III. DES DOCUMENTS BUDGÉTAIRES PEU LISIBLES QUI REFLÈTENT LA COMPLEXITÉ DE L'ORGANISATION FRANÇAISE DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT
Au regard de l'ensemble de ces dépenses, le gouvernement, lors de l'examen de la loi de finances, ne présente les crédits de l'aide au développement qu'à travers la mission « Aide publique au développement » dont on a vu qu'elle ne représente que 35 % de l'APD.
Ce vote a lieu sur les crédits de la mission, mais au regard des crédits recensés dans le DPT qui retrace l'effort global inscrit au budget de l'Etat.
Les crédits de la mission APD correspondent, avec le programme 853, aux principaux crédits sur lesquels le gouvernement peut avoir un pilotage annuel. Les crédits des programmes 851, 853, 185, 781 et 782 visent plusieurs objectifs simultanément : développement mais aussi influence économique, culturelle, scientifique, changement climatique.
La plupart des autres crédits, enfin, retrace des dépenses constatées après coup, comme les écolages, le coût des réfugiés.
D'autres dépenses comme les annulations de dette répondent à un processus international d'examen des pays endettés sur lequel la France s'est engagée mais dont elle ne maîtrise pas précisément le calendrier.
De ce point de vue, l'organisation du débat budgétaire a sa logique. Le projet annuel de performances (PAP) de la mission « Aide publique au développement » présente les objectifs quantitatifs à atteindre ainsi qu'une analyse des coûts de notre coopération.
Sa lecture est néanmoins rendue difficile par sa répartition en trois programmes qui ne correspondent ni à des objectifs, ni à des aires géographiques, ni à des instruments d'intervention.
A. UNE LECTURE DU BUDGET RENDUE DIFFICILE PAR SA RÉPARTITION EN TROIS PROGRAMMES QUI NE CORRESPONDENT NI À DES OBJECTIFS, NI À DES AIRES GÉOGRAPHIQUES, NI À DES INSTRUMENTS D'INTERVENTION DISTINCTS.
La mission « Aide publique au développement » est composée de trois programmes :
- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (MINEIE),
- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE),
- le programme 301 « Développement solidaire et migrations », mis en oeuvre par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIIDS).
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » du ministère de l'économie présente la spécificité de concentrer une part prépondérante des crédits destinés à des institutions financières multilatérales de développement ainsi qu'au financement des annulations de dettes bilatérales et multilatérales et de la bonification des prêts.
Le responsable du programme est le directeur général du Trésor et de la politique économique, qui est à la fois gouverneur ou gouverneur suppléant des banques multilatérales de développement, responsable de la cotutelle de l'Agence française de développement (AFD) et -dans le cadre des accords de coopération monétaire- administrateur des banques centrales de la zone franc. Par ailleurs, la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) assure la présidence et le secrétariat du Club de Paris, en charge, au plan international, des annulations de dettes à caractère public.
Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » du ministère des affaires étrangères et européennes comprend :
- la coopération bilatérale, qui inclut l'ensemble des actions bilatérales dans les secteurs prioritaires définis par le CICID du 5 juin 2009 (santé, éducation, agriculture, développement durable et croissance), est mise en oeuvre, en partie, par des opérateurs (en premier lieu l'AFD). La coopération bilatérale inclut aussi la gouvernance, seul domaine qui est géré directement par le ministère des affaires étrangères ;
- la coopération multilatérale, en particulier la lutte contre le SIDA à travers le Fonds mondial SIDA ;
- la coopération communautaire mise en oeuvre à travers un unique instrument : le Fonds européen de développement.
La direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) met en oeuvre ce programme, auquel contribuent aussi la direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie, le Centre de crise et la direction de la communication et du porte-parolat.
Le programme 301 « Développement solidaire et migrations », mis en oeuvre par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, tend à favoriser le développement des pays à l'origine de flux migratoires importants vers la France, en considérant que les migrations peuvent être un facteur clé de développement à partir du moment où elles sont gérées en concertation et dans l'intérêt mutuel du pays d'origine et de la France.
La répartition des crédits entre programmes suit les proportions suivantes :
Les objectifs et les pays d'intervention des programmes 110 et 209 sont les mêmes. Les instruments utilisés diffèrent en ce sens que les crédits de la Banque mondiale relèvent du 110 et ceux du FED du 209, mais l'AFD, principal opérateur français de notre aide bilatérale, voit venir ses subventions du 209 tandis que le 110 fournit les aides budgétaires et les bonifications de prêts.
Ces programmes relèvent de deux ministères différents. C'est ce qui explique leur existence.
On imaginerait cependant avoir, d'un côté, l'activité bancaire (AFD, FMI, Banque mondiale et banques régionales) et, de l'autre, les aspects diplomatiques.
Mais, outre que l'AFD reçoit des crédits des deux programmes, la lutte contre le réchauffement climatique se trouve partiellement dans le programme du ministère de l'économie et dans celui des affaires étrangères.
Cette complexité, qui est à l'image d'un politique qui recouvre aujourd'hui un éventail très large d'interventions publiques, se traduit par une faible lisibilité du budget.
B. UNE RÉPARTITION DU BUDGET PAR PROGRAMMES QUI REFLÈTE LA COMPLEXITÉ DE L'ORGANISATION INSTITUTIONNELLE DE LA COOPÉRATION FRANÇAISE .
La répartition du budget de l'APD dans ces différents programmes reflète l'organisation institutionnelle de la coopération française.
A la double tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes et du ministère des finances qu'illustre la présence des programmes 110 et 209, s'ajoute le secrétariat d'Etat à la coopération et surtout l'Agence française de développement qui gère une partie importante des crédits des trois programmes.
