C. QUELQUES PRÉOCCUPATIONS EN MATIÈRE DE RECHERCHE

1. Une incompréhension des décisions concernant l'Agence nationale de la recherche (ANR)
a) Une baisse des crédits de l'ANR...

En 2011, les moyens d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) enregistreront une baisse de 68 millions d'euros . Ses crédits figurent dans le programme 172 « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » à hauteur de 771,9 millions d'euros en AE et en CP, soit une diminution de 8,1 %, sans compter l'impact du gel budgétaire .

Or, l'argument selon lequel une partie des projets que l'agence est conduite à financer viendrait « doublonner » ceux prévus dans le cadre de l'emprunt national semble n'être que très partiellement recevable.

En effet, ces doublons ne concerneraient que certains appels à projets dans les trois domaines suivants : bio-nanotechnologies, bio-ressources, et bio-informatiques. Ceux-ci ne correspondraient qu'à 10 à 15 % des baisses de crédits en question. Pour l'essentiel, l'emprunt national a vocation à financer des investissements structurants, en complémentarité des actions de l'ANR.

Votre rapporteur s'étonne donc de cette évolution, alors même que cet organisme incarne le virage souhaitable du système de recherche français vers une recherche davantage financée sur projets, à l'instar des partenaires étrangers. Il interrogera la ministre à ce sujet.

b) ... au risque de créer un problème de crédibilité

Ceci pose un problème de crédibilité de l'agence ainsi que la question de son positionnement dans le paysage de recherche.

Créée dans le cadre du Pacte pour la recherche de 2006, l'ANR a connu une montée en puissance et s'est imposée dans le paysage, incitant à un développement de la recherche partenariale.

Comme l'illustre le graphique ci-après, le taux de sélection des projets de recherche qui lui sont soumis avait atteint un niveau correspondant aux standards internationaux, à savoir entre 25 et 30 %. Ce taux n'est plus que de 20 % aujourd'hui et d'aucuns s'inquiètent du risque qu'il soit ramené à 16 % en 2011. Il ne semble pas, en effet, que les investissements d'avenir entraînent un recul du nombre de projets déposés auprès de l'agence. Il sera possible d'en juger à la fin du premier semestre 2011 . Une telle situation serait très dommageable :

- un tel taux serait décourageant pour les équipes de recherche candidates, un taux de sélection trop sévère entraînant une perte de temps et de moyens, alors même que l'agence serait contrainte de refuser des dossiers de grande qualité, au risque d'engendrer un sentiment d'injustice au sein de la communauté des chercheurs ;

- le développement en cours de la recherche partenariale pourrait être freiné, les entreprises n'y étant plus suffisamment encouragées, alors que notre pays en a le plus grand besoin.

Taux de pression (Source : ANR)

Au total, l'ANR ne risque-t-elle pas de perdre de sa crédibilité, y compris à l'égard des chercheurs étrangers ?

c) Quel avenir pour l'ANR et la recherche sur projets ?

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, les crédits d'intervention de l'agence enregistrent une diminution depuis 2008.

Évolution du budget d'intervention de l'ANR (Source : ANR)

Votre commission considère que l'ANR ne doit pas servir de variable d'ajustement, car il y va de l'orientation stratégique de notre système de recherche vers un financement par projets .

L'ANR interviendra comme opérateur principal des investissements d'avenir. Mais ses propres crédits d'intervention ont vocation à financer des projets différents et complémentaires de ces derniers.

Votre commission souhaite donc que ses crédits soient confortés .

Elle se réjouit, par ailleurs, des décisions consistant à fixer à 50 % le taux des « projets blancs », à organiser une programmation triennale et à 20 % celui du préciput.

2. Le risque de sanctionner des établissements vertueux : l'exemple de l'IFP Énergies nouvelles

Pour votre rapporteur, la contribution des organismes de recherche à l'effort budgétaire ne doit pas conduire à sanctionner les plus vertueux d'entre eux.

