B. AU TOTAL, UN DÉFICIT CUMULÉ DE 160 MILLIARDS D'EUROS SUR LA PÉRIODE 2002-2012 QUE LA CRISE N'EXPLIQUE QUE PARTIELLEMENT

1. Un déficit cumulé égal à une année de dépenses d'assurance maladie et un objectif de retour à l'équilibre en 2012 loin d'être atteint
a) Un déficit cumulé qui ne s'explique que partiellement par la crise

Un retour en arrière sur une période plus large que celle couverte par le présent projet de loi fait apparaître, comme l'indique le dossier de presse du Gouvernement, que « le cumul des déficits de la sécurité sociale - régime général et Fonds de solidarité vieillesse (FSV) - a atteint 160 milliards d'euros », sur la période 2002-2012.

Source : dossier de presse du Gouvernement - présentation du PLFSS pour 2013

A titre de comparaison, la prévision rectifiée pour 2012 de l'objectif de dépenses de la branche maladie du régime général est de 160,5 milliards d'euros et celle de la branche famille de 56,4 milliards d'euros.

Le déficit accumulé sur la période 2002-2012 correspond donc à une année de dépenses d'assurance maladie et à un peu moins de trois années de dépenses de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) .

Il peut également être relevé que ce déficit cumulé se décompose comme suit : 70,8 milliards d'euros entre 2002 et 2008, et 89,8 milliards d'euros entre 2009 et 2012. Si la crise économique a sans aucun doute eu un impact sur le niveau de déficit du régime général et du FSV, il convient néanmoins de noter que plus de 44 % de ces déficits ont été accumulés avant celle-ci, sur la période 2002-2008 .

Comme l'avait souligné la commission des finances dès l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et comme l'a rappelé la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2011 sur la sécurité sociale, « le niveau exceptionnellement élevé des déficits de la sécurité sociale ne s'explique que partiellement par la crise économique ». C'est avec un handicap de près de 10 milliards d'euros que notre système de protection sociale a dû affronter la crise économique.

b) L'objectif de retour à l'équilibre, fixé par la précédente majorité, en 2012 était-il réaliste ?

Quant à l'objectif d'un retour à l'équilibre des finances publiques fixé en 2007 au début de la précédente législature, il est évidemment loin d'être atteint .

Le rapport du Gouvernement relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2008, datant de juillet 2007, indiquait en effet : « l'objectif du Gouvernement est de revenir à l'horizon 2012 et même dès 2010 si la croissance le permet, à une dette inférieure à 60 points de PIB et à un solde public équilibré ».

Certes, la crise économique est intervenue entretemps. Mais cet objectif était-il réaliste ? Deux éléments peuvent laisser penser le contraire :

- d'une part, comme l'illustrent les graphiques ci-dessous, les projections pluriannuelles de solde annexées aux lois de financement de la sécurité sociale avant la crise n'avaient pas été respectées , essentiellement en raison d' hypothèses de croissance de masse salariale trop optimistes ;

Les projections pluriannuelles de solde annexées aux LFSS : prévision et réalisation (régime général + FSV)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les annexes des LFSS

Hypothèses de croissance de masse salariale retenues dans le cadre des LFSS entre 2007 et 2012 par rapport à la croissance de la masse salariale effective

(%)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Réalisé ou prévisionnel

4,8

3,6

-1,2

2

3,6

2,5

2,3

LFSS 2006

4,45

4,45

4,45

LFSS 2007

Scenario haut

5,2

5,2

5,2

Scenario bas

4,4

4,4

4,4

LFSS 2008

Scenario haut

5

5

5

5

Scenario bas

4,4

4,4

4,4

4,4

LFSS 2009

2,75

4

4,6

4,6

LFSS 2010

-0,4

5

5

5

LFSS 2011

2,9

4,5

4,5

4,5

LFSS 2012

3

4

4

4

Source : commission des finances, d'après les projections pluriannuelles annexées aux lois de financement de la sécurité sociale, et données de la commission des comptes pour la croissance de la masse salariale effectivement constatée

- d'autre part, ainsi que le notait notre collègue François Marc, rapporteur général, à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques de juin dernier, il est probable que, sans la crise, le précédent Gouvernement n'aurait pas proposé les substantielles augmentations d'impôts et de prélèvements sociaux décidées entre 2008 et 2012 pour contenir les déficits. Alors que l'objectif initial du précédent Gouvernement était une réduction du taux de prélèvements obligatoires, celui-ci est passé, s'agissant des prélèvements sociaux, de 22,2 points de PIB à 24,3 points entre 2008 et 2012 .

