III. AMÉLIORATION DE L'ÉVALUATION DU CRÉDIT D'IMPÔT RECHERCHE PAR LA SIMPLIFICATION DE L'ACCÈS AUX DONNÉES FISCALES (ARTICLE 50)
A. LE DROIT EXISTANT
1. La double déclaration des entreprises dans le cas du crédit d'impôt recherche
Actuellement, le I de l'article 49 septies M de l'annexe III du code général des impôts prévoit que les entreprises souhaitant bénéficier du crédit d'impôt recherche (CIR) souscrivent une déclaration spéciale conforme à un modèle établi par l'administration, qu'elles déposent auprès du service des impôts .
Le II de l'article 49 septies M précité prévoit également qu' « une copie de la déclaration spéciale mentionnée au I est adressée, dans le même délai que celui qui est prévu pour le dépôt du relevé de solde ou de la déclaration de résultat, aux services relevant du ministère chargé de la recherche ».
2. L'impossibilité juridique de la DGCIS d'accéder aux informations relatives au crédit d'impôt recherche
Le service du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi chargé de réaliser des études relatives à la compétitivité des entreprises, et ayant donc besoin de disposer des informations relatives au crédit d'impôt recherche (CIR), est la sous-direction de la prospective, des études économiques et de l'évaluation de la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) .
Si les articles L. 115 et suivants du livre des procédures fiscales prévoient certaines dérogations à la règle du secret professionnel en matière fiscale, ils ne permettent pas à cette sous-direction de disposer des informations relatives au CIR .
a) Les informations fiscales peuvent être transmises à l'Insee et aux services statistiques ministériels
Certes, l'article L. 135 D du livre précité prévoit, dans son I, que « les agents de l'administration des impôts [...] peuvent communiquer aux agents de l'Institut national de la statistique et des études économiques et aux agents des services statistiques ministériels [...] les renseignements utiles à l'établissement de statistiques ».
Toutefois, la sous-direction concernée n'est pas un service statistique ministériel.
b) Les services d'études économiques ne peuvent pas se voir transmettre d'informations fiscales
Le II de l'article L. 135 D précité prévoit que certaines informations peuvent être transmises « soit pour des besoins de recherche scientifique, soit à des fins exclusives de réalisation d'études économiques, aux agents de services de l'Etat chargés de la réalisation d'études économiques », la « liste de ces services » étant « définie par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé du budget ».
Cet arrêté du 7 juillet 2009 12 ( * ) prévoit que cette liste « est arrêtée aux services suivants :
« A la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :
« - la sous-direction de la prospective, des études économiques et de l'évaluation .
« Au commissariat général au développement durable du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat :
« - le service de l'économie, de l'évaluation et de l'intégration du développement durable. »
Toutefois le II de l'article L. 135 D précité limite explicitement le champ des dispositions concernées à celles relatives aux comptes des entreprises . Le CIR n'entre donc pas dans le champ de cette dérogation.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L'article 50 de la présente proposition de loi tend - dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale - à insérer dans le code de la recherche un article L. 131-3 prévoyant que les agents relevant du ministre chargé de la recherche transmettent chaque année les informations relatives au CIR aux « agents des services chargés de la réalisation d'études économiques mentionnés dans l'arrêté prévu au II de l'article L. 135 D du livre des procédures fiscales et relevant du ministre chargé de l'économie ».
Par rapport aux dispositions dérogatoires relatives à la transmission des informations fiscales par l'administration fiscale aux services statistiques ministériels, les différences seraient :
- que les informations concernées seraient transmises aux services chargés de la réalisation d'études économiques (et non aux services statistiques ministériels). Compte tenu de la rédaction actuelle de l'arrêté précité du 7 juillet 2009 13 ( * ) , le service concerné serait, « à la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi [...] la sous-direction de la prospective, des études économiques et de l'évaluation » ;
- que cette transmission serait réalisée non par l'administration fiscale, mais par le ministère de la recherche . En effet, en pratique lui seul centralise les données concernées (bien que l'administration fiscale dispose des mêmes informations) ;
- que cette transmission par le ministère de la recherche serait impérative et annuelle (« les agents relevant du ministre chargé de la recherche transmettent chaque année [...] ») ;
- que cette transmission serait réalisée « en vue de l'élaboration d'études relatives à l'innovation et à la compétitivité des entreprises ».
La rédaction de l'article L. 131-3 (nouveau) du
code de la recherche proposée
« Art. L. 131-3. - Les agents relevant du ministre chargé de la recherche transmettent chaque année les informations mentionnées dans la déclaration dont ils reçoivent copie en application du II de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts aux agents des services chargés de la réalisation d'études économiques mentionnés dans l'arrêté prévu au II de l'article L. 135 D du livre des procédures fiscales et relevant du ministre chargé de l'économie, en vue de l'élaboration d'études relatives à l'innovation et à la compétitivité des entreprises. » |
C. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
A l'initiative de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté la rédaction de l'article 50 présentée ci-avant.
