EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen des crédits de la mission Défense, programme 146 « Equipement des forces », lors de sa séance du 17 novembre 2010.

Un débat s'est engagé à la suite de la présentation de M. Daniel Reiner, co-rapporteur pour avis pour les équipements conventionnels.

M. Josselin de Rohan , président - Je vous remercie, cher collègue, pour votre rapport. Je tiens toutefois à réagir à votre dernière observation : les liens avec l'Allemagne. Cela pose effectivement un vrai problème. Les Allemands ont sur le nucléaire, en général, et la dissuasion, en particulier, une position totalement opposée à la nôtre. S'agissant de la défense anti-missile balistique par exemple, ils estiment que ce doit être un substitut et non un complément à la dissuasion, et cela, visiblement, ne les gêne pas que cette défense soit entièrement financée et dirigée par les Etats-Unis. Par ailleurs, ils consacrent de moins en moins de crédits budgétaires à leur défense. Quant à leur industrie de défense, elle est de grande qualité, mais leurs dirigeants refusent de s'allier à d'autres Européens. En somme, les Allemands veulent bien être exportateurs, mais ils ne veulent pas dépenser d'argent public pour leur défense. Or si l'Europe veut préserver son autonomie de décision et ne pas être à la remorque des Etats-Unis il faut bien qu'elle accepte de faire des efforts. Or, avec la France, seuls les Britanniques sont prêts à en faire.

Dans ces conditions, nous avons le sentiment qu'au fond nos partenaires ne veulent pas de l'Europe de la défense. C'est pour cela que nous sommes repassés dans un cadre bilatéral avec la Grande-Bretagne. J'espère que les Allemands, les Italiens et les Espagnols demanderont à monter dans le train et que l'on arrivera à créer de facto une coopération renforcée. Mais rien n'est moins sûr. Nous entendons à chaque réunion de l'OTAN des discours innombrables des Baltes et des Luxembourgeois qui nous disent ce qu'il faut faire en matière de défense, mais qui eux-mêmes ne font aucune dépense de défense. Il est logique que les nations qui veulent se défendre se regroupent.

M. Daniel Reiner - Je partage votre avis. Sur le nucléaire, il n'y a rien à espérer de l'Allemagne. En revanche, sur le conventionnel, il y avait des entreprises qui pouvaient coopérer, dans l'industrie navale et dans celle des blindés. C'est vrai que l'effort que consent l'Allemagne à sa défense est faible et vraisemblablement appelé à décroître encore. Néanmoins, il faut en permanence ouvrir les portes et tendre les mains. Il faut que certains pays puissent se raccrocher à l'accord franco-britannique. Sinon, soyons clairs, l'Europe de la défense sera morte. D'autant que les Britanniques ne veulent pas en entendre parler, pas plus qu'ils ne veulent entendre parler de l'Agence européenne de défense. Dans ce contexte, le rôle de la France est de continuer à porter l'Europe de la défense.

M. Jacques Gautier - Je remercie Daniel Reiner pour la clarté de son exposé et son intervention en faveur de l'Europe de la défense. D'après les informations dont je dispose, tout au long des négociations avec les Britanniques, les Allemands, les Italiens et les Espagnols ont été tenus au courant de nos avancées et ils se sont effectivement interrogés pour savoir s'ils devaient monter dans le train. La porte reste donc ouverte. De la même façon, les Britanniques ont tenu informés leurs cousins américains. Il semblerait du reste que les Américains, dont le centre d'intérêt principal est le Pacifique, en aient assez de financer la défense européenne.

S'agissant de la rénovation des Mirage 2000D, l'amendement de l'Assemblée nationale, qui abonde de dix millions d'euros le programme 146, semble ne pas satisfaire l'état-major et puiser sur les crédits du programme 178. Il faudrait sans doute que les moyens de lancer cette opération soient trouvés en gestion, et non pas prélevés sur d'autres programmes. Notre commission ne devrait-elle pas déposer un amendement de rétablissement des crédits du programme 178 ?

M. Daniel Reiner, rapporteur - l'amendement de L'Assemblée nationale a été adopté à l'unanimité. Il a le mérite de poser la question de l'amélioration des capacités d'écoute des Mirage 2000D même si la solution proposée ne correspond pas exactement aux voeux des militaires.

M. Josselin de Rohan , président - Ce rétablissement serait peut être opportun mais je constate que nous avons les mêmes préoccupations que l'Assemblée nationale sur la rénovation du Mirage 2000D et nous pouvons inviter le ministère à trouver les solutions adéquates en gestion.

M. Didier Boulaud - Je reviens sur les accords de Londres. Faute de grives, on mange des merles ; faute d'Europe de la défense, on fait un accord avec les Anglais. C'est en réalité la fin de l'Europe de la défense et le Sommet de Lisbonne qui va s'ouvrir dans quelques jours en sonnera le glas. Nous socialistes regrettons beaucoup que le débat qui devait avoir lieu ce lundi 15 novembre au Sénat sur la défense anti-missile ait été reporté au 9 décembre. Des décisions très importantes seront prises à Lisbonne, et le Parlement en aura été exclu.

