C. UN RENOUVEAU DE LA PÉRÉQUATION

Le PLF pour 2011 constitue une première étape vers le renforcement de la péréquation horizontale ; pour ce faire, il s'appuie sur les mécanismes mis en place l'année passée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.

1. La péréquation : un objectif constitutionnel dont l'importance demeure limitée

Consacrée par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l'exigence de péréquation doit concilier deux impératifs majeurs : d'une part, la réduction de l'écart de richesse fiscale entre les collectivités et, d'autre part, la nécessité de continuer à inciter ces mêmes collectivités à attirer, sur leur territoire, des activités économiques à fort potentiel. L'Observatoire des finances locales rappelait ainsi, dans son état des lieux de 2009, que « l'enjeu de la péréquation consiste [...] à soutenir les collectivités structurellement défavorisées tout en conservant l'incitation des collectivités à mener des politiques de développement local dynamiques ».

La péréquation demeure toutefois un impératif peu contraignant pour le législateur : dans deux décisions de 2003, le Conseil constitutionnel a jugé que cette exigence « n'impose pas que chaque type de ressources fasse l'objet d'une péréquation » 22 ( * ) , ni « que chaque transfert ou création de compétences donne lieu à péréquation » 23 ( * ) .

2. Le renforcement de la péréquation horizontale : une solution pour assurer l'égalité entre les collectivités ?

Reconduisant les efforts de l'État en matière de péréquation verticale, le PLF pour 2011 vise également à généraliser la péréquation horizontale.

Celle-ci se distingue de la péréquation verticale, assurée par l'État qui répartit ses dotations entre les collectivités en fonction de la richesse relative de ces dernières, en ce qu'elle est opérée directement par les collectivités .

Les formes de péréquation

Régions

Départements

EPCI

Communes

Péréquation verticale

Dotation de péréquation des régions

Dotation de fonctionnement minimal

Dotation de péréquation urbaine

Dotation d'intercommunalité

DSU

DSR

Dotation nationale de péréquation

Péréquation horizontale

Fonds de péréquation des recettes de CVAE

Fonds de péréquation des DMTO

Fonds de péréquation des recettes de CVAE

Dotation de solidarité communautaire (facultative)

Fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales

Fonds de solidarité de la région Île-de-France

Fonds départemental de péréquation de la TP

Fonds de péréquation des recettes communales et intercommunales

Source : documents annexés au PLF pour 2011.

(1) Les conséquences du PLF pour 2010 sur les inégalités de richesse fiscale : des résultats contrastés

Le rapport Durieux-Subremon et les travaux des parlementaires en mission ont appelé à un renforcement de la péréquation, en constatant que la mise en place de la CET pouvait avoir pour conséquence d'accroître les inégalités de répartition de la richesse fiscale entre les collectivités .

Le rapport Durieux-Subremon a souligné que le remplacement de la taxe professionnelle par la CET aurait des conséquences différenciées sur la répartition de la richesse fiscale. Ainsi, si la réforme diminue les inégalités entre régions et entre communes (bien que, dans ce dernier cas, le surcroît de péréquation soit neutralisé par les mécanismes de garantie et de compensation mis en place par le PLF pour 2010), elle augmente les inégalités entre départements .

En outre, le fonctionnement des dispositifs de péréquation antérieurs à la réforme est bouleversé par la mise en place de la CET : tel est notamment le cas des fonds de péréquation de la taxe professionnelle et du fonds de solidarité pour les communes de la région Île-de-France (FSRIF).

Le rapport des inspections générales remarque également que les mécanismes de péréquation horizontale créés par la loi de finances pour 2010 n'auront, à court terme, qu'un effet limité dans la résorption des écarts de richesse fiscale. Plus structurellement, c'est la notion même de « potentiel fiscal » qui est affectée par la réforme, et qui devra être redéfinie.

Le rapport des parlementaires en mission arrive à des constats largement convergents . Nos collègues estiment en effet que des mesures vigoureuses en faveur de la péréquation doivent être prises, en raison de l'ampleur extrême des disparités de richesse fiscale entre les collectivités : ainsi, le potentiel fiscal par habitant varie du simple au double entre les régions, du simple au quadruple pour les départements et de un à mille entre les communes. Or, ces inégalités ne sont que très faiblement réduites, à l'horizon 2015, par les mécanismes de correction mis en place par la loi de finances pour 2010.

Le PLF pour 2011 apporte deux réponses à ce constat.

(2) Le maintien des efforts de l'État en matière de péréquation

En premier lieu, le PLF pour 2011 augmente le montant des dotations péréquatrices versées par l'État aux collectivités : la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) croîtront ainsi de 6,2 % chacune (c'est-à-dire 50 millions d'euros pour la DSR et 77 millions d'euros pour la DSU), ce qui mérite d'être souligné dans un contexte de gel en valeur des concours de l'État.

Le fonctionnement de la DDU

Mise en place par l'article 172 de la loi de finances pour 2009, la DDU bénéficie à cent villes particulièrement défavorisées et vient compléter la logique de péréquation poursuivie par la dotation de solidarité urbaine (DSU).

Les crédits qui y sont rattachés font l'objet d'une contractualisation entre les communes éligibles (ou l'EPCI dont elles sont membres) et le préfet de département, une enveloppe départementale étant répartie en fonction des projets de développement local -et notamment de renforcement de l'accès à la culture- présentées par les élus locaux.

Le renforcement de la péréquation n'entre donc pas en contradiction avec les objectifs poursuivis par le projet de LPFP 2011-2014, bien qu'il impose de dégager des marges de manoeuvre au détriment des autres dotations « sous enveloppe ».

En outre, l'article 59 du PLF prévoit de modifier les modalités de calcul du potentiel financier des EPCI ; cette mesure est d'une importance capitale, dans la mesure où ce facteur détermine le montant de la DGF qui leur est allouée. Désormais, le potentiel financier des EPCI tiendra compte du potentiel fiscal par habitant de l'ensemble intégré incluant le groupement et ses communes membres, ce qui permettra de mieux évaluer la richesse réelle des EPCI, et donc de garantir que la péréquation bénéficie effectivement aux collectivités qui ont le plus besoin d'être soutenues.

Enfin, l'article 80 du PLF met en place un nouveau système pour l'écrêtement du complément de garantie des communes : auparavant écrêté de manière uniforme (2 % pour toutes les communes en 2010), le complément de garantie sera écrêté de façon différenciée, en tenant notamment compte du potentiel fiscal de la collectivité en cause.

(3) La généralisation de la péréquation horizontale : réforme ou révolution ?

Le PLF pour 2011 contient également de nombreuses mesures visant à étendre le champ de la péréquation horizontale.

Votre rapporteur se félicite de cette évolution, mais estime toutefois que la mise en place de systèmes de péréquation horizontale devra se faire de manière progressive, afin de garantir leur « acceptabilité » pour les collectivités les plus favorisées.

En premier lieu, le mécanisme de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) institué par la loi de finances pour 2010, à l'initiative de M. Marc Laffineur, et qui constituait déjà l'ébauche d'une péréquation horizontale entre les départements, sera ajusté.

Ce système prend la forme d'un fonds alimenté par les recettes fiscales des départements dont les DMTO progressent à un rythme supérieur à deux fois l'inflation, et dont le montant des DMTO par habitant est supérieur à 75 % de la moyenne nationale. Les montants accumulés par ce fonds sont ensuite répartis entre les départements en fonction de leur potentiel financier.

Bien que légitime dans son principe, ce fonds pose toutefois un problème pratique : un département peut à la fois être contributeur au titre du fonds et bénéficiaire de ce même fonds. En outre, le rapport Jamet d'avril 2010 a montré que ce dispositif n'aurait qu'un pouvoir péréquateur limité : en effet, « compte tenu des premières observations enregistrées sur l'évolution des droits de mutation à titre onéreux depuis septembre 2009, il y a tout lieu de penser que la péréquation ne sera pas à la hauteur des besoins ». Le rapport Durieux-Subremon tendait, de même, à montrer que le nombre de départements contributeurs était réduit, alors que le nombre de départements bénéficiaires était, quant à lui, très élevé, ce qui nuisait à l'efficacité globale du dispositif.

L'article 61 du PLF pour 2011 prévoit donc de modifier sensiblement le fonctionnement du fonds de péréquation des DMTO : le prélèvement serait, à l'avenir, égal à la moitié du surplus annuel des DMTO dans un département par rapport à la moyenne nationale, multipliée par deux fois le taux d'inflation prévisionnel ; il s'appliquerait à tous les départements dont le montant de DMTO est supérieur à 75 % de la moyenne nationale. Seules les modalités d'alimentation du fonds seraient donc revues.

En outre, l'article 62 réforme le mécanisme de péréquation de la CVAE créé en loi de finances pour 2010. Rappelons que ce dispositif reposait sur deux types de péréquation complémentaires :

- un mécanisme « sur stock », redistribuant chaque année le quart de la CVAE entre les régions et entre les départements selon des critères de charges locaux ;

- un mécanisme « sur flux », répartissant une part de la croissance de la CVAE en fonction du potentiel fiscal.

Suivant les préconisations du rapport Carrez-Thénault, l'article 62 du PLF pour 2011 fusionne ces deux fonds pour chaque niveau de collectivité. Une contribution correspondant à 50 % de la croissance des recettes de CVAE de l'année sera ainsi prélevée dans les départements et dans les régions dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à la moyenne nationale ; les recettes du fonds seront ensuite redistribuées dans les départements dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à la moyenne nationale, et dans les régions dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,85 fois la moyenne. Cette répartition sera effectuée, au cas par cas, entre les collectivités bénéficiaires en fonction des mêmes critères que ceux qui avaient été fixés par la loi de finances pour 2010 (population, superficie, écart au potentiel fiscal moyen ; s'y ajoutent des critères de charges spécifiques aux régions -effectifs des lycées et de la formation professionnelle- et aux départements -population âgée, bénéficiaires de minima sociaux, voirie-).

Selon le rapport Carrez-Thénault, cette fusion permettra de réduire les inégalités entre régions de 20 % sur la période 2010-2015, contre seulement 2 % avec le système issu de la loi de finances pour 2010, et de 13 % pour les départements (contre 6 % avec le mécanisme actuel).

Enfin, l'article 63 ébauche un dispositif de péréquation horizontale pour les communes et leurs groupements. Selon les déclarations de M. Alain Marleix, alors secrétaire d'État aux collectivités territoriales 24 ( * ) , cet article vise à permettre au gouvernement et au Parlement d'élaborer, collectivement, une « feuille de route » pour la mise en place d'une péréquation horizontale à l'échelle communale, et qui aura lieu au cours de l'année 2011.

Dans cette optique, le PLF pour 2011 fixe un objectif chiffré de péréquation à l'horizon 2015 (2 % des recettes fiscales des communes et des EPCI) et les modalités de fonctionnement du fonds à compter de 2012.

La définition des modalités de répartition des recettes de ce fonds devrait faire l'objet d'un rapport remis au Parlement par le gouvernement au cours du mois de septembre 2011.


* 22 Décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003.

* 23 Décision n° 2004-487 DC du 18 décembre 2003.

* 24 Audition de M. Alain Marleix par la commission des lois de l'Assemblée nationale, 27 octobre 2010.

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