II. UN FINANCEMENT DE L'ACCUEIL MATÉRIEL DES DEMANDEURS D'ASILE TOUJOURS INCERTAIN
Depuis 2012, votre commission souligne les efforts de sincérité budgétaire mis en oeuvre par le Gouvernement tout en déplorant toutefois la persistance d'une certaine sous-budgétisation s'agissant des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.
Le projet de loi de finances pour 2017 poursuit cet effort de sincérité. Si les prévisions tendent ainsi à devenir plus réalistes sur certains postes budgétaires comme les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, il est à craindre qu'elles ne demeurent en retrait par rapport à l'exécution pour le financement de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ou de l'allocation pour demandeurs d'asile.
A. LA POURSUITE DE L'UNIFICATION DU DISPOSITIF NATIONAL D'ACCUEIL SUR LE MODÈLE DU CENTRE D'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE
Le projet de loi de finances pour 2017 consacre au financement des centres d'accueil des demandeurs d'asile ( CADA ) 280 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.
Ce montant correspond au financement de plus de 40 000 places pour un coût unitaire journalier de 19,50 €.
L`hébergement d'urgence des demandeurs d'asile ( HUDA ) se voit, pour sa part, doté de 245,76 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 118 millions d'euros en crédits de paiement (CP), la différence entre AE et CP s'expliquant par le lancement d'un appel à projets pour la création de 5 351 places relevant du dispositif AT-SA (Accueil temporaire - Service de l'asile). Ce montant doit financer 21 200 places réparties pour un peu plus de la moitié en places AT-SA 4 ( * ) , le solde consistant en places d'hébergement gérées au niveau déconcentré par les préfets.
Le projet de loi de finances pour 2017 s'inscrit donc pleinement dans le rééquilibrage du parc d'hébergement au profit des CADA engagé par le Gouvernement depuis 2013. Il est également conforme à la volonté désormais inscrite dans la loi d'héberger les demandeurs d'asile de manière prioritaire en logement sur le modèle du CADA plutôt qu'en HUDA.
Dans les faits, l'hébergement des demandeurs d'asile en CADA est loin d'être la norme . En effet, au 31 décembre 2015 , 61 018 personnes étaient susceptibles d'être hébergées en CADA . Or seulement 22 524 l'étaient effectivement, soit un taux de 36,9 %, en baisse par rapport à 2014 (39,4 %). À cette même date, environ 3 800 personnes étaient hébergées en AT-SA et 18 868 personnes en HUDA.
Votre rapporteure déplore incidemment que l'indicateur 1.1 ait été modifié depuis l'an passé de façon à ne plus faire apparaître la part des demandeurs hébergés en CADA alors même que la loi de 2015 en a consacré le principe.
Il résulte de cette situation qu' une part non négligeable des demandeurs d'asile est hébergé soit chez l'habitant, soit plus probablement dans le dispositif d'hébergement d'urgence généraliste porté par le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Ville et logement » - quand les demandeurs d'asile sont effectivement hébergés...
C'est d'ailleurs ce même programme 177 qui finance les centres d'accueil et d'orientation (CAO) que le Gouvernement a multipliés au cours des derniers mois pour héberger les migrants à la suite de l'évacuation des campements parisiens ou du démantèlement de la « jungle » de Calais. D'après les éléments recueillis par votre rapporteure en audition, la raison en serait la lourdeur de la procédure de création de places de CADA, passant par appel d'offres. Ainsi, la simplification opérée par la loi de 2015, qui a consisté à supprimer l'obligation de solliciter l'avis d'une commission de sélection d'appel à projet social ou médico-social qui associe des représentants des usagers, serait encore insuffisante pour permettre la réactivité rendue indispensable par l'afflux des migrants auquel notre pays est confronté.
S'agissant du dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, votre rapporteure s'interroge à nouveau sur le réalisme de la dotation prévue par le projet de loi de finances eu égard à la consommation de crédits sur ce poste au cours des dernières années.
Comparaison entre prévisions en loi de finances et consommation des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile
Année |
Prévision en LFI
|
Exécution
|
Évolution |
2008 |
35,3 |
53,1 |
+ 50,40 % |
2009 |
30 |
72,8 |
+ 142,73 % |
2010 |
29,8 |
110,2 |
+ 269,80 % |
2011 |
40 |
134,3 |
+ 235,78 % |
2012 |
90,9 |
135 |
+ 48,55 % |
2013 |
125 |
150 |
+ 19,99 % |
2014 |
115,4 |
142 |
+ 23,05 % |
2015 |
136 |
135,8 |
-0,15 % |
Source : commission des lois du Sénat à partir des données fournies par la DGEF
Si les crédits dédiés à ce poste (118 millions d'euros) sont en légère augmentation par rapport à ceux prévus en loi de finances initiale pour 2016 (111,5 millions d'euros), ils apparaissent toutefois insuffisants par rapport aux crédits consommés par le passé, quand bien même le nombre de places en CADA aurait augmenté.
* 4 Le dispositif Accueil temporaire - Service de l'asile est géré par la société mixte ADOMA. Il s'agit d'un dispositif national d'hébergement d'urgence dédié aux demandeurs d'asile. Contrairement à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile déconcentré, les demandeurs y bénéficient d'un accompagnement administratif et social.