B. DES PARTENARIATS A PÉRENNISER POUR UNE RÉPONSE EDUCATIVE DIVERSIFIÉE
Au terme du décret du garde des sceaux du 9 juillet 2008 11 ( * ) , relatif à l'organisation du ministère de la justice , la direction de la protection judiciaire de la jeunesse est chargée « de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs et de la concertation entre les institutions intervenant à ce titre ».
La prise en charge pénale par les services de la PJJ ne constitue en effet généralement qu'une étape dans le parcours du mineur. Ainsi, il n'est pas rare qu'une mesure éducative ou de placement prononcée dans un cadre pénal soit précédée ou suivie d'une prise en charge par d'autres acteurs, notamment les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE). De même, toute mesure éducative mise en place dans le cadre pénal n'a d'intérêt que si elle s'attache à favoriser la réinsertion du jeune.
La présentation stratégique du projet annuel de performances du programme 182 pose le renforcement de la concertation entre les institutions intervenant dans le cadre de la justice des mineurs comme un objectif central de l'action de la PJJ en 2017 .
La mise en place d'un réseau étroit de collaboration, tant en amont qu'en aval du prononcé d'une mesure pénale, est en effet la condition à la fois de l'enrichissement des mesures éducatives proposées et d'une continuité du parcours des mineurs.
1. Une articulation avec les départements qui mérite d'être renforcée pour conforter l'inscription de la PJJ dans le champ de la protection de l'enfance
À la suite de la promulgation de la loi 2 mars 2007 relative à la protection de l'enfance, les départements se sont vu confier une compétence exclusive dans le champ de la protection de l'enfance en danger, dans ses dimensions administrative et judiciaire, la PJJ ne conservant à sa charge, dans le secteur civil, que la conduite des mesures d'investigation.
Compte tenu toutefois de leurs rôles respectifs dans la mise en oeuvre de la politique publique de protection de l'enfance, les principes d'un partenariat étroit entre les conseils départementaux et les services de la PJJ ont été définis, afin d'assurer la cohérence des parcours de prise en charge des mineurs . Les modalités de cette concertation sont énoncées dans la circulaire du garde des sceaux du 6 mai 2010, relative au rôle de l'institution judiciaire dans la mise en oeuvre de la réforme de la protection de l'enfance . Y est notamment affirmée la nécessité que « les mineurs bénéficiant d'une prise en charge éducative dans le cadre pénal ne soient pas exclus de l'ensemble des dispositifs concourant à la protection de l'enfance » . L'action menée par la PJJ en matière de prise en charge de l'enfance délinquante ne peut donc se concevoir que dans le cadre plus général de la politique de protection de l'enfance.
À ce titre, les directions territoriales de la PJJ sont invitées à prendre part à l'élaboration du volet « protection de l'enfance » des schémas départementaux d'organisation sociale et médico-sociale . Outre les services de la PJJ, l'ensemble des acteurs intervenant dans le champ de la protection de l'enfance sont associés à ce dispositif, notamment les autorités judiciaires et l'Éducation nationale. Il s'agit de promouvoir une analyse partagée de la politique de protection de l'enfance sur le territoire ainsi que de développer une offre de services cohérente.
Au niveau institutionnel, les services déconcentrés de la PJJ participent aux observatoires départementaux de protection de l'enfance . Institués par la loi du 5 mars 2007, ces instances, placées sous l'autorité du président du conseil départemental, sont chargées du suivi des politiques locales de protection de l'enfance. Aux termes de l'article L. 226-3-1 du code de l'action sociale et des familles, les observatoires ont notamment pour mission d'analyser les données relatives à l'enfance en danger, de suivre la mise en oeuvre du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale, dans le volet concerné, ainsi que de formuler des propositions sur la mise en place de la politique de protection de l'enfance dans le département.
Les directions territoriales de la PJJ sont également représentées au sein des cellules départementales chargées du recueil, de l'analyse et du traitement des informations préoccupantes relatives à la situation des mineurs en danger ou en risque de danger (CRIP) , créées par la loi de 2007 et dont tous les départements se sont à ce jour dotés.
