II. DES MAISONS D'ARRÊT À L'ÉPREUVE
A. L'AUGMENTATION PRÉOCCUPANTE DE LA POPULATION PÉNALE
Au 1 er octobre 2008, le nombre des personnes écrouées détenues en métropole et outre-mer s'élevait à 63.185 contre 61.063 au 1 er octobre 2007 (soit une augmentation de 5 %) parmi lesquelles :
- 16.738 prévenus (contre 17.546 au 1 er octobre 2007) soit 26,4 %,
- 2.211 femmes (contre 2.298 au 1 er octobre 2007), soit 3,4 %,
- 697 mineurs (contre 657 au 1 er octobre 2007), soit 1,1 %.
Par ailleurs, à la même date, 3.527 personnes étaient placées sous écrou mais non détenues (contre 2.437 au 1 er octobre 2007) parmi lesquelles 3.041 sous surveillance électronique et 486 en placement extérieur.
L'évolution des législations pénales : quel impact ?
Comme en 2007, la progression de la population pénale est entièrement imputable à l'augmentation du nombre des personnes condamnées puisqu'au contraire, le nombre de prévenus continue de baisser.
Il reste délicat de déterminer la part qui, dans ces évolutions, revient aux évolutions de la législation pénale. L'effet des peines plancher introduites par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs demeure en particulier difficile à apprécier. Selon les statistiques du ministère de la justice, au 1 er juillet 2008, sur 10.789 décisions prises par les tribunaux à l'encontre des récidivistes majeurs, les peines minimales d'emprisonnement ont été prononcées dans 51 % des cas en première instance et dans 65 % des cas en appel. Elles sont prononcées majoritairement en matière d'atteintes aux personnes (67 % d'application pour les violences conjugales et 63 % pour les violences aggravées). Cependant la peine plancher ne donne pas nécessairement lieu à une détention : d'une part, parce qu'elle peut faire l'objet, selon les antécédents du condamné, d'un sursis total ou seulement partiel, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général ; d'autre part, parce que même lorsqu'une peine d'emprisonnement ferme a été prononcée, celle-ci peut faire l'objet d'une mesure d'aménagement-semi-liberté, placement extérieur ou placement sous surveillance électronique- dès lors que la peine ferme est inférieure à un an. Or, les éléments communiqués par la Chancellerie ne permettent pas d'appréhender parmi les peines plancher prononcées celles qui font l'objet d'un emprisonnement ferme sans aménagement.
La baisse, en matière correctionnelle, du nombre de prévenus peut-elle, quant à elle, être attribuée à la suppression du critère lié au motif d'ordre public pour justifier la détention provisoire à la suite de la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale ? Ou bien ce recul s'explique-t-il plus généralement par la plus grande circonspection des magistrats à ordonner une détention provisoire dans le contexte de l'« après-Outreau » ? Il est sans doute encore trop tôt pour se prononcer.
Comme le rappelle le dernier rapport de la Commission de suivi de la détention provisoire, sur la base de constats opérés en 2007- avant que la loi du 5 mars 2007 n'ait vraiment pu produire ses effets- la « baisse des entrées en détention provisoire s'accompagne de l'augmentation continue de la durée de celle-ci, qui efface les effets de la baisse du flux. La durée moyenne de la détention provisoire est désormais de 5,7 mois (pour les prévenus finalement condamnés) soit deux mois de plus qu'il y a vingt ans. Les détentions provisoires de très longue durée ne cessent de croître (16,8 mois en moyenne pour les majeurs renvoyés en cour d'assises) ». La durée de la détention provisoire demeure largement tributaire de l'organisation de la justice pénale -et en particulier de l'allongement des durées d'instruction et des délais d'audiencement.
Une forte proportion de peines courtes
Les données concernant les personnes condamnées confirment deux évolutions :
- la première, observée depuis le début de la décennie, se traduit par le raccourcissement du quantum des peines prononcées : les condamnés écroués pour une peine correctionnelle inférieure à trois ans représentent 37 % du nombre de condamnés contre 29,4 % en 2003 alors que ceux condamnés pour une peine égale ou supérieure à cinq ans sont passés de 23,2 % en 2003 à 17,5 % au 1 er janvier 2008. La durée moyenne de détention (population moyenne de détenus rapportée aux entrées de détenus sur douze mois) est très stable depuis 2003, s'établissant à 8,4 mois ;
- la seconde évolution plus récente touche à la nature de l'infraction commise : désormais les violences sur les personnes (22 %) prévalent sur les viols et autres agressions sexuelles (17,6 %). Suivent les infractions à la législation sur les stupéfiants (13,6 %), les vols qualifiés (9,4 %) et les crimes de sang (8,6 %).
La baisse du nombre de condamnés pour infractions sexuelles -dont l'âge moyen est plus élevé que pour les autres catégories d'infractions- explique aussi l'arrêt du phénomène de vieillissement de la population depuis 2005. De 1997 jusqu'à cette date la part des personnes écrouées de plus de 30 ans était passée de 53 à 56 %. Elle s'établit à 54,9 % au 1 er janvier 2008.
Les personnes âgées de plus de 50 ans représentent cependant 11,3 % de la population écrouée hébergée. Cette part est surreprésentée dans des établissements tels le « vieux » centre de détention de Liancourt, hébergeant une forte majorité de délinquants sexuels.