2. L'ACOSS : le retour à la normale après une année 2010 marquée par un plafond d'avances historique (article 33)
L'article 33 du présent projet de loi de financement propose de fixer le plafond d'avances de l'ACOSS pour 2011 à 20 milliards d'euros. Ceci constitue un retour à la normale dont il convient de se féliciter.
a) Le principe
Aux termes de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale, « l'équilibre financier de chaque branche est assuré par la caisse chargée de le gérer ». Cette règle détaille les contraintes pesant sur le recours à l'emprunt par les régimes obligatoires de base ou les organismes concourant à leur financement pour couvrir leurs besoins de trésorerie.
La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale précise ainsi que la loi de financement arrête la liste des entités habilitées à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.
La référence aux besoins de trésorerie montre qu'en principe, ce dispositif doit servir à couvrir les décalages temporaires entre dépenses et encaissements.
Or, comme en témoigne l'année 2010, le dispositif peut être détourné de ses objectifs initiaux. Ainsi, loin de combler un déséquilibre passager des finances sociales, les plafonds d'avances de l'ACOSS sont utilisés pour refinancer à court terme une dette qui fait ensuite l'objet d'un refinancement à long terme opéré par la CADES. Contrairement à cette dernière, l'ACOSS n'amortit pas les déficits mais elle a l'avantage, pour les gouvernements successifs de permettre de différer les reprises de dette, qui depuis 2005, doivent être financés par de nouvelles ressources.
b) La gestion exceptionnelle de 2010
(1) Un plafond historique...
Les déficits nés de la crise en 2009 et 2010 ont été financés en 2010 par des avances de trésorerie de l'ACOSS et donc par l'emprunt à court terme. La loi de financement pour 2010 a ainsi fixé le plafond d'avances de l'ACOSS à 65 milliards d'euros. Ce niveau d'avances historique correspond au double du plafond 2009 revalorisé de 10 milliards d'euros en cours d'année.
La solution choisie par le Gouvernement cette année ne pouvait toutefois être rééditée en 2011. En effet, que ce soit pour des raisons pratiques ou de principe, le financement par l'ACOSS de tels montants de déficits ne peut être qu'exceptionnel :
- plus aucun bénéfice ne peut être espéré d'une baisse des taux d'intérêt à court terme , ceux-ci ayant atteint un plancher. Au contraire, on pourrait craindre leur remontée, qui se traduirait par un accroissement des frais financiers ;
- le niveau particulièrement élevé du plafond d'avances conduit l'ACOSS à diversifier son financement ou à renégocier des dispositifs existants, ce qui se révèle délicat ;
- la multiplication de sources de financement ne signifie pas pour autant la possibilité de couvrir n'importe quel niveau de besoin de trésorerie . Selon les informations communiquées par l'ACOSS, le niveau maximal d'avances pouvant être consenties par l'agence dans des conditions sécurisées est de 70 milliards d'euros .
(2) Qui a permis à l'ACOSS d'assurer le financement des déficits des années 2009 et 2010
Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le plafond d'avances s'est révélé « confortable » puisque le point bas de trésorerie serait atteint à la fin de l'année avec une besoin de financement de 52 milliards d'euros. Le solde moyen de trésorerie s'est élevé à -33,9 milliards d'euros.
Trésorerie de l'ACOSS au cours de l'année 2010
2008 |
2009 |
2010 (p) |
|
Point haut annuel de trésorerie |
-9,4 Md€
|
+4,0 Md€
|
-14,6 Md€
|
Point bas annuel de trésorerie |
-31,5 Md€
|
-24,1 Md€
|
-52,0 Md€
|
Solde moyen de trésorerie |
-21,2 Md€ |
-12,2 Md€ |
-33,9 Md€ |
Frais financiers |
-832 M€ |
-96 M€ |
-307 M€ |
(p) : données prévisionnelles pour l'année 2010
Afin de couvrir en 2010 les déficits des caisses du régime général et du FSV, l'ACOSS a eu recours à l'ensemble des moyens mis à sa disposition.
