V. LES MESURES RELATIVES À LA BRANCHE FAMILLE

A. LES OBJECTIFS DE DÉPENSES POUR 2012

1. Des comptes certifiés pour la seconde année consécutive

La Cour des comptes a constaté des progrès en matière de sécurisation des processus de liquidation des prestations et d' estimations comptables . Elle salue les actions menées dans ces domaines tout en accompagnant sa certification de réserves sur cinq points .

Réserves formulées par la Cour des comptes
lors de la certification des comptes de la branche « famille » de l'exercice 2010

- Le contrôle interne procure une assurance partielle sur la maîtrise des risques ayant une incidence dans les comptes :

1°) Malgré les progrès accomplis par la branche en 2009 et en 2010, la persistance de nombreux défauts du contrôle interne implique qu'il ne peut apporter qu'une assurance partielle sur la maîtrise, par la branche, des risques inhérents à son activité.

2°) L'inadéquation du contrôle interne propre à l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), la complexité intrinsèque du dispositif et les incertitudes persistantes dans la justification des charges enregistrées par la branche induisent une incertitude sur la réalité et l'exhaustivité du montant des cotisations dues.

- Des incertitudes affectent les écritures comptables :

3°) Des incertitudes persistent sur certaines estimations comptables, soit qu'elles s'appuient sur des états extracomptables peu fiables (provisions pour dépréciations de créances d'indus) soit que la méthode retenue par la branche pour le calcul des charges à payer diverge de celle retenue par l'activité de recouvrement pour le calcul de ses produits à recevoir (prise en charge de prélèvements sociaux dus par les allocataires du complément de libre choix du mode de garde (CMG) de la Prestation d'Accueil du Jeune Enfant (PAJE)).

4°) Le processus d'établissement des comptes combinés, bien qu'en nette amélioration, doit encore connaître des aménagements afin d'en améliorer la sécurité, les informations fournies par l'annexe restant par ailleurs incomplètes et d'une qualité perfectible.

5°) Du fait du refus de certification par les commissaires aux comptes de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) des comptes combinés du régime agricole, d'une part, et du défaut de cohérence des pratiques comptables entre le régime général et le régime employeur de la SNCF, d'autre part, la Cour ne dispose pas d'une assurance appropriée sur la fiabilité des données reprises dans les comptes combinés de la branche au titre des cotisations et prestations familiales gérées par ces deux régimes.

Source : Rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale
(Cour des comptes - juin 2011).

Votre rapporteur pour avis se félicite de la certification des comptes de la « branche » famille de l'exercice 2010, dans le prolongement de la certification obtenue pour l'exercice 2009 55 ( * ) . Il estime toutefois que tous les efforts devront être engagés afin d'obtenir une évaluation sincère des comptes de la branche.

2. Des dépenses en hausse de 2,8 % en 2012 (article 59)

Pour 2011 , l'objectif rectifié des dépenses de la branche est de 55,5 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base et de 55,1 milliards d'euros pour le seul régime général ( article 4 du présent projet de loi de financement).

Pour l'année 2012 , l' article 59 du présent projet de loi fixe les objectifs de dépenses de la branche famille à 57,1 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, et à 56,6 milliards d'euros pour le régime général.

L'objectif de dépenses connaîtrait donc entre 2011 et 2012 une progression de 2,8 % pour l'ensemble des régimes obligatoires de base et de 2,7 % pour le seul régime général.

En 2012, la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) 56 ( * ) , qui détermine chaque année les évolutions de montant des prestations familiales, devrait croître de 2,3 %, en augmentation par rapport aux années précédentes (1,5 % en 2011 et 0 % en 2010).

Cette revalorisation aura pour effet mécanique d' accélérer la croissance des prestations légales et, par suite, les charges supportées par la branche « famille ».

Hors cet « effet prix », les prestations familiales augmenteraient de manière variable en 2012 :

- le volume des prestations pour la petite enfance ralentit de manière tendancielle (à l'exception notable des aides pour la garde d'enfants dont la croissance reste élevée 57 ( * ) ) : la réduction relative de la taille des familles et la stagnation du nombre de bénéficiaires de ces aides contribuent en effet à modérer la progression des dépenses ;

- les allocations en faveur de la famille sont, en revanche, orientées à la hausse en 2012 en raison principalement de l'augmentation des allocations familiales (AF), elle-même consécutive à la réforme de la majoration pour âge des enfants dès l'âge de 14 ans (et non plus 16 ans) qui a pris effet en juin 2011.

Les prestations extra-légales (prestations qui prennent le relais des prestations familiales légales pour maintenir le niveau social des familles les moins aisées) connaitraient une croissance dynamique (+ 9,4 % en 2011 et + 7,5 % en 2012, contre + 5,7 % en 2010) résultant des engagements de la convention d'objectifs et de gestion (COG) signée entre la CNAF et l'Etat pour la période 2009-2012.

Les dépenses au titre des aides en faveur du logement financées par la CNAF (Allocation de logement familiale (ALF), contribution au Fonds national d'aide au logement) continueraient d'augmenter mécaniquement en raison de la revalorisation des loyers plafonds : + 2,95 % en 2011 et + 3,6 % en 2012 (taux prévisionnels) .

Les dépenses de la branche famille

Source : commission des finances du Sénat

3. La hausse des recettes ne permet pas le retour à l'équilibre de la branche « famille » dont le déficit atteindrait 2,3 milliards d'euros en 2012 (en baisse de 12 % par rapport à 2011)

Les produits nets de la branche « famille » s'accroîtraient de 4,1 % en 2011 et de 3,6 % en 2012. Ces hausses ont principalement comme cause la progression de la masse salariale , qui devrait s'établir à 3,7 % pour ces deux exercices.

