EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 20 novembre, sous la présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. David Assouline sur les crédits des programmes « Audiovisuel » et « Presse » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2013.
Un débat s'engage après l'intervention du rapporteur pour avis.
M. Jacques Chiron . - Ne faudrait-il pas se diriger vers un transfert de la dotation de l'État vers la contribution à l'audiovisuel public dès cette année ? On pourrait pérenniser le principe d'une indexation de la redevance sur l'inflation à laquelle s'ajouterait une part supplémentaire fixe, ce qui permettrait à la télévision publique de devenir moins dépendante de la dotation.
Le rapport de la mission d'information de notre commission à Londres montre que dans un certain nombre de pays européens c'est la CAP qui rend libre l'audiovisuel public.
Lors de l'audition du président de France Télévisions, il avait été évoqué de remettre des écrans publicitaires entre 20 heures 30 et 20 heures 40. C'est dans cette tranche horaire que la rentabilité de la publicité est la plus forte. Bien entendu, il faudrait l'exclure après 20 heures 40.
M. André Gattolin . - La proposition d'une augmentation automatique de la redevance est intéressante car son taux est relativement peu élevé en France par rapport à d'autres pays. Je ne peux que l'approuver.
Cependant, la redevance, ça se mérite. Nous devons demander à France Télévisions de réaliser de vrais efforts de gestion. Il n'existe pas aujourd'hui de système sérieux de contrôle des coûts, notamment vis-à-vis des producteurs extérieurs. Leurs taux de marge peuvent donc être particulièrement élevés, ou alors ils ne sont pas connus. Certaines entreprises se mettent en situation de dépendance. De fait lorsqu'une émission doit être supprimée, le producteur animateur argue qu'il se trouve dans une position de quasi-salariat et donc l'émission est reconduite.
La ministre a évoqué la question de remettre à jour un nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM). Les relations avec les producteurs ont été négligées par le précédent COM. 4 à 5 % du budget de France Télévisions partent dans une gestion discutable, selon les spécialistes des médias.
S'agissant de la réforme des aides à la presse, il faut se fixer des objectifs en termes de nature de titres participant au pluralisme. Le premier critère devrait être aujourd'hui la défense et la protection du métier de journaliste. Depuis deux ans, dans notre pays, le nombre de journalistes titulaires de la carte de presse diminue. C'est une tendance globale dans tous les pays d'Europe et développés, alors que les titres se multiplient. Il faut trouver le moyen d'aider les titres papier et ceux en ligne, sachant que, pour ces derniers, certains personnels ne traitent pas l'information mais font uniquement du « repiquage ». Je regrette que ce projet de loi de finances ne réforme pas en profondeur les aides à la presse.
Je partage votre analyse sur la neutralité fiscale entre papier et numérique, mais il faut l'approfondir au regard des positions de Bruxelles. D'autres pays l'opèrent déjà.
M. Pierre Laurent . - Nous sommes favorables à l'augmentation de la redevance et donc à l'amendement proposé. Cet amendement ne répond pas cependant au problème du déséquilibre structurel du budget de France Télévisions. Il ne sera pas possible de le résoudre de la même manière l'année prochaine.
Une loi sur l'audiovisuel est envisagée pour 2013. J'ai une question sur le champ de cette loi. Une réflexion doit être conduite sur le rapport aux producteurs extérieurs, sur le problème des droits pour permettre de dégager d'autres types de ressources pour France Télévisions. Si nous ne nous attaquons pas à ces problèmes, l'augmentation de la redevance sera un cache-misère face aux difficultés structurelles et croissantes.
La redevance constitue une ressource pérenne qui aurait dû être revalorisée plus régulièrement. Il faut se pencher aussi sur l'environnement du paysage audiovisuel français qui a été profondément bouleversé.
Il faut exiger des évolutions des méthodes de travail de France Télévisions. Entre l'évolution du travail des rédactions et la réalité des annonces à l'interne, notamment sur l'avenir des rédactions nationales et régionales de France 3, les écarts sont parfois très importants. On doit s'interroger sur la manière dont France Télévisions envisage la rationalisation des moyens. Cela peut aussi conduire à des mesures qui mettraient en cause le potentiel rédactionnel de la chaîne, alors qu'il pourrait déboucher sur une dynamique du service public compte tenu de son importance. Je remarque, par ailleurs, que la direction de France Télévisions a annoncé, après l'échec de la renégociation de la convention collective, qu'elle appliquerait sans accord les objectifs de sa refonte.
Beaucoup de problèmes sont soulevés. Notre vote positif sur l'amendement n'est en aucun cas un quitus à la trajectoire donnée.