Dans le schéma exceptionnel de financement de l'ACOSS fixé pour 2010, la CDC participe à hauteur de 31 milliards d'euros, structurés comme suit :
- un prêt fixe à un an de 20 milliards d'euros, composé de deux tranches. Ce prêt fixe a fait l'objet d'une convention ACOSS-CDC ;
- des avances conventionnelles pour un montant maximum de 11 milliards d'euros, dans les conditions de l'avenant de juillet 2009.
Compte tenu de l'importance des besoins de trésorerie de l'ACOSS, le recours aux avances CDC a de nouveau fortement augmenté. L'encours journalier moyen des avances CDC s'élève ainsi à 20,2 milliards d'euros depuis le début de l'année. A fin juillet 2010, les concours CDC représentaient 72 % du volume total de financement de l'ACOSS depuis le 1 er janvier. Néanmoins, eu égard à l'amélioration du profil de trésorerie de l'ACOSS sur la fin d'année 2010, en raison d'une reprise économique plus vigoureuse qu'envisagée lors de la LFSS pour 2010, la CDC a informé l'ACOSS par courrier du 30 juin 2010 de la réduction progressive de sa ligne de trésorerie de 11 milliards d'euros à 5 milliards à partir de juillet 2010.
Les charges nettes annuelles liées aux financements CDC serait de 302 millions d'euros.
L'ACOSS a également eu recours à différents instruments de marché :
- en application de l'article 38 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, l'ACOSS est autorisée à émettre des billets de trésorerie . En 2010, conformément à sa feuille de route du 4 mars adressée par le directeur de cabinet du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, l'ACOSS a procédé au relèvement du plafond de son programme de billets de trésorerie à la Banque de France de 11,5 milliards d'euros à 25 milliards d'euros 1 ( * ) . La notation du programme demeure inchangée et reste équivalente à celle de l'Etat. L'encours journalier moyen de billets trésorerie depuis le 1 er janvier 2010 s'élève ainsi à 7,6 milliards d'euros, avec un encours maximum de 15 milliards d'euros en août 2010. Les taux d'intérêts étant toujours à des niveaux très faibles, les prix des billets émis par l'ACOSS restent attractifs ;
- l'ACOSS a également procédé en 2010 à l'ouverture d'un programme de « Papier commercial Euro » (ECP) d'un montant maximal de 20 milliards d'euros , avec l'assistance technique de l'Agence France Trésor. Un mandat de gestion a été signé entre les deux entités le 17 février pour une durée de deux ans, associé à un cahier de procédures détaillant les modalités de mise en oeuvre du programme (échange d'information, procédures opérationnelles, limites de risque, reporting). L'encours des titres émis était de 6 milliards d'euros au 6 octobre dernier. A ce jour, les émissions ont été réalisées essentiellement en dollar (65 %), en livre sterling (16 %) et en euro (11 %). Pour les papiers émis en devises, le risque de change est totalement neutralisé à l'émission par l'utilisation d'instruments de couverture. La maturité moyenne des papiers commerciaux émis s'établit à 100 jours ;
- en plus de ses émissions de billets de trésorerie sur les marchés, l'ACOSS place des billets auprès d'autres acteurs publics.
Ainsi, l'Agence France Trésor (AFT) a, dans une logique d'optimisation de la gestion des trésoreries publiques, réalisé en 2008 et 2009 plusieurs opérations ponctuelles d'achat de billets de trésorerie (de 2 à 5 milliards d'euros) pour faire face aux points les plus bas du profil de trésorerie ACOSS. Pour 2010, l'Etat peut participer au financement de l'ACOSS à hauteur de 5 milliards d'euros.
De plus, les efforts de mutualisation des trésoreries sociales conduisent depuis la fin 2008 à l'achat de billets de trésorerie émis par l'ACOSS par différents acteurs de la sphère sociale qui enregistrent des excédents de trésorerie . Ainsi, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), les régimes complémentaires du RSI, ou encore les excédents de trésorerie saisonniers lors du recouvrement de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) 2 ( * ) , participent au financement des besoins de trésorerie de l'ACOSS depuis le 1 er janvier 2010 à hauteur de 9% du volume total de ses financements (contre 4 % en 2009).