Si la réforme de 1998 a conduit à la rationalisation administrative de l'aide autour de deux grands pôles, l'un diplomatique, issu de l'absorption du secrétariat d'Etat à la coopération par le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), et l'autre, financier, centré sur le ministère des finances (MINEFE), elle a surtout conforté le rôle de l'AFD qui est devenue l'« opérateur pivot » de l'aide française.
Depuis lors, les transferts successifs de compétences ont conduit l'AFD à prendre en charge la gestion de près de 80 % des moyens de l'aide programmable mise en oeuvre par les canaux bilatéraux.
En dépit des réformes, le dispositif institutionnel est encore composé de nombreuses structures qui appellent nécessairement de multiples mécanismes de coordination.
L'AFD, édifiée sur sa culture et son expérience de banque de développement, contrôle plusieurs types d'instruments (projets, aide budgétaire, prêts, subventions) et bénéficie d'une relative autonomie dans le cadre de la triple tutelle des ministères des finances, des affaires étrangères et européennes et de l'immigration et du développement solidaire, d'un conseil d'orientation stratégique et d'un contrat d'objectifs et de moyens sur lequel vos rapporteurs reviendront.
Dans les pays partenaires, les Services de coopération et d'action culturelle (SCAC), dirigés par un conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC), à la fois conseiller de l'ambassadeur sur le pilotage du dispositif de l'aide française au plan local et chef de service, sont les interlocuteurs privilégiés de la direction générale de la mondialisation.
Cette direction gère les actions et programmes de coopération technique dans les domaines de la gouvernance. Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP), dont le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) a la maîtrise, lui permet d'intervenir dans différents secteurs.
Au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi (MINEFE), la direction générale du Trésor est responsable de la gestion des contributions françaises auprès de la Banque mondiale, du FMI et des banques régionales de développement (BafD, BAsD, BID) et est en relation directe avec les administrateurs représentant la France auprès de ces institutions.
Les contributions françaises auprès des institutions de l'Union européenne et du système des Nations unies sont gérées par les services du MAEE.
Le MINEFE gère également les financements d'appuis budgétaires (leur instruction est toutefois menée de manière conjointe par la DGTPE, la DGM et avec l'appui de l'AFD), les remises et allègements de dettes (Club de Paris) ainsi que l'instruction et la mise en oeuvre des Contrats de développement et de désendettement.
Toutes ces actions sont menées de manière conjointe entre la DGTPE et la DGM avec l'appui technique de l'AFD.
Sur ces différents points, au sein de la DGTPE, les conseillers financiers régionaux entretiennent des relations très suivies avec les SCAC et les agences de l'AFD.
Sur place, les missions économiques, au sein des ambassades, sont peu impliquées dans les problématiques de coopération au développement. Elles le sont davantage dans les pays dits « émergents » en raison de leur fonction de mise en oeuvre des instruments spécifiques du MINEFE dans ces pays (instruments financiers FASEP et réserve pays émergents).
L'éclatement de l'action de l'Etat en matière de coopération se traduit par une multiplication des programmes et des lignes budgétaires dont l'architecture ne répond pas toujours à une logique facilement accessible.
C. UNE RÉFORME HEUREUSE DE LA RÉPARTITION DES CRÉDITS ENTRE LES PROGRAMMES 209 ET 185
Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » avait vocation à recevoir les crédits afférents aux 151 pays figurant dans la liste des bénéficiaires d'aide publique au développement arrêtée en septembre 2007 par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.
Il se trouvait ainsi dédié aux pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique, dont ceux de la ZSP, et aux pays émergents, qu'il s'agisse d'aide au développement ou pas.
Pour répondre à cette critique, le ministère des affaires étrangères a présenté cette année une modification de l'architecture des programmes 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement »
La nouvelle maquette s'articule autour de deux programmes :
- un programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » déclinant des regroupements par secteurs d'activités : « Coopération culturelle et promotion du français », « Attractivité et recherche », « Enjeux globaux », « subvention à l'AEFE » ;
- un programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », décliné par canal de coopération. Il distingue ainsi la coopération bilatérale, multilatérale et communautaire, selon une logique proche de celle du programme 110 « Aide économique et financière au développement ».
Ainsi, le programme 209 est désormais ventilé en 4 actions :
- action 2 « coopération bilatérale », scindée en deux sous-actions : la première regroupant les interventions dans le domaine de la gouvernance mises en oeuvre directement par le MAEE, la seconde incluant tous les autres secteurs définis comme prioritaires par le CICID ;
- action 5 « coopération multilatérale » ;
- action 7 « coopération communautaire » ;
- action 8 « dépenses de personnel » qui regroupe l'ensemble du titre 2 du programme qui était auparavant réparti entre les différentes actions.
Vos rapporteurs se félicitent de cette réforme qui appelle cependant deux remarques.
On constate que le programme 185 contient une action « enjeux globaux et OMD ». La seule fois où il sera fait référence aux Objectifs du Millénaires pour le Développement (OMD), dans les documents budgétaires de la loi de finances, ce sera donc dans un programme qui ne figure pas dans la mission « Aide au développement ».
Il semble, par ailleurs, que la répartition des emplois ETP ait été maintenue selon l'ancienne répartition, ce qui rend moins cohérente la frontière entre les programmes 209 et 185.
Votre commission se félicite néanmoins de cet effort de clarification.
Elle insiste sur la nécessité d'avoir, lors de la présentation du budget, des données rétrospectives qui permettent de mesurer les évolutions sur plusieurs années au-delà des effets de périmètres qu'entraîne toute refonte de la maquette.