyen annuel par crédirentier s'élèvera à 7025,28 euros , en hausse de 2,5 % par rapport à 2017 en raison de la revalorisation annuelle des rentes.

L'indemnisation des orphelins dont les parents
ont été victimes de persécutions antisémites au 30 juin 2017

Nombre
de demandes reçues

Nombre de bénéficiaires

Coût total
(en millions d'euros)

Total

17 632

13 632

782,4

Source : Services du Premier ministre


* 80 Décret n° 99-778 du 10 septembre 1999.

* 81 Décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000.

* 82 Décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.

* 83 Décret n° 2014-555 du 28 mai 2014 relatif à certaines commissions administratives à caractère consultatif relevant du Premier ministre.

* 84 Décret du 15 septembre 2017 portant nomination à la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ; NOR : PRMX1725530D.

* 85 Signée par 44 États à l'issue de la de la conférence de Washington sur les biens confisqués à l'époque de l'Holocauste du 3 décembre 1998.

* 86 Source : Rapport définitif des travaux du groupe de travail sur les provenances d'oeuvres récupérées après la Seconde Guerre mondiale, mars 2017.

* 87 La rente est revalorisée chaque année de 2,5 % en application du décret n° 2009-1005 du 24 août 2009 modifiant le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites.

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