N° 145
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME III
TRANSPORTS AÉRIENS
Par Mme Nicole BONNEFOY,
Sénatrice.
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; MM. Alain Fouché, Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Mme Gélita Hoarau, M. Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-François Rapin, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833
Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Rares sont les secteurs qui connaissent d'aussi solides perspectives de croissance au niveau mondial que l'aérien. Les prévisions de trafic sont toujours favorables à long terme, tirées par les besoins de mobilité d'une population sans cesse plus nombreuse. La France possède des atouts incomparables pour capter cette croissance, grâce à son « triple A » : un grand constructeur d'avions, une grande compagnie nationale et le plus grand groupe aéroportuaire du monde.
Toutefois, au cours de l'année écoulée, cette progression s'est faite dans des conditions géopolitiques défavorables marquées par la guerre en Syrie et en Ukraine, ainsi que par les attentats perpétrés au sein de l'Union européenne (France, Danemark, Belgique), en Turquie et en Tunisie.
Dans ce contexte, le redressement du pavillon français, au premier rang d' Air France , est menacé par le contexte sécuritaire. L'accroissement des mesures de sûreté et des coûts associés pèse sur la compétitivité du transport aérien et des aéroports français, avec une augmentation impressionnante des files d'attente dans les aéroports parisiens.
Parallèlement, de nouveaux modèles économiques se développent : si les low cost moyen-courrier restent le principal moteur de croissance, en particulier vers le sud de l'Europe qui bénéficie d'un transfert de trafic touristique, on voit désormais se multiplier les offres de coavionnage, d'avion-taxi et de low-cost long courrier.
Quant à notre industrie aéronautique, elle continue d'enregistrer des succès, mais la pression concurrentielle est de plus en plus forte pour Airbus et les pays émergents font désormais leur entrée par le bas de la gamme. Enfin, l'année 2016 restera marquée par l'accord de Montréal entre les 191 membres de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale, qui prévoit la mise en place inédite d'un mécanisme mondial de compensation des émissions de CO 2 de l'aviation internationale.
C'est à l'aune de ces considérations que votre rapporteure propose d'analyser les crédits consacrés aux transports aériens dans le projet de loi de finances pour 2017. Ils figurent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) qui regroupe les crédits de la navigation aérienne et des opérations de contrôle et de sécurité, ainsi qu'au programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dans les actions 11 et 14 relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.
En ce qui concerne le budget de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), le désendettement s'accélère mais s'accompagne également de nouvelles mesures catégorielles. Du côté de l'aménagement aéroportuaire, la dichotomie entre petites et grandes infrastructures s'accroît, sur fond de privatisation des plus rentables.
Dans un contexte d'assainissement des finances publiques, les crédits relatifs au transport aérien apparaissent cependant relativement préservés. Pour cette raison, et notamment au regard de l'évolution favorable du budget annexe, votre rapporteure pour avis a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Contrairement à la position de sa rapporteure pour avis, votre commission a émis, lors de sa réunion du mercredi 23 novembre 2016, un avis défavorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2017.
I. UN TRAFIC AÉRIEN TOUJOURS ORIENTÉ À LA HAUSSE
A. UNE CROISSANCE TOUJOURS ROBUSTE DU TRAFIC PASSAGER MALGRÉ LES RISQUES GÉOPOLITIQUES ET LES ATTAQUES TERRORISTES
• En 2015, le trafic mondial a atteint 3,5 milliards de passagers (+6,5 % par rapport à 2014) et 6 562 milliards de passagers kilomètres transportés (PKT) , contre 3 038 milliards en 2000, soit plus du double en quinze ans et un taux de croissance annuel moyen de 5,3 %. Cette moyenne recouvre des évolutions très différentes selon les périodes : la stagnation observée en 2001-2003 est consécutive aux attentats du 11 septembre 2001, à la guerre en Irak et à l'épidémie de SRAS ; le trafic a ensuite fortement repris jusqu'en 2008 puis a marqué une pause tout au long de l'année 2009 en raison de la crise économique, avant de repartir à la hausse depuis 2010.
Lorsque l'on raisonne par zones géographiques , on constate également des évolutions divergentes. La croissance du trafic profite surtout aux compagnies des pays émergents , notamment au Moyen-Orient (+12,9 % par an depuis 2000) et en Asie (+9,3 % par an). On observe une évolution beaucoup plus faible en Amérique du Nord (+1,3 % par an), où le marché est depuis longtemps plus mature que dans les autres régions du monde. En Europe, le trafic aérien croît légèrement plus que la moyenne mondiale (+6,1 % par an), en dépit du développement des réseaux ferrés à grande vitesse en France, Allemagne, Espagne et Italie, qui pèse sur le dynamisme du trafic intérieur.
