3. Des verrous à faire sauter
Outre des contraintes liées à leur isolement géographique, les collectivités qui forment l'outre-mer français sont marquées par une situation de dépendance économique aggravée par l'existence de monopoles de fait.
Il n'est que d'évoquer la desserte aérienne de certains territoires. La Guyane n'a ainsi, jusqu'en décembre 2008, été desservie depuis la métropole que par une seule compagnie aérienne.
Il faut aussi souligner la situation en matière de télécommunications. La Réunion et Mayotte, par exemple, ne sont reliées que par un câble sous-marin unique : faute de concurrence véritable, les conditions tarifaires d'accès à cet équipement peuvent avoir tendance à être fixées de manière abusive par son exploitant.
De manière plus générale, l'absence d'une concurrence réelle et saine dans plusieurs secteurs de l'économie des collectivités ultramarines, alliée à la situation d'isolement géographique de ces territoires, y explique la cherté des prix .
Les populations d'outre-mer subissent ainsi des atteintes particulièrement flagrantes à leur pouvoir d'achat, résultant d'ententes illicites ou d'abus de position dominante entre compagnies pétrolières, qui renchérissent le prix du carburant à la pompe de près de 30 %, 10 ( * ) ou entre grandes enseignes de distribution, qui ont pour conséquence d'offrir des produits de première nécessité à des prix dépassant parfois de 50 % ceux de la métropole.
Votre rapporteur pour avis avait saisi de cette question, dès 2006, la commissaire européenne chargée de la politique de concurrence, Mme Neelie Kroes, mais s'était vu répondre que cette situation, bien qu'elle mette en évidence un marché ne fonctionnant pas de manière optimale, ne semblait pas tomber sous le coup des interdictions formulées par le droit communautaire.
Pour autant, il n'est pas acceptable que, dans des territoires où le revenu par habitant est sensiblement inférieur à la métropole, le niveau des prix soit, à l'inverse, notablement supérieur.
Aussi votre rapporteur ne peut-il que se féliciter que la commission des finances ait retenu, dans le texte qu'elle a adopté, les dispositions figurant dans sa récente proposition de loi 11 ( * ) tendant à mettre en oeuvre dans les départements d'outre-mer un mécanisme de réglementation des prix de certains produits de première nécessité, après avis de l'Autorité de la concurrence. L'article L. 410-2 du code de commerce autorise en effet l'Etat, par décret en Conseil d'Etat, à réglementer les prix dans certaines situations où la concurrence sur les prix est limitée. Telle est bien la situation des collectivités ultramarines.
En réalité, le modèle économique de l'outre-mer souffre non de simples difficultés conjoncturelles, mais bien de problèmes de nature structurelle.
Il est essentiel de s'engager dans une remise à plat de ce modèle économique , laquelle ne pourra intervenir qu'au terme d'un examen approfondi de la situation de l'outre-mer et dans une concertation réelle entre les acteurs économiques, sociaux et politiques locaux. Telle semble être la voie engagée par le Gouvernement avec la mise en place programmée d'états généraux que votre rapporteur pour avis soutient pleinement.
Dans ce contexte, la création également annoncée par le président de la République d'un comité interministériel pour l'outre-mer permettra sans doute d'assurer que l'ensemble des actions de l'Etat en faveur de l'outre-mer seront réévaluées afin de les rendre plus cohérentes et mieux à même d'assurer leur essor dans la République.
Il en est de même de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer que le Sénat a décidé de constituer le 4 mars 2009, qui aura pour objet d'examiner les solutions qui peuvent être apportées en matière économique, sociale et institutionnelle à la crise structurelle que traversent les départements d'outre-mer.
* 10 Voir la question orale de votre rapporteur pour avis au secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, le 23 janvier 2009, JO Sénat, p. 747.
* 11 Proposition de loi n° 221 (2008-2009) portant encadrement des prix de cent produits de première nécessité dans les départements d'outre-mer.