Avis n° 110 (2017-2018) de M. Jean-Pierre VIAL et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 23 novembre 2017

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N° 110

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

Par M. Jean-Pierre VIAL et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Robert del Picchia, Thierry Foucaud, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Cédric Perrin, Gilbert Roger , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Rachid Temal , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 à 109 et 111 à 114 (2017-2018)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE
VOS RAPPORTEURS POUR AVIS

1. - Selon les dernières données disponibles de l'OCDE, l'aide au développement mondiale a atteint un nouveau maximum en 2016 , avec un montant de 142,6 milliards USD, en augmentation de 8,9 % par rapport à 2015. Cette hausse de l'aide totale résulte pour partie de l'accroissement de l'aide consacrée aux réfugiés dans les pays donneurs. Toutefois, en excluant les dépenses liées aux réfugiés, on constate que l'aide s'est accrue de 7,1 %. La même année, l'aide au développement française est passée de 0,37 % à 0,38 % du PIB.

2. - Les crédits demandés pour la mission « Aide au développement » au sein du PLF pour 2018 sont en augmentation d'environ 3,6 % en crédits de paiement par rapport aux crédits demandés en LFI pour 2017. Les ressources du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) se monteront à 798 millions d'euros, un montant stable par rapport à 2017, compte-tenu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture du PLF ayant pour effet de maintenir l'affectation d'un montant de 270 millions d'euros de TTF à l'AFD en 2018, alors que le projet de loi initial proposait la réintégration de ce montant au sein du FSD. Votre commission a approuvé cette modification effectuée par les députés dans la mesure où elle permettra d'augmenter les concours bilatéraux effectués en dons .

3. -Votre commission se félicite par ailleurs que le montant de 270 millions d'euros affecté à l'AFD au cours de l'année en cours ait effectivement permis d'abonder à hauteur de 100 millions d'euros la nouvelle « facilité vulnérabilité » de l'AFD , qui constitue un effort notable pour donner corps au concept d' « approche globale » et dont la création avait été préconisée par le rapport de la commission « Sahel : repenser l'aide publique au développement » 1 ( * ) de Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret.

4. - Pour 2018, les autorisations d'engagement pour les dons de l'AFD augmentent de 67 millions d'euros et les bonifications pour les prêts de 55 millions d'euros, tandis que la ressource à condition spéciale (RCS) - les prêts du Trésor à l'AFD sur compte spécial - est abondée de 25 millions d'euros supplémentaires. Il s'agit de progressions significatives, en ligne avec l'objectif affiché d'accroître de 4 milliards d'euros par rapport à 2015 les financements de l'agence d'ici 2020, dont une hausse de 400 millions d'euros des dons.

5. - En juillet 2017, le Gouvernement a annoncé des annulations de crédits pour un montant, en ce qui concerne l'AFD, de 136 millions d'euros en AE et de 118 millions d'euros en CP. Peu après cependant, le Président de la République a annoncé une remontée de l'APD à 0,55 % du RNB au terme du quinquennat, en 2022 . Ceci replacerait la France dans la situation de 1995, année depuis laquelle l'APD a constamment régressé en part du RNB. Parallèlement, le projet de loi de programmation des finances publiques en cours d'examen au Parlement prévoit une croissance de plus de 16 % des crédits de l'APD pour 2018-2020.

7 . - L'augmentation des crédits prévue par la LFI 2018 paraît toutefois insuffisante pour amorcer la croissance nécessaire à l'atteinte de cet objectif . Dès lors, il est impératif que l'année 2018 soit mise à profit par l'AFD pour préparer la remontée des ressources qui doit intervenir dès l'année suivante, en consacrant ses efforts à l'élaboration de projets - en particulier financés par des dons - dans les pays les plus pauvres et en réinvestissant des secteurs comme l'éducation et l'agriculture.

8 . - En ce qui concerne la réforme de l'expertise, la consolidation d'Expertise France, qui a connu une croissance importante depuis sa création au 1 er janvier 2015, rend désormais possible un rapprochement avec des opérateurs qui n'ont pas été fusionnés, rapprochement appelé par l'exigence d'une expertise internationale française plus forte et plus efficace. Par ailleurs, il est nécessaire d'améliorer les modalités de la coopération, encore insuffisamment approfondie, entre l'AFD et Expertise France.

À l'issue de sa réunion du mercredi 8 novembre 2017, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

INTRODUCTION

Madame, Monsieur,

Après une année 2015 riche en conférences (conférence d'Addis-Abeba sur le financement du développement en juillet 2015, Sommet des Nations unies sur les nouveaux objectifs du développement durable en septembre, conférence de Paris sur le climat -COP 21 - en décembre), à l'occasion desquelles la France s'est engagée à augmenter son aide publique au développement de 4 milliards d'euros à l'horizon 2020 , après deux années 2015-2016 marquées par la crise des migrants en Europe et la prise de conscience croissante de la nécessité de ne pas s'en tenir aux réponses d'urgence face à un tel phénomène, les années 2017-2018 doivent être celles d'une remontée en puissance de notre politique d'aide au développement.

Deux décisions ont marqué les premiers mois du nouvel exécutif. D'une part, a d'abord été annoncée le 11 juillet 2017 l'annulation de 136,2 millions d'euros de crédits de paiement et 158,0 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur les crédits votés pour 2017. Cette annulation importante a notamment suscité l'inquiétude des ONG. Le 24 juillet cependant, le Président de la République a annoncé que la France allait porter à 0,55 % du RNB (contre 0,38 % environ en 2017) son aide publique au développement en 2022, ce qui représenterait une augmentation considérable.

Examiné à cette aune, le présent projet de loi de finance propose effectivement une hausse des crédits de paiement de la mission APD (programmes 209 et 110 2 ( * ) ) d'environ 100 millions d'euros, pour atteindre environ 2,7 milliards d'euros (+3,6 %), ce qui ne compense pas, toutefois, l'annulation de crédits intervenue en juillet. Cette augmentation globale des crédits de la mission est absorbée en totalité par une hausse de la contribution française au Fonds européen de développement (FED). Par ailleurs, les ressources issues de la taxe sur les transactions financières (TTF) sont stables à environ 800 millions d'euros, et celles issues de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) à 210 millions d'euros.

Au sein du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », on observe une progression des autorisations d'engagement consacrées aux dons de l'AFD d'environ 67 millions d'euros, tandis que les crédits de bonification de prêts augmentent pour leur part de 55 millions d'euros. Ces augmentations, en ligne avec les objectifs de progression de l'agence, dont les engagements doivent atteindre environ 13 milliards d'euros par an en 2020 (+ 4 milliards par rapport à 2015), paraissent cependant encore insuffisants pour placer la France sur la trajectoire des 0,55 % pour 2022.

Certes, l'objectif en pourcentage du RNB a ses limites. D'une part, à budget constant, la croissance ou la décroissance du RNB modifiera la mesure de l'effort que représente le budget de l'aide au développement. D'autre part, il convient de rappeler que l'indicateur « dépenses d'APD » regroupe des dépenses très hétérogènes, dont le poids respectif varie entre les pays non seulement en fonction de la politique menée en matière de soutien aux pays en développement, mais aussi du fait des différences entre systèmes sociaux et administratifs. Ainsi, les frais d'écolage s'entendent nets des frais d'inscription : ceux-ci étant très faibles dans les universités françaises, contrairement aux universités anglo-saxonnes, il est logique de voir figurer la France (ou l'Allemagne) dans les pays consacrant le plus de ressources aux étudiants ressortissant de pays en développement. Cependant, avec un montant de 0,38 %, la France risque le « décrochage » par rapport à ses principaux partenaires européens , dont plusieurs atteignent désormais les 0,7 %.

En ce qui concerne le circuit suivi par les crédits en provenance des financements dits « innovants » (TTF et TSBA), le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoit de les affecter en totalité au Fonds de solidarité pour le développement (FSD), revenant ainsi sur la décision du Parlement lors de l'examen des PLF pour 2016 et 2017 d'affecter une part de 270 millions d'euros de la TTF directement à l'AFD, en vue d'augmenter les financements en dons (à destination des pays en développement les plus pauvres). Toutefois, en première lecture, à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement rétablissant l'affectation de ces 270 millions d'euros issus de la TTF directement à l'AFD.

Compte-tenu de la nécessité, maintes fois soulignée, de rééquilibrer l'APD française en faveur des dons à destination des pays les plus pauvres, votre commission a approuvé cette modification.

Enfin, autant que le montant global de l'APD versée, c'est bien sa pertinence et son efficacité qui doivent être sans cesse évaluées et améliorées afin de contribuer à faire sortir de la pauvreté et à placer sur une trajectoire de développement durable les populations des pays en développement. Compte-tenu de la situation sécuritaire très difficile du Sahel et de l'engagement des armées françaises dans cette région du monde ; compte-tenu partout ailleurs de la dégradation du climat et de ses conséquences déjà sensibles pour les populations, l'erreur n'est pas permise : la politique française d'aide au développement doit constituer une priorité pour les prochaines années.

En ce qui concerne le Sahel, votre commission sera particulièrement attentive à la mise en place de l' « Alliance pour le Sahel » , qui devrait permettre d'affecter 200 millions d'euros supplémentaires de financement à cette région en cinq ans, dont 35 millions d'euros en 2017. Il s'agit là d'un volet essentiel qui, en accompagnant l'engagement des armées françaises et les efforts pour maîtriser les migrations, doit permettre de stabiliser cette région.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

I. AU SEIN D'UNE AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE EN AUGMENTATION, UNE APD FRANÇAISE EN PROGRESSION MODÉRÉE

L'aide publique au développement internationale a connu une progression importante en 2017, en grande partie du fait d'une augmentation de l'aide aux réfugiés, mais pas seulement. L'aide française a légèrement augmenté par rapport au RNB en 2016, passant de 0,37 % à 0,38 %.

A. UNE APD INTERNATIONALE EN HAUSSE SIGNIFICATIVE

1. Une augmentation globale tirée par l'aide aux réfugiés

Selon les données préliminaires dont dispose l'OCDE pour 2016 ; l'aide au développement a atteint un nouveau maximum pour cette année, avec un montant de 142,6 milliards USD, en augmentation de 8,9 % par rapport à 2015 (après prise en compte des taux de change et de l'inflation). Cette hausse de l'aide totale résulte pour une part non négligeable de l'accroissement de l'aide consacrée aux réfugiés dans les pays donateurs. Beaucoup parmi ceux-ci ont en effet accueilli un nombre élevé de réfugiés au cours des deux dernières années. Toutefois, en excluant les dépenses liées aux réfugiés, on constate que l'aide s'est tout de même accrue de 7,1 % .

En revanche, en contraste avec cette progression, l'aide bilatérale (de gouvernement à gouvernement) aux pays les moins avancés a diminué de 3,9 % en termes réels par rapport à 2015, et l'aide à l'Afrique, de 0,5 %, certains membres du CAD étant revenus sur leur engagement d'agir pour inverser la tendance passée à la baisse des apports aux pays les plus pauvres.

Au total, en 2016, l'aide publique au développement (APD) provenant des 29 pays membres du comité d'aide au développement de l'OCDE (CAD) a représenté en moyenne 0,32 % du revenu national brut (RNB), contre 0,30 % en 2015, le volume de l'aide ayant progressé dans la majorité des pays donneurs. L'APD a ainsi doublé depuis 2000 en termes réels (après prise en compte de l'inflation et des fluctuations de la monnaie).

Les dix principaux pays contributeurs en valeur à l'aide publique au développement (APD) ont été, par ordre décroissant : les États-Unis (33,6 Md USD), l'Allemagne (24,7 Md USD), le Royaume-Uni (18 Md USD), le Japon (10,4 Md USD), la France (9,5 Md USD), les Pays-Bas (5 Md USD), la Suède (4,9 Md USD), l'Italie (4,9 Md USD), la Norvège (4,4 Md USD) et l'Espagne (4,1 Md USD).

L'APD nette totale s'est accrue dans 22 pays (les hausses les plus fortes ont été enregistrées en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Pologne, en République slovaque, en République tchèque et en Slovénie) et a diminué dans sept pays (les baisses les plus importantes ont été observées en Australie, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède).

En 2016, l'Allemagne a rejoint les pays qui respectent l'objectif fixé par les Nations Unies de maintenir l'APD à un niveau supérieur ou égal à 0,7 % du RNB (Danemark, Luxembourg, Norvège, Royaume-Uni et Suède) . En revanche, les Pays-Bas sont repassés au-dessous de 0,7 %.

En ce qui concerne l'APD affectée à l'accueil des réfugiés dans les pays donneurs, la progression a été de 27,5 % en termes réels par rapport à 2015, pour un total de 15,4 milliards USD, représentant 10,8 % de l'APD nette totale, contre 9,2 % en 2015 et 4,8 % en 2014.

Rappelons que, depuis 1988, les pays donneurs sont autorisés à comptabiliser dans l'APD certaines dépenses consacrées aux réfugiés pendant la première année qui suit leur arrivée. Ainsi, 11 pays ont affecté à ce poste de dépenses plus de 10 % de leur APD, parmi lesquels l'Allemagne, l'Autriche, la Grèce et l'Italie ont même affecté plus de 20 % de leur APD à cette dépense. En revanche, l'Australie, la Corée, le Japon et le Luxembourg n'ont comptabilisé dans leur APD pour 2016 aucune dépense concernant les réfugiés. Le CAD mène actuellement une réflexion sur les règles de notification de l'APD afin que les dépenses consacrées aux réfugiés n'aient pas tendance à se substituer au financement destiné au développement. Quant à l'aide humanitaire, elle a augmenté de 8 % en termes réels en 2016, atteignant 14,4 milliards USD.

La comptabilisation des dépenses en faveur des réfugiés dans l'APD

Le terme générique de « réfugiés » au sens du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, désigne « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de son ethnie, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors de son pays de résidence . » Le CAD prévoit également que soit comptabilisée dans cette rubrique « l'aide apportée à des personnes qui ont fui leur domicile pour cause de guerre civile ou de troubles graves ». Toujours selon les règles en vigueur au CAD, la comptabilisation doit être limitée aux douze premiers mois de séjour dans le pays hôte et « recouvre les dépenses destinées à assurer le transfert de réfugiés dans le pays hôte considéré, puis leur entretien temporaire (nourriture, hébergement et formation) ». Le terme de « réfugiés » au sens du CAD recouvre ainsi la notion de demandeurs d'asiles soit, en France, les « premières demandes » utilisée dans les statistiques de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui est la source de référence pour la comptabilisation en APD de ces dépenses.

La détermination des dépenses comptabilisables en APD se fait ainsi à partir du programme 303 « immigration et asile ». Seules sont retenues les dépenses concernant les plates-formes d'accueil, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (hébergement), les hébergements d'urgence et d'accompagnement social, dont la comptabilisation est clairement prévue par les directives du CAD.

En ce qui concerne la France, en 2016, le montant d'APD définitif déclaré au CAD au titre de l'accueil des réfugiés s'est élevé à 422 millions d'euros . La hausse observée entre 2015 et 2016 est imputable à la hausse du nombre des demandes et à la prise en compte de dépenses des collectivités territoriales non comptabilisées jusqu'à aujourd'hui (+35 M€) dans la déclaration de la France 3 ( * ) . La part de l'APD résultant de la prise en compte des réfugiés a ainsi légèrement augmenté dans le cas de la France, passant de 4 % en 2015 à 4,5 % en 2016, ce qui reste en dessous de la moyenne des pays du CAD, qui se situe à environ 10 %.

2. Des évolutions toutefois contrastées

La comparaison avec les autres pays donateurs permet de mettre en perspective la politique française d'APD. Il ressort de cette comparaison qu'un groupe de pays du Nord de l'Europe (Scandinavie, Royaume-Uni et jusqu'à l'Allemagne) forme désormais un groupe avancé en matière d'APD, qui a institué cette politique comme une priorité explicite, ce qui n'exclut pas des débats au sein des Parlements et de l'opinion (encadré ci-dessous).

En 2016, les pays du nord de l'Europe , qui se sont fixés pour objectif d'atteindre un ratio d'APD/RNB de 1 %, confirment leur détermination à maintenir leurs efforts. La Norvège et la Suède sont ainsi les deux premiers donateurs du CAD en part du RNB, avec des ratios proches voire supérieurs à 1 % depuis 2009. Cet objectif de 1 % fait l'objet d'un large consensus politique et sert de cadrage à la programmation budgétaire, les débats publics se concentrant surtout sur l'amélioration de l'efficacité de l'aide et de la « redevabilité ».

Par ailleurs, l'exception britannique est remarquable, puisque le Royaume-Uni, troisième donateur du CAD en valeur, se distingue par l'atteinte de l'objectif de 0,7 % depuis 2013 . Cet objectif a été consacré par la loi de programmation sur la cible d'aide publique au développement de mars 2015. Le premier ministre Theresa May a indiqué à Paris le 21 juillet 2016 que l'objectif de 0,7 % serait maintenu. Il faut cependant ajouter que cette exception budgétaire au sein d'un budget qui a été soumis à de sévères coupes fait l'objet de contestations régulières au Parlement britannique .

Les États-Unis et le Japon se caractérisent par une stabilité des montants d'APD qui se traduira toutefois par des variations de ratios sensibles. Premier donateur en valeur (33,6 Mds de dollars en 2016), les États-Unis se caractérisent néanmoins par un ratio d'aide faible (0,18 % du RNB en 2016). N'ayant jamais adhéré à l'engagement international des 0,7 %, les États-Unis ne se considèrent pas liés par cet objectif, bien qu'au cours des dernières années le Département d'Etat et l'USAID (agence chargée du développement) aient constamment cherché à accroître la quote-part américaine. Cette tendance devrait s'inverser brutalement avec le changement d'administration intervenu en janvier 2017 . La maquette du budget 2018 affiche ainsi une coupe de 31 % des ressources de l'USAID et une fusion de cette agence avec le Département d'Etat . S'il reste peu probable que le Congrès entérine une baisse aussi drastique des ressources affectées à l'aide américaine au développement, celles-ci devraient néanmoins se réduire.