La réforme des aides à la presse doit avancer plus rapidement. La distribution des aides à la modernisation profite, en raison des critères établis, aux entreprises les plus riches car elles sont proportionnelles au volume des investissements. Aujourd'hui, le système ne fait qu'amplifier les inégalités existantes. Le système de distribution reste profondément en danger malgré les propos optimistes du rapporteur pour avis. S'il était profondément déstabilisé, inévitablement, même avec une réforme des aides à la presse, ce serait la disparition de nouveaux titres de la presse nationale et régionale. Tous ces chantiers doivent être traités dans la première partie de l'année 2013.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Vous avez évoqué la question de l'héritage. Ce texte a été largement débattu au sein de notre assemblée pour lequel il y a eu des positions nuancées. Il y a aussi l'héritage de la crise et des déficits publics qui n'est pas nouveau. Il faut être mesuré par rapport à cette question.
Vous avez parlé d'un budget de responsabilité. La responsabilité est aussi, dans le cadre de la continuité républicaine, d'assumer ce qui est inscrit dans la loi, à savoir que la suppression de la publicité devait être compensée à l'euro près. Le retour de la publicité après 20 heures est un faux débat puisque les recettes publicitaires sont en forte baisse sur l'ensemble des chaînes de l'audiovisuel.
Le consensus sur la proposition d'amendement dépend du périmètre du débat. Le plan d'économies pour France Télévisions est plus que drastique. 30 millions d'euros d'économies ont déjà été réalisés en 2012. Il me semble plus difficile d'absorber les 150 millions d'euros. J'ai l'impression que vous n'aviez pas la même exigence sous la précédente mandature. Quelles pistes d'économies proposez-vous ?
Le deuxième préalable du consensus est la discussion sur la redevance considérée dans son ensemble. Une des propositions est de l'augmenter. Nous n'y sommes pas forcément opposés puisque notre groupe a toujours milité en ce sens. Si on veut être stratégique et dégager très rapidement l'audiovisuel des dotations de l'État, il faut accélérer les recettes fournies par la redevance. Mais c'est sur l'assiette qu'il faut travailler.
J'ai été surprise de la réponse de la ministre, lors de son audition, sur la taxation des résidences secondaires. Je n'ai pas eu de réponse claire lors de l'examen de la loi de 2009. Notre commission a souvent réclamé l'instauration d'un groupe de travail sur la redevance. Elle n'a jamais été mise en place. Les deux euros supplémentaires rapportent 50 millions d'euros, et une demi-contribution assise sur les résidences secondaires 100 millions d'euros. Il faut plaider pour l'élargissement de l'assiette à l'ensemble des terminaux qui permettent de recevoir la télévision. C'est un principe de justice et de neutralité technologique, de même que, pour les résidences secondaires, c'est une question de justice fiscale. Je plaiderai volontiers pour ces deux mesures. C'est à l'aune de cet ensemble de mesures qu'il faut examiner le budget 2013.
Cette augmentation devrait être autonome et fixée par une autorité indépendante pour que le montant de la redevance puisse couvrir les justes besoins de financement de l'audiovisuel public, comme nous l'avions proposé avec M. Michel Thiollière, mon co-rapporteur, lors des débats sur la loi de 2009.
La vigilance s'impose pour les autres acteurs de l'audiovisuel public dans les années à venir car les budgets sont très tendus.
Je partage le principe d'un alignement du taux de TVA entre la presse papier et la presse en ligne, qui permet l'émergence du secteur.
M. Jean-Pierre Plancade . - Il est à souligner, comme le disait Jean Jaurès, que « seul l'optimisme était républicain ». Vous avez souligné tous les problèmes qui se posent. L'effort maximal est demandé à France Télévisions. Vous avez raison de proposer 2 euros supplémentaires même si ce n'est pas suffisant. C'est un moyen d'assurer l'indépendance de l'audiovisuel public. Sur l'élargissement de l'assiette, nous devons y réfléchir.
M. Jean-Pierre Leleux . - La grande victime de ce budget 2013 est France Télévisions, qui affrontera la situation la plus difficile.
J'ai des interrogations sur la fragilité des COM. Celui de France Télévisions a volé en éclat face à la difficulté budgétaire. Se pose la question de la solidité et la validité de toute réflexion pluriannuelle. En Allemagne, le respect du COM est de valeur constitutionnelle. Une crise permet de réfléchir sur de nombreuses orientations, comme c'est le cas pour France Télévisions, tant en termes de dépenses que de ressources. Le groupe a réalisé de nombreux efforts. Il devra les poursuivre. Il y a matière, même si les obstacles sont nombreux.
Avoir une position claire sur la publicité sur les chaînes publiques de télévision est indispensable. Notre attitude est trop influencée par des considérations financières. La publicité à la télévision est un élément fondamental de la différenciation entre service public et chaînes privées. Dans le contexte de la baisse sensible des ressources publicitaires à la télévision en général, aggravé par la situation du marché et l'arrivée le 12 décembre de six nouvelles chaînes, nous devrions faire un choix. Je pense qu'il faut la supprimer complètement. Comment financer ?
