N° 145
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME II
PRÉVENTION DES RISQUES
Par M. Pierre MÉDEVIELLE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Guillaume Arnell, Pierre Camani, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Filleul, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet , vice-présidents ; MM. Alain Fouché, Jean-François Longeot, Gérard Miquel , secrétaires ; MM. Claude Bérit-Débat, Jérôme Bignon, Mme Annick Billon, M. Jean Bizet, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Patrick Chaize, Jacques Cornano, Michel Fontaine, Mme Gélita Hoarau, M. Benoît Huré, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Claude Leroy, Philippe Madrelle, Didier Mandelli, Jean-François Mayet, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Cyril Pellevat, Hervé Poher, David Rachline, Michel Raison, Jean-François Rapin, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833
Sénat : 139 et 140 à 146 (2016-2017)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le présent avis porte sur les crédits de deux programmes au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :
- le programme 181 « Prévention des risques » ;
- le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » .
Les crédits du programme 170 « Météorologie », jusqu'alors retracés dans le présent avis, ont été transférés dans le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » dans la nouvelle maquette budgétaire du projet de loi de finances pour 2017 et le programme 170 a donc été supprimé.
Ces deux programmes représentent environ 2,5 milliards d'euros , soit 26% du total des crédits de la mission .
À l'échelle de la mission, les crédits pour 2017 augmentent de plus de 5% par rapport à l'année dernière, mais cette hausse substantielle ne s'explique pas par un renforcement des moyens mis au service des politiques portées par le ministère de l'écologie : la budgétisation en année pleine des dépenses du programme 345 « Service public de l'énergie », qui regroupe les dépenses relatives à la péréquation tarifaire pour les zones non-interconnectées, les tarifs sociaux du gaz et de l'électricité, le soutien à la cogénération et le budget du Médiateur de l'énergie. Ainsi, si l'on raisonne à périmètre constant sur la mission par rapport à l'année dernière, l'augmentation n'est que de 0,9%.
À l'échelle du programme 181, votre rapporteur pour avis retrouve la même situation et regrette l'absence de dynamique insufflée à la politique de prévention des risques . En effet, la satisfaction du quasi-achèvement de l'élaboration et de l'adoption des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est minorée, cette année encore, par la faiblesse des moyens dédiés à la sûreté nucléaire , et notamment à l'opérateur responsable, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) , qui, malgré une augmentation de sa masse salariale, ne pourra vraisemblablement pas faire face aux échéances capitales qui l'attendent et dont les enjeux devraient être ultra-prioritaires.
Votre rapporteur pour avis s'inquiète également des moyens humains de l' Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) , dont les missions ne cessent de s'étendre notamment dans le domaine du contrôle des produits réglementés, comme récemment avec la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
*
* *
Lors de sa réunion du 9 novembre 2016, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 181 « Prévention des risques » et 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2017.
I. LE PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES »
A. PÉRIMÈTRE ET CRÉDITS POUR 2017
1. Des crédits dédiés à la gestion d'enjeux majeurs
a) Le programme 181 répond à des exigences de sécurité et de santé publiques et de protection de l'environnement
Le programme 181 rassemble les crédits liés à la prévention des risques naturels, technologiques ou des risques pour la santé d'origine environnementale. Ces crédits, qui s'élèvent à 229,62 millions d'euros pour 2017 , ne représentent qu'un très faible pourcentage de la mission Écologie (2,4% seulement).
Ces crédits doivent permettre à l'État, non seulement de gérer, mais aussi de connaître, d'évaluer, de prévoir et de prévenir :
- les risques industriels et les pollutions chimiques, biologiques, sonores, électromagnétiques, lumineuses, radioactives ;
- les risques naturels, c'est-à-dire principalement en France les inondations et la sécurité des ouvrages hydrauliques ;
- les sols pollués ;
- les déchets (sous l'angle prévention, valorisation et traitement) ;
- les risques que présentent les organismes génétiquement modifiés (OGM) pour la santé et l'environnement.
Les crédits de cette enveloppe budgétaire sont donc fondamentaux à plus d'un titre : ils constituent un impératif de sécurité publique, de santé publique et de protection de l'environnement .
b) Quatre actions portées par un fil directeur : gérer des risques de plus en plus complexes, avérés ou potentiels, et protéger les populations et l'environnement
Le programme 181 est décliné en quatre actions .
