B. QUEL BILAN DE LA RÉFORME DES RETRAITES DE 2010 ?

1. Un schéma de financement optimiste

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2011, la Cour des comptes estimait que l'impact de la réforme des retraites de 2010 sur le solde de l'ensemble des régimes de retraite avait été surévalué par le Gouvernement de l'époque .


• Selon la Cour, la présentation qui avait été faite de la réforme incluait, tout d'abord, deux composantes qui pouvaient difficilement être retenues pour apprécier son impact sur les finances publiques :

- « La première, intitulée « Effort de l'Etat en faveur de ses fonctionnaires » et qui représente 15 milliards d'euros chaque année, correspond de manière purement conventionnelle à l'augmentation de la contribution du budget général au compte d'affectation spéciale des pensions de 2000 à 2010 » ;

- « La deuxième, qui consiste en un basculement de cotisations versées à l'Unedic vers des cotisations de retraite (c'est-à-dire qui revient à gager des augmentations de cotisations retraites par une diminution des cotisations chômage), est envisageable mais encore hypothétique. Les partenaires sociaux se sont accordés en mars 2011 sur le principe d'une baisse des cotisations de chômage, mais son ampleur est indéterminée et elle est soumise à une double condition relative aux évolutions du solde annuel et de l'endettement de l'Unedic . »


• Par ailleurs, la Cour insistait fortement, comme la commission des finances à l'époque, sur l'optimisme des hypothèses prises en compte . Ces projections s'appuyaient sur le scénario économique intermédiaire du Conseil d'orientation pour les retraites (COR), caractérisé par une baisse du taux de chômage jusqu'à 4,5 % en 2024.

La Cour énonçait plusieurs facteurs susceptibles de modifier substantiellement les prévisions relatives à l'état des comptes des régimes de retraite à l'horizon 2020 :

- elle notait que le COR estimait à 3,8 milliards le besoin de financement supplémentaire des régimes de retraite en 2020 dans son scénario le plus défavorable (avec un taux de chômage de 7 % à long terme) ;

- elle relevait que l'ARRCO et l'AGIRC avaient réalisé de nouvelles projections de leurs soldes techniques à la fin de 2010, dont il ressortait que, pour un même scénario économique que celui du Gouvernement de l'époque, le solde des régimes complémentaires pourrait être dégradé de 2,5 milliards en 2020 ;

- elle soulignait que l'INSEE avait présenté de nouvelles projections démographiques à la fin de 2010 dans lesquelles la population française était un peu plus nombreuse en 2020. L'écart par rapport aux projections antérieures utilisées par le COR étant plus important pour la population de soixante-cinq ans et plus que pour la population de vingt à soixante-quatre ans, le déficit des régimes de retraite aurait été aggravé de 3,5 milliards en 2020.


Même sans remettre en cause les hypothèses macro-économiques retenues, il est à rappeler qu'en tout état de cause, l'équilibre financier annoncé pour 2008 ne pouvait être au mieux que ponctuel . A partir de 2020, la question du financement de notre système de retraite par répartition doit à nouveau se poser car les besoins de financement devraient sensiblement augmenter. Si l'on reprend les hypothèses du COR de 2010, les besoins de financement annuels s'élèveraient en 2030 à 70,3 milliards d'euros, soit une progression de 56,2 % par rapport à 2020, contre 39,3 % entre 2010 et 2020.

Or, force est de constater que certaines marges de manoeuvre ont d'ores-et-déjà été préemptées. Notamment, afin de refinancer les déficits cumulés de la branche vieillesse durant la prochaine décennie, il est prévu de « liquider » progressivement les actifs du Fonds de réserve des retraites . Or, ce fonds devait permettre initialement de lisser les déficits du système de retraite à partir de 2020.