Ces cellules ont un rôle de centralisation, au niveau du département, de toutes les informations susceptibles de laisser craindre qu'un enfant se trouve en situation de danger. Elles en assurent l'évaluation, afin de repérer les situations préoccupantes, ainsi que le traitement, en proposant les mesures à mettre en place pour assurer la protection des enfants. Elles ont la charge de saisir, le cas échéant, le procureur de la République.
En parallèle, les services de la PJJ travaillent en étroite collaboration avec les conseils départementaux dans le cadre de la gouvernance du secteur associatif conjoint (financement mixte par l'État et le département). Les structures associatives intervenant à la fois dans les prises en charge judiciaires civiles et pénales doivent ainsi être autorisées conjointement par le préfet et le président du conseil départemental. La tarification des établissements relevant du secteur conjoint fait également l'objet d'une concertation entre les services de la PJJ et les services départementaux. Enfin, la mise en place de l'audit territorial en 2009 a contribué à renforcer la concertation entre prise en charge civile et pénale.
Les études réalisées sur ces dispositifs de coordination et de concertation concluent à leur mise en oeuvre imparfaite dans la pratique . Si les CRIP ont été créés dans l'ensemble des départements, comme l'imposait la loi de 2007, la mise en place des observatoires départementaux de protection de l'enfance reste partielle. Ainsi, une étude récente réalisée par l'Observatoire nationale de l'enfance en danger (ONED) 12 ( * ) précise que 68 observatoires départementaux étaient effectivement créés en avril 2016. Les services de la protection judiciaire de la jeunesse sont représentés dans 64 d'entre eux, soit un taux de représentation de 91 %.
Comme le relevait par ailleurs le rapport de la Cour des comptes d'octobre 2014, la participation de la PJJ à la définition des schémas départementaux d'organisation sociale et médico-sociale est très inégalitaire, les directions territoriales n'ayant été impliqués dans la définition que de la moitié d'entre eux.
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance contribue à renforcer la gouvernance, au niveau national comme territorial, de la politique publique de protection de l'enfance .
De nouveaux dispositifs de concertation sont prescrits. Est notamment prévue la conclusion d'un protocole entre le président du conseil départemental, le préfet et l'ensemble des institutions concernées pour préparer et mieux accompagner l'accès à l'autonomie des jeunes pris en charge, soit dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, soit dans le cadre pénal.
Elle prévoit par ailleurs l'amélioration de l'évaluation des informations préoccupantes au niveau des CRIP, désormais confiée à une équipe pluridisciplinaire de professionnels.
2. Des partenariats à rénover pour améliorer l'insertion scolaire et professionnelle des mineurs
Dans le cadre de sa politique d'insertion sociale des mineurs, garantie d'une sortie effective de la délinquance, la PJJ s'efforce de développer une politique partenariale étroite avec les institutions d'insertion scolaire et professionnelle.
La note de la DPJJ du 24 février 2016, relative à l'action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les parcours d'insertion scolaire et professionnelle des jeunes confiés , insiste ainsi sur la nécessaire complémentarité des acteurs dans le processus de réinsertion des mineurs sous main de justice, l'action de la PJJ étant par nature « relativement courte et tardive dans les parcours de vie des jeunes qu'elle prend en charge ».
En la matière, la PJJ s'est fixé comme objectif prioritaire de favoriser l'accès aux dispositifs scolaires et professionnels de droit commun. Lorsque la situation du mineur rend une telle solution inaccessible dans l'immédiat, la PJJ s'attache à définir un parcours de prise en charge individualisée, en s'appuyant, le cas échéant, sur les dispositifs alternatifs développés par les acteurs de l'insertion scolaire et professionnelle.
À cette fin, la PJJ collabore notamment avec les services de l'Éducation nationale en vue de favoriser l'accès des mineurs dont elle a la charge à une formation adaptée à leurs besoins et leur réinsertion dans les dispositifs scolaires de droit commun.