A cet égard, il est préoccupé par l'évolution des crédits alloués à l'IFP Énergies nouvelles. En effet, alors que cet EPIC peut se targuer d'une gestion rigoureuse et d'une politique active de développement de ses ressources propres, l'effort budgétaire qui lui est demandé est supérieur au cadre général d'encadrement des dépenses de l'État.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 rappelle que les opérateurs doivent consentir à « un effort collectif, analogue à celui de l'État » de baisse de 10 % de leurs dépenses de fonctionnement, en commençant par 5 % dès 2011, puis 7,5 % en 2012 et 10 % en 2013.

S'agissant de l'IFP Énergies nouvelles la prévision de financement est cependant beaucoup plus drastique : - 12,2 % en 2011 par rapport à 2010 7 ( * ) , - 15,1 % en 2012 et - 17,95 % en 2013.

Certes, la gestion 2009 de cet organisme avait fait apparaître un bénéfice de 61,3 millions d'euros, le compte de résultats s'établissant à 422,8 millions d'euros. Mais ceci justifie-t-il une baisse de crédits de 20 millions d'euros, sa subvention s'établissant à 152,69 millions d'euros ?

L'audit réalisé en début d'année dans le cadre de la réforme générale des politiques publiques (RGPP) indique que cet établissement est le seul organisme de recherche à voir sa dotation soumise à une réduction drastique sans mise en place de mesures compensatoires.

Dans le même temps, le contrat de performances de l'établissement pour la période 2011-2015 voit ses thématiques de recherche élargies, avec notamment un renforcement de son engagement dans les nouvelles énergies, comme le traduit d'ailleurs le changement de nom de l'établissement intervenu le 13 juillet 2010.

Votre rapporteur ne peut que s'interroger sur la logique de cette décision consistant à imposer un cadrage budgétaire qui peut sembler contradictoire avec ces nouvelles orientations et alors même que le rapport de la RGPP a souligné la performance de l'établissement. Précisons que ce dernier est classé dans les 10 premiers déposants nationaux de brevets en France et est le 8 e déposant français aux États-Unis et que sa capacité de valorisation de ces innovations est importante. Sur un budget de 300 millions d'euros, 50 % proviennent déjà de ressources propres , tandis que les ressources publiques viennent logiquement financer les investissements les plus risqués et préparer le long terme. Ces dernières ont cependant déjà baissé de 40 % entre 2002 et 2010, en euros constants.

En outre, les leviers budgétaires indiqués par le Gouvernement ne semblent pas permettre de faire face à cette baisse de la dotation publique sans réduire l'activité de l'établissement, et donc ses programmes de recherche. En effet :

- la diminution des frais de structure ne pourra être que marginale, l'IFP Énergies nouvelles ayant déjà réalisé d'importants efforts dans de domaine au cours des cinq dernières années, par le biais notamment d'une réduction de 13 % des effectifs supports à la recherche-développement, comme l'indique d'ailleurs la RGPP ;

- l'établissement a déjà rationnalisé son implantation immobilière au cours des dix dernières années ;

- s'agissant de la gestion de la masse salariale, les rapports de la Commission interministérielle d'audit salarial du secteur public n'y voient pas de source d'économie ;

- enfin, un recours encore plus important aux appels à projets nationaux et européens est demandé, tout en sachant néanmoins que la progression des recettes à en attendre reste limitée par un taux de subvention moyen de 35 % du coût des projets (entre 10 et 20 % pour les projets nationaux, entre 50 et 75 % pour les projets européens) 8 ( * ) .

L'établissement estime que, dans ces conditions, environ 40 % de son budget total de R&D devra provenir de tels appels à projets, alors même que ces derniers, pour la plupart, relèvent d'une recherche aux perspectives de valorisation s'inscrivant sur le long terme. En outre, une telle politique pourrait contrecarrer la stratégie de développement de ressources propres, qui nécessite le financement de projets d'innovation industrielle générateurs des recettes à court et moyen termes.

Enfin, il est demandé à IFP Énergies nouvelles de financer le solde de ses besoins d'exploitation par des cessions d'actifs. Pour votre rapporteur, ce type de solution ne peut être que temporaire.

