V. PROTECTION ET SAUVEGARDE
Cette capacité -ou action- regroupe cette année 6,6 % des autorisations de programme (881 millions d'euros) et 5,3 % (575,6 millions d'euros) des crédits de paiement du programme 146, dont il est demandé l'ouverture par le projet de loi de finances pour 2011. Elle a fait l'objet d'une modification de périmètre et ne comprend plus que deux sous-actions : « assurer la sûreté des approches » ; « assurer la protection des forces et des sites ».
A. ETAT DES CAPACITÉS
1. Capacités terrestres
a) Enseignements des engagements récents
Les opérations extérieures et les engagements en Afghanistan, en Irak et au Liban imposent de mettre l'accent sur les capacités de protection des équipements des forces face à la menace des EEI 11 ( * ) ou des tireurs d'élite tout en conservant des capacités de défense contre une menace aérienne.
La protection contre la menace NRBC doit être prise en compte afin de préserver la liberté d'action et de décision aux différents niveaux de responsabilité et autoriser la poursuite des opérations en cours en cas d'emploi NBC par un adversaire.
b) Grandes priorités en matière d'équipement des forces terrestres
La période couverte par la loi de programmation militaire 2009-2014 permettra de réaliser, ou de préparer le renouvellement, l'adaptation et la modernisation des capacités nécessaires à l'atteinte des objectifs opérationnels du Livre blanc.
Dans cette perspective la priorité vise à améliorer la protection des unités en mouvement et la protection intrinsèque des plates-formes, notamment face aux EEI.
L'opération d'ensemble CARAPE 12 ( * ) a été créée pour répondre de façon globale à la menace croissante des EEI sur les théâtres d'opérations afghan et libanais. Il s'agit :
• de satisfaire les besoins présents, en coordonnant les achats en urgence opérationnelle en cours ;
• de répondre aux besoins futurs, en s'efforçant d'anticiper le développement et l'achat de nouveaux moyens de lutte anti-EEI, suscités par le retour d'expérience du terrain comme par l'évolution des technologies et des réponses disponibles.
c) Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles
Si les enseignements des opérations les plus récentes ont conforté les choix de renouvellement d'un certain nombre de nos capacités, la menace étant évolutive, il s'agit de favoriser la capacité d'adaptation.
En outre, les moyens complémentaires de défense sol-air de l'armée de l'air et de l'armée de terre permettent la mise en place d'un dispositif dimensionné au juste besoin. Tout abandon supplémentaire induirait une lacune capacitaire.
d) Comparaison avec les alliés
En matière de protection, l'armée de terre a les mêmes préoccupations que ses alliés. Afin d'améliorer la lutte contre les EEI, les Américains et les Britanniques ont installé des brouilleurs et des surprotections additionnelles. Leurs systèmes de protection contre les EEI s'améliorent dans deux directions :
• Les équipements spécifiquement dédiés à la lutte contre les EEI, type Buffalo (États-Unis) ;
• La conception même des véhicules susceptibles d'être engagés (gamme de véhicules MRAP).
Dans le domaine de la défense RNBC, les préoccupations des alliés sont les mêmes et les niveaux capacitaires sont équivalents.
La DSA 13 ( * ) britannique, assurée en totalité par l'armée de terre, est fondée sur deux segments : courte portée (SACP RAPIER, portée 8 km) et très courte portée (système HVM 14 ( * ) , portée 5 km). Les Allemands, à l'instar des Américains, ont construit leur DSA selon deux segments : très courte portée (canon GUEPARD et missile OZELOT), moyenne portée (PATRIOT). En termes de volume, Allemands et Britanniques ont des volumes de forces de DSA comparables à celles de la France.
Il convient de souligner que les alliés développent des capacités de C-RAM 15 ( * ) . Depuis 2007, les Britanniques déploient en Afghanistan une unité dotée de cette capacité.