Le Japon est lui le quatrième donateur du CAD en volume avec 10 368 MUSD en 2016. L'agence de développement japonaise, la Japan International Cooperation Agency (JICA) gère l'ensemble de la politique d'aide publique au développement du pays. Celle-ci se trouve plutôt dans une phase d'expansion. Entre 2015 et 2016, la tendance de l'APD brute totale est à la hausse avec 9,8 Md USD en 2015 et 11,4 Md USD en 2016. Le budget annuel alloué à la JICA a également augmenté entre 2015. A l'occasion du sommet G7 d'Ise Shima, en mai 2016, le Premier Ministre Abe a annoncé l'établissement d'un « Partenariat pour les infrastructures de qualité » dont l'objectif principal est de promouvoir le développement des investissements japonais dans les infrastructures de qualité grâce à une coopération renforcée avec d'autres pays ainsi que des organisations internationales.

La JICA tends ainsi actuellement à concentrer ses efforts sur le développement de partenariats avec des organisations internationales pour favoriser le développement de son action dans des pays-tiers. Dans cette perspective, l'agence de développement japonaise a mis en place en mai 2016 un fonds commun avec la Banque asiatique de développement (BAD) doté d'1,5 Md USD et visant à soutenir les investissements du secteur privé pour le développement de nouvelles infrastructures en Asie, et a signé avec la BAD un accord en mai 2017 en vue d'améliorer les systèmes de santé et promouvoir la mise en place d'une couverture santé universelle en Asie. La JICA a également signé un accord de prêt à hauteur de 34,1 Md JPY avec la Banque africaine de développement en juillet 2017 en vue de fournir des financements au secteur privé et soutenir la croissance économique en Afrique.

On observe par ailleurs une forte augmentation de l'APD allemande et italienne du fait de la crise migratoire et l'afflux de réfugiés .

L'Allemagne en particulier est devenue en 2016 le deuxième donateur du CAD, devançant ainsi le Royaume-Uni, avec une APD atteignant 24,7 Md USD. Cette nette augmentation est notamment liée à la crise des réfugiés que traversent les pays européens. Compte-tenu du nombre de réfugiés accueillis par l'Allemagne (près d'1 million depuis 2015), celle-ci consacre 25 % de son APD aux coûts imputés des réfugiés en 2016 , ce qui représente une hausse de 106 % de ce poste de dépense entre 2015 et 2016.

B. UNE APD FRANÇAISE STABLE À 0,38 % DU RNB SELON LES DERNIERS CHIFFRES DISPONIBLES

Si le consensus de la communauté internationale est de porter l'aide publique à développement à 0,7 % du RNB, ce niveau est encore loin d'être atteint par la France en 2017. Toutefois, le Président de la République a annoncé un objectif de 0,55 % pour 2022.

1. La France loin derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni

L'APD française s'est établie à 0,38 % du RNB en 2016 contre 0,37 % en 2015 , plaçant la France au douzième rang mondial, derrière notamment l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Rappelons que s'agissant de l'objectif, partagé par la communauté internationale, consistant à atteindre 0,7 % du RNB consacré à l'aide publique au développement, le précédent Président de la République avait réaffirmé en clôture des Assises du développement et de la solidarité internationale en mars 2013 l'engagement de la France de replacer l'aide publique dans une trajectoire compatible avec cet objectif dès que le « retour durable de la croissance » le permettrait.

La position européenne sur ce sujet doit également être rappelée, les conclusions du Conseil affaires étrangères, adoptées le 26 mai 2015, servant de feuille de route en la matière. Les pays entrés dans l'Union européenne avant 2002 ont ainsi réaffirmé l'objectif d'atteindre 0,7 % dans l'horizon temporel de l'agenda post-2015 (soit en 2030) . Les circonstances budgétaires exceptionnelles auxquelles sont confrontés certains pays, dont la France, sont toutefois explicitement mentionnées.

2. Un nouvel objectif : 0,55% en 2022

L'actuel Président de la République a affirmé en juillet 2017 que la France consacrerait une proportion de 0,55 % de son RNB à l'APD en 2022 , ce qui représenterait une augmentation déjà considérable.

Avec des crédits en augmentation de 95 millions d'euros en crédits de paiement pour 2018, l'objectif des 0,55 % semble difficile à atteindre. Il sera nécessaire pour ce faire de doter rapidement l'AFD d'autorisations d'engagement très importantes pour enclencher un rattrapage rapide dès 2019. Si le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une croissance de 16 % de l'APD sur la période 2018-2020, la dotation étale prévue pour 2018 obligera en tout état de cause le Gouvernement à prévoir des progressions très fortes en fin de triennat.

Série statistique de l'APD cumulée des pays du CAD et de la France, en valeur absolue et en pourcentage du RNB depuis 1981 :

Versements, en millions de dollars

Versements, en millions de dollars

Année

APD nette totale des pays du CAD

APD nette de la France

Ratio APD en % RNB de la France

1981

24 672

2 964

0,51

1982

27 120

3 050

0,56

1983

26 839

2 909

0,56

1984

28 211

3 026

0,62

1985

28 858

3 134

0,61

1986

35 940

4 042

0,56

1987

40 689

5 250

0,60

1988

47 186

5 463

0,58

1989

45 801

5 802

0,61

1990

54 342

7 163

0,60

1991

58 375

7 386

0,62

1992

62 440

8 270

0,63

1993

56 286

7 915

0,63

1994

58 991

8 466

0,62

1995

58 896

8 443

0,55

1996

55 751

7 451

0,48

1997

48 658

6 307

0,44

1998

52 312

5 742

0,38

1999

53 601

5 639

0,38

2000

54 021

4 105

0,30

2001

52 767

4 198

0,31

2002

58 654

5 486

0,37

2003

69 604

7 253

0,40

2004

80 200

8 473

0,41

2005

108 397

10 026

0,47

2006

105 565

10 601

0,47

2007

105 021

9 884

0,38

2008

122 891

10 908

0,39

2009

120 675

12 602

0,47

2010

128 484

12 915

0,50

2011

135 111

12 997

0,46

2012

127 030

12 028

0,45

2013

134 847

11 339

0,41

2014

137 581

10 620

0,37

2015

131 555

9 039

0,37

2016*

142619

9501

0,38

Source: OCDE CAD1

* Pour 2016, le tableau ci-dessus présente les données préliminaires publiées en avril 2017 par le CAD. Toutefois, le chiffre définitif d'APD 2016 de la France transmis au Secrétariat du CAD est de 9,53 Md$ (le ratio définitif d'APD de la France pour 2016 en % du RNB s'élèverait donc à 0,38%). Ce chiffre est en cours de vérification par les services de l'OCDE et sera publié d'ici la fin de l'année 2017.

Versements nets de l'APD française par nature de dépenses

en millions d'euros

2012

2013

2014

2015

2016

APD totale

9 358

8 542

8 005

8 149

8 602

APD bilatérale

6 169

5 123

4 909

4 649

5 002

(i) Soutien budgétaire

94

171

148

115

104

(ii) Soutien bilatéral de caractère général aux organisations, programmes et financements groupés

45

89

53

52

68

(iii) Interventions de type projet

2 479

2 029

2 379

2 162

2 406

(iv) Experts et autres formes d'assistance technique

830

782

734

702

684

(v) Bourses et autres frais d'études

789

797

792

741

766

dont coûts imputés des étudiants

724

738

648

593

618

(vi) Allégement de la dette

1 147

524

23

125

78

(vii) Frais administratifs non compris ailleurs

384

388

413

423

463

(viii) Autres dépenses dans le pays donneur

401

344

369

332

432

dont aide aux réfugiés dans le pays donneur

394

341

366

328

422

mémo : Aide alimentaire à des fins de développement

40

36

36

39

34

mémo : Aide humanitaire

48

31

38

33

50

APD multilatérale

3 189

3 419

3 095

3 499

3 600

(i) Organismes des Nations Unies

164

190

164

215

309

(ii) Union européenne

1 631

1 711

1 771

1 751

2 223

(iii) Association Internationale de Développement (AID)**

422

400

440

794

390

(iv) Autres org. de la Banque Mondiale (AMGI, BIRD, SFI)*

25

24

25

24

0

(v) Banques régionales de développement

203

245

166

229

395

(vi) Fonds pour l'environnement mondial

65

34

34

51

51

(vii) Protocole de Montréal

8

8

7

8

8

(viii) Autres organismes

671

808

488

427

226

Source : Dac1 de l'OCDE, et SNPC ++ 2016 en cours de traitement par les services du CAD de l'OCDE.

* AMGI : Agence multilatérale de garantie des investissements ; BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement ; SFI : Société financière internationale.

** Cette ligne comprend à la fois les prêts et les dons : l'année 2015 fut une année exceptionnelle pour la contribution de la France à l'AID en raison de la réalisation d'un prêt concessionnel à hauteur de 430 M€ (prêt qui ne se renouvelle pas chaque année).

Note de lecture : la somme des sous-catégories peut être supérieure à un total, compte tenu des arrondis.

C. UN BUDGET EN AUGMENTATION MODÉRÉE AU SEIN DU PLF POUR 2018

Le Gouvernement a présenté un budget 2018 de la mission « Aide publique au développement » en hausse de 94,7 millions d'euros par rapport aux crédits votés en 2017.

1. Des crédits de la mission en hausse de 3,6 %

La mission interministérielle « Aide publique au développement » rassemble les crédits de deux programmes concourant à la politique française d'aide au développement : le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère des finances et des comptes publics, et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, le budget de la mission interministérielle « Aide publique au développement » s'élève à 2 700 millions d'euros en crédits de paiement , ce qui représente une hausse de 94,7 millions d'euros, soit + 3,6 % par rapport aux crédits demandés en LFI pour 2017 (2 605 millions d'euros). Rappelons qu'en 2016, le budget pour 2017 initialement présenté par le Gouvernement affichait une augmentation de 5,3 %. Cette proposition à la hausse avait elle-même contrasté avec celle du budget pour 2016, qui consistait initialement en une baisse de plus de 6 % par rapport à l'année précédente, ce qui avait été globalement mal perçu compte tenu des engagements pris par le Président de la République aux grandes conférences internationales consacrées au développement en 2015.

Par ailleurs, les recettes extrabudgétaires (TTF et taxe sur les billets d'avion) affectées au fonds de solidarité pour le développement (FSD) s'élèveront à 798 millions d'euros et 210 millions d'euros pour la TSBA, comme en 2017.

a) Les crédits du programme 110 : une baisse de 2,5 %

en millions d'euros

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

évolution

LFI 2017

PLF 2018

évolution

Aide multilatérale

1 452

431

-70 %

587

594

+1,2 %

Aide bilatérale

360

410

-14 %

276

263

-4,7 %

Traitement de la dette des pays pauvres

330

0

-100 %

104

104

- %

Total du programme 110

2 143

841

-60 %

966

961

-0,5 %

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017.

Les crédits de paiement du programme 110 passent de 966 à 961 millions d'euros, soit une diminution de 0,5 %.

La baisse très importante des autorisations d'engagement par rapport à 2016 résulte des reconstitutions de fonds multilatéraux intervenue en 2016, en particulier l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale (AE engagées en 2017 et paiements à effectuer de 2018 à 2020).

(1) Des crédits d'aide multilatérale relativement stables

L'action n° 1 « Aide économique et financière multilatérale » (594 M€ en crédits de paiement) est composée de contributions à des fonds internationaux. S'agissant d'engagements pluriannuels, les variations observées correspondent en général à des décisions prises plusieurs années auparavant.

Plusieurs de ces contributions restent stables entre 2017 et 2018. C'est le cas des contributions au Fonds fiduciaire de Lutte anti-blanchiment (LAB) / Lutte anti-terrorisme (stable à 0,19 M€), de l'importante contribution au Fonds pour l'environnement mondial avec environ 50 millions d'euros, qu'il faut distinguer du Fonds vert pour le climat créé à la conférence sur le climat de Copenhague en 2009, celui-ci recevant essentiellement des crédits issus du FSD (cf. encadré ci-dessous).

Le Fonds vert pour le climat

Le Fonds vert pour le climat (dit Fonds Vert) doit devenir le principal fonds multilatéral consacré au financement de la transition des pays en développement vers des économies sobres en carbone . Le Fonds vert a mobilisé 10,3 Md USD de ressources (auxquels 2 Md USD devraient être retirés de la contribution initialement promise par les États-Unis, à la suite de l'annonce du 1 er juin du président Donald Trump). Sur cette base, le Fonds devrait pouvoir apporter aux pays en développement des financements en dons et prêts très concessionnels d'environ 2,5 Md USD par an en moyenne (en pratique ce rythme d'engagements visé n'a pas encore été atteint). Le Fonds pourra continuer à recevoir d'autres contributions y compris de sources privées, d'ici la prochaine reconstitution formelle qui pourrait avoir lieu en 2019.

Au 31 août 2017, le Fonds vert a approuvé 43 projets et programmes , présentant des instruments financiers variés (dons, prêts, capital, garanties) pour un montant total de 2,2 Md USD, avec un effet de levier de plus de 5 Md USD en co-financements. 45 % des montants ont été engagés en Afrique, 29 % en Asie-Pacifique, 22 % en Amérique latine et Caraïbes et 3 % en Europe de l'est. Parmi ces 43 projets et programmes, qui interviennent dans 64 pays en développement, 29 ciblent des pays parmi les moins avancés (PMA), des petits États insulaires en développement et des États africains, pour un montant total de 1,9 Md USD, soit 84 % des montants engagés au total par le Fonds vert. Les montants approuvés sont, à ce stade, majoritairement affectés à des activités d'atténuation, sur la production et l'accès à l'énergie (essentiellement via des programmes en faveur du secteur privé, à large échelle et large distribution géographique), mais le portefeuille de projets du secteur public est plus concentré sur l'adaptation avec une répartition plus équilibrée entre les secteurs d'intervention du Fonds. En ligne avec le mandat du Fonds, cet équilibre entre atténuation et adaptation, ainsi qu'entre les différents secteurs d'intervention, sera recherché d'ici la première reconstitution sur la totalité des engagements.

Par ailleurs, le Fonds vert a accrédité 48 entités opérationnelles pour la mise en oeuvre des projets (y compris l'AFD et PROPARCO), dont 29 % sont des entités nationales en accès direct. Les premiers décaissements ont été effectués en automne 2016.

Le gouvernement français s'est pour sa part engagé à verser une contribution de 774 M€ (1 Md USD à l'époque de la constitution du Fonds) sur la période 2015-2018. Cette somme se répartit ainsi :

- 432 M€ en dons répartis sur 2015-2018 , dont les trois premiers versements en 2015, 2016 et 2017 ont été réalisés à partir du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) à hauteur de 104 M€, 61,8 M€ et 106,22 M€ ;

- 285 M€ en prêt très concessionnel via l'AFD versé en une fois fin 2017, et qui donne lieu à des bonifications portées par le programme 110 ;

- 57 M€ en dons versés en 2017 pour servir de garantie pour le prêt, également à partir du FSD .

Par ailleurs, en 2018, la contribution française au groupe de la Banque mondiale sera stable à 347 millions d'euros en crédits de paiements. Ce nouveau montant correspond à la première échéance de la dix-huitième reconstitution de l'Association internationale de développement (AID) négociée en 2013. Pour cette reconstitution, la France a obtenu que la majorité des ressources de l'AID soient affectées à l'Afrique subsaharienne et que le mécanisme d'affectation soit ajusté d'une manière plus favorable aux États fragiles.

En ce qui concerne le fonds africain de développement (FAD), guichet concessionnel de la banque africaine de développement (BAfD), 2018 sera la deuxième année de la quatorzième reconstitution, dont les négociations sont en cours. L'engagement de la France sera de 381 millions d'euros d'AE sur le programme 110, correspondant à un don décaissé sur trois ans (2017-2019). Le second versement en 2018 sera de 123 millions d'euros en CP. Dans le cadre de la négociation de cette quatorzième reconstitution, le FAD introduit la possibilité d'apporter une partie de la contribution par prêts. La France a ainsi décidé d'accorder un prêt concessionnel de 225 millions d'euros financé en AE et CP dès 2017 à partir du programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers ».

En ce qui concerne le fonds asiatique de développement (FAsD), guichet concessionnel de la Banque asiatique de développement (BAsD), les négociations pour la onzième reconstitution du fonds été menées en 2015 et 2016 pour couvrir la période 2017-2020. Avec une contribution de 46 millions d'euros d'AE en 2016, la France reste cinquième contributeur non-régional au FAsD. Le montant de CP de 11,5 millions d'euros demandé en 2018 correspond à la deuxième des quatre annuités au titre de cette reconstitution. Enfin, la contribution au Fonds international de développement agricole est stable à 11,6 millions d'euros.

(2) Des crédits bilatéraux en légère baisse


• La bonification des prêts accordés à l'étranger par l'AFD : 185 millions d'euros en 2018.

L'activité de prêts de l'AFD a augmenté de manière très importante au cours des dernières années, principalement au titre des prêts non bonifiés.

Le coût de la bonification, c'est-à-dire la différence entre le coût d'emprunt et de prêt pour l'AFD, est remboursé par l'Etat à l'AFD par des procédures complexes.

En 2016 et 2017, les AE demandées progressent de 285 M€ à 315 M€, ce qui correspond au début de mise en oeuvre des décisions du CICID de novembre 2016 d'une hausse de l'activité de 4 Md€ en 2020 (soit 12,5 Md€ d'octrois en 2020, à partir du volume d'octrois de 8,5 Md€ en 2016, fixés par le Contrat d'objectif et de moyens 2014-2016), pour une cible d'activité de 9 Md€ d'octrois en 2016 et 9,5 Md€ d'octrois en 2017. Pour l'année 2018, les AE demandées s'élèvent à 370 M€, contre 315 M€ en 2017, en cohérence avec la poursuite de la montée en charge de l'activité de prêts de l'Agence. Notons que le besoin de CP (184,49 M€) correspond quasi exclusivement à la mise en oeuvre d'engagements antérieurs.


• Le fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) : 23 millions d'euros

Créé en 1994, le FFEM, dispositif bilatéral de la France, pendant du fonds pour l'environnement mondial, subventionne des projets de développement durable. Les ressources du FFEM s'élevaient à 95 millions d'euros pour la période 2011-2014 et le PLF 2015 a prévu un montant de 90 millions d'euros pour 2015-2018. Le montant prévu pour 2018 est de 23 millions d'euros.


• Les aides budgétaires globales (ABG) : 10 millions d'euros AE=CP

Les ABG visent à apporter un soutien budgétaire aux stratégies nationales de lutte contre la pauvreté, de stabilisation macro-économique et d'amélioration de la gestion des finances publiques des pays partenaires. Elles ne servent pas à financer un projet particulier.

Les crédits passent de 37 millions d'euros en 2017 à seulement 10 millions d'euros en 2018. Toutefois, cette diminution sur le programme 110 ne signifie pas en réalité une baisse des ABG totale. En effet, il est par ailleurs prévu de financer 50 millions d'euros d'ABG sur le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) , ce qui ramènera le montant de cet instrument à un niveau plus proche de celui qu'il atteignait au début de la décennie (autour de 70-80 M€), permettant de renforcer nos capacités d'intervention en don en Afrique.

Vos rapporteurs se félicitent du retour de cet outil dont votre commission avait plusieurs fois regretté l'extinction progressive .


• Le fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP) : 20,76 millions d'euros et Expertise France (4,25 millions d'euros)

Le FASEP permet de financer des études de faisabilité en amont des projets d'investissement, des prestations d'assistance technique, de formation ou de coopération institutionnelle, ainsi que des dispositifs de soutien au secteur privé.

Par ailleurs, la dotation « Expertise France » se voit allouer 4,25 millions d'euros en crédits de paiement.


• Les autres aides bilatérales

L'action « Aide bilatérale » du programme 110 permet également de rémunérer l'AFD pour les opérations qu'elle réalise pour le compte de l'Etat sur le programme 110. Pour 2018, un montant de 3 millions d'euros est prévu tant en AE qu'en CP (stable par rapport à 2017).

Comme en 2017, un montant de 480 000 euros est prévu pour les évaluations des actions du programme 110 tandis qu'une somme de 3,15 millions d'euros vise à rémunérer la banque privée Natixis qui gère pour le ministère la « réserve pays émergents » (RPE) et le FASEP.

(3) Le traitement de la dette des pays pauvres : un montant stable de 104 millions de CP pour 2018

L'initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE), lancée en 1996, vise à réduire à un niveau soutenable le poids de la dette extérieure de 39 pays. Les crédits liés à cette initiative sont inscrits dans la mission « Prêts à des États étrangers », dans le programme 852. 735 millions d'euros y sont ainsi prévus pour 2016.

Parallèlement, le programme 110 de la mission « Aide publique au développement » compense à d'autres organismes les conséquences des annulations de dette décidées dans le cadre de l'initiative PPTE. Le PLF pour 2018 prévoit ainsi une indemnisation de l'AFD à hauteur de 29,5 millions d'euros, de la Banque mondiale à hauteur de 49 millions et du fonds africain de développement à hauteur de 25,6 millions.

b) Le programme 209 : une nouvelle hausse de 6 % en crédits de paiement

en millions d'euros

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

évolution

LFI 2017

PLF 2018

évolution

Aide bilatérale

586

683

+16,6 %

556

573

+3%

Aide multilatérale

150

145

-3,3 %

156

151

-3,2 %

Union européenne

742

850

+14,6 %

742

850

+14,6 %,

Dépenses de personnel concourant au programme

184

164

-11 %

184

164

-11 %

Total du programme 209

1 663

1 843

+11 %

1 639

1 738

+6 %

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2018.

On peut observer que la progression des crédits concerne au premier chef l'aide transitant par le budget de l'Union européenne, mais aussi l'aide bilatérale, qui croît de 3 %.

(1) La coopération bilatérale
(a) Des « dons-projets » en hausse pour les autorisations d'engagement

Les « dons-projets » sont des subventions versés de manière bilatérale. Ils ont connu une baisse importante ces dernières années alors qu'ils constituaient auparavant l'essentiel de l'aide au développement .

Pour 2018, ces dons-projets se montent à environ 468 millions d'euros en autorisations d'engagement et environ 358 millions d'euros en crédits de paiement, contre environ 403 millions d'euros en autorisations d'engagement et environ 373 millions d'euros en crédits de paiement en 2017 (respectivement 330 millions d'euros et 300 millions d'euros dans le PLF 2016). Ces crédits connaissent ainsi une diminution en crédits de paiement mais l'augmentation des autorisations d'engagement est sans doute plus significative, puisque les crédits de paiement sont tributaire des décaissements effectifs qui dépendent en partie des aléas des projets engagés. En revanche, les autorisations d'engagement prévues pour l'AFD sont en général effectivement mises en oeuvre.

Les dons-projets sont répartis entre quatre canaux :

- l'AFD en attribue la plus grande part. Curieusement, au sien du présent projet de loi les crédits spécifiquement destinés à l'AFD et utilisés pour ses propres projets ne sont pas individualisés comme les années précédentes, mais groupés avec les dons distribués aux ONG. Il faut donc comparer le chiffre de 396 millions d'euros en AE et 286 millions d'euros en CP du PLF 2018 avec le montant prévu pour la même dépense AFD+ONG au sein du PLF 2017, soit 333 millions d'euros en AE et 304 millions d'euros en CP. Apparaît donc une diminution de 18 millions d'euros en CP mais 63 millions d'euros supplémentaires en AE ;

- conformément à l'engagement du Président de la République de doubler ce canal d'acheminement de l'aide d'ici la fin du quinquennat, les financements transitant par les ONG étaient passés de 71 millions en 2015 à 79 millions en 2016 en AE ; ils restent stables en 2017 et passent à 77 millions d'euros en 2018.

- 34 millions d'euros (montant stable par rapport à 2017) alimenteront le fonds de solidarité prioritaire (FSP) qui constitue l'instrument de l'aide projet du ministère des affaires étrangères.

Dans le cadre de la réforme «MAEDI 21», une refonte de cet instrument est en cours afin de s'adapter aux recommandations du CICID et de simplifier les procédures. Le nouveau dispositif, nommé « Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain » (FSPI), se mettra progressivement en place à mesure que les projets FSP en cours s'éteindront, jusqu'en 2018. Ce nouveau dispositif se traduira par la suppression de la pluri-annualité des crédits, avec l'instauration d'un dispositif annuel ; l'abandon du caractère interministériel de la procédure et la mise en place de procédures simplifiées d'approbation des projets ; enfin une concentration des moyens sur les 16 pays pauvres prioritaires (PPP, au moins 50 % des autorisations d'engagement), l'Afrique subsaharienne et les pays voisins de la Méditerranée (ASM).

Au total, on observe donc une certaine progression, du moins en autorisations d'engagement, des crédits budgétaires consacrés aux dons, particulièrement nécessaires pour les pays les plus en difficulté. La tendance observée sur la période 2011-2015 pour les pays pauvres prioritaires, l'Afrique subsaharienne et les pays méditerranéens (dernières statistiques disponibles) va donc peut-être connaître une inflexion à l'avenir :

Pays Pauvres Prioritaires 4 ( * ) , en millions d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

Dons hors Annulations de dette et refinancements

549

536

556

558

530

Prêts bruts

98

266

126

240

207

Prêts nets

27

223

69

163

123

Annulations de dette et refinancements nets

821

36

62

3

116

APD bilatérale nette

1 397

795

687

724

767

APD multilatérale imputée

457

418

405

365

nc

Source : OCDE (CAD 2a) et DG Trésor

Afrique subsaharienne, en millions de d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

Dons hors Annulations de dette et refinancements

1 168

1 115

1 220

1 309

1 251

Prêts bruts

757

545

728

802

825

Prêts nets

551

220

419

314

317

Annulations de dette et refinancements nets

860

1 116

65

6

116

APD bilatérale nette 2 579 2 451 1 704 1 630 1 683

APD multilatérale imputée

1 355

1 322

1 362

1 211

nc

Source : OCDE (CAD 2a) et DG Trésor

Pays Méditerranéens, en millions d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

Dons hors Annulations de dette et refinancements

442

453

449

488

439

Prêts bruts

815

830

711

702

435

Prêts nets

523

438

298

293

-25

Annulations de dette et refinancements nets

39

30

19

16

9

APD bilatérale nette

1005

922

766

797

423

APD multilatérale imputée

601

635

630

577

nc

Source : OCDE (CAD 2a) et DG Trésor

(b) Une grande diversité d'aides bilatérales

Hors dons-projets, les aides bilatérales recouvrent des types d'aide très divers.

Parmi les montants les plus importants, les contrats de désendettement et de développement (C2D) 5 ( * ) liés à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, concentrent en 2018 un financement de 48,4 millions d'euros (contre 53,2 millions en 2017). Le programme 209 de la mission APD ne prend en compte que la part de l'AFD sur ces contrats, celle de l'Etat étant inscrite dans la mission « Prêts à des États étrangers ». Comme l'année dernière, l es principaux pays concernés par les C2D en 2018 seront la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Congo .

Les crédits dédiés à l'aide alimentaire sont stabilisés à 37 millions d'euros. L'assistance alimentaire française répond à deux objectifs de la stratégie sectorielle CICID en matière d'agriculture et de sécurité alimentaire : prévention et gestion des crises alimentaires (y compris réhabilitation post-crise) ; soutien aux populations vulnérables sur le plan nutritionnel (malnutrition infantile, femmes enceintes) et menacées par la détérioration de leurs conditions d'existence. Pour l'année 2018, comme les années précédentes, les actions s'orienteront en priorité vers la réponse aux besoins des populations victimes de crises.

Par ailleurs, la rémunération de l'AFD pour les actions qu'elle mène pour le compte de l'Etat (dons-projets, dont assistante technique et ONG, C2D et crédits délégués) s'élèvera à 35,2 millions d'euros en 2018 , un niveau stable par rapport à 2017.

L'agence Expertise France recevra quant à elle une subvention de 26,3 millions d'euros en 2018, soit une forte augmentation par rapport à 2017 correspondant, d'une part, au transfert en base de 14,2 millions d'euros de masse salariale et coûts annexes des experts techniques internationaux transférés à Expertise France en 2017, après un mouvement similaire de 8,1 millions d'euros en 2016, d'autre part à la subvention versée au titre des crédits santé (3,2 millions d'euros) ainsi qu'au complément de la subvention d'équilibre versée sur le programme 110 (pour 0,7 million d'euros).

En outre, 21,1 millions d'euros (montant en légère baisse par rapport à 2017) seront consacrés aux aides budgétaires post-conflit et pour des pays en sortie de crise. Ces aides financent par exemple la prise en charge d'arriérés de salaires ou des dépenses relevant des ambassades de ces pays en France. Notons que, comme les années précédentes, cette ligne budgétaire constitue un doublon avec la ligne d' « aides budgétaires globales » gérée par le ministère de l'économie et des finances.

Le soutien à la coopération décentralisée est en diminution, à hauteur de 8,9 millions d'euros en 2018 contre 9,2 millions d'euros en 2017.

(2) La coopération multilatérale et communautaire
(a) Une contribution toujours massive au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

Fondé en 2002, le fonds mondial est un partenariat entre des gouvernements, la société civile, le secteur privé et les personnes touchées par les maladies. Principal organisme multilatéral de collecte de fonds pour la santé dans le monde, il investit aujourd'hui près de 4 milliards de dollars par an et fournit 82 % du financement international en matière de tuberculose, 50 % en matière de tuberculose et 20 % en matière de sida. De 2002 à 2015, le fonds a engagé 15 milliards de dollars pour le sida, 7,9 milliards pour le paludisme et 4,5 milliards pour la tuberculose. Les frais de fonctionnement du fonds sont un peu supérieurs à 300 millions de dollars par an.

Le fonds mondial doit recevoir 360 millions d'euros de la France en 2017 et 385 millions d'euros en 2018 , en totalité par les crédits de la TTF, via le FSD.

En juin 2016, le Président de la République a en effet renouvelé l'engagement de la France auprès du Fonds mondial pour la période 2017-2019 en maintenant la contribution de la France à hauteur de 1,08 million d'euros pour le triennium . Cet engagement a été confirmé par le Secrétaire d'Etat chargé du Développement et de la Francophonie, André Vallini, lors de la Conférence de reconstitution du Fonds à Montréal en septembre 2016.

(b) La contribution au Fonds européen de développement (FED) : 850 millions d'euros en 2018

Le FED, instrument spécifique situé hors du budget de l'Union européenne, a été créé en 1957.

Les États membres de l'Union européenne ont signé, le 24 juin 2013, un « accord interne » instituant le 11 ème fonds européen de développement qui couvre la période 2014-2020. Dans le cadre de l'accord de partenariat ACP - UE signé à Cotonou en 2000, les objectifs poursuivis par ce 11 ème FED sont « l'éradication de la pauvreté, le développement durable et l'intégration progressive des Etats ACP dans l'économie mondiale ». Ses considérants prévoient en outre : « il y a lieu d'accorder un traitement particulier aux pays les moins avancés ».

Le 11 ème FED est doté d'un montant total de 30,5 milliards d'euros pour la période 2014-2020. Les clés de répartition entre les États membres de l'Union européenne ont été fixées dès les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 relatives au cadre financier pluriannuel de l'Union. Elles sont reprises à l'article 1 er de l'accord interne instituant le fonds. Le premier pays contributeur reste ainsi l'Allemagne avec 20,6 % de l'enveloppe totale, puis viennent la France (17,8 %), le Royaume-Uni (14,7 %) et l'Italie (12,5 %).

La contribution de la France continue de diminuer pour s'aligner progressivement sur sa clé de contribution au budget général de l'Union européenne : elle contribuait au 9 ème FED (2000-2007) à hauteur de 24,3 % et au 10 ème FED (2008-2013) à hauteur de 19,6 %. Pour le 11 ème FED (17,8 %), sa contribution totale s'élèvera à 5,4 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 776 millions.

Contribution des Etats membres de l'Union européenne
au 11 ème FED

Pour 2017, la contribution française au FED, comprenant encore des financements au titre du 10 ème FED, s'était élevée, conformément à la décision du Conseil de novembre 2015, à 742 millions d'euros . Toutefois, le montant est réévalué à 850 millions d'euros en 2018, cette accélération des décaissements au titre du 11 ème FED étant due retard pris au démarrage et à une accélération des engagements de projets à partir de 2015.

Notons en particulier que le FED alimente des fonds fiduciaires destinés à l'Afrique mis en place en 2014 et 2015, et qui permettent de concentrer rapidement des financements pour des situations difficiles, comme le fonds Bêkou pour la RCA lancé en juillet 2014, ou le fonds fiduciaire d'urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique, créé en novembre 2015 et rassemblant 2,8 milliards d'euros dont plus d'1,8 milliard d'euros en provenance du 11 ème FED. Ce fonds cible notamment le Sahel et le bassin du lac Tchad, ce qui en fait un outil convergent avec les intérêts prioritaires de la France 6 ( * ) .

(3) Les autres aides multilatérales financées par le programme

Les contributions volontaires de la France à des organisations des Nations unies sont essentiellement concentrées sur quatre organismes : le PNUD (programme des Nations unies pour le développement), le HCR (haut-commissariat aux réfugiés), UNICEF (fonds des Nations unies pour l'enfance) et l'UNRWA (réfugiés de Palestine).

Ces contributions avaient connu une très forte progression l'an passé, de 49 millions d'euros en 2016 à 99 millions en 2017, en raison de l'engagement du ministre des affaires étrangères lors de la conférence de Londres en soutien à la Syrie le 4 février 2016, avec l'annonce d'un montant de 200 millions d'euros de dons, en priorité pour le Liban, sur la période 2016-2018. Le montant en 2018 sera de 93 millions d'euros .

Par ailleurs, la mission « Aide publique au développement » regroupe également des crédits à destination de la francophonie : 47,4 millions d'euros sont ainsi prévus en 2018, en baisse de 6 millions d'euros environ par rapport à 2017. Ces crédits financent le loyer de la Maison de la francophonie, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et divers opérateurs (Agence universitaire de la francophonie, association internationale des maires francophones...).

(4) Les dépenses de personnel concourant au programme

Les dépenses de personnel concourant au programme 209 diminuent d'environ 20 millions d'euros de 2016 à 2017, passant de 184 millions d'euros à 164 millions d'euros. Ces personnels relèvent principalement de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM), direction qui est aussi responsable du programme « Diplomatie culturelle et d'influence », et des 112 services de coopération et d'action culturelle (SCAC).

2. Une réaffectation de la taxe sur les transactions financières (TTF)
a) La TTF, une initiative novatrice de la France

La France a mis en oeuvre la taxe sur les transactions financières (TTF) à partir de juillet 2012, conformément aux engagements du Président de la République à la tribune des Nations unies ainsi qu'au G8 et au G20. La TTF est une taxe de 0,2 % sur les acquisitions de titres de capital 7 ( * ) , qui comprend également deux autres dispositifs : une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d'opérations à haute fréquence et une taxe sur les acquisitions de contrats d'échange sur défaut d'un État ( Credit default swaps ). Les rendements de la TTF ont été de 871 M€ en 2014, de 1 057 M€ en 2015, de 932,5 M€ en 2016. Les prévisions de recettes étaient de 1,6 Md€ en LFI 2017 et ont été revues à la baisse à 1,4 Md€ pour le projet de loi de finances 2018.

Conformément aux engagements du Président de la République, une partie des recettes de la TTF française est affectée, dans la limite d'un plafond fixé par le Parlement, à la lutte contre le changement climatique et les grandes pandémies, par le biais d'une affectation au fonds de solidarité pour le développement (FSD) . Le reste des recettes de la TTF est affecté au budget général de l'État. La part maximale pouvant être affectée au développement a progressivement augmenté, passant de 10 % des recettes en loi de finances pour 2013 avec un plafond de 60 millions d'euros, à 15 % dans celle pour 2014 (plafond de 100 millions d'euros), puis 25 % dans celle pour 2015 (plafond de 140 millions d'euros). La loi de finances pour 2016 a supprimé la notion de pourcentage d'affectation du produit de la TTF au FSD, augmenté le plafond à 260 millions d'euros et prévu en sus une affectation directe de 25 % du produit de la taxe à l'AFD, soit 268 millions d'euros.

Ainsi, au total la loi de finances pour 2016 (à l'issue de la discussion, après prise en compte des amendements du Gouvernement et des Parlementaires) a affecté 528 millions d'euros du produit de la TTF au développement. Toutefois, en gestion et contre l'esprit du vote du Parlement, la somme supplémentaire de 268 millions d'euros prélevée sur le produit de la TTF n'avait pas été affectée, in fine, à l'AFD, mais au FSD, qui finance des dépenses multilatérales (fonds mondial Sida et autres), alors que les parlementaires entendaient accroître la « force de frappe » de l'AFD en matière de dons bilatéraux .

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2017 à l'Assemblée nationale, les députés avaient à nouveau adopté un amendement affectant directement une part supplémentaire de 270 millions d'euros de TTF à l'AFD , soit un total de 798 millions de TTF utilisés en faveur de l'aide au développement.