L'action n°1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » est l'action la plus dotée financièrement du programme. Avec 104,68 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 89,45 millions en crédits de paiement (CP) , cette action représente 43,6% des crédits du programme . Les objectifs sont de :
- prévenir les risques et pollutions générés par les installations industrielles et agricoles (principalement à travers la législation ICPE) et traiter les sites pollués à responsable défaillant ;
- élaborer les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) afin de maîtriser l'urbanisation autour des installations sensibles ;
- maîtriser les effets des produits chimiques et des déchets sur l'environnement et la santé ;
- anticiper les « risques émergents » (OGM, champs électromagnétiques, nanotechnologies).
Pour réaliser ces objectifs, ces crédits servent à décliner les plans nationaux suivants :
- le programme de mise en oeuvre des PPRT du 31 mars 2016 : le coût des PPRT est évalué à 6 millions d'euros en AE et 4,6 millions en CP pour 2017 ; 394 PPRT sont prescrits et 348 sont approuvés au 1 er août 2016 (le coût moyen d'élaboration d'un PPRT est estimé à 70 000 euros) ;
- le programme stratégique 2014-2017 des installations classées 1 ( * ) ;
- le plan de modernisation et de maîtrise du vieillissement des installations industrielles ;
- le plan de prévention des endommagements de réseaux ;
- les feuilles de route des conférences environnementales ,
- le troisième plan national Santé-Environnement 2015-2019 (un budget global d'environ 2,1 millions d'euros pour cette thématique au sein du programme comprenant le fonctionnement du Haut Conseil des biotechnologies et ses études, des crédits transférés aux régions pour les PRSE3 2 ( * ) , des crédits pour le plan national d'actions sur la qualité de l'air intérieur ) ;
- la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ;
- le plan déchets 2014-2020 (qui inclura le plan national de prévention des déchets).
Votre rapporteur pour avis se réjouit de la signature, le 27 octobre 2016, d'un des plus importants PPRT de France, celui de la zone industrielle et portuaire du Havre, qui concerne 16 sites industriels classés « Seveso seuil haut » et plus de 300 habitations.
FONCTIONNEMENT DE L'INSPECTION DES INSTALLATIONS CLASSÉES Les décisions s'appliquant aux installations classées sont dans la très grande majorité des décisions individuelles prises sous l'autorité du Ministère en charge de l'environnement, par le Préfet de département, assisté des services de l'inspection des installations classées . L'inspection des installations classées est chargée de l'instruction des demandes d'autorisation et d'enregistrement de nouvelles installations ou pour les installations existantes de demande d'extension et de modification . Les inspecteurs proposent au Préfet un projet d'arrêté en fonction des divers avis exprimés lors de la consultation du public (enquête publique pour le régime d'autorisation) et des consultations locales, des réglementations nationales et des conditions particulières de l'environnement local. Les inspecteurs sont ensuite chargés de surveiller ces installations et de contrôler le respect des prescriptions techniques imposées aux exploitants. Ils interviennent également en cas de plainte, d'accident ou d'incident et proposent au Préfet toutes les mesures nécessaires en cas d'infraction. L'organisation et le pilotage de l'inspection des installations classées sont assurés par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du Ministère en charge de l'environnement . À la suite de la catastrophe d'AZF, il avait été décidé de créer dix pôles spécialisés dans les risques accidentels au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), pouvant assurer des missions inter-régionales voire nationales et travaillant en réseau sous l'égide de la DGPR. Un rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable réalisé en 2015 confirmait l'intérêt technique du dispositif mais recommandait des évolutions du fait de la création des nouvelles régions. Un nouveau dispositif est ainsi en place depuis 2016 au sein des DREAL : des référents techniques spécialisés sur une thématique ont été désignés par la DGPR et assurent des missions nationales. Le budget global de l'animation et du suivi de l'inspection des installations relevant du programme 181 devrait s'élever à environ 5 millions d'euros en 2016. Les crédits prévus pour 2017 sont en baisse avec 4,1 millions d'euros. |
Source : Réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire transmis par le rapporteur
Concernant la mise en oeuvre des réglementations sur les produits chimiques et l'impact des produits et déchets, le budget global alloué représente 1,05 million d'euros (AE=CP) avec 600 000 euros consacrés à l'évaluation des produits et substances chimiques et 450 000 euros pour la prévention et le recyclage des déchets.
En 2017, 1 958 ETPT seront consacrés à cette action n°1, portés par « l'action miroir » n°16 du programme 217.
L'action n°9 « Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection », représente 24,1% des crédits du programme avec 57,8 millions d'euros en AE et 62,8 millions d'euros en CP . Depuis la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, le contrôle de la sûreté nucléaire est sous la responsabilité de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) .
Les missions de l'ASN s'exercent dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action n° 9 du programme 181 : le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L'objectif de cette action est de garantir que les responsables d'activités civiles nucléaires ou à risques radiologiques assurent un haut niveau de protection des personnes et de l'environnement.