2. Une consolidation entreprise par la loi de finances rectificative d'août 2012

Bien que présentant la réforme des retraites comme entièrement financée, il peut être rappelé que le Gouvernement de l'époque a proposé dès l'automne 2011 (dans la LFR de septembre 2011) des mesures nouvelles à destination de la CNAV à hauteur de 949 millions d'euros pour 2012 , ce qui pouvait laisser perplexe quant au bouclage financier de la réforme : affectation de la moitié du produit de la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et réforme du régime d'imposition des plus-values immobilières.

Dès juillet 2012, le nouveau Gouvernement a, quant à lui, affecté à la branche vieillesse l'essentiel des mesures de recettes adoptées dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 , notamment le produit généré par la hausse du forfait social (soit 600 millions d'euros en 2012 et 1,8 milliard d'euros en 2013).

Outre les mesures de recettes qui concerneront l'ensemble des branches, de nouvelles mesures de consolidation de la branche vieillesse sont prévues dans le cadre du présent projet de loi :

- le FSV bénéficiera du produit généré par l'harmonisation de l'assiette de la C3S (60 millions d'euros) et, temporairement, du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (350 millions d'euros) 126 ( * ) ;

- par ailleurs, plusieurs régimes obligatoires, autres que le régime général, bénéficieront de recettes supplémentaires : la CNRACL (630 millions d'euros), la CNAVPL (200 millions d'euros) et les anciens salariés des entreprises du secteur des industries électriques et gazières (160 millions d'euros).

3. Vers une nouvelle concertation

La Conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012 a permis de définir un calendrier et la méthode de la future concertation sur les retraites :

- le COR doit remettre en janvier 2013 au Gouvernement un « état des lieux du système des retraites » . Ce nouveau diagnostic est essentiel pour mesurer l'impact réel de la réforme de 2010 et l'effet de la crise économique sur les projections de 2010 ;

- ces travaux seront compléter début 2013 par les conclusions d'une commission ad hoc chargée de proposer des pistes de réforme ;

- un processus de réflexion sur la réforme des retraites devrait enfin être engagé au printemps 2013 sur les thèmes suivants : la simplification du système, la situation des poly-pensionnés, c'est-à-dire ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes au cours de leur carrière, ou encore la prise en compte de la pénibilité.

Les conclusions de la conférence sociale en matière de retraites

« En matière de retraites, la table-ronde a permis d'identifier les thèmes prioritaires en matière de dialogue social et conduit à définir un calendrier pour une réforme globale de notre système de retraite :

« 1/ Une phase de diagnostic, sur la base d'un état des lieux de notre système de retraite et de ses perspectives financières réalisé par le Conseil d'orientation des retraites, se déroulera entre septembre 2012 et le début de l'année 2013. Un état des lieux plus précis sera élaboré sur les thèmes de l'équité du système de retraites (égalité femmes/hommes, personnes en situation de handicap, pénibilité), des déterminants du niveau de pension, de la place respective de la solidarité et de la contributivité, de la pérennité financière du système de retraite, de la transition emploi/retraites, et de la simplification et de la lisibilité du système de retraites au regard notamment de l'information des assurés et de la situation des poly-pensionnés ;

« 2/ A partir des travaux du Conseil d'orientation des retraites, sur la base d'un cahier des charges négocié entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, une commission ad hoc formulera différentes pistes de réforme à plus ou moins long terme, sur la base de consultations menées auprès de l'ensemble des acteurs concernés. Parmi les pistes de réforme, l'une d'entre elles concernera l'évolution de notre système de retraite à long terme, s'agissant notamment des solidarités à mettre en oeuvre, de la simplification et la lisibilité du système de retraites et de la situation des poly-pensionnés.

« 3/ Sur la base des conclusions de cette commission ad hoc, une phase de concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux aura lieu sur les évolutions souhaitables de notre système de retraite à partir du printemps 2013, à l'occasion de laquelle le gouvernement échangera avec les partenaires sociaux sur les orientations qu'il souhaite retenir pour l'avenir de notre système de retraite . »

Source : « Feuille de route de la grande conférence sociale »


* 126 Ce montant a été porté à 450 millions d'euros à l'Assemblée nationale.

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