En outre, toujours lors de l'examen du PLF 2017, les députés avaient adopté en séance publique, contre l'avis du Gouvernement, un amendement ayant pour effet d'étendre l'assiette de la TTF aux transactions intrajournalières à compter du 1 er janvier 2018 . Il s'agissait de taxer des mouvements dont certains sont jugés de nature purement spéculative. Une disposition semblable, introduite par les députés au sein du PLF pour 2016, avait été censurée par le Conseil constitutionnel en 2015 pour des raisons de procédure.

Or, le projet de loi de finances pour 2018 présenté par le Gouvernement entend revenir sur ces deux mesures décidées par le Parlement lors de l'examen du PLF 2017 :

- d'une part, il tend expressément à affecter la part de 270 millions d'euros de taxe sur les transactions financières (TTF) versée en 2017 à l'AFD au FSD au motif d'une « rationalisation de l'architecture budgétaire de l'aide publique au développement » ;

- d'autre part, il supprime l'extension à partir de 2018 de la TTF aux transactions « intraday », au motif que l'extension de l'assiette de la taxe aux transactions infrajournalières se heurterait à « d'importantes difficultés de mise en oeuvre » et aurait des « effets néfastes en termes d'attractivité » particulièrement en période de « Brexit ».

Toutefois, en séance publique, les députés ont adopté contre l'avis du Gouvernement un amendement ayant pour effet de préserver l'affectation des 270 millions d'euros à l'AFD. Comme il a déjà été indiqué, votre commission a approuvé cette affectation directe à l'AFD, seule garantie d'une utilisation effective pour des dons-projets .

b) Un regrettable coup d'arrêt aux négociations pour une TTF européenne ?

La TTF est une taxe de type « Tobin » et a en tant que telle une vocation internationale. Des négociations sur la mise en place d'une telle taxe au niveau communautaire ont commencé en 2010 après l'échec des négociations au sein du G20. Toutefois, les désaccords rapidement apparus entre les pays membres ont montré que seule une coopération renforcée était envisageable à court terme. Outre la France, dix États membres sont désormais engagés dans cette coopération renforcée : Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Portugal, Grèce, Autriche, Estonie, Slovénie et Slovaquie.

Ces États ont ainsi élaboré une feuille de route en marge du Conseil « Ecofin » du 6 mai 2014. La TTF européenne reposera sur le principe d'une assiette large et de taux faibles. L'objectif du Gouvernement était d'obtenir une convergence politique sur les grandes lignes structurantes de la taxe lors du Conseil « Ecofin » de novembre 2014, en vue d'un accord à l'unanimité des États membres participants avant la fin 2015. Ce calendrier n'a pas pu être tenu.

Après une relance des négociations en 2016 à l'initiative de la France, les ministres des finances des pays concernés étaient parvenus à un accord important sur le périmètre de la taxe le 10 octobre 2016 .

Toutefois, le Gouvernement estime à présent que la situation résultant du Brexit impose aux Etats membres participant à la coopération renforcée de procéder à une évaluation « précise et exhaustive » des effets potentiels de la taxe sur les marchés financiers européens, avant de poursuivre les négociations ministérielles.

Votre commission estime qu'un tel coup d'arrêt à la négociation est fort dommageable. Les financements innovants ont prouvé leur utilité pour abonder par une ressource fiable et pérenne l'aide publique au développement et leur consolidation au niveau européen doit constituer une priorité .

LES DÉPENSES DU FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT (FSD)

Dans la limite des plafonds en vigueur, les ressources de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et, depuis 2013, une partie de la taxe sur les transactions financières française sont affectées au FSD.

En application du décret n° 2013-1214, l'AFD gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l'Etat, sous la supervision et les instructions d'un comité de pilotage interministériel.

Les bénéficiaires des ressources du FSD sont fixés par décret. Depuis le 23 décembre 2013, le FSD peut financer, en plus de la facilité internationale d'achats de médicaments Unitaid, de la facilité financière internationale pour l'immunisation (IFFIm) et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), les actions des bénéficiaires suivants : le Fonds vert pour le climat, l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l'Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l'AFD. Le paiement des contributions françaises à l'IFFIm est prioritaire sur les autres dépenses : compte tenu du montage spécifique de cette modalité de financement innovant et de l'engagement associé, un retard de paiement d'un des contributeurs aurait des effets mettant en péril tout le mécanisme.

Au 31 août 2017, les montants cumulés du FSD depuis 2006 sont les suivants :

- Recettes encaissées : 2 873,8 M€ dont 2 002 M€ issus du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (depuis 2006) et 858,4 M€ de la taxe sur les transactions financières (depuis 2013). Par ailleurs, 10,0 M€ ont été versés du budget général en 2007 pour raison conjoncturelle ;

- Dépenses effectuées : 2 811,7 M€ dont principalement :

o 1 195,9 M€ versés à UnitAid

o 705 M€ au FMSTP

o 330 M€ pour le Fonds vert pour le climat

o 290,3 M€ dus au titre du remboursement à l'IFFIm

o 88,22 M€ au titre des bonifications des prêts de l'AFD

o 42 M€ à GAVI

o 40 M€ à RWSSI

o 25 M€ au Fonds «Least Developed Countries Fund»

o 20 M€ de dons-projet bilatéraux à l'AFD

o 14 M€ à l'I3S

Perspectives pour 2017 et 2018 : les dépenses du FSD seront, à l'instar des années précédentes, consacrées prioritairement aux enjeux de santé et à la lutte contre le changement climatique.

II. L'AFD ET EXPERTISE FRANCE : QUELLE TRAJECTOIRE POUR LES DEUX PRINCIPAUX OPÉRATEURS DE L'APD ?

A. UNE CONFIRMATION DE LA TRAJECTOIRE DE CROISSANCE DE L'AFD

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a été réuni le 30 novembre 2016 afin de donner de nouvelles orientations à la politique de développement, à l'issue d'échanges avec le Conseil national pour le Développement et la solidarité internationale (CNDSI) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le CICID a adopté 24 décisions relatives aux moyens financiers et institutionnels dévolus à la politique d'aide au développement, à son efficacité et aux priorités géographiques et sectorielles françaises. Il a également confirmé l'engagement présidentiel 8 ( * ) d'augmenter de 4 milliards d'euros les capacités d'intervention du groupe AFD, dont 2 milliards d'euros consacrés à la lutte contre le changement climatique, et de près de 400 millions d'euros les dons d'ici 2020 .

En 2020, la France consacrera ainsi plus de 5 milliards d'euros par an à la lutte contre le changement climatique, cet objectif ambitieux devant se traduire par des prêts de l'Agence française de développement et de Proparco. En outre, le Gouvernement s'est engagé à augmenter de façon parallèle son soutien au développement sous forme de subventions . Le niveau des dons, essentiellement versés par l'AFD, devrait ainsi progresser dans les années à venir, afin d'être, en 2020, supérieur d'environ 400 millions d'euros au montant actuel.

1. Une croissance dynamique des engagements qui se poursuit en 2017-2018
a) Vers les 12,7 milliards d'engagements

L'AFD a connu une croissance dynamique au cours des dernières années. La cible de 9 Mds d'autorisations d'engagements en 2016 a été dépassée : 9,4 Mds ont été réalisés pour cette année, en croissance de près de 13 % par rapport à 2015. Le groupe a ainsi franchi la première marche de croissance de son activité pour atteindre les objectifs fixés par le Président de la République en 2015 (12,7 Mds en 2020).

Les engagements annuels de l'AFD depuis 2005 sont les suivants :

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2,5

3,2

3,7

4,5

6,2

6,8

6,9

7

7,8

8

8,3

9,35

En revanche, les dons-projets sont restés stables pendant la période , évoluant entre 200 et 300 millions d'euros, ou environ 1 milliard d'euros en incluant les contrats de désendettement et de développement (C2D), les aides budgétaires globales et les autres activités sur mandat spécifique.

Au sein du volume global de ses 9,4 milliards d'euros d'engagements, le groupe AFD a consacré 3,9 milliards d'euros de financements à l'Afrique, en lien avec l'engagement présidentiel d'attribuer 20 milliards d'euros de financements au continent africain pendant la période 2014-2018. L'activité en Outre-mer du groupe a représenté 1,65 milliard d'euros de financements, soit un dépassement des objectifs malgré un recul de l'activité de garantie au titre de la représentation de Bpifrance.

L'AFD devrait poursuivre en 2017 sa trajectoire de croissance avec un objectif de volume d'autorisations d'engagement de 10,28 milliards d'euros , soit une progression d'environ 10 %.

Par ailleurs, le modèle financier de l'agence a été renforcé avec l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2016 9 ( * ) qui a permis de substituer à l'encours de dettes subordonnées de l'AFD auprès de l'Etat (la ressource à conditions spéciales - RCS) une dotation de celui-ci au capital de l'agence. Réalisée au 30 décembre 2016, cette opération a doté l'AFD de 2,4 milliards d'euros de fonds propre de base de catégorie 1 supplémentaires, permettant de desserrer la contrainte règlementaire qui entravait la poursuite de la croissance de l'activité de l'AFD. Cette recapitalisation redonne à l'AFD des marges significatives : ainsi au Maroc, alors que l'engagement annuel de l'AFD s'élevait jusqu'à présent à environ 150 millions d'euros par an, le directeur général de l'agence, Rémi Rioux, a indiqué lors de son audition que la recapitalisation devrait permettre de faire franchir à l'agence le seuil annuel de 350 à 450 millions d'euros .

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 30 novembre 2016 a également donné une nouvelle impulsion au développement de l'agence, en confirmant les ambitions de croissance de l'activité de l'Agence fixées par le président de la République. Ainsi, afin d'accompagner cette croissance des financements, le gouvernement a décidé d'augmenter de près de 400 M€ le montant annuel des dons bilatéraux d'ici 2020 et de 270 M€ dès 2017, par l'affectation d'une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières. En outre, le CICID a élargi le mandat de l'Agence en créant, conformément à la recommandation de nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret 10 ( * ) , une facilité d'atténuation des vulnérabilités et de réponse aux crises , en étendant son champ d'action géographique dans les Balkans occidentaux et en Ukraine ainsi que son champ d'action sectoriel avec un mandat étendu au domaine de l'enseignement supérieur et des industries culturelles et créatives.

Dès 2017, l'AFD a mis en place la « Facilité d'atténuation des vulnérabilités et de réponse aux crises », dotée de 100 M€ par an, afin de jouer pleinement le rôle attendu d'elle dans le continuum de la gestion de crises (diplomatie, défense, développement). Quatre zones prioritaires ont fait l'objet d'un travail» en 2017 : (i) la Syrie, l'Irak et les pays hôtes des réfugiés syriens (Liban, Jordanie, Irak, Turquie...); (ii) le Sahel (zone soumise aux violences d'AQMI et des groupes apparentés); (iii) le lac Tchad (projets dédiés aux zones affectées par Boko Haram) ; et (iv) la République centrafricaine.

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs, la mise en place de cet instrument très attendu a suscité un engouement certain, notamment au sein des OSC. Toutefois, certaines d'entre elles ont regretté que la facilité vulnérabilité, appelée à intervenir dans des contextes de crises, ne permettent pas de mettre en place des projets de développement dans un délai très raccourci par rapport aux autres projets de l'AFD . À cet égard, vos rapporteurs soulignent que les actions les plus rapides relèvent toujours du Centre de crise et de soutien, dont les crédits ordinaires (crédits du Fonds d'urgence humanitaire, soit 30 millions d'euros en 2018 comme en 2017 prévus au sein du programme 209) restent, il est vrai, très modestes au regard des enjeux.

Par ailleurs, en juillet dernier, d'importantes annulations de crédits ont été effectuées dans l'aide au développement, en particulier sur l'enveloppe des dons projets gérés par l'AFD sur le programme 209 : environ 130 millions d'euros ont ainsi été annulés. Toutefois, en exécution, l'AFD aura eu nettement plus de moyens en 2017 qu'en 2016 . Sur les dons-projets - qui peuvent être financés à la fois sur le programme 209 et sur l'affectation du produit sur la taxe des transactions financières, l'agence aura obtenu au total 465 millions d'euros, soit 150 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2016. Sur les bonifications des prêts, l'AFD dispose de 350 millions d'euros, soit 65 millions d'euros de plus qu'en 2016, tandis que la ressource à condition spéciale (RCS) - les prêts du Trésor sur compte spécial - aura été abondée de 25 millions d'euros supplémentaires, à hauteur de 500 millions d'euros. Les plus grosses lignes budgétaires qui financent l'activité de l'agence ont ainsi enregistré en 2017 une augmentation significative en exécution .

L'utilisation des 270 millions d'euros versés à l'AFD en 2017 en conséquence des amendements votés par le Parlement lors de l'examen du PLF 2017 est la suivante :


• 91 millions d'euros pour la « Facilité vulnérabilité » permettant des interventions à impact rapide dans les pays en crise (Sahel, Proche-Orient, République centrafricaine) ;


• 96 millions d'euros de dons projets axés sur les secteurs prioritaires climat et éducation ;


• 45 millions d'euros pour des aides budgétaires globales affectés aux pays les plus vulnérables, en particulier dans le Sahel ;


• 15 millions d'euros pour le Fonds d'expertise technique ;


• 3 millions d'euros pour la facilité de financement des collectivités territoriales (FICOL) ;


• 20 millions d'euros correspondant à la rémunération de l'AFD, qui lui permet de couvrir les coûts d'instruction et de mise en oeuvre de ces projets.

b) Un rang préservé parmi les principaux bailleurs bilatéraux

Ce graphique reprend l'activité des différents bailleurs depuis 2009 et les projections à moyen terme de leur activité. Les prévisions d'évolution de l'activité de l'AFD dans les États étrangers (EE) suivent la trajectoire prévisionnelle permettant d'atteindre 12,7 Mds€ en 2020.

Sur le plan global, on note une augmentation de l'activité des différents bailleurs amorcée en 2015 qui devrait se poursuivre à moyen terme. Dans leur discours, les bailleurs étudiés mettent l'accent sur la séquence Addis-Abeba / Agenda 2030 / Accord de Paris (plus particulièrement sur les ODD) pour expliquer cette hausse. Les dynamiques de croissance de l'activité des bailleurs à moyen terme ont notamment été revues à la hausse en 2016 par rapport aux projections des années précédentes.

Enfin, à la suite d'une mission de l'Inspection des finances sur la productivité et l'organisation de l'AFD, le Gouvernement a autorisé l'agence à embaucher près de huit cent personnes (pour un total actuel de 2 500 employés). Il s'agit ainsi d'un important chantier interne pour l'AFD.

2. Un modèle original qui a évolué en 2016, un rapprochement avec la Caisse des dépôts qui se poursuit
a) Le nouveau statut de société de financement

L'AFD est avant tout une banque spécialisée dans le financement de projets de développement, comme en témoignent son inscription dans le code monétaire et financier et son bilan comptable. Elle emprunte ainsi des ressources sur les marchés financiers à des taux favorables, proches des conditions obtenues par l'Etat.

Jusqu'à la fin de l'année 2015, le contrôle de l'AFD était confié au superviseur national, c'est-à-dire à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Le total de bilan de l'agence ayant dépassé 30 milliards d'euros à la fin décembre 2014, l'établissement a été soumis à une étude approfondie de son bilan par la Banque centrale européenne. La BCE ayant estimé qu'il s'agissait d'un établissement de taille significative, l'agence a été placée, à compter du 1 er janvier 2016, sous sa supervision directe, en lien toutefois avec l'ACPR, les équipes de supervision étant conjointes. Les règles prudentielles appliquées demeuraient les mêmes.

Cependant, le décret n° 2017-582 du 20 avril 2017 a supprimé au sein du code monétaire et financier la mention du statut d'« établissement de crédit » de l'AFD. Celle-ci a demandé à l'APCR et à la BCE de changer son statut d'établissement de crédit en droit français au statut de société de financement. Le 30 juin 2017, la BCE a accordé à l'AFD le statut de société de financement.

Les conséquences du changement de statut financier de l'AFD

Les établissements de crédit et les sociétés de financement sont soumis à des règles prudentielles très comparables, à quelques exceptions près, telles que des exemptions aux exigences relatives à la liquidité et au levier prévues par la réglementation européenne.

Un changement de statut impliquerait cependant :

- le changement de l'autorité chargée de la supervision : ce ne serait plus la BCE mais le régulateur national, en l'occurrence l'ACPR, qui serait chargée du contrôle prudentiel de l'AFD ;

- l'absence de contribution au Fonds de résolution unique (FRU), seuls les établissements de crédit étant assujettis à celle-ci ;

- l'exclusion du mécanisme de garantie des dépôts ;

- la limitation du type d'investisseurs susceptibles de souscrire aux émissions de l'AFD, qui se limiterait aux seuls investisseurs avisés, dans la mesure où l'AFD ne serait plus autorisée à recevoir des fonds assimilables à des fonds remboursables du public ;

- l'abandon de l'accès au refinancement de la Banque centrale européenne.

Pour l'AFD, l'essentiel des conséquences de l'abandon du statut d'établissement de crédit serait sans incidence, dans la mesure où elle n'a jamais eu recours au refinancement de la BCE, n'accueille pas de dépôts et qu'elle se finance déjà, pour l'essentiel, dans des conditions compatibles avec ce statut (montant unitaire supérieur à 100 000 euros par exemple). Il faudra cependant s'assurer que l'établissement ne dispose plus de fonds remboursables du public dans son passif.

Le principal effet du changement de statut serait de revenir dans le giron du régulateur national. Cela ne doit pas être interprété comme un assouplissement des règles, qui demeurent les mêmes, dans la mesure où l'on ne peut considérer que le contrôle de l'ACPR serait laxiste par rapport à celui de la BCE. Il permettrait en revanche qu'un outil essentiel de notre diplomatie soit sous le contrôle d'une autorité nationale, comme c'est le cas en Allemagne pour la KF.

Le changement de statut nécessiterait néanmoins un accord des autorités européennes : une demande de retrait d'agrément d'établissement de crédit serait soumise à la BCE ; parallèlement, une demande d'agrément de société de financement devrait être faite à l'ACPR.

Pour un rapprochement ambitieux de l'Agence française de développement et de la Caisse des dépôts et consignations, Rapport d'information n° 532 (2015-2016) de Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN, fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 avril 2016
https://www.senat.fr/rap/r15-532/r15-532.html

b) L'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations : la mise en place fin 2017 d'un fonds commun d'investissement dans les infrastructures

Après avoir annoncé en conférence des ambassadeurs un rapprochement entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts (CDC), le Président de la République avait confié le 12 septembre 2015 à Rémi Rioux, alors secrétaire général adjoint du Ministère des affaires étrangères, la mission de mener à bien un rapprochement entre l'AFD et la CDC. Ce rapprochement des deux entités devait permettre de créer, selon les termes du rapport de Rémy Rioux, un « grand pôle financier public, actif au plan domestique et international, et de rejoindre ainsi un modèle institutionnel qui se développe en Europe continentale et dans de nombreux pays émergents ».

