TRAVAUX DE LA COMMISSION
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Audition de M. Jean-Marc
Todeschini,
secrétaire d'État auprès du ministre de la
défense,
chargé des anciens combattants et de la
mémoire
M. Alain Milon , président . - Je remercie notre ancien collègue Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire, de venir nous présenter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » prévus dans le projet de loi de finances pour 2017. L'Assemblée nationale examinera demain cette mission, à laquelle sont rattachés trois articles. Quelles sont les grandes lignes de ce budget ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire . - J'assume les priorités et les choix politiques qui transparaissent dans ce budget. J'ai d'abord souhaité maintenir l'ensemble des droits des anciens combattants : aucun dispositif n'est remis en cause, et certains des plus importants sont même renforcés. J'ai voulu répondre aux attentes du monde combattant et aux revendications des associations, avec le souci de conduire une action juste, sociale, volontariste et responsable, qui s'inscrive avec cohérence dans la politique de reconnaissance, de réparation et de reconnaissance que nous menons depuis 2012. Bien sûr, les contraintes budgétaires se sont aussi imposées à nous, et les crédits de la mission qui me concerne baissent de 2,6 % en 2017 - deux fois moins que l'an passé, où ils avaient diminué de 4,9 % - ce qui représente la contribution de mon ministère au rétablissement des comptes publics. Ils s'élèvent à 2,445 milliards d'euros. Comme le nombre de bénéficiaires diminue dans le même temps d'environ 60 000, cette baisse n'est pas forcément très sensible. Mon budget n'est donc pas à la diète, puisque le montant moyen des pensions servies aux bénéficiaires de la dette viagère augmente significativement.
De plus, le PLF intègre quatre mesures de revalorisation et d'équité sociale. Il concentre l'action de mon ministère sur les anciens combattants. La retraite du combattant sera revalorisée de quatre points, dont deux dès le 1 er janvier. La valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) augmentera en 2017 de 3 %. En tout, la retraite du combattant connaîtra donc une hausse de 11 % en un an, passant de 674 euros à plus de 700 euros le 1 er janvier, et plus de 750 euros au 31 décembre 2017. C'est une bonne nouvelle pour le monde combattant. La cohérence nous imposait de prendre les années précédentes des mesures de justice et d'équité envers les plus démunis avant de trancher en faveur d'une hausse générale concernant toutes les générations du feu - qui méritent toutes la même attention.
Pour les harkis, leurs conjoints et leurs ex-conjoints survivants, l'allocation de reconnaissance sera augmentée de 100 euros par an, dans le prolongement du plan annoncé par le Premier ministre en 2014, qui prévoyait déjà une revalorisation de 167 euros en 2015. En moins de deux ans, le montant de cette allocation a donc augmenté de 8 %. Cette hausse s'ajoute, pour les harkis, à celle de la retraite du combattant, qu'ils perçoivent également. La journée nationale du 25 septembre dernier a donné l'occasion au Président de la République de renouveler le témoignage de notre reconnaissance pour les harkis et d'affirmer la responsabilité de la France envers eux.
J'ai tenu à ce qu'un effort financier conséquent soit fait en faveur des plus démunis. Les moyens de la politique sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac) sont ainsi accrus d'un million d'euros, ce qui porte l'augmentation de cette aide à 31 % depuis 2012. Nous refondons parallèlement l'action sociale de l'Onac, avec notamment le remplacement de l'aide différentielle au conjoint survivant (ADCS), qui présentait un fort risque juridique. Le Parlement a récemment reçu un rapport relatif à l'évolution de cette politique : il semblerait, selon les données du premier semestre 2016, que 25 % des veuves ont perçu plus que dans l'ancien système.
La réaction de l'État a été immédiate après les attentats de 2015 pour mobiliser ressources nouvelles et dispositifs existants afin de conduire une politique de réparation et de reconnaissance en faveur des victimes d'actes terroristes, qui sont considérées depuis 1990 comme des victimes de guerre et sont, à ce titre, ressortissantes de l'Onac. En 2016, 74 personnes ont été adoptées par la Nation en qualité de pupilles, ce qui leur offre un soutien matériel et moral et une protection à vie. Sur le long terme, l'Onac accompagne plus de 2 000 victimes ou familles de victimes d'actes terroristes. Je regrette que certains attisent la concurrence des mémoires à l'occasion de la création de la médaille d'hommage aux victimes du terrorisme.
Ce budget confirme l'attention que nous portons aux soldats de retour d'Opex. Les critères d'obtention de la carte du combattant sont élargis : il faut désormais 120 jours de présence sur un théâtre d'opération. Depuis le 1 er octobre 2015, 24 300 cartes ont été distribuées dans ce cadre. Nous supprimons la condition d'âge pour l'octroi du supplément par enfant à charge au conjoint ou partenaire survivant. Une centaine de bénéficiaires sont concernés, pour une enveloppe de 130 000 euros. C'est une mesure d'équité, car la condition d'âge n'avait aucun fondement.
La construction d'un monument en hommage aux combattants morts en Opex a été décidée il y a des années. Place Vauban, le voisinage a signifié son refus, ce qui a bouleversé le calendrier. Il sera finalement érigé dans le parc André Citroën, tout près de Balard. Le concours a été lancé il y a deux semaines et son jury rassemblera des personnalités éminentes - l'historien Pierre Nora, le sculpteur Giuseppe Penone, l'architecte Philippe Prost -, des associations, la Mairie de Paris et celle du 15 ème arrondissement. Le choix du candidat sera annoncé fin février et les travaux pourront être lancés, je l'espère, en présence du Président de la République, à la fin du premier trimestre.
L'Onac fête son centenaire cette année. Le 11 novembre prochain sera l'occasion de rappeler le coeur de ses missions et sa capacité à s'adapter à l'évolution du monde combattant. Je sais les parlementaires attachés à ses services départementaux. Le transfert de ses établissements médico-sociaux sera fait en lien avec les ARS et les services départementaux, dans le respect du délai fixé par la loi de finances pour 2016, c'est-à-dire avant le 31 décembre prochain pour les écoles de reconversion professionnelles (ERP) et le 31 décembre 2017 pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
L'Institution nationale des Invalides (INI) a été mon premier dossier. J'en ai reçu tous les acteurs et cette institution est désormais pérennisée. Outre les 12,1 millions d'euros de crédits de fonctionnement qui lui sont alloués, le budget pour 2017 prévoit une dotation exceptionnelle de 5 millions d'euros pour le lancement des travaux de rénovation.
Enfin, j'ai décidé de maintenir à 22,2 millions d'euros les moyens de la politique de mémoire. En 2017, nous poursuivrons la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale, et préparerons les commémorations de 2018. Il s'agit aussi de transmettre la mémoire aux jeunes et de mobiliser les ressources numériques. La valorisation de nos lieux de mémoire n'est pas délaissée, avec une approche patrimoniale des sites, en partenariat avec les collectivités territoriales. Nous finançons aussi de nombreux déplacements scolaires. Malgré la fin des commémorations liées au soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, sa mémoire ne passe pas aux oubliettes : j'ai effectué la semaine dernière deux déplacements qui lui sont liés et le mémorial du mont Faron rénové sera inauguré à la fin du premier trimestre 2017, comme le Président de la République l'avait annoncé le 15 août 2014. J'ai décidé que l'État rachèterait l'auberge qui fait face à l'entrée du Struthof, avec le concours de la région Grand Est.
Le budget consacré aux sépultures de guerre et aux lieux de mémoire s'élèvera à 14,9 millions d'euros en 2017, dont 1,91 million d'euros consacrés au tourisme de mémoire, soit une augmentation de 16 %.
M. Jean-Baptiste Lemoyne , rapporteur pour avis . - Nous nous réjouissons que plusieurs propositions du Sénat aient trouvé une traduction dans ce projet de budget. En particulier, je salue l'augmentation de la retraite du combattant, même si elle se fera en deux temps. Nous arrivons au terme d'un cycle de cinq ans et si le bilan est positif par plusieurs aspects - création de la carte du combattant pour les Opex, carte à cheval - certains dispositifs doivent être améliorés et d'autres faire l'objet d'un suivi. Par exemple, les délais d'attribution des PMI ont reculé mais restent significatifs. Comment comptez-vous renforcer l'efficacité du traitement des dossiers ? Si la loi étend désormais le public concerné par la campagne double, des blocages subsistent dans son attribution : allez-vous les lever ? Nous avons décidé, l'an dernier, de revaloriser la pension des conjoints survivants des grands invalides. La consommation des 1,9 million d'euros prévus à ce titre est faible, puisque moins de dix bénéficiaires se sont signalés. Allez-vous affecter le reliquat de telle manière à ce que les veuves concernées se voient garantir un niveau de pension suffisant pour sortir de la pauvreté ? La suppression de l'ADCS avait suscité de l'émoi dans le milieu associatif. Les parties prenantes se sont-elles approprié cette réforme ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État . - J'aimerais faire une mise au point sur le dossier des harkis blancs. Le 20 mars 2013, le Conseil d'État a tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 4 février 2011 abrogeant les dispositions qui réservaient l'allocation de reconnaissance aux seuls supplétifs de statut civil de droit local, ce qui ouvrait le bénéfice de cette allocation, sous certaines conditions, aux supplétifs sous statut civil de droit commun. Comme environ 9 000 personnes étaient concernées, le coût estimé de cette modification, sur la base d'un capital unique de 30 000 euros, atteignait 270 millions d'euros. Le législateur avait de manière constante réservé ce dispositif aux anciens harkis issus d'Afrique du Nord, pour lesquels les conditions d'accueil furent très difficiles et qui n'ont pas bénéficié des mesures en faveur des rapatriés - contrairement aux harkis blancs. L'article 52 de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019 a rétabli la condition d'appartenance à la population civile de droit local, ce qui a été validé par le Conseil d'État. Le 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a censuré non la mesure elle-même mais sa rétroactivité. Il y a cinq contentieux en cours concernant des demandes déposées entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013, qui font courir à l'État un risque financier de 150 000 euros.
L'an passé, le Parlement avait voté, sur ma proposition, l'ouverture du bénéfice de la campagne double à ceux qui avaient liquidé leur pension de retraite avant 1999, ce qui était une mesure d'équité. Hélas, la rédaction du Conseil d'État a exclu de cette mesure, non les fonctionnaires, mais les ressortissants des régimes assimilés. Il faut corriger cela - 5 500 personnes sont concernées. Comme il n'y a pas eu de loi de finances rectificative cette année, nous le faisons à l'article 34 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017. J'avais été alerté par les syndicats à ce sujet : ils doivent encourager les personnes intéressées à déposer un dossier car c'est la date du dépôt qui sera prise en compte. Les critères n'ont pas changé. Il ne s'agit que de réparer une injustice entre ceux qui avaient pris leur retraite avant 1999 et ceux qui l'avaient fait après.
Les pensions des conjoints survivants ne sont pas les grandes oubliées. Depuis quatre ans, mon prédécesseur Kader Arif les a revalorisées. J'ai ramené de 15 ans à 5 ans - avec des mesures de lissage - la durée pendant laquelle les conjoints doivent avoir pris soin d'un grand invalide pour pouvoir bénéficier d'une majoration spécifique. Comme cette mesure n'est en vigueur que depuis le 1 er juillet, il est peut-être un peu tôt pour faire le bilan. J'espère que les associations feront la publicité de cette mesure. Quoi qu'il en soit, ces pensions bénéficient de la revalorisation du point PMI de 3 %. Si besoin, leurs bénéficiaires peuvent faire appel à l'aide sociale de l'Onac, dont j'ai augmenté les crédits d'un million d'euros.
L'évaluation de la suppression de l'aide différentielle au conjoint survivant pour le premier semestre révèle que 25 % des veuves ont touché davantage que sous l'ancien système. Certains départements ont mis en place des lissages, des correctifs ou des versements complémentaires. Pour l'heure, nul ne m'a signalé de grosses difficultés. Certes, le montant de l'aide peut baisser, par exemple en cas de déménagement. Mais nous prenons désormais en compte toutes les dépenses. Je sais que les associations suivent ce dossier avec attention. De plus, je tiens à souligner le caractère subsidiaire de l'aide sociale de l'Onac, qui ne doit pas se substituer au droit commun.
Les délais d'étude des dossiers PMI atteignent 350 jours, en effet, en raison d'un stock réapparu avec la réouverture, en Afrique du Nord, de la forclusion. Le contrôle de l'état civil et le traitement de ces dossiers sont complexes. Aussi avons-nous renforcé les moyens, en Afrique du Nord, des services de l'Onac, tout en anticipant l'afflux de dossiers de victimes d'attentats. Nous menons aussi des travaux d'infrastructure pour rapprocher physiquement les différents services, nous augmentons le nombre d'agents et essayons d'optimiser l'expertise médicale, qui reste indispensable.
M. Jean-Marie Morisset . - Vous avez pu constater samedi dernier dans les Deux-Sèvres, monsieur le ministre, que les anciens combattants répondent toujours « présent ! » dès lors qu'on les rassemble autour de leur mémoire. Ils sont satisfaits de plusieurs des mesures que vous avez prises et notamment de la revalorisation. Restent les contentieux : la campagne double ne s'applique qu'à la demande de l'intéressé. Il faudrait aussi en revoir certaines conditions.
La demi-part fiscale, pour laquelle l'âge requis a été abaissé de 75 à 74 ans, est une bonne mesure. Certaines veuves concernées s'interrogent néanmoins sur sa mise en oeuvre.
Le rapport adressé au Parlement contient des informations intéressantes sur la suppression de l'ADCS. Le problème vient de l'absence d'harmonisation entre départements. Si 25 % des allocataires ont vu leur aide augmenter, les 75 % restants l'ont vue diminuer...
Le décret de 2000 a institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Pourquoi les pupilles de la Nation ne pourraient-elles en bénéficier dans les cas de faits de guerre ? Je le sais, vous estimez que ce n'est pas forcément une bonne idée. Mais avez-vous tout de même l'intention de reprendre ce dossier ?
Gardons le contact avec nos anciens combattants dans des structures départementales. Le monde des anciens combattants a toujours des craintes à ce sujet, notamment dans le contexte actuel de régionalisation.
M. Dominique Watrin . - Nous avons noté les avancées indiscutables figurant dans le PLF pour 2017. Des questions demeurent cependant.
Il est important de connaître l'impact de la suppression de l'ADCS. Vous en tirez un bilan positif en mettant en avant le recentrage des dispositifs en faveur des anciens combattants et le fait que les conjoints ne seraient pas lésés.
A l'annexe 9 de votre rapport, on relève toutefois, pour les 9 228 dossiers traités en juin 2016, une baisse du montant moyen des aides sociales pour les conjoints survivants. Quand disposerons-nous du bilan définitif pour l'année 2016 ?
Par arrêté du 17 décembre 2015, vous avez acté une recomposition du deuxième collège du conseil d'administration de l'Onac pour des considérations démographiques et afin d'établir une meilleure représentativité des différentes générations du feu. Les membres du collège au titre du conflit de 1939-1945, de l'Indochine et de Corée ne sont plus que trois. Le problème vient de l'absence de représentation des déportés dans cette structure. Vous m'aviez indiqué qu'un appel à candidature avait été lancé et qu'aucun des acteurs pressentis n'avait répondu.
La Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) avait pourtant présenté un candidat, un ancien président de la Fédération mondiale des anciens combattants. Certes, le cinquième collège comprenait un représentant de la déportation au titre de la Fondation pour la mémoire de la déportation mais celui-ci a démissionné depuis. Je connais les problèmes d'âge et de santé des personnes concernées mais la FNDIRP nous assure qu'elle est en mesure de se faire représenter. Pourquoi ne pas chercher une solution permettant d'assurer la présence des déportés dans le deuxième collège ?
M. Olivier Cigolotti . - La mesure phare est bien la revalorisation de la retraite du combattant, qui concerne plus d'un million de personnes, représentant toutes les générations du feu. La retraite augmentera de 674 à 750 euros d'ici à la fin de 2017, soit une croissance de plus de 11 %.
Je veux évoquer le maintien des services de l'Onac dans les départements. Pouvez-vous nous assurer, monsieur le secrétaire d'État, de la subsistance de ce lien de proximité avec les anciens combattants ?
Un certain nombre d'organisations représentatives des anciens combattants souhaiteraient qu'à l'occasion du 55 ème anniversaire du cessez-le-feu en Afrique du Nord, la Chancellerie et vos services rattrapent le retard pris pour l'attribution des médailles militaires. Je rappelle que 1 700 dossiers sont en attente, dont certains depuis plus de dix ans.
Mme Pascale Gruny . - On peut se réjouir de l'augmentation de la retraite du combattant, mais que de temps perdu ! Pourquoi avez-vous ainsi cassé la dynamique des deux points d'augmentation annuelle initiée par le précédent gouvernement ? L'accroissement sera de 4 points en 2017 mais il aurait dû être de 10 points. La retraite n'avait été relevée que de 10 % entre 1978 et 2007, contre 30 % entre 2007 et 2012. Vous nous avez souvent dit que l'augmentation de la retraite ne pouvait pas se faire pour des raisons budgétaires. Je constate avec satisfaction que, à la veille de 2017, ces contraintes ont disparu !
Lors de ses voeux à la jeunesse en 2016, le Président de la République a annoncé vouloir allonger la durée de la journée défense et citoyenneté (JDC) à plusieurs jours, voire une semaine. Actuellement, pour mobiliser 800 000 jeunes, il faut 8 000 animateurs, pour un coût de 15 millions d'euros. L'efficacité du dispositif reste encore à prouver. Pourquoi ne pas utiliser le temps scolaire pour compléter les enseignements de cette journée ?
M. Georges Labazée . - Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le transfert des établissements médico-sociaux de l'Onac ? Sont-ils transférés entièrement à l'État ? Sous quelle tutelle seront-ils placés ?
Quelle est l'enveloppe réservée par votre ministère au soutien des opérations de valorisation du patrimoine mémoriel, portées par des collectivités locales ou par des groupements de coopération transfrontalière ? Je pense à des camps situés dans mon département, dans lesquels ont été internés des réfugiés espagnols et des personnes pourchassées par le régime nazi.
Mme Annie David . - Je m'associe aux remarques positives faites sur votre budget. Une question n'a pas été abordée : la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français. Pouvez-vous nous apporter des informations sur ce sujet ?
M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État . - Sur la campagne double, les dossiers ne sont rouverts qu'à la demande des intéressés. Il faut donc que l'information leur parvienne mais, je n'en doute pas, les associations d'anciens combattants ne manqueront pas de leur signaler ce dispositif.
Je rappelle que l'abaissement de 75 à 74 ans de l'âge pour bénéficier d'une demi-part fiscale a été voté l'an dernier par le Parlement contre l'avis du Gouvernement. Elle constitue, en quelque sorte, la réouverture d'une niche fiscale. Je sais que Bercy est très vigilant sur ces questions. Cette mesure ne relève pas du budget de mon ministère mais du budget général de l'État ; j'aurais donc pu y être favorable mais je crains les difficultés que pourrait me causer par la suite le ministère du budget. Par ailleurs, elle ne concerne, par définition, que des contribuables et non les populations les plus défavorisées.
Pour l'ADCS, je rappelle que les chiffres du rapport ne concernent que le premier semestre de 2016. La directrice générale de l'Onac ne donne aucune consigne d'harmonisation entre les départements ; sinon, cela reviendrait à fixer un seuil, ce que le Conseil d'État n'autorise pas. Il faut prendre en compte les veuves comme les anciens combattants - des personnes âgées et fragiles, qui ont besoin d'un accompagnement - et les aider à faire reconnaître des droits qu'ils ne réclamaient pas, notamment d'autres aides sociales, départementales ou communales. Ce n'est pas parce que l'Onac versera moins à ces personnes qu'elles ne disposeront pas de la même somme au final.
Nous nous sommes penchés sur le dossier des orphelins. Le décret de 2000 avait été complété en 2004. En 2007, le Gouvernement avait annoncé son intention de le modifier de nouveau mais aucune décision n'avait été prise. En 2012, la promesse d'un nouveau décret a été renouvelée, sans être suivie d'effets. Par conséquent, les notifications de rejet, suspendues entre 2007 et 2012, ont repris. Étendre la portée du décret à tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale risque d'ouvrir la voie à des revendications pour tous les conflits. Le décret de 2000 concernait les orphelins dont les parents avaient été discriminés ; celui de 2004 étendait le dispositif aux victimes de la barbarie nazie. Le Gouvernement reconnaît, bien entendu, la souffrance endurée par tous les orphelins. Lorsque nous avons mis en place cette indemnisation, nous avons peut-être fait l'erreur - j'étais à l'époque chef de cabinet du secrétaire d'État chargé des anciens combattants - de prévoir un dispositif général. Nous aurions sans doute dû fixer des critères sociaux. Quoi qu'il en soit, je ne rouvrirai pas ce dossier alors que nous sommes en année préélectorale.
Vous êtes plusieurs à avoir évoqué les structures départementales de l'Onac. Ma politique est basée sur la proximité avec le monde combattant. Je n'ai d'ailleurs pris aucune mesure de suppression de poste. Une régionalisation n'est nullement à l'étude. Notre public est constitué de personnes âgées, peu mobiles. Ces structures doivent donc être maintenues dans les départements ; du fait des départs à la retraite, leurs directeurs rajeunissent et sont tout à fait à même d'accueillir les nouveaux publics, notamment constitués des victimes d'attentats. Les structures peuvent être dorénavant logées au sein des préfectures, pour des raisons matérielles et de sécurité mais les services demeurent. Le monde combattant joue à se faire peur et vous y êtes sensibles, comme j'ai pu l'être quand j'étais sénateur.
Monsieur Watrin, vous avez évoqué l'ADCS. Le Conseil d'État a considéré que ce n'était pas à l'Onac de servir en premier l'aide sociale. Nous aidons chaque ayant droit à obtenir les aides sociales auxquelles il peut prétendre.
S'agissant de la FNDIRP, j'ai reçu une décision du bureau du conseil d'administration sortant de l'Onac, votée à l'unanimité, qui réduisait le nombre de membres du deuxième collège. Les représentants, très âgés, ont des difficultés à venir assister à Paris à une journée de conseil d'administration. Le représentant de la Fondation pour la mémoire de la déportation a, quant à lui, démissionné. Je ne souhaite pas opposer les mémoires les unes aux autres et je ne vais pas régler les conflits existant entre les anciens de la FNDIRP et celle-ci. Nous ne délaissons pas la déportation. L'an passé, un membre du Gouvernement a assisté à la commémoration de chaque libération de camp de déportation ou de concentration.
Sur la question de la médaille militaire, le ministre de la défense et moi-même avons obtenu 1 500 croix supplémentaires pour trois ans. Le nombre n'est jamais suffisant - il en va de même pour la Légion d'honneur et l'Ordre national du mérite ! Pour autant, je ne parviens pas à distribuer toutes les croix à ma disposition, en raison des vetos opposés par le Conseil de l'ordre.
Madame Gruny, vous estimez que nous avons perdu du temps sur la question de la retraite du combattant. Nous n'avons pas à rougir de notre bilan ! Le coût a augmenté chaque année, en raison de l'assouplissement des critères d'attribution, par mon prédécesseur, de la carte du combattant aux anciens des Opex et de l'octroi de la carte à cheval - 10 000 de ces dernières ont été attribuées. La revalorisation de 4 points en 2012 a été appliquée le 1 er juillet, après les élections : il s'agissait donc d'une opération à crédit. En 2017, une augmentation de deux points se fera le 1 er janvier - certes, une autre aura lieu le 1 er septembre - et une revalorisation du point PMI entrera en vigueur en deux temps, au 1 er janvier et au 1 er avril. Nous n'agissons pas à crédit. C'est la majorité actuelle qui a financé les 4 points d'augmentation de 2012... Vous nous faites un mauvais procès.
J'en viens à la JDC. Je ne m'engagerai pas dans une modification des programmes de l'Education nationale au détriment du temps d'apprentissage dans les autres disciplines. Le général Pontiès, directeur du service national, examine la piste de l'allongement de la JDC à une seconde journée. Les jeunes qui y assistent sont en général satisfaits. Si le module secourisme a été supprimé, c'est parce qu'il est désormais étudié au collège.
Monsieur Labazée, sur le transfert des établissements médico-sociaux, il faut distinguer les ERP, collectivement transférées à l'établissement public national Antoine Koenigswarter (Epnak) et dont les personnels dépendront de l'Education nationale - tout devrait être achevé en septembre 2017 -, des Ehpad. Ces derniers sont transférés, sur proposition des ARS, à des repreneurs publics. La dernière maison de retraite transférée était celle de Barbazan, pour laquelle la délibération a eu lieu la semaine dernière. Le personnel des Ehpad peut décider d'intégrer la fonction publique hospitalière.
Je veux être clair : aucune enveloppe financière n'est affectée au financement de projets des collectivités territoriales. Mais nous pouvons subventionner ou accompagner les collectivités pour le développement de certains projets, comme les mémoriaux ou les musées. C'est l'une des missions de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère. Pour les nécropoles nationales, le financement est intégralement assuré par l'État.
Madame David, vous m'avez interrogé sur les essais nucléaires, qui relèvent non plus de la compétence du ministère de la défense, mais de celle du Premier ministre, assisté d'une autorité administrative indépendante. Mes interlocuteurs algériens sont très attentifs à cette question, qui concerne aussi, bien sûr, la Polynésie française.
EXAMEN DU RAPPORT
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Réunie le mercredi 23 novembre 2016, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Baptiste Lemoyne sur le projet de loi de finances pour 2017 (mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »).
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis . - Les bouleversements qu'a connus notre pays depuis 18 mois, face à la menace terroriste qui a frappé Paris à deux reprises puis Bruxelles, ont replacé au coeur du débat politique les thématiques qu'embrasse le champ de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Alors que les militaires de l'opération Sentinelle protègent nos villes et que le dimensionnement de nos armées a été revu, le lien armée-Nation se matérialise au quotidien pour nos concitoyens. Il appartient également à l'État de garantir aux jeunes femmes et aux jeunes hommes qui s'engagent aujourd'hui pour défendre la République qu'ils bénéficieront, une fois de retour dans la vie civile, des mêmes droits que leurs aînés. La politique de mémoire, en particulier en cette période commémorative riche, est quant à elle un puissant facteur de cohésion nationale et de promotion des valeurs que nous partageons tous, quelles que soient nos origines.
Dès lors, ce n'est pas l'inexorable et incontestable déclin des dernières générations du feu du vingtième siècle qui retire toute pertinence à cette politique publique. Au contraire, il appelle de profondes mutations pour s'adapter à cette nouvelle réalité.
Comme chaque année, le départ d'anciens des conflits de 1939-1945, de l'Indochine et de l'Algérie structure l'évolution des crédits de la mission. En 2017, ceux-ci devraient s'élever à 2,55 milliards d'euros, en baisse de 2,6 % par rapport à 2016, soit - 67 millions d'euros. Le nombre des bénéficiaires des droits et prestations entrant dans le champ de la mission connaît quant à lui une diminution de 4,8 % pour la retraite du combattant, de 4,9 % pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et de 2,1 % pour la majoration des rentes mutualistes.
Cette réduction des crédits est concentrée sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui représente 95 % des crédits de la mission et assure le financement de ces différentes prestations. En revanche, le budget du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » reste inchangé, tout comme celui du programme 158 qui assure l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale.
Le programme 167 regroupe deux aspects essentiels de la politique visant à rapprocher les citoyens, en particulier les jeunes, et les armées. Il s'agit tout d'abord de la Journée défense et citoyenneté (JDC), que tous les Français doivent accomplir à compter de leur recensement et avant l'âge de 25 ans. Ainsi, en 2015, plus de 795 000 jeunes ont été accueillis dans 270 sites répartis sur l'ensemble du territoire, dans l'hexagone et outre-mer. Un binôme d'animateurs, chacun issu d'une armée différente, les prend en charge et, au cours d'une journée très dense, leur présente les enjeux liés à la défense et leur fait passer des tests évaluant leur maîtrise de la langue française.
Dans un rapport réalisé au début de l'année à la demande de la commission des finances, la Cour des comptes avait souligné l'efficacité de l'organisation de la JDC par le ministère de la défense mais avait recommandé de poursuivre son recentrage sur les questions de défense. Ce mouvement a été engagé en 2014 à la demande du Président de la République, et la JDC rénovée semble donner satisfaction aux appelés.
Néanmoins, ce moment de contact unique avec la quasi-intégralité d'une classe d'âge est également l'occasion de faire passer plusieurs messages civiques et sociaux : présentation des dispositifs d'insertion, information sur les dons d'organe et de sang. Son module d'initiation aux premiers secours a été remplacé cette année par un module de sensibilisation à la sécurité routière, dont les premiers résultats sont plus mitigés sur le plan de la satisfaction. Ne pourrait-elle pas également avoir un rôle à jouer dans la prévention et la détection de la radicalisation ?
Deux préoccupations concurrentes entrent donc ici en collision : la sensibilisation à l'esprit de défense et celle, plus large, de la formation des citoyens de demain. Cette tâche ne peut incomber au seul ministère de la défense. C'est pourquoi des réflexions sont en cours sur l'opportunité de prolonger la JDC lors d'une seconde journée, voire même sur une semaine comme l'a évoqué le Président de la République. Cela peut potentiellement soulever d'importantes difficultés, notamment en matière de logement des jeunes. La solution pourrait passer par l'organisation d'une journée supplémentaire décalée par rapport à la JDC et centrée sur les thématiques civiques et sociales, qui pourrait se dérouler dans les établissements scolaires. La réflexion sur ce point n'en est encore qu'à un stade préliminaire.
Il faut toutefois garder à l'esprit que le nombre de jeunes participant à la JDC est en forte augmentation, en lien avec la natalité de la fin des années 1990. 800 000 d'entre eux sont attendus l'an prochain, soit une hausse de 10 % par rapport à 2010. Un effort supplémentaire doit également être réalisé en direction de la part de jeunes, environ 4 % d'une classe d'âge, soit 30 000 d'entre eux, qui bien qu'étant soumis à cette obligation ne participent pas à la JDC. Ce rituel républicain est d'autant plus important qu'il offre à tous les jeunes une information sur leurs droits et devoirs et un contact avec une des institutions essentielles de la République.
A côté de la JDC, la politique de mémoire contribue à l'éducation citoyenne en promouvant les valeurs au nom desquelles tant de femmes et d'hommes se sont battus pour la France au vingtième siècle. Dotée de 22,2 millions d'euros, elle finance des actions pédagogiques, comme le concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) ou le soutien à des projets plus ponctuels. Elle est surtout construite autour de la commémoration des grands événements historiques du siècle passé.
Outre les onze journées commémoratives nationales, l'année 2017 sera marquée par la poursuite du centenaire de la Première Guerre mondiale. La cérémonie franco-allemande du 29 mai dernier à Verdun, dont l'organisation donna lieu à d'importants dépassements budgétaires dus au changement de format avec l'accueil de 4 000 jeunes de France et d'Allemagne, a suscité une violente polémique. Selon les témoignages que j'ai recueillis, il semble que la perception de ceux qui y ont assisté à la cérémonie ne soit pas la même que celle qui a été reçue puis véhiculée sur les réseaux sociaux notamment. La cérémonie franco-britannique du 1 er juillet à Thiepval, dans la Somme, plus classique, a quant à elle été saluée pour sa solennité.
L'an prochain, trois moments importants seront commémorés : l'entrée en guerre des États-Unis, avec une saison franco-américaine qui débutera dans les ports qui ont accueilli les doughboys, la bataille de Vimy, à l'occasion de laquelle le Premier ministre canadien devrait réaliser sa première visite bilatérale en France, et le Chemin des Dames. Ce calendrier risque de s'entrechoquer avec nos échéances politiques nationales, puisque ces événements auront lieu durant les deux premières semaines d'avril. Il faut surtout parvenir à conserver, pour la quatrième année consécutive, l'intérêt et l'appétence des Français pour ce cycle commémoratif, sans toutefois espérer retrouver l'engouement mémoriel qui avait marqué 2014.
Par ailleurs, la politique de valorisation du patrimoine mémoriel et de soutien au tourisme de mémoire sera poursuivie, grâce à une enveloppe de deux millions d'euros. L'Onac assure quant à lui l'entretien des hauts lieux de la mémoire nationale et des sépultures de guerre.
S'agissant du droit à réparation dont bénéficient tous les anciens combattants, la principale évolution de ce PLF est la revalorisation progressive de 48 à 52 points de PMI, attendue depuis 2012, de la retraite du combattant, qui est versée à tous les titulaires de la carte du combattant à partir de 65 ans. Il s'agira d'une progression en deux temps : une hausse de deux points, soit environ 28 euros supplémentaires, dès le 1 er janvier, puis une seconde hausse de même ampleur le 1 er septembre. Au final, son montant devrait passer 674 euros à près de 730 euros, pour un coût de 27 millions d'euros en 2017.
On comprend aisément que le monde combattant se félicite de cette mesure. On peut simplement regretter qu'elle intervienne tardivement dans le quinquennat, alors que le Sénat l'avait adoptée dès 2014 à mon initiative et que la retraite du combattant avait été revalorisée chaque année entre 2007 et 2012. Son montant avait été revalorisé de 55 % sur cette période.
2016 a également constitué la première année pleine de mise en oeuvre des nouveaux critères d'attribution de la carte du combattant pour les anciens militaires ayant servi en opération extérieure (Opex). Ils ont été alignés sur ceux en vigueur pour la guerre d'Algérie, soit 120 jours de présence sur un théâtre d'opération, par la loi de finances pour 2015. Cette mesure produit pleinement ses effets : alors qu'entre 1993 et 2015 99 000 cartes avaient été attribuées au titre des Opex, 25 000 cartes supplémentaires ont été remises dans les 18 derniers mois. Le nombre de bénéficiaires supplémentaires est estimé à 125 000. Jeunes et encore actifs, peu d'entre eux sont éligibles à ce jour à la retraite du combattant ou à la demi-part fiscale, mais ils deviennent ressortissants de l'Onac et, à ce titre, sont couverts par sa politique d'action sociale et d'aide à la reconversion professionnelle.
Il faut rappeler que la politique en faveur du monde combattant doit également être mesurée à l'aune des dépenses fiscales qui y sont associées. Elles représentent un total de plus de 750 millions d'euros, en légère progression en raison du vieillissement des titulaires de la carte du combattant, qui à partir de 74 ans, contre 75 ans jusqu'à l'année dernière, bénéficient d'une demi-part de quotient familial supplémentaire. Redisons qu'elles font partie intégrante du droit à réparation dont peuvent se prévaloir les anciens combattants.
J'en viens maintenant aux politiques en direction des harkis et des rapatriés. En septembre dernier, le Président de la République a reconnu les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des anciens supplétifs. Geste symbolique tardif mais attendu, il ne vient pas pour autant corriger toutes les lacunes de notre politique en faveur de cette population. Dans le cadre du plan d'action du Gouvernement en faveur des harkis, des efforts ont été consentis en matière de reconnaissance, mais le volet réparation reste insuffisant, notamment en matière d'aide à l'emploi dans la fonction publique pour les enfants de harkis.
Il faut enfin mentionner la situation des deux opérateurs de la mission, qui constituent le lien direct entre l'État et le monde combattant. L'Onac tout d'abord, dont les services départementaux sont le guichet unique garantissant l'effectivité des droits des anciens combattants. A ce jour, leur pérennité est assurée.
La réforme de l'aide sociale de l'Onac a fait couler beaucoup d'encre. Elle était la conséquence d'une situation juridique complexe. Elle corrige une situation dans laquelle les anciens combattants les plus démunis, qui ne bénéficiaient pas d'une prestation spécifique, pouvaient se retrouver parfois dans une bien plus grande précarité que les conjoints survivants.
Désormais, la priorité est donnée aux plus démunis, quel que soit leur statut. L'examen individuel et anonyme des dossiers par les commissions départementales permet de définir une aide répondant aux besoins des personnes, qui peut d'ailleurs être d'un montant plus élevé que l'ancienne ADCS. Le caractère subsidiaire de l'aide versée par l'Onac est rappelé : les demandeurs doivent faire tout d'abord valoir leurs droits aux allocations de droit commun.
Pour 2017, un million d'euros supplémentaires sont accordés à l'action sociale, ce qui porte son budget à 27,5 millions d'euros. Les six premiers mois de mise en oeuvre de ces nouvelles orientations ont toutefois mis en lumière l'absence d'harmonisation des pratiques et des montants versés entre les départements. Il conviendra de réexaminer cette situation à la fin de l'année et, le cas échéant, de la corriger.
L'Onac poursuit par ailleurs sa mutation en se recentrant sur ses fonctions essentielles. La cession de ses établissements médico-sociaux, écoles de reconversion professionnelle (ERP) et établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est presque finalisée. Une politique spécifique en direction des anciens des Opex a été mise en place, avec une offre de service adaptée : accompagnement vers l'emploi, suivi des blessés après leur départ de l'institution militaire, meilleure prise en compte des victimes de syndromes post-traumatiques. Il faut également noter que l'Onac accueille les victimes des attentats et leurs ayants droits, en particulier les orphelins devenus pupilles de la Nation.
Le second opérateur, l'institution nationale des Invalides (Ini), se trouvait depuis plusieurs années dans une situation d'entre-deux inconfortable, sans orientation claire pour son avenir, qui menaçait sa pérennité. Sa modernisation va finalement être engagée, pour assurer sa complémentarité avec les hôpitaux du service de santé des armées (SSA) et l'offre de soins régionale.
Sa mission historique sera maintenue au sein de son centre des pensionnaires, mais elle deviendra également le centre de référence pour la réinsertion et la réadaptation des blessés en Opex, une fois passée la phase d'hospitalisation initiale. Une période de travaux de cinq ans devrait débuter à partir de la fin de l'année 2017, pour un coût estimé de 60 millions d'euros. Pour l'engager, une subvention exceptionnelle de 5 millions d'euros lui est versée.
Au final, quel bilan tirer de ce budget et, plus largement, du quinquennat qui vient de s'écouler ? Sur la période 2012-2017, le niveau des crédits aura diminué de 17 %, ce qui représente une économie cumulée d'environ 1,8 milliard d'euros par rapport au niveau des crédits de la loi de finances de 2012. Dans le même temps, le nombre de titulaires de la carte du combattant aura reculé de 16 %, et celui des bénéficiaires de PMI de 18 %.
Sur le fond, les droits acquis n'ont pas été remis en cause. Des chantiers ont pu aboutir, je pense notamment à l'attribution de la carte du combattant « à cheval » ou à l'alignement des critères pour les Opex sur ceux de la guerre d'Algérie. Par ailleurs, une politique de mémoire ambitieuse a été conduite. Initiée dès 2011, elle a jusqu'à présent été à la hauteur des enjeux nationaux et internationaux représentés par le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale et le centenaire de la Grande Guerre.
Pour autant, cette consolidation de la politique de reconnaissance et de réparation envers les anciens combattants est par bien des aspects inachevée. Le Gouvernement a refusé d'ouvrir plusieurs chantiers, comme le ministre l'a reconnu lors de son audition, qui auraient permis de corriger les dernières inégalités entre compagnons d'armes.
Le premier est l'attribution de la carte du combattant aux soldats qui ont été stationnés en Algérie entre 1962 et 1964, en application des accords d'Evian. Plusieurs dizaines d'entre eux sont morts pour la France. Il est indéniable que nous n'étions plus en guerre durant cette période, mais les circonstances s'apparentent à celle d'une Opex.
Dans ces conditions, une intervention du législateur n'est pas nécessaire pour accorder la carte du combattant à ces anciens combattants : c'est au Gouvernement de modifier l'arrêté du 12 janvier 1994 qui fixe la liste des opérations ouvrant le droit à la carte au titre des Opex. Ce ne serait pas la plus ancienne, puisque cet arrêté prend déjà en compte les opérations conduites à Madagascar entre 1947 et 1949, au Cameroun entre 1956 et 1958 et en Mauritanie entre 1957 et 1959. Qui plus est, ces territoires étaient alors sous souveraineté française, ce qui les éloigne davantage de la définition d'une Opex que l'action des forces présentes sur le territoire algérien après le 1 er juillet 1962.
De même, le dossier des harkis de statut civil de droit commun reste enlisé alors quelques dizaines d'entre eux, jusqu'à trois cents selon les chiffres fournis par les associations, demandent la reconnaissance du sacrifice qu'ils ont consenti pour la France.
Enfin, la situation des conjoints survivants des grands invalides, malgré le vote chaque année de mesures en leur faveur, ne semble pas s'améliorer. Le ministère ne parvenant pas à les recenser, il est donc incapable de cibler son intervention pour les faire sortir de la précarité. Sur ce point, il faut travailler davantage avec les associations pour apporter une solution définitive à leurs difficultés.
Nous devons également nous prononcer sur les trois articles rattachés à la mission, qui n'appellent pas de remarque particulière et ont une portée ainsi qu'un coût - 800 000 euros - essentiellement symboliques. L'article 53 supprime la condition d'âge pour que les conjoints survivants des militaires décédés en opération puissent bénéficier du supplément de pension pour enfant à charge. L'article 54 revalorise l'allocation de reconnaissance que perçoivent les anciens harkis et leurs conjoints survivants. L'article 55 ouvre le droit à une majoration de la pension de réversion aux ayants droit des militaires tués dans l'exercice de leurs fonctions sur le territoire national.
Sur ces considérations, vous comprendrez que je vous invite, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et de ces articles qui y sont rattachés.
M. Dominique Watrin . - Je tiens à saluer la qualité du travail du rapporteur, et je partage certaines de ses analyses et propositions, en particulier le prolongement de la JDC sur une journée supplémentaire consacrée aux thématiques civiques et sociales.
Un site du Pas-de-Calais qui m'est cher a été évoqué : Vimy. On rendra hommage l'an prochain aux soldats canadiens qui s'y sont sacrifiés. Il ne faudra pas oublier d'y associer la mémoire des troupes coloniales qui avaient repris cette crête en 1915.
Mon groupe prend acte de la revalorisation non négligeable - 11 % - de la retraite du combattant et de l'augmentation annoncée de 3 % de la valeur du point de PMI. Cela ne compensera toutefois pas la baisse du pouvoir d'achat liée à son évolution passée, qui est évaluée par la Fnaca à 6,92 %.
La réforme de l'aide sociale et la suppression de l'ADCS a suscité des craintes que les explications du ministre ne permettent d'écarter complètement. En effet, selon les données figurant dans le rapport d'étape remis par le Gouvernement à ce sujet, sur 9 228 dossiers de veuves traités, l'aide moyenne versée est en baisse de 14,46 %. Sur ce point, le rapporteur a raison : il faut qu'un bilan qualitatif des effets de la réforme à la fin de l'année soit réalisé.
Ce budget apparaît comme un moindre mal par rapport à l'année dernière, puisque la baisse des crédits est plus réduite. Cela ne doit pas faire oublier la diminution de près de 16,5 % sur cinq ans. Le simple maintien des crédits aurait permis de répondre aux principales revendications du monde combattant, et l'âge moyen très élevé des anciens combattants ne fait qu'accentuer l'urgence d'y parvenir dans les meilleurs délais.
Dans ces conditions, et malgré certaines convergences avec le rapporteur, au nom de mon groupe je m'abstiendrai.
M. Jean-Marie Morisset . - Je comprends que notre rapporteur soit heureux, puisqu'il obtient enfin la revalorisation de la retraite du combattant qu'il demande depuis plusieurs années. On peut regretter qu'elle ne prenne pas effet au 1 er janvier, mais l'essentiel est qu'elle soit décidée.
Je reçois chaque année depuis 25 ans les représentants du monde combattant, et cette année leurs demandes étaient limitées : ils semblaient satisfaits de ce budget. Il reste toutefois deux points sensibles : la demi-part fiscale pour les conjoints survivants d'un titulaire de la carte du combattant décédé avant 74 ans, et les conséquences de la réforme de l'aide sociale de l'Onac. Le Gouvernement a bien remis au Parlement le rapport qu'il devait réaliser sur le sujet avant le 31 octobre, mais cela ne doit pas l'exonérer de faire le bilan au 31 décembre. De plus, ce rapport reste incomplet, certains de ses choix, notamment celui des départements retenus (Bouches-du-Rhône, Nord, Moselle, Ain, Loire), ne sont pas expliqués, et la période étudiée s'arrête au 30 juin. Des éclaircissements supplémentaires sont nécessaires, et ce d'autant plus que cette réforme n'est pas appliquée de la même façon dans tous les départements, en fonction notamment de l'organisation des services départementaux de l'Onac. Il s'agit d'une question d'équité, car les gens ne comprennent pas que le montant de l'aide qu'ils perçoivent ait pu diminuer.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis . - Je me réjouis qu'il y ait une large convergence sur l'essentiel des problématiques qui intéressent le monde combattant. La réforme de l'aide sociale de l'Onac, avec la suppression de l'ADCS, reste un sujet de préoccupation légitime. Il faut avoir une vision exhaustive de ses effets. Je saisirai le ministre du souhait partagé de la commission en ce sens. De manière générale, cette mission est de nature à tous nous réunir.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2017 et des articles 53, 54 et 55 rattachés.