III. LE REFUS D'UNE MESURE DE PUR AFFICHAGE EN MATIERE D'APPRENTISSAGE
Instaurée, dans sa forme initiale, en 2006, profondément modifiée en novembre 2009, réformée en juillet 2011, la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) connaîtrait, avec cet article, sa troisième évolution en moins de trois ans . Il s'agit d'un outil utile qui contribue à une politique publique, le développement de l'alternance, dont le bien-fondé est incontestable. Il est nécessaire d'inciter les entreprises à recourir davantage à ces modes de formation qui permettent d'assurer une meilleure insertion des jeunes dans le marché du travail et de répondre de manière plus adéquate aux besoins de main-d'oeuvre spécialisée des employeurs. Il faut également que les entreprises qui, délibérément, refusent d'engager des efforts en ce sens soient sanctionnées d'une pénalité financière afin que leur comportement ne constitue pas un frein à l'emploi des publics concernés.
Ceci étant, force est de constater que le présent article constitue avant tout une mesure d'affichage destinée à donner l'impression que le Gouvernement se mobilise contre le chômage des jeunes et réagit aux dérèglements de la conjoncture économique. Ce n'est pourtant pas dans la précipitation que le législateur réalise son meilleur travail ni qu'il apporte des solutions durables aux problèmes rencontrés par des centaines de milliers de personnes pour trouver un emploi.
En effet, la plupart des dispositions proposées dans cet article n'entreront en vigueur qu'en 2016, ce qui veut dire que leurs conséquences ne seront véritablement mesurables qu'à la fin de la décennie. Quant à l'augmentation, dès 2013, de la pénalité sur les entreprises employant moins d'1 % d'alternants, elle ne devrait pas conduire à une hausse significative des recettes de la CSA car les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés en comptent d'ores et déjà, en moyenne, environ 1,6 %.
Qui plus est, l'évaluation gouvernementale de l'impact du rehaussement du quota de salariés en alternance et des taux de CSA apparaît très optimiste. Sachant qu'à l'heure actuelle, le stock annuel moyen de contrats en alternance dans les entreprises redevables de la CSA est estimé à 127 000, le seul chiffre cité est un gain de 273 000 contrats par an, si celles-ci atteignaient toutes le quota de 5 %. Cela semble peu vraisemblable étant donné que le quota de 3 % aujourd'hui en vigueur n'est pas respecté. Si on peut espérer une certaine augmentation du nombre moyen d'alternants dans les entreprises à la suite de cette réforme, il est peu probable qu'elle soit de cette ampleur.
En effet, le développement de l'alternance n'est pas qu'une question de moyens financiers, d'incitations et de sanctions. Depuis plus de vingt ans, les gouvernements, de gauche comme de droite, ont multiplié les mesures visant à rendre ces formations plus attractives, avec un certain succès d'ailleurs. Néanmoins, la différence avec l'exemple allemand, désormais systématiquement mis en exergue lorsqu'il est question d'apprentissage, n'est pas seulement due à une insuffisance de moyens. C'est surtout une question de mentalités et d'organisation du système éducatif que la loi seule ne peut faire évoluer totalement à sa guise.
Alors que la réforme de 2011 vient à peine de commencer à s'appliquer et que ses effets n'ont pas encore pu faire l'objet d'une évaluation, le Gouvernement propose à nouveau de modifier le droit existant, en l'affectant d'une entrée en vigueur différée. L'adoption de cet article n'apportera aucune réponse aux problèmes que rencontrent aujourd'hui les jeunes désireux de suivre une formation en alternance mais qui ne trouvent pas d'employeur. Elle ne réglera pas davantage ceux liés aux trop fréquentes ruptures des contrats d'apprentissage ou au fait que ceux-ci ne sont pas assez suivis d'une embauche dans l'entreprise formatrice. Avec une échéance si lointaine, votre commission ne voit aucune urgence à légiférer dans la hâte, sans connaître les résultats des modifications apportées à la CSA voici à peine huit mois.