Le rapprochement s'est traduit par la signature d'une « charte d'alliance » le 6 décembre 2016. Au cours de l'année 2017, selon Rémi Rioux, désormais directeur général de l'AFD, entendu par votre commission le 24 octobre 2017, les stratégies des deux organismes ont été alignées autour de la notion de transition, « qu'elle soit démographique, sociale, territoriale, énergétique, écologique, numérique et technologique », ainsi qu'une cinquième transition « politique et citoyenne ». Des mouvements d'échanges de personnels ont été engagés.

En outre, un fonds d'investissement dans les infrastructures, doté de 600 millions d'euros de fonds propres et susceptible de générer 8 milliards d'euros de financement, sera créé à la fin de 2017. Il s'agit notamment de redonner une visibilité à la France dans les grandes d'opérations d'infrastructures dans les Pays du Sud, secteur où d'autres pays, notamment la Chine, se sont récemment illustrés. Le partenariat devrait ainsi permettre à l'AFD de retrouver une capacité financière suffisante pour s'engager dans des grandes opérations en partenariat public-privé, en amenant un financement initial de 15 à 20 millions d'euros de fonds propres, avec des investisseurs privés français.

Enfin, il a été décidé de mettre en synergie les réseaux des deux entités afin que les projets des territoires parviennent jusqu'à l'AFD et que les informations glanées par l'AFD dans les pays du Sud arrivent également aux acteurs français, en passant par le réseau de la Caisse des dépôts.

3. Des priorités géographiques inchangées
a) Les interventions de l'AFD en Afrique subsaharienne : un volume de dons toujours insuffisant

Les autorisations d'engagement de l'AFD en Afrique Subsaharienne ont atteint 2 793 M€ en 2016 (y compris les activités sur ressources autres bailleurs), contre 2 669 M€ en 2015. Elles ont atteint 941 M€ dans les seize pays pauvres prioritaires, en hausse de près de 32 % par rapport à 2015.

En 2016, les autorisations de financement en dons s'élèvent à 564 M€, en baisse de 35 % par rapport à 2015. Cette baisse s'explique par le caractère exceptionnel de l'année 2015 marquée par le lancement du second C2D Côte d'Ivoire (595 M€ octroyés en 2015). Toutefois, on observe une stagnation des subventions proprement dites (hors aide budgétaires globales et hors C2D) au cours des trois dernières années, avec un montant qui reste proche de 200 millions d'euros.

Ce faible montant se traduit par une tendance au « saupoudrage » dans les pays qui auraient le plus besoin d'une aide en dons (notamment pour les secteurs tels que l'éducation ou la santé). Ainsi le Mali n'a-t-il reçu que 5,5 millions d'euros en 2016 (contre, il est vrai, 17,6 millions en 2015, chiffre qui reste toutefois faible compte-tenu des défis que le pays doit affronter) ; le Niger 17,5 millions d'euros en 2016 et 3,2 millions d'euros en 2015, le Burkina Faso 14,5 millions d'euros (9,5 millions d'euros en 2015) ; la Mauritanie n'a pas reçu de dons en 2016 (7,6 millions d'euros en 2015), le Tchad a reçu 15 millions d'euros (17,2 millions d'euros en 2015) et la République centrafricaine a reçu 7,5 millions d'euros (6,8 millions d'euros en 2015).

Par ailleurs, en ce qui concerne les prêts souverains, on observe une concentration sur le Nigéria, l'Angola, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Kenya. Les pays du Sahel bénéficient de moins de prêts, seul le Niger apparaissant dans la liste des principaux récipiendaires en 2016 :

Par ailleurs, l'analyse des secteurs d'interventions de l'agence montre une prédominance des infrastructures :

REPARTITION DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT DE L'AFD EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE (M€) PAR SECTEURS

2016

%

TOTAL AFRIQUE SUBSAHARIENNE

2 793

Agriculture et sécurité alimentaire

424

15%

Eau et assainissement

858

31%

Education et formation professionnelle

154

6%

Environnement et ressources naturelles

26

1%

Santé et lutte contre le Sida

92

3%

Secteur productif

288

10%

Autres et multisecteurs

228

8%

Infrastructures et développement urbain

722

26%

dont transport

100

4%

dont énergie

276

10%

dont développement et gestion urbaine

134

5%

dont infrastructures et services sociaux divers

201

7%

Ainsi, le secteur de l'eau et l'assainissement est le premier secteur d'intervention de l'AFD en Afrique subsaharienne en 2016 avec 858 M€ d'autorisations de financement. L'année a été notamment été marquée par un appui à la réforme du secteur de l'eau au Nigeria et à l'accès à l'eau en milieu urbain en Angola. Par ailleurs, le secteur de l'énergie représente 276 M€ d'autorisations de financement, dont 120 M€ pour l'accès à l'électricité en Côte d'Ivoire.

L'activité de l'AFD dans le domaine de l'agriculture et de la sécurité alimentaire se monte à 424 M€ en 2016. L'AFD a bénéficié de 106 M€ de financements européens en dons notamment pour des projets en faveur du développement rural au Mali et au Niger financés par le fonds fiduciaire d'urgence (FFU).

On constate que les secteurs sociaux - éducation et santé - ne représentent que 9 % des financements en 2016, en recul par rapport à 2015. Comme votre commission l'a déjà regretté à plusieurs reprises, les interventions dans ces secteurs restent contraintes par le niveau des ressources en subventions mises à disposition de l'Agence .

Enfin, l'AFD a consacré 288 M€ au soutien au secteur productif, principalement sous la forme de garanties (104 M€) et d'une ligne de crédit de 100 M€ à la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD).

b) Des investissements en croissance dans les pays émergents et les « très grands émergents »

Si les activités de l'AFD en Afrique, et en particulier en Afrique subsaharienne, ont fait l'objet d'une attention toute particulière de la part de votre commission au cours des dernières années, notamment en raison des événements survenus au Mali et dans les autres pays du Sahel à partir de 2013, elles ne doivent pas occulter les activités de l'agence tournées vers les pays émergents.

Les autorisations de financement de l'AFD dans les très grands émergents se sont élevées à près de 1,5 Md€ en 2016, en hausse de 45 % par rapport à 2015 . L'augmentation de l'activité de l'AFD dans les très grands émergents est à attribuer en partie à la forte reprise des prêts non souverains non concessionnels qui en 2016 s'élèvent à 670 M€ (soit 46 % des octrois) contre 127 M€ en 2015.

L'augmentation de l'activité en 2016 (+45 %) s'explique également par la forte croissance des interventions au Mexique, en Turquie ainsi qu'en Chine . Au Mexique et en Turquie, l'activité de l'AFD est soutenue par les activités non souveraines non concessionnelles. En Chine, l'activité souveraine s'est fortement accélérée, soutenue par des financements dans les secteurs des énergies renouvelables et de la protection des ressources naturelles et de la biodiversité. En Inde elle était encore en croissance au-delà d'un niveau déjà élevé. L'activité a reculé en Afrique du Sud (-43 %), où à la fois l'activité souveraine et celle non souveraine sont en forte baisse, et en Indonésie (-28 %).

Les principes de l'intervention de l'AFD dans les pays émergents

La loi du 7 juillet 2014 :« Dans le reste du monde, notamment l'Asie, l'Amérique latine et les Caraïbes, qui comptent majoritairement des pays à revenus intermédiaires à croissance rapide ou émergents, il s'agira d'aller au-delà du concept de l'aide qui n'est plus adapté à leur situation : la France aura pour objectif de rechercher des solutions partagées à des défis communs et d'associer ces pays à la coopération internationale en appui aux pays les plus pauvres. La France y interviendra pour promouvoir une « croissance verte et solidaire », en y favorisant notamment des partenariats économiques. Le partenariat avec les « très grands émergents », qui mobilisera les acteurs français dans leur diversité, est essentiel pour renforcer le dialogue et préparer ensemble les négociations internationales sur les enjeux partagés. Il se fera sans coût financier pour l'Etat (hors expertise technique). »

La liste des très grands émergents a été définie par lettre des ministres de tutelles de l'AFD le 28 juillet 2014 et comprend actuellement sept pays : l'Afrique du Sud ; le Brésil ; la Chine ; l'Inde ; l'Indonésie ; le Mexique ; la Turquie. Cette lettre précise les modalités d'intervention de l'AFD dans les « très grands émergents » :

- dans ces États, l'intervention de I'AFD en prêts, souverains ou non-souverains, peut prendre la forme de prêts programmatiques ou de prêts budgétaires dans certains pays, ces interventions étant à conditions de marché, c'est-à-dire non bonifiées ;

- s'agissant de l'Afrique du Sud, l'AFD pourra toutefois mobiliser un effort financier de l'Etat modéré pour les projets à très forte composante sociale et/ou co-bénéfices climat ;

- compte tenu des conditions de marché actuelles, les prêts aux très grands émergents seront en général concessionnels au sens du CAD, selon les règles en vigueur à la date de la lettre ;

- pour favoriser la recherche de partenariats économiques avec les pays bénéficiaires, l'AFD peut en outre intervenir sous forme de subvention pour le financement d'une expertise technique, dès lors qu'elle pourra contribuer à valoriser l'expérience et les savoir-faire français dans les secteurs où les avantages compétitifs des entreprises françaises et des experts français sont avérés. À cette fin, le fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences, FEXTE, a été mobilisé. La dotation initiale du FEXTE (20 M€) est aujourd'hui intégralement engagée et son renouvellement est en cours de discussion entre l'AFD et les ministères.

Cette lettre précise également les termes du mandat d'intervention de l'AFD dans ces pays : dans le cadre de son mandat de croissance verte et solidaire, l'AFD doit contribuer au développement durable de ces pays, dans ses composantes économique, sociale et environnementale. Son action doit concourir à l'influence économique de la France ainsi qu'à sa capacité à concevoir et projeter une vision française de la lutte contre les changements climatiques, à la suite de la 21ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies qui s'est tenue à Paris en 2015. Elle indique également que la soutenabilité financière de l'activité de l'Agence dans ces pays, dont les montants unitaires sont généralement élevés, doit faire l'objet d'une attention particulière.

Cette politique d'investissements croissants dans les pays émergents comporte plusieurs conséquences positives :

- une diversification de l'expérience en matière d'aide au développement ;

- une diversification des risques (élargissement du spectre des contreparties de l'Agence) ;

- une contribution positive au modèle économique de l'AFD : l'activité dans les très grands émergents contribue à plus du tiers du résultat brut d'exploitation des prêts dans les pays étrangers en 2016 (pour 33 % de l'encours). Le Brésil et l'Afrique du Sud sont actuellement les premiers contributeurs. L'activité dans les très grands émergents contribue ainsi à l'équilibre économique du modèle financier de l'Agence . L'intervention de l'AFD dans ces pays est d'ailleurs de moins en moins consommatrice de ressources budgétaires, le seul pays pour lequel il subsiste un « coût Etat » étant l'Afrique du Sud ;

- la contribution positive à la lutte contre le changement climatique : En 2016, 77 % du montant des financements de l'AFD dans les très grands émergents ont contribué à la lutte contre le changement climatique (100 % en Inde) ;

- la contribution positive au dispositif d'influence économique : conformément à son mandat, l'AFD contribue à la politique d'influence économique de la France auprès de ses partenaires dans les très grands émergents. Les interventions de l'AFD dans ces pays, ancrées dans une relation bilatérale, sont tournées vers le partage d'expériences et l'innovation. Il existe en effet une forte « demande de France » liée à l'attractivité du modèle français. L'AFD est notamment positionnée dans des secteurs où l'expertise française est reconnue. Elle permet de mobiliser et de mettre en valeur le savoir-faire français de bureaux d'études, de collectivités locales et d'entreprises.

Ainsi, alors qu'elle est parfois mal comprise, l'aide au développement en direction des pays émergents permet, à un coût modéré pour l'Etat, de renforcer les relations de la France avec ces pays en plein développement économique et de contribuer à lutter contre les fléaux écologiques qui menacent actuellement les grands équilibres de notre planète (changement climatique et fragilisation des écosystèmes). La nécessaire intensification de l'aide en direction des pays d'Afrique subsaharienne ne doit donc pas se substituer, mais plutôt s'ajouter à cet effort en direction des pays émergents .

4. Une coopération avec les organisations de la société civile (OSC) en progression

Le renforcement de la coopération avec les organisations de la société civile (OSC), aussi bien en France que sans les pays en développement, constitue selon vos rapporteurs une priorité . D'une part, les OSC sont un vecteur d'innovation en raison d'une souplesse de fonctionnement et de gestion bien supérieure à celle des grandes agences ou des banques multilatérales. Elles peuvent ainsi expérimenter de nouvelles idées susceptibles d'être ensuite généralisées en cas de succès, dans la lignée des expérimentations décrites par Esther Duflo dans ses analyses relatives à l'évaluation des programmes de développement humain 11 ( * ) . D'autre part, la gestion de projets par des OSC locales constitue souvent la garantie d'une meilleure appropriation de ces projets, appropriation dont l'importance a été soulignée par nos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret dans leur rapport sur le Sahel 12 ( * ) .

Il existe plusieurs canaux de financement direct des OSC par l'AFD.

L'AFD gère tout d'abord un guichet « Initiatives OSC». L'Agence appuie ainsi en subvention deux catégories d'intervention :

- des projets ou programmes de terrain contribuant notamment à la structuration et au renforcement des capacités des organisations de la société civile du Sud (pour 73% des montants engagés) ;

- des projets d'intérêt général, menés principalement en France, dans les domaines de l'éducation au développement (sensibilisation de l'opinion aux enjeux de la solidarité internationale) et de la structuration du milieu associatif français (renforcement des capacités et de la visibilité des OSC françaises sur les scènes française et internationale), l'ensemble se montant à 27% des montants engagés.

Ainsi, en 2016, l'AFD a octroyé 71,7 M€ sur l'enveloppe de subvention consacrée au financement d'initiatives d'OSC françaises. Ces financements sont donc en hausse de 11 % par rapport à 2015 (64,7 M€) , conformément à l'engagement du Président de la République de mars 2013 relatif à la hausse de la part de l'aide française transitant par les OSC. L'AFD a participé en 2016 au financement de 96 projets (hors études et audits aléatoires), portés par 79 OSC françaises. Ces projets ont contribué au renforcement de capacités de 1 134 OSC du Sud .

Le montant prévisionnel pour 2017 pour le guichet Initiatives OSC est de 77 M€ , soit une hausse significative.

Au-delà du financement de leurs initiatives, l'AFD contribue également au financement des OSC en maîtrise d'ouvrage directe, par appels à propositions dans le cadre de la FISONG (Facilité d'innovation sectorielle pour les OSC), créée en 2007, ciblant l'innovation et se montant à 5 millions d'euros par an, et de deux facilités d'innovation sectorielle instruites en 2016, également pour un montant de 5 M€.

Enfin, les appels à projets crise et sortie de crise (APCC) permettent à I'AFD de financer des projets de relance des services de base par des OSC internationales dans des contextes de crise, sortie de crise ou de post-catastrophe, sur des durées comprises entre 18 et 36 mois. Ces financements sont développés dans une logique de complémentarité avec les autres outils de financement OSC du MAEDI (Fonds d'urgence humanitaire du Centre de Crise et de Soutien), et de l'AFD (guichet initiative-OSC de SPC/DPO, opérations classiques de l'AFD). Ils participent au renforcement de l'articulation entre humanitaire et développement , conformément aux enseignements reçus depuis au Sommet humanitaire mondial d'Istanbul de mai 2016.

Ils illustrent également la capacité de l'AFD à mobiliser des fonds de l'Union européenne . En effet, le pic de financements APCC observé en 2016 (55,5 M€ de subventions accordées) résulte notamment de la mobilisation du Fonds fiduciaire d'urgence (FFU) pour financer un projet dans le Bassin du lac Tchad (29 M€, auxquels se sont ajoutés 5 M€ de l'AFD, soit 34 M€), et auprès du fonds d'affectation spéciale pour la Syrie (« Fonds MADAD ») pour financer un projet ciblé sur la crise syrienne, pour 10 M€.

Enfin, la mise en place par l'AFD de la Facilité d'atténuation des vulnérabilités et de réponse aux crises à partir de 2017 , qui constituaient une des principales préconisations de vos rapporteurs et qui a été décidée par le CICID de novembre 2016, ainsi que l'augmentation probable des délégations de gestion de l'UE, vont concourir à augmenter encore les financements de l'AFD au bénéfice des OSC dans les contextes de crise et de fragilité.

5. Une capacité accrue à mobiliser les fonds de l'Union européenne

L'AFD a été le premier bailleur de fonds bilatéral européen à être audité et accrédité dès 2008 par la Commission européenne, lui ouvrant ainsi la possibilité d'être gestionnaire des fonds européens selon ses propres procédures. Cet audit a été mis à jour en 2015, permettant de couvrir également les opérations menées par le FFEM et PROPARCO.

L'AFD coopère avec l'Union européenne par le biais de trois modalités : les délégations de gestion de fonds, les délégations par le biais des facilités de mixage prêts-dons et les délégations dans le cadre des fonds fiduciaires (fonds multi bailleurs). Ce partenariat opérationnel est sous-tendu par un dialogue technique continu, notamment au sein du réseau des praticiens (réunissant 15 agences de développement d'Etats Membres) et du partenariat renforcé avec les banques européennes bilatérales. Il a connu un essor particulièrement important ces trois dernières années, atteignant le montant cumulé de fonds délégués à l'AFD de plus de 1,4 Md€ à la fin 2016 toutes modalités confondues, dont 541,2 M€ pour la seule année 2016. Ce partenariat est stratégique pour l'AFD qui défend en relation avec les autres agences européennes une préférence européenne d'accès à ces ressources.

Le graphique ci-dessous représente l'évolution du portefeuille de fonds UE délégués à l'AFD (coopération déléguée, mixage prêts-dons et fonds fiduciaires).

Sur la période 2008-2016, 460,3 M€ de délégations de fonds de l'Union européenne ont été attribuées à l'AFD pour mettre en oeuvre des projets, principalement en Afrique subsaharienne (ex : accès à l'eau potable et assainissement au Tchad, sécurité alimentaire au Sénégal, etc.), en Méditerranée (ex : dans le secteur urbain en Tunisie, PME agricoles en Egypte, traitement des déchets à Gaza), dans les Caraïbes (reconstruction en Haïti) et en Asie (développement rural au Laos).

Par ailleurs, l'AFD bénéficie également d'un effet de levier sur fonds européens à travers les techniques de mixage prêts-dons et les fonds fiduciaires européens (cf. encadré ci-dessous).

Le mixage prêts-dons

Depuis 2007, les facilités de mixage européennes ont alloué plus de 3,4 Md€, qui, en complément des prêts des institutions financières européennes (principalement AFD, KfW, BEI et BERD), ont permis de financer près de 53 Md€ d'investissement et d'assistance technique associée. Une évaluation des facilités de mixage publiée en décembre 2016, pour la période 2007-2014, évalue l'effet levier moyen des opérations des facilités de mixage à 23 ; 1 € de don de l'UE permettant donc de lever en moyenne 23€ d'investissement dans les pays partenaires, grâce au partenariat entre la CE et les banques européennes de développement. Les conclusions de cette évaluation sont globalement positives et reconnaissent la valeur ajoutée du mixage, permettant à l'UE de contribuer au financement de projets dans des secteurs et pays auxquels elle n'aurait pas accès, lui conférant ainsi un rôle stratégique et une capacité d'influence accrue. Les actions de mixage permettent de financer des projets plus importants intégrant selon les cas des composantes de type renforcement de capacités, investissements à rentabilité différée, renforcement du dialogue sectoriel ; elles permettent de réduire la fragmentation de l'aide et le nombre des interlocuteurs européens, et donc d'améliorer la visibilité et la valeur ajoutée européenne.

L'AFD participe activement à l'ensemble des facilités de mixage (à l'exception de la Facilité des Balkans occidentales ou CIBO auquel l'état français participe directement) : fonds fiduciaire pour les infrastructures pour l'Afrique (ITF, créé en 2007) ; facilité d'investissement pour l'Afrique (AfIF, créée en 2015) ; facilité d'investissement pour le voisinage (FIV Sud pour la Méditerranée depuis 2008 ; FIV Est pour les pays du Caucase depuis 2012) ; facilités d'investissement pour l'Amérique latine (LAIF, 2010), pour l'Asie centrale (IFCA, 2010), pour l'Asie (AIF, 2012), pour les Caraïbes (CIF, 2012), pour le Pacifique (IFP, 2012) ; et facilité thématique (agriculture (2009) et énergie (2011)).

Sur la période 2008-2016, l'AFD a bénéficié directement de plus de 822 M€ de subvention issus des facilités de mixage européennes dont notamment 230 M€ dans le cadre de l'ITF, 59,6 M€ dans le cadre de la nouvelle facilité d'investissement pour l'Afrique (AFIF) qui succède au FFUEAI, 298 M€ de la FIV, 79 M€ de la LAIF, 18 M€ de la CIF, 98 M€ de l'AIF, 8 M€ de l'IFCA et 32 M€ de la facilité thématique. Une majorité des dons issus de ces facilités est utilisée pour financer des investissements, des actions de renforcement de capacités et bonifier des taux d'intérêt. Le reste est mobilisé pour financer des projets d'assistance technique.

Depuis mai 2016 un partenariat renforcé (« enhanced cooperation ») a été élaboré entre la CE (DEVCO et NEAR) et les banques bilatérales AECID, AFD, CDP et KfW pour renforcer leur coopération, leur coordination et leur dialogue sur les politiques de financement et les investissements, particulièrement concernant le mixage. Cette coopération a pour finalité de soutenir les efforts de développement des pays partenaires grâce à la mobilisation de flux financiers publics et privés autour de priorités communes essentielles. Depuis son lancement, le partenariat a conduit à une série de contributions communes à la Commission (et au Parlement Européen) pour structurer le nouveau fonds de garantie du FEDD (Fonds Européen de Développement Durable). Ce fonds de garantie entrera en vigueur en septembre 2017 dans le cadre du Plan d'Investissement Extérieur, instrument intégré d'appui au secteur privé des pays partenaires, incluant les mécanismes de mixage existants pour le Voisinage et l'Afrique, ainsi qu'un pilier d'assistance technique, et un troisième visant la promotion d'un environnement favorable aux affaires.

Les fonds fiduciaires européens

Depuis l'entrée en vigueur du dernier règlement financier en 2013, l'UE a la possibilité de créer des fonds fiduciaires dans le domaine des actions extérieures. Le fonds fiduciaire Bêkou pour la République centrafricaine (137,9 M€) et le fonds fiduciaire Madad pour les réfugiés syriens (725 M€) ont été créés en 2014. En 2015, à la suite du Sommet de La Valette, l'UE crée le fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique (FFU) afin de lutter contre les causes profondes des migrations dans 26 pays du continent (2,5 Md€). Enfin un fonds fiduciaire pour la Colombie a été créé en décembre 2016 (95 M€). Ces fonds sont gérés, et en partie financés, par la Commission européenne à partir d'instruments comme le FED, et les Etats Membres et institutions financières y contribuant sur une base volontaire.

En 2016, 168 M€ ont été octroyés par l'UE à l'AFD, répartis entre onze projets FFU et deux projets du fonds Madad.

B. BILAN D'ÉTAPE POUR EXPERTISE FRANCE

1. Une croissance régulière du chiffre d'affaires

Expertise France a été créée le 1 er janvier 2015 par le regroupement de six opérateurs d'expertise préexistants : France expertise internationale (auparavant GIP France coopération internationale), et les groupements d'intérêt économique GIP Esther, GIP Inter, GIP SPSI, ADECRI et Adetef. Contrairement à l'AFD qui est davantage un organisme de financement, Expertise France est un opérateur de mise en oeuvre de la coopération internationale française.

Expertise France a été créé pour remédier à un éparpillement de l'expertise technique , chaque ministère ayant auparavant son service ou son organisme rattaché chargé de faire bénéficier les pays en développement de son savoir-faire. La création d'EF avait ainsi d'abord pour objectif de mettre fin à cette organisation quelque peu « artisanale » afin de doter l'expertise française d'une crédibilité et d'une « force de frappe » qu'elle n'avait pas. Il s'agissait également d'équilibrer l'AFD, pôle financier, par un second pôle en charge de l'expertise, dans l'esprit du modèle allemand où la KFW et la GIZ, respectivement banque de développement et organisme de coopération, se complètent et additionnent leurs forces.

D'un point de vue financier, Expertise France a devrait atteindre en 2017 un chiffre d'affaires de plus de 150 millions d'euros, ce qui représente une croissance de 35 % par rapport aux opérateurs fusionnés en 2014 . Grâce à cette progression rapide, l'agence devrait atteindre l'équilibre en 2020, au moment où la subvention annuelle de transformation versée par l'Etat s'annulera. Cette montée en puissance a été menée à bien grâce à des contrats pluriannuels obtenus sur financements multilatéraux, pour 62 % du chiffre d'affaires, et pour partie sur la commande publique française, dont le transfert de la gestion des experts techniques internationaux (ETI). Ainsi, le montant des commandes publiques s'est élevé à 9,9 millions d'euros en 2016, en baisse de 7 % par rapport à 2015 du fait notamment de la diminution des crédits d'intervention en provenance des programmes 110 et 209.

2. Une coopération avec l'AFD encore en devenir

L'AFD a signé une convention avec Expertise France (EF), le principal opérateur français d'expertise internationale, issu de la fusion en 2014 des opérateurs préexistants. La convention signée en 2015 entre les deux organismes prévoit que l'AFD confie à l'Expertise France un volume de 25 millions d'euros de projets dans le domaine de la gouvernance , qui constitue un des « coeurs de métier » d'EF. Cet objectif est très loin d'être atteint aujourd'hui , EF recevant bien davantage de financements européens et étrangers (par exemple de la KfW).

Vos rapporteurs estiment tout à fait essentiel que les deux opérateurs de référence de l'aide publique au développement française travaillent davantage ensemble . Non seulement une telle coopération apparaît comme « naturelle » dans le domaine du continuum gouvernance-sécurité-justice où Expertise France joue déjà un rôle important, mais elle permettrait également de mieux projeter le savoir-faire des administrations et des entreprises françaises à l'étranger, voire des pratiques et des normes qui permettent ensuite aux PME françaises de travailler dans un environnement favorable.

Un rapprochement opérationnel plus poussé entre les deux organismes pourrait être envisagé à cette fin, de manière à ce qu'Expertise France apparaissent davantage comme un partenaire naturel pour les projets initiés par l'AFD. Il pourrait s'agit d'inclure plus systématiquement dans les projets de l'AFD une « brique » d'expertise portée par EF, financée grâce à la progression annoncée des crédits en dons de l'agence.

3. Achever le regroupement des opérateurs français d'Expertise ?

Lors de l'examen en juin 2016 du projet de contrat d'objectifs et de moyens d'Expertise France, votre commission s'était interrogée sur la poursuite et l'achèvement de la réforme qui a vu le regroupement de six opérateurs d'expertise.

En effet, bien que la loi du 27 juillet 2010 ait prévu le regroupement de l'ensemble des opérateurs d'expertise technique internationale à partir de 2016, plusieurs d'entre eux, dont certains d'une taille significative, continuent à exister parallèlement à Expertise France.

Or, votre commission avait estimé qu'il n'existait pas d'objection de principe à l'achèvement de cette réforme , la nouvelle agence ayant vocation à promouvoir l'expertise française dans l'ensemble des domaines. En outre, si la forte hausse du chiffre d'affaires d'Expertise France est de nature à augmenter sa visibilité et à enclencher un cercle vertueux de croissance, cet organisme reste soumis à une forte concurrence de la part de ses homologues britannique, allemand, canadien ou encore chinois. Il reste donc nécessaire de rassembler toutes les forces de l'expertise française pour améliorer sa position dans la concurrence internationale.

À l'issue d'un contrôle des comptes de Civipol 13 ( * ) , le plus important des opérateurs d'expertise après EF, La Cour des comptes a d'ailleurs estimé en juin 2017 qu'il était nécessaire de lancer « une nouvelle étape sous la forme d'un rapprochement de Civipol et d'Expertise France, au sein d'un groupe à constituer sous l'égide de cette dernière ». La Cour recommande également de « renforcer la coopération et le rapprochement avec les autres opérateurs du dispositif français de coopération technique internationale, en élaborant une stratégie commune dans le domaine de la sécurité intérieure, de la sécurité civile et de la gouvernance ».

Le rapprochement d'Expertise France et de Civipol pose certaines difficultés pratiques liées au statut de SA de cette dernière, ainsi qu'à l'opération de croissance externe par laquelle elle a récemment absorbé un opérateur belge de taille équivalente à la sienne. Il apparaît donc nécessaire de lancer une réflexion sur les modalités techniques de ce rapprochement, ainsi que du rattachement des autres opérateurs d'expertise à EF.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 8 novembre 2017, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits des programmes 110 - Aide économique et financière au développement - et 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement - de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2018.

Après l'exposé des rapporteurs pour avis, un débat s'est engagé.

M. Christian Cambon, président. - En tant qu'ancien rapporteur de l'APD, je reste convaincu de la nécessité d'évaluer ces politiques de développement. Il faut s'assurer que l'argent que nous dépensons est bien utilisé. Il y a aussi la question de la lourdeur de certains processus, par exemple au niveau du Fonds européen de développement (FED), dont les délais de décaissement sont parfois trop longs. Or il est essentiel d'investir en Afrique car seul un tel investissement nous permettra de soulager à long terme nos forces armées dans cette région.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je partage le constat des rapporteurs sur le fait qu'il n'y a plus aujourd'hui de pilote dans l'avion : le développement mérite une impulsion politique. Nous avons plaidé avec notre ancien collègue Henri de Raincourt pour un ministère de plein exercice, et aujourd'hui il n'y a même plus de secrétaire d'Etat chargé de ce sujet. Dans les priorités sectorielles, il faut aussi insister sur la démographie ! Nous ne pouvons pas occulter cette question centrale, et notamment son impact sur l'éducation.

M. André Vallini. - Je regrette également qu'il n'y ait plus de secrétaire d'Etat chargé du développement. Il est vrai que le FED fonctionne lentement et pas toujours de manière satisfaisante. Nous essayons de réorienter notre politique davantage vers le bilatéral que vers le multilatéral : c'est plus rapide et plus efficace, même si le multilatéral reste important. Enfin, il y a effectivement un doute très fort sur la trajectoire vers les 0,55% annoncés par le Président de la République ; ce doute est notamment très fort chez les ONG ; celles-ci sont très déçues du contraste entre cet objectif et le budget pour 2018, qui ne permet pas d'en prendre le chemin. Je rappelle que 0,55% du RNB, ce n'est pas à la hauteur, le chiffre admis par la communauté internationale étant de 0,7%. Le Royaume-Uni a atteint cet objectif pour l'avoir inscrit dans la loi, à l'initiative des conservateurs et avec le soutien des travaillistes. La comparaison avec l'Allemagne n'est pas valable car celle-ci ne fait pas les mêmes efforts militaires que la France et le Royaume-Uni. Je partage donc la position de Marie-Françoise Pérol-Dumont qui préconise que nous nous abstenions sur ces crédits.

M. Richard Yung. - Je ne partage pas cette vision des choses. Il y a une responsabilité collective de la baisse de l'enveloppe de l'aide au développement. Mais il y a déjà eu de grands efforts à la fin du quinquennat précédent, avec notamment le renforcement des fonds propres de l'AFD ; quant aux 5,5%, ils sont bien une étape sur le chemin des 7%. Certes, nous sommes en retard par rapport aux Anglais et aux Allemands et nous devons rattraper ce retard. Concernant Proparco, elle ne s'intéresse qu'aux grands projets. En dessous de 500 millions, elle n'agit pas. Or nous avons besoin de soutien aux PME locales aussi bien que françaises.

M. Olivier Cadic. - On a souligné l'effort accompli par les Allemands et les Britanniques pour atteindre les 0,7% ; il faut rappeler qu'il y a aussi un effet en termes de commerce extérieur : j'ai ainsi pu mesurer les conséquences de l'absence de l'AFD dans les Balkans. Par ailleurs, comment peut-on encore justifier que l'AFD soutienne des projets en Chine ?

M. Robert del Picchia. - On m'a signalé que les demandes de soutien des PME françaises à Proparco étaient parfois rejetées pour ne pas laisser soupçonner du favoritisme... Concernant le FED, j'avais étudié la question et je m'étais aperçu que le contrôle de ce fonds était perfectible. Il faudrait peut-être nous pencher sur cette question.

M. Christian Cambon, président. - Les projets de développement du Royaume-Uni ne sont-ils pas parfois contrôlés par des entreprises privées ? Un tel contrôle a conduit à l'abandon de l'aide britannique à l'Inde, malgré les liens qui unissaient les deux pays.

M. Pascal Allizard. - Lors d'une audition, il nous a été signalé que le Premier ministre avait déjà envoyé des lettres de cadrage pluriannuelles aux ministères, notamment à celui des armées, dont il résulte clairement que les trajectoires annoncées ne seront pas respectées. Ne faut-il pas que ceci se traduise dans nos réflexions et dans nos votes ?

M. Jean-Pierre Vial, co-rapporteur. - Tout ceci montre que nous ne pouvons pas en rester à ce rapport budgétaire. Il n'y a plus de direction politique de l'aide au développement. L'AFD fixe ses propres orientations. Par ailleurs, les petites entreprises échappent quelque peu au soutien public. D'un autre côté, nous sommes conduits à intervenir militairement dans certaines régions instables, ce qui est très coûteux. En Afrique, notre retrait en matière d'éducation est préoccupant alors que le tiers de la population mondiale sera africain dans moins d'un siècle. Il est donc indispensable que nous puissions davantage creuser ces questions.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, co-rapporteur. - Concernant les prêts à la Chine, il y a un intérêt en matière de développement durable, et il n'y a pas de coût pour l'Etat. Certes, 0,55% du RNB consacré à l'APD, c'est sans doute insuffisant. Mais nous partons de loin ! La question est de savoir si ces 0,55% sont tenables : le budget pour 2018 laisse planer le doute ! D'où ma proposition d'abstention. Concernant Proparco, il est vrai que les plus petites entreprises sont insuffisamment aidées, y compris les petites unités françaises. Concernant la démographie, il est exact que plus de 450 millions de jeunes arriveront sur le marché du travail dans les prochaines décennies en Afrique subsaharienne ! Concernant l'expertise, il convient sans doute de poursuivre la réforme avant, dans une phase ultérieure, de réfléchir à un rapprochement avec l'AFD. Je signale par ailleurs que celle-ci peut, depuis un an, travailler dans les Balkans, région dans laquelle elle a commencé de prospecter. Enfin, l'absence de secrétariat d'Etat est sans doute un mauvais signal : raison de plus pour manifester notre vigilance !

M. Christian Cambon, président. - Je rappelle que le bureau de la commission a décidé d'évaluer de manière plus approfondie la question de la poursuite de la réforme de l'expertise internationale et des relations entre l'AFD et Expertise France.

La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » (24 voix pour, 11 abstentions).

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 26 octobre :

Délégation de Coordination SUD :

- Claire Baudot , responsable du plaidoyer pour Action santé mondiale ;

- Maé Kurkjian , responsable du plaidoyer pour ONE France ;

- Michael Siegel , responsable du plaidoyer pour Oxfam France ;

- Gautier Centlivre , responsable du plaidoyer pour Coordination SUD

Mardi 7 novembre :

- M. Jean-Michel Severino , président d'Investisseurs et Partenaires, ancien Directeur général de l'AFD

Mercredi 8 novembre :

- M. Patrice Paoli , directeur du Centre de crise et de soutien du quai d'Orsay et M. Pierre Fournier , chef de la mission pour l'action humanitaire

ANNEXE I - AUDITION DE M. RÉMY RIOUX, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT, LE 24 OCTOBRE 2017

M. Christian Cambon, président - Monsieur le Directeur général, l'Agence française de développement (AFD), notre grand opérateur de financement de l'aide au développement, a connu plusieurs étapes importantes à la fin de l'année 2016 et en 2017. Tout d'abord, l'AFD a fêté ses 75 ans, a inauguré un nouveau logo et une nouvelle devise « Un monde en commun ». L'Agence s'approche désormais des 10 milliards d'euros d'engagements annuels en faveur du développement, dont 4 pour l'Afrique : vous êtes ainsi sur la bonne voie pour atteindre l'objectif de 12,7 milliards annuels en 2020, fixé par le précédent Président de la République.