Au total, si chaque opérateur est tenu de contribuer à l'effort collectif de redressement des finances publiques, encore convient-il de veiller à ce que cet effort soit bien réparti et ne soit pas décourageant pour les organismes ayant déjà fait preuve de rigueur.

C'est pourquoi votre rapporteur invite le Gouvernement à réviser la prévision de financement de cet organisme pour 2012 et 2013 .

3. L'amoindrissement du dispositif en faveur de la « Jeune entreprise innovante » (article 78 rattaché)

L'article 78 du projet de loi de finances pour 2011, rattaché à la MIRES, prévoit de réformer le dispositif d'exonération de cotisations sociales accordée aux jeunes entreprises innovantes (JEI) créé par l'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

Cet article, qui permettrait de réaliser 57 millions d'euros d'économies, prévoit d'une part, un plafonnement des exonérations sur les hauts salaires et, d'autre part, un mécanisme de sortie progressive du dispositif. L'entreprise concernée bénéficierait du même taux d'exonération de la première à la quatrième année, puis ce taux connaîtrait une réduction progressive au cours des quatre années suivantes avant son extinction.

Il est vrai que le coût du volet social de ce dispositif JEI a augmenté ces dernières années, mais l'on se saurait s'en plaindre sachant que la France peine à garder ses entrepreneurs sur son territoire, leur tentation étant souvent grande de vendre leur société, souvent à une entreprise étrangère, quelques années après leur création, compte tenu notamment de la difficulté pour ces entreprises innovantes de se développer.

Le Gouvernement justifie cet article par l'évolution du coût du crédit d'impôt recherche depuis la réforme de la loi de finances pour 2008. Or, il semble que les JEI aient été plutôt pénalisées par cette réforme.

Par ailleurs, ces entreprises pâtiront de la baisse des crédits d'intervention d'OSEO (- 26 millions d'euros en 2011).

C'est pourquoi votre commission vous propose de supprimer cet article.

4. Un brevet communautaire soutenu par la France

Votre rapporteur a souhaité faire un point du dossier relatif au brevet communautaire, dont l'évolution a un impact non négligeable sur la protection des fruits de la recherche, mais qui semble toujours dans l'impasse en raison de l'opposition de quelques États membres sur la solution proposée.

a) Le contexte : une impasse

Depuis 2003 , l'Union européenne cherche à développer un système de brevet communautaire mais son projet se heurte à des difficultés linguistiques, techniques et juridiques.

Le coût d'obtention d'un brevet en Europe est sensiblement plus élevé qu'aux États-Unis et au Japon et il n'est pas rare que les entreprises se plaignent de la fragmentation et du manque de cohérence des décisions rendues par les tribunaux européens.

Les entreprises doivent souvent déposer une demande de brevet dans plusieurs pays européens à la fois et il arrive que les tribunaux nationaux rendent des conclusions contradictoires sur des cas identiques. Un tribunal unique pour l'attribution des brevets rendrait les contentieux moins coûteux et plus prévisibles.

La Commission européenne a présenté, en juillet 2010, une proposition visant à surmonter les problèmes linguistiques. Il a été proposé de maintenir l'anglais, le français et l'allemand comme langues officielles pour le dépôt de brevet communautaire. Mais certains États membres refusent cette solution et soutiennent un système unilingue ou multilingue.

Le régime linguistique du brevet communautaire continue à diviser le Conseil. Le premier clan, mené par la France et l'Allemagne, soutient un système trilingue, comme l'a proposé la Commission. Le second groupe réunit les défenseurs d'un régime unilingue ou multilingue.

L'Italie est le plus grand détracteur du régime trilingue. L'Espagne est aussi critique et a proposé un système basé sur l'anglais et une seconde langue que les déposants pourraient choisir. La Pologne a également exprimé des critiques. Varsovie est clairement opposée à l'idée d'une solution impliquant un système à cinq langues, où l'italien et l'espagnol s'ajouteraient à l'anglais, au français et à l'allemand en tant que langues officielles pour les brevets européens. La Slovaquie, la République tchèque et Chypre sont également sceptiques quant à la proposition trilingue de la Commission.