Dans sa rédaction initiale, il s'agissait de modifier non le code de la recherche, mais le livre des procédures fiscales. La commission des lois de l'Assemblée nationale a toutefois souhaité se conformer à l'avis du Conseil d'Etat, selon lequel « les dispositions en cause ne pouvant trouver leur place dans le livre des procédures fiscales dont le champ recouvre les mesures que seuls les agents des impôts sont compétents pour mettre en oeuvre, il serait préférable de les insérer dans le chapitre du code de la recherche relatif au crédit d'impôt recherche ».
Les états successifs de l'article 50 de la proposition de loi
La rédaction initiale |
La rédaction adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale (puis par l'Assemblée nationale) |
L'article L. 135 D du livre des procédures fiscales est complété par un III ainsi rédigé : |
Le chapitre I er du titre III du livre I er du code de la recherche est complété par un article L. 131-3 ainsi rédigé : |
« III. - Les agents relevant du ministre chargé de la recherche sont tenus de transmettre chaque année les informations mentionnées dans la déclaration dont ils reçoivent copie en application du II de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, aux agents des services chargés de la réalisation d'études économiques relevant du ministre chargé de l'économie. » |
« Art. L. 131-3. - Les agents relevant du ministre chargé de la recherche transmettent chaque année les informations mentionnées dans la déclaration dont ils reçoivent copie en application du II de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, aux agents des services chargés de la réalisation d'études économiques mentionnés dans l'arrêté prévu au II de l'article L. 135 D du livre des procédures fiscales et relevant du ministre chargé de l'économie, en vue de l'élaboration d'études relatives à l'innovation et à la compétitivité des entreprises. » |
L'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale a en outre précisé la désignation juridique des services destinataires des informations transmises et la finalité de la levée du secret professionnel et fiscal.
Lors de l'examen de la présente proposition de loi en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté l'article 50 dans la rédaction issue des travaux de sa commission des lois.
D. LA REPRISE D'UNE PROPOSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SÉNAT
1. L'article 41 de la loi de finances initiale pour 2011
L'article 50 de la présente proposition de loi est très proche du V de l'article 41 de la loi de finances initiale pour 2011, tel qu'il résultait du texte adopté par les deux assemblées. Cette proximité était encore plus grande dans sa rédaction initiale, comme le montre le tableau ci-après.
Comparaison de l'article 50 de la proposition de loi « Warsmann 4 » et du V de l'article 41 de la loi de finances initiale pour 2011 (avant censure par le Conseil constitutionnel)
Le V de l'article 41 de la loi de finances initiale pour 2011 (avant censure par le Conseil constitutionnel) |
Rédaction initiale de l'article 50 de la « Warsmann 4 » |
Rédaction de l'article 50 de la « Warsmann 4 » résultant des travaux de l'Assemblée nationale |
V. - L'article L. 135 D du livre des procédures fiscales est complété par un III ainsi rédigé : |
L'article L. 135 D du livre des procédures fiscales est complété par un III ainsi rédigé : |
Le chapitre I er du titre III du livre I er du code de la recherche est complété par un article L. 131-3 ainsi rédigé : |
III. - Les services du ministère chargé de la recherche communiquent les informations mentionnées dans la déclaration de crédit d'impôt pour dépenses de recherche dont ils sont destinataires aux services chargés de la réalisation d'études économiques relevant du ministère chargé de l'économie et de l'industrie et qui figurent sur la liste mentionnée au II, en vue de l'élaboration d'études ou de rapports présentant les tendances et enjeux de la recherche, notamment sur l'innovation et la compétitivité des entreprises, dans les principaux secteurs économiques. |
« III. - Les agents relevant du ministre chargé de la recherche sont tenus de transmettre chaque année les informations mentionnées dans la déclaration dont ils reçoivent copie en application du II de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts, aux agents des services chargés de la réalisation d'études économiques relevant du ministre chargé de l'économie. » |
« Art. L. 131-3 . - Les agents relevant du ministre chargé de la recherche transmettent chaque année les informations mentionnées dans la déclaration dont ils reçoivent copie en application du II de l'article 49 septies M de l'annexe III au code général des impôts aux agents des services chargés de la réalisation d'études économiques mentionnés dans l'arrêté prévu au II de l'article L. 135 D du livre des procédures fiscales et relevant du ministre chargé de l'économie, en vue de l'élaboration d'études relatives à l'innovation et à la compétitivité des entreprises. » |
On rappelle que le V de l'article 41 de la loi de finances initiale pour 2011 résultait d'un amendement I-20 de la commission des finances du Sénat , sous-amendé par le Gouvernement.
2. Un « cavalier » censuré par le Conseil constitutionnel
Dans sa décision n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le V de l'article 41 de la loi de finances initiale pour 2011, au motif qu'il n'appartenait pas au domaine de la loi de finances tel que défini par l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001.
L'article 50 n'encourt pas de tel risque de censure, la présente proposition de loi n'étant pas un projet de loi de finances.
* 12 Arrêté du 7 juillet 2009 fixant la liste des services de l'Etat chargés de réalisation d'études économiques pouvant avoir accès à des informations portant sur des renseignements prévus dans certains articles du code de commerce et du code général des impôts.
* 13 Arrêté du 7 juillet 2009 fixant la liste des services de l'Etat chargés de réalisation d'études économiques pouvant avoir accès à des informations portant sur des renseignements prévus dans certains articles du code de commerce et du code général des impôts.