Ensemble des régimes obligatoires de base

( en milliards d'euros )

2009

2010

2011

2012

Variation 2011/2012

Produits

56,6

50,8

52,9

54,8

+ 3,6 %

Cotisations effectives

31,9

32,7

33,9

35,4

+ 4,4 %

Cotisations fictives employeur

0,1

0,1

0,1

0,1

+ 0 %

Cotisations prises en charge par l'Etat

0,7

0,7

0,6

0,5

- 16,6 %

Cotisations prises en charge par la sécurité sociale

0,3

0,3

0,3

0

-

Contributions publiques

6,5

0

0

0

+ 0 %

Impôts et taxes affectés

16,2

16,5

17,0

17,7

+ 4,1 %

dont CSG

12,0

12,1

12,5

9,6

- 23,2 %

Transferts entre organismes

0

0

0

0,3

+ 0 %

Produits financiers

0

0

0

0,1

+ 0 %

Autres produits

0,8

0,8

0,8

0,6

+ 0 %

Source : Annexe C des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, 2010, 2011 et 2012

La branche « famille » était structurellement excédentaire avant 2008. Un renversement de tendance est intervenu en 2008 ( - 0,3 milliard d'euros ), qui s'est confirmé l'année suivante ( - 1,8 milliard d'euros en 2009 ), le déficit s'accentuant à nouveau de 850 millions d'euros en 2010.

Le facteur principal de ce revirement est l'extrême sensibilité du solde de la branche « famille » à l'évolution de la masse salariale et donc à la situation économique du pays (98 % des recettes de la branche sont composées de cotisations, CSG, impôts et taxes).

Entre 2008 et 2011, la dégradation des hypothèses macroéconomiques a affecté de manière importante le montant des recettes sur revenus d'activité alors que, sur cette même période, on constatait la progression de certaines charges affectées à la branche « famille » :

- les prestations légales ont augmenté à la suite de l'augmentation des naissances (832 000 naissances en 2010) ;

- les allocations logement à caractère familial ont progressé en raison de la détérioration de la situation de l'emploi.

Par ailleurs, des charges spécifiques à la branche sont apparues :

- les caisses d'allocations familiales gèrent le Revenu de solidarité active (RSA) pour le compte de l'État (partie « activité ») et des départements (partie « socle »). La prise en charge de cette prestation a nécessité une hausse des personnels qui a pesé sur les charges de gestion courante de la CNAF ;

- celle-ci a, par ailleurs, progressivement pris en charge l'intégralité du financement de la majoration des pensions en faveur des parents ayant élevé trois enfants, auparavant assuré par le FSV (Fonds de solidarité vieillesse).

Le déficit de la branche « famille » se stabiliserait ainsi à 2,6 milliards d'euros en 2011 pour l'ensemble des régimes obligatoires de base.

En 2012 , ce déficit diminuerait de 300 millions d'euros pour s'établir à 2,3 milliards d'euros après prise en compte des mesures du présent projet de loi à destination des familles monoparentales ( articles 57 et 58 ) et des parents handicapés ( article 58 ).

La réduction partielle du déficit de la branche « famille » s'explique, d'une part, par l'augmentation attendue de la masse salariale (+ 3,7 % ) - dont votre rapporteur pour avis a souligné précédemment le caractère optimiste - et, d'autre part, par l'adoption de mesures nouvelles en recettes.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 prévoyait notamment l'assujettissement du CLCA (complément du libre choix d'activité) et du COLCA (complément optionnel du libre choix d'activité), assimilés à des revenus de remplacement, au taux réduit de CSG, pour des recettes supplémentaires estimées de 140 millions d'euros ( article 13 ). Cet article a été supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale.

Solde de la branche « famille »

(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Branche « Famille »

+ 0,2

- 0,3

- 1,8

- 2,7

- 2,6

- 2,3

Source : Annexe B du présent projet de loi de financement

Malgré les hypothèses de croissance trop confiantes du Gouvernement, l'annexe B au présent projet de loi laisse entrevoir un déficit cumulé s'élevant à 9 milliards d'euros pour la période 2012-2015 (soit un déficit de 2,5 milliards d'euros en 2013, de 2,3 milliards en 2014 et de 1,9 milliard en 2015).

Votre rapporteur pour avis souligne combien il est regrettable et inquiétant que les déficits prévisionnels pour les exercices à venir restent aussi élevés.

Il déplore par ailleurs les décisions adoptées à l'automne dernier qui font peser un risque de fragilisation des recettes de la branche « famille » :

La loi de finances pour 2011 a ainsi affecté des ressources fiscales au rendement décroissant et non pérenne (le panier fiscal « assurance ») à cette branche en contrepartie d'une ressource sociale stable (0,28 point de CSG) qui finance désormais la CADES :

Rendement prévisionnel

(montant en millions d'euros)

2011

2012

Taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA)

1 050

1 092

« Exit tax » 58 ( * )

835

835

Prélèvements sociaux sur les contrats d'assurance-vie multi-supports

1 626

1 446

Source : réponse au questionnaire parlementaire


* 55 Les comptes des exercices 2006, 2007 et 2008 n'avaient pas été certifiés par la Cour des comptes en raison de déficiences systémiques en matière de contrôle interne, et de méthodologie en matière de détermination des charges à payer.

* 56 La BMAF est une somme fixée par voie réglementaire dont la variation repose sur l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac, établie dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances , et des écarts entre les prévisions d'évolution de ces prix et les réalisations (rattrapage sur les années N-1 et N-2).

* 57 Le montant du complément de mode de garde (CMG) « assistante maternelle » augmenterait de 5,3% en 2012 ( cf. infra ).

* 58 Imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France.

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