C. LE CHANTIER DE LA RESTRUCTURATION DU RÉSEAU CULTUREL ET DE COOPÉRATION
1. La rationalisation du réseau culturel ne doit pas être guidée par un pur objectif de réduction des coûts
a) Le rééquilibrage géographique doit être prudent et répondre à des objectifs géostratégiques clairement définis
Dans son discours prononcé à l'occasion de la XV e Conférence des ambassadeurs de notre pays (27-29 août 2007), le ministre des affaires étrangères et européennes a annoncé que le maintien du principe d'universalité de la présence française à l'étranger serait pondéré par une modularité en fonction des réalités locales. Trois types d'ambassades se sont alors dessinés : les ambassades polyvalentes, réservées aux pays à fort enjeu géostratégique (principalement les pays de l'OCDE et les pays émergents) ; les ambassades intermédiaires ; les missions ponctuelles et spécifiques.
Le réseau culturel semble suivre, dans son rééquilibrage géographique, une évolution parallèle à celle du réseau consulaire, à savoir une réduction des implantations en Europe accompagnée d'un redéploiement vers les pays émergents.
De 1999 à 2007, le nombre d'établissements culturels en Europe occidentale est passé de 52 à 33 ; à titre d'exemple, 14 établissements ont été fermés en Allemagne. La modernisation du dispositif culturel en Europe, désormais recentré sur des missions d'influence, a été approfondie depuis 2004 à la suite d'un audit mené conjointement par l'Inspection générale des affaires étrangères (IGAE) et la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) à la demande du secrétaire général du ministère des affaires étrangères et européennes. Les fermetures d'établissements ont été effectuées soit au profit d'un consulat général à gestion simplifiée regroupant l'essentiel de leurs fonctions (Séville, Bilbao), soit au profit d'autres établissements à autonomie financière dans le même pays (Porto, au Portugal), soit au profit d'autres formules plus adaptées (en Allemagne, des chargés de mission sont affectés auprès des présidences de Land).
Partout où les EAF ne constituent pas un pôle majeur d'influence, du fait de la richesse du tissu culturel ou scientifique local, leur format est modifié de par l'externalisation de leurs activités au sein de structures du pays d'accueil. C'est également le cas lorsque les activités d'un EAF ne sont pas complémentaires d'alliances françaises locales. Les véritables « doublons » (cependant assez rares) ont vocation à disparaître. Les EAF ainsi « allégés » se concentrent dès lors sur la promotion de l'enseignement supérieur français, la mise en oeuvre de la diversité culturelle, l'ingénierie culturelle, le débat d'idées, les cours de français spécialisés et autres sujets à plus forte valeur ajoutée.
En revanche, particulièrement dans les pays en développement, les instituts culturels et de recherche ont vocation à rester les pôles majeurs qu'ils sont déjà, même si une partie assez conséquente de leurs missions s'effectue « hors les murs ».
Votre rapporteur pour avis n'est pas convaincu par l'argument selon lequel la présence de centres culturels dans l'ex-Europe des 15 ne serait plus justifiée, dès lors que le centre de gravité de l'Europe tend à se déplacer de plus en plus vers l'Est. Il s'inquiète en particulier des fermetures massives de centres culturels en Allemagne qui assuraient, pourtant, une part significative de la coopération franco-allemande dans le domaine culturel.
L'encouragement de la mise en place d'établissements en co-localisation avec nos partenaires de l'Union européenne peut être envisagé comme une alternative permettant de renouveler la coopération culturelle entre États membres. À cet égard, il convient de souligner que la collaboration avec les Allemands est beaucoup plus poussée qu'avec les Britanniques, les Espagnols ou les Italiens. Il existe ainsi des établissements culturels franco-allemands à Ramallah, Glasgow, Luxembourg, Santa Cruz de la Sierra, Niteroi, Harare et Lahore.
Au-delà des objectifs différenciés par grandes zones, votre rapporteur pour avis reste persuadé qu'il est indispensable de décliner, par continent voire par pays dans certains cas, notre politique de rééquilibrage géographique en prévoyant des adaptations et des politiques plus ciblées qui tiennent compte des réalités locales. La réduction du nombre de nos établissements culturels ne saurait constituer en soi-même une politique. Il est nécessaire de fixer des objectifs géostratégiques clairs à l'appui de notre politique de rééquilibrage géographique du réseau culturel.
Aussi faut-il se poser la question de savoir, en ce qui concerne l'Europe, dans quelle mesure le réseau culturel français peut contribuer à l'émergence d'une vraie politique culturelle européenne. De même, notre approche du continent africain mériterait d'être révisée en profondeur pour tenir compte de l'évolution du rapport de forces géopolitique dans la région, du fait notamment de la présence d'autres partenaires européens, de l'intérêt croissant manifesté par la Chine pour l'Afrique et de la perspective d'une présence renforcée des États-Unis. La même démarche doit être envisagée en ce qui concerne le développement de notre réseau en Chine, en Inde et dans le continent sud-américain.