Je rappelle que le modèle financier de l'agence a été renforcé par la LFR 2016 : une partie de la dette de l'AFD auprès de l'État a été transformée en une dotation de l'État au capital de l'agence, soit un gain de 2,4 milliards d'euros de fonds propres, ce qui a ainsi conduit au desserrement de la contrainte réglementaire qui entravait la poursuite de la croissance de l'activité de l'AFD. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 30 novembre 2016 a confirmé par ailleurs la décision d'augmenter de près de 400 millions d'euros le montant annuel des dons bilatéraux d'ici 2020, par l'affectation d'une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières. Vous évoquerez ce point et notamment un amendement qui a été voté par l'Assemblée nationale pour alimenter les dons de l'AFD en 2018.

Vous pourrez également nous dire si les 270 millions d'euros attribués en 2017 à l'AFD ont bien in fine pu être utilisés pour effectuer des dons et si le projet de loi de finances pour 2018 est conforme à l'ensemble de ces orientations. Néanmoins, au vu des crédits budgétaires de la mission Aide publique au développement, qui ne progressent que faiblement au sein de ce PLF 2018, nous sommes quelque peu sceptiques quant à la trajectoire annoncée pour les prochaines années.

Le CICID a également élargi le mandat de l'Agence. Il a notamment été créé, conformément d'ailleurs à une recommandation de notre collègue Hélène Conway-Mouret et de notre ancien collègue Henri de Raincourt, une « facilité d'atténuation des vulnérabilités et de réponse aux crises » pour aider les pays fragiles en sortie de crise. Ce nouvel outil est-il aujourd'hui en place ?

Enfin, votre agence a entamé, depuis début 2016, un rapprochement avec la Caisse des dépôts qui avait, à l'époque, fait couler beaucoup d'encre comme s'en souviennent mes anciens collègues. Vous souhaiterez sans doute évoquer les aspects concrets de ce rapprochement, afin de pleinement nous persuader de l'intérêt de cette opération !

Je vous laisse la parole pour une quinzaine de minutes pour présenter vos perspectives budgétaires en relation avec le PLF 2018 et vos grandes orientations pour l'AFD, puis je la donnerai à nos deux rapporteurs de l'aide au développement, M. Jean-Pierre Vial et Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, et ensuite à l'ensemble des membres présents. Je rappellerai enfin que cette audition est filmée et sera retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Rémy Rioux, Directeur général de l'AFD.- Monsieur le Président, je vous remercie pour votre accueil. Je suis également ravi de rencontrer les nouveaux rapporteurs pour avis de votre commission ; l'AFD est ainsi à leur entière disposition pour leur fournir toute précision nécessaire à leurs travaux. Je suis également très fier d'être à nouveau devant votre commission, Mesdames et Messieurs les Sénateurs.

Je comptais vous passer deux messages. Comme viennent de le souligner les deux Ministres, la trajectoire financière de l'AFD est positive. Je reviendrai dessus ainsi que sur les réformes en cours dans notre Agence et du mandat sur lequel vous vous étiez prononcés en mai 2015 et qui avance conformément à ce que je vous avais dit lors de ma nomination. S'agissant de l'exécution de la loi de finances de 2017 et du projet de loi de finances pour 2018, l'année 2017 a été, malgré de réels aléas budgétaires, somme toute, satisfaisante. Le projet de loi de finances pour 2017, comme vous vous en souvenez, était très bon. Certes, en juillet dernier, d'importantes annulations ont été conduites, en particulier sur l'enveloppe des dons-projets gérés par l'AFD sur le programme 209, puisque environ 150 millions d'euros, à la fois en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, ont ainsi été perdus. Il nous a fallu fournir un effort significatif, un peu inédit, pour contribuer à la nécessaire maîtrise de l'équilibre de nos finances publiques. Malgré cet épisode, en exécution, si le dégel des crédits nous est accordé conformément aux annonces faites, l'AFD aura eu nettement plus de moyens en 2017 qu'en 2016. Sur les dons-projets - qui peuvent être financés à la fois sur le programme 209 et sur l'affectation du produit sur la taxe des transactions financières, nous aurons obtenu au total 465 millions d'euros, soit 150 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2016. Sur les bonifications des prêts, l'AFD disposera de 350 millions d'euros, soit 65 millions d'euros de plus qu'en 2016, tandis que la ressource à condition spéciale (RCS) - les prêts du Trésor sur compte spécial - sera abondée de 25 millions d'euros supplémentaires, à hauteur de 500 millions d'euros. Les plus grosses lignes budgétaires qui financent l'activité de votre agence enregistrent ainsi une augmentation significative, dès cette année, en exécution.

Evidemment, la Taxe sur les transactions financières (TTF) demeure la grande nouveauté de l'année 2017 puisque, pour la seconde fois, le Parlement avait affecté, avec plus d'insistance que l'année précédente il est vrai, 270 millions d'euros de ressources de la TTF directement à l'AFD. J'ai le plaisir de vous dire que cette décision du Parlement a été exécutée et que la totalité de cette somme est parvenue dans les comptes de l'agence à la date où je vous parle. Cette ressource est essentielle, puisqu'elle nous garantit un certain volume de dons, à l'égal des grandes contributions multilatérales, comme celles du Fonds mondial SIDA, de la Banque mondiale ou encore du Fonds européen de développement. Nous sommes sur plusieurs centaines de millions d'euros protégés par cette taxe affectée.

En réponse à Monsieur le Président Cambon, évidemment, les 270 millions d'euros seront intégralement utilisés cette année et ce, uniquement pour nos crédits en dons et non pour bonifier des prêts. Nous avons effectué plusieurs choix. Le premier consiste en la création d'un fonds paix et résilience, que nous avons doté de cent millions d'euros. Cet instrument est innovant pour les pays en crise. Nous avons également accordé des aides budgétaires globales pour 50 millions d'euros, à destination notamment des pays du Sahel qui avaient des besoins urgents. Nous avons complété l'enveloppe des dons-projets, qui avait été écornée en exécution, à hauteur de cent millions d'euros, en essayant de préserver les très grandes priorités de l'aide, à savoir l'Afrique, le climat, l'éducation et la santé. Enfin, nous avons redoté le FEXCT, qui nous sert de guichet auprès des entreprises françaises pour financer leurs études, favoriser leur position sur nos marchés et renforcer, en retour, l'influence française dans nos pays d'intervention.

Dernier point, nous avons alloué 5 millions d'euros au guichet FICOL destiné aux collectivités territoriales et qui permet de lancer des appels à projets de coopération décentralisée. Ce montant est d'ailleurs en augmentation continue année après année.

J'en viens au PLF 2018. Toutes les lignes budgétaires de l'AFD augmentent et dans le contexte contraint des finances publiques que nous connaissons aujourd'hui, le directeur général de l'AFD que je suis ne peut qu'être satisfait de cette confiance. Les dons vont ainsi connaître une augmentation significative : lorsqu'on additionne le programme 209 - où l'on rajoute 65 millions d'euros en autorisations d'engagement - et le produit de la TTF, on obtient plus de 700 millions d'euros de dons, soit 200 millions d'euros de plus qu'en 2017 en exécution. Le programme 110 augmente de 30 millions d'euros et le programme 853 augmente, quant à lui, de 20 millions d'euros. Cette augmentation régulière - depuis l'année dernière - de nos trois lignes budgétaires principales nous semble tout à fait bienvenue. En outre, comme vous l'avez souligné, vos collègues de l'Assemblée nationale ont, dans la nuit de samedi à dimanche, renforcé la pérennité des dons alloués à ce budget, en amendant la première partie de la loi de finances, pour maintenir une affectation directe à l'AFD des 270 millions d'euros du produit de la TTF, sans passer par le FSD.

Nous restons sur cette croissance positive. Cependant, il ne faut pas oublier que, sur ces dix dernières années, la politique de développement a perdu près de 40 % de ses crédits budgétaires. Nous avons manifestement changé, depuis 2015, de trajectoire en la matière. Evidemment, le Président de la République a pris un engagement encore plus fort, en annonçant à la tribune des Nations Unies et auparavant, devant les Ambassadeurs, que la France atteindrait l'objectif de 0,55 % de son revenu national consacré à l'APD en 2022. Il a également souhaité que soit modifiée la structure de l'aide bilatérale et que la part des dons augmente dans l'aide française. Il a enfin souhaité, en nous citant, que l'aide française soit plus efficace et rapide, afin d'atteindre plus rapidement les populations. Nous allons aller en ce sens. Atteindre 0,55 % du revenu national en 2022 représente un objectif considérable et revient à produire environ 6 milliards d'euros d'APD supplémentaires par rapport à aujourd'hui. Naturellement, des éléments non budgétaires doivent être pris en compte dans l'APD : des effets de levier existent, mais il faudra, pour atteindre un tel objectif, mobiliser plusieurs milliards d'euros supplémentaires sur la durée du quinquennat.

Si 2018 n'a pas permis d'amorcer, de manière massive, cette augmentation, on peut cependant penser que l'année 2019 sera meilleure. Un tel calendrier me convient, puisque nous devons augmenter la part bilatérale, nous améliorons nos procédures et nos méthodes de manière à forger un outil bilatéral plus puissant qui pourra générer des flux d'APD supplémentaires à compter de 2019 et pour les années qui viennent. Evidemment, il nous faudra disposer de volumes d'autorisation d'engagement placés tôt dans la trajectoire, afin d'assurer leur décaissement le plus rapidement possible et de conduire plus de projets qu'aujourd'hui. Le Ministre travaille très activement à définir cette trajectoire, avec l'ensemble des administrations et l'Agence.

Mon second message consiste à vous dire qu'avec ces moyens budgétaires, nous mettons en oeuvre très résolument le projet stratégique que je vous avais présenté. Nous souhaitons que l'AFD devienne plus grande et plus partenariale, tout en étant plus agile et innovante. Avec une augmentation annuelle d'un milliard d'euros de nos engagements, ceux-ci devraient, à la fin de cette année, dépasser la barre des 10 milliards d'euros. Nous sommes bien sur le chemin qui avait été tracé pour atteindre la cible de 13 milliards d'euros de financement par an, à horizon 2020. Dans cette croissance, nous cherchons à garder notre signature : la moitié de notre activité concerne l'Afrique, la lutte contre le réchauffement climatique, la francophonie et l'égalité entre les femmes et les hommes. En outre, nos activités sont conduites, pour moitié, avec des entités non souveraines, comme les entreprises, les collectivités territoriales ou encore la société civile, sans demander la garantie de l'Etat. Cette démarche est indispensable dans des pays qui reviennent à des zones d'endettement public.

Le Premier ministre a annoncé la convocation d'un prochain CICID le 5 février prochain, qui sera une échéance très importante pour l'Agence. Les travaux que nous conduisons actuellement, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, sur lequel vous serez appelés à donner un avis, ainsi que notre nouveau plan stratégique, sont conduits dans la perspective de leur approbation avant leur communication au public, en février prochain.

S'agissant des partenariats, mon projet est d'insérer l'Agence davantage dans la vie de notre pays. C'est la raison pour laquelle je considère que le rapprochement avec la Caisse des dépôts et des consignations, avec laquelle nous avons signé une charte d'alliance, me paraît idoine. Nous faisons le même métier, dans des territoires différents, et avons énormément à gagner de ce rapprochement. Depuis décembre dernier, date de la signature de notre charte d'alliance, nous avons aligné nos stratégies autour de la notion de transition, qu'elle soit démographique, sociale, territoriale, énergétique, écologique, numérique et technologique. L'AFD suit les mêmes lignes stratégiques dans ce domaine que le groupe Caisse des dépôts. Nous avons ajouté une cinquième transition politique et citoyenne, en raison de notre expérience dans des pays à la situation plus précaire avec lesquels la Caisse des dépôts n'est pas vouée à travailler. Nous avons engagé les mouvements d'échanges de personnels pour que nos experts puissent bénéficier d'une expérience à la fois nationale et internationale ; ces mouvements concernent près d'une dizaine de personnels, soit beaucoup plus que durant les précédentes années.

En outre, nous venons de créer un fonds d'investissement dans les infrastructures, doté de 600 millions d'euros de fonds propres et susceptible de générer 8 milliards d'euros de financement. La France avait un peu disparu des grandes d'opérations d'infrastructures dans les Pays du Sud au profit notamment des Chinois. Désormais, nous allons retrouver une capacité financière pour monter dans des grandes opérations en partenariat public-privé, en amenant un financement initial de 15 à 20 millions d'euros de fonds propres, avec des investisseurs privés français, afin de reprendre notre place sur ce marché. En outre, nous avons organisé une grande convention en juillet dernier qui a rassemblé tous nos directeurs pays avec les directeurs territoriaux de la Caisse des dépôts. Durant cette convention, nous avons décidé de mettre en synergie nos réseaux afin que les projets des territoires parviennent jusqu'à l'AFD, tandis que les informations que nous glanons sur les pays du Sud arrivent également aux acteurs français, en passant par le réseau de la Caisse des dépôts. Nous travaillons beaucoup avec les entreprises françaises, grâce au guichet FEXCT notamment, et nous avons été les partenaires de l'université d'été du MEDEF pour capter les intentions d'investissements internationaux et les transformer en projets. Nous travaillons de plus en plus avec les collectivités territoriales et cette démarche me paraît, à ce stade, perfectible. Je fais d'ailleurs le tour des régions et suis à votre disposition pour parler avec vous des enjeux du Sud et du développement du grand international dans vos propres territoires. Le partenariat avec les organisations non gouvernementales (ONG) est le plus ancien que nous ayons bâti. Cette année, certains crédits ont été annulés, mais nous tentons de retrouver la même capacité pour nos partenaires de la société civile, cette année et l'année prochaine.

Enfin, le nouveau projet européen présenté par le Président de la République à la Sorbonne accordait une part importante au développement. Cette perspective n'est pas, en soi, nouvelle. En effet, dès le discours prononcé, en 1950, par Robert Schuman dans le grand salon de l'horloge du Quai d'Orsay, on parle non seulement de charbon et d'acier, mais aussi d'Afrique et de développement. La CECA avait ainsi pour finalité le développement de l'Afrique, ce qui souligne que le développement est au coeur du projet européen, auquel il nous faut redonner tout son sens aujourd'hui. Le travail que nous menons avec les Espagnols, les Italiens, ou encore les Allemands, se fait entre agences bilatérales. Nous pourrions également travailler avec les Suédois dans des logiques à plusieurs Etats, dans le dialogue avec la Commission européenne et pour porter cette politique européenne aux résultats déjà probants.

Je souhaitais en outre vous signaler un nouveau partenariat : l'AFD vient de prendre la présidence de « l'International Development Finance Club » qui a six ans d'existence et qui regroupe l'ensemble des banques et des agences nationales de développement du monde entier. Ces opérateurs financent à la fois le développement de leur propre pays et leur projection internationale. La présidence de ce nouveau cercle me paraît fournir à la France une capacité d'influence que nous mettons à votre disposition.

Enfin, il nous faut être plus agiles et innovants. Nos techno-procédures ne sont pas assez rapides lorsqu'il s'agit d'intervenir dans des pays en crise. Il nous faut également inventer des outils nouveaux et faire preuve d'agilité. Ce fonds, que vous avez évoqué, Monsieur le Président, et que nous avons dénommé Minca, - ce qui signifie en langue vernaculaire le Phénix -, est destiné à favoriser la renaissance des Etats. Il a été abondé à hauteur de 100 millions d'euros cette année et devrait l'être encore l'année prochaine. Cette démarche s'inscrit tout à fait dans l'esprit du rapport de M. Henri de Raincourt et de Mme Hélène Conway-Mouret qui préconisait la préservation d'une capacité en dons afin de développer des initiatives au Sahel, au Lac Tchad, en Centrafrique, au Proche-Orient, avec des projets à impact rapide et au plus près du terrain. Tous ces programmes s'inscrivent dans un programme international - l'Alliance pour le Sahel - qui a été lancé le 13 juillet dernier par le Président de la République et la Chancelière Merkel, avec les pays concernés du G5 ainsi que six partenaires internationaux, qui sont les plus actifs dans la zone et dont on essaie d'accroître l'effort pour faire face à l'importante crise de la zone sahélienne. L'année 2018 devrait être marquée par l'intensification de la simplification de nos procédures et le développement de notre gamme d'outils, pour être en capacité de délivrer en 2019 plus d'APD. De nombreux chantiers, comme la transformation numérique ou l'innovation financière, sont également en cours pour moderniser l'Agence. Nous sommes d'ailleurs à votre entière disposition pour vous communiquer des éléments à leur sujet.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Merci Monsieur le Président. Je ne reviendrai pas sur votre présentation, qui nous rassure, des trajectoires et des objectifs de 0,55 % du produit intérieur brut (PIB) et les sommes mobilisées en 2017 et les projections à hauteur de 13 milliards d'euros en 2020. Je ne reviendrai pas non plus sur l'affectation de la TTF de 270 millions d'euros.

S'agissant des collaborations entre l'AFD et Expertise France, la convention de 2015 prévoit que l'AFD lui confie un volume de 25 millions d'euros de projets dans le domaine de la gouvernance, qui relève de son coeur de métier. Or, le montant atteint en 2017 serait en-deçà de l'objectif visé. Plus globalement, en 2016, la part des financements de l'AFD n'a représenté que 8 % de l'activité d'Expertise France qui travaille aujourd'hui bien davantage avec la Commission européenne. Comment comptez-vous renforcer cette coopération ? Quelles sont les difficultés qui expliquent cette situation ?

J'en viens à un second sujet : la coopération décentralisée. L'AFD soutient les collectivités territoriales dans leurs actions de coopération via notamment le FICOL qui a fait l'objet d'appels à projet en 2017. Toutefois, malgré les efforts de l'AFD, il semble qu'il soit parfois plus facile de travailler avec des bailleurs étrangers, comme le Kreditanstalt für Wiederaufbau allemand (KFW). Comment comptez-vous à la fois renforcer et simplifier votre soutien à la coopération décentralisée ? Comment le rapprochement avec la Caisse des dépôts peut-il contribuer à cette démarche ?

