B. LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL DISSIMULÉ
1. La responsabilité solidaire des dirigeants et des personnes morales en cas de sanction pour travail dissimulé ou inobservations graves et répétées des obligations sociales (article 66 bis)
À l'initiative de notre collègue député Yves Bur, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article 66 bis qui tend à établir une responsabilité solidaire des dirigeants et des personnes morales en cas de travail dissimulé .
Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, la dissimulation d'emploi salarié correspond au fait de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la déclaration d'embauche auprès des organismes de sécurité sociale, soit à l'accomplissement de la délivrance d'un bulletin de paie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales.
L'auteur du délit, qu'il soit personne physique ou morale, encourt des sanctions pénales, mais également des sanctions administratives, dont le rappel des impôts et taxes dus, avec application de majorations et pénalités.
Toutefois, en cas de sanction pour travail dissimulé, les pénalités ne peuvent fréquemment pas être recouvrées du fait d'une disparition juridique de la personne morale à la suite, par exemple, d'une mise en liquidation. C'est pourquoi l' article 66 bis prévoit que le dirigeant d'une société peut être déclaré solidairement responsable du paiement des cotisations, contributions et sanctions pécuniaires dues par la personne morale qu'il dirige par le président du tribunal de grande instance . Ce dispositif s'applique également en cas d'inobservations graves et répétées des obligations sociales. Sont concernées les personnes exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société.
Votre rapporteur pour avis accueille favorablement cette initiative visant à ce que les sanctions prononcées pour travail dissimulé puissent être effectivement recouvrées.
2. La sanction du recours à de faux travailleurs indépendants (article 67)
a) Puisque la présomption de non-salariat interdit le recouvrement des cotisations et contributions sociales en cas de recours à de faux indépendants...
Le contrat de travail constitue une convention en application de laquelle le salarié s'engage à fournir une prestation personnelle de travail en acceptant se placer sous la subordination de son employeur qui s'engage à lui payer en contrepartie une rémunération. Conformément à l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale (CSS), l'existence de cette relation de travail implique l'affiliation du salarié aux assurances sociales du régime général , et donc l'obligation pour l'employeur de s'acquitter des cotisations et contributions patronales. Afin d'éviter le contournement des législations du travail et de la sécurité sociale par certains employeurs, consistant à recourir à des travailleurs prétendument indépendants, la jurisprudence de la Cour de cassation a progressivement élargi le critère du lien juridique de subordination , entraînant la requalification en contrat de travail de nombreuses relations contractuelles liant un donneur d'ordre et un « travailleur indépendant ». En réaction à cette évolution, la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle a créé une présomption de non-salariat afin d'offrir plus de sécurité juridique à ces donneurs d'ordres. Ainsi, cette présomption était étendue à tous les indépendants : personnes physiques immatriculées au registre du commerce, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (URSSAF). Elle a cependant été supprimée par la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail
Dans sa version antérieure à 2003, l'article L. 120-3 du code du travail, aujourd'hui abrogé 64 ( * ) , disposait que les personnes ayant eu recours à de faux travailleurs indépendants étaient tenues « au paiement des cotisations et contributions dues aux organismes chargés d'un régime de protection sociale ainsi qu'aux caisses de congés payés ». Ainsi, lorsque l'existence d'une relation de travail était établie entre un donneur d'ordres et une personne physique supposée indépendante car inscrite au registre du commerce, au répertoire des métiers ou au registre des agents commerciaux, les organismes de sécurité sociale étaient en mesure de recouvrer les contributions et les cotisations qui auraient dues être versées .
Toutefois, l'article 23 de la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique a rétabli la présomption de non salariat . Ainsi, toute personne régulièrement immatriculée ou inscrite auprès des différents registres obligatoires est présumée être un travailleur indépendant. En même temps qu'elle rétablissait la présomption de non salariat, la loi précitée supprimait l'obligation pour les employeurs de fait de reverser aux organismes de sécurité sociale les contributions et cotisations dues au titre de la relation de travail .
