B. ÉTENDRE LE DROIT COMMUN AUX COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES TOUT EN PRENANT EN COMPTE LEURS SPÉCIFICITÉS
Le chapitre II du présent projet de loi comporte diverses dispositions destinées à :
- d'une part, poursuivre l'important travail d'extension de la législation dans les départements d'outre-mer, et plus précisément à Mayotte, dans le cadre de la mise en place du Département de Mayotte depuis le 31 mars 2011 et l'accession prochain de celui-ci au statut européen de région ultrapériphérique, prévu le 1 er janvier 2014 ;
- d'autre part, mettre en oeuvre des dispositifs propres aux départements et aux collectivités d'outre-mer, par le biais notamment de l'exclusion du principe de participation minimale de 20 % aux projets d'investissement dont les collectivités ultramarines sont maîtres d'oeuvre et par l'homologation législative de peines de prison en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
1. Poursuivre l'extension des normes dans les départements d'outre-mer
Dans le cadre de l'institution du Département de Mayotte, la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2011 a autorisé le Gouvernement à recourir aux ordonnances pour étendre les législations en vigueur et les adapter à Mayotte. Le législateur a également défini les domaines pour lesquels l'application du droit commun à Mayotte était écartée.
Toutefois, comme l'ont rappelé nos collègues Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, la départementalisation est un processus long qui n'a pas pris fin avec la mise en place officielle du Département. Au contraire, l'évolution institutionnelle continue, avec notamment la préparation de Mayotte à son changement de statut européen, prévu pour 2014 - Mayotte devenant une région ultrapériphérique -, nécessite le rapprochement entre les dispositions applicables à Mayotte et le droit commun.
C'est pourquoi l' article 9 propose une nouvelle habilitation du Gouvernement afin d'étendre et d'adapter la législation relative à l'adoption, à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et à la prestation de compensation du handicap (PCH), celle de la couverture des risques vieillesse, maladie, maternité, invalidité et accidents du travail, aux prestations familiales, celle relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle et, enfin, celle relative à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte.
Les trois premières habilitations poursuivent le travail d'extension et d'adaptation de la législation de droit commun à Mayotte entamée par la loi précitée du 7 décembre 2010. En revanche, la dernière, relative à l'entrée et au séjour des étrangers à Mayotte, est rendue nécessaire en raison de la « rupéisation » de Mayotte, qui implique une reprise de l'acquis communautaire, alors que les règles s'y appliquant sont dérogatoires au droit commun, en raison de la pression migratoire clandestine exceptionnelle et de la déstabilisation sociale et économique qu'elle provoque.
Enfin, l' article 11 procède à la ratification de vingt-six ordonnances, prises selon le cas sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, certaines d'entre elles résultant pour Mayotte d'une habilitation prévue par l'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010, ou sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution. Sur ces vingt-six ordonnances, six relèvent de la compétence de votre commission des lois. L'article 11 prévoit également une modification du code de la construction et de l'habitation, afin de prendre en compte la refonte du code du travail applicable à Mayotte, résultant de l'ordonnance n° 2012-792 du 7 juin 2012 relative à la partie législative du code du travail applicable à Mayotte portant extension et adaptation du livre préliminaire et d'une partie des livres I er , II et IV.
2. Mettre en oeuvre des dispositifs propres aux départements et aux collectivités d'outre-mer
L' article 8 propose d'exclure des dispositions de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales les collectivités territoriales des cinq départements d'outre-mer ainsi que celles de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet article, issu de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, instaure le principe d'une participation minimale de 20 % des collectivités territoriales et de leurs groupements au financement des projets dont ils assurent la maîtrise d'ouvrage. Toutefois, l'application de ce principe aux collectivités territoriales ultramarines pénalise leurs projets d'investissement, en raison de leurs difficultés budgétaires chroniques et de leurs besoins d'équipements plus élevés. L'article 88 de la loi du 16 décembre 2010 prévoyait une habilitation du Gouvernement pour adapter ce principe aux spécificités des collectivités territoriales ultramarines. Aucune ordonnance n'a toutefois été publiée dans le délai imparti. C'est pourquoi l'article 8 propose, non pas une nouvelle habilitation du Gouvernement pour adapter aux collectivités ultramarines ce principe de l'obligation minimale de financement, mais l'exclusion du champ de cette disposition les collectivités territoriales et leurs groupements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte, de La Réunion, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Enfin, l' article 10 vise à homologuer des peines d'emprisonnement que l'assemblée de la Polynésie française et le congrès de la Nouvelle-Calédonie ont pu adopter pour sanctionner la violation de certaines infractions instituées dans leur domaine de compétence. Les dispositions statutaires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française subordonnent l'applicabilité des peines d'emprisonnement ainsi fixées à leur homologation par le législateur. Votre commission a examiné avec le plus grand soin ces peines, qui doivent respecter l'échelle des peines et ne pas excéder les peines prévues dans le droit commun. A cet égard, votre commission relève que le législateur est invité à homologuer certaines peines créées il y a plus de dix ans : le Gouvernement doit assurer un meilleur suivi pour soumettre rapidement les homologations nécessaires au Parlement, sans quoi les infractions visées ne peuvent pas donner lieu à des peines d'emprisonnement prononcées par les juges, mais seulement aux peines d'amende prévues localement.