À la suite de la signature de la première circulaire de coopération en 1985, le partenariat PJJ-Éducation nationale n'a cessé de s'enrichir, à tous les niveaux territoriaux. Les principes et modalités de cette coopération ont été réaffirmés et précisés dans la circulaire conjointe de la ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et du garde des sceaux, signée le 3 juillet 2015.
La collaboration entre les services de la PJJ et de l'Éducation nationale intervient à plusieurs niveaux.
Suivant le principe d'individualisation des parcours, les deux institutions assurent conjointement l'évaluation de la situation des jeunes sous protection judiciaire, élaborent les stratégies éducatives adaptées à leur réinsertion et en assurent ensemble le suivi.
Si elles privilégient la réintégration des mineurs dans les dispositifs de droit commun, la PJJ et l'Éducation nationale coopèrent dans le développement et le pilotage de dispositifs spécifiques destinés à la prise en charge de mineurs connaissant d'importantes difficultés scolaires ou en situation de rupture avec l'école.
La PJJ participe ainsi activement à l'organisation et à la mise en oeuvre de dispositifs relais (classes, ateliers et internats), qui accueillent des élèves de niveau collège en situation de rejet de l'institution scolaire, voire de déscolarisation. Soumises à une pédagogie adaptée, ces structures proposent un accueil temporaire destiné à remobiliser les jeunes dans la poursuite de leur parcours scolaire et professionnel. La DPJJ, qui participe à l'élaboration du projet pédagogique et éducatif de ces dispositifs, y consacre 69 ETPT.
La PJJ contribue par ailleurs aux plateformes de lutte contre le décrochage scolaire , destinées à accompagner la réorientation des mineurs âgés de plus de 16 ans sortis des circuits scolaires et professionnels et sans diplômes.
Afin d'accompagner les mineurs en situation de rupture avec l'institution scolaire, les services de la PJJ peuvent également aménager des parcours de prise en charge spécifiques, reposant sur différents types de structures (établissements scolaires, unités éducatives d'activités de jour de la PJJ, etc.) et nécessitant une concertation étroite entre les différents acteurs impliqués.
Enfin, les services de la PJJ et de l'Éducation nationale assurent de manière conjointe le maintien en scolarité des mineurs incarcérés ou placés en centre éducatif fermé (CEF). Au terme de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, les mineurs incarcérés, s'ils ne sont pas soumis à une obligation de scolarité, doivent néanmoins suivre une activité à caractère éducatif. Cette prise en charge éducative des mineurs détenus est assurée par l'administration pénitentiaire, l'Éducation nationale et la PJJ. Dans le cadre d'un placement en CEF, les mineurs restent soumis à l'obligation scolaire. Chaque centre se voit assigner un enseignant, chargé, sous l'autorité du directeur, d'organiser les activités scolaires.
Outre son partenariat avec l'Éducation nationale, la PJJ travaille étroitement avec les acteurs de l'insertion professionnelle. Comme l'ont relevé les personnes rencontrées à l'occasion des déplacements, pour des personnes en situation de rupture avec le système scolaire, la réinsertion professionnelle est essentielle pour remobiliser le jeune autour d'un projet de vie.
En lien avec la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère du travail, la PJJ collabore avec les missions locales, aux termes d'une convention de 1994, actuellement en cours de renouvellement. Elle a par exemple participé dans ce cadre à l'expérimentation « Garantie Jeunes ». Ce dispositif offre aux jeunes de 16 à 25 ans, en situation de grande précarité, qui ne sont ni en emploi ni en études, la possibilité de bénéficier d'un parcours actif d'insertion professionnelle, incluant un accompagnement par les missions locales, des périodes d'immersion en entreprise et le versement d'une aide financière.
La PJJ a par ailleurs entamé un processus de rénovation et de renforcement de sa collaboration avec les conseils régionaux, qui se sont vu attribuer, par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, des compétences élargies en matière d'insertion professionnelle et scolaire.