2. Capacités navales
a) Les enseignements des engagements récents
Dans le domaine de la protection et de la sauvegarde maritime, les opérations récentes confirment ou apportent le retour d'expérience suivant :
• le développement continu de formes nouvelles de menaces qui transitent ou se développent sur mer (terrorisme, piraterie, trafics illicites, prolifération) ;
• la complexité des opérations en eaux littorales et en particulier leurs exigences en matière de maîtrise du milieu et d'autoprotection.
Le besoin de renforcer les moyens d'action des bâtiments pour contrer des menaces « asymétriques », notamment de nuit, est mis en exergue. Cela conduit à envisager la dotation de systèmes de "sommation/freinage" à létalité réduite à bord des bâtiments.
Les opérations menées par les ATL2 au Tchad et leur exposition à la menace sol/air très courte portée ont rappelé l'insuffisance de ces avions en moyens d'autoprotection, notamment face à la menace infrarouge. La remise à niveau des ATL2 devrait corriger cette lacune à compter de 2017.
b) Grandes priorités en matière d'équipements de protection dans le domaine naval
Ces priorités sont principalement ciblées sur la relève des moyens dédiés à la sauvegarde maritime. Ces moyens qui sont répartis en métropole et dans les DOM/COM comprennent des installations fixes (sémaphores et réseaux associés) ainsi que des patrouilleurs hauturiers et aéronefs de surveillance maritime.
Les principaux programmes prévus sont les suivants :
• le programme SPATIONAV (surveillance des approches maritimes et de zones sous juridiction nationale) améliore la surveillance des côtes et des approches maritimes. La chaîne des sémaphores de surveillance a été adaptée pour obtenir une continuité complète de la veille radar le long du littoral. L'ensemble de sites a été mis en réseau (achevé début 2009). La phase prévoyant le traitement des obsolescences (radars des sémaphores, goniométrie VHF) sera lancée fin 2010.
• le renouvellement des composantes aérienne (AVSIMAR) et navale (BATSIMAR) sera effective en fin de deuxième LPM. Un effort particulier sera mené pour acquérir des unités peu sophistiquées, dotées de capacités de haute mer et capables d'opérer dans l'immensité des zones internationales pour contrer les menaces au plus près de leur sources.
En parallèle, la marine devrait retrouver bientôt un parc de quatre frégates de défense aérienne à l'arrivée de la dernière des deux frégates HORIZON (livraison prévue en décembre 2009). Les deux frégates de type Cassard seront remplacées à l'horizon 2022 par deux FREMM adaptées en frégates de défense aérienne.
L'état major de la marine a décidé la fin de vie de la flotte de Super Frelon. Deux hélicoptères EC 225 ont été acquis en procédure accélérée pour assurer la mission de SECMAR en région Bretagne en raison du retard de la mise en service du NH90. Deux hélicoptères Dauphin sont par ailleurs loués pour renforcer le dispositif.
c) Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles
Les moyens consacrés à la sauvegarde maritime sont vieillissants et pour certains inadaptés à l'évolution des menaces (patrouilleurs de trop faible tonnage). Une réduction temporaire de capacité sur les patrouilleurs de haute mer et les avions de surveillance apparaîtra à compter de 2015.
d) Comparaison avec les alliés
Les comparaisons avec nos alliés dans le domaine de la protection sont délicates dans la mesure où les responsabilités, les enjeux et les administrations concernées par la sauvegarde maritime sont très différents d'un Etat à l'autre. Les Etats-Unis disposent d'un corps de garde-côtes très puissant, ce qui fausse la comparaison. Au demeurant, cette institution se rapproche de l'US Navy dans la perspective de mettre en place un concept de National fleet , proche du modèle français de Marine nationale.
Par ailleurs, la comparaison des domaines maritime à surveiller établit des disparités considérables. L'Allemagne a un domaine maritime sans commune mesure avec celui de la France. Les obligations de surveillance qui en découlent sont difficilement comparables.
La plupart des marines ou des garde-côtes se dotent de patrouilleurs hauturiers d'un tonnage supérieur à 1 000 tonnes, voire 1 800 tonnes pour les River britanniques.