C'est pourquoi, une telle décision requérant l'unanimité, le Conseil Compétitivité du 10 octobre 2010 a échoué à trouver un consensus, empêchant.

b) Comment en sortir ?

Une société souhaitant commercialiser le même brevet dans les 27 États membres doit débourser environ 20 000 euros, dont 14 000 en frais de traduction. Cependant, certains détracteurs du projet avancent que cette situation est relativement peu probable dans la mesure où la plupart des sociétés n'enregistrent leurs brevets que sur des marchés spécifiques. Seules quelques multinationales auraient un intérêt à dépenser cette somme pour que leurs brevets soient exploités dans tous les États membres. Les PME, quant à elles, n'enregistrent souvent leurs brevets que sur les marchés européens plus importants.

A l'inverse, pour les défenseurs du projet, cette situation présente deux inconvénients : en premier lieu, le concept de marché intérieur est remis en question, dans la mesure où la fragmentation entre les marchés nationaux reste la règle ; d'autre part, les pays où un brevet n'est pas enregistré sont envahis par des produits contrefaits, qui sont ensuite exportés partout en Europe.

Pour le ministre belge en charge du dossier, un compromis est toujours possible mais il devra respecter deux impératifs : garantir une meilleure certitude légale et diminuer les coûts .

Le commissaire Michel Barnier a donc suggéré l'utilisation de la procédure de coopération renforcée , qui permet à un groupe de pays (9 au minimum) d'appliquer une nouvelle règle ensemble. Votre rapporteur soutient cette proposition.

5. Un bilan positif de la recherche dans le domaine de la culture

Le ministère de la culture ayant fêté ses 50 ans l'an dernier, votre rapporteur a choisi, cette année, de consacrer un développement particulier à sa politique de recherche.

a) Les crédits et les objectifs

Depuis la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le programme 186 « recherche culturelle et culture scientifique » de la MIRES lui est consacré, ce qui permet d'inscrire la recherche culturelle dans le paysage national de la recherche, avec une enveloppe budgétaire identifiée et une programmation globale des activités de recherche.

Un budget de 9,36 millions d'euros en AE et CP lui sera consacré en 2011.

Par l'enrichissement des connaissances, la politique de recherche menée par le ministère de la culture et de la communication produit des outils d'aide à la décision indispensables à leur réalisation.

Elle vise à :

- contribuer à la progression des connaissances scientifiques dans les domaines de compétence du ministère : archéologie, histoire de l'art, histoire, musicologie, architecture, ethnologie ;

- développer les recherches appliquées à la conservation, à la restauration et à la valorisation du patrimoine culturel national ;

- favoriser la création artistique par des recherches dans les domaines des arts plastiques, de l'architecture et de la musique ;

- développer la recherche dans les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère de la culture (architecture, arts plastiques, spectacle vivant) ;

- participer à l'élaboration des politiques publiques par des recherches dans le domaine de la connaissance économique et de la sociologie, en s'attachant aux aspects et perspectives les plus novateurs en matière d'industries culturelles, d'usages numériques et de développement culturel.

En 2011, les priorités stratégiques seront les suivantes :

- la prise en compte de l'impact du numérique sur la culture et les industries culturelles, en particulier à travers le soutien groupement d'intérêt scientifique national « Culture et médias numériques » impulsé par le ministère ;

- le renforcement de la recherche dans les établissements d'enseignement supérieur, afin d'assurer leur intégration au meilleur niveau dans le schéma LMD ;

- le développement des domaines d'excellence des recherches dans le secteur du patrimoine, en particulier dans le cadre du pôle scientifique du futur Centre national de conservation du patrimoine et par la contribution du ministère à la structuration européenne de ce champ.

b) Une récente réorganisation

Dans la logique des évolutions de ces 50 dernières années, la réorganisation du ministère de la culture et de la communication, effective le 13 janvier 2010, réunit recherche, enseignement supérieur, technologie et culture scientifique et technique au sein d'un même département de son secrétariat général.

En effet, créé au sein du secrétariat général, le Département de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la technologie ( DREST ) regroupe dans un même service la coordination des actions du ministère en matière de recherche, d'enseignement supérieur, de technologie et de culture scientifique et technique, dans une perspective transversale visant à impulser de nouvelles synergies entre ces différents domaines d'intervention.

Ce département assure une coordination avec les directions générales et les établissements au sein du ministère, à des fins de synthèse et de portage interministériel des priorités de la recherche culturelle. Il assure la liaison avec les acteurs nationaux et européens de la recherche.

Par ailleurs, il conduit des programmes de recherche pluridisciplinaires (connaissance et conservation des matériaux du patrimoine culturel ; dialogue interculturel), pilote des actions ou projets transverses et contribue à la valorisation des résultats de la recherche, en particulier par ses publications multimédias et par la revue « Culture et recherche ».

Il coordonne le développement du réseau de l'enseignement supérieur dans le domaine de la culture, et l'intégration des diplômes concernés dans le panorama national des formations. Il suit les questions liées à la vie étudiante et à l'insertion professionnelle des diplômés.

Dans le domaine des technologies, il met en oeuvre le plan national de numérisation et promeut le développement de l'innovation technologique, en lien avec le réseau de la recherche.

Enfin, il est chargé de développer l'expertise et l'action du ministère de la culture et de la communication en matière de culture scientifique et technique, tant en vue de soutenir le réseau national des acteurs associatifs de ce domaine que dans le cadre de la tutelle du nouvel établissement public Universcience.

Outre le regroupement au sein d'une même direction de l'ensemble des services patrimoniaux (service des musées, service des archives, service des patrimoines) et de celui de l'architecture, la récente réorganisation du ministère a vu la création de plusieurs départements transversaux, directement placés auprès du directeur général des patrimoines , parmi lesquels un département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique . Ce dernier a pour mission, en collaboration avec les services « métiers » et en coordination avec le secrétariat général, d'organiser la recherche sur les patrimoines, d'en définir les grands axes et les priorités, pour la rendre tout à la fois plus efficace, plus ambitieuse et plus lisible, d'en évaluer les résultats et d'en assurer la diffusion.

Tous les services désormais regroupés au sein de la direction générale des patrimoines interviennent, à des degrés divers, dans le champ de la recherche. Les moyens financiers, matériels et humains qui lui sont consacrés, directement ou par l'intermédiaire des services déconcentrés, sont importants bien qu'inégalement répartis entre les disciplines. Mais si ces actions font du ministère de la culture un acteur essentiel dans le domaine de la recherche sur le patrimoine et un partenaire privilégié du CNRS et des universités, leur simple addition ne constitue pas une véritable politique en la matière. C'est cette politique de la recherche sur les patrimoines que le nouveau département transversal est chargé de définir et de mettre en oeuvre.

Au fil des ans, la recherche culturelle scientifique s'est affirmée en développant ses champs propres et en mettant en place une organisation originale en réseau. Ni simples bureaux d'études, ni centres universitaires, les services de recherche de la culture, avec leurs personnels scientifiques (conservateurs, ingénieurs et techniciens de recherche, architectes...) se sont forgés des compétences spécialisées, en nouant des partenariats forts avec les milieux de la recherche et de l'enseignement supérieur. Ils ont créé des outils de connaissance, de recherche et de diffusion au service du patrimoine culturel et de la création.

6. Une priorité affirmée : la diffusion de la culture scientifique

Votre rapporteur a souhaité porter une attention particulière à cette politique dans le cadre du présent rapport, votre commission attachant beaucoup d'importance à cette part essentielle des missions de la recherche, non en termes budgétaires mais pour son impact décisif sur la société.

a) Une mission majeure pour l'ensemble de la communauté scientifique

Pour votre commission, cette mission doit être considérée comme majeure par tous les organismes et par chaque chercheur. En effet, certains s'inquiètent d'un nouvel obscurantisme, notamment alimenté par les peurs légitimes de nos concitoyens face aux défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée. Il est essentiel de les réconcilier avec la science, car la société attend parallèlement des progrès scientifiques les moyens de faire face à ces défis.