Ma troisième question portera sur les relations de l'AFD avec les grands émergents que sont l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Ainsi, les autorisations de financement de l'AFD dans ces pays se sont élevées à 1,5 milliard d'euros en 2016, soit en hausse de 45 % par rapport à l'année précédente. Il s'agit de prêt à taux de marché qui permettent à l'Agence de soutenir son modèle économique sans coûter, il est vrai, d'argent au budget de l'Etat. Ce n'est donc plus de l'aide à proprement parler, mais plutôt une coopération sur de grands enjeux transversaux, comme le développement durable. Comme ces pays sont aussi pour nous de grands concurrents dans l'économie internationale, il s'agit également, de manière explicite, de favoriser l'expertise technique française et, in fine, de nos entreprises. Comment l'AFD compte-t-elle renforcer sa contribution à cet objectif de promotion du savoir-faire et des entreprises françaises dans les pays émergents, dans les années à venir ?

Concernant les relations avec les Balkans, le CICID de novembre 2016 a élargi le champ de coopération de l'Agence aux Balkans occidentaux. Quels travaux ont-ils été menés pour explorer les possibilités d'intervention dans cette région et quels seront les grands axes qui y seront privilégiés ? Enfin, pour terminer, vous avez insisté sur l'importance de la coopération avec l'Afrique. J'aborderai le fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique créé à la Valette en 2015, afin de lutter contre les causes profondes de migration dans 26 pays du continent. Il comprend 2,5 milliards d'euros et en 2016, 11 projets ont été confiés par la Commission européenne à l'AFD. Pouvez-vous nous informer sur les opérations conduites en 2017 ? En outre, votre évocation, Monsieur le directeur général, du Fonds Minca m'amène à vous interroger sur les fonds de gestion de crise qui sont portés par la cellule de crise du Quai d'Orsay et qui représentent quelque 30 millions d'euros. Nous savons que la cellule de crise souhaiterait que ce fonds, extrêmement précieux dans le contexte actuel, puisse être augmenté. Une telle perspective est-elle envisagée ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - J'aurais deux questions qui porteront sur les prêts et les dons. D'une part, les règles de comptabilisation de l'APD définies par l'OCDE vont connaître une importante évolution en 2018. Ainsi, les prêts ne seront plus considérés comme de l'APD positive lorsqu'ils sont versés, avant de l'être comme de l'APD négative lors de leur remboursement. Ils produiront désormais un montant d'APD en fonction de leur « élément-don », c'est à dire de leur caractère plus ou moins concessionnel. En outre, plus le pays auquel un prêt sera accordé sera pauvre, plus l'élément-don du prêt sera considéré comme élevé. Du fait de ces nouvelles règles, les grands bailleurs, comme l'AFD, devraient être incités à prêter davantage aux pays les plus pauvres à des taux plus bas. Ma question porte sur trois volets : ces nouvelles règles ne risquent-elles pas de diminuer le montant d'APD comptabilisé pour les prêts de l'Agence aux pays à revenus intermédiaires, comme en Asie ou en Amérique du Sud, puisque l'élément-don de ces prêts sera considéré comme plus faible ? L'AFD sera-t-elle en mesure de prêter davantage aux pays les plus pauvres d'Afrique ou ceux-ci sont-ils incapables d'absorber davantage de prêts ? S'agissant des limites réglementaires de la capacité des prêts de l'AFD, celle-ci est limitée par la réglementation applicable aux établissements financiers qui imposent le respect de ratios fonds propres - prêts. Or, récemment, l'AFD était presque parvenue à la limite de ce qu'elle devait prêter à certains pays. La conversion récente d'une partie de la ressource à condition spéciale de l'Etat en fonds propres redonne une certaine marge de manoeuvre à l'AFD. Cela est-il suffisant ? Je pense au Maghreb, au Maroc et à la Tunisie qu'il nous faut absolument soutenir dans la phase actuelle de construction démocratique et économique.

Concernant les dons, le faible montant de crédits dont disposait l'AFD il y a quelques années a induit un certain saupoudrage, avec des dons allant de 5 à 18 millions d'euros. De tels montants ne peuvent avoir d'impact significatif notamment dans le domaine de l'éducation et de la santé. Les nouveaux crédits versés par l'AFD, en application des amendements votés par le Parlement à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2017, ont-ils permis d'accroître ces montants ? Il m'a semblé que tel était le cas, mais j'aimerais que vous me le confirmiez. Après des années de versement faible, l'AFD dispose-t-elle encore du savoir-faire, mais aussi de la marge de manoeuvre nécessaire ? Ce type d'intervention en dons est-il désormais l'apanage - ce qui me paraîtrait dommage - des grands fonds multilatéraux ?

Enfin, et en dehors de l'aspect budgétaire, vous avez fait référence aux avantages de la Charte avec la Caisse des dépôts. Nous en avons bien conscience et nous soutenons cette démarche. Je souhaiterais que vous nous exposiez les bénéfices qui résulteraient d'un renforcement des synergies entre l'AFD et Expertise France, pour la politique de coopération et de développement, pour notre politique d'influence et plus largement, pour la diplomatie économique de la France. Je vous en remercie, Monsieur le directeur.

M. Richard Yung. - Je rebondis sur Expertise France dont la situation a été évoquée à plusieurs reprises. Nous avons l'impression que cet organisme, qui résulte de la fusion de plusieurs entités, a du mal à trouver sa voie. Avec une dotation de 26 millions d'euros, Expertise France demeure modeste et peu lisible. Ne faudrait-il pas plutôt intégrer Expertise France dans l'AFD, à l'instar de ce qui prévaut Outre-Rhin ? L'AFD aurait alors un bras séculier à l'instar de son homologue allemand !

S'agissant également de l'aide bilatérale, j'ai toujours été étonné qu'une partie de cette aide reste gérée par le Ministère des finances via l'opérateur Natixis. Je ne trouve pas cette situation logique tant il me semble que devrait incomber la totalité de la gestion de cette aide bilatérale à l'AFD. Je comprends qu'il vous est difficile de répondre à ces deux questions.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur le directeur général, vos annonces nous réjouissent. Je suis également très heureuse que les rapports de notre commission vous soient utiles. Vous avez parlé de l'augmentation de la part des dons et du bilatéral. Ce sont là des voeux déjà exprimés par notre commission. Nous nous félicitons que l'objectif de 0,55 % devienne enfin une réalité. L'augmentation de 6 milliards d'euros va se dérouler durant le quinquennat, ce qui représente un temps assez court. Comment allez-vous vous organiser en interne pour absorber cette augmentation très conséquente de crédits ? Votre plan stratégique a-t-il intégré très concrètement cette augmentation des moyens ?

M. Rémy Rioux. - Je connais l'attachement de votre assemblée vis-à-vis d'Expertise France dont la création avait été actée lorsque j'étais secrétaire général adjoint du Quai d'Orsay et que le directeur général était le conseiller du Ministre des affaires étrangères. Je me souviens très bien comment cette innovation avait été introduite dans la loi française. Je dois dire, comme M. le Sénateur Yung, que le travail de fusion de plusieurs établissements, aux cultures différentes, débuté depuis le 1 er janvier 2015, est à saluer. Cet opérateur est certes perfectible, mais il existe et dispose d'une marque plus importante que la somme de ses parties. Notre engagement consiste à apporter des crédits bilatéraux à hauteur de 25 millions d'euros et mes équipes m'ont communiqué un chiffre de l'ordre de 15 millions d'euros pour l'année dernière. Nous sommes sur la bonne voie. Ce point est très stratégique pour l'AFD. Nous sommes le financeur tandis qu'Expertise France est un opérateur d'expertises, qui apporte l'assistance technique et aide au renforcement des maîtrises d'ouvrages. La complémentarité entre les deux établissements est essentielle. Les grands pays émergents - comme j'ai pu dernièrement le constater au Brésil -, qui nous sollicitent recherchent un accès certes à des financements moins chers. Sur ce point, avec un AA+, la France ne peut proposer des financements moins élevés que l'Allemagne qui bénéficie d'une meilleure note. Mais au-delà, ces pays émergents recherchent notre expertise et, de manière générale, un accès vers la France. L'AFD est en mesure de le financer, mais l'instrument qui est capable de créer des liens avec tous les ministères demeure Expertise France. C'est là un métier très particulier, qui n'est pas simple, mais qui s'avère essentiel à la politique de développement.

Vous m'avez interrogé sur le renforcement de la coopération pour atteindre ces 25 millions d'euros. M. Sébastien Mosneron Dupin, directeur général d'Expertise France, et moi, nous passons régulièrement des messages à nos managers. Je suis persuadé que deux établissements publics possèdent leur mouvement propre. Nous n'avons pas encore systématiquement le réflexe de proposer un volet expertise dans les projets dont nous assurons le financement. Or, je serais très heureux si, dans un avenir proche, nous parvenions à le proposer systématiquement. Si le réseau de l'AFD assure la commercialisation des produits d'Expertise France, qui n'aura jamais un réseau de représentants dans 85 pays dans le monde, nous allons générer un flux d'affaires nettement accru par rapport à celui d'aujourd'hui. Force est de constater que nous en sommes loin, et je ne souhaite aucunement présager de la forme à venir de ce rapprochement. Il nous faut en revanche travailler sur le contenu concret de ce rapprochement avec Expertise France pour y parvenir avec efficacité.

Sur la coopération décentralisée, nous disposons d'un guichet dédié dont on fait actuellement croître les crédits, ainsi que nos partenariats avec la Caisse des dépôts et Cités-Unies France qui est une association implantée dans les mêmes géographies que nous. Je n'ai pas en tête que la KFW soit extrêmement active, mais je vais vérifier ce point. Nous avions confié, l'année dernière, un rapport à M. Henry de Cazotte qui a expliqué, de manière très précise, le modèle allemand, sans pour autant explorer cette dimension.

Nous sommes présents dans les pays émergents sur les problématiques de bien commun, dont celles du climat, en lien avec les entreprises françaises. L'orientation qui est celle de votre question me convient parfaitement et nous développons toute une série de nouveaux instruments pour réaliser plus d'affaires dans ces pays et y conforter les intérêts français.

Nous avons conduit une inspection dans les pays de la zone des Balkans, conformément à la demande du CICID. Nous avons proposé de travailler d'abord avec la Serbie et l'Albanie, en partenariat avec nos partenaires multilatéraux qui y sont présents. Le sujet est à la décision du gouvernement.

Le FFU représentait, en 2016, 70 millions d'euros de fonds délégués. Cette année, ce montant devrait être moins élevé, puisqu'il nous faut à présent mettre en oeuvre tous ces projets. Nous avons probablement été le bailleur le plus actif en délégation de crédits du FFU, que ce soit au Mali, au Niger, au Tchad ou encore au Sénégal. Aujourd'hui, nous allons également chercher 500 millions d'euros, par divers mécanismes de mutualisation, à Bruxelles. Un tiers de nos ressources concessionnelles provient ainsi de la Commission européenne dans un réseau de plus en plus intégré avec les autres agences des Etats-membres.

Le centre de crise du Ministère des affaires étrangères agit dans le court terme et met en oeuvre l'humanitaire. A l'inverse, en Suède, l'Agence nationale de développement assure également la réalisation des opérations humanitaires. La frontière entre ce qui relève de la crise et du développement peut s'avérer malaisée. Il nous faut ainsi nous concerter avec le centre de crise afin d'éviter toute redondance. Allouer plus de moyens au centre de crise qu'à l'AFD, c'est à dire davantage à l'humanitaire qu'au développement, relève d'une décision politique que le directeur de votre agence n'a pas à commenter.

S'agissant du CAD, on constate en effet une évolution des règles qui fait encore l'objet de débats dans la commission de l'OCDE qui exerce une grande influence sur nos métiers et nos instruments financiers. Je pense en particulier à l'actuel débat sur les garanties. En effet, une garantie n'est aujourd'hui comptabilisée en APD que si elle est appelée ; ce qui demeure rare. On a tout intérêt à faire plutôt un prêt plus qu'une garantie. Or, pour mobiliser le secteur privé dans de nombreux pays, on aurait beaucoup plus intérêt à mettre plus d'argent dans des fonds de garantie, mais l'on constate une forme de désincitation, dans les règles de l'OCDE, de l'emploi d'un tel instrument financier. La comptabilisation des prêts a quant à elle déjà été modifiée - l'élément-don étant comptabilisé et non plus les flux bruts ni les remboursements - et devrait induire des effets neutres sur l'aide française. Nous devrions le constater en 2019. Cette modification devrait modifier la comptabilisation des prêts de l'AFD - pour une baisse de près de 700 millions d'euros -, mais nous devrions nous rattraper sur d'autres instruments financiers, comme les prêts notamment du Trésor qui devraient, en revanche, faire plus d'aide au développement qu'aujourd'hui.

S'agissant du ratio grand-risque, la recapitalisation de 2,4 milliards d'euros nous redonne des marges significatives. Je prendrai, en guise d'illustration, un seul exemple : au Maroc, alors que notre engagement annuel s'élevait jusqu'à présent environ 150 millions d'euros par an, la recapitalisation devrait nous faire franchir le seuil annuel de 350 à 450 millions d'euros. Ce saut, en termes de volume, est important et se répercutera en fonction des pays et de leur importance stratégique pour la France.

J'en viens à votre question sur les capacités d'absorption : après les annonces vient le moment nécessaire du décaissement. En Tunisie, où je me suis rendu avec le Premier ministre, certains crédits engagés qui restent à verser s'élèvent à quelque six cent millions d'euros. Avant d'en conduire de nouveaux, il est nécessaire d'assurer le décaissement des financements des projets déjà engagés durant les années précédentes.

Sur les dons, je souhaiterais cependant rectifier une perception que vous pouvez avoir. En effet, on dit souvent que l'AFD fait surtout des prêts et très peu de dons. Lorsque vous additionnez tous nos instruments de dons - crédits européens compris -, l'AFD gère tout de même entre 10 et 15 % de son activité en dons. Au-delà des crédits du programme 209, qui comprend 200 millions d'euros parfois frappés par la régulation budgétaire, l'ensemble des instruments représente un bon milliard d'euros de crédits en dons, y compris grâce à la TTF désormais gérée par l'AFD. C'est moins que je ne le souhaiterais afin d'intervenir beaucoup plus fortement dans les pays les plus pauvres et dans les secteurs sociaux, mais l'AFD est loin d'être dépourvue d'une capacité d'intervention en dons. Nous sommes une agence, qui suit une logique de banque, mais notre activité est celle du développement qui implique des dons.

Sur l'aide liée, je considère que nous exerçons de nombreux mandats pour le compte du Ministère des finances et il n'est pas absurde de penser que la banque publique qui assure le back-office financier pour l'Etat pourrait également le faire pour l'ensemble des instruments qui contribuent à la politique de développement.

Enfin, en réponse à Madame Conway-Mouret, nous transformons en effet l'Agence. Nous le faisons résolument, année après année. A la suite d'une mission de l'Inspection des finances sur notre productivité et notre organisation, le Gouvernement nous a autorisés à embaucher près de huit cent personnes. Pour une maison qui compte 2 500 collaborateurs, une telle perspective induit un changement de taille conséquent. Nous n'avons toujours pas épuisé cette enveloppe que nous gérons de manière extrêmement prudente, afin de garder des charges maîtrisables. En passant de 8 à 13 milliards d'euros, l'AFD est une entreprise qui augmente de près de 60 % son activité, voire plus, lorsque nous aurons atteint l'objectif national de 0,55 %. Nous conduisons ainsi un gros chantier interne, dont nous pourrons, si vous le souhaitez, vous rendre compte, s'agissant notamment de l'évolution de nos ressources humaines. Il n'est de richesses que de femmes et d'hommes et il est important de bénéficier de nombreux experts et de la bonne diversité dans notre Agence, afin d'assumer pleinement le mandat qui nous est confié.

M. Christian Cambon, président. - Merci, Monsieur le directeur général, pour les nombreux éléments que vous venez de nous communiquer. Comme vous le savez, nous sommes très attentifs à la situation d'Expertise France, dont j'ai eu l'honneur de co-rapporter, avec mon ancien collègue, M. Jean-Claude Peyronnet, le texte qui en est à l'origine. J'aurai également une pensée pour notre ancien collègue M. Jacques Berthou qui avait beaucoup travaillé sur cette question. Pourquoi ne pas envisager à terme un rapprochement d'Expertise France et de l'AFD ? Mais laissons peut-être d'abord ce nouvel établissement prendre sa vitesse de croisière afin d'éviter d'en ruiner les perspectives. Monsieur le directeur général, je vous remercie.


* 1 https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-728-notice.html

* 2 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » et 110 « Aide économique et financière au développement ».

* 3 Devant la pression exercée sur les centres d'accueil administrés par le ministère de l'Intérieur, les collectivités territoriales ont créé des places supplémentaires financées sur leurs fonds propres. Les dépenses relatives aux services fournis aux demandeurs (nourriture, hébergement, services juridiques principalement) sont valorisées en APD à partir de 2016 et s'élèvent à 35 M€ (toutefois, seul un petit nombre de collectivités a fourni ces chiffres).

* 4 Liste du partenariat PPP en 2014 et 2015: Bénin, Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Comores, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Tchad, Togo, Sénégal. Pour mémoire, jusqu'en 2013, le Rwanda faisait partie des PPP

* 5 Les C2D visent à rendre la dette de certains pays en développement soutenable : ceux qui ont conclu un tel contrat avec la France remboursent effectivement leurs créances mais les sommes correspondantes lui sont reversées pour financer des projets de développement.

* 6 Est également soutenue par le FED l'AFIF (facilité d'investissement pour l'Afrique), créée en juillet 2015 pour élargir le champ des domaines éligibles au mixage prêts/dons.

* 7 Aucune taxe n'est à ce jour prélevée sur les contrats dérivés non dénoués physiquement.

* 8 Le 8 septembre 2015, devant l'Assemblée générale des Nations unies, le Président de la République avait en effet annoncé que la France allait augmenter progressivement de 4 milliards d'euros ses financements en faveur du développement durable à horizon 2020. Sur ces 4 milliards, 2 milliards seront consacrés à la lutte contre le changement climatique.

* 9 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 10 Sahel : repenser l'aide publique au développement, rapport d'information de M. Henri de RAINCOURT et Mme Hélène CONWAY-MOURET, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, n° 728 (2015-2016) - 29 juin 2016
https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-728-notice.html

* 11 Esther Duflo, « Le développement humain », Seuil, 2010.

* 12 Rapport précité.

* 13 CIVIPOL est l'opérateur du ministère de l'intérieur chargé de la coopération technique internationale. Civipol est détenu à 40,03% par l'Etat, lequel en contrôle indirectement la majorité.

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