3. Capacités aériennes
a) Les enseignements des engagements récents
Pour les systèmes de commandement et de contrôle (C2) et les moyens de surveillance, l'étape 4 du SCCOA 16 ( * ) devrait être partiellement lancée d'ici fin 2010. Elle a pour objectif l'amélioration de la couverture de détection en métropole et en Guyane, en particulier au dessus des zones sensibles (rénovation de tous les radars de veille). Elle a également pour objectif la convergence vers l'ACCS 17 ( * ) de l'OTAN.
La capacité de défense sol/air s'améliorera, à compter de 2011, avec la mise en service opérationnel des systèmes « sol-air moyenne portée terrestre (SAMP/T) » dotés des missiles ASTER 30 Block 1, aux côtés des systèmes actuels à courte portée CROTALE NG et très courte portée Mistral.
b) Grandes priorités en matière d'équipement de défense aérienne
La capacité de défense aérienne repose, à l'été 2010, sur 5 escadrons dont un de Rafale. La marine nationale participe à cette mission avec les Rafale de la flottille 12F. Cette capacité est complétée par 20 hélicoptères Fennec équipés pour remplir des missions de sûreté aérienne à l'encontre d'aéronefs évoluant à faible vitesse.
La cadence des livraisons du Rafale ne permet pas de compenser numériquement le retrait progressif du service des avions anciens.
La problématique du missile MICA est double :
- missile conçu pour engager des chasseurs, le MICA EM s'avère moins bien adapté contre les cibles atypiques (missiles de croisière, drones, avions légers, ULM, avions furtifs, avions de transport) ;
- face à des avions modernes dotés de missiles aux portées supérieures, l'avantage tactique n'est pas garanti ; en ce sens, la mise en service du METEOR sur Rafale est nécessaire pour maintenir la capacité d'entrer en premier à moyen terme.
c) Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles
Elles concernent principalement :
- la capacité antimissile balistique de théâtre des nouveaux systèmes sol/air SAMPT qui ne sera exploitée en autonome que lorsque ces systèmes recevront la désignation d'objectif d'un radar de type M3R.
- l'alerte avancée : cette capacité fait l'objet de développements avec la mise en service d'un système radar UHF très longue portée qui reste envisagée dès 2018 et la mise en orbite d'un système d'alerte spatiale en 2019.
- la surveillance de l'espace : en complément du radar GRAVES mis en service en 2006 qui est en cours d'amélioration, la mutualisation de moyens au niveau européen et de l'OTAN est recherchée afin d'améliorer notre capacité dans ce domaine. La Défense est aussi associée au projet SSA ( Space Situational Awarness ) mené par l'agence spatiale européenne.
d) Comparaison avec les alliés
Les vecteurs de défense aérienne français se situent aujourd'hui à un niveau comparable à celui de ses partenaires européens.
Le F22 américain est sans conteste l'appareil spécialisé de défense aérienne le plus évolué. Il convient de noter la mise en service d'appareils d'origine russe ou chinoise mettant en oeuvre des systèmes d'armes air/air modernes, notamment autour du bassin méditerranéen.
Les capacités françaises se maintiennent au même niveau que celles de ses homologues européens dans le domaine de la défense sol-air « classique » contre la menace aérobie. Dans le domaine de la DAMB/T, l'Allemagne et les Pays-Bas sont équipés du système américain PATRIOT Pac 3. L'Allemagne s'est par ailleurs engagée avec l'Italie aux côtés des Etats-Unis dans le projet MEADS 18 ( * ) , qui est une évolution du système PATRIOT. La Grande-Bretagne, en revanche, a confié la protection dans ce domaine à l'OTAN et ne possède pas de capacités propres.
* 11 EEI : engin explosif improvisé
* 12 CApacité de Réaction et d'Anticipation pour la Protection contre les Engins explosifs improvisés.
* 13 Défense Sol-Air.
* 14 High Velocity Missile.
* 15 Counter- Rocket, Artillery and Mortar.
* 16 SCCOA : Système de Commandement et de Conduite des Opérations Aérospatiales
* 17 Air command and control system : « équivalent » OTAN du SCCOA
* 18 Medium Extended Air Defense System