En ce qui concerne plus précisément le continent européen , il représente 27 % du trafic mondial en 2015, avec 1 765 milliards de PKT et 928 millions de passagers : il arrive au deuxième rang mondial derrière l'Asie (32%). La part du trafic international est largement prépondérante (les 3/4 en nombre de passagers, les 7/8 en PKT). Les croissances de trafic les plus fortes sont observées en Turquie (+6,8%), en Espagne (+3,3%) et au Royaume-Uni (+2,4%). Les chutes de trafics se situent en Norvège (-2,5%) et à la frontière Russe dans les zones de conflits comme l'Ukraine (-33%).
Quant au trafic aérien en France métropolitaine, il a connu une croissance annuelle moyenne de 2,7 % entre 2000 et 2015 . Cette croissance est uniquement due au trafic international (+4,2 % en 2015) qui regroupe 80 % des passagers en France, puisque le trafic intérieur a connu une forte baisse depuis son apogée de 2000 (26,9 millions de passagers) jusqu'au niveau de 2010 (21,7 millions), en raison de la mise en service du TGV Méditerranée en 2001 et du TGV Est en 2007. Le trafic intérieur s'était cependant redressé en 2011-2012 grâce au développement des lignes transversales favorisé par les compagnies à bas coûts (28,6 % de parts de marché en métropole), avant de diminuer de 2,3 % en 2014 en raison de la grève d'Air France au mois de septembre : la légère reprise en 2015 (+0,9 %) est essentiellement due à un effet de rattrapage consécutif à cette grève.
Au total, le transport aérien français enregistre en 2015 une hausse de 3,6 % du nombre de passagers transportés (145,5 millions) due notamment à la légère baisse du prix du transport aérien (-0,6%) en raison de la baisse du prix du pétrole, et à une légère reprise de l'activité économique en France (hausse du PIB de 1,1% en 2015). Elle recouvre également deux effets qui se compensent : le rattrapage de la grève Air France (+1 million de passagers) et l'effet des attentats du 13 novembre 2015 (-1 million de passagers). Le marché asiatique est le plus affecté par les attentats : il a enregistré une baisse significative de son trafic en fin d'année (-2,6% en novembre et -6,7% en décembre 2015 par rapport aux mêmes mois de 2014) avec un impact particulièrement marqué pour le Japon (-34% en décembre). Les attentats ont également nui au trafic à destination de l'Afrique du Nord (-3,1 % en 2015), qui recule sensiblement vers le Maroc et la Tunisie.
En revanche, le nombre de mouvements d'avions croît plus modérément (+1,5 % en 2015), ce qui s'explique par l'augmentation de la taille des appareils utilisés et, surtout, un meilleur taux de remplissage sur certaines lignes (ce taux est de 80% en moyenne au niveau mondial). Les compagnies aériennes ajustent leurs programmes de vol avec une meilleure réactivité, pour s'adapter au marché et capter de nouveaux clients.
TRAFIC DE LA MÉTROPOLE EN 2015 (EN MILLIONS DE PASSAGERS)
2015 |
Évolution / 2014 |
|
Intérieur Métropole |
24 |
+1,0% |
Métropole-DOM/COM |
3,8 |
+0,1 % |
International |
117,7 |
+4,2 % |
dont UE |
67,5 |
+5,9 % |
Total |
145,5 |
+3,6 % |
Source : DGAC
• Selon l'Association internationale du transport aérien ( International Air Transport Association ou IATA ), le trafic aérien mondial de passagers devrait croître de 6,2% en 2016 . Les prévisions par grande zone géographique sont les suivantes : +11,2 % au Moyen-Orient, +8,5 % en Asie-Pacifique, +4,9% en Europe, + 4,5% en Afrique, +4,2 % en Amérique latine et +4 % en Amérique du Nord. Dans ses dernières analyses d'août 2016, IATA indique que la demande dans l'industrie du voyage augmente à un rythme plus lent compte tenu du contexte économique fragile et incertain, des bouleversements politiques et des attaques terroristes.
Au niveau européen, Eurocontrol prévoit une croissance de 2,4 % des mouvements d'avion en 2016, et de 2,1 % en 2017. Les croissances les plus fortes se trouvent désormais à l'ouest du continent (+6,7% en Espagne, +5,9% au Portugal). Jusqu'en 2019, Eurocontrol prévoit un taux annuel moyen de croissance des mouvements d'avions de 2,3 % pour l'ensemble de ses membres.
Enfin, il est prévu que le trafic aérien de passagers maintienne sa croissance en France métropolitaine, autour de 3,7 % en 2016 avec une relative stabilité du nombre de mouvements d'avions (+2,2 % en 2016 et +2 % en 2017). Ces prévisions n'incluent cependant ni les effets de l'attentat de Nice ni ceux du Brexit, dont les conséquences à moyen-terme restent difficiles à estimer.