Chaque chercheur doit considérer cela comme partie intégrante de ses missions , comme l'avait si bien incarné M. Georges Charpak, décédé le mercredi 29 septembre 2010. Ce prix Nobel de physique 1992 avait pour ambition d'ouvrir les portes de la science à tous. Sa pédagogie innovante d'apprentissage des sciences et de la méthode scientifique (avec notamment « la main à la pâte », illustrait sa conviction qu'enseigner, c'est d'abord aider à découvrir.

Les organismes de recherche doivent en tenir compte dans l'évaluation de leurs chercheurs.

Votre rapporteur citera l'exemple du CNES , qui engage d'importantes actions au titre de sa mission de diffusion de la culture scientifique et technique. L'objectif est de sensibiliser tous les publics (grand public, enseignants, jeunes, institutionnels, presse...) aux enjeux des activités spatiales, celles-ci générant aujourd'hui un nombre de services et d'applications indispensables à la vie quotidienne des citoyens.

Cette mission se décline en trois types d'actions :

- à destination de la jeunesse, afin d'attirer les jeunes vers les carrières scientifiques et techniques, ce que votre commission considère comme une priorité absolue ;

- à destination du grand public, pour expliquer et faire aimer l'espace au plus grand nombre ;

- et les actions de rayonnement scientifique, pour s'adresser aux profils plus techniques et à la communauté scientifique.

b) La réorganisation de l'action en matière de culture scientifique et technique conduite par le ministère

Dans le cadre de la réorganisation évoquée précédemment, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a entrepris une recomposition de l'intervention de l'État dans le paysage national de la culture scientifique et technique.

La mission de diffusion de la connaissance scientifique, telle que l'assumait le ministère, laisse la place à la réflexion stratégique sur l'impact sociétal des innovations scientifiques et techniques. La MICST (Mission à l'information et à la culture scientifique et technique) a donc été dissoute et ses différentes composantes redistribuées au plus près des services chargés des fonctions d'orientation pour les secteurs concernés (information scientifique et technique, musées, universités...).

La mise en oeuvre de la SNRI (Stratégie nationale Recherche et Innovation) pour sa partie RIS (Recherche Innovation Société) a conduit à la création, au sein du service de la « stratégie recherche et innovation », d'un nouveau secteur scientifique, « sciences et société ». Le secteur scientifique « sciences et société » a pour mission la définition des orientations stratégiques.

c) Universcience : la nouvelle agence de la culture scientifique

Rappelons qu'au 1 er janvier 2010 les deux grands opérateurs de la culture scientifique et technique, la Cité des sciences et le Palais de la découverte, qui accueillent à eux deux 3,5 millions de visiteurs, ont fusionné au sein de l'établissement public Universcience pour devenir un pôle de référence national dans les domaines concernés. L'objectif de ce rapprochement est de renforcer la qualité et la complémentarité des offres entre les établissements et de dégager des synergies.

Opérateur du programme 186 « Recherche culturelle et scientifique », Universcience percevra, en 2011, 112,5 millions d'euros en AE et 112,2 millions d'euros en CP.

A cet égard, votre commission, comme le souligne le Conseil supérieur de la recherche archéologique , insiste sur l'importance de la publication et de la diffusion des résultats des recherches dans ce domaine, car elles en sont la principale justification.

En outre, il serait utile qu'un pourcentage des crédits dispensés par l'ANR soit consacré à la diffusion culturelle. Mais, l'évolution des crédits d'intervention de l'agence, évoquée ci-avant, peut freiner la mise en oeuvre d'un tel projet.

L'établissement s'est vu confier la gestion du réseau national ainsi que ce qui relève de l'opérationnel. Votre rapporteur insiste sur l'importance de cette mission, ses actions devant irriguer l'ensemble de notre territoire. Votre commission sera attentive à ce que tel soit le cas.