Certains acteurs de la sphère sociale enregistrant des excédents de trésorerie peuvent également réaliser des dépôts de trésorerie auprès de l'ACOSS, contre rémunération . L'article L. 225-1-3 du code de la sécurité sociale, introduit par l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, autorise les régimes obligatoires de base autres que le régime général et les organismes et fonds visés au 8° du III de l'article LO. 111-4 à déposer tout ou partie de leurs disponibilités auprès de l'ACOSS contre rémunération. Les modalités de dépôt sont fixées par une convention soumise à l'approbation des ministres de tutelles. Cet article vis à améliorer la gestion de la trésorerie des différentes administrations publiques en coordonnant les disponibilités et les besoins de chacun.
En application de la LFSS pour 2009, le décret n° 2009-882 du 21 juillet 2009 relatif à la trésorerie des organismes de sécurité sociale et des organismes en relation avec l'ACOSS a adapté les textes relatifs à l'organisation financière de plusieurs établissements et fonds (CNSA, FSV, EPRUS et FIVA). Ces organismes correspondent aux partenaires identifiés comme prioritaires en raison à la fois de l'étroitesse de leurs liens financiers avec le régime général, et de l'ampleur de leurs disponibilités.
Une première convention a été signée entre la Haute autorité de santé (HAS) et l'ACOSS le 8 juillet 2009. Cette convention définit les modalités de dépôt auprès de l'ACOSS d'une partie des disponibilités de la HAS relatives aux encaissements de la « taxe laboratoire » 3 ( * ) , les conditions de tirages, ainsi que la rémunération des montants déposés. Le bon déroulement des opérations de l'année 2009 a conduit à confirmer le dispositif en 2010 dans un avenant signé le 14 avril 2010.
En ce qui concerne la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), une première mutualisation de trésorerie a été réalisée dès la fin d'année 2008 par l'intermédiaire des BT émis par l'ACOSS. Pour 2010, par courrier des directeurs de cabinet des ministres de tutelle du 4 janvier, la CNSA a reçu instruction d'effectuer un placement « socle » d'un milliard d'euros auprès de l'ACOSS, sous forme de billets de trésorerie ou de dépôt à terme pour une durée d'un an. Une convention CNSA a donc été signée le 13 avril 2010 pour 800 millions d'euros. Les 200 millions d'euros restants ont été placés en BT ACOSS.
Concernant le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), des réflexions ont été menées quant à l'optimisation de la gestion de sa trésorerie en relation avec le régime général. Pour des raisons opérationnelles, une solution alternative provisoire a été préférée à un dépôt de trésorerie auprès de l'ACOSS. Le FSV verse désormais en priorité les excédents de trésorerie dont il dispose à l'ACOSS en remboursement de la CNAV.
S'agissant enfin de la convention financière entre l'Etat et l'ACOSS signée le 4 mars 2008, l'année 2009 a confirmé les bonnes pratiques de 2008. En 2010, mis à part une échéance de remboursement d'exonérations ciblées le 15 septembre 2010 (pour environ 500 millions d'euros), la convention a été respectée par l'Etat. Pour mémoire, cette convention précise les dates et les montants des versements effectués par l'Etat au bénéfice du régime général de sécurité sociale au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales. Elle inclut également les modalités de versements des crédits affectés au remboursement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), ainsi que l'allocation parent isolé.
* 1 Dont 15 Md€ au maximum auprès de prêteurs privés.
* 2 Compte tenu des dates de recouvrement et d'acomptes, la trésorerie relative à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) devrait permettre à l'ACOSS de bénéficier d'un apport de 1,7 Md€, avec un maximum de 3 Md€ à 4 Md€ de juin à octobre 2010.
* 3 La HAS reçoit en effet 10 % du produit de la contribution prévue à l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale.