C. L'URGENCE D'UN RÉÉQUILIBRAGE
Le dispositif d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile se caractérise aujourd'hui par un réel déséquilibre. Alors que tous les demandeurs d'asile devraient pouvoir y être hébergés, les CADA n'accueillent aujourd'hui que 40 % d'entre eux - et encore ce taux ne tient-il pas compte des demandeurs d'asile en procédure prioritaire, non éligibles au dispositif et représentant 26 % de la demande d'asile globale.
Avec l'augmentation conséquente du nombre de demandeurs d'asile au cours des quatre dernières années, le dispositif d'exception - l'ATA combinée à un hébergement d'urgence - tend à devenir le mode dominant d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile en France.
Cette situation est insatisfaisante à plus d'un titre.
Tout d'abord, elle maintient dans la précarité des populations déjà éprouvées par l'exil.
Par ailleurs, un demandeur d'asile accueilli en CADA a une probabilité plus forte que les autres de voir sa demande prospérer, en raison d'un accompagnement social, administratif et juridique plus adapté. Comme l'indique le rapport de la mission d'appui sur les coûts des CADA établi conjointement en novembre 2010 par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGEFI) : « [la] diversité de traitement en matière d'hébergement des demandeurs d'asile n'assure pas l'égalité des chances d'obtenir le statut de réfugié. Une étude de FTDA a pu cerner statistiquement ce phénomène et tous les opérateurs rencontrés au cours de cette mission ont confirmé que les taux d'obtention du statut sont clairement discriminants en défaveur des demandeurs d'asile qui ne sont pas hébergés en CADA . Les hébergés en CADA y bénéficient d'un important accompagnement administratif et social leur permettant de mieux se préparer au parcours difficile que constitue pour eux la procédure de demande du statut de réfugié » 15 ( * ) .
A cet égard, l'engagement du Gouvernement de créer 1 000 nouvelles places de CADA - s'il doit être salué - ne sera pas suffisant pour rééquilibrer notre dispositif d'accueil et d'hébergement .
Comme l'année dernière, votre commission des lois s'associe pleinement à la préconisation , formulée il y a quelques mois par nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier dans leur rapport d'information précité consacré à l'hébergement des demandeurs d'asile, par laquelle ceux-ci recommandent un sensible accroissement du nombre de places en CADA . Comme l'indiquent nos collègues dans ce rapport, « seules ces nouvelles capacités permettront d'offrir à chaque demandeur d'asile les prestations d'accompagnement dont il a besoin » 16 ( * ) .
A cet égard, il faut souligner que, si l'évolution fluctuante de la demande d'asile est mise en avant pour expliquer cette sous-adaptation de notre dispositif d'accueil aux flux des demandes, le volume de la demande d'asile formulée en France depuis 2008 n'est en rien exceptionnel et qu'il demeure en tout état de cause inférieur aux flux constatés entre 2003 et 2005 (années au cours desquelles le nombre de demandes s'est élevé successivement à 61 993, 65 614 et 59 221, mineurs accompagnants inclus).
En outre, comme le relèvent nos collègues dans leur rapport précité, si « le caractère nécessairement fluctuant du nombre de demandeurs d'asile en attente de traitement de leur dossier rend impossible un ajustement précis de la capacité des CADA aux besoins effectifs », « la situation actuelle, où moins d'un tiers des demandeurs d'asile éligibles à un hébergement en CADA y sont accueillis, rend peu probable la perspective d'une surcapacité globale des offres de places en CADA par rapport aux besoins » 17 ( * ) . De ce point de vue, il est temps que notre pays se résolve à accueillir chaque année un nombre important de demandeurs d'asile et adapte le dimensionnement de son dispositif d'accueil et d'hébergement en conséquence.
Votre commission observe, en outre, qu'un accroissement du nombre de places de CADA ne constituerait pas nécessairement une charge budgétaire élevée. En effet, le coût moyen d'une place de CADA - fixé à 24 euros par jour et par personne en 2013 - est inférieur au coût total de l'allocation temporaire d'attente (11,17 euros par jour en 2013) associée à une place d'hébergement d'urgence (15 euros par jour en 2013, s'agissant du dispositif à gestion déconcentrée).
Au total, cette année encore, l'ensemble des associations entendues par votre rapporteur a souligné que les crédits consacrés à l'ATA et à l'hébergement d'urgence permettraient, s'ils étaient redéployés à cette fin, de financer plus de 20 000 places de CADA.
D'un point de vue budgétaire, il serait ainsi moins coûteux d'accroître le nombre de places de CADA que de continuer à loger les demandeurs d'asile dans des dispositifs d'hébergement précaires.
Votre commission invite donc le Gouvernement à prendre sérieusement en considération cette question, dans le double intérêt des demandeurs d'asile et de la bonne gestion des deniers publics.
* 15 Rapport de la mission d'appui sur les coûts des CADA, établi conjointement en novembre 2010 par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGEFI), page 11.
* 16 « L'hébergement des demandeurs d'asile entre approximations statistiques et dérapages budgétaires », rapport d'information n°584 (2010-2011) fait au nom de la commission des finances du Sénat par Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier, juin 2011, page 22. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-584-notice.html
* 17 Rapport précité, page 22.