Il n'était donc plus possible de recouvrir ces contributions et cotisations lorsque le recours à un faux travailleur indépendant était requalifié par un juge de relation de travail, ni même lorsqu'une condamnation pénale pour travail dissimulé était prononcée.
Par ailleurs, l'article 11 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a étendu aux auto-entrepreneurs la présomption de non salariat, étendant par la même occasion les possibilités de fraudes aux cotisations et contributions sociales .
b) ...il est proposé d'en imposer le paiement aux personnes condamnées pour travail dissimulé
L' article 67 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 propose de modifier l'article L. 8221-6 du code du travail afin que « la personne qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé » soit « tenue au paiement des cotisations et contributions sociales qu'elle aurait dû acquitter comme employeur pour la période pendant laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie. »
Selon l'article L. 8221-5 de ce même code, la dissimulation d'emploi salarié correspond soit au fait de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration d'embauche auprès des organismes de sécurité sociale, soit à l'accomplissement de la délivrance d'un bulletin de paie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales.
De ce fait, la présomption de non salariat est maintenue et reste codifiée l'article L. 8221-6 précité. Cependant, il n'est plus fait obstacle à ce que la dissimulation de travail donne lieu au paiement des cotisations et contributions sociales dues par l'employeur de fait.
Les contributions et cotisations redressées dans le cadre de ce dispositif représenteraient un total de 4 millions d'euros de recettes nouvelles pour les organismes de sécurité sociale à partir de 2012.
Votre rapporteur spécial est favorable à ces dispositions.
3. La suppression du plafonnement de l'annulation des exonérations et réductions de cotisations patronales en cas de travail dissimulé (article 67 bis)
À l'initiative de notre collègue député Yves Bur, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article 67 bis tendant à prévoir la suppression du plafonnement de l'annulation des exonérations et réductions de cotisations patronales en cas de travail dissimulé .
L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale prévoit, dans certaines conditions, l'annulation des exonérations ou réductions de cotisations patronales en cas de travail dissimulé. Le montant de l'annulation ne peut être supérieur à un plafond fixé par décret.
L' article 67 bis prévoit la suppression de la disposition précisant qu'un plafond est fixé par décret afin que le montant de l'annulation des exonérations ou réductions de cotisations patronales en cas de travail dissimulé ne soit pas limité .
Votre rapporteur pour avis prend acte de cette initiative.
4. La détermination par décret des modalités de prise en compte de la rémunération forfaitaire en matière d'ouverture des droits et de calcul des ressources pour l'ensemble des prestations servies par les organismes de sécurité sociale (article 67 ter)
À l'initiative de notre collègue député Yves Bur, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article 67 ter visant à la détermination par décret des modalités de prise en compte de la rémunération forfaitaire en matière d'ouverture des droits et de calcul des ressources pour l'ensemble des prestations servies par les organismes de sécurité sociale .
L'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale prévoit que, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale, les rémunérations qui sont versées à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale.
Toutefois, l'auteur de l'amendement à l'origine de cet article indique que les modalités de prise en compte de la rémunération ne sont prévues, à ce jour, que pour l'assurance vieillesse. Celles-ci sont fixées par un décret en Conseil d'État. Pour les autres branches, ces modalités ne sont pas précisées, limitant la portée opérationnelle du recours à la rémunération forfaitaire.
Pour cette raison, l' article 67 ter prévoit que les modalités de prise en compte de la rémunération forfaitaire en matière d'ouverture des droits et de calcul des ressources sont définies par décret en Conseil d'État pour toutes les prestations servies par les organismes de sécurité sociale, et non plus seulement pour celles relevant de l'assurance vieillesse.
Il est pris acte de cette initiative par votre rapporteur pour avis.
* 64 Les dispositions de l'article L. 120-3 sont désormais reprises à l'article L. 8221-6 du nouveau code du travail, après sa refonte en 2008.