L'action n°10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » vise à assurer la sécurité des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles. Ses crédits représentent 16,6% du programme avec environ 40 millions d'euros .
Cette action s'appuie sur :
- la règlementation par les plans de prévention des risques naturels (PPRN) ;
- les programmes d'action et de prévention des inondations (PAPI),
- les plans grands fleuves ;
- le plan de submersion rapide (PSR), qui a prévu sur six ans le confortement de 1 200 km de digues ;
- le plan séismes Antilles 3 ( * ) ;
- la prévision des crues et l'hydrométrie ;
- le renforcement du contrôle de la sécurité des barrages et grands ouvrages hydrauliques ;
- le développement de la culture du risque ;
- le plan national cavités : arrivé à son terme, ce plan (2013-2015) a permis de mettre en oeuvre un certain nombre d'actions et sa dynamique se poursuit avec la réalisation d'inventaires départementaux élaborés avec l'appui des opérateurs scientifiques comme l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'Institut français des sciences et technologies des transports (IFSTTAR) ou encore le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ;
- les suites immédiates des sinistres causés par des phénomènes naturels.
Pour 2017, 1 255 ETPT seront consacrés à cette action. Ces effectifs sont portés par l'action miroir n°16 du programme 217.
Enfin, l'action n°11 « Gestion de l'après-mines et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites » représente 15,8% des crédits du programme, soit environ 38 millions d'euros .
Via cette action, il s'agit pour l'État d'identifier, de cartographier les sites à risques, les porter à la connaissance des communes concernées, mettre en oeuvre les plans de prévention des risques miniers , gérer la procédure de travaux de mise en sécurité des sites miniers (notamment sur les concessions dites « orphelines » où l'exploitant a disparu sans réaliser les mesures de sécurisation de l'ouvrage), indemniser en cas de survenance d'un sinistre.
35 ETPT seront consacrés à cette action en 2017, effectifs là aussi portés par l'action n°16 du programme 217.
Le programme 181 comprend les subventions pour charges de service public de six opérateurs , pour lesquelles autorisations d'engagement et crédits de paiement sont identiques :
- l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) : environ 28 millions d'euros ;
- le GIP GEODERIS (groupement d'intérêt public INERIS/BRGM) : 6,4 millions d'euros ;
- l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) : 7 millions d'euros ;
- le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : environ 25 millions d'euros ;
- l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) : environ 1,8 million d'euros ;
- l'Office national des forêts (ONF) : environ 3,3 millions d'euros.
2. En 2017, des crédits en baisse en AE et en hausse en CP
Les crédits du programme 181 sont en baisse de 40 millions d'euros environ en autorisations d'engagement , soit une diminution de 15% par rapport à la loi de finances pour 2016, mais ils augmentent de plus de 8 millions d'euros en crédits de paiement (+3,8%).
CRÉDITS DU PROGRAMME 181
Autorisations d'engagement (AE) |
Crédits de paiement (CP) |
|||||
LFI 2016 (crédits votés) |
PLF 2017 (crédits demandés) |
Variation (%) |
LFI 2016 (crédits votés) |
PLF 2017 (crédits demandés) |
Variation (%) |
|
Action 1 Prévention des risques technologiques et des pollutions |
150,34 |
104,68 |
-30,37% |
83,94 |
89,45 |
+6,6% |
Action 9 Contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection |
54,86 |
57,8 |
+5,36% |
59,88 |
62,8 |
+4,9% |
Action 10 Prévention des risques naturels et hydrauliques |
38,67 |
39,82 |
-2% |
38,67 |
39,47 |
+2% |
Action 11 Gestion de l'après-mines et travaux de mise en sécurité, indemnisations et expropriations sur les sites |
38,7 |
37,9 |
-2% |
38,7 |
37,9 |
-2% |
Total |
282,57 |
240,2 |
-15% |
221,18 |
229,62 |
+3,8% |
(en millions d'euros) - Source : PAP - PLF 2017
Cette évolution est liée essentiellement au réajustement des dotations consacrées aux plans de prévention des risques technologiques (PPRT) qui prend en compte le recalage des besoins.
* 1 En 2015, près de 20 000 visites d'inspection ont été réalisées, dont 10 000 visites d'inspection approfondie.
* 2 Plans régionaux santé-environnement.
* 3 Ce plan a été créé en 2007 pour une durée de 30 ans. La deuxième phase de ce plan (2016-2020) prévoit l'engagement global de 450 millions d'euros de la part de l'État en soutien des collectivités pour conforter ou reconstruire 120 établissements scolaires, une quinzaine de casernes de pompiers et près de 3 000 logements sociaux.