M. Josselin de Rohan - Sur le débat, je me permets de vous rappeler que c'est le groupe socialiste qui en a demandé le report afin de permettre de continuer l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. De toute façon, le ministre de la défense venait juste d'être nommé et, dans ces conditions, un tel débat n'aurait pas eu grand sens. En revanche, il sera important que le ministre de la défense vienne rendre compte, devant le Parlement, de ce qui s'est décidé à Lisbonne.

M. André Vantomme - Je remercie le rapporteur pour la franchise de ses propos. Cela fait plusieurs réunions déjà que nous évoquons la fin de l'Europe de la défense. Quand en prononcerons-nous définitivement l'acte de décès ?

M. Daniel Reiner - A vrai dire, un acte de décès a été prononcé en 1954, quand nous Français avons refusé de nous engager dans la Communauté européenne de défense, mais il est vrai, qu'à cette date, ce projet avait quelque chose d'onirique. Cette décision a marqué la mise en sommeil de l'Europe de la défense jusque au milieu des années 1990. Depuis une douzaine d'années, l'Europe de la défense est sortie de son sommeil et des outils ont été forgés. Ils sont disponibles, mais personne ne veut s'en emparer. Il ne faut surtout pas prononcer l'acte de décès. Il y aura bien un moment où nécessité fera loi et les outils que nous avons forgés serviront alors. Dans l'instant, on peut constater avec peine que cette idée patine, mais il ne faut pas désespérer. Il ne faut pas renoncer.

M. Jean-Louis Carrère - Je suis d'accord avec le rapporteur. Il faut avoir la sagesse de ne pas renoncer. Sur la défense anti-missile balistique, je rappellerai que c'est un débat demandé à l'initiative du groupe socialiste, mais que nous y avons renoncé car on nous proposait de tenir le débat à une heure ridicule. Je regrette qu'il n'ait pas eu lieu, car il serait intéressant qu'entre nous on aille au fond des choses, qu'on se dise la vérité et, si possible, qu'on fasse apparaître un socle de consensus sur ce sujet.

M. Josselin de Rohan, président - Effectivement, nos positions ne semblent pas très éloignées.

M. André Trillard - Pour une fois, je suis d'accord avec Jean-Louis Carrère. En réalité, derrière l'échec de l'Europe de la défense, il y a le fait que personne ne veut mettre l'argent nécessaire pour assurer une défense indépendante. C'est pour cela que l'accord avec les Anglais est intéressant. Il ne faut pas acter la mort de l'Europe de la défense.

La commission a ensuite entendu la présentation de M. Xavier Pintat, co-rapporteur pour avis pour la dissuasion nucléaire, l'espace et le renseignement. A la suite de cette présentation, un débat s'est engagé.

M. Robert del Picchia - Je souhaiterais des précisions sur le projet de coopération franco-britannique « Epure ». Vous avez dit que les deux pays coopéreront sur la réalisation de l'installation mais que chacun resterait maître des ces résultats. Est-ce que cela veut dire qu'il n'y aura pas de coopération sur la recherche ? Par ailleurs, est-ce que le Royaume-Uni pourra mettre en commun ses résultats avec des pays tiers, par exemple les Etats-Unis ?

M. Xavier Pintat , rapporteur pour avis - Il faut tout d'abord rappeler que la simulation regroupe plusieurs types d'activités. Il y a la recherche fondamentale, et le traité franco-britannique prévoit un laboratoire de recherche commun à Aldermaston, en Angleterre. Il y a également les équipements expérimentaux, c'est-à-dire le laser mégajoule, pour les expériences sur les phénomènes thermonucléaires, et la machine radiographique Airix pour celles qui concernent l'amorce. Enfin, les résultats des expériences sont exploités par des calculateurs. Français et Britanniques ont réalisé qu'ils menaient des expériences de même type sur le fonctionnement non nucléaire des armes. Les Britanniques ont un programme équivalent à Airix, mais, comme nous-mêmes avec cette dernière, ils sont limités dans leurs capacités du fait que cette machine comporte un seul axe d'observation. Pour simplifier, eux comme nous souhaitent pouvoir passer à l'image en trois dimensions. Finalement, l'installation Epure comportera trois machines, une apportée par chaque pays et une construite en commun. Mais chacun conduira ses essais de manière totalement indépendante et fera l'usage qu'il souhaite de ses résultats.

M. Daniel Reiner , rapporteur pour avis - Cela est bien précisé par l'article 5 du traité franco-britannique.

M. Josselin de Rohan , président - Il est effectivement très clair que l'indépendance nationale de l'un comme de l'autre pays est parfaitement préservée.

M. René Beaumont - La machine Airix va être transférée de Champagne à Valduc. Y aura-t-il également des transferts d'emplois ?

M. Xavier Pintat , rapporteur pour avis - Il y aura probablement quelques transferts d'emplois, mais les déplacements auront surtout lieu au moment des expériences. Il y aura nécessairement une présence britannique à Valduc.

°

° °

La commission émet ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense dans le projet de loi de finances pour 2011, les membres du groupe du rassemblement démocratique et social européen s'abstenant et les membres du groupe socialiste votant contre.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page