III. LE DÉFI D'UNE AIDE JURIDICTIONNELLE À LA HAUTEUR DES BESOINS

Après avoir fortement baissé en 2010 (-27 millions d'euros), l'enveloppe destinée à l'aide juridictionnelle sera stable en 2011. Or, cette année, les crédits se sont révélés insuffisants dès le mois d'octobre, le ministère de la justice étant conduit à demander un décret d'avance.

De plus, en 2011, la réforme de la garde à vue devrait aboutir à une augmentation du nombre de missions des avocats rétribuées par l'aide juridictionnelle. Aussi le projet de loi de finances ne prend-il pas en compte la forte progression attendue des dépenses d'aide juridictionnelle.

A. L'ORGANISATION ET LE POIDS DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

1. Le dispositif de l'aide juridictionnelle

L'aide juridictionnelle assure la prise en charge par l'Etat de tout ou partie des frais du procès, pour les justiciables dont les ressources sont insuffisantes.

Cette dépense représente 94 % des crédits du programme « Accès au droit et à la justice ». Pour en assurer la maîtrise, l'article 41 du projet de loi de finances comporte des mesures visant, d'une part à responsabiliser le justiciable, qui ferait désormais l'avance du droit de plaidoirie de 8,84 euros et, d'autre part, à améliorer le recouvrement de l'aide.

Le délai moyen national de traitement des admissions (50 jours en 2009), paraît satisfaisant. Cependant, des progrès significatifs restent à accomplir pour 18 % des bureaux d'aide juridictionnelle, qui mettent plus de 60 jours pour traiter les demandes d'aide juridictionnelle.

2. Un outil essentiel de la politique d'accès au droit et à la justice

L'action « aide juridictionnelle », qui devrait s'élever en 2011 à 312,3 millions d'euros en CP et à 369 millions d'euros en AE, représente près de 94 % du programme « accès au droit et à la justice ». Les dotations aux caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) pour la rétribution des avocats et les droits de plaidoirie représentent 91 % de cette dépense, les paiements directs à destination des autres auxiliaires de justice 9 %.

L'essentiel de la progression de la dotation par rapport au précédent PLF, (36 millions d'euros sur les 37,3 millions d'euros) est liée au changement de taux de TVA. En effet, en 2011, les crédits d'aide juridictionnelle devront également couvrir l'assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 %, contre 5,5 % antérieurement. Cette disposition, dont le coût est évalué à 36 millions d'euros, résulte de la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 17 juin 2010, qui a jugé non-conforme à la directive 2006/112 du 28 novembre 2006, dite « directive TVA », l'application du taux réduit aux prestations des avocats et avoués en matière d'aide juridictionnelle.

Source : ministère de la justice et des libertés.

La dépense d'aide juridictionnelle est passée en euros courants de 197,48 millions d'euros en 1999 à 299,93 millions d'euros en 2009, soit une hausse de 52 %. En euros constants 2009, la hausse est de 28 %.

La hausse de la dépense entre 1999 et 2007 s'explique par :

- les revalorisations du barème de rétribution de l'avocat effectuant des missions d'aide juridictionnelle fixées par les décrets du 17 janvier 2001 et du 5 septembre 2003 ;

- l'augmentation de 2 % de l'unité de valeur par la loi de finances pour 2004 et de 8 % par la loi de finances pour 2007 ;

- l'amélioration du régime de l'accès à l'aide juridictionnelle pour les familles aux ressources modestes et les victimes (loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, décrets du 2 avril et du 5 septembre 2003) ;

- l'incidence en termes d'aide juridictionnelle des réformes législatives ou réglementaires intervenues, telles que la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui a institué une procédure de rétablissement personnel.

La baisse de la dépense en 2008 et 2009 est liée à deux particularités permettant d'assumer une dépense d'un montant supérieur aux crédits inscrits, le rétablissement de crédits, d'une part, et le paiement des avocats par les CARPA sur la base d'une avance qui leur est consentie, d'autre part. Toutefois, depuis deux ans en dépit d'une hausse du montant des crédits rétablis, la dépense réelle d'aide juridictionnelle est supérieure aux dotations budgétaires ; le différentiel a été assuré par la diminution de la trésorerie des CARPA.

- la procédure de rétablissement de crédits, autorisée depuis 2008 en matière d'aide juridictionnelle, permet une dépense supérieure aux crédits inscrits. En effet, la dépense d'aide juridictionnelle est minorée des sommes recouvrées par les services du Trésor sur la partie perdante lorsque le jugement lui impute les dépens et qu'elle n'est pas elle-même bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, ces sommes donnant lieu à un rétablissement de crédit. Ainsi, en 2009 la dépense budgétaire de 308,42 millions d'euros en CP, hors rétablissements de crédits, est ramenée à 299, 93 millions d'euros en CP après imputation des sommes rétablies.

- le mode de rémunération des avocats : les CARPA, pour faire face à aux dépenses d'aide juridictionnelle, disposent d'une dotation annuelle versée par le ministère de la justice et des libertés, qui s'ajoute au report de trésorerie constitué par la différence entre les dotations des années antérieures et les paiements effectués au profit des avocats. Cet excédent de trésorerie représentait un peu plus de deux mois de fonds de roulement en début d'année 2009, soit 49 millions d'euros. La dépense en direction des avocats ayant excédé de 8 millions d'euros la dotation budgétaire, le fonds de roulement a été réduit d'autant en fin d'année 2009.

Selon l'étude de pays comparables publiée le 25 octobre 2010 par la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), conduite par M. Jean-Paul Jean, avocat général près la cour d'appel de Paris, la France accorde en moyenne une aide de 353 euros par affaire, la proportion des aides atteignant 1 392 affaires pour 100 000 habitants .

Ces résultats sont très proches de ceux obtenus par l'Espagne et la Belgique, mais ils sont très en deçà du régime d'aide juridictionnelle en vigueur aux Pays-Bas (1 029 euros par affaires et 2482,3 dossiers aidés pour 100 000 habitants) et du Royaume-Uni (en incluant l'Ecosse, sans le Pays de Galles) : 537 euros en moyenne par affaire et 5975,1 affaires aidées pour 100 000 habitants.

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