Evolution des prélèvements obligatoires sur la période 2008-2012

(% du PIB)

2008

2009

2010

2011

2012

Etat

13,7

11,5

13,8

13,0

13,6

Organismes divers d'administration centrale

0,9

1,2

0,8

0,8

0,8

Administrations publiques locales

5,8

6,1

4,6

5,9

6,0

Administrations de sécurité sociale

22,2

22,6

23,2

23,9

24,3

Union européenne

0,2

0,2

0,2

Taux de prélèvements obligatoires

42,8

41,6

42,5

43,9

44,9

Source : rapport économique, social et financier annexé aux PLF des années considérées

2. L'organisation sur la même période d'une reprise de dette sans précédent et pourtant partielle

Conséquence de la situation décrite précédemment, c'est également sur cette période 2002-2012 qu'a été organisé le transfert de 206 milliards d'euros de déficits (déficits passés et à venir s'agissant de la branche vieillesse) vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Les principes de la gestion de la dette sociale

Depuis 1996, la dette sociale est cantonnée au sein d'une structure dédiée, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Cet établissement public, doté de ressources propres, a pour mission d'amortir, sur une période limitée , les dettes sociales qui lui sont transférées par la loi. La « durée de vie » de la CADES était à l'origine fixée à 13 ans.

Suite aux reports de la date d'extinction de la Caisse adoptés en 1998 et en 2004, le législateur a souhaité interdire autant que possible toute nouvelle prolongation de sa durée de vie, le caractère éphémère de celle-ci ayant été particulièrement affirmé lors de sa création afin de ne pas faire supporter aux générations futures des charges indues.

Ainsi, la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement a, suite à un amendement parlementaire, modifié l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et prévu que « tout nouveau transfert de dette à la CADES serait accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ». Le Conseil constitutionnel a souligné la valeur organique de cette règle dans sa décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005.

Face à l'ampleur des déficits sociaux nés de la crise économique et financière, la loi organique du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale a autorisé exceptionnellement le législateur à déroger, en LFSS pour 2011, au principe de non allongement de la durée de vie de la CADES, sans cependant pouvoir relever de plus de quatre ans cette durée. La date d'extinction de la CADES est donc fixée à 2025.

La ressource « originelle » de la Caisse était une contribution ad hoc , la CRDS, au taux de 0,5 %, prélevée sur l'ensemble des revenus. Ses ressources se sont néanmoins diversifiées depuis 2009. Lui sont désormais affectés : 0,48 point de CSG (0,2 point en 2009 en provenance du FSV ; 0,28 point en 2011 en provenance de la CNAF), la part du prélèvement social sur les revenus du capital qui était affectée au fonds de réserve pour les retraites (FRR), ainsi que des versements annuels de 2,1 milliards d'euros d'actifs par celui-ci.

a) Quatre reprises de dette opérées entre 2002 et 2009 pour un montant de 76 milliards d'euros environ

Comme l'indique le tableau ci-après, entre 2002 et 2009, quatre opérations de reprises de dette ont été opérées, respectivement par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2003 et pour 2004, la loi sur l'avenir de l'assurance maladie du 13 août 2004 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, pour un montant total de dette transférée de 76 milliards d'euros environ .

A fin 2010, la dette transférée à la CADES depuis sa création s'élevait ainsi à 134,6 milliards d'euros et la dette amortie atteignait 47,8 milliards d'euros.

Reprises de dettes par la CADES entre 1996 et 2009

(en milliards d'euros)

Année

Vecteur

Nature de la dette reprise

Montant

1996

Ordonnance du 24 janvier 1996

Dette en trésorerie de l'ACOSS correspondant aux déficits cumulés des exercices 1994 et 1995 et déficit prévisionnel 1996 du régime général

20,89

Déficits 1995 et 1996 de la Canam

0,46

Emprunt ACOSS, repris par l'Etat en 1994 (remboursements à l'Etat jusqu'en 2005)

23,38

1998

LFSS pour 1998

Dette en trésorerie de l'ACOSS correspondant aux déficits cumulés du régime général depuis 1996 (après déduction de la fraction déjà prise en charge en 1996) et déficit prévisionnel de 1998

