2. S'appuyer sur l'expertise des conseillers d'orientation-psychologues
Les attaques que subissent les conseillers d'orientation-psychologues (COPSY) témoignent d'une conception étroite et strictement utilitariste de l'orientation. Votre rapporteure déplore qu'en règle générale, l'orientation soit conçue d'abord comme un moyen d'accélérer l'insertion professionnelle des élèves les plus fragiles à la sortie du collège, alors même qu'elle doit être un instrument de construction d'un parcours individuel qui permette l'épanouissement personnel de l'élève. Si l'orientation doit tenir compte des réalités économiques et de la situation du marché de l'emploi, elle doit également être utilisée pour ouvrir l'horizon des jeunes au-delà du cercle familial, pour lutter contre le pessimisme social dans les milieux populaires et contre la reproduction des inégalités.
Cette conception large de l'orientation, qui met le développement de l'adolescent au centre de ses préoccupations, ne peut vivre que si elle est portée par des professionnels compétents, formés pour comprendre les freins et les aspirations des élèves. C'est pourquoi la formation des COPSY , recrutés sur concours après une licence de psychologie et titulaires d'un diplôme d'État, doit garantir leur compréhension des difficultés que les adolescents peuvent rencontrer pour se construire comme personnes autonomes maîtres de leur avenir.
Il peut être intéressant que la formation continue qui doit leur être dispensée par le ministère de l'éducation nationale veille à améliorer la connaissance qu'ils ont déjà des filières et des métiers. Mais leur recrutement et leur formation initiale doit conserver un volet psychologique dense . C'est à cette condition qu'ils pourront apporter toute l'aide nécessaire aux élèves les plus fragiles cognitivement, émotionnellement et socialement et contribuer ainsi à la lutte contre l'échec scolaire et à la prévention du décrochage dont on sous-estime trop facilement les racines psychologiques.
Votre rapporteure souhaite qu'il en soit tenu compte dans les travaux du groupe de travail mis en place au sein du ministère pour aménager la formation initiale des COPSY, conformément à l'article L. 313-1 du code de l'éducation. Issue de la loi du 24 novembre 2009, la nouvelle rédaction insiste en effet sur une connaissance étendue des filières de formation, du monde économique, de l'entreprise, des dispositifs de qualification, des métiers et des compétences qui sont nécessaires à leur exercice.
Évolution des recrutements
de conseillers
d'orientation-psychologues depuis 2003
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
|
Concours externe |
190 |
110 |
110 |
50 |
50 |
50 |
50 |
Concours interne |
10 |
10 |
10 |
5 |
- |
- |
- |
Concours réservé |
40 |
15 |
10 |
- |
- |
- |
- |
Examen professionnel |
19 |
24 |
9 |
- |
- |
- |
- |
Total |
259 |
159 |
139 |
55 |
50 |
50 |
50 |
Source : Ministère de l'éducation nationale et Association des conseillers d'orientation-psychologues
Plus encore que la transformation de leur formation, c'est la faiblesse de leur recrutement qui inquiète votre rapporteure, alors même que leur effectif est déjà trop restreint pour suivre adéquatement l'ensemble des élèves du secondaire. Selon le projet annuel de performances de la mission d'enseignement scolaire pour 2011, 3 768,5 emplois de conseillers d'orientation-psychologues sont aujourd'hui affectés auprès des élèves, des jeunes en voie d'insertion professionnelle et des étudiants. Le schéma d'évolution des places offertes au concours depuis une dizaine d'années est éloquent : entre 2003 et 2009, leur nombre a été divisé par cinq. Depuis 2007, il n'a été ouvert aucun concours interne normalement ouvert aux fonctionnaires de l'État ou des collectivités justifiant de trois années de service et de l'exercice de fonctions d'information et d'orientation. Quelles que soient les précautions oratoires du ministère, il semble bel et bien que le corps des COPSY soit insidieusement mis en extinction. C'est bien la perception qu'en ont les étudiants en psychologie d'ailleurs puisque le nombre d'inscrits au concours a drastiquement chuté en cinq ans : en 2005, on dénombrait 2 227 candidats contre seulement 1 082 en 2009. 30 ( * )
Pour autant, aucun nouveau corps de professionnel de l'orientation ne vient au sein de l'éducation nationale compenser la disparition potentiellement catastrophique des COPSY. Ce n'est ni le service dématérialisé, ni les enseignants qui peuvent les remplacer. D'un côté, il manque la dimension humaine et l'entretien en face à face permettant un suivi personnalisé. De l'autre, les professeurs ne sont pas formés à l'éducation à l'orientation. La mastérisation n'y change rien. Paradoxalement, ce sont les mêmes COPSY que l'on critique qui seraient les mieux à même de former les enseignants à la psychologie de l'adolescent au sein des nouveaux masters et au cours de la première année d'exercice des stagiaires.
Comme les années précédentes, votre rapporteure propose de renverser la tendance actuelle et de conforter le rôle spécifique des COPSY en créant au sein de l'éducation nationale une Direction de la psychologie pour l'éducation et l'orientation des élèves et étudiants couvrant la scolarité des jeunes de la maternelle à l'université . Les psychologues scolaires du primaire et les COPSY auraient ainsi l'infrastructure administrative nécessaire pour mener à bien la prise en charge des jeunes et le repérage précoce des difficultés cognitives de l'élève. Dotés d'effectifs et de moyens renforcés, ils seraient en mesure d'accompagner l'adolescent dans l'élaboration de son projet d'orientation scolaire et professionnelle en concertation étroite avec les familles, les enseignants et l'ensemble de l'équipe éducative.
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Compte tenu de l'ensemble de ces observations, votre rapporteure vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission interministérielle « Enseignement scolaire ».
* 30 Ministère de l'éducation nationale, RERS 2010, p. 319.