Le Sénat a toujours été assez unanime sur l'augmentation de la redevance toutes tendances confondues pour pérenniser le financement de France Télévisions sans le rendre trop tributaire d'une dotation plus ou moins importante de l'État. Son montant étant assez faible en France, elle mérite d'être augmentée.
Il faut d'abord commencer par les résidences secondaires, plus que d'en augmenter le montant pour l'ensemble de la population. Il faut réfléchir à la redevance à l'écran avec l'arrivée de la télévision connectée et les mutations profondes que cela entraîne.
M. David Assouline, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel et de la presse . - La contribution à l'audiovisuel public est déjà indexée. Chaque année, est prévue une indexation de 2 euros supplémentaires, qui rapportera 50 millions d'euros. Cette année, le gouvernement propose une augmentation supplémentaire de 2 euros, ce qui veut dire encore 50 millions d'euros. Je propose que la commission présente un autre amendement pour l'augmenter encore de 2 euros, soit au total une enveloppe de 150 millions d'euros. Cela veut dire au moins 300 millions d'euros sur trois ans.
L'année dernière, malgré la crise, on nous a proposé une baisse des crédits sans désendettement de l'État. Aujourd'hui, nous voulons réduire le déficit de l'État. Cela touche forcément tous les programmes.
L'essentiel est de pérenniser le financement de l'audiovisuel public pour que tout le périmètre soit maintenu. S'il y a une baisse de la dotation, avec les augmentations envisagées de la redevance, elle est moindre. Au final, ce seront 30 millions d'euros de moins, c'est-à-dire le même effort demandé l'année dernière par le précédent gouvernement. Après le vote de cet amendement, on ne pourra plus dire que l'effort budgétaire demandé à France Télévisions est beaucoup plus important qu'ailleurs. Il permet de ramener cet effort à un niveau soutenable.
Il est indispensable, dans le cadre de la prochaine loi audiovisuelle et de la préparation du prochain budget, de revoir complètement le financement de l'audiovisuel public.
On est face à un rendez-vous puisque la taxe qui rapporte le plus et qui permet de compenser la perte de publicité est contestée par la Commission européenne. En 2013, la Commission devrait définitivement nous condamner à ne plus percevoir la taxe. Il s'agit d'un manque à gagner de 300 millions d'euros. Il faut déjà envisager le financement pour l'année prochaine. L'élargissement de l'assiette aux résidences secondaires et la réouverture du débat sur la publicité après 20 heures, même de façon restreinte, seront la panoplie de ce que nous devrons étudier ensemble pour répondre aux besoins de financement. Ce consensus, je ne l'ai jamais eu avec les députés. Je ne sais si, en cumulant toutes ces propositions d'augmentation de la redevance, l'UMP nous aurait soutenus. Faisons les réformes de façon échelonnée pour qu'elles soient comprises.
La section 2 du fonds stratégique pour le développement de la presse est consacrée au développement des services de presse en ligne. Je suis d'accord avec M. André Gattolin pour que l'attribution de ces crédits se fasse sous conditions. Aujourd'hui, le dispositif n'étant basé que sur les investissements dans les innovations technologiques, ce sont uniquement les groupes puissants qui bénéficient des aides. La refonte des aides à la presse n'était pas possible en quelques mois.
Nous maintenons les aides au pluralisme à leur niveau de 2012. Les quotidiens à faible revenu publicitaire continueront de bénéficier d'une aide de plus de 9 millions d'euros.
Je ne demande pas un consensus sur tous les points mais il existe pour dégager 2 euros supplémentaires pour aider France Télévisions.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Je mets aux voix le vote sur l'amendement présenté par M. David Assouline.
M. Michel Savin . - Pour ma part, il n'y a pas de consensus sur ce vote. A titre personnel, je voterai contre cet amendement. Une seule augmentation de 2 euros est largement suffisante.
M. Jean Boyer . - Je me rallie à la position de Mme Catherine Morin-Desailly. Je m'abstiendrai. Il importe de ne pas être négatif, ni de bloquer les projets. Je pense qu'en matière de télévision, les consommateurs que nous sommes devront être plus des décideurs. Dans le domaine du sport, la télévision française n'est plus maîtresse de ses programmes. Elle est liée à tel ou tel sponsor. Il est facile de critiquer, il est plus difficile de construire.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Nous aurons cette discussion en séance. L'augmentation généralisée de la redevance, nous l'avons eue à l'Assemblée nationale. C'est une question de justice fiscale. Il est nécessaire d'élargir l'assiette.
M. Jean-Pierre Leleux . - L'augmentation de la redevance est inéluctable. Dans quel calendrier ? En fonction de quelle assiette ? Je suis davantage partisan de remettre en place une demi-redevance sur les résidences secondaires pour des raisons d'équité fiscale. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement.
L'amendement présenté par M. David Assouline est adopté.
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La commission décide de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2013.