13,26

2003

LFSS pour 2003

Dette du Forec (première moitié régime général et autres régimes)

1,28

2004

LFSS pour 2004

Dette du Forec (deuxième moitié régime général)

1,10

LAAM du 13 août 2004

Déficits cumulés de la branche maladie du régime général au 31 décembre 2003 et déficit prévisionnel 2004

35,00

2005

Déficit prévisionnel de la branche maladie en 2005 (Compte tenu d'une « avance » de 1,69 milliard d'euros prélevée sur la somme de 35 milliards d'euros mentionnée à la ligne précédente)

6,61

2006

Déficit prévisionnel de la branche maladie en 2006 (Compte tenu d'une « avance » de 0,30 milliard d'euros prélevée sur la somme de 6,61 milliards d'euros mentionnée à la ligne précédente)

5,70

2007

Régularisation du déficit définitif 2006

- 0,06

2008

LFSS pour 2009

Déficits cumulés au 31 décembre 2008 de la CNAM, de la CNAV et du FSV (1 ère tranche)

10,00

2009

Déficits cumulés au 31 décembre 2008 de la CNAM, de la CNAV et du FSV (2 nde tranche)

17,00

Total

134,61

Source : Commission de suivi de la dette sociale

b) Une reprise de dette historique en 2010 par son ampleur, son financement et son étalement dans le temps

A l'automne 2010, la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont procédé à une nouvelle reprise de dette, la plus importante depuis la création de la CADES .

Le schéma de reprise de dette adopté en 2010 prévoyait, en effet, le transfert à celle-ci :

- en 2011, dans la limite de 68 milliards d'euros, des déficits cumulés du régime général et du FSV au titre des exercices 2009 et 2010 et des déficits prévisionnels des branches maladie et famille du régime général pour l'exercice 2011 ;

- en 2012 et progressivement, dans la double limite de 62 milliards d'euros sur la période et de 10 milliards d'euros par an, des déficits de la branche vieillesse et du FSV entre 2011 et 2018.

Cette reprise de dette a été exceptionnelle à plusieurs égards :

- son ampleur : 130 milliards d'euros au total seront transférés à la CADES entre 2011 et 2018, soit quasiment l'équivalent des déficits qui lui avait été transmis depuis 1996 ;

- son étalement dans le temps : la reprise de dette de 2010 concerne les déficits passés 2009 et 2010 et à venir de la branche vieillesse pour les années 2011 à 2018, soit une quasi-décennie. Jusqu'alors, la plus importante reprise de dette sociale avait porté sur les déficits prévisionnels de trois exercices à venir. La loi du 13 août 2004 organisait ainsi une reprise de dette portant sur les années 2004, 2005 et 2006 ;

- son mode de financement : afin de financer cette reprise de dette sans précédent, la durée d'amortissement de la CADES a été prolongée en dérogation à la loi organique du 2 août 2005 et ses sources de financement fortement accrues et diversifiées .

Ainsi ont été prévus :

- l'adossement du Fonds de réserve des retraites (FRR) à la CADES , soit l'affectation à la Caisse de la recette que le FRR percevait jusqu'alors. Par ailleurs, le FRR doit verser chaque année à la Caisse 2,1 milliards d'euros au titre de la réalisation de ses actifs ;

- l'allongement de la durée de vie de la CADES de quatre ans : l'article 1 er de la loi organique relatif à la gestion de la dette sociale organise cette dérogation au principe introduit en 2005, selon lequel tout nouveau transfert de dette ne peut être opéré que par l'apport de ressources nouvelles ;

- l'affectation à la CADES d'environ 3,2 milliards d'euros de recettes supplémentaires, via le transfert de 0,28 point de CSG, auparavant affecté à la branche Famille.

c) Une reprise de dette qui demeure pourtant partielle

Malgré son ampleur, cette opération demeure partielle . En effet, contrairement aux déficits « vieillesse », le schéma esquissé à l'automne 2010 n'apporte pas de solutions aux déficits à venir de la branche maladie et de la branche famille. Or, selon l'annexe B du présent projet de loi de financement (après mesures proposées par le PLFSS), le déficit cumulé des branches maladie et famille sur la période 2012-2017 devrait atteindre plus de 34 milliards d'euros .

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