Les DIR de la PJJ participent aux instances de gouvernance régionale en matière de politique de l'emploi et de formation. Elles sont tout d'abord représentées au sein des comités régionaux de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'orientation (CREFOP), chargés des fonctions de diagnostic, d'étude, de suivi et d'évaluation des politiques nécessaires pour assurer la coordination entre les acteurs des politiques d'orientation et de formation professionnelle.
Elles sont par ailleurs impliquées dans la mise en oeuvre du service public régional de l'orientation (SPRO), généralisé, à la suite d'une expérimentation, par la loi du 5 mars 2014.
Elles contribuent enfin à la mise en place, en collaboration avec les autorités régionales, d'actions de formation financées dans le cadre du Fonds social européen. Des conventions ont par exemple été conclues à ce titre avec les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes pour favoriser l'insertion sociale, scolaire et professionnelle des mineurs sous mandat judiciaire.
3. Une politique partenariale active pour diversifier les mesures éducatives
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a conclu des partenariats ciblés afin d'améliorer l'efficacité de son action dans la prise en charge des mineurs délinquants.
L'implication d'acteurs diversifiés lui permet en effet d'enrichir le contenu des mesures éducatives, au profit d'une plus grande individualisation des parcours des mineurs pris en charge .
La DPJJ a développé, en ce sens, un partenariat étroit avec les services de police et de gendarmerie. Outre une concertation régulière en matière de prévention de la délinquance, forces de sécurité et services de la PJJ collaborent, dans le cadre des contrats locaux de sécurité, à la mise en oeuvre de mesures judiciaires, notamment des stages de citoyenneté, des formations civiques ou encore des mesures de réparation pénale.
Un partenariat a ainsi été mis en place en 2011 avec la préfecture de police de Paris. Une première convention, signée en février 2011 entre la DPJJ, la préfecture de police, le parquet de Paris et l'association d'aide pénale (AAPé) fixe les conditions d'organisation de stages de citoyenneté, qui s'adressent aux mineurs primo-délinquants et dont la mise en oeuvre est assurée par les forces de police. La préfecture de police de Paris assure également, depuis mai 2011, la mise en oeuvre de mesures de réparation pénale, principalement à destination de mineurs réitérants ayant commis des actes de violence. Formalisé dans le cadre d'une convention signée en juin 2015, ce dispositif a permis d'accueillir à ce jour 115 mineurs.
Des acteurs privés sont également mobilisés pour participer à l'accueil de mineurs, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de travaux d'intérêt général, de mesures de réparation pénale ou de stages de citoyenneté. À titre d'exemple, neuf accords-cadres ont été signés par le garde des sceaux en janvier 2016 avec la SNCF, ERDF, l'Armée du Salut, Emmaüs, JC Decaux, les Restaurants du Coeur et l'Union des transports publics.
Votre rapporteure ne peut que saluer le renforcement de la politique partenariale de la PJJ, qui contribue à inscrire son action au bénéfice des mineurs dans une politique plus globale de protection de l'enfance .
Dans le cadre de ses déplacements et de ses auditions, elle a néanmoins pu constater que la qualité du partenariat entre les services de la PJJ et les acteurs impliqués est variable et repose encore en partie sur la volonté des personnes en place. Par ailleurs, comme l'ont relevé les fédérations d'associations, il peut être regretté que le SAH, acteur pourtant central dans la prise en charge des mineurs sous mandat pénal, soit insuffisamment impliqué dans ces partenariats.
Plus que la multiplication des dispositifs de coopération, il paraît donc essentiel que les partenariats existants soient portés au niveau institutionnel afin d'en assurer une mise en oeuvre effective.
* 11 Décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008.
* 12 Note d'actualité de l'Observatoire national de la protection de l'enfance dressant un état des lieux de la mise en place des observatoires départementaux de la protection de l'enfance en France (octobre 2016).