Universcience est chargé de fédérer les acteurs en région, les centres de CSTI, les associations, les muséums, les universités afin d'oeuvrer à la diffusion de la culture scientifique et technique. Il s'agit ainsi de favoriser son rayonnement grâce à la mutualisation des supports et des moyens. Les initiatives prises doivent s'inscrire dans une dimension européenne et internationale.

D'ailleurs, dans le cadre de sa mission, Universcience a été chargé d'organiser un Forum territorial sur les enjeux et le développement de la culture scientifique dans les territoires, pour une nouvelle gouvernance de la CSTI en France, qui s'est déroulé le 28 septembre 2010 et auxquels plusieurs sénateurs de votre commission ont participé.

Forum territorial de la culture scientifique et technique

Mardi 28 septembre 2010

Pistes de propositions

« Il s'agit de faire en sorte que la culture scientifique soit plus lisible, plus audible et plus cohérente, afin qu'elle
s'inscrive véritablement dans les politiques territoriales »

Claudie Haigneré, présidente d'Universcience


Gouvernance

- Mettre en place une structure nationale de coordination et de valorisation en partenariat avec les acteurs locaux ;

- Définir des modes de « co-gouvernance » associant les acteurs locaux, régionaux et les citoyens ;

- Associer les régions à la définition d'une nouvelle gouvernance et d'une nouvelle politique de CSTI de l'État ;

- Mettre en réseau tous les acteurs du développement de la CSTI et se doter d'organes de circulation de l'information et de coordination des réseaux ;


Politique territoriale

- Créer une offre culturelle nationale en s'appuyant sur les innovations dans les territoires ;

- Poursuivre le travail d'organisation des plateformes territoriales de la CSTI ;

- Utiliser les dispositifs existants pour tenter de réduire les déséquilibres territoriaux ;

- Conserver la diversité structurelle des acteurs, respecter l'identité territoriale et reconnaître la plus-value territoriale en vue de coopérations équilibrées entre les acteurs régionaux et l'opérateur national ;


Expertise et partenariats

- Mutualiser les moyens et les compétences au niveau régional pour répondre aux appels d'offres ;

- Développer la collaboration entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et les acteurs de la CSTI ;

- Professionnaliser l'Université dans le domaine de la culture scientifique et développer les actions de culture scientifique dans les universités ;

- Encourager les partenariats avec les entreprises et l'industrie lors de la création de CCSTI ;


Ressources financières

- Pérenniser les crédits à tous les niveaux, au profit de la diffusion de la CSTI ;

- Consacrer 1 % du budget de la recherche et de l'innovation au domaine de la culture scientifique et technologique ;

- Développer une véritable stratégie de financements incitatifs afin de structurer l'action au niveau national et d'optimiser la gestion d'une enveloppe d'aide aux projets ;

- Instaurer un financement pérenne des moniteurs de la diffusion scientifique et technologique ;


Outils partagés

- Ne pas cloisonner la culture scientifique en développant la collaboration avec l'action culturelle, éducative, artistique et littéraire et le monde numérique, afin d'identifier des passerelles ;

- Mieux insérer les muséums dans le réseau de la culture scientifique et technique, en formalisant ce type de coopération ;

- Étendre le « label Science culture innovation » à des organismes autres que les CCSM ;

- Mobiliser les doctorants dès leur première année sur des actions de culture scientifique, contribuant à une meilleure compréhension de leur rôle dans la société ;

- Professionnaliser la médiation scientifique des doctorants ;

- S'appuyer sur les enseignants comme vecteurs privilégiés de la diffusion de la CSTI.

* *

*

Après avoir adopté un amendement de suppression de l'article 78 rattaché, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2011.


* 7 Référence Loi de Finances initiale 2010, hors mise en réserve.

* 8 Rappelons que ces taux de subvention sont d'autant plus faibles que l'on est proche du développement industriel (encadrement communautaire des aides à la RDI).

Page mise à jour le

Partager cette page